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SECONDE CHANCE

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Copyright 2016 © F.V. Estyer. Tous droits réservés.ISBN : 978-1522968818

Couverture: Vikncharlie

[email protected]

https://www.facebook.com/fv.estyer

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F.V. Estyer

SECONDE CHANCE

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Pour ma Kiki, que j’aime à la folie ! ♥

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CHAPITRE 1

Je relève le nez de ma tasse brûlante pour dévisager mon amie. — Il est hors de question que je participe une fois de plus à cette mascarade ! je m’exclame d’un

ton qui ne souffre aucune discussion.Claire lève les yeux au ciel et pousse un profond soupir. Elle a l’habitude.— S’il te plait, fais un effort ! C’est pour la bonne cause !— Toujours cette excuse ! Tu sais que je suis prêt à vous aider par d’autres moyens. Cette conversation revient sur le tapis tous les ans, et tous les ans, l’issue reste la même. Nous

en avons tous deux parfaitement conscience, et pourtant, je ne peux m’empêcher de m’insurger contrecette pratique.

— Allez ! Tu es l’un des seuls types célibataires et potables du coin !Je la dévisage d’un regard noir en répétant « potable ? »Elle s’esclaffe devant ma mine contrite et tapote doucement ma joue.— Arrête un peu, tu sais que tu es canon. Et tu sais aussi que tu es celui qui a le plus de chance

de faire monter les enchères.Elle me flatte pour mieux m’amadouer, mesquin certes, mais malin.Ça marche à tous les coups. Ceci dit, elle n’a pas tort. Depuis que j’avais accepté de prendre

part à ce « concours », j’avais toujours rapporté la plus haute mise. Évidemment, le fait que je sois undes seuls types de moins de trente ans encore célibataire à y participer pesait dans la balance.

— Dis oui, s’il te plait ! supplie-t-elle.Lorsqu’elle me regarde comme ça, avec de grands yeux implorants et une moue de petite fille, je

ne peux plus rien lui refuser et elle en est parfaitement consciente.— Tricheuse ! je grommelle, contrarié de m’être laissé prendre au piège, une fois de plus.Elle me saute au cou en me répétant que je suis le meilleur, et me promet de tout faire pour

m’éviter de finir la soirée avec Joss. Cette harpie m’avait mis le grappin dessus l’année précédente et j’avais été obligé de passer des

heures en sa compagnie, à danser entouré de toute une foule de personnes pendant qu’elle se collaitcontre moi.

— Y’a intérêt ! Si tu n’éloignes pas cette cougar de moi, je te jure que c’est la dernière fois queje participe à ce putain de concours !

— Tu dis ça tous les ans, et tu finis par craquer. Au fond, je suis sûre que ça flatte ton égo detoujours gagner la plus grosse enchère.

Je ne peux m’empêcher de sourire. Elle a parfaitement raison, comme toujours, même si ça metue de l’admettre.

Chaque année, Claire organise un évènement d’un goût très particulier en vue de récolter des

fonds.

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Des hommes et des femmes sont mis aux enchères pour passer une soirée avec la personne quiles remporte. Il s’agit plus d’un jeu qu’autre chose. Une manière de faire connaitre son association etde gagner un peu d’argent afin de venir en aide aux enfants handicapés. La première fois, j’avaistrouvé cette approche un peu déconcertante. Après tout, cela revenait tout de même à traiter ces gens -dont moi - comme de vulgaires marchandises.

Mais j’avais fini par accepter, après qu’elle m’ait tanné pendant des jours et, finalement, j’avaispassé un agréable moment. Il n’y avait jamais rien eu de dégradant. Les meilleurs enchérisseursn’avaient le droit qu’à un dîner en tête à tête le soir même et quelques danses.

Enfin, en tête à tête était un bien grand mot vu que le gala se déroulait toujours dans un restaurant

et que chaque couple gagnant partageait l’espace avec les autres. Nous finissions généralement parnous retrouver tous ensemble à rire et à picoler. Sauf l’an dernier.

Joss, la directrice de l’agence immobilière du quartier, m’avait tenu la jambe bien au-delà duraisonnable et fait des avances assez salaces, à grand renfort de caresses sur la cuisse et de regardsincendiaires.

J’avais eu un mal fou à m’en dépêtrer et avais tout de même consenti à lui offrir un chaste baiseren guise de bonne nuit.

Elle m’avait poursuivi de ses assiduités pendant plusieurs semaines, jusqu’à ce qu’elle

comprenne qu’elle n’avait aucune chance. Et cela n’avait rien à voir avec le fait qu’elle ait trente ansde plus que moi. Elle était d’ailleurs plutôt bien conservée pour son âge. Non, cela venait surtout dufait qu’elle n’avait pas les attributs requis pour me faire bander.

Ce n’est qu’au moment où je n’avais pas eu d’autre alternative que de lui avouer que j’étais gay,

alors qu’elle m’avait plaqué contre un mur pour m’embrasser, qu’elle avait laissé tomber après avoirouvert de grands yeux surpris.

Pourtant, je ne m’en cache pas. Mes parents sont au courant et ont toujours respecté mes choix,

mes amis aussi. Ceci dit, personne ne m’a jamais vu en couple. Et pour cause. Je me contente defréquenter des bars et des clubs sans jamais m’afficher au grand jour avec un homme.

Ils ne sont que des aventures, des inconnus interchangeables que je laisse m’étreindre au cœurde la nuit en leur faisant bien comprendre qu’ils ne doivent pas s’attendre à davantage de ma part.

J’ai tenté une seule fois d’avoir une relation sérieuse ces sept dernières années. J’avais vingt-

quatre ans et lui presque trente.Nous nous étions rencontrés à une fête de fraternité de la fac à laquelle il avait accompagné sa

sœur pour la surveiller.Nous avions passé la soirée à discuter de chose et d’autres et surtout de littérature.Sujet qui m’avait toujours passionné, si bien que j’en avais fait mon métier. Le courant était

vraiment bien passé entre nous. Nous nous étions retrouvés plusieurs fois par la suite, autour d’uncafé pour commencer, puis d’un restaurant. À la suite duquel j’avais fini la nuit chez lui, dans son lit,dans ses draps. Pendant presque dix mois, nous nous étions vus régulièrement. Mais bien vite, il étaitapparu qu’il était tombé amoureux de moi, alors que la réciproque n’était pas vraie. Parce que monesprit était toujours hanté par le même homme que je ne parvenais pas à oublier.

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J’avais quitté mon mec, ne souhaitant pas le faire souffrir, et n’avais jamais retenté l’expériencedepuis. À quoi bon ? Je savais d’avance comment tout cela se terminerait.

Certaines fois, être en couple me manque. Partager mes passions, mes envies, mon quotidien

avec quelqu’un me manque. Mais je reprends vite le dessus. J’ai Claire pour ça. Ma meilleure amie,avec qui je suis constamment fourré.

Son fiancé est militaire et fréquemment appelé en mission, ce qui nous laisse tout le loisir detrainer ensemble, autant pour combler notre solitude mutuelle que parce que nous adorons être tousles deux.

Et cette situation me convient parfaitement ainsi. Du moins la plupart du temps.Bien qu’elle ne soit pas fan de ma façon de voir les choses concernant mes relations de couple,

Claire a arrêté de me reprocher mon style de vie.Elle a compris depuis longtemps qu’il ne servait à rien d’insister, que cela mènerait

invariablement à une dispute. La dernière en date avait d’ailleurs été plutôt violente. Nos mots avaient dépassé nos pensées,

ne cherchant qu’à nous blesser mutuellement, et j’avais fini par partir en claquant la porte, la laissanten larmes et me sentant comme la pire des merdes.

Lorsque j’étais venu m’excuser quelques jours plus tard, nous avions convenu de ne plus

aborder ce sujet et avions tenu notre promesse depuis lors. Pourtant, je sais qu’elle a raison. À mon âge, il est temps d’arrêter de batifoler de droite à

gauche et songer à me poser.Et ce n’est pas l’envie qui m’en manque.Mais la peur.Cette peur, ancrée en moi, qui ne veut pas me laisser de répit. Cette peur de voir de nouveau mon

cœur se briser en mille morceaux, comme sept ans auparavant, lorsque la personne que j’aimais leplus au monde m’a quitté du jour au lendemain sans explication.

Enfin, il avait tout de même pris soin de m’écrire une lettre, lettre que je connais sur le bout desdoigts pour l’avoir lu et relu des centaines de fois, les larmes aux yeux, la gorge serrée et la mâchoirecrispée. Lettre qui se trouve toujours au fond du tiroir de ma table de nuit, pour la simple et bonneraison que je n’ai pas pu me résoudre à la jeter depuis toutes ces années, tout comme je n’ai jamaisréussi à chasser de mes pensées l’homme qui a couché ces mots sur le papier.

C’est idiot, je m’en rends bien compte. Je n’ai plus aucune nouvelle de lui. Il est sûrement mariéà l’heure actuelle, père de trois enfants.

J’avais tenté de le retrouver grâce à internet, mais il n’était apparemment pas adepte des réseauxsociaux. Les seules informations que j’étais parvenu à découvrir concernaient sa carrière.

Il avait réussi. Il avait réalisé son rêve de gosse et, après de brillantes études en droit, il était àprésent un avocat réputé dans tout l’état de New York.

Soit à plus de deux mille miles de notre bourgade du Wyoming où il avait passé la plus grandepartie de sa vie.

Je crois d’ailleurs que je lui en veux pour ça. Pour avoir réussi à fuir cette petite ville debanlieue embourgeoisée. C’est ce qu’il avait toujours souhaité.

Partir.

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Quitter cet endroit étouffant pour s’épanouir ailleurs, loin d’ici. Loin de moi.S’il m’avait demandé de le suivre, j’aurais accepté sans la moindre hésitation. Il le savait

parfaitement. Et peut-être était-ce pour ça qu’il ne me l’avait jamais proposé.Et alors que je dois me contenter d’un simple poste de prof, enseignant dans le même lycée que

celui où j’ai fait mes études, lui est en train de se bâtir une grande carrière. Il est en train de devenirquelqu’un alors que je croupis dans ce trou.

Et je le déteste aussi pour ça. Un ricanement m’échappe lorsque je me fais cette réflexion. Je suis vraiment ridicule.Continuer de haïr un type que je n’ai pas revu depuis des années, qui ne se souvient sûrement

plus de mon existence depuis longtemps, malgré tout ce que nous avons vécu ensemble et qui se fichebien de savoir ce qu’un pauvre mec dans mon genre peut penser de lui.

Cet homme qui a décidé de s’en aller, de m’oublier pendant que, de mon côté, chaque journéequi passe, chaque pas dans le couloir du lycée me rappelle à lui.

La porte donnant au sous-sol derrière laquelle il se cachait pour fumer, le petit renfoncementdans un des corridors où je l’avais surpris à embrasser Stacey. Le coup à l’estomac que j’avais reçuen le découvrant.

Les bancs entourant les tables en bois sur lesquels nous nous asseyions pour réviser, le grandespace de verdure où nous nous allongions en été, nos têtes l’une contre l’autre pour partager sesécouteurs, sa main effleurant doucement la mienne pendant que, les yeux fermés, nous nous laissionsbercer par le rythme de la musique.

Nos baisers échangés lors du bal de fin d’année de ma sœur - où nous étions chaperons, cachésdans les vestiaires du gymnase transformé en salle de danse pour l’occasion.

Ouais, putain, je suis vraiment pathétique.

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CHAPITRE 2

À la demande insistante de Claire, j’ai fait un effort pour paraitre le plus présentable possible.Interdiction de me pointer en tee-shirt et jean troué, avec une barbe de trois jours et des cheveuxhirsutes.

J’ai donc revêtu un pantalon de costume noir et une chemise du même bleu sombre que mes yeux,ai appliqué une légère couche de gel pour discipliner ma tignasse blonde et me suis raséconsciencieusement.

Lorsque mon amie apparait dans l’encadrement de la porte, elle pousse un sifflement admirateurqui provoque une rougeur au niveau de mes joues et un petit sourire en coin.

— Tu es vraiment très élégant, me souffle-t-elle en m’embrassant rapidement.— Et toi, tu es resplendissante !Je lui tends la main pour qu’elle y pose la sienne et la fait tourner sur elle-même. Elle est

vraiment belle. Ses longs cheveux roux descendent en cascade le long de son dos, et sa robe decocktail en soie noire met en valeur sa silhouette gracile, sublimée par une paire d’escarpins auxtalons vertigineux.

Elle glousse de plaisir en entendant mon sifflement d’admiration.Puis elle m’attrape par le bras et c’est ensemble que nous nous rendons au gala de charité en

l’honneur de son association. Le restaurant est très chic et la nourriture excellente, raison pour laquelle Claire choisit toujours

cet établissement pour sa soirée, restaurant qui a été privatisé pour l’occasion. Tout un tas de gens setient là, déambulant en robes de cocktail et costumes griffés, un verre à la main, discutant entre euxtandis que des serveurs se faufilent avec habileté entre les groupes avec des plateaux de petits fours.

À peine mon manteau déposé sur une des patères de l’entrée que je me jette sur l’un deux pour

avaler deux canapés d’un coup.— J’ai besoin de champagne pour faire passer tout ça, dis-je à Claire en la trainant jusqu’au bar.— Tu es un goinfre doublé d’un alcoolique, gronde-t-elle pour la forme, un immense sourire aux

lèvres.Sourire qui s’épanouit au fur et à mesure que nous déambulons au milieu de la foule, qui s’avère

nombreuse. Elle est aux anges, et pour cause, plus il y a de monde, plus la récolte des fonds seraconséquente. Elle s’arrête à plusieurs reprises pour saluer certaines personnes et je finis par en avoirmarre de devoir patienter encore et toujours plus pour avoir ma coupe.

Je décide donc de l’abandonner avec Doug, le directeur de la banque du centre-ville, pourétancher ma soif.

C’est cet instant-là que choisit Joss pour apparaitre à mes côtés.— Bonsoir, Liam, tu es très beau ce soir, minaude-t-elle en se mordillant la lèvre.

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J’ai très envie de lui rétorquer qu’elle est un peu vieille pour se permettre ce genre decomportement, comme elle l’est sans doute également pour porter cette robe pailletée, moulante, audécolleté plongeant et bien trop courte, mais je m’abstiens.

— Bonsoir, Joss, je te retourne le compliment, je réponds, ravalant ma mesquinerie et souhaitanttout de même rester poli.

— Tu te présentes pour les enchères ? demande-t-elle en ancrant ses yeux noisette trop maquillésdans les miens.

— Je n’ai pas vraiment eu le choix, je réplique en soupirant.Bon sang, où est le serveur quand on a besoin de lui ?— C’est une excellente nouvelle, murmure-t-elle en s’approchant de moi.— Content que ça te fasse plaisir, je rétorque, tentant de cacher mon exaspération.— Je compte bien remporter la mise, tu sais.— Je suis toujours gay, tu sais.Elle sourit, pose une main sur mon torse et la laisse glisser jusqu’à la ceinture de mon pantalon.— Je ne désespère pas de te faire changer d’avis, renchérit-elle en m’offrant un clin d’œil.Puis elle tourne les talons et s’éloigne.Je reporte mon attention vers le bar et fais de grands signes au serveur qui m’aperçoit enfin.Un peu tard tout de même.— Un whisky sec, s’il vous plait.Suite à la visite de Joss, je décide de laisser tomber le champagne. Il me faut quelque chose de

plus fort si je souhaite survivre à cette soirée.Mon verre est devant moi en quelques secondes et, en l’avalant cul sec, je me promets

d’étrangler Claire une fois débarrassé de ma cougar.

❧❧❧ Le cocktail a commencé depuis près de deux heures et quelques généreux donateurs ont déjà

reversé des gains dans une urne prévue à cet effet lorsque le larsen du microphone retentit dans lasalle. Claire est montée sur l’estrade mise en place pour l’occasion et salue la foule avant dedéclarer que les enchères sont sur le point de débuter.

Tous les petits groupes épars se réunissent alors, désireux de participer – ou simplement profiter– du spectacle.

Je commande mon troisième whisky, que j’entreprends de siroter lentement, histoire de medonner un peu de courage pour affronter la suite des évènements.

Depuis le début de la soirée, j’ai passé pas mal de temps à discuter avec Rachel, la directrice dulycée, ainsi qu’avec Elly, la fleuriste, qui a d’ailleurs fait un super boulot de décoration pour ce gala.J’aime bien Elly, elle semble toujours de bonne humeur et, malgré sa timidité, a accepté de seprendre au jeu. Elle est une des premières à monter sur scène, accompagnée de six autres femmes,dont la plus vieille a un peu plus de cinquante ans. Il s’agit de Madame Burns, ma dentiste, trois foisdivorcée.

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Claire les présente une par une et les enchères débutent. La mise de départ est de cinquantedollars. Elle commence à grimper, rapidement d’abord puis avec de plus en plus de prudence etmoins d’enthousiasme au fur et à mesure que les gains augmentent. La plus haute est remportée, sanssurprise, par May, une jolie brune au teint hâlé et au corps parfait, pour la somme de deux mille sixcents dollars.

Doug, le banquier, lui offre un rictus triomphant. Inutile de dire qu’il y en a un plus chanceux que

l’autre. Certes, il est fort sympathique, mais son ventre proéminent et son crâne dégarni jouent en sadéfaveur.

