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 UNIVERSITE DE CERGY-PONTOISE Année 2011-2012 Master I Droit privé – Procédure pénale Cours de Mme D. Luciani-Mien Travaux dirigés (P. Le Monnier de Gouville) Séance n° 6 – La garde à vue Exercices : - commentaire d’arrêt : Cass., crim., 15 décembre 2010, n° 10-83.674 - « chr onique judiciai re » : il est demandé à l’étu diant de retracer la chronologie des décisions de  jurisprudence en la matière qui se sont multipliées à échéances rapprochées au cours de ces toutes dernières annnées (« années cycloniques », selon M. A. Maron). Documents : - Doc. 1 - Cons. Const., 18 novembre 2011, déc. N° 2011-191 - J.-B. PERRIER, « Garde à vue II : l'excès de  pragmatisme du Conseil constitutionnel, garant de la non-méconnaissance des droits fondamentaux », AJ pén. 2012, p. 102 - Doc. 2 - Y. MULLER, « La réforme de la garde à vue ou la figure brisée de la procédure pénale française »,  Dr ; pén. 2011, n° 2, étude 2 - Doc. 3 - O. CLERC « Le juge des libertés et de la détention et la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue », Gaz. Pal , 07 juillet 2011 n° 188, p. 29 - Do c. 4 - S. BONICHOT , « Ga rde à vu e : le tir cr oi de s cont les jur idi ct ion ne ls »,  LPA, 09 septembre 2011 n° 180, p. 6 - Doc . 5 - J. PRADEL, « Que l(s) mag istr at( s) pou r con trô ler et pro lon ger la gar de à vue ? Vers une convergence entre la Cour de Strasbourg et la chambre criminelle de la Cour de cassation »,  D. 2011,  p. 338 - Doc. 6 – Cass. crim., 15 décembre 2010 ; n° 10-83.674 - Doc. 7 - F. FOURMENT, « Après l'affaire  Moulin (CEDH, 5 e sect., 23 nov. 2010), encore du grain à moudre », D. 2011, p. 26

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UNIVERSITE DE CERGY-PONTOISE

Année 2011-2012

Master I Droit privé – Procédure pénale

Cours de Mme D. Luciani-MienTravaux dirigés (P. Le Monnier de Gouville)

Séance n° 6 – La garde à vue

Exercices :

- commentaire d’arrêt : Cass., crim., 15 décembre 2010, n° 10-83.674- « chronique judiciaire » : il est demandé à l’étudiant de retracer la chronologie des décisions de jurisprudence en la matière qui se sont multipliées à échéances rapprochées au cours de ces toutesdernières annnées (« années cycloniques », selon M. A. Maron).

Documents :

- Doc. 1 - Cons. Const., 18 novembre 2011, déc. N° 2011-191 - J.-B. PERRIER, « Garde à vue II : l'excès de pragmatisme du Conseil constitutionnel, garant de la non-méconnaissance des droits fondamentaux »,  AJ pén.2012, p. 102

- Doc. 2 - Y. MULLER, « La réforme de la garde à vue ou la figure brisée de la procédure pénale française », Dr ; pén. 2011, n° 2, étude 2

- Doc. 3 - O. CLERC « Le juge des libertés et de la détention et la loi du 14 avril 2011 relative à la garde àvue », Gaz. Pal , 07 juillet 2011 n° 188, p. 29

- Doc. 4 - S. BONICHOT, « Garde à vue : le tir croisé des contrôles juridictionnels »,  LPA,09 septembre 2011 n° 180, p. 6

- Doc. 5 - J. PRADEL, « Quel(s) magistrat(s) pour contrôler et prolonger la garde à vue ? Vers uneconvergence entre la Cour de Strasbourg et la chambre criminelle de la Cour de cassation »,  D. 2011, p. 338

- Doc. 6 – Cass. crim., 15 décembre 2010 ; n° 10-83.674

- Doc. 7 - F. FOURMENT, « Après l'affaire  Moulin (CEDH, 5e sect., 23 nov. 2010), encore du grain à

moudre », D. 2011, p. 26

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- Doc. 8 - G. ROUJOU de BOUBEE, « La réforme de la garde à vue, commentaire de la loi n° 2011-392 du14 avril 2011 », D. 2011 p. 1570Doc. 1 – J.-B. PERRIER, « Garde à vue II : l'excès de pragmatisme du Conseil constitutionnel, garant de la

non-méconnaissance des droits fondamentaux », AJ Pénal 2012 p. 102

Arrêt rendu par Conseil constitutionnel

18 novembre 2011n° 2011-191

Sommaire :

À ceux qui se demandaient si l'existence d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori conduirait à plus devigilance, notamment par un recours plus systématique au contrôle a priori, le législateur du 14 avril 2011 arépondu par la négative en ne transmettant pas au Conseil la loi relative à la garde à vue avant son entrée envigueur. Un tel « oubli » exposait alors les nouvelles dispositions aux vicissitudes de la question prioritaire deconstitutionnalité, et dès le 1er  juin, de nouveaux mémoires ont été déposés, conduisant tant le Conseil d'État, par une décision du 23 août 2011, que la Chambre criminelle, par plusieurs décisions du 6 septembre 2011, à saisir le juge constitutionnel du nouveau régime applicable à la garde à vue.

Le Conseil constitutionnel devait, une nouvelle fois, examiner les dispositions applicables au régime de droitcommun et vérifier si les exigences rappelées le 30 juillet 2010 avaient été respectées, assurant en quelque sortele « service après-vente » de sa jurisprudence. Les critiques soulevées étaient nombreuses, portant notammentsur la possibilité de l'officier de police judiciaire de s'opposer aux questions posées par l'avocat au cours del'audition, ou d'y mettre fin pour demander au procureur de saisir le bâtonnier pour la désignation d'un autreavocat, ou encore sur la possibilité, sur autorisation du procureur, de commencer l'audition sans attendrel'expiration du délai de deux heures prévu pour permettre l'arrivée de l'avocat, voire de reporter l'intervention del'avocat après l'expiration d'un délai de douze heures, vingt-quatre heures sur autorisation du juge des libertés etde la détention, ou enfin sur l'impossibilité pour l'avocat d'avoir accès au dossier, au-delà des seuls procès-verbaux de placement en garde à vue et de notification des droits et, le cas échant, du certificat médical.

Avant de répondre à ces différentes critiques, le Conseil procède à l'examen de l'article 62 du code de procédure pénale et vient réglementer, par une réserve d'interprétation, l'audition libre, qu'il redécouvre lui-même : (1)

Texte intégral :

« Si le respect des droits de la défense impose, en principe, qu'une personne soupçonnée d'avoir commis uneinfraction ne peut être entendue, alors qu'elle est retenue contre sa volonté, sans bénéficier de l'assistanceeffective d'un avocat, cette exigence constitutionnelle n'impose pas une telle assistance dès lors que la personnesoupçonnée ne fait l'objet d'aucune mesure de contrainte et consent à être entendue librement ; »

« [...] toutefois, le respect des droits de la défense exige qu'une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, avantson audition ou au cours de celle-ci, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tentéde commettre une infraction pour laquelle elle pourrait être placée en garde à vue, ne puisse être entendue oucontinuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date del'infraction qu'on la soupçonne d'avoir commise et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police oude gendarmerie ; [...] sous cette réserve applicable aux auditions réalisées postérieurement à la publication de la

 présente décision, les dispositions du second alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale ne méconnaissent pas les droits de la défense. »

(1) Cette réserve faite, le Conseil vient valider, point par point, le nouveau régime mis en place par les articles63-3-1 et 63-4 à 63-4-5 :

- Sur l'accès au dossier, le Conseil commence par rappeler que « les dispositions contestées n'ont pas pour objetde permettre la discussion de la légalité des actes d'enquête ou du bien-fondé des éléments de preuve rassemblés

 par les enquêteurs, qui n'ont pas donné lieu à une décision de poursuite de l'autorité judiciaire et qui ont vocation,

le cas échéant, à être discutés devant les juridictions d'instruction ou de jugement ; qu'elles n'ont pas davantage pour objet de permettre la discussion du bien-fondé de la mesure de garde à vue enfermée par la loi dans un délaide vingt-quatre heures renouvelable une fois ; que, par suite, les griefs tirés de ce que les dispositions contestées

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relatives à la garde à vue n'assureraient pas l'équilibre des droits des parties et le caractère contradictoire de cette phase de la procédure pénale sont inopérants ».

Il observe alors que « compte tenu des délais dans lesquels la garde à vue est encadrée, les dispositions del'article 63-4-1 qui limitent l'accès de l'avocat aux seules pièces relatives à la procédure de garde à vue et auxauditions antérieures de la personne gardée à vue assurent, entre le respect des droits de la défense et l'objectif de

valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pas déséquilibrée ».

- S'agissant de la possibilité de passer outre le délai de deux heures, le Conseil considère que « en permettantque, sur autorisation écrite et motivée du procureur de la République, l'audition puisse commencer avantl'expiration du délai de deux heures lorsque les nécessités de l'enquête exigent une audition immédiate de la

 personne, le législateur a assuré, entre le droit de la personne gardée à vue à bénéficier de l'assistance d'un avocatet l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation qui n'est pasdéséquilibrée ».

- Sur le report de douze ou vingt-quatre heures, le Conseil valide cette possibilité, « eu égard aux cas et auxconditions dans lesquels elle peut être mise en oeuvre, la faculté d'un tel report assure, entre le respect des droitsde la défense et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, une conciliation quin'est pas déséquilibrée ».

- Enfin, sur le filtre des questions posées par l'avocat, le Conseil considère que la disposition critiquée « permet àl'avocat de présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées ; quel'avocat peut également adresser ses observations écrites directement au procureur de la République pendant ladurée de la garde à vue [...] ; ces dispositions ne méconnaissent ni les droits de la défense ni aucun autre droit ouliberté que la Constitution garantit ».

Il est des décisions attendues qui laissent un goût amer, celles relatives à la garde à vue semblent coutumières dufait. À cet égard, les deux pans de l'analyse du Conseil constitutionnel dans cette décision du 18 novembre 2011appellent deux observations et invitent à la réflexion sur le rôle du Conseil.

S'agissant des articles 63 et 63-4 à 63-4-5, le Conseil délivre un label de conformité, là où pourtant, les critiquesn'apparaissaient pas illégitimes. Il est vrai que chacune des différentes dispositions assure entre le respect des

droits de la défense et l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, « uneconciliation qui n'est pas déséquilibrée », selon la formule employée par le Conseil. La formule n'est pasnouvelle, mais, ici, elle interpelle : ces dispositions assurent-elles pour autant un équilibre entre les exigencesrappelées ? Il n'est pas certain que l'équilibre soit aussi stable que l'exigerait la conciliation des droits et objectifsà valeur constitutionnelle. La différence est ténue, mais le changement de point de vue est pourtant important. Eneffet, plus que la recherche d'un équilibre, le Conseil s'attache à la recherche d'une absence de déséquilibre,objectif peut-être plus simple à atteindre. Surtout, ce paradigme choisi pourrait inviter à reconsidérer le rôle duConseil. Plus qu'un garant de la conformité des lois aux droits et libertés que la Constitution protège, le Conseilconstitutionnel semble s'inscrire comme un garant de l'absence de non-conformité aux droits et libertésfondamentaux. La formule est peut-être alambiquée, mais elle n'est que le reflet de la réalité du contrôle opéré

 par le Conseil des différentes dispositions ici critiquées.

Au-delà des mutations supposées du rôle du juge constitutionnel, le découpage opéré par le Conseil est peut-êtreregrettable. Si l'on peut reconnaître que, prises isolément, ces différentes dispositions assurent une conciliationentre ces exigences contradictoires qui n'est pas déséquilibrée, le système, pris dans son ensemble, n'est-il paslui-même déséquilibré ? À n'en point douter, le législateur du 14 avril « a manifesté une réelle suspicion à l'égardde l'avocat » (E. Vergès, Garde à vue : le rôle de l'avocat au coeur d'un conflit de normes nationales eteuropéennes, D. 2011. 3005 ). En effet, si l'apparition de l'avocat au cours des auditions du gardé à vue ne

  pouvait être qu'une source de satisfaction, les différentes entorses à son intervention, permises par lesdispositions ici examinées, étaient « loin de rassurer pleinement quant au libre exercice des droits de la défense »(G. Roujou de Boubée, La réforme de la garde à vue, D. 2011. 1570 ). Début de l'audition sans attendrel'avocat, report de son intervention, limitation dans l'accès aux pièces de la procédure, filtre par l'OPJ desquestions posées au gardé à vue, etc. À l'évidence, le régime institué par la loi du 14 avril 2011 n'assurait pas unréel équilibre et semblait très en-deçà des consignes données par la Cour de Strasbourg, notamment dans l'arrêtSalduz , au point que certains n'hésitent pas, suite à la décision du 18 novembre, à encourager « les justiciables à

continuer de contester [...] le dispositif actuel applicable à la garde à vue, en invoquant utilement tous les principes consacrés par la jurisprudence européenne » (H. Matsopoulou, Les dispositions de la loi du 14 avril2011 sur la garde à vue déclarées conformes à la Constitution, D. 2011. 3034 ).

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Pourtant, l'on pouvait nourrir les plus grands espoirs après la décision du 30 juillet 2010, lorsque le jugeconstitutionnel exigeait l'assistance effective d'un avocat. Mais en réalité, le Conseil, par cette décision du 18novembre 2011, entérine la conception adoptée par le législateur de cette notion d'assistance : l'avocat assiste à lagarde à vue, bien plus qu'il assiste le gardé à vue.

Cette simple assistance, cette exigence résiduelle, vient pourtant d'être refusée au suspect qui y consent, par larésurrection de l'audition libre. La procédure d'audition libre, proposée par le législateur avant d'être retirée faceaux levées de boucliers des praticiens, devait permettre aux enquêteurs d'interroger un suspect, hors du régime dela garde à vue, donc sans l'assistance d'un avocat, si celui-ci y consentait. Le remède était alors pire que le mal,

 pour résoudre l'inconstitutionnalité de la garde à vue, le législateur proposait une non-garde à vue. L'on sefélicitait alors du retrait de cette mesure. Pourtant, le Conseil vient ici indiquer que l'audition libre est possible,sous réserve d'avoir notifié au suspect ses droits. La surprise est de taille, le juge constitutionnel, par une analyseassez téléologique de l'article 62, vient réglementer une procédure qui avait été supprimée du texte, car tropattentatoire aux libertés. Le Conseil viendrait-il lui-même faire reculer les droits des personnes gardées à vue ?Pour le garant du respect de la Constitution, cela serait inconcevable. Il faut, bien évidemment, dépasser lesapparences et rejeter cette critique un peu facile. En effet, si l'on y regarde de plus près, le nombre de gardes àvue a sensiblement baissé (certains chiffres font état d'une baisse de 30 % dès le premier trimestre suivantl'entrée en vigueur de la réforme). Le taux d'élucidation a, lui aussi, connu une légère baisse, avant de retrouver 

son rythme habituel, et même progresser au cours des derniers mois de l'année 2011 (notamment en octobre,d'après le bulletin mensuel de l'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales). Dès lors, ons'interroge, comment peut-on résoudre autant d'affaires, en plaçant moins souvent en garde à vue ? Serait-ce lesigne que le nombre des interpellations est resté constant ? Mais alors, que fait-on des suspects ? Serait-ce lesigne d'une « pratique officieuse » de l'audition libre ? Probablement, et malheureusement. Il ne s'agit pas ici dedénoncer les pratiques policières, d'autant qu'elles font apparaître que très souvent, la garde à vue n'est pas unenécessité. Mais face à ces pratiques, le choix était alors délicat pour le Conseil : fallait-il ignorer ces pratiques, etles laisser éventuellement se poursuivre sans aucune protection accordée au suspect, ou fallait-il les réglementer,au risque des les officialiser ? Le juge constitutionnel a préféré, par la réserve d'interprétation posée, donner uncadre à l'audition libre, preuve une nouvelle fois de son pragmatisme, évitant ainsi qu'elle puisse se développer au mépris des droits des personnes concernées. Il serait difficile de lui reprocher. Mais si la réserve est peut-êtreopportune, il n'appartenait pas au Conseil constitutionnel de sortir de son rôle de gardien de la Constitution, pour venir approuver l'audition libre pratiquée en toute illégalité, au lieu de la condamner. Si, une fois encore, cette

intervention permet peut-être un progrès des droits, elle le permet au sein d'une audition libre qui est, elle-même,un recul des droits.

Jean-Baptiste Perrier 

Doctrine : E. Vergès, Garde à vue : le rôle de l'avocat au coeur d'un conflit de normes nationales et européennes,D. 2011. 3005 ; H. Matsopoulou, Les dispositions de la loi du 14 avril 2011 sur la garde à vue déclaréesconformes à la Constitution, D. 2011. 3034 ; O. Bachelet, QPC « Garde à vue II » : de l'effectivité à la facilitédu droit à l'assistance d'un avocat, Gaz. Pal. 20-22 nov. 2011, p. 18 ; J. Pradel, La loi du 14 avril 2011 sur lagarde à vue réussit son examen de passage devant le Conseil constitutionnel, JCP 2011. 1452 ; J. Alix, Les droitsde la défense au cours de l'enquête de police après la réforme de la garde à vue : état des lieux et perspectives, D.2011. 1699 ; G. Roujou de Boubée, La réforme de la garde à vue, D. 2011. 1570   ; H. Matsopoulou, Lagarde à vue - Une réforme inachevée, JCP 2011. 542 ; M.-L. Rassat, À remettre sur le métier - Des insuffisancesde la réforme, Libres propos, JCP 2011. 632 ; E. Daoud, Garde à vue : faites entrer l'avocat, Constitutions, 2010.571  ; O. Bachelet, La garde à vue, entre inconstitutionnalité virtuelle et inconventionnalité réelle, Gaz. Pal. 4-5août 2010, p. 14 ; F. Fournié, Nouvelles considérations « huroniques », JCP G. 2010. 914 ; également le dossier consacré par l'AJ pénal n° 11/2010, Quelle réforme pour la garde à vue ?  - Jurisprudence : Cons. const. 30

 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, AJDA 2010. 1556 ; D. 2010.1928, entretien C. Charrière-Bournazel  ; ibid . 1949, point de vue P. Cassia  ; ibid . 2254, obs. J. Pradel ;ibid . 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid . 2783, chron. J. Pradel  ; ibid . 2011. 1713, obs. V. Bernaud et L. Gay

  ; GAPP, 7e éd. 2011, n° 27 ; AJ pénal 2010. 470, étude J.-B. Perrier ; Constitutions 2010. 571, obs. E.Daoud et E. Mercinier ; ibid . 2011. 58, obs. S. De La Rosa  ; RSC 2011. 139, obs. A. Giudicelli ; ibid .165, obs. B. de Lamy  ; ibid . 193, chron. C. Lazerges  ; RTD civ. 2010. 513, obs. P. Puig ; ibid . 517, obs.P. Puig ; RFDC 2011. 99, note N. Catelan ; v. également la jurisprudence européenne, CEDH 27 nov. 2008,Salduz c/ Turquie, n° 36391/02 ; AJDA 2009. 872, chron. J.-F. Flauss  ; GAPP, 7e éd. 2011, n° 27 ; CEDH 24

sept. 2009, Pishchalnikov c/ Russie, n° 7025/04 ; CEDH 13 oct. 2009, Dayanan c/ Turquie, n° 7377/03, Dayananc/ Turquie, D. 2009. 2897 , note J.-F. Renucci  ; AJ pénal 2010. 27 , étude C. Saas ; RSC 2010. 231, obs.D. Roets ; CEDH 19 nov. 2009, Oleg Kolesnic c/ Ukraine, n° 17551/02 ; CEDH 2 mars 2010,  Adamkiewicz c/ 

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 Pologne, n° 54729/00,  Pologne, D. 2010. 1324 , note P. Bonfils ; ibid . 1904, obs. A. Gouttenoire et P.Bonfils ; ibid . 2011. 1107, obs. M. Douchy-Oudot ; RSC 2010. 687, obs. D. Roets et CEDH 14 oct. 2010, Brusco c/ France, n° 1466/07, CEDH, 14 oct. 2010, n° 1466/07,  Brusco c/ France, D. 2010. 2950 , note J.-F.Renucci  ; ibid . 2425, édito. F. Rome ; ibid . 2696, entretien Y. Mayaud ; ibid . 2783, chron. J. Pradel  ;ibid . 2850, point de vue D. Guérin   ; RSC 2011. 211, obs. D. Roets .Concernant cet arrêt, v. également : Cons. const., 18 nov. 2011, n° 2011-191/194/195/196/197 QPC, D. 2011.

3034 , note H. Matsopoulou ; ibid . 3005, point de vue E. Vergès

Doc. 2 – Y. MULLER, « La réforme de la garde à vue ou la figure brisée de la procédure pénale française »,Droit pénal n° 2, Février 2011, étude 2

C'est un instant de l'enquête, un moment policier, l'heure d'un simple soupçon – celui de la garde à vue – quimobilise aujourd'hui les plus hautes juridictions, unanimes pour condamner, non le principe Note 1 mais le régimede la garde à vue tel que régi par le Code de procédure pénale.

1. - Alors que la Chancellerie vivait dans l'indifférence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de

l'homme condamnant pourtant de façon répétée les gardes à vue sans assistance d'un avocat, une avalanche dedécisions est tombée qui condamne, de façon plus globale, le déroulement de la garde à vue et les modalités deson contrôle ; après la décision remarquée du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010  Note 2, vont ainsi sesuccéder l'arrêt de la CEDH du 14 octobre 2010 Note 3, trois arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassationdu 19 octobre 2010 Note 4, l'arrêt de la CEDH du 23 novembre 2010 Note 5, l'arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 15 décembre 2010  Note 6  et la décision du Conseil constitutionnel du 17 décembre 2010  Note 7. Cemouvement portant condamnation du droit français de la garde à vue est spectaculaire, moins par son contenu – 

 prévisible – que par le nombre et la rapidité des décisions  Note 8. Surtout, il porte en son sein la question del'emprise étatique sur l'enquête mise à mal par le renforcement des droits de la défense Note 9 ; pliant devant lesexigences du Conseil constitutionnel mais aussi de la Cour européenne des droits de l'homme, le Gouvernementse voit ainsi contraint de reconstruire le droit de la garde à vue conformément aux principes fondamentaux posésdans la Constitution et la Convention européenne des droits de l'homme ; et ce, dans un délai déterminé. LeConseil constitutionnel Note 10, étonnamment suivi sur ce point par la Cour de cassation Note 11, a en effet reporté les

effets de sa décision au 1er juillet 2011, le temps pour le législateur d'établir une loi nouvelle conforme.

2. - Dès lors, intégrée à l'origine dans le projet de refonte du Code de procédure pénale initié à la fin de l'année2008 Note 12, la réforme de la garde à vue est devenue, par la force des décisions rendues par les plus hautes

 juridictions, un projet de loi autonome. Portée par l' « ambition retenue » du Gouvernement qui n'hésite pas, endépit de la dimension philosophique du débat, à poser pour modeste objectif « la maîtrise du nombre des gardesà vue  Note 13 », le projet de loi cristallise aujourd'hui l'entière réflexion, initiée depuis plusieurs mois, sur la

 procédure pénale.

