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ECOLE DU REGARD Dossier pédagogique Sebastiāo SALGADO GENESIS Sebastião Sakgado, Participant au singsing de Mount Hagen, Provence des Hautes-Terres occidentales, Papouasie/Nouvelle Guinée, 2008 © Sebastião Salgado/Amazonas Images Musée de l’Elysée Un musée pour la photographie 18, avenue de l’Elysée ch–1006 lausanne T + 41 21 316 99 11 F + 41 21 316 99 12 [email protected] www.elysee.ch

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ECOLE DU REGARD Dossier pédagogique

Sebastiāo SALGADO GENESIS

Sebastião Sakgado, Participant au singsing de Mount Hagen, Provence des Hautes-Terres occidentales, Papouasie/Nouvelle Guinée, 2008 © Sebastião Salgado/Amazonas Images

Musée de l’Elysée Un musée pour la photographie 18, avenue de l’Elysée ch–1006 lausanne

T + 41 21 316 99 11 F + 41 21 316 99 12 [email protected] www.elysee.ch

TABLE DES MATIÈRES Informations pratiques 3 Spécial enfants 4

Chronologie 6

Genesis 8

Propositions d’activités pédagogiques 19

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INFORMATIONS PRATIQUES Heures d’ouverture Le Musée de l’Elysée est ouvert du mardi au dimanche de 11 h à 18 h,

ainsi que les jours fériés Adresse 18, avenue de l’Elysée, 1014 Lausanne T + 41 21 316 99 11 F + 41 21 316 99 12 E [email protected] www.elysee.ch Transports Bus n°4 et n°8, Montchoisi / Musée Olympique ; n°2, Croix-

d’Ouchy ; n° 25, Elysée. Métro M2, Délices. Visites L’entrée au musée est gratuite pour les élèves et leur

enseignant/e. Ce dernier bénéficie de la gratuité s’il souhaite préparer sa visite.

Ce dossier est téléchargeable sur www.elysee.ch, rubrique

médiation culturelle. Des visites commentées – en français, allemand ou anglais – sont

proposées aux groupes (maximum 25 personnes). La visite est facturée CHF 60.- (au lieu de 85.-) pour les écoles.

Prière de s’inscrire à l'accueil 10 jours à l’avance, par téléphone au 021 316 99 11 ou par e-mail à l’adresse [email protected]

Visites Guidées Dimanche 29 septembre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 27 octobre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 10 novembre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 24 novembre 16 h Visite guidée par un guide du musée Dimanche 8 décembre 6 h Visite guidée par un guide du musée

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Ecole du regard Conférences

Dimanche 3 novembre, 16 h, Salle Lumière Cycle L’Histoire de la photographie en dix leçons Manipulations I par Radu Stern Dimanche 17 novembre, 16 h, Salle Lumière Cycle L’Histoire de la photographie en dix leçons Manipulations II par Radu Stern Dimanche 1er décembre, 16 h, Salle Lumière Cycle L’Histoire de la photographie en dix leçons Manipulations III par Radu Stern

La photographie en questions Samedi 5 octobre, 16 h Samedi 2 novembre 16 h Samedi 7 décembre 16 h Les visiteurs peuvent poser des questions sur l'exposition ou sur la photographie en général au responsable des activités pédagogiques qui se tient à leur disposition. SPÉCIAL ENFANTS En famille au musée Pendant que les parents visitent l'exposition, les enfants la

découvrent à travers des propositions ludiques. Animation par Kathia Reymond, historienne d’art. Dimanche 29 septembre, 16 h Dimanche 27 octobre, 16 h Dimanche 10 novembre 16 h Dimanche 24 novembre, 16 h Dimanche 8 décembre, 16 h

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Atelier pour les enfants Mardi 15, mercredi 16 et jeudi 17 octobre, 14 h – 17 h "Jeux d’image" – Une introduction ludique à l’image photographique. Ces activités autour de l’image photographique sont destinées aux enfants de 6 à 12 ans. Elles durent trois jours. Prix : CHF 10.- (pour les trois jours) Sur inscription uniquement

Inscriptions et contact Radu Stern 021 316 99 11 [email protected]

Rédaction du dossier : Radu Stern, responsable des programmes éducatifs.