Néanmoins, May ne bronche pas et c’est avec un immense sourire aux lèvres qu’elle accepte

gracieusement la main tendue de Doug qui l’aide à descendre de l’estrade.— Je vous demande un tonnerre d’applaudissements pour ces femmes et les remercie toute

chaleureusement.Des acclamations et quelques sifflements se font entendre à travers la salle.— À présent, place aux hommes. Mesdames, j’espère que vous serez contentes, je n’ai pas

ménagé mes efforts pour vous dénicher les plus beaux spécimens.Certaines gloussent pendant que d’autres rient de bon cœur. Un putain de morceau de bifteck,

voilà ce que nous sommes. Je termine mon verre et m’avance d’une démarche sûre et avenante jusque sur l’estrade. Nous ne

sommes que quatre, mais Claire n’a pas menti, elle nous a dégoté du mâle sexy. Ryan, un des coachsde la salle de sport, Ben, l’opticien et Denis, un de mes collègues du lycée, prof de math. Je viens meplacer entre lui et Ryan et leur souhaite bonne chance. Ils me le rendent et je me contente de lesremercier, sachant que je n’en aurai aucune, vu que les dés sont déjà jetés et que mon sort est déjàtout tracé.

Mon regard parcourt la foule et s’arrête sur Joss qui me gratifie d’un nouveau clin d’œilsemblant signifier « ne t’inquiète pas, je m’occupe de ton cas ». Autant dire que j’ai du souci à mefaire.

Claire joue son rôle à la perfection et nous présente l’un après l’autre.— Notre troisième participant est Liam MacNamara, vingt-huit ans, brillant professeur de

littérature anglaise.Je me redresse et offre un immense sourire au public, suivi d’une petite révérence pendant que

mon amie évoque ma biographie. J’ai le droit à quelques applaudissements et Ryan se penche versmoi pour me chuchoter un « frimeur » au creux de l’oreille d’un air amusé.

Ce n’est pas faux, mais il faut que je réussisse à séduire la foule si je veux avoir encore unechance d’éviter Joss. Je ne dois pas perdre espoir.

❧❧❧

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Nous ne sommes plus que deux sur l’estrade, Denis et moi. Je suis donc le prochain lot et je sensune pointe de stress monter en moi. Je croise les doigts pour avoir fait sensation auprès desnombreuses femmes. Et je n’ai pas ménagé mes efforts. Tout au long des enchères de mesprédécesseurs, j’ai enchainé sourires mutins et clins d’œil coquins à certaines, dont plusieurs ontrougi. J’espère en avoir au moins mis une dans ma poche. Honnêtement, n’importe laquelle feraitl’affaire du moment qu’elle m’empêche de tomber entre les griffes de Joss.

Mais plus les enchères s’envolent, emportant mes espoirs avec elles, plus mon moral baisse,moins je me fais d’illusions et plus je lorgne vers le bar en vue d’aller ingurgiter une autre dose dewhisky pour survivre à cette soirée.

— J’en offre deux mille dollars ! s’écrie une jeune femme que je ne connais pas.— Deux mille cent, s’exclame Joss.— Deux mille cinq cents.Mais le montant a beau augmenter, Joss renchérit toujours, son sourire carnassier s’étirant de

plus en plus au fur et à mesure que la somme devient importante.— Trois mille sept cents dollars, hurle Joss.Plusieurs personnes la regardent, et j’en vois certaines hésiter. Cela fait déjà un sacré paquet.

Moins que l’an dernier certes, mais je n’ai pas à me plaindre. Quoique, si quelqu’un pouvait sedésigner pour accroitre la mise, je ne serais pas contre, quitte à lui rembourser la différence.

— Trois mille sept cents dollars, une fois… assène Claire et je me tourne vers elle en grimaçant.Elle m’offre un petit « désolée », même si l’immense sourire qui ourle ses lèvres prouve qu’elle

ne l’est pas le moins du monde.— Trois mille sept cents dollars, deux fois, continue-t-elle et je ferme les yeux en attendant la

sentence irrévocable.J’ai l’impression de me retrouver cloué au pilori.Je serre les dents, essayant de me faire à l’idée que ma soirée est foutue et que je vais devoir

utiliser toute mon imagination pour tenter de me dépatouiller de l’emprise de Joss lorsqu’une voixmasculine, forte et grave, retentit.

— J’en offre vingt mille dollars.Mon souffle se bloque dans ma poitrine tandis que les convives, alternant entre franche surprise

pour les uns, ébahissement pour les autres et consternation pour Joss, sifflent et échangent des regardsétonnés.

Je me tourne de nouveau vers Claire, franchement ahuri, lui demandant silencieusement si elleest au courant de quelque chose, et ne reçois en retour qu’un haussement d’épaules perplexe.

— Vingt mille dollars, une fois, déclare-t-elle, essayant de cacher sa stupeur. Vingt milledollars, deux fois…, continue-t-elle en attendant quelques secondes supplémentaires, comme si elleespérait encore que quelqu’un enchérisse davantage. Vingt mille dollars, trois fois…

Le petit marteau résonne sur le meuble en bois qui lui sert de pupitre.— Adjugé vendu pour vingt mille dollars, s’exclame-t-elle, euphorique.À mon grand étonnement, personne n’applaudit. Au contraire. Un lourd silence s’installe dans la

salle.Il plane, s’étire et se répand telle une chape de plomb, à tel point que je suis certain que tout le

monde peut entendre ma respiration saccadée.Je vois alors les invités s’écarter pour laisser passer un homme. Je plisse les paupières pour

tenter de l’apercevoir, mais avec les lumières en plein dans la figure, je ne distingue qu’unesilhouette massive qui fend la foule pour se rapprocher de l’estrade.

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Ce n’est qu’arrivé à quelques mètres de moi que l’inconnu relève la tête.Je cesse alors de respirer et mon cœur rate un battement lorsque je braque des yeux écarquillés

dans ceux de ce dernier.Il a changé, certes.Sa mâchoire est plus carrée et il est rasé de frais, mais j’aurais reconnu ce regard gris n’importe

où.Devant moi se tient Adrian Cox.L’homme qui m’a quitté sans plus jamais revenir, plus de sept ans auparavant.Bordel de merde.J’ai vraiment besoin d’un verre.

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CHAPITRE 3

Je viens de plonger dans le gris des yeux d’Adrian et je n’ai plus aucune envie de remonter à lasurface. Mon cœur bat à cent à l’heure, prêt à bondir hors de ma poitrine. Tout un tas d’émotions esten train de se disputer la première place en moi, mais aucune ne semble parvenir à prendre le dessus.La joie, la tristesse, l’amertume, l’espoir, la douleur. Finalement, la colère l’emporte et tout le restereflue pour ne laisser que ce sentiment.

Je relève la tête pour constater que personne ne bouge, personne ne parle. Tous les regards sontbraqués sur nous, sur Adrian en particulier. Bientôt, des murmures s’échapperont, des questions etautres rumeurs commenceront à parcourir l’assemblée, essayant de répondre aux interrogationscollectives. Mais pas tout de suite. Non, pour l’instant, tout le monde semble retenir son souffle, dansl’expectative de ce qui pourrait se produire. Et je crois bien qu’ils s’étaient attendus à tout, sauf à ceque je saute à pieds joints de l’estrade, que je bouscule violemment Adrian avant de m’enfuir encourant de la pièce, non sans donner quelques coups d’épaules à ceux qui me barrent le chemin.

Il faut que je sorte. Immédiatement. Je ne peux pas rester ici. Je suis en train d’étouffer. J’ouvre brutalement la porte d’entrée du restaurant et me rue à l’extérieur.Je lève le visage vers le ciel et prends une profonde inspiration, tentant de me calmer et de

refouler les larmes qui me montent aux yeux. Le vent froid s’insinue sous ma chemise et je me surprends à frissonner. Je frictionne mes bras et

secoue la tête avant de me diriger vers l’avenue. J’aurais voulu rentrer chez moi, me carapater dansma maison, foncer sous la couette et la laisser m’engloutir totalement. Problème, mes clés, ainsi quemon téléphone, sont restés dans la poche de mon manteau, à l’intérieur du restaurant. Fortheureusement, j’ai mon portefeuille sur moi. Je peux toujours me rendre dans le café au coin de larue, autant pour ne pas mourir d’une pneumonie que pour échapper à tout ce beau monde le temps quela soirée se termine.

Oui, ça me semble être un bon plan. Tout vaut mieux plutôt que de rebrousser chemin et de meconfronter aux expressions, soucieuses, perplexes, ahuries, compatissantes.

Et pire, de me confronter à lui. Ma décision prise, je commence à avancer, plus doucement cette fois, lorsque j’entends la porte

du restaurant s’ouvrir derrière moi. Je n’ai pas le temps de me retourner ni de m’enfuir qu’Adrianm’interpelle.

— Mac !Je m’arrête net en à la mention de ce surnom et une vague de frissons parcourt mon échine tandis

que mon corps se met à trembler.Il est le seul à m’avoir jamais appelé ainsi. Mac et Ian. Ian et Mac. Pendant près de dix ans. Si je

pouvais encore douter de la réalité de sa présence avant cet instant, je n’en suis plus capable àprésent.

— Mac, attend !

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Je ferme les yeux, désirant fuir cette voix et tout ce qu’elle m’oblige à ressentir. Je me faisviolence pour ne pas me retourner, par peur de m’effondrer pour de bon. Et ce n’est pasenvisageable. Je refuse qu’il comprenne à quel point le retrouver devant moi ce soir m’a foutu enl’air. Même si, à ma manière de m’échapper, il doit déjà en avoir une certaine idée.

Je serre les poings et déglutis. J’aurais aimé pouvoir le regarder dans les yeux et lui dire d’aller

se faire foutre. J’aurais voulu le rejoindre pour lui mettre ma main dans la gueule. Pour qu’il ressente,au moins physiquement, une partie de la souffrance qui me bouffe intérieurement. Mais je ne fais riende tout ça. Mes pieds semblent cimentés au sol, je suis incapable d’esquisser le moindre mouvement.Alors je reste là, dos à lui, espérant qu’il finisse par s’en aller.

Mais bien sûr, ce n’est pas le cas.J’entends au contraire ses pas se rapprocher jusqu’à s’arrêter juste à côté de moi.— Rentre à l’intérieur Mac, m’intime-t-il d’une voix sévère.— Je n’ai pas d’ordre à recevoir de toi, je crache.— Non. Mais si tu ne le fais pas, Claire risque de t’en vouloir.— Pourquoi ?— Pas de dîner, pas de chèque, se contente-t-il de répondre.Un ricanement s’échappe de mes lèvres malgré moi.— Tu ne ferais jamais une chose pareille, je rétorque.Parce que c’est la vérité. Adrian serait incapable de faire preuve d’autant de mesquinerie.

— Tu n’en sais rien.Ces simples mots me blessent bien plus profondément que je le souhaiterais. Ils me rappellent quej’ignore tout de cet homme à présent. Je le connaissais par coeur, peut-être même mieux que je ne meconnaissais moi-même, mais cette époque est révolue depuis longtemps.

— Tu as raison, je crache en essayant de refouler la boule que je sens se former dans ma gorge.Je n’en sais rien. Je ne sais plus rien de toi.

J’aurais dû me taire, mais les mots sont sortis tous seuls. Je suis certain qu’il a pu deviner masouffrance malgré la véhémence de mes paroles.

— S’il te plait. Rentre avec moi. Juste quelques minutes, tu vas finir par mourir de froid si turestes dehors.

— C’est maintenant que tu t’inquiètes pour ma santé ? Trop aimable Ian, vraiment. Putain, arrêteun peu. Sept ans. Sept ans pendant lesquels j’aurais pu crever vingt mille fois. Et c’est maintenant quetu décides de me materner ? Tu sais quoi ? Va te faire foutre.

Voilà. J’ai réussi à le sortir finalement.J’ai délibérément évité de l’observer pendant que je lui crachais ces mots.Parce que je suis parfaitement conscient que si je l’avais regardé, je n’aurais pas pu lui dire tout

ça. Je n’en aurais pas trouvé la force. Et pourtant, même si je sais que me montrer aussi violentverbalement ne changera rien, je dois avouer ressentir une pointe de satisfaction. Comme si par cesmots j’avais réussi à alléger le poids immensément lourd qui m’écrase le cœur.

Je fais un pas en avant pour m’éloigner de lui, pour prendre de la distance, pour ne plus avoir à

supporter sa présence près de moi, ne plus sentir son odeur si particulière, ne plus me répéter qu’ilme suffirait de tendre la main pour toucher la sienne.

Mais ses doigts qui se referment autour de mon bras me stoppent dans mon élan. Je tente de medégager violemment, mais il raffermit sa prise.

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— Tu te trompes. Sur toute la ligne.— Ouais, ouais. Je me trompe. C’est ça. OK. Comme tu veux. Maintenant, lâche-moi.Mais il ne m’écoute pas. Comme toujours, Adrian n’en fait qu’à sa tête.— Tu te souviens, Mac ? Tu te souviens de notre après-midi près du lac ? Je t’ai dit que, quoi

qu’il puisse nous arriver, je ne te laisserai jamais. Que je garderai toujours un œil sur toi. Tu tesouviens de ça ? demande-t-il encore, sans faire mine de me lâcher.

Je n’essaye plus de me dégager. Toute force semble m’avoir quitté.Putain. Bien sûr que je me souviens.

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CHAPITRE 4Sept ans plus tôt.

Il faisait beau et chaud ce jour-là. Nous étions mi-juillet, les cours étaient terminés depuispresque un mois et, comme tous les étés, la quiétude régnait dans notre petite ville. De nombreuxhabitants étaient partis en vacances et les rues étaient plutôt tranquilles.

J’étais dans ma chambre, allongé sur mon lit, en train de bouquiner, la fenêtre ouvertelaissant passer une légère brise bienvenue, lorsque mon portable vibra sur ma table de nuit. Jel’attrapai pour découvrir un message d’Adrian :

« Je crève de chaud. Envie de piquer une tête ? » Je répondis aussitôt et sautai du lit pour me préparer à toute vitesse.Je n’avais pas vu Adrian depuis cinq jours et il me manquait atrocement. J’ignorais même

qu’il était de retour en ville. En me faisant cette réflexion, je me sentis d’ailleurs légèrement vexé.Si ça se trouve, il était rentré depuis hier et n’avait pas pris la peine de me prévenir. J’avaisaussitôt chassé cette idée de mon esprit.

Et puis après tout, il n’avait pas vraiment de compte à me rendre, il était libre de passer dutemps de son côté, tranquillement, sans me tenir au courant de ses moindres faits et gestes.

Après avoir enfilé mon caleçon de bain par-dessous mon short, je cherchai pendant uneéternité mes lunettes de soleil avant de les retrouver au pied du lit, enfouies sous une tonne delinge. Adrian me reprochait souvent d’être trop bordélique. En retour, je lui répétais que lui étaitbien trop maniaque. Le peu de fois où j’avais pénétré dans sa chambre, j’avais découvert avecstupeur son lit parfaitement fait, ses vêtements sagement pliés dans son armoire et son bureauentièrement vide à l’exception de son ordinateur portable et d’un pot à crayons. Cela me laissaittoujours admiratif. Où trouvait-il le temps de tout ranger ?

Je savais que c’était dans sa nature.Je me souvenais d’un jour où il pleuvait à torrent, si fort que la télévision avait cessé de

fonctionner. Après nous être lassés de jouer à la console et avoir regardé deux films, nous avionscommencé à nous ennuyer sérieusement.

C’est alors qu’il avait décidé de ranger ma chambre de fond en comble.Ce que j’avais fini par accepter de mauvaise grâce, content malgré tout d’avoir trouvé une

occupation. Même si, dans mon esprit, j’avais beaucoup d’autres idées bien plus sympas et moinsmonotones que le ménage de printemps. Idées que je n’avais pas osé partager avec lui.

Parce qu’il était mon meilleur ami, qu’il sortait avec Stacey, et qu’il était hors de questionque je lui avoue être amoureux de lui.

Ce n’était arrivé que bien plus tard.J’enfourchai donc mon vélo et pédalai à toute vitesse jusqu’au lac, trop heureux de le

retrouver. Il était déjà là, assis sur une serviette qu’il avait étendue sur l’herbe, en train d’écrasersa cigarette. Une casquette vissée sur la tête, il secouait celle-ci au son de la musique qui pulsaitdans ses oreilles, ses doigts tapotant en rythme sur ses genoux.

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Il ne m’entendit pas arriver. Restant quelques minutes en retrait, j’en profitai pour leregarder.

En quelques jours à peine, il avait pris des couleurs, rehaussées par son tee-shirt blanc qui

faisait ressortir le hale doré de sa peau et ne cachait rien de son corps élancé.Des mèches de cheveux bruns dépassaient de sa casquette, parce qu’il avait décidé de ne pas

les couper de toutes les vacances.Sa barbe de trois jours lui donnait un air plus adulte, plus mûr, que je me surpris à aimer.Son short laissait apparaître ses mollets musclés, résultats d’heures entières passées à

s’entrainer pour l’équipe de football. Il était beau. Si beau que le regarder devenait parfoisdouloureux. Dans ces moments-là, je ne pouvais m’empêcher de me demander ce qu’il me trouvait.

Nous étions tellement différents.Je m’estimais si fade à côté de lui. Mais malgré tout, il m’aimait. Peut-être pas autant que

moi, mais cela n’avait pas d’importance.De toute façon, ses sentiments ne pouvaient pas rivaliser avec les miens.

J’étais amoureux d’Adrian depuis des années, alors que lui n’avait commencé à me voirautrement que comme un ami à peine quelques mois plus tôt.

Bien sûr, il m’aimait déjà avant, mais d’une manière totalement différente. Il m’avait toujoursconsidéré comme son meilleur pote, presque un frère. Nous étions inséparables depuis longtemps.Un duo de choc. Et puis notre relation avait peu à peu dévié sur une pente glissante.