3. - Ainsi, plusieurs propositions de lois avaient déjà été déposées entre les mois de décembre 2009 et novembre2010 Note 14 afin de conformer le régime de la garde à vue à la jurisprudence de la Cour européenne des droits del'homme, mais toutes avaient été rejetées aux motifs qu'un projet de refonte plus global de la procédure pénaleétait en cours.

4. - La date butoir du 1er juillet 2011 a contraint le Gouvernement à préparer dans l'urgence un avant-projet deloi « tendant à limiter et à encadrer les gardes à vue » transmis, pour avis, au Conseil d'État le 7 septembre 2010,

 puis à présenter un projet de loi modifié « relatif à la garde à vue » le 13 octobre 2010 Note 15. Par ailleurs, pour tenir compte des trois arrêts de la Cour de cassation du 19 octobre 2010 (préc.), ainsi que de l'arrêt de la CEDHdu 23 novembre 2010 (préc.), le Gouvernement a déposé, le 9 décembre 2010, plusieurs amendements. Aprèsl'avoir examiné sur la base du rapport de Monsieur le député Gosselin  Note 16, la commission des lois del'Assemblée nationale a adopté le projet le 15 décembre 2010 ajoutant, toutefois, d'importants amendements Note 17 

dont certains contre l'avis du Gouvernement. Le texte doit être examiné en séance publique, par les députés, à partir du 18 janvier 2011.

5. - Dépassant la volonté initiale du Gouvernement, le projet de loi vient désormais, par son ampleur, ébranler l'entier édifice de notre procédure pénale et raviver par ricochet le projet – mis en sommeil – d'une réforme

globale de la procédure pénale.6. - Il est en effet entendu que le projet de loi ne peut être raisonnablement dissocié, ni dans le texte, ni dansl'esprit, d'une réforme d'ensemble de la procédure pénale. Les décisions rendues, ainsi que le projet de loi

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qu'elles ont conduit à façonner, l'imposent dès lors que sont débattues les questions essentielles de l'assistanceeffective par un avocat du gardé à vue, la notification au gardé à vue de son droit de garder le silence, lesrégimes de garde à vue dérogatoires Note 18, le contrôle de la garde à vue par une autorité judiciaire, la gravité desinfractions permettant le placement en garde à vue et sa prolongation, la création d'un régime d'audition libre.

7. - Le débat oscille, tel une immense pendule, entre les points extrêmes des binômes « sûreté-sécurité »,

« vérité-efficacité » ou encore « présomption d'innocence-privation de liberté ». Il vient encore ébranler lastructure même de notre justice en s'interrogeant sur la notion d'autorité judiciaire et, partant sur le statut duministère public. L'ampleur de la tâche législative, mais aussi le souci de prévenir des atteintes à l'ordre public,ainsi que le souci de sécurité juridique et de bonne administration de la justice, expliquent la situation singulièrequi a conduit, dans l'attente du vote de la loi nouvelle, à figer les droits des gardés à vue dans une sorte de« temps judiciaire », à l'image de Brigadoon, village qui dans la comédie musicale de Minnelli Note 19 s'endort pour un siècle et ne se réveille qu'une journée tous les cent ans. En effet, les mesures de garde à vue prisesconformément au Code de procédure pénale, mais en application de dispositions jugées inconstitutionnelles ouinconventionnelles, ne peuvent être efficacement contestées avant le 1er juillet 2011. Ça n'est certes pas un sièclemais cela n'est-il pas plus encore, lorsque par le report des effets de leurs décisions, le Conseil constitutionnel etla Cour de cassation imposent une zone d'infra-droit dans laquelle ne peuvent – momentanément – pénétrer lesdroits fondamentaux qu'elles reconnaissent pourtant au gardé à vue ? Née dans l'illégalité Note 20, la garde à vue semeurt dans l'illégalité.

8. - Situation singulière qui vient déstabiliser le travail législatif et fait courir le risque, par des initiatives éparses,d'une application désordonnée du régime de la garde à vue.

9. - La Chancellerie l'a bien compris qui, à travers deux dépêches de la direction des affaires criminelles et desgrâces des 30 juillet et 19 octobre 2010  Note 21, entend tirer les conséquences, sur les procédures judiciairesdiligentées, des décisions du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation. Elle rappelle que jusqu'à la datedu 1er juillet 2011, les procédures devront être réalisées conformément aux dispositions du Code de procédure

 pénale en vigueur jusqu'à cette date, les procès-verbaux d'audition établis conformément à ces dispositions ne  pouvant être annulés du fait des décisions rendues. Confirmant sa position, elle demande aux procureursgénéraux et procureurs de la République, dans une circulaire du 4 novembre 2010 Note 22, d'organiser rapidementdes réunions entre les magistrats du parquet et les responsables des services et des unités d'enquêtes afind'assurer la stricte application des dispositions, toujours en vigueur, du Code de procédure pénale relatives à la

garde à vue. La dépêche – peu soucieuse de l'indépendance des juges – souligne l'avantage à ce que lesmagistrats du siège soient invités à participer à ces réunions afin d'éviter que des initiatives éparses neconduisent à de multiples régimes de garde à vue Note 23.

10. - Certains juges du fond ont depuis marqué leur indépendance et fait preuve d'une certaine audace. Ainsi le président du tribunal correctionnel de Charleville-Mézières, dans un long jugement de treize pages, en date du2 décembre 2010 Note 24, annule les procès-verbaux d'audition d'une garde à vue réalisée sans notification préalableau gardé à vue Note 25 de son droit de garder le silence, alors même que le Code de procédure pénale n'impose pasla notification de ce droit  Note 26. Fondant sa décision sur le respect immédiat de l'effet direct de la Conventioneuropéenne et le droit immédiat à une interprétation de la loi interne conforme aux arrêts de la Cour européenne,le tribunal « pense ne pas devoir suivre » la théorie de la sécurité juridique et d'une bonne administration de la

 justice retenue par la Cour de cassation pour différer, dans le temps, les effets de sa décision Note 27.

11. - « Nous sentons que le droit est grave » écrivait Carbonnier. Il l'est ici, au sens latin du mot gravis,« lourdeur de la tâche et dureté des supplices » Note 28. Car l'on devine que si le temps d'attente est celui de laréflexion, il est également celui des tensions politiques. Mais au final, il marquera une mutation de notre

  procédure pénale. Posé dans l'écrin protecteur des droits fondamentaux de la défense, portée par l'européanisation de la procédure pénale, l'on peut alors espérer que la réforme de la garde à vue échappe àl'instabilité législative qui, marquant depuis plus de vingt ans la procédure pénale, souffre de lois réactives,

  provisoires ou encore dérogatoires Note 29. La loi future sur la garde à vue doit être une grande loi destinée às'inscrire dans la durée.

12. - C'est ce que nous aimerions démontrer à travers l'étude de trois points essentiels de la réforme tenant à laconsécration du droit à l'assistance effective d'un avocat pendant la garde à vue (2), à l'audition libre (3), enfin àla place du ministère public (4) ; non sans avoir au préalable rappelé la place de la garde à vue dans l'équilibre

actuel de la procédure pénale (1).

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1. La place de la garde à vue dans l'équilibre actuel de la procédure pénale

13. - On sait l'évolution des procédures pénales marquée, en Europe, par l'émergence de la phase préliminaire et,spécialement de l'enquête policière, comme phase principale de la procédure  Note 30. Empruntant au modèleinquisitoire, la phase préliminaire est le plus souvent confiée au binôme police-ministère public, les pouvoirs de

ce dernier se trouvant de ce fait considérablement accrus tandis que la figure du juge devient mineure. Ainsi, ilest admis en France que l'augmentation des pouvoirs du parquet dans le cadre de l'enquête se fait au détriment du

 juge d'instruction, désormais voué à disparaître Note 31. Suivie dans la majorité des cas de poursuites qui ne passent pas par une instruction Note 32 et soumise, dans un souci de gestion rationnelle du flux judiciaire, à des procéduresdites « simplifiées », la phase préliminaire est souvent la phase principale de constitution du dossier   Note 33. Le

 principe est acquis que la procédure pénale peut se régler sans procès.

14. - Parce qu'elle est une mesure coercitive située au coeur de la phase préliminaire, la garde à vue devient un« temps fondamental  Note 34» de la procédure pénale, « ce moment où tout bascule  Note 35 ». Le Conseilconstitutionnel, dans sa décision du 30 juillet 2010 (préc.), affirme ainsi que « la garde à vue est (...) souventdevenue la phase principale de constitution du dossier de la procédure en vue du jugement de la personne miseen cause (...) y compris pour des faits complexes ou particulièrement graves Note 36 ».

15. - Or, si l'émergence d'une phase préliminaire prédominante, à tendance inquisitoriale, est un phénomènecommun aux procédures en Europe, l'émergence d'un modèle européen de procès équitable Note 37 vient, à traversl'exigence d'égalité des armes, rétablir un certain équilibre entre les différents acteurs de l'avant-procès Note 38. Lanotion d'égalité des armes, inspirée du droit anglo-américain, porte toute une série de droits qui s'articulentautour des exigences de contradiction, confrontation, efficacité de la défense  Note 39. La notion transcende ladistinction entre système inquisitoire et système accusatoire, qui progressivement s'estompe. Cela est vrai pour lemoment de la garde à vue pour lequel de nombreuses procédures  Note 40  consacrent la présence de l'avocat auxinterrogatoires, son droit d'accès au dossier, ou subordonnent sa mise en oeuvre à la gravité de l'infraction.16. - Pourtant, l'évolution diffère sensiblement selon les pays, la France accusant ici un retard considérable  Note 41.L'on ne saurait s'en étonner dès lors que le modèle européen du procès équitable oblige à repenser les finalités du

 procès pénal Note 42. Le procès a ici moins pour finalité la recherche de la vérité que le déroulement loyal – àégalité – de la procédure. Or, en France, c'est en garde à vue, plutôt qu'à l'audience, que l'on tente d'établir lavérité Note 43. Dès lors qu'elle vise à dire la vérité, l'enquête est logiquement conçue comme une forme d'exercicedu pouvoir  Note 44  dans lequel le ministère public occupe un rôle prédominant. L'enquête se trouve de ce faitsoumise à une exigence d'efficacité – légitimée par la recherche de la vérité – que les droits de la défense nesauraient entamer. C'est sans doute cette logique qui a conduit le législateur à supprimer, peu après saconsécration, l'obligation de notification, à la personne gardée à vue, de son droit de garder le silence. Lesrapports parlementaires relatifs à la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure révèlent ainsi quecette notification « affaiblit la position des policiers devant le délinquant gardé à vue », et que la logique qui

 préside à la notification de ce droit devrait « également conduire à notifier aux prévenus qu'ils ont le devoir dedire la vérité »  Note 45 ! Or, le projet de loi (CPP, art. 63-1, II) sur la garde à vue réintroduit l'obligation denotification, au gardé à vue, de son droit de garder le silence, après la condamnation de sa suppression par leConseil constitutionnel dans sa décision du 30 juillet 2010, par la Cour européenne des droits de l'homme dansl'arrêt Brusco c/ France Note 46 et par la Cour de cassation dans deux des décisions du 19 octobre 2010 Note 47, puisdans une décision du 9 novembre 2010 Note 48.

17. - Rappeler à la personne gardée à vue qu'elle a le droit – fondamental – de se taire, c'est admettre qu'elle peuttaire la vérité. Ce faisant, la procédure s'éloigne de la recherche de l'aveu – et des pressions que cela légitime –,écartée au profit de la recherche d'une confrontation équilibrée des parties, d'où émanera une vérité procédurale ;l'on tendrait ainsi vers une efficacité répressive « rompant avec l'aveu pour faire du recueil des déclarations de la

 personne suspectée non un élément de preuve, mais la simple observation du principe du contradictoire » Note 49.

18. - La réforme va ici dans le sens plus global d'une évolution de la procédure pénale qui tend à mettre la véritéau second plan. En témoigne, l'exigence de célérité de la procédure qui a conduit à consacrer des procéduresdites abrégées ou simplifiées où la peine est en partie négociée entre le ministère public et la personne en cause.Ce qui compte ici, c'est plus la manifestation rapide d'une réaction sociale que la connaissance de la vérité. Parcequ'elle tend à établir un équilibre nouveau au sein de la procédure, l'évolution de la procédure pénale révèle unrapport de force entre le ministère public d'un côté, la défense de l'autre, rapport de force qui sous-tend la

question du droit à l'assistance effective d'un avocat pendant la garde à vue.

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2. La consécration du droit à l'assistance effective d'un avocat pendant la garde à vueNote 50

19. - Établi dans plusieurs arrêts de la CEDH, dont l'arrêt Brusco c/France, consacré par le Conseilconstitutionnel, et repris par la chambre criminelle de la Cour de cassation, le projet de loi Note 51  consacre la

 possibilité pour l'avocat d'assister aux auditions de la personne gardée à vue et ce, dès le début de la mesure.

Pour autant, le projet de loi qui se borne à parler d'assistance par un avocat – pas même d'assistance effective – n'en propose pas les modalités essentielles. Surtout il semble retenir une conception étroite de l'assistance. Eneffet, s'il autorise la consultation par l'avocat Note 52 du procès-verbal de notification du placement en garde à vue etde notification de ses droits, ainsi que des procès-verbaux d'audition déjà réalisés, il ne prévoit pas que l'avocat

 puisse poser des questions, mais seulement qu'il présente des observations écrites à l'issue de chaque audition  Note

53.20. - Or, le rôle de l'avocat limité à celui de « contrôleur de régularité des auditions et assistant moral Note 54 » nesatisfait pas les exigences de la jurisprudence européenne, ni celles de la Cour de cassation.21. - En effet, la notion d'assistance effective dégagée par la jurisprudence de la CEDH Note 55 et reprise par la Cour de cassation, porte en elle-même le germe d'une révolution culturelle de notre procédure dont il n'est pas sûr qu'elle ait bien été perçue Note 56. Il est certain que la notion d'assistance va au-delà d'une simple présence del'avocat telle qu'elle existe aujourd'hui en droit français (présence lors de la première demi-heure de garde à vue).En effet, la Cour européenne des droits de l'homme a toujours insisté sur l'effectivité que devait revêtir cette

assistance, celle-ci étant notamment destinée à compenser la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvel'accusé Note 57. La simple nomination d'un avocat ou sa simple présence au début de la garde à vue ne valent pasassistance.  Note 58 C'est l'interprétation retenue par la chambre criminelle dans l'un des arrêts du 19 octobre quiconstate que le prévenu a bénéficié de la présence d'un avocat mais non de son assistance.

22. - Par ailleurs, et même si certains commentateurs ont pu en douter   Note 59, il est également admis quel'assistance doit avoir lieu pendant les interrogatoires Note 60. La Cour européenne va plus loin encore lorsqu'elle

 précise que, au nom de l'équité, l'accusé doit pouvoir obtenir « toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil ». Sont ainsi visés l'organisation de la défense, la préparation des interrogatoires, le soutien del'accusé en détresse, mais aussi la recherche des preuves favorables à l'accusé Note 61. La Cour de cassation va dansle même sens lorsque dans l'un des arrêts du 19 octobre 2010  Note 62, elle relève, pour le prévenu, le défautd'assistance par un avocat dans des conditions lui permettant d'organiser sa défense et de préparer avec lui lesinterrogatoires.

23. - Or, si demain, au-delà du texte de l'actuel projet de loi, l'avocat obtient, à travers le droit d'assistanceeffective, celui de participer à la rechercher des preuves favorables à l'accusé, il participera à la construction desdossiers d'enquête. Cela témoigne sans doute de la remise en cause – précédemment annoncée – de la conceptioninquisitoire de la phase préliminaire de la procédure. Mais cela traduit également un changement du rôle mêmede la défense qui pourrait aller au-delà de ses revendications ; demain, du fait de sa participation effective

 pendant la garde à vue, du fait de son rôle dans la construction du dossier d'enquête, l'avocat sera une caution del'enquête, au déroulement de laquelle il aura donc sa part de responsabilité.

24. - Les signes d'un changement sont déjà perceptibles comme le montrent les débats sur la garde à vue devantla commission des lois de l'Assemblée nationale le 15 décembre dernier. Ainsi un amendement a été voté Note 63 

visant à ce que le déroulement de la garde à vue fasse l'objet d'un unique procès-verbal, attestant de lanotification des droits et des suites données à cette notification. La simplification a paru s'imposer « à partir dumoment où la présence de l'avocat est prévue  Note 64 ». De même, un commissaire principal de police  Note 65,

 proposant une « approche policière pratique du projet de loi », souligne que la présence de l'avocat « donneraune force importante aux éventuels aveux passés lors des interrogatoires et rendra plus difficile une contestationultérieure de ceux-ci ».

25. - D'aucuns Note 66 voit dans l'enquête, qui serait menée contradictoirement par l'autorité judiciaire et les avocats,de « terribles limites » dès lors que l'enquête « vaudra ce que vaut votre avocat », dès lors également que letemps de constitution d'une vérité et d'une réalité non judiciaires se trouvent complètement anéanti. D'autres, enrevanche, estiment que « la défense ne doit pas être frileuse » et « qu'il appartiendra à chaque avocat d'adapter sastratégie Note 67 ».26. - On le devine, le projet de loi consacrant l'assistance de l'avocat aux audiences de garde à vue pose lesfondements d'un autre débat à venir   Note 68 où le rôle de la défense sera confronté au principe d'une « police de

l'audition

 Note 69

 ».

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3. L'audition libre

27. - Peut-être pour éviter les placements en garde à vue réalisés à des fins protectrices  Note 70, le projet de loi Note 71 

 propose la création d'une audition libre de la personne suspectée. Concrètement, le suspect arrêté peut consentir d'être entendu dans le cadre d'une audition libre, évitant ainsi le placement en garde à vue. Le consentement du

suspect à l'audition doit être recueilli par l'officier ou l'agent de police judiciaire et expressément mentionné dansle procès-verbal d'audition. Le texte veille au maintien de la liberté de choix puisque à tout moment la personne peut mettre un terme à son audition.28. - La contrepartie du dispositif – appuyé sur le socle du libre consentement – est que la personne en auditionlibre ne bénéficie d'aucune des garanties découlant de la garde à vue. La réforme est ici inspirée par une logiquede rapports individuels que l'on rencontre déjà dans les procédures pénales simplifiées et qui fait peser sur lesuspect le choix d'une option procédurale. Parce qu'il devient une partie responsable, il lui appartient de faire sonchoix en mesurant les avantages – le caractère libre de l'audition –, et les inconvénients – la restriction des droitsde la défense. En valorisant le caractère participatif, consensuel de la procédure pénale, le danger est de légitimer l'évitement du juge et, d'une façon plus générale, d'écarter l'exigence d'effectivité des droits de la défense. Or,comment ne pas douter ici du caractère totalement libre du consentement, surtout lorsque l'audition libreinterviendra après l'interpellation de la personne par la police ?29. - Il était à craindre que la mesure ne passe pas la barrière du contrôle de conventionnalité. De fait, la mesure

adoptée doit s'apprécier au regard de la notion d'accusation de l'article 6, § 1 de la Convention européenne. Ellene dépend donc pas, à l'instar de la notion de matière pénale, de la définition que chaque législateur veut bien endonner mais de la réglementation qui en est faite Note 72.30. - Que l'audition, appliquée à une personne soupçonnée, appréhendée par la police, et entendue sans limitationde durée, sans présence d'un avocat, sans notification du droit de se taire, que cette audition soit qualifiée de libre

 par le législateur ne changera rien à l'appréciation qui pourrait être faite par la Cour européenne des droits del'homme. La personne soupçonnée pourrait bien être ici, comme dans la garde à vue, une personne accusée ausens de l'article 6-1 de la Convention européenne Note 73.31. - Sans doute est-ce la raison pour laquelle la commission des lois a adopté un amendement supprimantl'audition libre.

4. La place du ministère public

32. - Alors que le projet de réforme du Code procédure pénale alimentait les débats entre tous les acteurs du procès pénal, la Cour européenne des droits de l'homme a ouvert, par l'arrêt Medeveyev c/ France du 10 juillet2008, une nouvelle brèche dans la conformité de notre édifice procédural à la Convention européenne. Dans cetarrêt, la cour affirme en effet que, par application de l'article 5 § 1 et 3 de la Convention européenne, le ministère

 public « n'est pas une autorité judiciaire au sens que la jurisprudence de la cour donne à cette notion, qu'il luimanque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour être ainsi qualifié ». La Cour européenne, sans se prononcer expressément sur le statut du parquet, confirmait néanmoins sa position dansl'arrêt rendu, sur appel de la France, par la grande chambre le 29 mars 2010, ajoutant que les garantiesd'indépendance que doit présenter le magistrat à l'égard de l'exécutif et des parties « excluent notamment qu'il

 puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale » (§ 124). La Cour européenne confirmera sa position, de façon expresse, dans l'arrêt Moulin c/ France du 23 novembre 2010 (§ 58 et s.). Peu après, la Cour de cassation va se conformer à la position des juges européens dans un arrêt du 15 décembre 2010.33. - Les raisons qui, selon la Cour européenne, n'autorisent pas de reconnaître la qualité d' « autorité judiciaire »au parquet tiennent non seulement à son absence d'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif, mais aussi à sadouble qualité d'organe de contrôle et de partie poursuivante Note 74.34. - De son côté, le Conseil constitutionnel maintient une position contraire à celle de la Cour européenne,comme il l'avait déjà fait Note 75, en affirmant dans sa décision du 30 juillet 2010 et, avec quelques nuances  Note 76,dans sa décision 17 décembre 2010, que « l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et lesmagistrats du parquet ». Tandis que le Gouvernement, après avoir minimisé la portée des arrêts Medevedyevdont il ne tient pas compte dans le projet de loi sur la garde à vue  Note 77  (octobre 2010), décide après coup de« tirer les conséquences de l'arrêt Moulin » en déposant un amendement Note 78 au projet de loi. Toutefois, il agit aminima puisqu'il modifie les seules modalités d'exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt lorsque la personneest interpellée à plus de deux cents km du juge mandant. Dans ce cas, l'amendement prévoit l'intervention du

 juge des libertés et de la détention dans un délai de vingt-quatre heures suivant son arrestation Note 79.35. - Du reste, le Gouvernement prend soin de préciser que cet amendement ne remet pas en cause le droit

existant en matière de garde à vue, ni d'une façon plus générale, le statut du ministère public. Or, la Commissiondes lois est allée au-delà de la volonté du Gouvernement en adoptant, le 15 décembre dernier, un amendement Note

80 qui place le déroulement de la garde à vue, non plus sous le contrôle du procureur de la République, mais sous

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celui du juge des libertés et de la détention ou, à défaut, du président du tribunal de grande instance ou de sondélégué.

36. - Pour comprendre cette évolution, revenons sur la portée des décisions qui contestent la qualité d'autorité judiciaire au parquet.