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CHRONOLOGIE

1944, le 8 février Naissance de Sebastiāo Ribeiro Salgado à

Aimorés, petite ville dans Etat de Minas Gerais, Brésil Il est le septième d'une fratrie de huit.

960-1964 Lycée à Vittoria. 1964-1967 Etudes de sciences économiques. Obtient une maîtrise en économie de l'Université

de Sao Paulo. 1967 Se marie avec Léila Deluiz Wanick. 1969-1971 Ecole nationale de la statistique et de l'administration économique, Paris Doctorat de troisième cycle. 1971-1973 Travaille pour l'Organisation mondiale du café. 1973 Devient photographe free lance. 1974 Fait partie de l'agence Sygma. 1975-1979 Fait partie de l'Agence Gamma. 1979-1994 Est membre de Magnum. 1986 Publie L'Autre Amérique. Publie Sahel : L'Homme en détresse, 1993 Publie La Main de l'Homme. 1994 Ensemble avec sa femme, Léila Wanick Salgado fonde l'agence Amazonas Images, qui distribue seulement son travail. 1997 Publie Ouvriers. Publie Terra. 1998 Fonde avec sa femme Léila Wanick Salgado l'Institut Terra, dont l'objectif est de gérer la réserve naturelle qu'ils ont créé dans la vallée du Rio Doce et de diffuser mondialement les conceptions du développement durable.

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2000 Publie Exodes. . 2004-2011 Travaille au projet Genesis. 2013 Publie Genesis

Sebastião Salgado, Iguane marin, Galápagos. Equateur 2004 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images

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GENESIS

Très éprouvé par la violence des relations interhumaines et celle entre les hommes et

l'environnement qu'il avait rencontré tout au long du projet Exodes, (2000), un essai photographique

sur les flux de populations à la fin du 20ème siècle, Sebastiâo Salgado était au bord du désespoir :

Ce que j'ai pu voir tout au long de ma vie c'est cette incroyable relation entre la

dégradation humaine et la dégradation de l'environnement. Elles sont

complètement liées. Après de nombreuses années de voyage pendant lesquelles

j'ai vu le malheur, j'ai commencé à perdre confiance et j'ai cru que l'espèce

humaine fonçait droit dans le mur. A cause du fait que nous sommes des êtres

rationnels, nous oublions que nous sommes des animaux, que nous faisons partie

de la nature. Cette dichotomie des humains, l'éloignement du fait que nous

sommes réellement nature et que nous faisons partie de la planète, a créé une

grande complication pour les hommes.1

Cette conception, qui séparait l'homme de la nature a amené Salgado à considérer celle-ci comme

objectif à conquérir Pour lui, concevoir la civilisation comme une lutte de l'homme avec la nature,

définie comme étant le progrès, est quelque chose de contre nature, dans tous les sens de

l'expression. A ses yeux, l'opposition nature/culture n'a pas de sens. La nature n'est pas un milieu

hostile que l'homme doit vaincre afin de "progresser", mais un milieu naturel qui nous a généré et avec

lequel il faut être en osmose continuelle afin de survivre.

L'espoir est revenu à Salgado grâce à un projet pilote qu'il mène avec sa femme Lélia Wanick Salgado

depuis le début des années 1990. Né dans une ferme d'élevage, Salgado a pu observer la destruction

du milieu naturel du domaine de ses parents. Ce qui était à sa naissance un paradis dans lequel on

mangeait de bons produits, où on pouvait nager dans les rivières, voir des animaux étonnants ou faire

du cheval, s'est transformé en une région presque sans végétation. A l'époque, 70% du territoire était

1 http://www.forbes.com/2008/01/25/brazil-rainforest-ecosystems-pf-ii-in_ss_0125philantrophy_inl.html

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Sebastião Salgado, Iceberg, mer de Weddel, Péninsule antarctique, 2005 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images

couvert par de la forêt. Au début des années 1990, seule une fraction, 0,3%, de cette forêt était là, à

cause d'une déforestation massive. Ceci était vrai non seulement pour le domaine familial, mais pour

toute la région. La forêt atlantique brésilienne, deuxième grand poumon après la forêt amazonienne,

avait au début du 20ème siècle une superficie de plus de deux fois la surface de la France. Aujourd'hui

elle n'occupe que 7 % de sa surface d'antan.