J’avais pris peur au début. Jusqu’à ce que je réalise qu’Adrian avait pris son courage à deuxmains et avait décidé de la dévaler avec moi.

Je finis par m’approcher de lui. L’herbe étouffait le bruit de mes pas, et ce n’est que lorsqueje m’assis à ses côtés qu’il remarqua ma présence. Il tourna la tête et, à l’instant où son regardgris rencontra le mien, un immense sourire vint ourler ses lèvres.

Il m’attrapa immédiatement par la nuque pour m’embrasser. Adrian était un exalté. Tout ce qu’il faisait, il le faisait avec passion. Il m’embrassait avec

passion, et il m’aimait avec passion. Il ne savait pas faire autrement.C’était un homme entier, qui se donnait à cent pour cent dans tous les aspects de sa vie.Le sport, les études, l’amitié. Et maintenant… moi.Sa bouche pressée contre la mienne, sa langue glissant sur mes lèvres, nous nous laissâmes

happer par notre baiser.Nous nous embrassâmes avec fougue, comme si nous étions restés séparés pendant des mois

entiers. Ma main agrippa sa casquette pour la lui ôter et pouvoir fourrager dans ses cheveux. Sesdoigts se perdirent dans mon dos, malaxant ma peau tandis que son étreinte s’approfondissait, quesa langue se faufilait entre mes lèvres entrouvertes pour jouer avec la mienne. Je gémis sous cetteintrusion, et mon sexe se dressa sous mon boxer. Nous finîmes par nous séparer, le souffle haché,la bouche gonflée et les yeux brillants de désir.

Puis Adrian se leva d’un bond. Il attrapa son tee-shirt, le passa au-dessus de sa tête avant del’abandonner sur le sol et de s’élancer jusqu’au lac. Et pendant qu’il courait, il n’arrêtait pas deme crier « dépêche-toi ! ».

J’éclatai de rire et me dévêtis à mon tour pour le rejoindre dans l’eau.Nous passâmes plus d’une demi-heure à nager, rigoler, nous éclabousser, essayer de nous

faire couler mutuellement. Nous finîmes par nous calmer, crevés d’avoir autant bougé.

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Adrian s’approcha alors de moi et, collant son corps contre le mien, enserra mon visage entreses paumes pour m’embrasser délicatement.

Je m’étais longuement repassé ce baiser dans ma tête après ça.Il était doux, humide et salé.Sa bouche glissa alors sur ma joue, mon menton, ma mâchoire. Il enfouit son nez dans mon

cou pour respirer mon odeur. C’était un geste qu’il répétait souvent, comme s’il craignait del’oublier et faisait en sorte de toujours s’en souvenir.

Mes mains descendirent le long de son dos et j’agrippai ses fesses pour le serrer plusfermement contre moi. Nous frottâmes nos queues l’une contre l’autre, nous mouvant au gré despetites vaguelettes qui léchaient notre corps. Puis il captura mon érection et la caressa jusqu’à ceque je finisse par éjaculer entre ses doigts. C’était la première fois que nous allions si loin tous lesdeux. Jusqu’ici, nous nous étions contentés d’onduler l’un contre l’autre, juste un peu, simplementpour nous exciter.

Contrairement à moi, qui du haut de mes vingt et un ans avais déjà eu plusieurs amants,

Adrian n’avait connu le sexe qu’avec des femmes et je crois qu’il redoutait de passer à l’acte avecun homme. Je ne l’avais pas forcé, préférant que l’initiative vienne de lui.

Certes, j’étais fébrile et nerveux, mais je ne voulais pas le brusquer, au risque de le faire fuir.Alors j’avais pris mon mal en patience.

Mais cette fois-ci, dans l’eau, nous partîmes à la découverte de nos corps.Cachés derrière un rocher, je lui offris sa première fellation.Je m’appliquai, désireux de lui montrer à quel point je pouvais le faire jouir ardemment. Lui

montrer qu’aucune femme ne pouvait m’arriver à la cheville. Je léchai son gland, aspirai sesboules duveteuses, caressai sa verge avec ma langue, profitant de goût de sa peau et de sa texturesi lisse, si douce.

Je le titillai, l’amenai au bord du précipice sans jamais lui permettre de basculer dans levide.

Puis je l’avalai entièrement. Ma bouche chaude se referma sur pratiquement toute salongueur, et je le suçai avec avidité, me délectant de ses petits cris, de ses demandes incessantesd’y aller plus fort, de ne jamais m’arrêter. Il me répéta en boucle à quel point c’était bon, à quelpoint il aimait ça. Il soupira, agrippa ma tignasse blonde de plus en plus fort au fur et à mesureque l’orgasme montait en lui.

Il éjacula dans ma bouche en poussant un gémissement de jouissance sonore, et tous sesmuscles se relâchèrent d’un coup. Il s’affala contre moi, ses bras entourant mes épaules, et aprèsm’avoir embrassé, il murmura un « je t’aime » au creux de mon oreille.

Nous nageâmes un peu, pour reprendre nos esprits, avant de retrouver notre place.Nous restâmes allongés sur nos serviettes.Et là, sur les rives du lac, ma tête posée sur son torse, ses doigts jouant avec mes cheveux, le

soleil d’été réchauffant notre peau, je me sentais le plus heureux des hommes. Nous laissâmes le silence s’installer entre nous, un silence serein, qui démontrait notre joie et

notre béatitude de pouvoir simplement passer du temps ensemble, rien que tous les deux.Je finis par le briser après un long moment, en murmurant :— J’aimerais que ce soit toujours comme ça.— Moi aussi, soupira-t-il.

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— Tu crois que c’est possible ?Il se redressa pour me regarder droit dans les yeux et déclara, l’air si sérieux tout à coup :— Je n’en sais rien. Mais je veux que tu sois sûr d’une chose, Mac. C’est que, quoi qu’il

advienne ensuite, si un jour nos chemins se séparent, je t’appartiendrai toujours. Je ne te laisseraijamais. Je garderai constamment un œil sur toi.

Je me contentai d’acquiescer, un immense sourire plaqué sur le visage. Il se pencha vers moiet déposa un chaste baiser sur mes lèvres avant de se rallonger.

Trois jours plus tard, il était parti pour ne plus jamais revenir.

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CHAPITRE 5

Je me tourne finalement vers lui, essayant de comprendre le sens de ses paroles. Pourquoim’obliger à me remémorer ces moments ? Pour enfoncer plus profondément le couteau dans la plaie ?Par sadisme ? Pour me rappeler à quel point cette journée parfaite du début à la fin avait été l’une desdernières avant ma descente aux Enfers ?

— Qu’est-ce que tu cherches à me dire ?Il pousse un profond soupir, ôte sa main de mon bras et se pince l’arête du nez. Puis il plante son

regard gris dans le mien et je crois déceler une pointe de tristesse, de regret, au fond de ses yeux.J’en éprouve une étrange jubilation. Peut-être n’avais-je pas été le seul à souffrir de cette séparationfinalement. Mais si c’était également son cas, pourquoi avoir fui comme un voleur sans jamais donnerde nouvelles ?

Il est sur le point de répondre lorsque la porte s’ouvre à toute volée. Nous nous tournons de

concert en direction du bruit pour découvrir Claire. Elle s’avance vers nous d’une démarche décidéeet se plante directement devant Adrian.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? demande-t-elle d’un ton empli de reproches.Adrian se mord la lèvre comme s’il venait d’être pris en faute.Il ne semble pas parvenir à répondre à cette simple question. Question que je me pose

également. Pourquoi être réapparu ce soir, après sept ans de silence ? Après avoir décidé deconstruire sa vie et sa carrière loin de nous, loin de moi ?

— Salut Clay, content de te revoir, déclare-t-il avec une pointe de sarcasme dans la voix.— Je t’en prie, ne joue pas à ça avec moi, rétorque-t-elle en pointant un index accusateur sur son

torse.Il ne répond pas. Au lieu de quoi, il sort son chéquier et un stylo de la poche intérieure de son

manteau. Après avoir griffonné dessus, il le tend à Claire.— Je ne veux pas de ton fric, Day.— Il est à toi, j’ai remporté les enchères, non ?— Peut-être. Mais le marché n’a pas été honoré. Je suis leur échange, silencieusement, rivant mon regard sur chacun d’eux alternativement.

J’ignore qui sortira vainqueur cette joute verbale, mais je sais qu’ils peuvent se montrer aussi têtusl’un que l’autre. Ça peut durer des heures, et je suis toujours en train de grelotter.

Je suis prêt à faire demi-tour et à les laisser là, à régler leurs comptes, incapable dem’interposer - ce qui aurait été parfaitement vain de toute façon - lorsque Adrian répond :

— Dans ce cas-là, demande à Mac de le faire. Après tout, il s’est prêté au jeu, il devrait allerjusqu’au bout.

Je le dévisage, abasourdi par ses propos.Ce type se fout de ma gueule. Il débarque comme une fleur en plein milieu de la soirée et

s’attend à ce que je m’asseye en face de lui autour d’une table, tranquillement, à discuter de choses etd’autres comme s’il ne s’était rien passé. Quel putain d’enfoiré !

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Et il se permet en plus d’afficher ce petit sourire satisfait. Je n’ai qu’une envie, le lui faire

ravaler. Lui montrer qu’il ne peut pas se pointer ici en conquérant et espérer s’en sortir sain et sauf,sans que rien ne lui soit reproché.

J’avance d’un pas déterminé et me plante devant lui, les bras résolument croisés sur ma poitrinepour qu’il comprenne que je ne compte pas céder à sa requête.

— Pour quoi faire ? Pour parler du bon vieux temps ? C’est ça que tu veux, Ian ? Te remémorerles bons souvenirs ? je crache.

Son sourire se fane et son visage se crispe légèrement. Il semble avoir enfin pris consciencequ’il n’a rien à faire ici.

Il recule et lève ses mains devant lui en signe de reddition.— Ça va. Je capitule.Je déglutis faiblement et mon cœur se brise un peu plus en constatant qu’il ne compte pas se

battre pour plaider sa cause.Apparemment, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Je ne suis pas assez important pour lui pour

qu’il essaye davantage de se racheter.Claire lui tend son chèque pour qu’il le reprenne, mais il secoue la tête.— Garde le Clay, s’il te plait. Les enfants en ont besoin.Puis il se tourne vers moi.— Je suis désolé, Mac. Je pensais que tu serais prêt à m’écouter, que je comptais encore un peu

pour toi. Mais je me suis trompé. Je ne suis pas le bienvenu ici.— Pas le bienvenu ? je répète, ahuri. Tu te fous de nous ? C’est toi qui as décidé de te barrer du

jour au lendemain sans donner de nouvelles. C’est toi qui as quitté cette ville pour ne plus y remettreles pieds. Toi qui m’as laissé espérer pendant des semaines que tu reviennes. Tu sais ce que j’airessenti, Ian ? As-tu seulement idée du mal que tu m’as fait ce jour-là ? Et à quel point je t’aidétesté ? À quel point je te déteste en ce moment d’avoir fait irruption ici ce soir ? Tu as consciencede combien de fois je me suis imaginé nos retrouvailles, certain que tu ne me laisserais jamaistomber indéfiniment ? Sais-tu la douleur que j’ai ressentie quand j’ai compris que tu ne réapparaitraisplus, tout en continuant à espérer, inlassablement, jusqu’à m’en rendre malade ? Non, bien sûr quenon. Parce que tu n’es qu’un putain de connard égoïste ! Tu n’as songé qu’à toi et c’est en pensant àtoi, et uniquement à toi, que tu as décidé de revenir au-jourd’hui. Alors, arrête de jouer le type malheureux qui se sent rejeté. Parce que tout est de ta faute,Ian. Tout est de ta putain de faute.

Ma voix se brise sur ces dernières paroles et je réalise seulement que je pleure lorsque je sensles larmes salées couler le long de mes joues.

J’ai parlé d’une traite, sans pratiquement reprendre mon souffle. Les mots se sont déversés lesuns à la suite des autres sans que je puisse rien y faire pour les en empêcher. Et maintenant, je m’enveux. J’aurais aimé pouvoir les ravaler.

Je viens de me ridiculiser en lui confessant tout ce que j’aurais préféré taire.Je relève la tête pour le dévisager, certain d’y trouver un air satisfait d’avoir réussi à me faire

avouer tout ça, content de constater qu’il hante toujours autant mes pensées, heureux de savoir qu’il aune fois de plus pris l’ascendant sur moi. Je crains d’y lire du mépris, de la condescendance, unemanière de dire « mon pauvre Mac, tu es ridicule de t’être accroché à moi comme ça ». Mais lorsquej’avise son regard, je n’y vois rien de tout ça. Non, en revanche, une profonde tristesse se dessine surson visage. Ses yeux sont brillants et sa bouche légèrement tordue.

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Et je sais que j’ai réussi à l’atteindre.Que je suis parvenu à toucher cette partie de lui qui, il me l’a rappelé, n’a rien oublié de moi, de

lui, de nous. C’en est trop, je ne peux plus rester ici, près de lui. Au risque de flancher. J’en suis totalement

capable. Adrian m’a toujours rendu faible.Mon attachement pour lui me rend faible, et cela depuis des années.Mais cette époque est révolue. Je ne veux plus savoir quelles raisons l’ont poussé à ressurgir

sept ans après. Ça ne m’intéresse pas. Je désire juste partir et ne plus jamais le revoir. C’estl’occasion parfaite pour enfin l’oublier. Tirer un trait sur notre passé et aller de l’avant. La chancerêvée. Et il ne tient qu’à moi de la saisir.

Alors je me détourne et, sans prononcer le moindre mot, me dirige d’un pas vif vers la porte que

je claque violemment une fois entré dans le restaurant.Adieu Adrian. Et va brûler en Enfer.

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CHAPITRE 6

Je pousse un profond soupir et m’avachis contre le mur de l’entrée.En jetant un œil aux invités non loin, je constate avec soulagement que personne n’a remarqué

mon retour, trop occupé à discuter autour d’un verre ou, pour les gagnants, à profiter de leur dîner entête à tête. Bien sûr, je sais que bientôt, les rumeurs se répandront, c’est tout le problème d’une petiteville telle que la nôtre. Mais pas tout de suite.

J’ignore quoi faire. Je n’ai aucune envie de rester ici, mais d’un autre côté, je n’ai aucune enviede ressortir non plus. Hors de question d’affronter de nouveau Adrian. Il ne me reste d’autre solutionque de patienter jusqu’au retour de Claire, de m’assurer qu’il est reparti là d’où il est venu. Alors,seulement, je pourrai me risquer une nouvelle fois à l’extérieur.

Fort de ce plan qui semble parfaitement adéquat, je me dirige d’un pas sûr en direction du bar.Avec tout ça, je n’ai pas eu le temps de boire mon whisky et j’en ai réellement besoin. Sans compterque l’alcool m’aidera sans aucun doute à me réchauffer. Je meurs de froid.

Comme un rapace guettant sa proie, Joss apparait aussitôt dans mon champ de vision. Cette

femme est décidément incroyable.Mais cette fois-ci, je ne suis pas sûr d’avoir la patience suffisante pour me montrer courtois. J’ai

les nerfs à fleur de peau et je pense que la moindre remarque me fera sortir de mes gonds.— Pas maintenant, Joss, je ne suis vraiment pas d’humeur, je la préviens tandis qu’elle arrive

tout près de moi.Sérieusement, je ne comprends pas son entêtement. Je suis certain que de nombreux hommes

seraient prêts à s’éclater avec elle, alors pourquoi faut-il qu’elle continue de me poursuivre de sesassiduités ? Ça en devient franchement épuisant.

Elle fait la moue puis pose sa main sur la mienne.— Je voulais juste savoir si tu allais bien.— Non, Joss, je ne vais pas bien. Je ne vais pas bien du tout, putain ! je m’écrie en tapant du

poing sur la table, et je vois certaines têtes se tourner dans ma direction.Joss, elle, a les yeux grands ouverts, apparemment choquée de mon subit éclat de voix. Merde. Je suis vraiment un abruti. Je n’ai pas le droit de déverser ma colère et ma rage sur elle,

elle n’a rien fait pour mériter ça. D’accord, elle se montre un peu trop intrusive et collante, mais cen’est pas une raison pour m’en prendre à elle.

Je soupire et secoue doucement la tête.— Excuse-moi, dis-je en me radoucissant aussitôt. Je suis désolé de m’être laissé emporter.

C’est juste que cette soirée n’a pas tourné comme je l’aurais souhaité.— Tu regrettes que je n’aie pas remporté la mise finalement, n’est-ce pas ? déclare-t-elle en

souriant dans une tentative pour détendre l’atmosphère.Et je me rends compte que derrière cette harpie prête à tout pour me mettre le grappin dessus, se

cache une femme sympa, et sûrement bien trop seule.

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— Je me suis comporté comme un con. Pardonne-moi Joss, je n’aurais jamais dû me montreraussi minable avec toi.

Elle tapote gentiment ma main et, après être demeurée silencieuse quelques instants, me demandesi je souhaite parler de ce qui me ronge.

— J’ai juste envie de rentrer chez moi, je soupire.Tout en prononçant ces paroles, je jette un coup d’œil en direction de la porte dans l’espoir de

voir réapparaitre Claire. Mais sans succès.— Tu veux que je te ramène ? offre-t-elle.J’aurais volonté accepté, vu que je suis venu avec le véhicule de mon amie, mais il est hors de

question que je quitte cette pièce tant qu’il reste une chance pour qu’Adrian se trouve encore àl’extérieur.