37. - Concrètement, les deux arrêts Medvedyev et les arrêts suivants portant confirmation posent, d'une façongénérale, la question de la validité de certaines des prérogatives Note 81 aujourd'hui confiées au parquet et quideviendraient, si ce dernier ne devait plus être reconnu comme « autorité judiciaire », illégales Note 82. S'agissant dela garde à vue, ces arrêts soulèvent la question de la validité de son contrôle au regard de la Conventioneuropéenne. Celle-ci prévoit, en effet, à son article 5, § 3 que toute personne arrêtée ou détenue, dans lesconditions prévues à l'article 5, § 1, c, soit aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loià exercer des fonctions judiciaires.

38. - Certains auteurs soulignent que, pour la jurisprudence européenne, l'adverbe « aussitôt » autorise un délaimaximum fixé entre trois et quatre jours, sauf « circonstances tout à fait exceptionnelles » autorisant un délai

 plus long Note 83. Dès lors et sous réserve de retenir cette interprétation, si au-delà de ce délai la personne doit être présentée à une autorité judiciaire, en-deçà de ce délai, cela n'est pas encore nécessaire. De là, la conclusionselon laquelle la question de la validité du contrôle de la garde à vue, à la suite des arrêts Medvedyev et autres,

ne se pose concrètement que pour le cas où la garde à vue se prolonge au-delà du délai de trois ou quatre jours Note84. La prolongation de la garde à vue au-delà de vingt-quatre heures par le procureur de la République apparaîtdonc compatible avec l'article 5, § 3 puisque la durée totale de la garde à vue reste inférieure aux trois ou quatre

 jours autorisés ; et l'on peut dire encore que l'intervention du juge du siège prévue à l'issue de la prolongation,soit au bout de quarante-huit heures, offre plus de garanties que la Convention européenne Note 85.39. - Cette interprétation ne fait cependant pas l'unanimité et d'autres Note 86, au contraire, rappellent que selon laCour européenne, la condition de célérité s'apprécie suivant les particularités de chaque cause. Ainsi, la grandechambre de la Cour européenne Note 87 rappelle que « le contrôle juridictionnel lors de la première comparution dela personne arrêtée doit avant tout être rapide (...) », que « la stricte limite de temps imposée par cette exigencene laisse guère de souplesse dans l'interprétation, sinon on mutilerait, au détriment de l'individu, une garantie

 procédurale offerte par cet article (...) ». Elle ajoute (§ 125) que « le contrôle (...) initial portant sur l'arrestation etla détention doit (...) permettre d'examiner les questions de régularité et celle de savoir s'il existe des raisons

 plausibles de soupçonner que la personne arrêtée a commis une infraction, c'est-à-dire si la détention se trouve

englobée par les exceptions autorisées énumérées à l'article 5 § 1 c) ».40. - Il ressort de cette présentation que la question du statut du parquet est moins celle de son « indépendance »à l'égard du pouvoir exécutif que celle de son « impartialité » au regard des prérogatives, notamment de

 poursuite, qui lui sont confiées Note 88. C'est dire si, là encore, le débat reste ouvert qui doit conduire vers un jugede l'habeas corpus.▪  Note 1 Cons. const., déc. 30 juill. 2010 (V. infra), cons. 25.Note 2 Cons. const., déc. 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC : Journal Officiel 31Juillet 2010, p. 14198. – V. aussi Cons. const., déc. 22 sept. 2010, n° 2010-32 QPC : Journal Officiel 23 Septembre 2010, qui déclarel'article 323, 3° du Code des douanes , sur la retenue douanière, contraire à la Constitution. Tirant les conséquences de cette décision, leGouvernement a déposé un amendement le 9 décembre dernier au projet de loi sur la garde à vue aux fins de modifier les dispositions du Codedes douanes encadrant le déroulement de la retenue douanière, notamment en ce qui concerne le droit à l'intervention d'un avocat. Note 3 CEDH,14 oct. 2010, n° 1466/07, aff. Brusco c/ France.Note 4 Cass. crim., 19 oct. 2010, n° 10-82.902, n° 10-85.051 et n° 10-82.306 : JurisDatan° 2010-018565 , n° 2010-018564 et n° 2010-018566. – V. H. Matsopoulou, Garde à vue : la Cour de cassation partagée entre conventionnalitéet constitutionnalité, à propos des arrêts de la chambre criminelle du 19 octobre 2010 : JCP G 2010, 1104.Note 5 CEDH, 23 nov. 2010,

n° 37104/06, aff. Moulin c/ France.Note 6 Cass. crim., 15 déc. 2010, n° 10-83.674, F-P+P+B+R+I : JurisData n° 2010-023523 . Note 7 Cons.const., déc. 17 déc. 2010, n° 2010-80 QPC : Journal Officiel 19 Décembre 2010, rendue en matière de défèrement à l'issue de la garde à vue(CPP, art. 803-3 ). Le Conseil constitutionnel a rendu, le même jour, deux autres décisions relatives à la détention provisoire (CPP, art. 207 et148) : Cons. const., déc. 17 déc. 2010, n° 2010-81 QPC : Journal Officiel 19 Décembre 2010 et Cons. const., déc. 17 déc. 2010, n° 2010-62QPC : Journal Officiel 19 Décembre 2010, p. 22372.Note 8 Y. Mayaud, La garde à vue « à la française » aux oubliettes ? : D. 2010, p. 2696.Note 9 X. Pin, La privatisation du procès pénal : Rev. sc. crim. 2002, p. 245.Note 10 Sur le fondement de l'article 62 de la Constitution.Pour une autre application différée, V. Cons. const., déc. 28 mai 2010, n° 2010-1 QPC : Journal Officiel 29 Mai 2010, p. 9728. En revanche, pour une application immédiate, V. Cons. const., déc. 2 juill. 2010, n° 2010-10 QPC : Journal Officiel 3 Juillet 2010. Comp. pour uneapplication immédiate, The supreme court of the United Kingdom, 26 oct. 2010, Cedder v. Her Majesty's Advocate, UKSC 43 .Note 11 Cass.crim., 19 oct. 2010, préc. note 4.Note 12 Installé en octobre 2008 par le garde des Sceaux, le « Comité de réflexion sur la justice pénale » présidé par Ph. Léger a rendu un rapport d'étape sur la phase préparatoire du procès pénal en mars 2009 et un rapport définitif sur la phase préparatoire et la phase décisoire du procès pénal, le 1er septembre 2009. À la suite de ce rapport, un avant-projet de futur Code de procédure pénale a été officiellement présenté le 1er mars 2010.Note 13 Le second objectif visant à « accroître de façon significative les droits des personnes gardées à vue notamment par le droit à l'assistance d'un avocat » est certes plus ambitieux mais d'une part, sa formulation générale ne permet pas d'en mesurer la portée (que signifie « l'assistance » d'un avocat ?), d'autre part, il eut été difficile pour le Gouvernement d'en fairel'économie, le projet visant précisément à mettre en adéquation, sur ce point, le droit français de la garde à vue avec les exigences du Conseil

constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l'homme.Note 14 Prop. de loi AN n° 2181, 21 déc. 2009, n° 2193, 21 déc. 2009, n° 2191,21 déc. 2009, n° 2295, 10 févr. 2010. – V. aussi A. Vallini, rapport AN n° 2372, 24 févr. 2010. – Prop. de loi AN n° 2364, 24 févr. 2010,n° 2356, 24 févr. 2010, n° 2406, 1er avr. 2010, n° 2410, 1er avr. 2010, n° 2952, 18 nov. 2010. Note 15 Projet de loi AN n° 2855, 13 oct.2010.Note 16 Rapp. AN n° 3040 relatif à la garde à vue .Note 17 64 amendements ont été adoptés.Note 18 Ils ne seront abordés que dans la note

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49, infra. Note 19 V. Minnelli, Brigadoon, film musical de 1954.Note 20 Ignorée du Code d'instruction criminelle, la garde à vue est née de la pratique, à la fin du XIXe siècle, avant d'être consacrée par le Code de procédure pénale de 1959.Note 21 Circ. crim-PJ n° 10-871-H11, 30 juill.2010. Pas de référence pour la dépêche du 19 octobre 2010 .Note 22 Circ. crim-PJ n° 09-519-H11, 4 nov. 2011. Note 23 V. contre-circulaire dusyndicat de la magistrature, 21 oct. 2010, soulignant que la Chancellerie pouvait inviter les parquets à adopter, d'ores et déjà, des pratiques propres à assurer l'effectivité des droits du gardé à vue tels qu'ils sont garantis par la Constitution et la Convention européenne des droits del'homme.Note 24 T. corr. Charleville-Mézières, 2 déc. 2010, n° parquet 10259000011 : JurisData n° 2010-025670 . Note 25 Pour récidive deconduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique.Note 26 Initialement prévue par les lois n° 2000-516 du 15 juin 2000 et n° 2002-307du 4 mars 2002 (CPP, art. 63-1 ancien), la notification, à la personne gardée à vue, du droit de se taire a été supprimée par la loi n° 2003-239 du

18 mars 2003 . Mais si l'obligation de notification a disparu, l'existence même du droit demeure et participe du droit de ne pas s'auto-incriminer garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Sur la question, V. S. Guinchard et J. Buisson, Procédure pénale :Litec, 2010, p. 574, n° 548.Note 27 Le tribunal souligne notamment que la Cour européenne des droits de l'homme n'utilise pas le concept desécurité juridique en matière pénale pour limiter les prérogatives de la défense. De même, il précise que la bonne administration de la justices'entend « ici comme jouant au bénéfice exclusif de l'accusation ».Note 28 J. Carbonnier, Sociologie juridique : PUF, 2e éd. 2004, p. 387.Note29 V. notamment Thèmes et commentaires, « La procédure pénale en quête de cohérence », sous l'égide de la Cour de cassation (actes du cyclede conférences organisé à Paris du 19 au 22 janvier 2006) : Dalloz 2007.Note 30 G. Giudicelli-Delage, La figure du juge de l'avant-procès entresymboles et pratiques in Mél. J. Pradel : Cujas, 2006, p. 335 et s., spéc., p. 336.– J. Volff, Les évolutions de la procédure pénale en Europe après1945 : Dr. pén. 2007, étude 19. Note 31 J.-L. Nadal, propos introductifs, in La procédure pénale en quête de cohérence, op. cit., p. 11 et s., spéc., p. 14.Note 32 Exception faite des affaires criminelles pour lesquelles l'instruction est obligatoire.Note 33 V. CEDH, 27 nov. 2008, n° 36391/02,Salduz c/ Turquie qui relève que les preuves obtenues durant cette phase déterminent le cadre dans lequel l'infraction imputée sera examinée au procès.Note 34 V. Sizaire, Garde à vue : risques et faux-semblants d'une réforme annoncée : AJP 2010, p. 480.Note 35 F. Tulkens et S. VanDrooghenboeck, L'encadrement du procès pénal par la Cour européenne des droits de l'homme, in La procédure pénale en quête de cohérence,op. cit., p. 151 et s., spéc., p. 160.Note 36 Ch. Charrière-Bournazel, Garde à vue, la sclérose française : Études 6/2010, t. 412, p. 751 et s., spéc., p. 754.Note 37 Sur l'extension à la phase préliminaire des garanties de l'article 6 de la Convention européenne, V. S. Guinchard et J. Buisson,Procédure pénale, op. cit., p. 161, n° 129 et s. Note 38 Faisant, notamment, du contrôle du juge un véritable contrepoids. – S. Guinchard, La

défense pénale, XIXe colloque de l'association française de droit pénal, Lyon 19-21 nov. 2009, Rapport de synthèse, inédit, qui affirme que « sila procédure doit concilier des intérêts largement opposés, c'est le principe de la défense pénale conçue comme une donnée fondamentale qui enconstitue le facteur d'équilibre ».Note 39 H. Jung, Formes et modèles du procès pénal, in A. Berthoz, C. Ossola et B. Stock (dir.), La pluralitéinterprétative (« conférences ») : htpp ://conferences-cdf.revues.org/199.Note 40 Sénat, Étude de législation comparée, n° 204, 31 déc. 2009 :www.senat.f rNote 41 J.-Y. Leborgne, La garde à vue, un résidu de barbarie : Le cherche midi, 2011 (à paraître).Note 42 Ph. Conte, Les propositions du pré-rapport du comité de réflexion sur la justice pénale : Dr. pén. 2009, étude 11. Note 43 A. Fabri et Ch. Guery, La vérité dansle procès pénal ou l'air du catalogue : Rev. sc. crim. 2009, p. 349. Les membres du comité Léger avaient ainsi écarté l'idée que l'avocat assisteaux auditions de la personne gardée à vue aux motifs que « les premières investigations se révèlent souvent déterminantes pour la découverte dela vérité ».Note 44 M. Foucault, Dits et écrits, I, 1954-1975 : Gallimard, coll. Quarto, 2001, p. 1456.Note 45 Ch. Estrosi, Rapp. AN n° 508,18 déc. 2002. Le rapporteur juge même « humiliant pour le policier d'avoir à préciser au prévenu qu'il a le droit de ne pas répondre à sesquestions ».Note 46 CEDH, 14 oct. 2010 préc. Le droit de se taire a été reconnu par la Cour européenne dès 1993 (CEDH, 25 févr. 1993,n° 256, n° 10828/84, Funcke c/France) ; il est régulièrement rappelé depuis et, tout récemment dans l'arrêt Brusco c/ France, précité ; la cour rappelle, dans cette décision, que « le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et le droit de garder le silence sont des normesinternationales généralement reconnues qui sont au coeur du procès équitable ». Note 47 Cass. crim., 19 oct. 2010, n° 10-82.902 et n° 10-85.051, préc. supra note 4.Note 48 Cass. crim., 9 nov. 2010, n° 10-83.204, F-D : JurisData n° 2010-022620, avec report des effets de la décision au1er juillet 2011 conformément à ses décisions du 19 octobre 2010, citées supra note 4.Note 49 V. Sizaire, Garde à vue : risques et faux-

semblants d'une réforme annoncée : AJP 2010, p. 480. – Ch. Charrière-Bournazel, Garde à vue : le sursaut républicain : D. 2010, p. 1928, quiaffirme : « La garde à vue n'est pas faite pour établir la vérité, mais pour empêcher toute entrave à cette recherche. C'est très différent». Note 50 S'agissant des régimes dérogatoires, le projet de loi précisait que les dispositions nouvelles n'étaient pas applicables en matière de délinquanceet de criminalité organisées (CPP, art. 706-88) dans la mesure où leur conformité à la Constitution a été réaffirmée par le Conseil constitutionneldans sa décision du 30 juillet 2010 (également, pour le terrorisme : Cons. const., déc. 22 sept. 2010, n° 2010-31 QPC : Journal Officiel 23Septembre 2010, 17290). Toutefois, déjà écornée par la CEDH (arrêts Salduz et Dayanan, préc.), la conformité des régimes dérogatoires à laConvention européenne a clairement été remise en cause par deux des trois arrêts de la Cour de cassation du 19 octobre 2010 (V. supra note 4),des restrictions aux droits de la défense n'étant possibles que pour des raisons impérieuses. Elles ne sauraient découler de la seule nature del'infraction. Tirant les conséquences des arrêts de la Cour de cassation, le Gouvernement a présenté deux amendements (CL2 et CL4) au projetde loi qui visent à mieux encadrer les restrictions aux droits de la défense, désormais possibles uniquement « pour des raisons impérieuses ».L'intervention de l'avocat dès le début de la garde à vue peut donc, mais ne doit pas systématiquement, être différée.Note 51 V. projet de loi,CPP, art. 63-4-2, al. 1. Note 52 à la demande de celui-ci, V. projet de loi, CPP, art. 63-4-1. Note 53 V. projet de loi, CPP, art. 63-4-3 . Note 54 J.Pradel, Vers une métamorphose de la garde à vue. Après la « décision pilote » du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 et les arrêts de lachambre criminelle du 19 octobre 2010 : D. 2010, p. 2783. – V. aussi les limites posées à l'assistance par un avocat du gardé à vue : projet deloi, CPP, art. 63-4-2 al. 2.  Note 55 V. sur la question, V. Lesclous, Un an de droit de la garde à vue, janvier 2009 – mai 2010 : Dr. pén. 2010,chron. 7. Note 56 La garde des Seaux jugeait encore, lors de débats parlementaire en mars dernier, que la présence de l'avocat dés les premières

auditions était tout simplement « irréaliste ».Note 57 CEDH, 13 mai 1980, Artico c/ Italie. – CEDH, 27 nov. 2008, n° 36391/02, Salduz c/Turquie. Note 58 CEDH, 13 mai 1980, préc.Note 59 V. Lesclous, La présence obligatoire de l'avocat en garde à vue, Point de jurisprudence dela Cour européenne des droits de l'homme : Dr. pén. 2010, dossier 2. Note 60 V. CEDH, 3 nov. 2009, Karabil c/Turquie. – CEDH, 9 févr. 2010,Boz c/ Turquie et 19 nov. 2009, Kolesnik c/ Ukraine. Ces arrêts sont désormais sans équivoque.Note 61 CEDH, 13 oct. 2009, n° 7377/03,Danayan c/ Turquie et CEDH, 2 mars 2010, Adamkiewicz c/ Pologne.Note 62 Cass. crim., 19 oct. 2010, n° 10-82.306, préc. supra note 4.Note63 Amendement CL 97 présenté par D. Batho.Note 64 Propos de E. Ciotti. Note 65 H. Vlamynck, Approche policière pratique du projet de loirelatif à la garde à vue : AJP 2010, p. 474 et s .Note 66 A. Cugno, L'instruction et la vérité judiciaire : Rev. Projet 4/2009 (n° 311), p. 13-19.Note67 S. Guinchard, La défense pénale (...), op. cit.Note 68 V. par ex. les débats devant la commission des lois de l'Assemblée nationale (préc.supra note 14) sur la question de savoir dans quel délai, à partir du moment où l'avocat à été prévenu, l'officier de police judiciaire peutcommencer l'audition (V. amendement CL 90).Note 69 Commission des lois, AN, propos de Ph. Coujon (amendement CL 140) : « cetamendement tend à préciser que l'officier ou l'agent de police judiciaire exerce la police de l'audition ». Note 70 Sur l'idée que le placement engarde à vue, parce qu'il garantit certains droits, serait nécessaire dès que la personne est interpellée H. Vlamynck, Approche policière pratiquedu projet de loi relatif à la garde à vue, préc.Note 71 Projet de loi, CPP, art. 62-2 et 62-4. Note 72 M. Bougain, Garde à vue : piqûre de rappel dela CEDH : Gaz. Pal. 19 oct. 2010, n° 292, p. 18.Note 73 V. V. Nioré, Énième réforme de la garde à vue : l'imposture des mots et le poids dessophismes : Gaz. Pal. 9 nov. 2010, n° 313, p. 11 qui y voit « l'antichambre de la garde à vue ».Note 74 O. Bachelet, La France, le parquet et lesdroits de l'homme : l'importune opiniâtreté de la Cour européenne : Gaz. Pal. 9 déc. 2010, n° 343, p. 6 .Note 75 Cons. const., déc. 11 août 1993,

n° 93-326 DC : Journal Officiel 15 Aout 1993 et Cons. const., déc. 2 mars 2004, n° 2004-492 DC : Journal Officiel 10 Mars 2004. Le Conseilconstitutionnel considère que l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet ; dès lors, le contrôle par le procureur de la République de la garde à vue est conforme à l'article 66 de la Constitution qui confie à l'autorité judiciaire la protection des libertésindividuelles. Cette position traditionnelle est une application conforme de l'article 1er, I de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958

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 portant loi organique relative au statut de la magistrature, selon lequel le corps judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet.Note 76 L'arrêt précise que « si l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet, l'intervention d'un magistratdu siège est requise pour la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures (...) ».Note 77 Projet de loi, CPP, art. 62-5 : « Lagarde à vue s'exécute sous le contrôle du procureur de la République ».– V. par ex. F. Rome, Magistrature debout : l'Europe aboie, lachancellerie passe... : D.2010, p. 2761.Note 78 Amendement CL5.Note 79 Sont visés : CPP, art. 127, 133 et 135-2 . Note 80 Amendement CL108 présenté par Ph. Houillon.Note 81 Notamment le contrôle des actes attentatoires aux droits et libertés menés dans le cadre d'une enquête de police.Note 82 L'évolution même de la procédure pénale qui ne cesse d'accroître les pouvoirs du parquet au détriment de ceux du juge seraitremise en cause. – V. J.-R. Renucci, Un séisme judiciaire : pour la Cour européenne des droits de l'homme, les magistrats du parquet ne sont pas

une autorité judiciaire : D. 2009, p. 600 et, du même auteur, L'affaire Medvedyev devant la grande chambre : les « dits » et les « non-dits » d'unarrêt important : D. 2010, p. 1386.Note 83 V. les arrêts Medvedyev, préc.Note 84 V. en ce sens, F. Fourment, art. préc. J. Pradel, Vers unemétamorphose de la garde à vue (...), art. préc. V. Lesclous, Un an de droit de la garde à vue, chron. préc.Note 85 F. Fourment, Après l'affaireMoulin (CEDH, 5 sect., 23 nov. 2010), encore du grain à moudre : D. 2011, p. 26. Note 86 O. Bachelet, La France, le parquet et les droits del'homme (...), art. préc. – D. Roets, Le pouvoir du procureur de la République de prolonger la garde à vue à l'aune de l'article 5, § 3 de laConvention européenne des droits de l'homme : Gaz. Pal. 4 janv. 2011, p. 21. – V. aussi, J.-B. Thierry, L'arrêt Medvedyev c/ France du 29 mars2010 : juge d'instruction : 1 – Parquet : 0 : Dr. pén. 2010, étude 12.Note 87 CEDH, gde ch., 29 mars 2010, préc.Note 88 V. S. Guinchard, Ladéfense pénale, préc., qui affirme que « la CEDH ne condamne pas le statut actuel du parquet français ; ce qu'elle condamne, c'est le cumul dece statut avec des pouvoirs attentatoires à la liberté des personnes mises en cause et le fait qu'un même magistrat puisse contrôler une arrestationet exercer ensuite l'action publique sur cette même personne ».