Pour remédier à cet état des choses, Salgado et sa femme Lélia ont racheté la ferme de ses parents

et ont commencé une vaste opération de reboisement. A terme, plus de deux millions d'arbres

devront être replantés, en recourant à plus de 300 espèces différentes, pour récréer la biodiversité.

L'opération, qui est en cours, est déjà un succès. Grâce à la reconstitution de la forêt, il y a à nouveau

de l'eau dans la région, l'érosion a été stoppée et les animaux sont de retour. Ce qui était presque

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devenu une région aride attire maintenant de nombreuses espèces d'oiseaux, d'insectes et même de

caïmans. En octobre 1998, la ferme familiale de 676 hectares est devenue la première réserve

naturelle du Brésil. La même année, Salgado fonde avec sa femme Léila l'Institut Terra, un centre

éducatif dont la vocation est de gérer la réserve naturelle et promouvoir les conceptions écologistes.

Cette magnifique réussite redonne espoir à Salgado, qui s'est rendu compte que la destruction de la

nature n'est pas déjà un phénomène irrémédiable et que si son couple a pu redonner vie à toute une

région, une action concertée au niveau planétaire pourrait encore sauver la terre entière. En agissant

maintenant, nous pouvons reconstruire ce qui a été détruit.

Il m'est venu l'idée que si l'on montrait non que la destruction qui a lieu, mais aussi

l'incroyable beauté de la nature, nous pouvons insuffler aux gens la volonté de

préserver la planète.2

Au lieu de photographier les effets de la pollution grandissante et d'autres désastres écologiques,

iSalgado décide de changer et entend photographier au contraire, ce qui est resté intact. C'est le point

de départ du projet Genesis, qui se veut aussi une évaluation du potentiel de survie de la Terre.

D'après Salgado, 46 % de notre planète est encore préservé de la folie des hommes. Si l'on finit de

guerroyer avec la nature et l'on accepte que nous sommes une partie d'elle, alors tout reste possible !

Mais il y a urgence, car nous sommes près du point de non-retour !

Afin de nous convaincre, Salgado a imaginé un des projets les plus ambitieux de l'histoire de la

photographie. Il a parcouru cinq continents pendant huit ans (2004-2011) en quête de jardins d'Eden

d'avant la chute, en voyageant à pied, à cheval, en voiture, en canoë, en bateau à moteur, mais aussi

en ballon et en avion. Je voulais donner aux autres la possibilité de voir la nature d'une planète vierge.

Il sillonne la planète de l'Arctique à l'Antarctique et de l'Afrique à la Sibérie, n'oubliant pas son

Amazonie natale, Ainsi, il identifie 32 lieux qu'il va photographier, en espérant que leur beauté va nous

inciter à les protéger. Je voulais montrer aux gens ce que nous sommes en train de perdre. Le long

2 Phil Coomes, "Sebastião Salgado's Genesis", BBC News in Pictures, http://www.bbc.co.uk/news/in-pictures-22080740

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Sebastião Salgado, Vue du confluent du Colorado et du Petit Colorado, Arizona, Etats-Unis, 2008 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images

périple, qui inclut aussi trois treks éprouvants en Ethiopie, au Bhoutan et en Sibérie du nord, a

commencé aux îles Galápagos, en hommage à Charles Darwin, qui avait découvert là l'évolution des

espèces.

Le titre du projet, Genesis fait immédiatement penser à la Bible, mais Salgado, qui n'est pas croyant,

pense moins à Dieu qu'à l'élémentarité de la création, fût-elle divine ou non, quand les éléments vitaux

pour la vie, comme l'air et l'eau, ont fait leur apparition. Néanmoins, il décrit son projet comme une

incroyable excursion à travers l'Ancien Testament.3 Toutefois, il ne s'agit pas d'une véritable référence

à la religion, ni même à la religiosité. A l'instar des projets précédents, Salgado fait appel au

symbolisme religieux qu'il emploie d'une manière rhétorique en tant qu'outil de communication.

3 Kevin Edge, "Sebastião Salgado – Genesis*, On Landscape, April 13, 2013 http://www.onlandscape.co.uk/2013/04/sebastiao-salgado-genesis/

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Même si je n’ai jamais eu un engagement religieux, un certain symbolisme

religieux très fort a toujours été présent dans ma vie, car je viens de l’État le plus

baroque du Brésil.4

.L'allusion au récit biblique est plutôt l'utilisation d'une métaphore connue pour suggérer un temps

mythique, celui de "il fût en temps". Son voyage n'est donc pas qu'un voyage dans l'espace, mais

aussi un voyage dans le temps. Les images de Genesis entretiennent un rapport complexe avec le

temps. D'un côté, elles sont des images contemporaines qui inventorient l'état actuel de la planète.