Devant mon manque de réponse, Joss enchaine :— Finis ton verre, récupère ton manteau. Je vais chercher ma voiture et je te rejoins par la porte

des cuisines.Mon visage s’éclaire à ses paroles et je me surprends à esquisser un sourire. Je n’avais même

pas pensé à ça ! Décidément, cette femme est vraiment pleine de ressources. Le retour se déroule dans le plus grand silence, seulement perturbé par le raclement des essuie-

glaces contre le pare-brise. Une fine pluie s’est abattue sur nous durant le trajet, et Joss sembleconcentrée sur la route. Quant à moi, le front collé contre la vitre froide, je regarde d’un air morneles rues défiler devant moi. Ces rues que je connais par cœur pour les avoir arpentées de long enlarge pendant de nombreuses années.

Parvenu devant chez moi, je prends le temps de trouver mes clés et me penche vers Joss pourdéposer un doux baiser sur sa joue.

— Merci, je souffle.Elle acquiesce en souriant et je sors de la voiture pour courir vers le perron. Arrivé devant mon

palier, je me tourne pour lui faire un signe de la main et je vois son véhicule s’éloigner, les pharesbalayant le bitume sur lequel s’écrasent les gouttes de pluie.

Je déverrouille la porte et suis en train d’essuyer mes pieds sur le paillasson lorsque j’entends

des bruits de pas résonner sur le béton mouillé.Je me retourne pour découvrir Adrian, trempé de la tête au pied, de l’eau dégoulinant de ses

cheveux bruns, à quelques mètres de moi.— Mac, dit-il simplement, d’une voix égale.De l’observer ainsi, tout mouillé, l’air totalement perdu, fait naître un sentiment de déjà-vu qui

me projette des années en arrière.

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CHAPITRE 7Onze ans plus tôt

Les mains pleines de savon, j’étais en train de laver la vaisselle pendant que mes parentsregardaient un film dans le salon. Ma sœur était restée avec moi pour faire ses devoirs, assise à latable de la cuisine. Elle aurait pu s’enfermer dans sa chambre pour être plus tranquille, mais elleaimait bien passer du temps en ma compagnie, même sans échanger un mot. Comme si maprésence la rassurait.

Je sifflotais, perdu dans mes pensées, lorsqu’une intuition me fit lever la tête. Je braquai mon

regard en direction de la fenêtre. La pluie battante frappait violemment sur le carreau, il faisaitnuit noire et la visibilité était quasi nulle malgré le faible éclairage de la rue. Je plissai les yeuxpour essayer de distinguer le moindre mouvement à travers la pénombre, certain que quelqu’unapprochait.

C’est à cet instant que je vis Adrian courir vers la maison. Bizarrement, je ne fus pas si étonné de le découvrir à côté de chez moi. C’était étrange, mais

il m’arrivait de sentir sa présence avant même de le voir, comme c’était le cas ce soir-là.Je rinçai le savon sur mes mains avec empressement et éteignis le robinet avant de bondir

vers d’entrée, non sans remarquer que ma sœur avait levé les yeux de son cahier pour medévisager d’un air perplexe.

Je m’essuyai sur mon jean et ouvris la porte, sans répondre aux interrogations de mes parentsqui se demandaient sûrement quelle mouche m’avait encore piquée.

Je m’élançai dehors, me moquant de la pluie qui me cinglait le visage. Je n’avais qu’un seul

but, rejoindre Adrian. Je n’avais pas fait deux pas qu’il s’écroula sur le sol boueux. Je meprécipitai vers lui et dérapai à mon tour pour me retrouver à genoux juste devant lui. Son visageétait caché par sa tignasse brune qui lui tombait devant les yeux. Il releva alors la tête et d’ungeste expert, chassa ses mèches folles pour braquer son regard gris sur moi. Mon estomac se serraet je cessai de respirer un instant. Son œil droit était gonflé et avait pris une teinte bleu foncé.

— Tu t’es encore battu ? demandai-je.Ce n’était pas la première fois, et ce ne serait certainement pas la dernière. Comme la plupart

des gars de notre âge, Adrian jouait parfois de ses poings. Une manière de montrer qu’il était unvrai mec. Je ne pouvais pas l’en blâmer, de ce point de vue-là, nous étions pareils, sauf que de moncôté, ce besoin de laisser ressortir ma virilité venait d’ailleurs.

Parce que j’avais compris que j’aimais les hommes et que, pour moi, être gay était unefaiblesse en soi. Je voulais prouver aux autres et me prouver à moi-même surtout, que je pouvaisêtre aussi hargneux, fort et « mâle » que n’importe quel type.

— On s’en fout ! répliqua Adrian en souriant de toutes ses dents, comme si cela n’avaitaucune importance. Comme s’il ne s’agissait que d’un jeu. Je peux rester ici ce soir ?

— Bien sûr ! Tu sais que tu es toujours le bienvenu.

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Ce qui était la vérité. Adrian plaisait beaucoup à mes parents. Ils trouvaient que c’était un

garçon charmant, sérieux et bien élevé. Ils le connaissaient depuis des années vu que, plus jeune,il passait des journées et des nuits entières à la maison. Il était un peu comme leur second fils, etje crois que ma sœur avait un faible pour lui. Ce qui m’avait toujours profondément agacé, étantdonné que, de mon côté, j’étais déjà fou amoureux de lui. Mon meilleur ami.

Après avoir esquivé les questions de mes parents quant à l’œil au beurre noir qui ornait son

visage, nous nous réfugiâmes dans ma chambre. Adrian s’enferma dans la salle de bain. Il sedoucha, autant pour se réchauffer que pour nettoyer la boue maculant sa figure et ses mains.

Lorsqu’il sortit, seulement vêtu de son boxer, sa serviette autour de ses épaules musclées, jedéglutis faiblement et tentai de dissimuler la rougeur qui m’était montée aux joues. Je n’avaisqu’une seule envie, l’agripper par la taille pour le serrer contre moi. Je crevais d’envie de letoucher, de le caresser, de l’embrasser.Je détournai les yeux, honteux, et me levai d’un bond pour fourrager dans ma commode, autantpour lui trouver une tenue pour dormir que pour camoufler au mieux l’érection qui tendait monpantalon de pyjama.

Cette nuit-là, alors que la lumière était éteinte depuis longtemps et que je tâchais d’oublier la

présence d’Adrian sur le matelas posé au pied de mon lit en regardant le plafond, je l’entendisétouffer un sanglot. Je me tournai pour constater qu’il était replié en chien de fusil et que son dostressautait au rythme des pleurs qu’il tentait de refouler.

Je rejetai la couverture et, sans plus réfléchir, me coulai hors de mon lit pour le rejoindre.Sans dire un mot, je collai mon corps contre le sien et, passant ma main autour de sa taille,cherchai la sienne. Il ne me repoussa pas. Au contraire, il entrelaça ses doigts aux miens et,toujours dos à moi, ses larmes finirent par se tarir. Son souffle devint plus régulier et ce n’estqu’au moment où je fus certain qu’il s’était endormi que je réussis à sombrer à mon tour dans lesbras de Morphée.

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CHAPITRE 8

Je le dévisage tandis qu’il avance doucement dans ma direction. Il vient vers moi de la mêmemanière qu’il aurait tenté d’approcher un animal sauvage dont il aurait redouté la morsure. À paslents, mais assurés, en me regardant droit dans les yeux, comme pour dire « ne crains rien, je ne teferai aucun mal ».

Mais il est trop tard pour ça. Il m’a déjà blessé bien trop profondément, et malgré toutes cesannées, la plaie refuse de cicatriser. Parfois, elle se fait plus sourde et la douleur reflue, mais àd’autres reprises, elle semble toujours à vif.

Voyant que je n’esquisse pas le moindre geste pour m’enfuir ou le repousser, il continue samarche. Il se poste juste devant moi, si près que nos corps se touchent presque. Je peux sentir sonsouffle sur mon visage, je peux percevoir sa respiration saccadée et je me demande si lui peutentendre mon cœur qui pulse dans ma poitrine.

— Mac, murmure-t-il, et sa main se pose sur ma joue.Combien de fois ai-je espéré ce contact ? Combien d’heures ai-je passées à me morfondre ? À

m’interroger sur ce que j’avais fait pour mériter qu’il parte du jour au lendemain ?Combien de questions ont tourné dans ma tête, inlassablement, pour tenter de savoir si j’étais la

cause de tout ça ?À plusieurs reprises, j’ai même failli aller sonner à la porte de chez son père pour lui demander

des explications, qu’il m’indique une manière de le joindre, mais je me suis défilé. Monsieur Cox m’avait toujours intimidé. La première fois que j’avais posé les yeux sur lui en

venant chercher Adrian pour que nous fassions la route pour le collège ensemble, j’avais reculéinconsciemment sous la puissance bestiale qui se dégageait de lui. Son crâne rasé qui accentuait sonair sévère, sa mâchoire carrée, son corps immense m’avaient tellement impressionné qu’il m’avaitfallu plusieurs essais ponctués de bégaiements avant de pouvoir lui annoncer la raison de ma visite. Ilm’avait dévisagé de la tête aux pieds comme si je n’étais rien d’autre qu’un insecte dérangeant satranquillité, puis avait appelé son fils que j’avais entendu dévaler les escaliers. Il ne m’avait pasadressé un mot et je n’avais plus jamais remis les pieds chez lui lorsqu’il était présent.

De toute façon, Adrian m’avait informé que son père n’acceptait pas qu’il reçoive de copains.

C’est aussi pour cette raison qu’il passait le plus clair de son temps chez moi. Bizarrement, à cela,M. Cox ne voyait aucun inconvénient.

Jusqu’au soir où Adrian avait débarqué à la maison avec son œil au beurre noir.Ce jour-là fut la dernière fois qu’il avait dormi dans ma chambre.

Pendant longtemps, j’avais craint que ce ne soit à cause du geste intime que nous avions partagé,tous les deux enlacés dans ce lit, mais j’avais appris plus tard qu’il n’en était rien.

J’ai envie qu’il ôte sa main. Je souhaite que ses doigts restent posés sur ma joue indéfiniment. Je

désire rompre ce contact autant que je crève de me rapprocher toujours plus de lui. Je l’aimetellement, le hais aussi fort. Il est là et pourtant, il ne m’a jamais plus manqué qu’en cet instant.

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Je veux lui hurler de partir. Je veux le supplier de ne plus m’abandonner. Je veux le frapper. Jeveux l’embrasser. Je veux l’étreindre et le repousser tout à la fois.

— Regarde-moi, m’intime-t-il doucement. Je me mords la lèvre et, obéissant à son injonction, lève la tête pour rencontrer le gris de ses

yeux. Ce gris dans lequel je me suis noyé de si nombreuses fois par le passé. Ce gris qui m’appellede tout mon être, m’enjoignant à plonger toujours plus loin dans ses profondeurs, pour essayer dedécouvrir tous les secrets qu’il cache, pour mettre la main sur les trésors qu’il recèle.

Je veux retrouver l’euphorie de ces instants révolus, je veux exhumer son âme, je veux retrouverle chemin de son cœur.

Nous restons un long moment à nous contempler et, à travers mon regard, je veux lui fairedeviner toutes les émotions contradictoires qui m’assaillent en cet instant.

Je te déteste. Je te désire. Je te veux autant que je te hais. Ne vois-tu pas comme j’ai mal ? Nevois-tu pas comme je saigne ? Ne vois-tu pas mon âme qui se déchire à chaque seconde qui passe.Bordel, Ian ne fait pas ça. Ne m’oblige pas à ressentir tout ça.

Sept ans. Sept putain d’année. Et il se tient là, devant moi.Je ne sais plus de quoi j’ai envie. Je ne contrôle plus rien. Et lorsque son visage se rapproche du

mien, je reste stoïque, incapable d’esquisser le moindre mouvement.Alors il scelle sa bouche sur la mienne. Tout mon corps se tend sous la surprise, mais je ne fais rien pour m’écarter. Au contraire. Ses

lèvres pressées contre les miennes, je redécouvre son odeur mentholée, la chaleur de son souffle, ladouceur de ses caresses.

Je n’arrive pas à y croire. Je n’arrive pas à me dire qu’il est vraiment là, en train dem’embrasser. Que ce sont ses mains qui me touchent, sa bouche qui m’effleure.

Et d’un seul coup, j’ai l’impression d’avoir enfin retrouvé une partie de moi.D’avoir remis la main sur une des pièces manquante au puzzle de mon âme.Malheureusement, des pièces, il m’en manque encore plusieurs.Il se colle davantage à moi et lorsque nos peaux, poussées l’une vers l’autre entrent en contact,

une décharge électrique parcourt tout mon être. Je m’entends gémir contre sa bouche tandis que salangue tente de se frayer un passage entre mes lèvres.

Je les ouvre légèrement, la laissant jouer avec la mienne.Je sens ses dents mordiller avec gourmandise mes lèvres et me retrouve complètement happé par

notre étreinte. Par ce baiser ardent, enfiévré. Le même qu’il m’avait offert sept ans plus tôt, justeavant qu’il ne disparaisse de ma vie.

Ce baiser qui m’avait embrasé tout entier, ce soir-là.

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CHAPITRE 9Sept ans plus tôt

Le bruit de cailloux tapant contre le carreau de ma chambre finit par me sortir de monsommeil. Je me relevai et, à genoux sur mon lit, ouvris la fenêtre pour découvrir Adrian sur mapelouse, un immense sourire sur le visage.

À croire qu’il ne savait pas se servir d’un portable. Mais non, il ne pouvait décidément rienfaire comme tout le monde. Je pense surtout que cette incursion nocturne l’amusait.

— Qu’est-ce que tu fabriques ici à cette heure-ci ? grommelai-je en frottant mes paupièrestout ensommeillées.

— J’ai quelque chose à te montrer !— À quatre heures du matin ? m’exclamai-je.— Allez, Juliette, arrête de faire ton rabat-joie, descends de ton balcon et rejoins-moi en bas.Je ronchonnai pour la forme, mais m’empressai d’accepter, bien trop curieux de savoir ce qui

se cachait sous le sourire énigmatique d’Adrian.J’enfilai en vitesse un jean et un tee-shirt, et après être passé rapidement par la salle de bain

pour me brosser les dents et tenter de redonner un peu de volume à mes cheveux tout aplatis, jesortis de ma chambre en refermant doucement la porte derrière moi.

Mes Converses à la main, je descendis les escaliers en retenant mon souffle, sur la pointe des

pieds, espérant ne pas réveiller mes parents. Ils savaient certes se montrer cool la plupart dutemps, mais je n’étais pas certain qu’ils me laissent disparaître dans la nature à quatre heures dumatin au seul prétexte de suivre les idées folles d’Adrian.

Je récupérai mes clés dans le petit bol de l’entrée et ce n’est qu’une fois dehors que je mepermis de respirer à nouveau. Je chaussai mes baskets, attrapai mon vélo, et rejoignis Adrian quise tenait à présent à quelques mètres de moi, sa bicyclette en appui sur un tronc d’arbre.

Il s’approcha de moi et caressa ma joue du bout des doigts.— Tu as encore la marque de l’oreiller !— Ça ne serait pas arrivé si tu ne m’avais pas réveillé en pleine nuit.Il éclata de rire et après avoir déposé un chaste baiser au coin de mes lèvres, enfourcha son

vélo en m’intimant de faire de même.

Nous pédalâmes à travers la ville endormie. Il n’y avait pas un chat dehors et je pouvais comptersur les doigts d’une main le nombre de voitures croisées.

Nous roulâmes pendant une vingtaine de minutes et je compris rapidement où il avait choisi

de m’emmener.Au lac, là où nous avions passé la journée de l’avant-veille.

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Il me demanda de cacher ma monture dans un buisson et nous escaladâmes les grilles senséesempêcher les visiteurs nocturnes de s’introduire à l’intérieur. Elles n’avaient été mises en placeque depuis deux ans, après qu’une bande d’ados ivres eurent décidé de piquer une tête en pleinmilieu de la nuit et que l’un d’eux eut fini noyé.

Adrian passa de l’autre côté en un claquement de doigts mais, moins habile que lui, je réussis

à accrocher mon tee-shirt aux barbelés et le déchirai un peu en voulant me libérer.— T’es vraiment pas doué, s’esclaffa Adrian.Je me contentai de lui offrir mon plus beau regard noir et, sans relever, il attrapa ma main et

m’entraina à sa suite tout au bout de la jetée.C’est arrivé à destination que je remarquai qu’il était déjà venu un peu plus tôt pour tout

préparer. Une immense couverture était étendue dans l’herbe, près d’une mini glacière quicontenait une bouteille de champagne, certainement volée dans la cave à vin de son père.

— Que me vaut ce subit élan de romantisme ? demandai-je, les sourcils froncés.— Rien. Je me disais que ça faisait longtemps que nous n’avions pas passé la nuit ensemble,

rien que tous les deux et j’en crevais d’envie. Et moi donc.La dernière fois remontait à quatre ans en arrière, alors que nous étions encore au lycée.

Depuis, la fac nous avait séparés et nous n’avions l’occasion de nous retrouver que le week-end,et à ce moment-là, nous étions devenus trop vieux pour prétendre vouloir dormir sous le même toit,moi dans mon lit et lui sur le matelas. Même si ce n’était pas l’envie qui m’en manquait, loin delà. Mais à cette époque, Adrian préférait terminer ses soirées entre les bras de filles diverses etvariées tandis que je noyais ma déception en agissant de même avec les hommes.

Pour mon plus grand bonheur, la donne avait changé depuis le mois de mai, et même si nous

avions passé la majeure partie du début des vacances ensemble, la peur qu’Adrian ressentait, etdont j’avais parfaitement conscience, à sauter le pas, nous avait obligés à finir nos nuits chacunde notre côté. Mais tout avait basculé depuis deux jours, depuis notre après-midi au lac où, pourla première fois, nous avions franchi une nouvelle étape dans la découverte de notre plaisirmutuel.