Doc. 3 – O. CLERC, « Le juge des libertés et de la détention et la loi du 14 avril 2011 relative à la garde à

vue », Gazette du Palais, 07 juillet 2011 n° 188, p. 29 -

Si le législateur n'a en définitive pas attribué le contrôle des gardes à vues au juge des libertés et de la détention,il n'a pas manqué d'étendre son champ d'intervention. Celui-ci doit par ailleurs composer avec les nouvellesdispositions que celles-ci aient une incidence directe ou non sur ses interventions.L'article 137-1 du Code de procédure pénale précise que le juge des libertés et de la détention (JLD) est unmagistrat du siège, ayant rang de président, de premier-vice président ou de vice-président, désigné par le

 président du tribunal de grande instance.Au fil de lois successives intervenues depuis 2000, ce magistrat dispose de plusieurs attributions civiles et

 pénales qui ont globalement pour finalité de soumettre des décisions relatives à la liberté des personnes à unmagistrat du siège.C'est ainsi que le JLD peut être amené à statuer dans plus de trente situations, à divers stades de procédure (par exemple au niveau de l'enquête, de l'instruction, et après jugement), et ce notamment dans les domainessuivants : détention provisoire, contrôle judiciaire, garde à vue, perquisitions, visites domiciliaires et saisies,contestation suite à une perquisition dans un cabinet d'avocat, interception de télécommunications,enregistrement de paroles et fixation d'images, maintien en zone d'attente ou rétention administrative d'étrangers,hospitalisation psychiatriques sous contrainte.Ces décisions de nature pénale ou non pénale, relatives à la liberté des personnes, interviennent soit dans le cadred'un débat contradictoire sur la base d'un dossier constitué, soit dans le cadre de l'examen d'une requête établie

 pour l'essentiel par le parquet ou par une administration et accompagnée d'un dossier constitué ou de piècesfondant la demande.Dans nombre de ces situations, une garde à vue est intervenue ou est en cours lorsque le juge des libertés et de ladétention doit rendre sa décision.La loi du 14 avril 2011 crée de nouvelles interventions du juge des libertés et de la détention mais ne modifie passes attributions antérieures, ainsi elle ne lui confie pas le contrôle des gardes à vue.Bien qu'il ne soit pas juge des nullités, le juge des libertés et de la détention, intégrera sans doute dans sa prise dedécision non seulement les conséquences du défaut de respect des dispositions de cette loi qui étend les droits

des gardés à vue, mais aussi notamment les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme et celles de laCour de cassation relatives à la garde à vue.

I. La loi du 14 avril 2011 crée de nouvelles interventions du JLD

 – Les articles 127, 133 et 135-2 du Code de procédure pénale confient au JLD l'exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt lorsque la personne recherchée est interpellée à plus de 200 kilomètres du juge mandant. Dans cessituations, la personne saisie en vertu du mandat doit être conduite dans les vingt-quatre heures, non plus devantle procureur de la République, mais devant le JLD du lieu d'arrestation qui exerce alors les attributionsantérieurement confiées au procureur de la République. La personne n'est pas assistée d'un avocat, le JLD ne

 peut consigner par procès-verbal les déclarations de la personne sur les faits objets de la poursuite. – Les articles 63-4-2 et 706-88 du Code de procédure pénale prévoient l'intervention du JLD dans certainessituations de prolongation du report de l'intervention de l'avocat en garde à vue, ou du report de consultation par 

l'avocat des pièces énumérées par la loi.

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Ainsi, par application de l'article 63-4-2 du Code de procédure pénale, pour les gardes à vue de droit commundes majeurs, et intervenant hors commission rogatoire, à titre exceptionnel, sur demande de l'officier de police

 judiciaire, le procureur de la République peut autoriser, par décision écrite et motivée, le report de présence del'avocat lors des auditions ou confrontations, si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieusestenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigationsurgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux

 personnes.Le procureur de la République ne peut différer la présence de l'avocat que pendant une durée maximale de douzeheures ; toutefois, lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d'une peined'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du

 procureur de la République, autoriser à différer la présence de l'avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu'à lavingt-quatrième heure.

L'article 63-4-2 du Code de procédure pénale prévoit que dans tous les cas la décision du JLD, est écrite etmotivée par référence aux conditions légales du report prévues par la loi, au regard des éléments précis etcirconstanciés résultant des faits de l'espèce ; dans les mêmes conditions et modalités, le JLD pourra décider quel'avocat ne pourra pour une durée identique consulter les procès verbaux d'audition de la personne gardée à vue.Par application de l'article 706-88 du Code de procédure pénale, pour les gardes à vue de majeurs, et intervenanthors commission rogatoire, en entrant dans champ d'application de l'article 706-73 du Code de procédure pénale,

le report n'est possible « qu'en considération de raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières del'enquête ou de l'instruction, soit pour permettre le recueil ou la conservation des preuves, soit pour prévenir une

atteinte aux personnes ».Pour les infractions de l'article 706-73 autres que celles prévues à ses 3 o et 11o, la durée totale de report peut êtrede quarante-huit heures au total. Le premier report qui peut être décidé d'office par le procureur de la Républiqueest de vingt-quatre heures, le report de l'intervention de l'avocat au-delà de la vingt-quatrième heure est décidé,dans les limites précitées, par le juge des libertés et de la détention statuant à la requête du procureur de laRépublique, ce report est d'une durée maximale de vingt-quatre heures.Pour les infractions relevant de l'article 706-73- 3o et 11o (crime et délits de trafic de stupéfiants et crimes etdélits constituant des actes de terrorisme), la durée totale de report peut être de soixante-douze heures au total.Le premier report qui peut être décidé d'office par le procureur de la République est de vingt-quatre heures, lereport de l'intervention de l'avocat au-delà de la vingt-quatrième heure est décidé dans les limites précitées par le

 juge des libertés et de la détention statuant à la requête du procureur de la République ; le report par le juge des

libertés et de la détention est possible pour une nouvelle durée maximale de quarante-huit heures.L'article 706-88 du Code de procédure pénale prévoit que la décision du magistrat, écrite et motivée précise ladurée pour laquelle l'intervention de l'avocat est différée, cet article prévoit également que lorsqu'il est faitapplication du report, l'avocat dispose, à partir du moment où il est autorisé à intervenir en garde à vue, desdroits prévus aux articles 63-4 et 63-4-1, au premier alinéa de l'article 63-4-2 et à l'article 63-4-3 du Code de

 procédure pénale.Au cours d'une information judiciaire ouverte en droit commun, le juge des libertés et de la détention est saisi par le juge d'instruction de la demande de prolongation de report.Pour les personnes mineures gardées à vue le juge des libertés et de la détention est compétent pour prolonger lereport de l'assistance de l'avocat et également le report de l'accès de l'avocat aux procès verbaux d'interrogatoiredu mineur, d'une nouvelle durée de 12 heures, lorsque la mesure a été prise pour un crime ou un délit puni d'une

 peine supérieure ou égale à 5 ans.Il est vraisemblable que le JLD sera peu souvent saisi de demandes de report compte tenu notamment que la loi

 prévoit dans son article 1 qu'en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu'elle a pu faire sans avoir pu s'entretenir avec un avocat et être assistée par lui.

 – L'article 706-88-2 du Code de procédure pénale prévoit que le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République à la demande de l'officier de police judiciaire, ou le juge d'instruction lorsque lagarde à vue intervient au cours d'une instruction, peut décider que la personne gardée à vue pour une infractionmentionnée au 11o de l'article 706-73 (terrorisme) sera assistée par un avocat désigné par le bâtonnier sur uneliste d'avocats habilités, établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur propositions des conseils del'ordre de chaque barreau. Il est prévu que les modalités d'application de cet article sont définies par décret enConseil d'État.

II. La loi du 14 avril 2011 renforce le contrôle de la garde à vue

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La loi a renforcé le contrôle de la garde à vue par l'autorité judiciaire garante de la sauvegarde des droits de la personne, et confie ce contrôle, non au juge des libertés et de la détention, mais au procureur de la République, etau juge d'instruction dans le cadre de garde à vue intervenant sur commission rogatoire.Un amendement CL 108 proposait de placer le déroulement de la garde à vue non sous le contrôle du procureur de la République mais sous celui du juge des libertés et de la détention ou du président du tribunal de grandeinstance ou de son délégué.

Il était ainsi proposé que l'article 62-5 du Code de procédure pénale soit modifié comme suit : « La garde à vue s'exécute sous le contrôle du juge des libertés et de la détention ou, à défaut, du Président du tribunal de grandeinstance ou de son délégué ».En réalité, l'article 62-3 du Code de procédure pénale prévoit que : « La garde à vue s'exécute sous le contrôle du procureur de la République, sans préjudice des prérogatives du juge des libertés et de la détention prévues aux

articles 63-4-2 et 706-88 à 706-88-2 en matière de prolongation de la mesure au-delà de la quarante-huitièmeheure et de report de l'intervention de l'avocat » ; et l'article 154 du Code de procédure pénale prévoit que lesattributions conférées au procureur de la République par les articles 62-2 à 64-1 sont exercées par le juged'instruction.La loi du 14 avril 2011 ne confie donc pas le contrôle de la garde à vue au juge des libertés et de la détentionmais confie ce contrôle au procureur de la République et au juge d'instruction.Ainsi, la loi prévoit le renforcement du contrôle de la garde à vue par le procureur de la République, notamment

 par l'exigence de respect des critères de placement en garde à vue ; de même en matière de prolongation de la

garde à vue, en application du II de l'article 63 du Code de procédure pénale, l'autorisation du procureur de laRépublique de prolonger la garde à vue suppose que plusieurs conditions cumulatives soient respectées : seulesles gardes à vue prises pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an

 peuvent faire l'objet d'une prolongation ; la prolongation de la mesure de la garde à vue doit être l'unique moyende parvenir à l'un des objectifs prévus à l'article 62-2 précité et le procureur de la République doit rédiger etmotiver l'autorisation de prolongation qu'il délivre.En tout état de cause, en l'état des effectifs des magistrats du siège, il aurait été douteux que ceux-ci puissent desuite absorber un éventuel transfert du contrôle des gardes à vue ; par ailleurs l'augmentation du nombre de JLDdésignés pour faire face à d'éventuelles nouvelles attributions en matière pénale, risquerait rapidement de mettreles tribunaux en grande difficulté pour trouver les effectifs nécessaires pour juger les affaires : en effet, selonarticle 137-1 du Code de procédure pénale le JLD, à peine de nullité, ne peut participer au jugement des affaires

 pénales dont il a connu.

III. Les incidences de la loi du 14 avril 2011 sur les décisions du JLD

Lorsqu'il sera amené par exemple à statuer sur une demande de prolongation de garde à vue dans le cadre desarticles 63-4-2 et 706-88 à 706-88-2, le JLD ne manquera sans doute pas d'intégrer aussi dans la phase de sa

  prise de décision les risques de nullités encourues pour des gardes à vue qui ne respecteraient pas des prescriptions légales.La loi du 14 avril 2011 a étendu les droits des personnes gardées à vue et elle tend à rapprocher le régime dedroit commun de garde à vue du régime applicable en cas de commission d'une infraction prévue par l'article706-73 du Code de procédure pénale relatif à la criminalité et à la délinquance organisée, ainsi, sauf exceptions

 prévues par la loi, l'assistance d'un avocat dés le début de la garde à vue devient la règle.C'est ainsi que la loi du 14 avril 2011 afin de limiter le recours à la mesure de garde à vue, prévoit que l'officier de police judiciaire ne peut prendre une décision de placement en garde à vue que si les conditions cumulativessuivantes sont remplies : existence de raisons plausibles de soupçonner que la personne a commis ou tenté decommettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement et existence d'au moins un des 6 objectifs

 prévus à l'article 62-2 du Code de procédure pénale.Les droits des personnes gardées à vue sont étendus, l'article 63-1 du Code de procédure pénale prévoitnotamment que la personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police

 judiciaire, ou sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée del'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre (C. pr. pén., art. 63-1-2 o), du droitd'être assisté par un avocat conformément aux articles 63-3-1 et 63-4-3 du Code de procédure pénale (C. pr. pén.,art. 63-1-2o), c'est-à-dire être assisté par un avocat dès le début de la garde à vue, du droit, lors des auditions,après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de setaire (C. pr. pén., art. 63-1-3o).Toutes ces dispositions nouvelles sont susceptibles d'ouvrir des cas de nullité si elles ne sont pas respectées.Or, le Code de procédure pénale ne confie pas au JLD le pouvoir d'annuler un acte dont il pourrait constater la

nullité, il confie cette attribution à la chambre de l'instruction ou à la juridiction de jugement.

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Ainsi, le Code de procédure pénale prévoit que lors de la procédure d'instruction la personne mise en examen oule témoin assisté doivent déposer une requête aux fins d'annulation devant la chambre de l'instructionconformément aux articles 170 et 173 du Code de procédure pénale.

Lors du jugement, l'article 385 du Code de procédure pénale prévoit que le tribunal correctionnel a qualité pour constater les nullités des procédures qui lui sont soumises sauf lorsqu'il est saisi par le renvoi ordonné par le juge

d'instruction ou la chambre de l'instruction. En effet, selon l'article 179 du Code de procédure pénale en matièredélictuelle l'ordonnance de renvoi purge, s'il en existe, les vices de procédure ; ce sauf si l'ordonnance de renvoia été rendue sans que les conditions prévues par l'article 175 aient été respectées. Lorsque la procédure dont il estsaisi n'est pas renvoyée devant lui par la juridiction d'instruction, le tribunal correctionnel statue sur lesexceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure. La nullité de la citation ne peut être prononcée que dansles conditions prévues par l'article 565 du Code de procédure pénale. Dans tous les cas, les exceptions de nullitédoivent être présentées avant toute défense au fond.

En matière criminelle le quatrième alinéa de l'article 181 du Code de procédure pénale prévoit également quel'ordonnance de mise en accusation couvre, s'il en existe les vices de procédure.En tout état de cause, comme tout magistrat gardien des libertés individuelles au titre de l'article 66 de laConstitution, il est vraisemblable que tout en ne mentionnant pas la nullité décelée et tout en ne statuant pas sur celle-ci, le JLD n'accordera pas une mesure sollicitée sur la base d'une procédure qu'il estime entachée d'une

nullité flagrante et suffisamment importante pour manifestement entraîner ultérieurement la relaxe de la personne poursuivie et notamment une détention arbitraire.

Il convient de constater qu'une telle décision qui peut être de nature à compromettre l'évolution d'une enquête oud'une instruction ultérieure, est dangereuse à apprécier car le JLD statue seul, alors que ses décisions font le plussouvent partie de procédures destinées à être ultérieurement examinées par une collégialité de magistrats, par exemple devant la chambre de l'instruction, le tribunal correctionnel ou la chambre des appels correctionnels ; enoutre, l'appréciation de l'existence d'une cause de nullité et sa portée s'avèrent de plus en plus complexes etaléatoires puisqu'il convient notamment de prendre en compte la jurisprudence de la cour européenne des droitsde l'homme qui, comme les jurisprudences nationales, peut elle aussi être évolutive et soumise à interprétation.D'une manière générale, avec la nécessité de conformité à la Convention européenne des droits de l'homme, ledéveloppement des questions prioritaires de constitutionnalité et les conséquences qui en sont tirées au fil desmois, il devient d'ailleurs difficile d'affirmer que telle ou telle procédure ne sera pas affectée par telle ou telle

nullité alors même que la procédure en cause peut souvent concerner des faits graves pour la sécurité des personnes et des biens, dont notamment les trafics de stupéfiants qui prospèrent et génèrent des atteintes graves àla santé publique et sont sources de multiples formes de vols et de violences.

Par Olivier CLERCJuge des libertés et de la détention TGI de Nancy

Doc. 4 – S. BONICHOT, « Garde à vue : le tir croisé des contrôles juridictionnels » ; Petites affiches,

09 septembre 2011 n° 180, p. 6

Cet article revient sur les décisions relatives à la garde à vue dans la perspective d'illustrer l'articulation et lacomplexité des différents contrôles juridictionnels, encore renforcés depuis l'instauration de la question

 prioritaire de constitutionnalité. Si les dispositions constitutionnelles et conventionnelles ont conduit le Conseilconstitutionnel à abroger les dispositions relatives à la garde à vue, il a toutefois reporté dans le temps les effetsde sa décision. Quelle devait être alors la position du juge de droit commun pendant cette période de transition,amené à se prononcer sur des procédures de garde à vue non seulement contraires à la Constitution maiségalement inconventionnelles ? La Cour de cassation s'est saisie de l'occasion pour écrire un principe essentiel,celui de l'effet immédiat des décisions de la Convention européenne des droits de l'homme mais aussi pour régler la difficulté des effets dans le temps d'une QPC, comme l'a fait le Conseil d'État, en considération notamment dece qu'autorise la Cour de justice de l'Union européenne dans le cadre d'une contrariété au droit de l'Union.Par quatre arrêts rendus le 31 mai 2011 (1) , la chambre criminelle de la Cour de cassation a annulé des procès-verbaux de gardes à vue menées sans l'assistance d'un avocat dès le début de la procédure, rendant ainsi possiblela contestation des auditions effectuées en garde à vue avant l'entrée en vigueur anticipée de la loi nouvelle, le15 avril 2011 (2) . À cette date, l'assemblée plénière de la Cour de cassation avait scellé le sort des dispositions du

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Code de procédure pénale relatives à la garde à vue, abrogées par le Conseil constitutionnel à compter du1er juillet 2011, en jugeant que les États parties à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) sonttenus de respecter les décisions de la Cour de Strasbourg, sans attendre d'être attaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation et que, pour que le droit à un procès équitable consacré par l'article 6, § 1 de laConvention EDH soit effectivement respecté, il faut en règle générale que la personne placée en garde à vue

 puisse bénéficier de l'assistance d'un avocat dès le début de la mesure et pendant ses interrogatoires (3) . La

 procédure pénale est ainsi modifiée dans sa phase initiale, celle de l'enquête, en réponse aux exigencesconstitutionnelles (I) et conventionnelles (II), illustrant la nouvelle articulation des contrôles engendrée par laquestion prioritaire de constitutionnalité (III).

I. La garde à vue et la Constitution

Par sa décision du 11 août 1993 (4)  , le Conseil constitutionnel avait déclaré conforme à la Constitution qu'une personne gardée à vue n'ait droit qu'à un entretien de trente minutes avec son avocat au cours de la procédure.Depuis, la garde à vue a été profondément transformée par la pratique des services de police, qui y ont recourude plus en plus fréquemment, jusqu'à atteindre le nombre très étonnant d'environ 800 000 en 2009. Ce chiffres'explique par l'augmentation de l'activité des services, mais aussi par un usage disproportionné et parfoisillégitime de cette mesure, qui doit se limiter, compte tenu de sa gravité, aux situations où la contrainte estabsolument indispensable, conformément à l'exigence constitutionnelle issue de l'article 9 de la Déclaration des

droits de l'homme et du citoyen, selon lequel « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait étédéclaré coupable, s'il est indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa

 personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».

L'importance de cet aspect de la procédure a été soulignée à maintes reprises par les affaires où les auditions engarde à vue, et les aveux parfois obtenus sans l'assistance effective d'un avocat, ont cristallisé les contours du

 procès pénal. L'affaire d'Outreau, par exemple, a montré les limites d'une procédure trop expéditive, conduisantla commission d'enquête de l'Assemblée nationale à proposer une réforme (5) . Le rapport Léger   (6) a, par la suite,évoqué la double nécessité de renforcer les droits de la défense de la personne gardée à vue et de limiter cettemesure aux nécessités de l'enquête et aux personnes à l'encontre desquelles il existe, comme l'exige le Code de

 procédure pénale, une ou plusieurs raisons de penser qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction (7) 

.

Ces circonstances, en l'état d'un système pénal et d'une pratique policière donnant à l'aveu une fonction décisive,ont justifié que la question du rôle de la garde à vue dans la phase d'enquête et des garanties entourant la

 personne retenue se trouve à nouveau posée. À la faveur d'une question prioritaire de constitutionnalité (8) , leConseil constitutionnel a entrepris d'y répondre, et a déclaré contraires à la Constitution les articles 62, 63, 63-1,77 et les alinéas 1 à 6 de l'article 63-4 du Code de procédure pénale (9) . Le Conseil constitutionnel a considéré,en particulier, que les dispositions combinées des articles 62 et 63 du Code de procédure pénale ne permettaient

 pas à la personne interrogée, alors qu'elle était retenue contre sa volonté, de bénéficier de l'assistance effectived'un avocat. Il a ajouté, d'une part, qu'une telle restriction aux droits de la défense était imposée de façongénérale, sans considération des circonstances particulières susceptibles de la justifier pour rassembler ouconserver les preuves ou assurer la protection des personnes et, d'autre part, que la personne gardée à vue n'était

 pas avertie de son droit de garder le silence, ce qui est pourtant une composante essentielle des droits de ladéfense et de l'équilibre dans les poursuites pénales.

Le Conseil en a déduit une méconnaissance des articles 9 (10) et 16 (11) de la Déclaration des droits de l'homme. Ila toutefois estimé qu'une abrogation immédiate du droit en vigueur aurait des conséquences excessives et a, dece fait, reporté les effets de cette décision au 1 er juillet 2011, conformément aux pouvoirs qu'il tire de l'article 62,alinéa 2 de la Constitution.En se prononçant ainsi, le Conseil constitutionnel ne s'est évidemment pas engagé sur le terrain conventionnel,

 puisque, comme on le sait, depuis sa décision  IVG de 1975, il se refuse à vérifier la compatibilité des lois avecles traités et, notamment, la Convention européenne des droits de l'homme, celle-ci ne faisant pas partie du blocde constitutionnalité.Restait ouverte, toutefois, la question de savoir si le juge judiciaire allait s'engager dans la voie de l'annulation de

 procédures de garde à vue en se fondant directement sur le droit conventionnel et sur l'importante jurisprudencefaçonnée par la Cour de Strasbourg en la matière.