De l'autre, elles évoquent aussi un autre temps, postulé par Salgado, un temps ahistorique,

immémorial, quand le cordon ombilical avec la mère nature n'avait pas encore coupé et quand

l'homme et la nature ne faisait qu'un.

La référence de Salgado est l'état supposé de la planète immédiatement après la Genèse, un

moment où, d'après lui, l'homme vivait encore en parfaite symbiose avec la nature. Afin de mettre en

images ce temps reculé du "premier homme", il cherche les choses les plus primitives : des "peuples

premiers" qui auraient conservé le même mode de vie qu'il y a cinq ou quinze mille ans, des animaux

qui n'ont pas été domestiqués et des paysages qui n'ont pas été touchés par la main dévastatrice de

l'homme,

Certains ont accusé Salgado d'avoir une vision idyllique et passéiste et de perpétuer le mythe

rousseauiste du "bon sauvage", en idéalisant les conditions de vie des peuplades qu'il a

photographiées.5. Pour sa défense, Salgado réplique qu'il n'est pas habité par une nostalgie

romantique. Son intention est plutôt de montrer que l'homme a vécu en communion avec la nature et

qu'un tel mode de vie subsiste jusqu'à présent. Qu'il s'agisse des Indiens Xingu du Brésil ou des

Nénétses de Sibérie, ces "premiers hommes", insiste Salgado, vivent en harmonie complète avec la

4 Joaquim Marcal F. de Andrade, "Entretiens avec Sebastião Salgado" in Anne Biroleau (ed.) Sebastião Salgado Territoires et Vies, Paris : BNF, 2005. 5 Benoît de l'Estoile "Images des paradis perdus : Mythes des "peuple premiers", photographie et anthropologie" Vibrant : Virtual Brazilian Anthropology, Vol.9 no 2, July-Dec 2012http://www.scielo.br/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S1809-43412012000200014

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Sebastião Salgado, Les Nenetses, Péninsule de Yamal, Sibérie, Russie, 2011 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images. nature, ils en font partie. La rationalité, comprise comme une qualité spécifiquement humaine,

comme différence qui sépare 'homme de la nature, est contestée par Salgado. Le moment le plus

fabuleux du projet, dit le photographe, a été celui quand il a compris qu'on lui avait menti toute sa vie

en lui affirmant que l'homme était la seule espèce rationnelle qui existe sur terre6. En effet, Salgado

est persuadé que nous partageons la rationalité avec les autres animaux : tout ce qui est vivant a une

espèce de rationalité. Je la trouve dans le cormoran, dans l'albatros, dans chaque animal.

6 Sam Cotter, "Sebastião Salgado on the Genesis of…Genesis", Canadianart, May 2, 2013, http://www.canadianart.ca/features/2013/05/02/sebastiao-salgado-genesis/

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Sebastião Salgado, Eléphants, Parc national de Kafue, Zambie, 2010 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images.

En comparaison avec d'autres animaux, bien plus anciens, l'homme est une présence

proportionnellement nouvelle sur terre, mais dans sa relativement brève existence il a commis des

déprédations qui mettent en danger la planète jusqu'au point de menacer sa survie. Il est essentiel

de nous rappeler que nous sommes aussi des animaux et, qu'en tant que tels, nous faisons

intégralement partie de la nature. Si les premiers projets de Salgado étaient concentrés sur l'homme,

Genesis contient, à côté d'images des humains, beaucoup de photographies d'animaux et de

paysages, afin de montrer l'unité de la nature :

Jusqu'à maintenant, je n'ai photographié qu'un seul animal : nous. Mais il n'y a

aucune différence. Quand on photographie les animaux, il faut les respecter de la

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même manière que notre propre l'espèce. D'ailleurs, c'est la même chose avec les

minéraux et les végétaux, tout est vivant et possède sa propre dignité.7

Sebastião Salgado, Baleines franches australes, Péninsule Valdes, Argentine, 2004 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images

En conséquence, Salgado photographie des baleines et des lézards, des éléphants et des jaguars,

des gorilles, des manchots et des buffles, des tortues et des oiseaux divers ainsi que des

nombreuses espèces végétales, parmi lesquelles des arbres millénaires. Le projet Genesis a fait

aussi découvrir à Salgado que les paysages ont aussi une personnalité et une dignité et qu'ils sont

bien vivants.8 Le photographe ne recherche pas l'exotisme à tout prix. Sa vision est globale : pour lui,

tout est nature et mérite d'être traité de la même façon, car la Terre est vivante dans son intégralité.