Je m’installai en tailleur sur la couverture et laissai Adrian me servir une coupe de

champagne. Nous la sirotâmes en silence, le regard rivé sur l’eau paisible.Chacun semblait perdu dans ses pensées, seulement troublées par le bruissement des feuilles

et la respiration calme et posée de l’autre.Lorsque je tournai la tête en direction d’Adrian, je réalisai qu’il m’observait attentivement. Mon regard glissa sur sa bouche, sur la courbe de sa mâchoire dissimulée par une légère

barbe, sur son nez légèrement tordu, jusqu’à trouver ses yeux. Une boule se forma dans monestomac quand je constatai que c’était la première fois qu’il me fixait ainsi, avec une lueurbestiale, comme s’il espérait me bouffer tout cru. Ce qui n’aurait pas été pour me déplaire.

— Tu comptes finir de la boire demain matin, cette coupe ? s’enquit-il en haussant un sourcil.— Hé, moi au moins, je prends le temps de déguster, répondis-je en avisant sa coupe vide,

abandonnée sur l’herbe à ses pieds.

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Il ricana et, sans me laisser l’occasion de réagir, m’arracha le verre des mains pour lebalancer un peu plus loin, avant de me coller contre le sol et de m’embrasser à pleine bouche.

Ses lèvres fraîches avaient le goût du champagne et je les léchai avec gourmandise. Son corps

plaqué contre le mien, il continua à m’embrasser avec fougue.Sa bouche dévorait la mienne, violemment, intensément, presque désespérément.Comme s’il voulait me démontrer par ce baiser tout ce qu’il ressentait pour moi tout en ayant

peur de ne plus jamais pouvoir me le prouver après ce soir. Ses lèvres quittèrent les miennes pour se perdre dans mon cou. Je l’entendis inspirer

profondément comme pour mieux s’imprégner de mon odeur.Puis sa langue caressa ma gorge, redessina le contour de ma mâchoire pendant que ses mains

relevaient mon tee-shirt pour venir effleurer mon torse. Il s’attarda sur mes tétons qui durcirentsous ses doigts. Puis il se redressa pour retirer entièrement mon haut. Avec tant d’empressementqu’il resta coincé au niveau de ma bouche, ce qui nous provoqua un éclat de rire que nousétouffâmes aussitôt par un autre baiser. Il ôta alors le sien et mon regard flâna le long de sesabdominaux saillants, sur ses pectoraux puissants, ses épaules tracées, ses avant-bras déliés. Lesport lui avait permis de se forger un physique irréprochable. Et là où, sur mon ventre,apparaissait un peu de gras, le sien était d’une perfection absolue.

Je me léchai les lèvres, avide de goûter sa peau. Mais il me repoussa fermement contre la

couverture et sa bouche vint se perdre sur mon torse, sur mon nombril, pour revenir m’embrasserde nouveau.

— J’ai envie de toi, souffla-t-il tout contre mon oreille et j’en frémis.Puis il planta son regard dans le mien. Un regard décidé où perçait tout de même une pointe

d’appréhension.— Apprends-moi, Mac, murmura-t-il en attrapant ma main pour déposer un léger baiser au

creux de ma paume. Apprends-moi comment aimer un homme. Apprends-moi comment t’aimer, toi.La gorge serrée, je dus fermer les paupières quelques secondes pour tenter de reprendre une

contenance et refouler les larmes qui me montaient aux yeux. Et ce soir-là, au plus profond de la nuit, je lui montrai. Je guidai chacun de ses mouvements, chacun de ses gestes. Je goûtai sa peau, redécouvris la

douceur de son sexe dans ma bouche. J’attrapai nos queues pour les masturber ensemble jusqu’àce que nous éjaculions dans ma main. Je lui fis déguster nos saveurs mêlées, et la vision siérotique de sa langue léchant avec gourmandise mes doigts me fit durcir de nouveau.

Je me sentais fier. Pour une fois, c’était moi qui prenais le dessus. J’étais le professeur et ilétait l’élève, avide et curieux d’apprendre. Pour une fois, il se reposait sur moi pour nouspermettre de nous perdre dans le plaisir.

Et je pris cette tâche très à cœur.Nous nous embrassâmes longuement après ces préliminaires, mais bientôt, nos caresses, nos

mains effleurant chaque partie de nos corps respectifs nous excitèrent de nouveau.J’attrapai ses doigts et les plongeai dans ma bouche, mon regard bleu rivé au sien, avant de

les diriger entre mes fesses.

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Il écarquilla les yeux, mais lorsqu’il pénétra ma chair, je poussai un gémissement qui l’incitaà aller plus loin.

Cette nuit-là, nous fîmes l’amour pour la première et la dernière fois. Il me prit avec douceur,

guettant mes réactions autant que je guettais les siennes pendant que je me caressais et lorsqu’iléjacula en moi, sa tête rejetée en arrière, les yeux fermés, il ne me fallut que quelques secondespour le rejoindre.

Nous finîmes par nous effondrer l’un sur l’autre avant de nous embrasser une fois encore. Après ça, nous restâmes assis, nus tous les deux, à siroter la bouteille de champagne en

admirant le lever du jour sur le lac. J’observais Adrian tandis que les rayons du soleil éclairaientson visage, accentuant les courbes de sa mâchoire, donnant plus d’éclat au brun de ses cheveux.

Nous finîmes par nous relever, nous rhabiller, et récupérer notre vélo.Au carrefour où nous devions bifurquer pour rentrer chacun chez soi, il se pencha vers moi

pour me murmurer un dernier « je t’aime » au creux de l’oreille. Puis nos chemins s’étaient séparés. Pour les sept prochaines années.

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CHAPITRE 10

Après une ultime pression sur mes lèvres, Adrian se détache de moi pour poser son front contrele mien. Sa main toujours sur ma joue, il caresse ma bouche du pouce tandis que son regard gris seperd dans le mien.

— Si tu savais à quel point tu m’as manqué, murmure-t-il, à quel point je suis heureux de teretrouver enfin.

— Pourquoi es-tu parti ? je réponds, en essayant de cacher la détresse dans ma voix et memaudissant de ne pas y parvenir.

— Je n’ai pas eu le choix, dit-il doucement.— On a toujours le choix.— Pas moi.Je relève la tête et recule d’un pas. Je ne peux pas réfléchir convenablement avec son corps si

près du mien. Et surtout, je n’arrive pas à lui en vouloir, à le haïr. Il faut que je mette de la distanceentre nous pour reprendre mes esprits, pour me souvenir que je le déteste pour m’avoir laissé creuserun abîme de souffrance dans lequel je me suis laissé couler, à cause de lui.

Parce que quand il me regarde comme ça, d’un air si désemparé, je n’ai qu’une envie,l’embrasser encore et encore, jusqu’à me noyer dans notre étreinte, jusqu’à ne plus penser à riend’autre qu’à ses mains sur mon corps et sa bouche sur ma peau.

Je me détourne et avance d’un pas pour pénétrer dans la maison.Il me suit sans rien dire et referme la porte derrière moi.— Comment as-tu eu mon adresse ? je m’enquiers subitement.— Est-ce vraiment si important ? réplique-t-il, un faible sourire ourlant ses lèvres.Je me dirige jusqu’au salon et m’écroule dans mon canapé, sans prendre la peine d’allumer la

lumière. Les rayons de la lune filtrant à travers la baie vitrée me laissent suffisamment de clarté pourpouvoir discerner les traits de son visage, sa silhouette massive, son corps puissant se dessinant soussa chemise trempée.

— Je ne sais pas. Je ne sais plus.Il vient s’asseoir à mes côtés, tout en prenant soin de garder un écart entre nous. Cela vaut

mieux. Nous avons des tas de choses à nous dire et la proximité de nos corps qui s’attirent commedeux aimants peuvent nous faire basculer à tout moment. Il le devine aussi bien que moi, comme ildevine également que j’attends des explications. Et j’espère qu’il se sent prêt à me les fournir.

— Pourquoi es-tu revenu, Ian ? Pourquoi maintenant ? Après sept ans ?Il se frotte les yeux et se pince l’arête du nez.— Parce que j’ai trop besoin de toi.Je me mords la lèvre pour étouffer un gémissement en entendant ses paroles.Il n’a pas le droit de m’avouer une telle chose. Cela ne fait qu’empirer la situation.Néanmoins, ses mots me touchent bien plus que je ne l’aurais souhaité.

Pourtant, il est hors de question de le lui monter.— Il est un peu tard pour ça, je rétorque en lâchant un petit ricanement sarcastique.— J’en suis conscient, souffle-t-il, défaitiste.

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Je me tourne vers lui pour constater que sa tête est rejetée en arrière et ses yeux clos. Sa manièreà lui de tenter de remettre de l’ordre dans ses esprits.

— Tu ne sais pas l’enfer que j’ai traversé toutes ces années, je murmure alors.— Crois-moi, je le devine parfaitement.— Et pourtant, tu n’as rien fait pour y mettre un terme.Je connais Adrian par cœur, à tel point que je suis certain de pouvoir anticiper la moindre de

ses réactions, même encore aujourd’hui. Mais lorsqu’il se lève d’un bond du canapé et commence àhurler, je suis tellement surpris que j’en reste complètement ahuri.

— Putain de merde, Mac. Tu crois que tu as été le seul à souffrir ? J’ai passé des heures àpenser à toi, à essayer d’imaginer ce que tu étais en train de faire. Je me demandais avec qui tu étais,si tu pensais toujours autant à moi. Tu n’as pas le monopole de la douleur, putain ! Sais-tu seulement àquel point je me suis haï de te quitter comme ça ? Sais-tu à quel point j’ai regretté ma décision, touten ayant conscience qu’il était troptard pour faire marche arrière et que je n’avais pas d’autre choix que de partir si je voulais avancer?Je t’aimais, Mac. Si fort que j’avais l’impression de devenir fou. Sais-tu à quel point c’était difficile pour moi, d’avancer chaque jour, sans toi ? En me disant que je ne te reverraisprobablement jamais et sans être capable de t’oublier ?

Tu t’acharnes sur moi, mais as-tu seulement essayé de prendre contact avec moi ? As-tu essayéde me retrouver ? De savoir ce que je devenais ?

Sa voix se brise et il se détourne de moi pour se planter devant la vitre, évitant ainsi mon regard.Pendant toute sa tirade, je n’ai pas bronché, trop abasourdi par ses paroles. Cet homme, qui m’avaittoujours paru si fort, si maître de lui, si confiant, si sûr de ses choix. Cet homme que je n’avais pas vuesquisser le moindre signe de fragilité depuis cette fameuse nuit où je l’avais rejoint sur le matelas.Cet homme vient de faire éclater sa carapace en un millier de morceaux. Il est en train de s’écroulerdevant moi, mettant ses faiblesses à nu, m’offrant des parcelles de son âme déchirée sur un plateau.Et moi, je n’ai qu’une seule envie. Attraper ce putain de plateau et le fracasser contre un mur.Comment peut-il me dire des choses pareilles ?

Dans un immense effort pour garder mon calme et ne pas m’emporter contre lui, je réponds :— C’est toi qui es parti, toi et toi seul. Cette décision t’appartenait.— C’est là que tu te trompes, réplique-t-il sans me regarder. Elle ne m’a jamais appartenu.Je cligne des yeux, incertain d’arriver à comprendre ce qu’il cherche à me dire.Mais avant que je puisse parler, il reprend :— Tu te souviens de cette nuit-là, lorsque je suis venu me réfugier chez toi après que mon père

m’ait frappé ?Oui, je m’en rappelle, cette fameuse nuit où il avait sangloté entre mes bras. Plusieurs mois plus

tard, il m’avait avoué que son père, dans un accès de colère dû à une mauvaise note, avait levé lamain sur lui. Je l’avais cru bien sûr, même si je m’étais montré surpris. Adrian était un élève doué etassidu qui brillait dans toutes les matières.

Je hoche faiblement la tête, même s’il ne peut toujours pas me voir, se tenant encore dos à moi,le regard perdu vers l’extérieur.

— Je t’ai menti. Je ne le voulais pas pourtant, mais la vérité me faisait horreur, elle me rendaithonteux, honteux envers moi, mais surtout envers mon père.

Je ne dis rien, l’enjoignant à continuer.

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— Nous nous sommes disputés violemment. Les rumeurs circulaient déjà quant à tonhomosexualité, et il refusait catégoriquement que je traine avec une « tapette ».

Il crache ce dernier mot et je réalise à quel point je m’étais montré aveugle à cette époque.Je n’avais pas cherché à creuser plus loin, je n’avais pas cherché à réfuter ses paroles, alors que

j’aurais dû. Il avait morflé à cause de moi, et seulement à cause de moi.— Les choses se sont tassées, je lui ai dit que tu étais mon ami et qu’il était hors de question que

j’arrête de te voir. Puis j’ai commencé à fréquenter des filles, et je crois que ça l’a rassuré… (Ildéglutit, pousse un lourd soupir et reprend), mais il a fini par découvrir la vérité. Quand il a su quenous étions ensemble, quand il a compris que j’étais amoureux de toi, il ne l’a pas supporté. Alors ilm’a lancé un ultimatum. Soit je continuais ma relation avec toi et je quittais la maison, sans rien, sansun centime et pas de quoi payer le reste de mes études, soit je partais. Je disais adieu au Wyomingavec la promesse de ne jamais y remettre les pieds, et il me faisait intégrer une des facs les plusprestigieuses de la côte est.

Son aveu me laisse comme deux ronds de flancs.Quel putain d’enfoiré ! Je n’arrive pas à en croire mes oreilles. Son père est vraiment la pire des

ordures.Doucement, je me lève du canapé pour le rejoindre. Je me poste à côté de lui et déclare :— Pourquoi me l’avoir caché ? Pourquoi être parti comme un voleur ?— J’espérais que ça serait plus facile. Je me disais qu’ainsi, tu éprouverais tellement de

rancœur envers moi que tu finirais par me détester. Que tes sentiments disparaitraient. Je pensais quetu rencontrerais quelqu’un et me rayerais de ta vie, parce que je t’avais lâchement abandonné. J’étaisprêt à l’accepter. Je t’aimaistellement que je me fichais de souffrir pour deux.

Il se tourne finalement vers moi et je constate qu’un peu de sang perle de sa lèvre inférieure àforce de l’avoir trop mordillée.

— Je me suis montré égoïste, je sais. Mais devenir avocat, c’était mon rêve, Mac. Et je voulaisvraiment le réaliser.

— Et c’est ce que tu as fait, je réponds doucement en essuyant une goutte de sang avant decaresser sa joue du bout des doigts. Tu as réussi.

Je sais que je devrais lui en vouloir, de n’avoir pensé qu’à lui, de m’avoir laissé sur le carreau

pour assurer sa future carrière. Mais comment l’en blâmer alors que j’aurais certainement réagicomme lui ? Et bien plus que du ressentiment, c’est de la fierté que je ressens envers ce qu’il aréussi à accomplir.

— Mais à quel prix ? (Il ferme les yeux et grimace avant de reprendre). Parfois je me dis que çane valait pas le coup. Parce que tu as toujours compté plus que tout pour moi. Mais lorsque j’airéalisé mon erreur, il était trop tard, et de toute façon, tu me haïssais déjà.

— Je te haïssais d’être parti sans rien expliquer ! Pendant toutes ces années, j’ai cru que je nereprésentais rien à tes yeux. Je pensais que tu m’avais oublié depuis longtemps. Que tu avais décidéde continuer ta vie, loin de moi ! J’ai imaginé les pires scénarios, Ian. Mais jamais celui-là.

— Comment peux-tu insinuer une chose pareille ? J’étais pourtant certain que tu avaisconscience de mon amour pour toi ! Je pensais que ces derniers jours au lac avaient achevé de teprouver l’ampleur de mes sentiments.

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C’est alors que la réalité me percute de plein fouet.Je n’avais pas compris jusqu’à aujourd’hui, parce qu’il m’avait laissé dans l’ignorance, mais à

présent, tous les morceaux du puzzle s’imbriquent parfaitement. Le lac. Ses mots. Sa tirade comme quoi il garderait toujours un œil sur moi, notre escapade

nocturne, notre baiser fiévreux, nos corps enlacés, ses gémissements tandis qu’il jouissait en moi. Sesvéritables adieux ne se trouvaient pas dans la lettre concise qu’il avait écrite à mon attention. Non, ilsavaient eu lieu plus tôt. À travers les caresses échangées, les « je t’aime » murmurés, à travers nossoupirs et nos baisers.

Je m’approche de lui et dépose un baiser sur sa joue. Il tourne légèrement la tête et ses lèvresrencontrent les miennes.

Nous nous embrassons un court instant, bouche fermée, pressée l’une sur l’autre.— Je suis tellement désolé, Mac. Si tu savais. J’aurais aimé ne pas t’avoir fait subir tout ça.

J’aurais aimé passer toutes ces années avec toi. J’aurais aimé être à tes côtés lorsque Meredith nousa quittés.