II. La garde à vue et la Convention européenne des droits de l'homme

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Dès 1993, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé, dans l'affaire  Funke c/ France  (12) , qu'un accusé, ausens de l'article 6 de la Convention EDH, a le droit de garder le silence et de ne pas contribuer à sa propreincrimination. Dans l'arrêt  Murray c/ Royaume-Uni (13) , la Cour a ajouté que la notion d'équité consacrée par l'article 6 exigeait que l'accusé bénéficie de l'assistance d'un avocat dès les premiers stades de l'interrogatoire,dès lors que les droits de la défense peuvent dès ce stade de la procédure se trouver irrémédiablement compromiset les poursuites prendre une voie qui n'est pas la bonne. Par la suite, dans les arrêts Salduz c/ Turquie (14) ,

 Dayanan c/ Turquie(15)

, puis dans l'arrêt Savas c/ Turquie (16)

, la Cour de Strasbourg a confirmé le caractère primordial de l'intervention de l'avocat qui doit avoir lieu non pas dès les premiers interrogatoires de police, maisdès le placement en garde à vue lui-même.Enfin, la France a été condamnée par un arrêt  Brusco (17) pour ne pas avoir respecté le droit de se taire et de ne

 pas s'incriminer soi-même.À la lumière de cette jurisprudence, la Cour de cassation a censuré les dispositions relatives à la garde à vue,

 jugeant, par trois arrêts du 19 octobre 2010 (18) , qu'elles ne satisfaisaient pas aux exigences de l'article 6 de laConvention EDH. La haute juridiction a retenu, notamment, que la personne gardée à vue devait bénéficier dudroit de garder le silence et de l'assistance d'un avocat dans les conditions lui permettant d'organiser sa défense etde préparer avec lui ses interrogatoires. Ces arrêts appliquent, pour la première fois en matière de garde à vue,les garanties propres au procès équitable issues de la Convention européenne des droits de l'homme.Mais la Cour de cassation a décidé de différer les effets de son arrêt dans l'attente de la loi nouvelle. De cettemanière, elle laissait perdurer une situation qu'elle venait de juger contraire aux droits fondamentaux, faisant

 prévaloir la sécurité juridique et la bonne administration de la justice sur les garanties du procès équitable. Leconstat de la violation de la Convention demeurait ainsi sans incidence concrète.Se posait ici la question délicate de l'aménagement dans le temps, par un État et ses organes juridictionnels, deseffets d'un constat d'incompatibilité de la loi nationale avec la Convention européenne.Quatre affaires concernant des étrangers en situation irrégulière, interrogés en garde à vue sans avocat, ont donnél'occasion à la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, de répondre à cette difficulté (19) . En ce quiconcerne le droit interne, la haute juridiction ne s'interdit pas, à l'instar du Conseil d'État (20) , de différer dans letemps les effets d'une solution nouvelle issue d'un revirement de jurisprudence, pour ne pas compromettre lasécurité juridique et la loyauté du procès (21) . Pour autant, la Cour de cassation pouvait-elle se déterminer ainsien l'état de règles supranationales ? Pour sa part, la Cour de justice de l'Union européenne semble reconnaîtreque les juridictions nationales ne peuvent, de leur propre chef, prévoir une période transitoire nécessaire à lamise en conformité de leur droit national au droit de l'Union (22) . De son côté, la Cour de Strasbourg considèreque la liberté de choix reconnu à l'État quant aux moyens de s'acquitter de son obligation de mise en conformité

ne saurait lui permettre de suspendre l'application de la Convention en attendant l'aboutissement d'une réforme(23) . D'ailleurs, si le Conseil constitutionnel, en application de l'article 62, alinéa 2 de la Constitution peut abroger un texte « à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision », pareille faculté n'est pas ouverte à l'autorité judiciaire. En revanche, le juge interne est, en vertudu principe de subsidiarité, celui qui dispose des pouvoirs les plus importants pour assurer une protectiondirectement efficace contre les atteintes qui peuvent être portées aux droits et garanties par la Convention (24) . Ilrevient ainsi au juge national d'appliquer en premier lieu la Convention européenne des droits de l'homme et detirer immédiatement les conséquences des décisions de la Cour de Strasbourg. C'est donc l'essence même dusystème de contrôle de la Convention EDH qui a conduit, en l'espèce, la Cour de cassation à énoncer que « lesÉtats adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont tenus derespecter les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, sans attendre d'être attaqués devant elle nid'avoir modifié leur législation ».

III. Contrôle de constitutionnalité et contrôle de conventionalité : coexistence ou concurrence ?

Ces différents arrêts, outre les avancées propres aux droits de la défense, témoignent des complexités engendrées par un contrôle d'origine à la fois constitutionnelle et conventionnelle. Si le Conseil constitutionnel a reportédans le temps les effets de sa décision pour laisser un délai au législateur, la Cour de cassation, pour sa part, nelui en a laissé aucun, réduisant à néant, sur le fondement du droit conventionnel, l'aménagement voulu par leHaut conseil.Cette position de la Cour de cassation doit être rapprochée d'un récent arrêt d'assemblée du Conseil d'État (25) .Dans cette affaire relative à la cristallisation des pensions de retraite des ressortissants étrangers ayant servi dansl'armée française, le Conseil d'État a précisé les conséquences d'une QPC ou d'une inconventionnalité sur l'officedu juge, dans la ligne d'une décision du Conseil constitutionnel exposant, qu'en application de l'article 62, alinéa2 de la Constitution, il peut fixer la date de l'abrogation de la loi, reporter dans le temps ses effets, prévoir la

remise en cause des effets que la disposition a produit, même avant l'intervention de cette déclaration, oudéterminer lesquels de ces effets ne seront pas remis en cause (26) .

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Dans ce cadre, pour préserver l'effet utile de la QPC, il appartient au juge de tirer pleinement les conséquencesde la déclaration d'inconstitutionnalité en écartant au besoin d'office l'application de la disposition en cause dansle litige dont il est saisi, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel.Et lorsque le juge du litige n'a pas écarté une disposition en tirant les conséquences d'une déclarationd'inconstitutionnalité, il doit encore, si ce moyen est soulevé, écarter la disposition législative en cause en raisonde son incompatibilité avec une stipulation conventionnelle ou une règle du droit de l'Union européenne.

Le Conseil d'État rappelle à cet égard que « les juridictions administratives et judiciaires, à qui incombe lecontrôle de la comptabilité des lois avec le droit de l'Union européenne ou les engagements internationaux de laFrance, peuvent déclarer que des dispositions législatives incompatibles avec le droit de l'Union ou cesengagements sont inapplicables au litige qu'elles ont à trancher », rejoignant sur ce terrain le raisonnement de laCour de cassation.Ainsi, en dépit du caractère prioritaire du contrôle de constitutionnalité, le système actuel permet une dualité decontrôle, dont l'enjeu n'est pas uniquement procédural mais concerne au premier chef l'effectivité de la protectiondes droits et libertés. Si le caractère prioritaire de la question de constitutionnalité ne fait qu'imposer un ordred'examen, le Conseil constitutionnel laisse le soin aux juridictions administratives ou judiciaires, juges de droitcommun du droit de l'Union et de la CEDH, de procéder au contrôle de conventionalité ou de poser une question

 préjudicielle (27) , sous réserve cependant du cas spécifique des lois transposant correctement une directive,imposant alors que les juridictions européennes soient saisies préalablement (28) . La question prioritaire deconstitutionnalité n'interdit pas non plus au juge, dans les rapports entre la Constitution et le droit de l'Union,

d'adopter toutes les mesures provisoires ou conservatoires nécessaires afin de suspendre, dans l'attente de ladécision du Conseil constitutionnel, les effets incompatibles avec le droit de l'Union (29) .Au total, le juge judiciaire ou administratif, qu'il s'agisse du droit de l'Union ou du droit de la Conventioneuropéenne, doit toujours décider de tirer immédiatement les conséquences de l'inconventionnalité d'une norme,sans que le mécanisme de la question prioritaire de constitutionnalité n'y change rien.Il en va d'autant plus ainsi dans le cadre du droit de l'Union, que l'arrêt Winner Wetten  (30) , laisse, semble-t-il, très

 peu de place pour admettre des mesures transitoires dans le cas d'une contrariété au droit communautaire.

Stéphane BONICHOTAvocat au barreau de Paris

Doc. 5 - J. PRADEL, « Quel(s) magistrat(s) pour contrôler et prolonger la garde à vue ? Vers une

convergence entre la Cour de Strasbourg et la chambre criminelle de la Cour de cassation », Recueil Dalloz2011 p. 338

En cette période de gros vent pour le régime de la garde à vue et à un moment où se discute un projet de loidevant le Parlement, on retiendra deux arrêts importants, l'un de la CEDH (23 nov. 2010, n° 37104/06, Moulin c/ 

 France, D. 2010. 2776, obs. S. Lavric , 2011. 277, note J.-F. Renucci , 2010. 2761, édito. F. Rome , et2011. 26, point de vue F. Fourment ) (1) et l'autre de notre chambre criminelle (15 déc. 2010, n° 10-83.674)

(2). Ces deux décisions ne touchent pas à la question de savoir quelle autorité peut décider une mise en garde àvue puisqu'il n'est pas contesté qu'à cet égard les enquêteurs disposent d'un monopole bien compréhensible. Ellestouchent en revanche au point de savoir quelles autorités judiciaires sont compétentes pour contrôler et prolonger 

les mesures de garde à vue. La question est complexe car s'entrecroisent les contrôles de conventionnalité et deconstitutionnalité, le principe de liberté individuelle et les nécessités de la recherche de la vérité.

Les textes sont bien connus. D'un côté, l'article 5, § 3, de la Convention EDH proclame que « toute personnearrêtée ou retenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1c du présent article » (« en vue d'être conduite

devant l'autorité judiciaire compétente lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis uneinfraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction

ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ») « doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autremagistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires... ». De l'autre, le droit français prévoit qu'en droitcommun, la garde à vue peut, à l'issue d'un délai de vingt-quatre heures, être prolongée d'une égale durée par le

 procureur de la République (art. 63, al. 2, et 77, al. 2, c. pr. pén.), et qu'en matière de criminalité organisée, des prolongations supplémentaires sont possibles à la discrétion du juge des libertés et de la détention ou du juged'instruction (art. 706-88 c. pr. pén.).

Sur ces textes, les juges donnent leur interprétation. D'une part, les juges européens, dans leur arrêt du 23novembre 2010, rendu à l'unanimité, décident que « du fait de leur statut, les membres du ministère public, en

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 France, ne remplissent pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif, qui, selon une jurisprudence

constante, compte, au même titre que l'impartialité, parmi les garanties inhérentes à la notion autonome de"magistrat" au sens de l'article 5, § 3 » (§ 57 in fine). D'autre part, les juges de la chambre criminelle décident -

 pour la première fois - que «  si c'est à tort que la chambre de l'instruction a retenu que le ministère public est uneautorité judiciaire au sens de l'article 5, § 3, de la Convention EDH, alors qu'il ne présente pas les garanties

d'indépendance et d'impartialité requises par ce texte et qu'il est partie poursuivante, l'arrêt n'encourt pas pour 

autant la censure, dès lors que le demandeur a été libéré à l'issue d'une privation de liberté d'une duréecompatible avec l'exigence de brièveté imposée par ledit texte conventionnel ».

De ces deux décisions, il résulte une affirmation commune, à savoir que le parquet français n'est pas un magistratindépendant et impartial, et qu'il est par conséquent inapte à assurer le contrôle juridictionnel de la garde à vue(I). La seconde décision cependant apporte un élément supplémentaire en retardant la date d'application de cecontrôle, sauvant ainsi la procédure, ce qui pose le problème de la détermination du moment à partir duqueldébute le contrôle juridictionnel de la mesure (II). Ce sont ces deux aspects qu'il convient d'examiner.

I - L'inaptitude du parquetier français à assurer le contrôle juridictionnel de la garde à vue

Le procureur de la République est-il un magistrat au sens de l'article 5, § 3, de la Convention EDH ? La questionn'est pas nouvelle et elle a reçu déjà une réponse à peu près unanimement négative de la part de la doctrine (F.-L.

Coste, L'éthique du ministère public, AJ pénal 2007. 425 ; J. Buisson, Le procureur de la République n'est pasun magistrat au sens conventionnel, Procédures 2008. Comm. 343 ; J.-F. Renucci, Le procureur de la Républiqueest-il un magistrat au sens européen du terme ?,  Mélanges Cohen-Jonathan, Bruylant, 2004, p. 1345 s.). Cetteopinion s'appuie sur l'interprétation des mots « magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires »(art. 5, § 3, Conv. EDH) par la CEDH.

On rappellera les principes généraux qu'elle a dégagés (A). Puis, on s'attachera à sa position en ce qui concernele ministère public français (B). On rapprochera enfin cette position de celle de la chambre criminelle dans sonarrêt du 15 décembre 2010 (C).

A - Aux yeux de la CEDH et de façon générale, le « magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » doit être indépendant à l'égard de l'exécutif et impartial à l'égard des parties. Ainsi le parquetier estassimilable au « tribunal indépendant et impartial  » de l'article 6, § 1, de la Convention EDH. Toutefois, larigueur de la CEDH s'est renforcée au cours des décennies.

Dans un premier temps, elle raisonnait subjectivement, in concreto, en se demandant si dans l'espèce considérée,le membre du ministère public avait été indépendant de l'exécutif (en n'ayant pas reçu d'instruction de sa part) etimpartial à l'égard des parties (en n'étant pas partie poursuivante ultérieurement dans la même affaire). Telle étaitla position de la CEDH dans l'affaire Schiesser c/ Suisse (4 déc. 1979, série A n° 34 ; CDE 1980. 467, obs. G.Cohen-Jonathan ; AFDI 1980. 325, obs. Pelloux ; JDI 1982. 195, obs. P. Rolland). Dans cette affaire, la Cour note à titre liminaire qu'elle doit « limiter son examen... à la manière dont... la législation a été appliquée dans les

circonstances de la cause » (§ 32). Or il se trouvait qu'en l'espèce le procureur de district suisse n'avait pasultérieurement assuré la poursuite (il était donc magistrat) et qu'il n'avait consulté aucune autorité (il était doncindépendant). Réciproquement, l'auditeur militaire qui statue sur la liberté et qui exerce la poursuite « n'est pasindépendant des parties parce que justement il est l'une d'elles » (CEDH 22 mai 1984,  Duinhof et Duijf c/ Pays-

 Bas, CDE 1986. 206, obs. G. Cohen-Jonathan ; AFDI 1985. 414, obs. V. Coussirat-Coustère ; Journ. trib. 1984.487, obs. P. Lambert ; RSC 1985. 141, obs. L.-E. Pettiti ; JDI 1986. 1056, obs. P. Rolland et P. Tavernier ; dansle même sens, 26 mai 1988, n° 10208/82, Pauwels c/ Belgique, § 38).

Par la suite, la CEDH s'oriente vers une conception in abstracto, objective, centrée sur les apparencesd'impartialité et d'indépendance. Le changement apparaît sur le plan de l'impartialité avec un arrêt qui décide que«  sans doute, la Convention n'exclut-elle pas que le magistrat qui décide de la détention ait aussi d'autres fonctions, mais que son impartialité peut paraître sujette à caution s'il peut intervenir dans la procédure pénale

ultérieure en qualité de partie poursuivante », ajoutant « qu'il en allait ainsi en l'occurrence, l'article 5, § 3, ayant 

donc été enfreint » (CEDH 23 oct. 1990, Huber c/ Suisse, § 42 s. ; AFDI 1991. 587, obs. V. Coussirat-Coustère) :ainsi la simple possibilité d'une intervention du magistrat dans la procédure ultérieure suffit à le disqualifier auregard de l'article 5, § 3. D'autres arrêts de la même veine suivront (CEDH 26 nov. 1992,  Brincat c/ Italie, § 21,Série A n° 249-A ; 28 oct. 1998,  Assenov c/ Bulgarie, § 146 et 149 ; Rec. CEDH 1998-VIII ; D. 1999. 266 ,

obs. P. Hennion ; RSC 1999. 384, obs. R. Koering-Joulin ; JCP 1999. I. 105, obs. F. Sudre ; RTDH 1999.383, obs. Rosenberg ; 4 juill. 2000, n° 27915/95,  Niedbala c/ Pologne, § 52 à 57, JCP 2001. I. 191, n° 13, obs. F.Sudre). De façon plus solennelle encore, la grande chambre confirma la solution (CEDH, gde ch., 18 févr. 1899,

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 Hood c/ Royaume-Uni, Rec. CEDH 1899-I, § 57, pour un chef de corps d'armée susceptible de jouer un rôledéterminant dans la suite de la procédure contre l'intéressé ; 25 mars 1999,  Nicolova c/ Bulgarie, Rec. CEDH1999-II, § 49 et 51). Bref, aucun membre des ministères publics des Etats membres du Conseil de l'Europe n'estimpartial au regard de l'article 5, § 3, pas même le parquetier qui est pourtant statutairement indépendant (V.l'arrêt Brincat , préc.) puisqu'il peut exercer la poursuite.

De même la simple apparence de non-indépendance suffit à exclure le magistrat du parquet au titre de l'article 5,§ 3. La CEDH considère le membre du parquet comme étant non-indépendant dès lors qu'il est tenu par un liende subordination hiérarchique, même s'il n'a pas reçu d'instructions dans l'affaire en question. C'est en premier lieu le ministère public roumain qui a été la cible des juges européens. Dans l'affaire Vasilescu les juges déclarent: «  Force est de constater que le procureur de la République n'est pas une "autorité judiciaire" au sens que la jurisprudence de la Cour donne à cette notion ; comme le soulignent les requérants, il lui manque en particulier 

l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour pouvoir être ainsi qualifié » (CEDH 22 mai 1998, Vasilescu c/  Roumanie, § 40 et 41 ; Rec. CEDH 1998-III ; V. dans le même sens CEDH 3 juin 2003,  Pantea c/ Roumanie, §238 et 239 ; D. 2003. 2268 , obs. J.-F. Renucci ; RSC 2004. 441, obs. F. Massias ; 1er  avr. 2008, Varga c/  Roumanie, § 52 ; 6 juill. 2010,  Nicut-Tanasescu c/ Roumanie, § 17). Même principe pour le procureur polonais,subordonné au procureur général qui était également ministre de la justice (CEDH 4 juill. 2000,  Niedbala c/  Pologne, § 52, préc.). Ces décisions, toutes rendues à propos d'affaires étrangères, invitent à s'interroger sur l'attitude de la CEDH à propos des magistrats français.

B - On doit distinguer avec la CEDH. Le juge d'instruction, tout d'abord, est à l'abri de toute mise à l'écart : il est pleinement un juge au regard de l'article 5, § 3, et peut donc parfaitement prolonger une garde à vue (CEDH 14déc. 1999, AC c/ France ; 27 juill. 2006, Zervadacki c/ France, § 51). Cette règle est clairement confirmée dansle fameux arrêt Medvedyev du 29 mars 2010 : « le juge d'instruction est assurément susceptible d'être qualifié de"juge ou autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires" au sens de l'article 5, § 3 »,(CEDH, gde ch., Medvedyev c/ France, § 128 ; AJDA 2010. 648 ; D. 2010. 898, obs. S. Lavric , 1386, noteJ.-F. Renucci , 952, entretien P. Spinosi , 970, point de vue D. Rebut , et 1390, note P. Hennion-Jacquet ;Dr. pénal 2010. Etudes 12, note Thierry).

Pour le procureur, la situation est toute différente. L'affaire  Medvedyev a donné lieu en réalité à deux décisions.La première, du 10 juillet 2008, décidait que « le procureur de la République n'est pas une autorité judiciaire... il lui manque en particulier l'indépendance à l'égard du pouvoir exécutif pour avoir cette qualité » (§ 61, D. 2009.600 , note J.-F. Renucci , et 2008. 3055, note P. Hennion-Jacquet ; AJ pénal 2008. 469, obs. C. Saas  ;RSC 2009. 176, obs. J.-P. Marguénaud  ; Dr. pénal 2009. Chron. 4, obs. E. Dreyer, et 8, obs. V. Lesclous). Lesecond arrêt, de la grande chambre et déjà évoqué, condamne moins frontalement le droit français en nereprenant pas la règle que le parquet n'est pas une autorité judiciaire et l'on a pu conjecturer que la CEDH voulait«  prendre en compte les équilibres historiques nationaux, peut être aussi le fait qu'une réforme est en cours »(Rapport du groupe de travail sur les aspects constitutionnels et conventionnels de la réforme de la procédure

 pénale, Dr. pénal, Etudes, juin 2010, n° 5). La CEDH rappelle tout de même que « le magistrat (au sens de l'art.5) doit présenter les garanties requises d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui exclut 

normalement qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale à l'instar du ministère

 public » (§ 124). On peut en déduire que notre procureur ne remplit pas les conditions requises par l'article 5, § 3,et la jurisprudence qui en est issue. Mais il est vrai que cette affirmation n'est qu'implicite.

Or, les choses vont se préciser encore avec l'arrêt  Moulin c/ France du 22 novembre 2010. La Cour examine endétail le statut du parquetier français, en l'espèce un procureur adjoint, mais par analogie l'analyse vaut pour tout parquetier. Les membres du parquet « dépendent tous d'un supérieur hiérarchique commun, le garde des Sceaux,

ministre de la justice, qui est membre du gouvernement et donc du pouvoir exécutif... Ils ne sont pas inamovibles,contrairement aux juges du siège. Ils sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques au

 sein du parquet et sous l'autorité du garde des Sceaux... En vertu de l'article 33 du code de procédure pénale, leministère public est tenu de prendre les réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données dans

les conditions prévues aux articles 36, 37 et 44 du même code, même s'il développe librement les observationsorales qu'il croit convenables au bien de la justice » (§ 56).

De cette accumulation d'indicateurs statutaires, la Cour déduit que « les membres du ministère public, en France,ne remplissent pas l'exigence d'indépendance à l'égard de l'exécutif  » et ajoute qu'ils manquent aussi d'impartialité(§ 57). Ainsi l'arrêt  Moulin confirme pour la première fois et de façon incontestable que nos parquetiers ne sont

 pas des magistrats « habilités par la loi à occuper des fonctions judiciaires » au sens de l'article 5, § 3 (§ 55). Nous disons bien : en ce qui concerne l'application de ce texte car pour le reste - qui n'était pas dans la saisine dela Cour, comme elle le rappelle (§ 57) - la Cour estime qu'elle n'a pas à prendre position sur la conventionnalité

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du lien de dépendance entre ministre de la justice et ministère public : c'est là une affaire « qui relève des

autorités nationales » (§ 57). Excellente incidente dont il faudra se souvenir si le législateur entend un jour réformer le statut du parquet.

Cela dit, le message essentiel de l'arrêt  Moulin est bien la consécration éclatante du caractère non indépendant etnon impartial du parquet français, même s'il n'est pas dit expressément que le parquet n'est pas une autorité

 judiciaire. Comment va réagir la chambre criminelle ?

C - C'est également de façon très nette que celle-ci prend position et elle le fait exactement comme la CEDH. Lachambre de l'instruction de Saint Denis de la Réunion, dans son arrêt du 27 avril 2010, avait considéré que leministère public était une autorité judiciaire au sens de l'article 5, § 3. Tel n'est pas l'avis de la chambrecriminelle qui, dans son arrêt du 15 décembre 2010, estime que notre ministère public « ne présente pas les garanties d'indépendance et d'impartialité requises par l'article 5, § 3 et qu'il est partie poursuivante ».

Cette décision est très importante pour plusieurs raisons.

1° Elle a été rendue « en formation plénière de la chambre » avec 27 magistrats dont le président, et 9 conseillersréférendaires, soit tout le personnel de la chambre.

2° C'est la première fois que la chambre criminelle statue ainsi en visant l'article 5, § 3. Elle avait jugé en 1992,dans l'affaire  Roman, que, « d'une part, l'article 5, § 3, de la Convention prévoit que toute personne arrêtée oudétenue doit être aussitôt conduite, sinon devant un juge, en tout cas devant un autre magistrat habilité à exercer 

des fonctions judiciaires ; que tel est le cas du procureur de la République, magistrat de l'ordre judiciaire qui a pour mission de veiller à l'application de la loi..., d'autre part, ce même texte n'interdit aucunement que ce

magistrat, après avoir vérifié que le maintien de l'intéressé à la disposition des enquêteurs était justifié, puisse en prolonger la durée dans les limites que la loi autorise » (Crim. 10 mars 1992, n° 91-86.944, Bull. crim. n° 105).

On aura noté que l'arrêt de 1992 voyait dans le procureur un magistrat « de l'ordre judiciaire », ce qui évoquait la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l'article 66 de la Constitution, alors que l'arrêt du 15 décembre 2010vise uniquement l'article 5, § 3.