7 Amy Dawson, "Photographer Sebastião Salgado captures areas of Earth untouched by modern life", Metro. April 3 2013, http://metro.co.uk/2013/04/04/sebastiao-salgado-the-photographers-uses-monochrome-skills-to-3581783/

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Sebastião Salgado, Femmes du village Towari Ypi, Etat de Para, Brésil, 2009 ©Sebastião Salgado/Amazonas Images

Pour Salgado, les "premiers hommes" qu'il a photographiés sont archaïques, mais non "primitifs", mot

qu'il n'aime pas. Ils ne sont pas non plus pauvres, car, dit Salgado :

Quand je photographie des gens à travers la planète, je respecte leur dignité. Etre

pauvre pour moi ne signifie pas la pauvreté en biens matériels. Etre pauvre signifie

pour moi quelqu'un qui n'appartient pas à une communauté. Etre riche signifie pour

moi quelqu'un qui a le sens de la solidarité et de la communauté9

8 Interview de Sebastião Salgado par Deepali Sewan, http://www.rom.on.ca/en/collections-research/centres-of-discovery/contemporary-culture/the-making-of-genesis-in-conversation 9 Idem

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Quoiqu'il admette que son discours a une évidente dimension politique, Salgado ne se considère pas

comme un militant d'un parti. Il ne se définit pas comme un agitateur, mais comme un photographe

qui, en raison de la nature même du médium, a une vision nécessairement subjective :

La photographie n'est pas objective. Elle est profondément subjective. Ma

photographie est cohérente éthiquement et idéologiquement avec la personne

que je suis.10

Cette subjectivité du créateur est opposée aux critiques qui l'accusent d'avoir une vision mythique qui

occulte la vraie histoire. Genesis n'a pas tété conçu et ne prétend pas être un manuel d'histoire ou de

géographie, mais un poème épique en honneur de la nature.

Salgado n'est pas non plus un doux rêveur habité par l'utopie. Même s'il lui arrive d'être enthousiasmé

par la vie des communautés indiennes d'Amazonie, qu'il idéalise parfois, Salgado est lui-même un

homme moderne, qui habite une grande capitale européenne, possède une voiture et prend l'avion

sans complexes. Il ne s'imagine pas que, après avoir vu les images de Genesis, ses contemporains

vont abandonner la civilisation moderne et vont se reconvertir brusquement à un mode de vie plus

respectueux de la nature. En même temps, il espère que ses images vont nous émouvoir et, surtout,

qu'elles vont nous faire réfléchir : Je voulais que l'environnement devienne un sujet de discussion.

Sans l'ombre d'un doute, il a atteint son but.

Les images de Salgado ont suscité d'âpres discussions dans le monde de la photographie, car elles

sont difficilement classables. On ne peut pas les ranger dans les catégories traditionnelles. Si ses

premiers travaux étaient encore du photojournalisme, ses derniers projets ne peuvent plus être

considérés comme des photoreportages, non seulement en raison de leur ampleur inhabituelle, mais

surtout à cause de leurs caractéristiques formelles, qui transgressent les anciens codes du

photojournalisme. En 1997 Salgado signe son dernier reportage couleur. Depuis, ses grands projets

10 Sarfraz Manzoor, "Sebastião Salgado: A God's View of the Planet – Interview", The Telegraph, April 12, 2013, http://www.telegraph.co.uk/culture/photography/9945900/Sebastiao-Salgado-A-Gods-eye-view-of-the-planet-interview.html

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ont été tous réalisés en noir et blanc, code traditionnel de la photographie artistique. Par conséquent,

son travail se délimite donc des images colorées d'un magazine comme The National Geographic.