Je recule, sourcils froncés. Penser à elle me fait un coup au cœur.— Comment es-tu au courant pour ma mère ? je demande, suspicieux.— Clay… Je… je suis resté en contact avec elle durant tout ce temps.Sérieusement ? Bordel. Il ne manquait plus que ça.— Tu te fous de ma gueule ? je gronde, subitement en colère contre lui, et contre Claire.— J’avais besoin de ça. J’avais besoin de savoir ce que tu devenais, comment tu allais. Nous

nous contentions de quelques mails par-ci par-là, mais elle m’a appelé ce jour-là.Je n’arrive pas à y croire. Pendant toutes ces années, pendant que je me morfondais et

m’enfonçais dans la douleur et le désespoir, Claire était restée en contact avec lui ? Incroyable.— Et tu n’as même pas pris la peine de venir ? je crache.Je n’avais pas voulu me montrer aussi véhément, mais je savais qu’il tenait à ma mère. Elle avait

été immensément présente pour lui toutes ces années.Il se mord de nouveau la lèvre, et je ne suis pas certain d’arriver à encaisser ce qu’il s’apprête à

me dire.— Si, Mac. J’étais là. Tu ne m’as pas vu, et je n’ai pas osé venir te retrouver. Mais j’étais là.

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CHAPITRE 11Trois ans plus tôt

Adrian

Lorsque mon portable sonna, je décrochai par pur réflexe. Tropconcentré sur l’écran devant moi, je ne pris pas le temps de regarderde qui provenait l’appel.

— Salut Day.Je reconnus immédiatement la voix douce de Claire. Mon souffle se

bloqua dans ma poitrine et je cessai de respirer. Depuis que j’avaisquitté le Wyoming, j’étais toujours resté en contact avec elle, maisseulement par mail. Cela semblait plus facile. Dématérialiser noséchanges était l’unique chose qui me permettait de ne pas sombrer.J’avais plusieurs fois songé à couper tout contact avec elle, mais sansen avoir la force. J’avais fait une promesse à Liam, et bien qu’ill’ignorait, je désirais vraiment la tenir.

Sans compter que j’avais besoin de ça. Besoin d’être certain qu’ilallait bien.

Je savais qu’il était malheureux, et je l’étais tout autant que lui,même si je devais avouer qu’un nouveau bonheur survenu dans ma viedepuis un an me permettait de garder le cap, de continuer à avancer,ne pas flancher.

Elle était mon rayon de soleil et j’aurais décroché la lune pour elle. En entendant le timbre triste et légèrement tremblant dans la voix

de Claire, je sentis aussitôt que quelque chose n’allait pas. Il fallaitqu’un évènement important, voire tragique, advienne pour qu’ellepréfère m’appeler. Je fermai les paupières et espérai très fort qu’il nesoit rien arrivé à Liam.

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— Dis-moi qu’il va bien, Clay, je t’en supplie. Dis-moi qu’il va bien.— Meredith est morte ce matin, murmura-t-elle et sa voix se brisa

pour laisser entendre ses pleurs.Je sentis mes yeux me picoter et des larmes commencèrent à couler

silencieusement le long de mes joues.Je savais qu’elle était malade, Claire m’en avait informé, mais je

comprenais en cet instant qu’elle avait minimisé la gravité de son cas.Je passai la main sur mon visage pour chasser mes larmes et tenter

de retrouver une voix claire et ferme.— Quand a lieu l’enterrement ?— Jeudi prochain.— D’accord.Le silence s’installa entre nous, puis elle soupira.— Ne viens pas Day, s’il te plait. Il n’y survivrait pas.— Je sais. Nouveau silence. Qui s’étirait, encore et encore.— Je suis désolée, Day, je sais à quel point elle comptait pour toi.— Prends soin de toi. Et de lui, surtout.Et je raccrochai avant de m’effondrer contre mon siège. La tête

rejetée en arrière, je pleurai pendant ce qui me sembla des heures. Puisje secouai la tête pour reprendre mes esprits, reportai mon attentionsur l’écran de mon ordinateur et, trois minutes plus tard, mon billetd’avion était réservé.

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Durant le vol, je ne cessai de penser à Meredith. Je revoyais sonsourire, ses éclats de rire, sa façon de passer sa main dans les cheveuxde son fils tandis qu’il essayait de se dégager en grognant. Je larevoyais, avec son tablier rose, en train de cuisiner pour nous pendantque nous étudions, assis autour de la table. Dès qu’elle avait le dostourné, Liam s’amusait à gribouiller des petits dessins salaces sur mesfeuilles. Meredith s’en rendait compte et lorsqu’elle nous dévisageaitd’un regard suspicieux, Liam la fixait d’un air innocent, ses grandsyeux bleus lui offrant une bouille si angélique qu’on lui aurait donné leBon Dieu sans confession. Elle secouait la tête, pas dupe pour deuxsous et, le sourire aux lèvres, se remettait à cuisinier pendant que nouscontinuions à nous chamailler.

Je hélai un taxi à l’aéroport de Jackson Hole pour me conduiredirectement à l’église.

Je courus jusque devant l’édifice et réussis à rattraper la portealors qu’elle se refermait sur le dernier arrivé. Je me coulai sur le bancdu fond, près d’une colonne, pour être certain que personne ne mevoie.

Lorsque Liam monta sur l’estrade pour rendre hommage à sa mère,mon cœur bondit dans ma poitrine et je retins un hurlement dedéchirement. Il paraissait totalement abattu.

Ses yeux, d’un bleu si profond d’ordinaire, semblaientcomplètement ternes, comme si la dernière étincelle de vie s’étaitéteinte en même temps que sa mère. Des cernes violacés, un visagecreusé, des paupières bouffies et rouges d’avoir trop pleuré. Il était siloin de l’image de lui que j’avais gardé dans mes souvenirs que je dusserrer les mains sur le banc de devant pour empêcher mes jambes de sedérober sous moi. J’eus envie de courir à sa rencontre, de le prendredans mes bras, de l’embrasser, de le réconforter.

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J’aurais aimé pouvoir le soutenir dans cette épreuve. J’aurais vouluêtre l’épaule sur laquelle il aurait pleuré.

J’aurais voulu pouvoir le laisser serrer très fort ma main pourpartager sa douleur. Mais je ne pouvais rien faire de tout ça.

Je ne pouvais que regarder, impuissant, l’homme que j’aimais leplus au monde sombrer dans un gouffre de douleur et de peine.

Lorsque sa voix résonna dans l’église, mon corps frémit et je dus

fermer les yeux.Son timbre, bien que chevrotant, était toujours aussi grave, profond

qu’avant. Et même si je m’étais repassé dans mon esprit maintes etmaintes fois certaines conversations dans le but de garder en mémoirechacune de ses intonations, rien n’aurait pu me préparer au choc quej’étais en train d’endurer à l’entendre de nouveau.

Quatre ans.Quatre putain d’années et il ne s’était pas écoulé un seul jour sans

que je pense à lui.Je l’écoutai religieusement alors qu’il parlait, je pleurai en silence

tandis qu’il n’arrêtait pas de répéter quelle mère merveilleuseMeredith était et combien il l’aimait.

La messe se termina et j’aperçus Liam s’avancer vers le cercueil

pour se placer face à son père, en tête du cortège qui mènerait sa mèreau cimetière. Je reculai de quelques pas, même s’il ne pouvait pas mevoir de là où il était, caché par le cercueil.

Je suivis la procession de loin, essayant de mon mieux de ne pas mefaire remarquer.

Des lunettes de soleil vissées sur mon nez, j’observai, à moitiédissimulé derrière un arbre, la mise en terre de Meredith.

J’aurais tant aimé lui rendre un dernier hommage, aller à mon tourdéposer une rose blanche sur sa tombe.

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Mais je ne pouvais pas. Je ne devais pas. Je n’avais pas le droit defaire ça à Liam. Je ne pouvais pas débarquer comme ça dans sa vie dujour au lendemain pour repartir aussitôt. Parce que, comme l’avait sibien dit Claire et j’en avais parfaitement conscience, il n’y survivraitpas.

Je restai durant toute la cérémonie, et même après.Je restai pour regarder Liam, debout devant la terre fraichement

bêchée, les poings crispés le long de son corps, ses épaules tressautantau gré de ses pleurs. Puis il releva la tête et se retourna sisoudainement que je me précipitai derrière le large tronc pour medissimuler. Il avait senti ma présence, je le savais, cela lui arrivait detemps en temps. Mais je préférais le laisser espérer pour se retrouverdéçu que de me montrer. Rien n’aurait été pire que ça.

Je finis par m’en aller moi aussi, l’abandonnant, seul avec sa peine.Et, durant les heures qui suivirent, je ne vis plus rien d’autre que le

visage de Liam ravagé par la douleur et le chagrin.CHAPITRE 12

Je recule d’un pas sous l’impact de cette révélation. Il était venu. Il était là, il y a trois ans. Ils’était tenu à seulement quelques mètres de moi. Il avait souhaité être présent.

Je sens ma gorge se nouer et j’ai beau déglutir pour refouler mes larmes, je ne peux les

empêcher de couler le long de mes joues. Je ne souhaite pas songer à tout ça. Malgré le soulagementque je ressens devant cet aveu, je n’ai pas envie de penser à ce jour funeste où j’ai dû dire adieu àma mère. Je ne veux pas revivre cette peine, cette souffrance, comme si on m’avait arraché une partiede moi.

Je sens son regard compatissant sur moi et respire profondément pour tenter de retrouver une

contenance. D’un pas, il comble la distance qui nous sépare pour caresser de nouveau ma joue.— Si tu savais combien j’avais envie de te rejoindre, murmure-t-il. J’aurais aimé être à tes

côtés, te soutenir. Mais je ne pouvais pas. Je me suis contenté de t’observer de loin.Il s’arrête, chasse une larme du bout du pouce et, d’une voix brisée, reprend :

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— Quand je t’ai vu, si anéanti, j’ai dû me faire violence pour ne pas me montrer. Mais je n’avaispas le droit de t’infliger ça. Je n’avais pas le droit de réapparaitre dans ta vie après quatre ans pourte laisser aussitôt.

Lui aussi semble dans un état second et, pendant plusieurs secondes, nous nous contentons derester là, l’un en face de l’autre, à partager notre peine en silence.

Je ferme les yeux quelques instants. Je peux sentir sa main calleuse sur ma joue, je peux entendresa respiration hachée. S’il m’avait fallu une seule et unique preuve d’à quel point il tenait à moi, ilvenait de me la donner.

Je comprends sa position, et je lui suis infiniment reconnaissant d’avoir su rester dans l’ombre

ce jour-là. Parce que même si je suis certain que cela m’aurait apaisé sur le coup, j’aurais fini parregretter sa venue. Mais je suis soulagé d’apprendre qu’il a été présent à l’enterrement de ma mère.J’ai conscience d’à quel point ça comptait pour lui, d’à quel point elle comptait pour lui.

— Et maintenant ? je demande faiblement. Que va-t-il se passer maintenant ?Il se rapproche encore et pose son front contre le mien.— Je ne sais pas, Mac. Je n’en sais rien. La seule chose dont je suis certain, c’est que plus

jamais je ne veux être séparé de toi.Mon cœur se serre dans ma poitrine. Je n’ai pas envie d’entendre ça. Ses mots résonnent comme

une promesse qu’il serait incapable de tenir. Mais au moment où je m’apprête à répliquer et, devinantqu’il ne va pas aimer la tournure que la conversation va prendre, il m’embrasse.

Sa bouche chaude se pose sur la mienne, sa main toujours sur ma joue, son autre se frayant un

chemin dans mon dos.Il a trouvé la solution parfaite pour me faire taire. Et je rends les armes sans rechigner.J’attrape sa taille et me colle contre lui. Lorsque sa langue mordille et lèche mes lèvres, je ne

peux retenir un gémissement contre sa bouche et je le sens sourire en retour. Ses mains descendent etagrippent mes fesses pour me serrer tout contre lui.

Mon corps entier est parcouru de frissons et c’est d’un geste tremblant que, sans jamais cesserde l’embrasser, j’entreprends de déboutonner sa chemise trempée. Je la passe sur ses épaules,profitant de cet instant pour m’attarder sur leurs courbes parfaites et la laisse tomber au sol.Doucement, je trace du bout des doigts les muscles de son dos. Je caresse chaque parcelle de sapeau, avide de redécouvrir ce corps qui m’a tant manqué.

Je n’arrive toujours pas à croire qu’il est réel. Qu’il se tient enfin là, devant moi, à me rendremes baisers, à les désirer aussi ardemment que moi.

Ma bouche quitte la sienne pour mordre sa mâchoire, effleurer son épaule. Je l’entends soupirertandis qu’il rejette sa tête en arrière afin de me laisser libre accès à sa gorge que je lèche avidement.J’ai du mal à réaliser qu’après toutes ces années, je le retrouve enfin. Que je le caresse. L’embrasse.Le tiens contre moi. Que je respire son odeur. Cette scène que je me suis imaginée des centaines defois, que j’ai tournée et retournée dans ma tête tout en essayant de me persuader que ça ne seproduirait jamais.

On dit que le temps guérit tout, mais en cet instant, mes mains parcourant son corps plus musclé,plus puissant, suçant ses lèvres pleines, l’entendant gémir, je me rends compte que je n’ai jamaisguéri. Jamais. Et je suis mort de peur à l’idée que cette soirée ne soit qu’un éternel recommencement,que malgré ses mots, j’en sorte une seconde fois le cœur déchiré.

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Peut-être devrais-je arrêter, peut-être devrais-je connaître l’issue de tout ça avant de songer àaller plus loin.

Je stoppe mes caresses et me recule. Il faut que je mette de la distance entre nous. Nous devonsdiscuter. De ce brusque retour dans ma vie. Et de ses raisons.

J’ignore s’il a perçu mon combat intérieur, toujours est-il que lorsque sa main se referme dansmes cheveux et que ses dents mordent mes lèvres dans un baiser violent et brutal, je sais que je n’enferai rien.

Mon corps se liquéfie entre ses bras. Après avoir défait les premiers boutons, il attrape les pansde ma chemise pour la passer au-dessus de ma tête. Son nez se perd dans mon cou et, lorsque je lesens inspirer profondément, je dois fermer les yeux pour ne pas défaillir.

Des flashs dansent devant mes paupières closes. Je revois son sourire taquin, son visage enfouidans le creux de mon épaule. Ses gestes sont exactement les mêmes que ceux qu’il a eu sept ans plustôt. La même fougue, le même empressement, la même exaltation.

C’est à cet instant précis que je sais que je l’ai retrouvé.— C’est vraiment toi, je souffle. C’est vraiment toi. Tu es bien là.Ma voix est chevrotante, mal assurée. Je ne voulais pas prononcer ces mots à voix haute, mais

ils sont sortis tout seuls, comme si les entendre permettrait de concrétiser cette impression.— Je suis là, Mac. Pour toi. À toi.Sa main glisse sur mon torse jusqu’à ma taille. Il entreprend de déboutonner mon pantalon. Il n’y

met aucune hâte, prenant tout son temps. J’ouvre les yeux pour rencontrer son regard gris et me mords la lèvre lorsque je vois briller une

lueur de désir farouche et de détermination.Il fait passer mon pantalon sous mes fesses et se baisse pour l’enlever en même temps que mon boxer.

Il remonte doucement, ses doigts effleurant mes mollets, mes cuisses, mes fesses, contournanthabilement mon érection. Je sens sa langue courir le long de mon ventre, de mon torse. Il s’attarde surmes tétons, les suçant et les mordillant délicatement et mon souffle s’accélère.

Je gémis son nom.Ses mains caressent mes épaules, mes bras, mon visage. Comme si, de son côté aussi, il cherche

à s’assurer que tout ceci est réel. Que lui, moi, nous, sommes réels. Son pouce effleure mes lèvres avant de les intimer à s’ouvrir. Mes dents mordillent sa peau, ma

langue s’enroule autour de son doigt. Et pendant ce temps-là, Adrian ne cesse de fixer ma bouche.Je me lèche les lèvres et, à mon tour, entreprends de finir de le déshabiller intégralement, avec

plus d’empressement que lui, toutefois.Nous sommes à présent entièrement nus et je peux sentir son regard brûlant se poser sur chaque

parcelle de ma peau, sur chacune de mes courbes. Je ne suis pas en reste et admire ses musclestracés, ses épaules puissantes, comme si je voulais graver chaque image pour l’éternité.

Il attrape alors ma main et se dirige vers le canapé.Il semble tellement sûr de lui en cet instant.Tellement sûr de ce qu’il s’apprête à faire que j’en ressens une pointe de jalousie.Combien d’amants a-t-il eu après moi ? Combien d’hommes ont partagé son lit ? Pendant toutes

ces années, j’avais espéré avoir été le seul homme de sa vie. Qu’après moi, il redeviendrait l’hommeà femmes qu’il avait toujours été. Mais ses gestes, sa façon de me toucher, de me caresser, dem’embrasser, comme s’il savait exactement comment faire pour me rendre fou, chassent ces espoirs.Il est loin du jeune homme inexpérimenté et un peu gauche que j’avais connu, qui m’avait demandé delui montrer comment se comporter avec un homme.

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Et si tel est le cas, s’il s’est permis de s’offrir à d’autres hommes, pourquoi ne pas être venu meretrouver plus tôt ? Pourquoi préférer un inconnu plutôt qu’un type comme moi, qui l’aimais depuisplus longtemps que j’étais capable de m’en souvenir ? Pourquoi m’avoir imposé ça ? Nous avoirimposé ça ?

Mon cerveau bouillonne de questions. À tel point que je me retrouve assailli d’enviescontradictoires. Je veux continuer de le sentir contre moi, je veux qu’il me fasse l’amour, je veuxsentir sa bouche contre la mienne, sa langue parcourant mon corps. Pourtant, je brûle d’envie de luiposer toutes ces questions, de savoir combien d’hommes ont eu le privilège de coucher avec lui, desentir son odeur, de caresser sa peau, de s’endormir dans ses bras.

Mais mes pensées moroses s’enfuient à l’instant où il me pousse sur le canapé pour venirs’installer entre mes jambes.