3° On sait que le Conseil constitutionnel a conféré aux magistrats du parquet le caractère d'autorité judiciaire.Plus précisément, les Sages ont toujours admis que le parquetier peut prolonger la garde à vue à l'issue d'un délaide vingt-quatre heures car, comme les juges, il est garant des libertés au sens de l'article 66 de la Constitutionselon lequel « ... l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe... ». LeConseil décide en effet que « l'autorité judiciaire qui, en vertu de l'article 66... assure le respect de la libertéindividuelle comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet  » (Cons. const., 11 août 1993, n° 93-326-DC ; Rec. Cons. const., p. 217 ; D. 1993. 299, note J. Pradel  ; JCP 1993, n° 3720, note F. Le Gunehec ; LPA 5

 janv. 1994, chron. B. Mathieu et M. Verpeaux ; Pouvoirs 1994. 171, chron. P. Avril et J. Gicquel ; RFDC 1993.848, note T. Renoux). La solution sera confirmée peu après (29 sept. 2002, n° 2002-411-DC et 2 mars 2004, n°2004-492-DC, D. 2004. 2756 , obs. B. de Lamy , et 2005. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino  ;RSC 2004. 725, obs. C. Lazerges , et 2005. 122, étude V. Bück ; RTD civ. 2005. 553, obs. R. Encinas deMunagorr i ). Elle ne sera jamais démentie par la suite. C'est pourquoi le parquetier doit être informé dès ledébut de la garde à vue pour pouvoir décider du maintien et, le cas échéant, de la prolongation de la mesure

(Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, § 26, D. 2010. 1928, entretien C. Charrière-Bournazel ,1949, point de vue P. Cassia , 2254, obs. J. Pradel , 2696, entretien Y. Mayaud , et 2783, chron. J. Pradel).

Mais se pose alors un problème. Les Sages considèrent que le parquetier est une autorité judiciaire alors que ni lachambre criminelle (le 15 déc. 2010) ni la CEDH (depuis toujours et encore le 23 nov. 2010) ne l'admettent.Aussi est-il permis de s'interroger sur le devenir de la jurisprudence du Conseil. Va-t-il continuer à proclamer cequ'il a toujours affirmé ? C'est l'un des intérêts de l'arrêt de la chambre criminelle du 15 décembre 2010, en cequ'il invite indirectement le Conseil à se reposer la question de la nature du parquet. Mais alors, si les Sagesrevenaient sur leur jurisprudence, on pourrait s'interroger sur le maintien de l'unité du corps de la magistrature,

 pourtant posé par la Constitution et par le Conseil constitutionnel comme il vient d'être dit et rappelé par l'arrêt Moulin (§ 41) . Nous estimons que cette unité doit être maintenue (en ce sens, V. par ex. J.-L. Nadal, Le risque pour notre justice et nos libertés,  Le Monde, 2 juin 2006 ;  La Commission de réflexion sur la justice, dite

Commission Truche, rapport, Doc. fr., 1997, p. 37), sans se dissimuler qu'elle est souvent méconnue à l'étranger.

Il est vrai que le rejet de cette qualification d'autorité judiciaire est fortement tempéré par la jurisprudence

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européenne et par l'arrêt du 15 décembre 2010 qui considère que l'arrêt d'appel « n'encourt pas... pour autant la

censure dès lors que le demandeur a été libéré à l'issue d'une privation de liberté d'une durée compatible avecl'exigence de brièveté imposée » par l'article 5, § 3. Cet attendu pose ainsi la question de la détermination dudébut du contrôle juridictionnel de la garde à vue.

II - La détermination du début du contrôle juridictionnel de la garde à vue

Rappelons que la personne arrêtée doit être conduite « aussitôt » devant un juge ou autre magistrat habilité,décide l'article 5, § 3. Tout le problème est de définir ce terme « aussitôt » qui caractérise l'exigence de

 promptitude pour la présentation de la personne. Il convient de rappeler l'interprétation générale donnée par laCEDH (A) et de l'appliquer ensuite aux deux affaires Moulin et PC (B).

A - La jurisprudence européenne sur le sens à donner au terme « aussitôt » a dû résoudre une difficulté : celle-ci provient du fait non seulement que le délai n'est pas chiffré mais aussi que le terme « aussitôt » dans la versionfrançaise correspond au terme « promptly » dans la version anglaise, les deux versions faisant également foi. Or,les deux termes ne sont pas exactement synonymes : le mot « aussitôt » veut dire immédiatement alors que leterme «  promptly » permet plus de flexibilité (CEDH 29 nov. 1988,  Brogan et autres c/ Royaume-Uni, § 59 ;Série A n° 145-B ; RTD eur. 1989. 163, obs. G. Cohen-Jonathan ; AFDI 1991. 616, obs. V. Coussirat-Coustère ;RSC 1989. 373, obs. L.-E. Pettiti et P. Teitgen ; JDI 1989. 843, obs. P. Rolland et P. Tavernier ; sur l'ensemble

de la question, S. Trechsel,  Human Rights in Criminal Proceedings, Oxford, 2005, p. 512). Dans l'affaire Brogan,les juges notent que «  placés ainsi devant des textes d'un même traité normatif faisant également foi, mais ne

concordant pas entièrement, ils doivent les interpréter d'une manière qui les concilie dans la mesure du possible et 

 soit la plus propre à atteindre le but et à réaliser l'objet de ce traité » (id . § 59).

Il en résulte que la fixation d'un chiffre général est impossible bien que l'ancienne Commission avait posé desrègles précises, en retenant un délai de quatre jours en droit commun et de cinq jours dans les cas exceptionnels(id . § 57). La Cour entend agir de façon casuistique au gré des espèces. On cite toujours l'arrêt  Brogan selonlequel une garde à vue de quatre jours et six heures sans présentation à un juge ou magistrat assimilé n'est pasconforme à l'article 5, § 3 (id . § 62) et il s'agissait pourtant d'une affaire de terrorisme (V. dans le même sens,CEDH 6 juill. 2010,  Nicut-Tanasescu c/ Roumanie, § 19). De là, la tentation est forte d'admettre un délaimaximum de quatre jours. Effectivement, dans l'affaire Ipek and Others c/ Turquie du 3 février 2009 (arrêt rédigéen anglais) la CEDH admet : « The court reiterates that it has held on many occasions that the strict time

constraint imposed for detention without judicial control is a maximum of four days » (§ 36) ; et encore, dans cetteaffaire Ipek un délai de trois jours et neuf heures est excessif car les gardés à vue, bien que suspects de faits deterrorisme, étaient mineurs. Et, peu de temps après, elle juge que « toute période de garde à vue dépassant quatre jours est , prima facie, trop longue » (CEDH 23 juin 2009, Oral et Atabay c/ Turquie, § 43, quatre jours et deuxheures pour l'un des requérants, quatre jours et quatre heures pour l'autre).  A contrario, le fait de présenter ungardé à vue dans le délai de trois jours après son arrestation répond au terme « aussitôt » prévu par l'article 5, §3, tel qu'interprété par la jurisprudence de la Cour (CEDH 27 mai 2004,  Ayaz et autres c/ Turquie ; 1er avril 2008,Varga c/ Roumanie, § 53, préc.). A fortiori, un délai de deux jours est conforme à l'article 5, § 3 (CEDH, gde ch.,29 avr. 1999, Aquilina c/ Malte).

En somme, et au gré des instances tenant pour l'essentiel à la gravité des faits et à la condition personnelle dugardé à vue, cette mesure ne saurait dépasser trois à quatre jours sans présentation à un juge ou magistratassimilé. Avant ce délai, toute prolongation peut être effectuée par un magistrat du parquet, même s'il ne répond

 pas aux exigences de l'article 5, § 3. Elle peut même être effectuée par un policier comme il advient danscertaines législations, en droit anglais par exemple, où après vingt-quatre heures et avant trente-six heures, la

 prolongation peut être réalisée par un policier de rang supérieur dit  superintendant  (J. Sprack, Criminal 

 procedure, 9e éd., Oxford, 2006, p. 31). Pour le dire autrement, avant l'expiration du délai de trois à quatre jours,l'article 5, § 3, n'a pas à intervenir puisque la CEDH se contente d'un contrôle peut-être judiciaire, mais pasnécessairement juridictionnel. Tout au plus, pendant cette période, la CEDH se reconnaît compétente pour apprécier la conventionnalité de la garde à vue au regard de l'article 5, § 1 c, sur les raisons de cette mesure.

B - L'application des principes généraux aux deux affaires ici commentées ne paraît pas poser de gravesdifficultés.

L'affaire Moulin c/ France est originale car la garde à vue de la requérante était intervenue dans le cadre d'une

commission rogatoire issue d'une information pour trafic de stupéfiants et blanchiment. L'intéressée, qui étaitavocate, avait été arrêtée au tribunal de grande instance d'Orléans, puis placée en garde à vue où elle resta durantcinq jours avant d'être présentée devant un juge d'instruction. La Cour fait une comparaison avec l'arrêt  Brogan

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où, dans une affaire de terrorisme, elle avait condamné le Royaume-Uni alors que la garde à vue avait duréquatre jours et six heures. Il lui était donc facile de condamner la France alors que, cette fois, la garde à vue avaitduré cinq jours et que les faits paraissaient moins graves (§ 61). Le gouvernement français avait bien essayéd'éviter la condamnation en distinguant le temps de garde à vue (deux jours) et celui du mandat d'amener enexécution duquel la personne avait été présentée à un juge d'instruction (trois jours) et en en déduisant que, prisséparément, ces deux délais étaient inférieurs au délai de quatre jours de l'affaire  Brogan précitée (§ 39). Mais

cet argument subtil n'a pas convaincu les juges strasbourgeois car de toute façon la requérante n'a été présentée àun juge qu'à l'issue d'un délai de cinq jours à compter de son arrestation.

Au contraire, dans l'affaire P C de la chambre criminelle, la durée de la garde à vue avant présentation à un jugeou magistrat assimilé, n'avait pas dépassé vingt-cinq heures dix (24 heures + 1 heure 10 à titre de prolongation).C'est pourquoi la chambre criminelle, tout en reconnaissant que notre parquet n'est pas une autorité judiciaire -alors que l'arrêt d'appel avait décidé l'inverse -, ne censure pas ce dernier au motif « que le demandeur a été

libéré à l'issue d'une privation de liberté compatible avec l'exigence de brièveté imposée par  » l'article 5, § 3. Lagarantie des libertés peut être assurée par les membres du parquet qui sont des magistrats. C'est seulement au-delà de deux jours que, peut-on ajouter, un juge doit intervenir pour décider une nouvelle prolongation (enmatière de criminalité organisée) : alors le contrôle n'est plus seulement judiciaire, mais juridictionnel.

Le Conseil constitutionnel n'a jamais dit autre chose. Citons, à titre d'exemple, la première décision en la

matière, des 20-21 janvier 1981 : pour la prolongation de la garde à vue au-delà de quarante-huit heures, «l'intervention d'un magistrat du siège... est nécessaire conformément aux dispositions de l'article 66 de la

Constitution » (Cons. const., 20-21 janv. 1981, n° 80-127-DC, § 25, D. 1982. I. 441, note A. Dekeuwer ; JCP1981. II. 19701, note C. Franck). Plusieurs décisions postérieures sont de la même veine.

Au terme de ces développements, trois idées sont à retenir :

a) Le parquet français n'est pas une autorité judiciaire selon l'article 5, § 3. Sont ainsi sur la même ligne la CEDH(§ 59 de l'arrêt  Moulin du 23 nov. 2010) et la chambre criminelle (arrêt  P C du 15 déc. 2010). Seul le Conseilconstitutionnel continue à voir dans le parquetier une autorité judiciaire si l'on considère - ce qui est hautement

 probable - que cette expression a le même sens en droit européen et en droit constitutionnel français, à savoir unorgane de défense des libertés individuelles.

 b) Toutefois l'article 5, § 3, ne joue en droit européen qu'après trois ou quatre jours de garde à vue et en droitfrançais qu'après deux jours, ce qui rend ainsi celui-ci plus favorable à la liberté que le droit européen devenu unstandard minimum. Là encore les deux décisions sont quasiment à l'unisson.

On en déduira qu'il semble contestable de prévoir pendant les premières quarante-huit heures de garde à vue lecontrôle d'un juge des libertés comme le prévoit pourtant le projet de loi relatif à la garde à vue en son article 1 er 

(art. 62-5 c. pr. pén. ; texte de la commission de l'Assemblée nationale, 15 déc. 2010) : cette disposition assezlourde peut en outre être blessante pour les membres du parquet, source de conflit entre des magistrats desensibilité différente et enfin fictive car seul le parquetier a suivi l'enquête.

c) De la convergence entre CEDH et chambre criminelle, il résulte qu'avant l'expiration d'un délai de deux jours,seul un contrôle judiciaire du parquet existe, relayé ensuite par un contrôle juridictionnel d'un magistrat du siège.

Doc. 6 - Cass. crim., 15 décembre 2010, n° 10-83.674 

Texte intégral :

Sur la recevabilité du mémoire personnel  : - Attendu que ce mémoire, déposé au greffe de la chambre del'instruction le 27 mai 2010, soit plus de dix jours après la déclaration de pourvoi, faite le 28 avril 2010, neremplit pas les conditions exigées par l'article 584 du code de procédure pénale et ne saisit pas la Cour decassation des moyens qu'il pourrait contenir ;

Sur le premier moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 5 § 1 et 5 § 3 de laConvention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 63, 63-1, 63-4, 591 et 593 du code de procédure

 pénale ; « en ce que la chambre de l'instruction a écarté comme mal fondée la demande d'annulation de la garde àvue de M. X... ; aux motifs que M. X... argue de ce que sa garde à vue initiale est entachée de nullité ainsi que tousles actes intervenus au cours de cette garde à vue, au motif que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des

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droits de l'homme, le magistrat du parquet français n'est pas une "autorité judiciaire" au sens de l'article 5 § 3 de

la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'il ajoute que le délai qui s'est écoulé entre sa mise endétention (sic) et sa présentation au juge d'instruction (l'on doit comprendre entre la fin de sa garde à vue et sa

 présentation devant le juge d'instruction) a excédé la promptitude telle qu'elle résulte de l'article 5 § 3 de laConvention européenne des droits de l'homme et qu'il n'a donc pas bénéficié de la supervision d'une autorité

 judiciaire puisque le procureur de la République n'a pas cette qualité ; que sur ce moyen : en l'état du droit positif,

le statut et les prérogatives et du procureur de la République sont ceux définis par le code de procédure pénale,dont le requérant ne démontre aucune violation qui serait seule susceptible de fonder une action en nullité ; lemoyen est sans effet (...) ; que la prolongation de la garde à vue de M. X... sur autorisation du parquet a duré

effectivement 1 heure 10 et a été destinée à permettre à l'épouse du gardé à vue d'apporter aux enquêteurs unecopie de l'acte de propriété des époux X..., ce qui a été fait à 19 heures (cf D. 68 et suivants) ; que le demandeur se

réfère à "l'obiter dictum" de la motivation d'une décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 10 juillet 2008 pour fonder sa demande d'annulation de la garde à vue ; que l'arrêt rendu depuis lors par la grande

chambre le 29 mars 2010, (statuant sur une requête introduite le 19 décembre 2002), ne reprend pas dans samotivation l'affirmation selon laquelle le parquet n'est pas une autorité judiciaire, étant du reste observé que la

Cour européenne des droits de l'homme n'était pas directement saisie de cette question ; qu'outre les dispositionsdes articles 63 du code de procédure pénale et suivants applicables à la garde à vue, il sera rappelé que, par 

décision du 11 août 1993, le Conseil constitutionnel a affirmé que le parquet était une autorité judiciaire et que la

chambre criminelle de la Cour de cassation n'est toujours pas, à ce jour, revenue sur sa jurisprudence du 10 mars

1992, selon laquelle, statuant sur l'application de l'article 5 § 3 de la Convention européenne des droits del'homme, elle a décidé que le procureur était un magistrat habilité à prolonger la durée de la garde à vue dans les

limites que la loi autorise ; qu'en l'état ce moyen sera rejeté ; 1°) alors que toute personne arrêtée ou détenue doit être aussitôt traduite devant un juge ou un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judicaires ; qu'il 

résulte de la jurisprudence conventionnelle que tel n'est pas le cas du procureur de la République, qui, ne présentant pas les garanties d'indépendance requises par l'article 5 § 1 de la Convention européenne des droits de

l'homme, ne peut valablement prolonger une mesure de garde à vue ; qu'en rejetant le moyen de nullité présentéde ce chef par M. X..., dont la garde à vue a été renouvelée par le procureur après 24 heures de détention, ce dont 

il résulte que le demandeur n'a pas été aussitôt présenté à un magistrat au sens de l'article 5 § 1 de la Conventioneuropéenne des droits de l'homme, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée de ce texte ; 2°) alors

qu'en tout état de cause, voudrait-on considérer le procureur de la République comme une autorité judiciaire quele contrôle qu'il doit exercer sur la mesure de garde à vue doit être effectif et réel ; que l'absence de toute réponse

 formelle du procureur de la République à la télécopie qui lui est envoyée par l'officier de police judiciaire dès le

début de la garde à vue ne permet pas de s'assurer de ce que, dès les premiers instants de cette mesure, uneautorité judiciaire au sens de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme a été effectivement avisée et qu'elle a pu effectivement contrôler l'opportunité et la légalité du placement en garde à vue pour les faits

reprochés » ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que M. X... a été placé en garde à vue le 22septembre 2008 à 18 heures 10, dans l'enquête ouverte sur les circonstances dans lesquelles il venait de blesser avec une carabine à air comprimé l'un de ses voisins auquel l'opposait un litige relatif à une servitude de

 passage ; que cette mesure a été prolongée sur autorisation du procureur de la République à compter du 23septembre à 18 heures 10, et a pris fin le même jour, à 19 heures 15, soit une durée de vingt-cinq heures et cinqminutes, après divers actes d'enquête, parmi lesquels une perquisition, qui a eu lieu à partir de 17 heures 05 à sondomicile ; - Attendu que, mis en examen, M. X... a présenté une requête aux fins d'annulation de pièces de la

  procédure, en soutenant, notamment, que le procureur de la République, sous le contrôle duquel avait étéordonnée puis prolongée la garde à vue, n'était pas une autorité judiciaire compétente au sens de l'article 5 § 3 dela Convention européenne des droits de l'homme ; que les juges ont rejeté la requête ; - Attendu que, si c'est àtort que la chambre de l'instruction a retenu que le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l'article5 § 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, alors qu'il ne présente pas les garantiesd'indépendance et d'impartialité requises par ce texte et qu'il est partie poursuivante, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, dès lors que le demandeur a été libéré à l'issue d'une privation de liberté d'une duréecompatible avec l'exigence de brièveté imposée par ledit texte conventionnel ; d'où il suit que le moyen,nouveau, mélangé de fait et, comme tel irrecevable en sa seconde branche, ne saurait être admis ;

Sur le second moyen de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 6 § 1 et 6 § 3 de laConvention européenne des droits de l'homme, 63, 63-1, 63-4, 591 et 593 du code de procédure pénale ; « en ce

que la chambre de l'instruction a écarté comme mal fondée la demande d'annulation de la garde à vue de M. X... ;

aux motifs que M. X... argue de ce que tous les procès-verbaux d'auditions effectués pendant sa garde à vue seraient nuls au motif qu'il n'a pas pu bénéficier de la présence d'un avocat pendant les auditions ni d'un accès audossier, et plus généralement qu'il n'a pas bénéficié du respect du contradictoire pendant l'enquête en flagrance ;

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que, sur ce moyen : en l'état du droit positif, il a bénéficié des dispositions de l'article 63-4 du code de procédure

 pénale qui ne prévoient pas que l'avocat intervienne dés la première heure, ni qu'il ait accès au dossier, ni encoreque la personne en garde à vue ait accès au dossier ; en l'absence de toute violation des dispositions de procédure

 pénale sur la présence de l'avocat en garde à vue, le moyen est sans consistance et ne démontre aucune violationd'une règle de procédure » ; alors qu'il résulte de la jurisprudence conventionnelle que toute personne gardée à

vue a le droit à l'assistance effective d'un avocat dès son placement sous ce statut ; qu'en écartant ce moyen tiré de

l'inconventionnalité de l'article 63-4 du code de procédure pénale aux motifs, radicalement inopérants, que lesdispositions de ce texte ne prévoient pas que l'avocat intervienne dès la première heure, ni qu'il ait accès audossier, ni encore que la personne en garde à vue ait accès au dossier, la chambre de l'instruction a méconnu

l'article 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme » ;

Attendu que, selon les mentions de l'arrêt attaqué, M. X... a déclaré dès le début de la garde à vue qu'il ne désirait pas s'entretenir avec un avocat et a renouvelé ce refus lors de la prolongation de la garde à vue ; que, dès lors, lemoyen manque en fait ; et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.

Doc. 7 - F. FOURMENT, « Après l'affaire  Moulin (CEDH, 5e sect., 23 nov. 2010), encore du grain à

moudre », Recueil Dalloz 2011 p. 26

Il résulte de la combinaison des § 1-c) et 3 de la Convention qu'une personne placée en garde à vue doit être «conduit[e] devant l'autorité judiciaire compétente » (§ 1), et plus précisément, « aussitôt traduite devant un jugeou magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » (§ 3).

Dans son arrêt Brogan c/ Royaume-Uni du 29 novembre 1988 rendu en formation plénière (req. n° 11209/84), laCour européenne a jugé que l'absence de contrôle judiciaire d'une garde à vue de quatre jours et six heures avaitenfreint l'article 5 § 3. Depuis, sans jamais fixer la durée maximum que peut comprendre l'adverbe « aussitôt »,la Cour se contente de se référer à cet arrêt pour rappeler que la durée de quatre jours et six heures estincompatible avec cette exigence de célérité (encore dans l'arrêt Medvedyev, § 129 [29 mars 2010, n° 3394/03, D.2010. 1386 , note J.-F. Renucci, et 1390, note P. Hennion-Jacquet, 952, entretien P. Spinosi, et 970, point devue D. Rebut] et dans l'arrêt

 Moulin, § 61 [D. 2010. 2761 , édito Rome, et 2776, obs. S. Lavric]). « Aussitôt »,

on sait ce que ce n'est pas (quatre jours et six heures ; a fortiori plus de cinq jours, comme dans l'affaire Moulin :délai écoulé entre son placement en garde à vue initial et son interrogatoire de première comparution devant des

 juges d'instruction, § 60), on ne sait toujours pas ce que c'est... Cette jurisprudence est communément interprétéecomme retenant un délai maximum de quatre jours.

La question posée au droit français est donc celle de savoir si la personne gardée à vue est « traduite devant un

 juge ou autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » avant l'expiration d'un délai dequatre jours à compter de son placement en garde à vue. Ladite question ne se pose que lorsque la personne esttoujours sous main de justice quatre jours après son placement en garde à vue. Cette hypothèse se vérifie, le caséchéant, dans les régimes de garde à vue applicables à la criminalité et à la délinquance organisées, en cas de «défèrement » à parquet avec saisine du tribunal correctionnel selon la procédure de comparution immédiate ouen cas de saisine du juge d'instruction par le procureur de la République, voire de saisine du juge des libertés et

de la détention par le magistrat instructeur.