Aucune photographie de Genesis n'est volée, ni même instantanée. Leur piqué est parfait. Afin

d'arriver à obtenir le détail qu'il voulait, Salgado a abandonné ses Leicas en faveur d'un appareil moyen

format. La mise en place des prises de vue est beaucoup plus longue. Se distanciant des pratiques

du photojournalisme, Salgado déclare qu'il adore attendre et que celui qu n'aime pas attendre ne peut

pas arriver à faire son genre de photographie. Aucune photographie n'est le résultat du hasard, elles

sont toutes posées et leur cadrage et leur composition ont été longuement pensés par Salgado. Avec

un rare sens de la lumière – il n'utilise que la lumière naturelle – le photographe utilise souvent le

contre-jour afin de dramatiser l'image. Sa maîtrise des valeurs est impressionnante : rares sont les

photographes qui arrivent à une telle variation de gris. Avec une telle richesse tonale, Salgado parvient

à une vision qui a été décrite par le critique américain A.D. Coleman comme sculpturale. D'autres l'ont

comparé avec les grands maîtres du clair-obscur comme Rembrandt ou Georges de la Tour.

Pour les puristes, il s'agit d'une esthétisation de l'image qui ne respecte plus l'éthique du

photojournalisme. En réponse à ces critiques, Salgado revendique la beauté de ses images, qu'il

explique par la beauté des sujets photographiés. La beauté c'est la Beauté de la Nature que le projet

Genesis est censé célébrer. Cependant, il est évident que Salgado soigne à l'extrême le côté formel

de ses photographies. Chaque image arrive à posséder un degré de picturalité remarquable qui la

rapproche fortement de la photographie d'art. L'image conserve une valeur documentaire, un lien avec

une réalité immédiate, mais elle est réalisée d'après les codes formels de la photographie d'art., ce

qui lui permet de dépasser le contingent et d'acquérir une valeur universelle. Pour définir ce style,

Ingrid Sischy a proposé l'étiquette de lyrical documentary .

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PROPOSITIONS D'ACTIVITES PEDAGOGIQUES

1. L’ESTHETISATION DE L'IMAGE

Pour gymnasiens et dernière année du collège. Objectif pédagogique : comprendre le processus de création de Sebastião Salgado. Demandez aux élèves de choisir dans l’exposition t l’image la plus belle. Demandez leur d’expliciter leur choix. Continuer le débat, en utilisant les questions suivantes

‐‐ Pourquoi Salgado a-t-il pris ces images ? ‐‐ Est-ce qu’il e nécessaire qu’une image soit belle afin qu’elle soit considérée une œuvre d’art ? Quelles sont les qualités formelles pour qu'une image soit belle ?

Les photographies de Salgado ont été réalisées très soigneusement. A partir de quelques exemples, expliquez aux élèves :

- 'l'utilisation des codes de la photographies artistique : le choix du noir et blanc. - l''utilisation du grand format ‐‐ la composition le cadrage

- la richesse tonale, la gamme de gris - l'utilisation du contre-jour afin de dramatiser le sujet.

Sensibilisez les élèves à la double démarche de Salgado :

‐ une démarche documentaire : la réalisation d'un inventaire personnel des zones encore préservées de la planète.

La volonté de créer l'image la plus expressive possible.

Lancez le débat : Est qu’il a un conflit entre les deux ? Est-ce l’esthétisation : est compatible avec l’exigence de « vérité » de la photographie documentaire ?

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2. LES CHOIX DES SUJETS CHEZ SALGADO

Pour collégiens. Objectif pédagogique : comprendre le processus de création de Sebastiâo Salgado

Expliquez aux élèves la motivation de Salgado ;

répertorier les parties encore intactes de notre planète

Demander aux élèves de trouver des catégories pour classer les sujets de Salgado :

- personnes

certaines de ces photographies des personnes sont des portraits.

- paysages

- animaux

Demandez aux élèves de réfléchir sur les critères de choix des sujets pour chaque catégorie et

lancer le débat en confrontant les réponses.

Vous pouvez utiliser les questions suivantes : - Pourquoi Salgado t-il voyagé sur cinq continents ? - Pourquoi a-t-il choisi des sujets spectaculaires ? - Est-ce que le photographe recherche l'exotisme ? - Quels types de paysages choisit Salgado ? - Quels types d'animaux choisit Salgado ? -

.

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