Lorsque son corps, puissant et immense, vient s’écraser contre moi, je pousse un soupir decontentement.

— Tu m’as tellement manqué, ne puis-je m’empêcher de murmurer en approchant mon visage dusien pour embrasser son menton.

— Toi aussi, Mac. Tu n’as pas idée à quel point.Je plante mon regard bleu dans le sien et, d’une main tremblante, viens effleurer son nez, ses

joues, son front, sa mâchoire. Je souhaite redécouvrir son visage que je connais pourtant par cœur,mais que le temps a un peu modifié, lui offrant de nouvelles rides, une peau plus burinée.

— Sept ans, je souffle. Sept ans. Et pas une minute, je n’ai cessé d’espérer.Sans répondre, il attrape ma main et pose un baiser sur ma paume avant de m’agripper par la

nuque et de me tirer contre lui. Il m’embrasse avec force. Sa bouche s’écrase contre la mienne. Salangue se fraye un chemin entre mes lèvres et je me fais un plaisir de la laisser jouer avec la mienne.Je remarque que, bien qu’il ait gardé cette odeur mentholée typique, le goût du tabac que je percevaisparfois a entièrement disparu.

D’une main sur mon torse, il me repousse et se déplace pour venir se positionner à genoux entremes jambes.

Il embrasse l’intérieur de mes cuisses, lèche le creux de mon aine et, d’un coup, je sens sabouche sur ma queue. Je gémis lorsque sa langue effleure mon gland.

Il n’a jamais fait ça avant. Pas à moi.Et encore une fois, un mélange d’excitation, de jalousie, d’exaltation, de peine s’empare de moi.Je fais en sorte de chasser les émotions négatives et laisse mes mains glisser dans ses cheveux

tandis que sa langue lèche mon érection. Lorsqu’il ouvre les lèvres pour aspirer mon sexe, jeraffermis ma prise et ferme les yeux pour profiter au mieux de cet instant.

Putain, c’est trop bon.Il me suce longuement, alternant des va-et-vient, tantôt lents, tantôt rapides, si bien que je me

trouve rapidement sur le point d’éjaculer.— Ian ! je crie.Sa bouche quitte ma verge pour déposer une pluie de baisers sur mon ventre, remontant le long

de mon torse. Il s’attarde sur ma gorge, léchant, mordillant, aspirant avant de poser de nouveau seslèvres sur les miennes.

Ses yeux gris se plantent dans les miens, et lorsque je décèle cette lueur d’affection dans son

regard, cette flamme de désir, que je vois un immense sourire se dessiner sur ses lèvres pleines, jesais que plus rien ne peut nous arrêter.

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Ma main vient se perdre entre nos corps et j’attrape sa queue pour la masturber jusqu’à ce

qu’elle devienne aussi dure que la mienne. Je veux lui faire du bien. Je veux le faire jouir.Je veux qu’il se laisse entièrement aller à mon étreinte.Je veux que nous retrouvions ensemble cet instant de bonheur, de béatitude que nous avions vécu

ensemble cette nuit-là, au lac. Nos baisers se font plus empressés, nos dents s’entrechoquent, nos souffles s’entremêlent, mes

gémissements faisant écho aux siens.Alors il m’allonge sur le canapé et m’oblige à me retourner et à me cambrer. Sa langue trace un

chemin brûlant et humide le long de ma colonne vertébrale avant de se perdre entre mes fesses. Je nepeux retenir un grondement lorsque je la sens s’insinuer en moi.

Je répète son nom tel un mantra, d’une voix rauque, essoufflée. Adrian. Adrian. Adrian.Il continue son exquise torture et je me tortille contre lui.J’aurais voulu pouvoir attraper ma queue pour me caresser pendant qu’il me baise avec sa

langue, mais il ne m’en laisse pas le temps. D’un mouvement vif, il me fait me retourner une nouvellefois. Il attrape les mollets pour m’obliger à relever les jambes.

— Regarde-moi, Mac. J’ai besoin de toi. Regarde-moi, gronde-t-il d’une voix éraillée.Il caresse une fois encore mon visage puis je sens son sexe frotter contre mes fesses.Je me tends vers lui dans une supplique silencieuse.Je veux qu’il s’enfonce en moi. Maintenant. Je ne peux plus attendre.J’ai déjà suffisamment patienté.

Tellement longtemps que le sentir en moi est subitement devenu un besoin vital. Comme respirer.Que s’il n’éteint pas immédiatement ce feu qui brûle en moi, je vais finir par me consumer

entièrement.Il semble comprendre ma demande et, doucement, je le sens s’enfoncer entre mes lobes de chair.

J’agrippe le tissu du canapé et pousse mon bassin vers lui. D’une main, il empoigne ma hanche,pendant que l’autre vient caresser mon ventre avant d’attraper mon érection.

Les yeux dans les yeux, nous faisons l’amour. Seuls le claquement de sa peau contre la mienne,

ses grognements étouffés et mes gémissements furieux viennent perturber le silence qui nousenveloppe.

Nous n’échangeons pas un mot, mais toutes nos émotions, nos envies, nos désirs, nous pouvonsles déchiffrer sans mal dans le regard de l’autre.

Je t’aime toujours. Pardonne-moi. Ne m’abandonne pas. Reste avec moi. Aime-moi. Il finit par éjaculer dans un râle bestial, et je le suis quelques instants plus tard, mon sperme

venant s’écraser contre mon ventre.Alors Adrian s’effondre contre moi, si brutalement que nous en tombons du canapé.Nous éclatons de rire, et cela suffit à apaiser la tension qui ne nous a pas quittés depuis que nous

nous sommes retrouvés.Je pose ma tête contre son épaule et, fermant les yeux, profite au maximum de cet instant, de la

présence d’Adrian près de moi, de sa main caressant mes cheveux.Et, pour la première fois depuis sept ans, je me sens en paix.

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CHAPITRE 13Adrian

Nous demeurons un long moment, allongés sur le sol, nos corpsenlacés. La tête de Liam descend le long de mon épaule jusqu’à monventre et mes doigts s’égarent dans ses cheveux, jouant distraitementavec ses mèches blondes.

Je sais que l’accalmie est éphémère, aussi je compte bien profiter dechaque seconde qu’elle durera. Pour l’instant, je ne souhaite rien d’autreque de sentir son corps contre le mien, de me laisser bercer par lesilence seulement troublé par nos respirations, d’abord hachées, quiretrouvent peu à peu leur rythme régulier. Mon cœur cogne fort dans mapoitrine, le sang bat violemment dans mes tempes. Je suis en sueur, j’aiun peu froid, mais ça n’a pas la moindre importance. La seule chose quiimporte en cet instant est que je me sente enfin à ma place.

Sept ans. Voilà le nombre d’années qu’il m’a fallu pour prendre mon

courage à deux mains et venir le retrouver.Bien sûr, ça n’a pas été si simple, de nombreux événements sont

survenus dans ma vie, reculant chaque fois ce moment tant attendu.Mais finalement, j’ai réussi. Je suis parvenu à mettre de l’ordre dans

ma vie, à avancer et réaliser mes rêves.Tous sauf un. Et peut-être le plus important à mes yeux. Retrouver

Liam.Et voilà qu’il se tient là, entre mes bras, respirant doucement à

présent, ses doigts fins caressant mon avant-bras dont les poils sehérissent sous cette exquise sensation.

Très honnêtement, en débarquant ce soir, je m’étais attendu à tout,mais je n’aurais jamais pu espérer que cela se termine ainsi. Pourtant,cela semble tellement naturel.

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Nos caresses, nos baisers, notre étreinte fiévreuse, nos corpsemboités, ma langue goûtant sa peau, mon bassin claquant contre sesfesses. Je me suis imaginé tellement de fois cette scène dans ma têtequ’au moment de me lancer, je n’ai pas hésité un seul instant.

J’ai foncé tête baissée, et ai savouré chaque instant. Je me suis

délecté de son odeur, de ses gémissements tandis que ma langue serefermait sur sa queue, j’ai dégusté le fruit de sa jouissance, admiré sapeau, couverte d’une fine pellicule de sueur, tandis que son corpsondulait contre le mien, souhaitant me sentir plus profondément en lui.

Je me suis nourri de ses halètements, de ses doigts crispés sur lebord du canapé, preuve du plaisir indicible qu’il prenait entre mes bras.

Je n’arrive toujours pas à croire que cela se soit avéré aussi simple.Que ces gestes soient venus si naturellement. Que de retrouver lasensation d’un corps d’homme contre le mien après n’avoir enlacé quedes femmes pendant ces sept dernières années puisse s’avérer aussifacile, aussi limpide et surtout, aussi bon.

Mais il ne s’agit pas de n’importe quel homme. Il s’agit de Mac etmon corps l’a aussitôt reconnu, reproduisant certains gestes qui nousétaient habituels, d’autres qui l’étaient bien moins et décidant d’enessayer de nouveaux, totalement inédits.

— Tu ne fumes plus ?Sa question me sort de mes pensées. Je secoue la tête et bouge

légèrement pour pouvoir le regarder. Comme je l’avais déjà envisagé, cetinterlude hors du temps ne s’éternise pas et, si je veux le récupérer, jedois me montrer parfaitement honnête avec lui.

— Non. J’ai arrêté…Mon Dieu, pourquoi cela doit-il être si compliqué ? Pourquoi crains-

je autant sa réaction ?— J’ai arrêté lorsque ma fille est née.

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Je savais déjà que cette annonce lui ferait l’effet d’un électrochoc etça ne loupe pas.

Il sait que j’ai toujours voulu avoir un enfant, ce qui n’a jamais étéson cas, nous en avions parlé à de nombreuses reprises, mais celan’atténue en rien sa réaction face à cette réalité.

Il se redresse d’un coup et ancre deux grands et beaux yeux ébahisdans les miens.

— Tu es… tu es père ?J’acquiesce et un sourire se dessine lentement sur mes lèvres en

songeant à ma fille. La prunelle de mes yeux. La personne que j’aime leplus au monde, pour qui je donnerais ma vie.

Je vois Liam fermer un instant les paupières et pousser un profondsoupir avant de reprendre.

— Je ne peux pas croire qu’on en soit arrivés là.Je me relève à mon tour et, à genoux, viens me poster juste devant lui

pour attraper sa main et la caresser du bout du pouce.— Arriver où ?— À ce point-là, souffle-t-il.Il baisse la tête et la secoue, faisant voleter ses mèches blondes.— À n’être rien de plus que des étrangers l’un pour l’autre.

Comment est-ce possible ? À quel moment avons-nous pu passer dustatut de meilleurs potes au monde à celui de parfaits inconnus ?

J’agrippe une mèche de cheveux et laisse descendre mes doigts lelong de son visage, effleure sa joue.

Puis j’attrape son menton entre mon pouce et mon index pourl’intimer à relever le visage.

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— Ce n’est pas le cas. Mac. Et tu le sais parfaitement. Oui, nousavons chacun vécu notre vie, séparément et il nous faudra du temps pouressayer de combler ces sept ans passés loin de l’autre. Mais tout ça n’aaucune importance. Parce que tu sais toujours qui je suis, tout au fondde moi. Tu connais mes plus grandes faiblesses (je laisse descendre mamain pour la poser sur son cœur) tout comme je sais qui tu es vraiment.Je connais tes peurs les plus profondes et tes plus grands rêves, jeconnais ton âme autant que tu connais la mienne. Et personne ne pourrajamais nous enlever ça.

Les yeux brillants, il acquiesce et je prends appui sur le sol pour me

relever. J’attrape mon jean et l’enfile rapidement. J’hésite à lui demanderde me prêter un tee-shirt pour remplacer ma chemise toujours trempéelorsque j’entends Liam murmurer.

— Comment s’appelle-t-elle ?Je ne peux retenir un sourire de s’épanouir sur mon visage et me

tourne vers lui.— Mila.Son visage s’éclaire à ce simple prénom et je le vois se mordre les

lèvres avant de prendre une profonde inspiration.— Tu as tenu parole, alors, souffle-t-il finalement en souriant d’un

air hésitant, comme s’il a toujours du mal à le croire. — Oui.

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CHAPITRE 14Sept ans plus tôt

J’étais allongé sur mon matelas gonflable, les yeux rivés sur le ciel bleu, perdu dans mespensées, me laissant dériver tout doucement. À chaque fois que mon siège venait cogner contre lerebord de la piscine, je le laissais regagner le centre d’une impulsion du pied.

Profitant de la chaleur du soleil sur mon corps humide, je fermai les yeux pour revivre la

scène de la veille au soir. Scène qui ne voulait pas s’échapper de mes pensées et dont j’ignorais sije devais en chérir chaque seconde ou, au contraire, tenter de l’oublier tant ma détresse et macolère avaient été grandes à ce moment-là.

Nous étions sortis hier soir. Le temps en cette fin de mois de mai était clément et Claire avait

organisé un barbecue. Nous avions été nombreux à nous y retrouver. J’avais été chercher Adrianpour qu’il évite de prendre sa voiture. Je savais qu’il avait envie de faire la fête. De décompresseraprès cette année passée quasiment non-stop la tête dans les bouquins, à ingérer tout un tas denotions relatives au droit qu’il devait connaitre par cœur. Maintenant qu’il était en vacances, ilavait envie de relâcher la pression.

Et hier soir, il avait mis du cœur à l’ouvrage. Tellement qu’il avait terminé la soirée,complètement bourré et à moitié débraillé.

Au moment de quitter la soirée, j’étais allé le chercher et l’avais attrapé pour le caler contre

mon flan et l’aider à avancer jusqu’à la voiture. Il avait du mal à marcher et tanguait d’avant enarrière à chaque pas laborieux.

Arrivé sur les marches de perron j’avais baissé les yeux pour regarder où il mettait les pieds.J’avais relevé la tête en arborant un regard étonné :

— Pourquoi est-ce que tu ne portes qu’une chaussure ?Il avait haussé les épaules et maugrée un « sais pas. Disparu. Sans doute. M’en fous. » Arrivé au bas des marches, il s’était penché pour retirer l’autre, mais avait aussitôt perdu

l’équilibre, se vautrant de tout son long sur le sol et m’entrainant dans sa chute.J’avais poussé un glapissement pas vraiment viril et avais fini par atterrir à moitié sur lui,

nos jambes tout entremêlées.— Ça va ? m’étais-je exclamé, inquiet.Il avait éclaté de rire. Il riait si fort que des larmes coulaient le long de ses joues. Je l’avais

regardé, interloqué, ignorant en quoi cette situation lui paraissait si drôle, lorsqu’il avait cessé derire et avait ancré son regard au mien.

Puis lentement, très lentement, il avait relevé le bras pour dégager une mèche blonde qui metombait devant les yeux.

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J’avais vu sa tête se soulever, son visage s’approcher inexorablement du mien tandis que sonregard passait de mes yeux à ma bouche. J’avais dégluti, conscient de ce qui était sur le pointd’arriver, conscient que j’attendais ce moment depuis bien plus longtemps que j’osais m’ensouvenir, mais surtout conscient qu’Adrian n’était absolument pas dans son état normal. Et il étaithors de question que je profite de la situation. Par respect, par amitié, et surtout parce que savoirqu’il agissait de la sorte sans le vouloir sciemment était trop difficile à supporter.

Et avant qu’Adrian puisse commettre l’irréparable, j’avais reculé et m’étais relevé en hâte,avais épousseté l’herbe restée collé sur mon jean et la peau de mes coudes et tendu la main àAdrian mine de rien. Il l’avait acceptée sans broncher, même si je pouvais deviner de lacontrariété dans son regard, et s’était relevé en chancelant légèrement.

C’est finalement pieds nus, ses chaussures abandonnées derrière lui, qu’il s’était installé sur

le siège passager et c’est sans un mot que j’avais démarré et quitté ma place pour le ramener chezlui. J’avais pu sentir son regard sur moi durant tout le trajet. Je n’avais pas osé tourner la têtevers lui, bien trop anxieux par ce que j’aurais pu lire dans ses yeux.

La mâchoire serrée, les mains crispées sur le cuir du volant, je m’étais concentré sur lebitume s’étendant devant moi, bien que je connaisse cette route si parfaitement que j’auraispresque pu rentrer les yeux fermés.

— Mac ! Arrête-toi !J’avais pilé net en entendant Adrian crier. Je m’étais tourné vers lui, affolé. Il avait ouvert la

portière à toute volée et s’était extirpé de la voiture. Persuadé qu’il allait être malade ets’apprêtait à vomir tout l’alcool qu’il avait ingurgité, j’étais sorti à mon tour de l’habitacle...

... Pour le voir s’élancer et traverser la large route, sauter par-dessus la barrière de sécuritéet dévaler la longue pente douce et herbeuse qui s’étendait de l’autre côté de cette zonepavillonnaire.

— Qu’est-ce que tu fous, putain ?! avais-je grondé entre mes dents, trop doucement pour qu’il

puisse m’entendre.Je n’avais pas voulu crier, de peur de réveiller les habitants des maisons voisines dont

certains dormaient fenêtre ouverte à cause de la chaleur.Après avoir levé les yeux au ciel et soupiré d’agacement, j’avais décidé de le rattraper.

Lorsque je l’avais rejoint, il était allongé sur le tapis herbeux, les jambes écartées, les bras encroix derrière la tête et avait le nez rivé au ciel.

— Je suis quasiment sûr d’avoir aperçu une étoile filante !— Et c’est pour ça que tu m’as hurlé de m’arrêter ? avais-je grogné en me laissant tomber à

ses côtés sur le sol.Il n’avait pas répondu et nous étions restés un long moment silencieux, la tête levée, à

contempler les étoiles.Il avait fini par briser le silence en murmurant dans un souffle.— Tu voudras des enfants plus tard ?Cette question était sortie de nulle part, et j’ignorais ce qui lui était passé par la tête pour

penser à ça en cet instant. Mais cela ne m’avait pas étonné. Parce qu’il s’agissait d’Adrian. Etqu’Adrian était comme ça.