Bien sûr, la réponse à cette question passe par la définition de la notion de «  juge ou autre magistrat habilité par 

la loi à exercer des fonctions judiciaires ».

A cet égard, les arrêts Medvedyev et Moulin ne font que reprendre une jurisprudence constante construite en deuxtemps par la Cour : par l'arrêt Schiesser c/ Suisse rendu en formation de chambre le 4 décembre 1979 (req. n°7710/76) puis par l'arrêt Huber c/ Suisse rendu en formation plénière le 23 octobre 1990 (req. n° 12794/87, RSC1991. 146 , obs. L.-E. Pettiti). L'intérêt de l'arrêt  Medvedyev, que l'arrêt  Moulin cite dans le texte (§ 46), estd'avoir offert à la Cour réunie en grande chambre l'occasion de définir la notion avec méthode. En résumé, et

 pour ce qui nous intéresse (sur la conduite « physique » de la personne privée de liberté devant le magistrat, V. §118 de l'arrêt Medvedyev ; sur la promptitude du contrôle, V. § 121 et l'arrêt  Brogan, préc. ; sur l'automaticité ducontrôle, V. § 122 ; sur les « pouvoirs du magistrat », V. § 124-126), le « magistrat habilité par la loi à exercer 

des fonctions judiciaires » s'entend d'un magistrat « [présentant] les garanties requises d'indépendance à l'égard de l'exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu'il puisse agir par la suite contre le requérant dans la

 procédure pénale, à l'instar du ministère public » (§ 124 ; l'intérêt de l'arrêt  Huber par rapport à l'arrêt Schiesser 

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étant d'absorber tout magistrat du ministère public, en application du principe d'indivisibilité ; la Cour appliquece principe dans l'affaire Moulin, § 58).

Encore que l'arrêt Medvedyev ne constate pas de violation de l'article 5 § 3 de la Convention (les personnes ayantété présentées à un juge d'instruction huit à neuf heures après leur arrivée au port de Brest, en début de garde àvue, § 132), on a pu, à juste titre, conclure de cet arrêt que les magistrats du ministère public ne sont pas des «

magistrats habilités par la loi à exercer des fonctions judiciaires » au sens de l'article 5 § 3 de la Convention : ilsne sont ni indépendants à l'égard de l'exécutif, ni indépendants à l'égard des parties. L'arrêt  Moulin ne fait quel'exprimer directement (§ 57 et 58) ; la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 15décembre 2010 (n° 10-83.674, D. 2011. Actu. 15, obs. S. Lavric ), l'entériner enfin : « c'est à tort que lachambre de l'instruction a retenu que le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l'article 5 § 3 [...],alors qu'il ne présente pas les garanties d'indépendance et d'impartialité requises par ce texte et qu'il est partie

  poursuivante

Une conclusion intermédiaire s'impose : les magistrats du ministère public deviendraient-ils indépendants àl'égard de l'exécutif demain, qu'ils ne seraient pas davantage qu'hier indépendants à l'égard des parties.L'indépendance du ministère public est donc une réponse erronée aux problèmes soulevés par les arrêts Medvedyev et Moulin ; erronée, et non pas seulement insuffisante..., sauf à cesser de faire du ministère public une partie, c'est-à-dire l'autorité de poursuite et d'exercice de l'action publique.

Cette situation révèle le sens et même l'essence des «  fonctions judiciaires » visées par l'article 5 § 3 : lemagistrat qui y est défini est le juge d'habeas corpus. S'étonne-t-on que ce magistrat garant de la libertéindividuelle doive être indépendant à l'égard de l'exécutif et des parties ? Non indépendant à l'égard de l'exécutif,le risque d'arbitraire serait certain ; juge et partie dans un cumul des fonctions de poursuite et des fonctions de

 juge de la liberté, son impartialité ferait défaut.

Le magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires de l'article 5 § 3 ne s'entend pas de l'autorité de poursuite, mais du juge d'habeas corpus, du juge garant du droit à la liberté. A-t-on jamais observé que la Cour européenne pose l'exigence d'une autorité de poursuite indépendante à l'égard de l'exécutif ? Sur quel fondementdélivrerait-elle cette solution ? L'article 6 et le droit au procès équitable ? Pourrait-elle faire porter à l'accusateur la garantie d'indépendance que l'article 6 attache au seul « tribunal » ? Libre à un Etat Partie de choisir cettesolution institutionnelle, mais elle ne peut découler du standard minimum du droit au procès équitable. La Cour 

l'admet à mots couverts dans son arrêt  Moulin : «  La Cour n'ignore pas que le lien de dépendance effective entrele ministre de la justice et le ministère public fait l'objet d'un débat au plan interne. Toutefois, il ne lui appartient 

 pas de prendre position dans ce débat qui relève des autorités nationales : la Cour n'est en effet appelée à se prononcer que sous le seul angle des dispositions de l'article 5 § 3 de la Convention, et des notions autonomes

développées par sa jurisprudence au regard desdites dispositions » (§ 57).

Si les conditions d'intervention du procureur de la République dans la prolongation de la garde à vue au-delà devingt-quatre heures ne sont pas incompatibles avec l'article 5 § 3 de la Convention, ce n'est pas en raison de saqualité de magistrat idoine, mais parce que, dans le délai de quatre jours à compter de son placement en garde àvue - et sauf accident de procédure comme dans l'affaire  Moulin -, la personne aura soit été libérée (après unegarde à vue d'une durée de vingt-cinq heures, sur prolongation du procureur de la République, comme dansl'arrêt de la chambre criminelle du 15 décembre), soit présentée au bout de quarante-huit heures à un juge deslibertés et de la détention (en cas de prolongation de la garde à vue dans la procédure applicable à la délinquanceet à la criminalité organisées), soit présentée à un juge d'instruction sur saisine du procureur de la République,voire ensuite à un juge des libertés et de la détention, soit déférée au tribunal correctionnel selon la procédure decomparution immédiate. Juge des libertés et de la détention, juge d'instruction et tribunal correctionnel sont desmagistrats ou formations juridictionnelles présentant les garanties requises par l'article 5 § 3 de la Convention.

Sans ironie, le droit français offre plus de garanties que la Convention : sur le fondement de l'article 66 de laConstitution, on sait l'intervention d'un magistrat du siège nécessaire à la prolongation de la garde à vue au-delàde quarante-huit heures (depuis Cons. const., déc. n° 80-127 DC du 20 janv. 1981, n° 25), là où, sur lefondement de l'article 5 § 3, la Cour européenne n'impose assurément l'intervention d'un magistrat habilité par laloi à exercer des fonctions judiciaires qu'au-delà de quatre jours de privation de liberté.

Au lendemain de l'arrêt Moulin, du grain reste à moudre.

Pour la Cour européenne, d'abord : l'indétermination de la durée maximum que peut comprendre l'adverbe «aussitôt » devient problématique. Qui fera grief à la Cour de préciser la notion, au besoin par voie d'obiter dictum

? Pour mémoire, l' Habeas Corpus Act du 27 mai 1679 retenait un délai de trois jours. Par ailleurs, si la Cour a su

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interdire le cumul des fonctions de juge d'habeas corpus et des fonctions de poursuite, elle se satisfaitétonnamment du cumul des fonctions d'habeas corpus et des fonctions d'instruction (affaire  Medvedyev, mutatismutandis, affaire Moulin).

Pour les juridictions nationales, ensuite : dans le même temps que la Cour de cassation conclut que le ministère public n'est pas une « autorité judiciaire au sens de l'article 5 § 3 de la Convention », le Conseil constitutionnel

souligne toujours que, au sens de l'article 66 de la Constitution, « l'autorité judiciaire comprend à la fois lesmagistrats du siège et du parquet » (déc. n° 2010-14/22 QPC du 30 juill. 2010 , n° 26, D. 2010. 2259 , obs. J.Pradel ; AJ pénal 2010. 470, étude J.-B. Perrier   ; RTD civ. 2010. 513 et 517 , obs. P. Puig).

Pour le législateur, enfin : ne pourrait-il pas sortir de cette sorte d'imbroglio «  par le haut » en substituant le jugedes libertés et de la détention au procureur de la République dans la prolongation de la garde à vue ?

Doc. 8 - G. ROUJOU de BOUBEE, « La réforme de la garde à vue , commentaire de la loi n° 2011-392 du14 avril 2011 », Recueil Dalloz 2011 p. 1570

Entrée en vigueur le 1er  juin, la réforme de la garde à vue se signale par des avancées notables. D'abord, la gardeà vue est soumise à des conditions plus strictes tenant à la gravité des faits et aux difficultés des investigations.Ensuite et surtout, le suspect, immédiatement informé de son droit au silence, peut, s'il le souhaite, être assisté

 par un avocat au cours des auditions et confrontations pratiquées par les organes de police et de gendarmerie.Pour autant, l'enthousiasme ne saurait être sans limites car un certain nombre de dispositions, incluses dans la loi,risquent de constituer des entraves sérieuses au libre exercice des droits de la défense.

1 - Différents événements ont précédé ou accompagné la genèse de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 « relativeà la garde à vue » (2). Il suffit de les rappeler brièvement tant ils sont encore présents dans toutes lesmémoires :

• Plusieurs arrêts de la CEDH (3) qui ne concernaient pas la France mais dans lesquels il était dit qu'en vertu del'article 6, § 3, de la Convention (4) et de l'exigence d'un procès équitable, tout suspect a droit à l'assistanced'un avocat dès qu'il est privé de sa liberté, cette assistance permettant d'obtenir « toute la vaste gammed'interventions qui sont propres au conseil », ce qui implique, notamment, la présence aux interrogatoiresconduits par la police.

• La décision du Conseil constitutionnel du 30 juillet 2010 (5) qui relève plusieurs insuffisances, au regard desexigences constitutionnelles, dans les garanties organisées par le code de procédure pénale : absence de prise encompte de la gravité de l'infraction lors du recours à la garde à vue, absence d'assistance effective de l'avocat

 pendant cette mesure, absence de notification au suspect de son droit à garder le silence ; toutefois, l'abrogationdes dispositions du code de procédure pénale est repoussée au 1er  juillet 2011 étant donné « les conséquencesexcessives » qu'entraînerait une abrogation immédiate (6).

• L'arrêt de la CEDH du 14 octobre 2010,  Brusco, qui, cette fois, intéresse directement la France et la condamne

aux motifs que le requérant n'a pas été informé de son droit au silence et n'a pas bénéficié de l'assistance d'unavocat pendant ses auditions (7).

• La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui, à l'instar de la Cour de Strasbourg,reprend les griefs tirés de l'absence d'information relative au droit de se taire et de l'absence d'avocat lors de la

 préparation et du déroulement des interrogatoires (8).

2 - La genèse de la loi a été marquée par une certaine célérité afin de respecter la date butoir du 1 er  juillet 2011,imposée au législateur par le Conseil constitutionnel. Le projet initial, déposé le 13 octobre 2010, a été adopté en

 première lecture par l'Assemblée nationale le 25 janvier 2011 puis par le Sénat le 8 mars ; le texte du Sénat a étévoté sans modification par l'Assemblée en deuxième lecture le 12 avril 2011 ; aucun recours n'a été intentédevant le Conseil constitutionnel (9) ; la loi a donc pu être immédiatement promulguée.

3 - Vingt-six articles divisés en deux chapitres : « Dispositions relatives à l'encadrement de la garde à vue » (art.1er à 12) et « Dispositions diverses » (art. 13 à 26). En réalité le plan manque de rigueur car l'on trouve égalementdans le second chapitre bon nombre de dispositions qui concernent la garde à vue, à côté de celles relatives à la

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retenue douanière ou à la coopération internationale. Seules seront envisagées, dans le présent commentaire, lesdispositions qui ont trait, directement ou indirectement, à la garde à vue des majeurs (10) et qui apportent desmodifications au régime existant.

I - Le régime de droit commun de la garde à vue

4 - Pour la première fois, la garde à vue fait l'objet d'une définition légale : c'est « une mesure de contrainte,décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne àl'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté decommettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs». Sans innover, cette définition a le mérite - que n'avait pas l'article 63 du code de procédure pénale - de mettreimmédiatement l'accent sur la notion de contrainte qui est de l'essence même de la garde à vue et sans laquellecette mesure ne saurait exister. Ainsi, la « rétention », pendant quatre heures au maximum (11), de la personnesusceptible de fournir des renseignements (12) n'est pas une garde à vue et n'ouvre pas les droits attachés àcelle-ci ; mais s'il apparaît, au cours de l'audition, qu'il y a des raisons plausibles de soupçonner la commissiond'une infraction telle que visée par l'article 62-2, la rétention ne peut être maintenue à l'aide de la contrainte quesous le régime de la garde à vue (13). A l'inverse, alors que les conditions de la garde à vue sont réunies, lamise en oeuvre de cette mesure n'est pas obligatoire (14) si la personne n'est pas tenue de demeurer sous lacontrainte à la disposition des enquêteurs et si elle a été informée qu'elle peut à tout moment quitter les locaux de

la police ou de la gendarmerie (15).

A - Les conditions de fond

5 - Dans le souci d'en réduire la fréquence, la garde à vue est désormais soumise à des conditions strictes, imitéesde celles qui existent déjà en matière de détention provisoire : a) alors que l'article 63 l'autorisait dès lors qu'il yavait suspicion de commission d'une infraction, sans autre précision, la loi nouvelle la réserve à l'hypothèse desuspicion d'un crime ou d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement, ce qui la réserve à des cas présentant unminimum de gravité ; b) elle doit être « l'unique moyen » de parvenir à l'un au moins des six objectifs fixés par laloi : - permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne (16) ; -garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisseapprécier la suite à donner à l'enquête ; - empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;- empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs

 proches ; - empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs oucomplices ; - garantir la mise en oeuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. Aucune allusionn'est faite à d'éventuelles auditions du suspect, ce qui est conforme à la fonction première de la garde à vue, quiconsiste à « surveiller de l'oeil » (17) ou maintenir à disposition (18) un individu dont on craint qu'il n'essaied'entraver le cours des investigations (19) ; en réalité, l'interrogatoire autrefois, l'audition (20) aujourd'huin'est, peut-être, qu'une fonction seconde, pour ne pas dire une perversion de cette mesure, dont les inconvénientssont à l'avenir fortement atténués par l'assistance de l'avocat.

B - La procédure

6 - Les changements dont elle est affectée sont la conséquence des réformes de fond apportées par la loi : a)l'article 62-2 énonce que  seul un OPJ peut placer en garde à vue (21) ; b) l'information donnée au procureur,

 par tout moyen, doit comporter l'indication des motifs justifiant la garde à vue en application de l'article 62-2 : ilfaut donc admettre que doivent être indiquées, de la manière la plus concrète, les circonstances de fait, tirées dudossier, qui font que la mesure prise est l'unique moyen de parvenir à l'un des objectifs mentionnés (22) - cettemême information doit également comporter la qualification des faits telle que notifiée ; c) l'informationimmédiatement fournie au suspect est complétée par l'indication de la date présumée de l'infraction et, surtout,elle comporte dorénavant l'indication que ce suspect a le droit de faire des déclarations, de répondre auxquestions qui lui sont posées ou de se taire ; ainsi se trouve satisfaite l'exigence posée, à la fois, par le Conseilconstitutionnel, par la CEDH et par la Cour de cassation, ce qui nous ramène à l'état du droit découlant de la loidu 10 juillet 2000 et qui avait été abandonné par la suite (23) en raison du mécontentement des services de

 police (24) ; d) le procès-verbal établi par l'OPJ est complété par la mention des motifs justifiant la garde à vueainsi que la mention d'une éventuelle fouille intégrale ou d'investigations corporelles.

C - La durée

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7 - Consacrant les solutions dégagées par la jurisprudence, la loi précise : - que, « le cas échéant » (25), l'heureà retenir pour fixer le début de la mesure est l'heure à laquelle la personne a été appréhendée ; - qu'en cas degardes à vue successives pour les mêmes faits, la durée des précédentes périodes s'impute sur la durée totale(26).

8 - S'agissant de la durée proprement dite, c'est la prolongation qui fait l'objet de certaines restrictions ignoréesdu système antérieur. D'abord, elle suppose deux conditions nouvelles : a) que l'infraction retenue est un crimeou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à un an ; b) qu'elle est l'unique moyen de

 parvenir à l'un des objectifs mentionnés par la loi (27). Ensuite, elle doit faire l'objet, de la part du procureur,d'une autorisation, non seulement écrite, mais encore motivée (28). Enfin, et de manière générale (29), ellesuppose la présentation de l'intéressé, laquelle peut être réalisée par l'utilisation d'un moyen detélécommunication audiovisuelle, précision appréciable lorsque le lieu de la garde à vue se trouve éloigné dutribunal (30).

D - Les droits de la personne gardée à vue

9 - a) Les droits traditionnellement reconnus au suspect restent les mêmes, sauf quelques dispositions de détail.Ainsi : le droit de faire prévenir un proche est étendu au curateur, au tuteur et aux autorités consulaires du pays

d'origine ; l'examen médical, prévu par l'article 63-3, « doit être pratiqué à l'abri du regard et de toute écouteextérieurs afin de permettre le respect de la dignité et du secret professionnel », préconisation qui n'est pas inutilequand on connaît l'état de certains locaux (31).

10 - b) La reconnaissance, nouvelle, du droit au respect de la dignité. L'état de vétusté et d'insalubrité de bonnombre de locaux utilisés pour les gardes à vue a été souvent dénoncé, de même qu'ont été fustigées les mesures

 purement vexatoires parfois pratiquées ; lors de la saisine du Conseil constitutionnel, avaient été spécialementmentionnées les conditions matérielles dans lesquelles se déroule souvent cette mesure. Le Conseil avait rappelédans sa décision que la sauvegarde de la dignité de la personne constitue un principe à valeur constitutionnellequ'il appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de police de faire respecter. Le législateur s'est souvenude cette recommandation : « la garde à vue doit s'exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité dela personne » (32). En conséquence, « seules peuvent être imposées... les mesures de sécurité strictementnécessaires ». Ces principes posés, la loi fournit un certain nombre d'indications : - les mesures de sécurité «ayant pour objet de s'assurer que la personne gardée à vue ne détient aucun objet dangereux pour elle-même ou

 pour autrui » seront définies par voie réglementaire, mais il est d'ores et déjà précisé que, lors de ses auditions, lesuspect dispose des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité (33) ; - la fouilleintégrale est exclue dans le cadre des mesures de sûreté et n'est autorisée que si elle est rendue indispensable par les nécessités de l'enquête (34) ; elle doit être pratiquée dans un espace fermé et par une personne de mêmesexe ; - les investigations corporelles internes, au cas où elles sont, elles aussi, indispensables à l'enquête, ne

 peuvent être réalisées que par un médecin requis à cet effet.

Reste l'état des locaux sur lequel la loi n'avait peut-être pas à se prononcer mais qui pose un problème angoissantet quotidien ; sans une solution rapide de ce problème, le respect de la dignité de la personne risque fort de n'êtrequ'un voeu pieux.

11 - c) Le droit à l'assistance d'un avocat (35) : c'était là l'élément le plus attendu, celui qui, à lui tout seul, justifiait l'élaboration d'une réforme. L'attente n'a pas été vaine, même si des motifs d'inquiétude persistent.

12 - L'entretien initial de trente minutes, renouvelé en cas de prolongation, est maintenu dans les conditionshabituelles (36), l'information de l'avocat étant néanmoins plus complète puisqu'il peut consulter (37) le

 procès-verbal constatant la notification du placement en garde à vue et des droits afférents, le certificat médicalet les procès-verbaux d'audition (38).

13 - A cet entretien s'ajoute désormais - et c'est évidemment là la pièce maîtresse de la réforme - la possibilité pour l'avocat d'assister aux auditions et confrontations (39) de son client (40). La première audition ne peutalors débuter, hors la présence de l'avocat (41), avant l'expiration d'un délai de deux heures à compter dumoment où il a été avisé ; en cas de retard et si l'audition a déjà débuté, elle peut être interrompue, à la demandedu suspect, pour permettre à ce dernier de s'entretenir avec son défenseur lorsqu'il arrive ; dans le cas contraire,

cette audition se continue en présence de l'avocat. En revanche, rien n'est prévu pour les auditions ultérieures ; ilfaut donc admettre que l'avocat doit rester à disposition et que, en cas de retard de sa part, il peut intervenir aumoment où il arrive. A l'issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, l'avocat peut poser des

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questions, sans qu'il soit précisé à qui ces questions sont adressées, client, OPJ, voire personnes confrontées ; il peut également présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure et, éventuellement, adressées au procureur pendant la garde à vue (42).

14 - L'importance attachée à l'assistance de l'avocat est telle qu'elle déborde le cadre de la garde à vue. En effet,il est désormais inscrit dans l'article préliminaire du code de procédure pénale, et ce de manière tout à fait

générale, qu'en matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seulfondement de déclarations faites sans que l'intéressé ait pu s'entretenir avec un avocat et être assisté par lui(43).

15 - Si l'on en revient à la seule garde à vue, les progrès sont indéniables. Pour autant, certaines dispositions de laloi sont loin de rassurer pleinement quant au libre exercice des droits de la défense (44) :

• « En cas de difficulté », l'OPJ ou l'APJ qui dirige l'audition ou la confrontation peut à tout moment y mettre unterme, aviser le procureur qui informe s'il y a lieu le bâtonnier « aux fins de désignation d'un autre avocat » ;l'OPJ, voire l'APJ (45), est de la sorte en mesure de provoquer l'exclusion de l'avocat gênant.

• L'OPJ ou l'APJ peut s'opposer aux questions émanant de l'avocat à l'issue de l'audition ou de la confrontation sices questions sont « de nature à nuire au bon déroulement de l'enquête » (46) ; mais quels sont les critères qui

 permettent semblable appréciation ?

• Lorsque « les nécessités de l'enquête l'exigent », le procureur peut, à la demande de l'OPJ, autoriser par décision écrite et motivée (47) l'audition immédiate de la personne, sans attendre la présence de l'avocat ; lerisque est ici celui d'une banalisation de cette pratique.

• A titre exceptionnel et à la demande de l'OPJ, le procureur peut, par décision écrite et motivée (48), autoriser le report de la présence de l'avocat si cette mesure paraît indispensable pour des raisons impérieuses tenant auxcirconstances particulières de l'enquête, soit pour permettre le bon déroulement d'investigations urgentes tendantau recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. Décidé par le procureur, ce report ne peut excéder une durée de douze heures mais il peut être porté jusqu'à vingt-quatreheures (49) par décision du juge des libertés et de la détention (JLD) lorsque la peine d'emprisonnement estsupérieure ou égale à cinq ans (50). Quelles que soient les précautions prises, il y a là une possibilité de

 blocage quasi total des droits de la défense susceptible de ruiner ce qui est organisé par ailleurs (51).

E - Le contrôle de la garde à vue

16 - En vertu de la loi, la garde à vue est décidée par l'OPJ « sous le contrôle de l'autorité judiciaire » (52) etelle s'exécute « sous le contrôle du procureur de la République » (53). Si le rôle dévolu à ce magistrat n'est pasnouveau dans son principe, il est en revanche précisé dans ses modalités. En premier lieu, le procureur appréciesi le maintien en garde à vue ou sa prolongation est « nécessaire » à l'enquête, formule qui paraît en retrait par rapport à l'exigence selon laquelle la garde à vue doit être « l'unique moyen de... ». Dans le souci de limiter l'usage de la garde à vue, il est également indiqué que le procureur doit apprécier si la garde à vue est

 proportionnée à la gravité des faits retenus ; en d'autres termes, il appartient au procureur d'y mettre fin alorsmême que l'emprisonnement est encouru dès lors que le délit est de faible gravité. En deuxième lieu, averti de la

qualification retenue par l'OPJ, il peut la modifier, et cette modification est notifiée à la personne. L'importancede ce contrôle de la qualification ne doit pas être sous-estimée dans la mesure où la qualification commandel'existence ou le régime de la garde à vue : si le procureur substitue à la qualification initiale une qualification quine comporte plus une peine d'emprisonnement, la garde à vue doit immédiatement prendre fin ; si la qualificationinitiale est remplacée par une qualification qui comporte une peine d'emprisonnement inférieure à cinq ans, la

 prolongation devient impossible (54). En troisième lieu et de manière générale, le procureur est chargé deveiller à la sauvegarde des droits de la personne gardée à vue ; il peut ainsi, à tout moment, exiger que cette

 personne lui soit présentée (55) ou qu'il soit mis fin à la mesure dont elle fait l'objet.

17 - La dévolution au procureur de ces multiples tâches ne peut que rassurer mais il n'est pas douteux que,comme les avocats, les membres du parquet vont connaître un surcroît de travail. Ceci étant, les dispositionsétudiées appellent une double remarque : - d'abord, les prérogatives reconnues au ministère public en tant quereprésentant de l'autorité judiciaire ne s'accordent pas avec les affirmations de principe de la CEDH (56) et de

la chambre criminelle de la Cour de cassation (57) qui, à l'inverse du Conseil constitutionnel (58), dénient auministère public son appartenance à l'autorité judiciaire. En réalité, la question du statut du ministère publicdevient chaque jour plus pressante et il est à souhaiter que ne se renouvelle pas, à son égard, l'attentisme

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longtemps pratiqué à propos de la garde à vue. Ensuite, on l'a vu, le procureur se voit reconnaître compétence pour décider un certain nombre de mesures qui ont pour effet de limiter l'exercice des droits de la défense. Or, sil'on se réfère une nouvelle fois à la doctrine, au demeurant difficilement contestable, de la chambre criminelle, le

 procureur est une partie au procès pénal ; dans ces conditions, n'est-on pas en présence d'un manquement au principe d'égalité des armes, lui-même condition du procès équitable ?

II - Les régimes spéciaux

18 - Ils concernent les infractions ou les catégories d'infractions énumérées à l'article 706-73 : criminalitéorganisée, proxénétisme aggravé, terrorisme, trafic de stupéfiants, pour ne citer que les plus marquantes. A leur égard, sont organisées, dans un but d'efficacité, des procédures dérogatoires au droit commun (59). S'agissantde la garde à vue, et en l'état du droit antérieur à la loi du 14 avril, la dérogation consiste en une extension des

 possibilités de prolongation: l'article 706-88 autorise deux prolongations supplémentaires de vingt-quatre heureschacune par décision écrite et motivée du JLD (60). L'intéressé peut s'entretenir avec un avocat à l'issue de laquarante-huitième heure puis de la soixante-douzième heure. Toutefois, lorsque l'enquête porte sur une infractionen matière de stupéfiants ou en matière de terrorisme, l'entretien ne peut intervenir qu' à l'issue de la soixante-douzième heure ; en outre, dans l'hypothèse du terrorisme, s'il y a un risque sérieux d'une action terroristeimminente ou si les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement, le JLD peut décider une nouvelle prolongation de vingt-quatre heures, elle-même renouvelable une fois ; l'entretien avec l'avocat est

alors prévu à l'expiration de la quatre-vingt-seizième heure et de la cent vingtième heure.

19 - Le Conseil constitutionnel avait jugé ces dispositions conformes à la Constitution aux motifs que l'atteinte portée à la liberté individuelle n'est pas excessive et que les garanties fixées par le législateur assurent le respectdu principe selon lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée par une rigueur qui n'est pas nécessaire(61). En revanche, la chambre criminelle de la Cour de cassation les a jugées incompatibles avec les exigencesde l'article 6, § 3, de la Convention EDH qui, selon elle, veut que, « sauf exceptions justifiées par des raisonsimpérieuses tenant aux circonstances particulières de l'espèce et non à la seule nature du crime ou délit reproché,toute personne soupçonnée d'avoir commis une infraction doit, dès le début de la garde à vue, être informée deson droit de se taire et bénéficier, sauf renonciation non équivoque, de l'assistance d'un avocat » (62).

20 - A ce régime dérogatoire, qui est maintenu dans ses dispositions essentielles, la loi du 14 avril apporte deuxcompléments : - lors des deux premières prolongations de vingt-quatre heures, l'intervention de l'avocat peut êtredifférée, par une décision écrite et motivée du JLD, pendant une durée maximale de quarante-huit heures, portéeà soixante-douze heures dans le cas du trafic de stupéfiants ou du terrorisme, « en considération de raisonsimpérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête ou de l'instruction, soit pour permettre le recueilou la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte aux personnes », ce qui signifie que pendant cesdurées supplémentaires le suspect peut être totalement privé de l'assistance de l'avocat (63) ; - dans le cas

 particulier du terrorisme, le JLD, saisi par le procureur, à la demande de l'OPJ, peut décider que la personne seraassistée par un avocat désigné par le bâtonnier  sur une liste d'avocats habilités, établie par le bureau du Conseilnational des barreaux sur proposition des conseils de l'ordre de chaque barreau.

21 - L'appréciation qu'appellent ces dispositions doit être nuancée. Le danger que représente le trafic destupéfiants et, peut-être encore davantage, la menace terroriste ainsi que les difficultés présentées par lesinvestigations en de pareilles matières rendent inévitables des mesures d'exception ; celles-ci, dans leur principe,

ne sauraient donc être contestées. En même temps, la loi donne pleinement satisfaction à la Cour de cassation  puisqu'elle reprend, dans leurs termes mêmes, les conditions mises par la chambre criminelle au retardsusceptible d'être infligé à l'intervention de l'avocat. Mais la durée de ce retard ne risque-t-elle pas d'êtreexcessive ? S'agissant par ailleurs de la liste d'avocats habilités en matière de terrorisme, elle suscite la gêne : sur quels critères cette liste sera-t-elle établie (64) ? Que devient, dans ce cas, le principe du libre choix del'avocat ?

III - L'entrée en vigueur de la loi

22 - Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 30 juillet dernier, avait retardé l'abrogation des dispositionsdéclarées inconstitutionnelles jusqu'au 1er  juillet 2011, car « l'abrogation immédiate des dispositions contestéesméconnaîtrait les objectifs de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions etentraînerait des conséquences manifestement excessives » ; de cette prise de position découlait le maintien en

vigueur, jusqu'au 1er 

juillet, des dispositions du code de procédure pénale.• La chambre criminelle, dans toute une série d'arrêts depuis le 19 octobre 2010, avait considéré que l'applicationimmédiate des règles issues de l'article 6 de la Convention EDH devait être écartée au nom du principe de

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sécurité juridique et dans le souci d'une bonne administration de la justice, ce qui entraînait le maintien, en tantque droit positif, des dispositions déclarées incompatibles avec la Convention.

• La loi du 14 avril a fixé son entrée en vigueur au « premier jour du deuxième mois suivant sa publication au Journal officiel  », donc au 1er  juin (65), et elle précise, ce qui est superfétatoire, qu'elle est applicable auxmesures de garde à vue prises à compter de son entrée en vigueur.

• L'assemblée plénière de la Cour de cassation, dans ses décisions du 15 avril 2011 (66), a énoncé que « lesEtats adhérents à la Convention EDH sont tenus de respecter les décisions de la CEDH, sans attendre d'êtreattaqués devant elle ni d'avoir modifié leur législation ».

• La chancellerie, au vu des arrêts de l'assemblée plénière, a décidé le 15 avril 2011, dans l'après-midi, l'entrée envigueur immédiate de la loi du 14 avril, tout au moins en ce qui concerne le droit de se taire et l'assistance del'avocat.

23 - Au plan théorique, cette succession de prises de position peut être source d'une abondante réflexion : lachambre criminelle se soumet, comme la Constitution l'y invite, à la solution retenue par le Conseilconstitutionnel ; l'assemblée plénière, quant à elle, fait prévaloir la règle conventionnelle ; il y a là matière à undébat qui ne peut qu'être mentionné ici tant il dépasse le cadre de ce commentaire. En même temps, comment ne

 pas s'interroger sur le mécanisme législatif (67) qui a permis au ministre de la justice de ne pas tenir comptedes prescriptions de la loi, et d'en avancer, de son propre chef, la date d'entrée en vigueur ?

24 - Au plan pratique (68), si l'on suit la doctrine de l'assemblée plénière, il convient d'admettre, dans lesinstances en cours, la nullité des gardes à vue passées sans l'assistance d'un avocat ou au cours desquelles lesuspect n'avait pas été informé de son droit au silence. Déjà, dans l'un des arrêts qu'elle a rendus le 15 avril,l'assemblée plénière cassait la décision qui avait considéré que la garde à vue était régulière dès lors qu'elle avaitété conforme aux dispositions du code de procédure pénale. Cette solution vient d'être consacrée par quatrearrêts de la chambre criminelle rendus le 31 mai dernier (69) : au visa de l'article 6, § 3, de la Convention, sontannulées des gardes à vue au cours desquelles le suspect n'a pas été informé de son droit au silence et n'a pas

 bénéficié de l'assistance d'un avocat ; cette nullité atteint d'abord « les auditions recueillies » au cours de lamesure critiquée et ses effets doivent, ensuite, être étendus, le cas échéant, « aux actes dont ces auditions étaientle support nécessaire ». Semblable doctrine est, évidemment, de nature à remettre en cause de multiples

 procédures actuellement en cours (70).

(1) Abstraction faite de ses insuffisances au regard des garanties individuelles, la garde à vue, telle que pratiquée jusqu'à ces derniers temps, présentait l'inconvénient d'être de plus en plus fréquente (336 718 en 2001, 792 293 en 2009) et de s'exécuter dans des conditions matérielles

souvent déplorables, V. notre entretien, D. 2010. 72 .(2) JO 15 avr., p. 6610. V., sur cette loi, H. Matsopoulou, Une réforme inachevée, aperçu rapide à propos de la loi du 14 avril 2011, JCP G2011. 542 ; M.-L. Rassat, A remettre sur le métier, des insuffisances de la réforme de la garde à vue, JCP G 2011. 632 ; J. Pradel, Un regard perplexe sur la nouvelle garde à vue, JCP G 2011. 665.

(3) V. not. les arrêts Salduz du 27 nov. 2008 ;  Dayanan du 13 oct. 2009, D. 2009. 2897 , note J.-F. Renucci ; AJ pénal 2010. 27 , étude

C. Saas ; RSC 2010. 231, obs. D. Roets ;  Pishchalnikov du 24 sept. 2009 ;  Kolesnik du 19 nov. 2009. La chancellerie s'est longtempsrefusée à voir en quoi la doctrine exprimée intéressait également la France.(4) « Tout accusé... a droit à avoir l'assistance d'un défenseur ».

(5) N° 2010-14/22 QPC , D. 2010 1928 , entretien C. Charrière-Bournazel, 1949 , point de vue P. Cassia, 2259 , obs. J. Pradel, 2696

, entretien Y. Mayaud, et 2783 , chron. J. Pradel ; RTD civ. 2010. 513 , obs. P. Puig ; AJ pénal 2010. 470, étude J.-B. Perrier  ;

Constitutions 2010. 571, obs. E. Daoud et E. Mercinier , et 2011. 58, obs. S. De La Rosa  ; RSC 2011. 139, obs. A. Giudicelli , 165, obs.B. de Lamy  , et 193, chron. C. Lazerges .(6) La décision du 30 juillet concerne le régime de droit commun ; s'agissant des régimes spéciaux, ceux-ci sont considérés comme conformes à

la Constitution par la décision n° 2010-31 QPC du 22 sept. 2010, RSC 2011. 139, obs. A. Giudicelli , et 193, chron. C. Lazerges .

(7) D. 2010. 2950 , note J.-F. Renucci, 2425, édito F. Rome , 2696, entretien Y. Mayaud , 2783, chron. J. Pradel , et 2850, point de

vue D. Guérin ; RSC 2011. 211, obs. D. Roets .

(8) Crim. 19 oct. 2010, 3 arrêts (n° 10-82.902, 10-82.306 et 10-85.051), D. 2010. 2809 , note E. Dreyer, 2425, édito F. Rome, 2696, entretien

Y. Mayaud, 2783, chron. J. Pradel , et 2011. 124, obs. E. Degorce ; AJ pénal 2010. 479, étude E. Allain ; Cah. Cons. const. 2011. 242, obs.

Y. Mayaud ; RSC 2010. 879, chron. E. Gindre , qui englobent, dans leur condamnation, les régimes spéciaux en ce qu'ils sont déterminés

 par la nature de l'infraction et non par sa gravité ; 4 janv. 2011, D. 2011. Actu. 242 , obs. M. Lena ; AJ pénal 2011. 83  et RSC 2011. 144,

obs. J. Danet ; 18 janv. 2011, D. 2011. Actu. 381 ; AJ pénal 2011. 83  ; Cass., ass. plén., 15 avr. 2011 (4 arrêts), D. 2011. 1080 , et lesobs., et 1128, entretien G. Roujou de Boubée.(9) Ce qui est regrettable car le contrôle a priori du Conseil eût été de nature à prévenir des recours a posteriori qui ne manqueront pasd'alimenter des QPC.(10) En ce qui concerne les mineurs, leur est étendue l'exigence des motifs (V. infra, § 5 ) et la possibilité de l'assistance de l'avocat telle que prévue pour les majeurs (V. infra, § 11).(11) Et non plus pendant « le temps strictement nécessaire » à l'audition.

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(12) Art. 62 c. pr. pén.(13) Nouvel et dernier alinéa ajouté à l'art. 62. L'audition libre, telle qu'elle figurait dans le projet initial, a été heureusement abandonnée enraison de l'insuffisance ou, plutôt, de l'inexistence des garanties qui l'accompagnait.(14) Malgré la disposition, incluse dans l'article préliminaire du code de procédure pénale, en vertu de laquelle « toute personne suspectée... a ledroit... d'être assistée d'un défenseur ».(15) Art. 73 nouveau. Une disposition analogue est insérée dans le code de la santé publique (art. L. 3341-2) à propos de la personne en étatd'ivresse, d'abord placée en chambre de sûreté, et dans le code de la route à propos de la personne conduisant sous l'empire d'un état alcoolique(art. L. 234-18) ou sous l'empire de stupéfiants (art. L. 235-5).

(16) Par exemple, une perquisition.(17) L'expression est de R. Merle.(18) Crim. 28 janv. 1992, Dr. pén. 1992. 241.(19) V., sur cette conception de la garde à vue, les développements de M.-L. Rassat (Traité de procédure pénale, n° 343) qui considère que lagarde à vue pourrait également être utilisée pour protéger le suspect (fonction reconnue à la détention provisoire par l'art. 144, 4°).(20) Dans les textes, le terme « audition » remplace systématiquement le terme « interrogatoire ».(21) Ce qui ne change rien par rapport à la pratique basée sur l 'art. 63 qui énonçait que « l 'OPJ peut... ».(22) Se contenter d'une affirmation de principe conduirait à vider l'exigence légale de son contenu ; il faut donc transposer ici la solution retenuedans le cadre de la détention provisoire.(23) Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003.(24) L'on peut se demander si ce mécontentement, qui surgit de nouveau, se justifie vraiment car, aujourd'hui comme hier, il appartient àl'avocat de fournir cette information à son client.(25) Cette expression introduit un élément d'incertitude regrettable (V. sur ce point les pénétrantes observations de M.-L. Rassat, op. cit., JCP G2011. 632).

(26) Solution admise par la jurisprudence depuis Crim. 6 mai 1997, Bull. crim., n° 174 ; RSC 1997. 859 , obs. J.-P. Dintilhac.(27) A vrai dire, l'on ne voit pas très bien pourquoi cette précision puisque cette condition est énoncée de manière tout à fait générale par l'art.62-2.(28) Quel est exactement le contenu de cette motivation ? Sans doute doit-elle être établie par rapport aux objectifs de l'art. 62-2.(29) L'autorisation de prolongation sans présentation ne peut être accordée qu'à titre exceptionnel.(30) A condition, bien sûr, que les brigades de gendarmerie soient équipées du matériel nécessaire.(31) Dans les deux cas, et sauf circonstance « insurmontable », les diligences incombant aux enquêteurs doivent intervenir dans un délai de troisheures à compter de la demande exprimée.(32) Art. 63-5 nouveau c. pr. pén.(33) Lesquels ? Lunettes ? Ceinture de pantalon ? Soutien-gorge ? Ces questions peuvent paraître triviales ; elles sont, en réalité, d'uneimportance psychologique et pratique considérable pour l'intéressé.(34) Elle suppose également que la palpation ou les moyens de détection électronique ne peuvent être utilisés.(35) Il convient d'indiquer qu'en cas de confrontation avec la victime, celle-ci peut, elle aussi, être assistée par un avocat (art. 63-4-5).(36) L'avocat peut également être choisi par les personnes susceptibles d'être prévenues en vertu de l'art. 63-2. Quid en cas de désaccord entreelles ? A noter que la loi prévoit l'arbitrage du bâtonnier en cas de conflit d'intérêts entre gardés à vue (art. 63-3-1 c. pr. pén.).(37) S'il ne peut obtenir une copie des documents consultés, il est néanmoins autorisé à prendre des notes.(38) Comme le fait fort justement remarquer H. Matsopoulou, l'on peut regretter que l'information de l'avocat ne soit pas plus complète (V. op.

cit., JCP G 2011. 542).

(39) L'Assemblée n'avait retenu que les auditions ; c'est le Sénat qui a ajouté, à juste titre, les confrontations.(40) Art. 63-4-2 c. pr. pén.(41) Sauf si elle porte sur les seuls éléments d'identité.(42) L'obligation au secret qui pèse sur l'avocat est reprise par l'art. 63-4-4 qui l'étend aux informations recueillies en consultant les PV et enassistant aux auditions et confrontations.

(43) Dernier alinéa du III de ce texte. V., pour une application de cette règle, Crim. 11 mai 2011, n° 10-84.251, D. 2011. 1421 , obs. C.Girault.(44) Pour un point de vue beaucoup plus favorable aux prérogatives du procureur, V. J. Pradel, op. cit., JCP G 2011. 665.(45) Imagine-t-on de Moro Giafferi éliminé par un APJ ?(46) Mention du refus doit être portée au procès-verbal.(47) Motivation consistant en une formule générale (ce qui serait dangereux) ou motivation par référence aux éléments du dossier ?(48) La loi précise ici que la motivation (y compris pour celle du JLD) doit se faire au regard des éléments précis et circonstanciés résultant desfaits de l'espèce.(49) Pendant les mêmes délais, la consultation des PV d'audition de la personne gardée à vue peut être interdite à l'avocat.(50) Il est regrettable que compétence n'ait pas été accordée au JLD en toute hypothèse.(51) V. les vives inquiétudes exprimées par D. Marais, in Insatisfaisant ! A propos de la réforme de la garde à vue, JCP G 2011. Actu. 540.(52) Art. 62-2.(53) Art. 62-3. Compétence appartient au procureur sous la direction duquel l'enquête est menée ou, éventuellement, au procureur du lieud'exécution (art. 63-9).(54) De même encore, si la qualification à retenir est l'une de celles visées par l'art. 706-73, les règles applicables sont tout autres.(55) L'exercice de cette faculté risque, lui aussi, d'être malaisé en raison de l'éloignement entre les locaux de la brigade de gendarmerie et lesiège du tribunal.

(56) CEDH 23 nov. 2010, Moulin c/ France, D. 2011. 277 , note J.-F. Renucci, et 338, note J. Pradel ; AJDA 2011. 889, chron. L. Burgorgue-

Larsen ; RSC 2011. 208, obs. D. Roets .

(57) 15 déc. 2010, Dr. pén. 2011. comm. 26, note M. Maron et M. Haas ; JCP G 2011. 214, note J. Leroy ; D. 2011. 338 , note J. Pradel ;

Cah. Cons. const. 2011. 231, obs. W. Mastor  ; RSC 2011. 142, obs. A. Giudicelli .(58) 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, préc.(59) Pour une étude de ces procédures et de leur rapport avec la procédure de droit commun, V. T. Potaszkin, L'éclatement de la procédure pénale, thèse, Toulouse, 2009.(60) Ou éventuellement du juge d'instruction.

(61) Cons. const., 6 août 2010, n° 2010-30 QPC, RSC 2011. 139, obs. A. Giudicelli , et 165, obs. B. de Lamy . Dans cette décision, le

Conseil, à propos des six premiers alinéas de l'art. 706-88, se réfère à sa décision du 2 mars 2004 (n° 2004-492 DC, D. 2004. 2756 , obs. B.de Lamy, et 2005. 1125, obs. V. Ogier-Bernaud et C. Severino ; GDCC, 15 e éd., 2009, n° 43 ; RSC 2004. 725, obs. C. Lazerges, et 2005. 122,

5/14/2018 S ance+6+.. - slidepdf.com

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étude V. Bück   ; RTD civ. 2005. 553, obs. R. Encinas de Munagorr i ) ; en ce qui concerne les alinéas 7 à 10 (prolongations spéciales enmatière de terrorisme), il considère que les conditions exigées et la compétence du JLD permettent d'éviter toute rigueur excessive.(62) Crim. 19 oct. 2010, n° 10-82.902, préc.(63) A partir du moment où il est autorisé à intervenir, l'avocat dispose du droit de consulter les pièces du dossier.(64) Si l'on craint des connivences, les gens écartés ne sont pas dignes d'appartenir au barreau. S'il s'agit d'éviter les tenants d'opinionsconsidérées comme subversives, la solution retenue est tout à fait contestable. Au surplus, l'histoire est riche d'avocats qui ont assisté, dans lerespect de leur serment, des clients proches de leurs idées... et des clients qui en étaient tout à fait éloignés.(65) Et, au plus tard, le 1er juill. 2011.(66) Préc., Gaz. Pal. 19 avr. 2011. 10, note. O. Bachelet.(67) Mais il n'existe pas !

(68) V. S. Pellé, La réforme de la garde à vue : problèmes de droit transitoire, AJ pénal 2011. 235 .

(69) N° 11-81.412, 10-88.293, 10-80.034 et 10-88.809, D. 2011. Actu. 1563 .(70) Mais, à vrai dire, elle ne concerne pas l'application dans le temps de la loi du 14 avril, puisqu'elle se fonde sur la Convention.