— Nan. Franchement, quand je vois à quel point j’ai du mal à supporter ma sœur parfois, jeme dis qu’il n’y a pas moyen que je m’emmerde avec un gosse.

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Et puis de toute façon, je n’étais pas certain qu’un enfant puisse envisager d’avoir deuxpères. Parce que s’il y avait une chose dont j’étais sûr, c’était de vouloir finir ma vie avec unhomme.

J’avais déjà arrêté mon choix sur l’homme en question d’ailleurs, mais malheureusement, lesentiment n’était pas partagé.

— Ce n’est pas pareil. Et puis ne te plains pas. J’aurais adoré avoir une sœur, moi. Je le savais. Adrian avait toujours regretté être fils unique.A plusieurs reprises, il m’avait avoué envier ma relation avec ma sœur.Très franchement, il ne loupait absolument rien. Je la lui aurais cédée volontiers.— Et toi ? Tu en veux ? Des enfants, je veux dire. — Ouais. J’aimerais avoir une petite fille (il s’était retourné vers moi pour me regarder dans

les yeux). Si c’est le cas, je l’appellerai Mila, avait-il déclaré, ponctuant sa phrase d’un clind’œil.

— Pourquoi Mila ? avais-je demandé, curieux de ce choix.Alors il s’était relevé aussi soudainement qu’il s’était affalé et, à l’inverse de tout à l’heure,

c’était lui qui m’avait tendu la main pour m’aider à me remettre debout. Il m’avait tiré si fort quemon corps était venu percuter le sien. J’avais senti sa main se refermer sur mon bras pour mesoutenir, pendant que l’autre avait lâché ma main pour pouvoir remonter le long de mon dos,jusqu’à ma nuque.

Il était toujours un peu bourré, je pouvais le voir à ses joues roses, ses yeux un peu hagards et

sa façon pas tout à fait sûre de lui de se tenir debout, mais à cet instant, alors que je sentais sesdoigts jouer avec les mèches de cheveux tombant dans ma nuque, en ancrant mon regard dans legris de ses yeux, mon corps entier avait été parcouru de frissons.

Sa main avait quitté ma nuque et j’avais senti son index tapoter contre ma tempe.— Réfléchis, avait-il soufflé en souriant, comme s’il était fier de sa trouvaille.Et, sans me laisser le temps de mettre son conseil en pratique, il avait plaqué sa bouche

contre la mienne.J’avais été tellement surpris par son geste que, pendant une seconde, j’étais resté immobile,

les yeux écarquillés.Puis j’avais senti ses lèvres fraîches, son souffle chaud. Sa langue avait le goût de vodka et de

tabac tandis qu’elle se frayait un chemin entre mes dents pour caresser la mienne. Ses doigtss’enfonçaient dans ma peau, mes poils se hérissaient, mon corps entrait en combustion.

Je m’étais entendu gémir - ou peut-être était-ce lui ? - alors que je l’avais attrapé par leshanches pour resserrer notre étreinte. J’avais senti ma queue se dresser sous mon jean, j’avaissenti à quel point il était dur lui aussi, tandis qu’il commençait à se frotter doucement contre moi.J’avais eu conscience de me liquéfier de l’intérieur, de m’embraser totalement sous son étreinte.

Et, aussi fort que mon corps réclamait le sien, aussi intensément que j’avais rêvé cet instant,je n’avais pas pu le laisser faire.

Doucement, je l’avais saisi par les poignets et avais fait un pas en arrière pour me détacherde lui.

Nous nous étions dévisagés tandis que nous essayions de reprendre notre souffle, de laissernotre cœur calmer ses battements effrénés.

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J’avais vu son regard étonné de se voir repoussé, ses lèvres toujours humides et gonflées denos baisers.

Mais il n’avait rien dit.À la place, il avait sorti son paquet de cigarettes de sa poche, en avait allumé une et avait

violemment soufflé sa première taffe.— On ferait mieux de rentrer, avais-je finalement déclaré dans l’espoir de briser le silence

embarrassant qui s’étirait entre nous.Et sans me jeter le moindre regard, il avait alors tourné les talons et s’était éloigné. Le trajet s’était déroulé sans qu’une parole ne soit échangée.Une fois arrivé devant chez lui, j’avais laissé le moteur tourner et, alors qu’il s’apprêtait à

sortir de ma voiture, je l’avais retenu par le bras. Il s’était tourné vers moi, perplexe.— Tu l’appellerais réellement comme ça ?Il s’était contenté de hocher la tête pour toute réponse.— Pourquoi ? avais-je demandé une nouvelle fois.Il m’avait offert un petit sourire et répliqué :— Parce que ces quatre lettres représentent ce qu’il y a de plus important, de plus beau au

monde à mes yeux.J’avais lâché son bras, abasourdi par cette soudaine déclaration.M.I.L.A.Il suffisait d’en changer l’ordre pour former mon prénom. Il avait profité de mon ahurissement pour s’extraire de l’habitacle et s’éloigner.

❧❧❧ Je fermai les yeux, tentant de reprendre mes esprits et laissai tomber ma main le long du

matelas pour attraper un peu d’eau en coupe dans ma paume et la déverser sur mon ventre afin deme rafraichir. Le soleil commençait à cogner de plus en plus fort, me donnant de plus en pluschaud.

J’étais toujours en train d’hésiter si je préférais me remettre à patauger dans la piscine ou aucontraire, rester allongé ici, lorsqu’un énorme « splash » me sortit de mes pensées. Je n’eus pasle temps de me redresser pour comprendre ce qui venait d’arriver que je sentis que l’on renversaitmon matelas. Perdant l’équilibre, je poussai un glapissement et me retins inconsciemment auplastique qui grinça sous mes doigts.

Quelqu’un venait apparemment de décider pour moi. Je m’enfonçai dans l’eau et d’une poussée du pied sur le fond du bassin, ressortis à la surface

en éclaboussant largement. Je me frottai les yeux pour en chasser l’eau et, d’un geste expert, ramenai mes mèches

dégoulinantes à l’arrière de ma tête lorsqu’un éclat de rire me parvint distinctement. Rire que jeconnaissais par cœur.

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Je me tournai alors vers Adrian dont le corps était parcouru de soubresauts dus à son rire. Ilavait l’air vraiment fier de lui.

— Comment es-tu rentré ? demandai-je d’un ton bougon.— J’ai croisé Meredith qui était sur le point de partir.Ah. Et moi qui étais persuadé que ma mère avait déjà quitté la maison depuis longtemps.— Ta sœur n’est pas là ?— Non, répondis-je en secouant la tête. Elle passe la journée chez une copine.Il acquiesça puis se rapprocha de moi. L’eau ondulait autour de son corps qui se mouvait

doucement le long du bassin, jusqu’à se tenir à quelques centimètres du mien.— Donc, si je comprends bien, il n’y a que toi et moi ici, dit-il d’une voix grave, profonde et

séductrice, un sourire carnassier au coin des lèvres.A l’entendre prononcer cette phrase comme s’il comptait me bouffer tout cru, je déglutis et me

contentai d’acquiescer.— Parfait !Sur ce, il m’attrapa par la nuque pour m’embrasser violemment.Et il était net, cette fois-ci. Alors je me laissai faire.Je fis descendre mes mains le long de son dos pour attraper sa taille. Ses doigts s’attachèrent

à mes cheveux et il me tira en arrière pour laisser sa langue s’attarder sur ma mâchoire, magorge, aspirer du bout des lèvres les gouttes qui perlaient le long de mes joues, de mon cou. Pourquelqu’un qui n’avait jamais fait ça avec un mec avant hier soir, je le trouvais très à l’aise dansses gestes. Ce qui n’était pas pour me déranger, bien au contraire.

Doucement mais fermement, son torse nu collé au mien, sa bouche de nouveau sur la mienne,

la dévorant sans répit, il m’obligea à reculer jusqu’à ce que mon dos vienne buter contre le rebordde la piscine.

Je poussai un grognement de surprise étouffé par les baisers d’Adrian. Ses hanchescommencèrent à se mouvoir de plus en plus rapidement, frottant son érection contre la mienne.

Je poussai un gémissement et agrippai ses fesses tandis que sa main attrapait ma cuisse, la

laissant descendre jusqu’à mon mollet pour passer ma jambe autour de sa taille. Une mainagrippée au rebord, l’autre me tenant fermement, je sentis son bassin exercer des petitsmouvements de va-et-vient, imitant des coups de rein.

De plus en plus fort, de plus en plus rapidement, sa queue dure se pressant contre la mienne.Il me mordit la lèvre et un geignement de plaisir m’échappa. Posant son front contre le mien,

il riva son regard au bleu de mes yeux.— Mac, souffla-t-il, d’un ton enroué par le désir. Je crois que je vais jouir.Il semblait presque surpris de réaliser qu’il était en train de prendre son pied avec un homme,

mais cela ne sembla pas le déstabiliser plus que ça.— Moi aussi, Ian. C’est trop bon, putain. Moi aussi.Et je me penchai pour l’embrasser à pleine bouche, sa barbe rugueuse piquant ma peau, ce

que je me surpris à adorer.Et au moment où l’orgasme me submergea, je laissai retomber ma tête sur son épaule, épaule

que je mordis en laissant échapper un cri de jouissance sonore.

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Il me suivit quelques secondes plus tard et je sentis ses muscles se tendre avant de se relâchercomplètement. Il s’avachit sur moi dans un soupir comblé et nous restâmes ainsi, l’un contrel’autre, enlacés, debout, de l’eau jusqu’à la taille, tentant de reprendre notre souffle et nos esprits.

Ce jour-là, j’avais cru dur comme fer que nos rêves les plus fous pouvaient finalementdevenir réalité. Et peut-être ne m’étais-je pas trompé finalement.

CHAPITRE 14Adrian

Je sais à quoi il pense. Parce que je pense exactement à la mêmechose. À cette soirée, il y a de cela sept ans, lorsque, pour la premièrefois, ma bouche s’est posée sur la sienne. Je sais qu’il ne s’y était pasattendu, et que ce premier baiser l’avait autant blessé que bouleversé.Nous en avions reparlé par la suite. Je lui avais expliqué que depuisquelque temps, mes sentiments pour lui avaient changé, s’étaienttransformés en quelque chose d’autre. De différent.

J’avais eu du mal à concevoir tout ça.La première fois que j’avais pensé à lui autrement qu’en ami, j’en

étais resté totalement perdu et choqué. Je m’en souvenais comme sic’était hier. J’étais en train de me caresser sous la douche, avec pourimage mentale la dernière fille que j’avais mise dans mon lit. Maisj’avais beau me concentrer très fort sur le souvenir de ses courbes, deses seins lourds, de son ventre plat, j’avais beau tenter de revivre cettenuit-là, mon visage coincé entre ses cuisses, ma langue s’enfonçant enelle, je n’arrivais pas à jouir.

Et d’un coup, sans vraiment pouvoir expliquer de quelle manière,l’image de Liam était venue se superposer à tout ça.

Je l’avais imaginé, torse nu et en sueur après que je l’ai obligé àvenir courir avec moi. J’avais pensé à ses mains calleuses, ses avant-braspuissants, ses muscles déliés, j’avais songé à ses lèvres pulpeuses, sesyeux d’un bleu sombre. Et d’un coup, le plaisir était monté en moi, sibrusquement, si intensément, que j’avais éjaculé en poussant un râlebestial que je n’avais pas réussi à réprimer.

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Depuis ce jour-là, j’avais commencé à le voir autrement. Je m’étaissurpris à laisser mes yeux s’attarder sur son cul, sur ses cuisses, sesbras, ses épaules. Je savais qu’il était gay et je savais aussi qu’il aimaitpasser d’un homme à l’autre aussi rapidement que j’aimais le faire avecles femmes. Et puis surtout, il était mon meilleur pote. La personne quej’aimais le plus au monde. Et pour toutes ces raisons, je n’avais pasvoulu me lancer. Je craignais trop de gâcher notre amitié.

Jusqu’à ce soir-là.Jusqu’à ce que, désinhibé par l’alcool que j’avais ingurgité en assez

grande quantité, je ne tienne plus, et que je saute le pas. Avec le recul, je dois bien avouer que c’est à la fois la chose la plus

sensée et la plus stupide que j’ai faite de ma vie.La plus sensée, parce qu’elle m’a permis de vivre deux mois de pur

bonheur en compagnie de Liam.Parce que, loin de gâcher notre amitié, notre relation naissante n’a

fait que la renforcer. Notre amour quasi fraternel s’est transformé en unamour autre. Plus fusionnel. Plus passionnel. Plus profond. Plus réel.

Et la plus stupide parce que si j’avais su me réfréner, si j’avais résistéà l’envie que j’avais eue de l’embrasser, si je m’étais montré pluspatient, nous n’aurions pas gâché ces sept dernières années. Nousaurions continué à nous fréquenter, en tant que potes. Je serais restédans le coin. Je n’aurais peut-être pas pu envisager une aussi bellecarrière que celle que j’étais en train de développer à New York, mais aumoins, nous aurions été ensemble.

Mais non, à la place, j’avais dû tout quitter, le quitter, du jour aulendemain. Pour espérer réaliser mes rêves égoïstes. J’avais pensé à lui,mais j’avais surtout pensé à moi et je le regrette aujourd’hui.

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Je regrette d’avoir pris cette décision. De ne pas m’être battu poursauver notre relation, pour ne pas avoir trouvé d’alternative et m’êtrecontenté de me laisser dicter ma conduite par mon père. D’avoir cédé àses menaces. Mais j’étais jeune à l’époque et surtout, j’avais peur. Monpère me terrifiait et je ne voulais pas risquer de foutre en l’air monavenir et ma relation avec lui. Seul, je savais que je n’aurais pas pu medébrouiller. J’avais besoin de mon père .

Pourtant, j’ai bien conscience que ma vie aurait été vraimentdifférente si j’avais gardé la tête haute et m’étais battu pour mesconvictions. Sacrément contradictoire pour l’avocat que je suis devenu.

La seule chose que je ne pourrais jamais regretter, c’est ma relation

avec Amanda. Parce qu’elle m’a permis de devenir le père comblé de laplus formidable des petites filles. Et que j’ai tout de même aimé sa mère.Mère pour qui je garde aujourd’hui une profonde affection. Et avec quij’ai vécu heureux quelques années. D’ailleurs, j’ai bien conscience quec’est de ma faute si nous avons fini par divorcer. Lorsque je suis rentré àNew York après l’enterrement de la mère de Liam, j’étais dévasté. Lerevoir m’avait foutu un sacré coup. Et j’avais compris. Que jamais je nepourrais aimer personne d’autre aussi fort que je l’aimais, lui. Et marelation avec Amanda a commencé à s’étioler. D’un coup, j’ai eul’impression d’avoir fait semblant durant toutes ces années, d’avoir jouéun rôle, d’avoir masqué mon vrai visage pour ne montrer aux autres quece qu’ils voulaient bien voir.

Et ce soir-là, alors que le divorce avait été prononcé dans la journée,en regardant ma fille dormir paisiblement dans son berceau, je m’étaisfait une promesse.

J’allais terminer la fac de droit, j’allais commencer ma carrière et,une fois que tout serait bien en place, que ma vie serait mise totalementen ordre et que je serais sûr de pouvoir avancer sans qu’aucune chainene me retienne prisonnier, j’irais retrouver Liam.

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Et je le supplierais, à genoux s’il le fallait, de me pardonner.De me refaire une place dans sa vie. Et surtout, d’apprendre à

m’aimer de nouveau.Et je crois que je suis sur la bonne voie pour y parvenir.

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CHAPITRE 15

Adrian me parle de sa fille, de sa rencontre avec Amanda, son ex-femme, qui est en réalité lasœur d’un de ses potes de fac. Il n’entre pas dans les détails, se contente du nécessaire, et je lui ensuis infiniment reconnaissant. Il m’explique que Mila est restée vivre avec sa mère, son boulot à luil’empêchant d’être aussi présent pour elle qu’il le souhaiterait. Mais il la voit souvent, et elle vientparfois passer quelques jours chez lui.

Puis il attrape son portefeuille dans la poche arrière de son jean pour en extirper une petitephoto qu’il me tend en souriant, même si je peux discerner une lueur d’appréhension dans son regard.Mes doigts se referment sur le cliché et lorsque j’aperçois le visage de cette petite fille de quatre ans,souriante, tenant dans sa main une peluche représentant une licorne arc-en-ciel, je ne peux empêcherun immense sourire de s’épanouir sur mon visage.

— Elle est magnifique, je murmure sans lever mes yeux de la photo.— Merci, répond-il, et je sens le soulagement dans sa voix.— Elle te ressemble énormément.Et c’est la vérité. Les mêmes cheveux bruns, et le même sourire espiègle.

Ses yeux sont verts et je me doute qu’elle a hérité de ce regard pénétrant de sa mère.— Physiquement peut-être, mais elle est le portrait craché de sa mère au point de vue du

caractère. Je me demande encore si c’est une bonne chose ou non.Je relève alors la tête et découvre son air à la fois perplexe mais duquel se dégage également

une immense fierté. Je lui tends le cliché et il l’observe attentivement quelques secondes avant de leranger.

— J’ai énormément de regrets te concernant. Nous concernant. A de nombreuses reprises,j’aurais souhaité pouvoir revenir en arrière et changer le cours du passé. J’aurais aimé avoir faitd’autres choix, j’aurais aimé me montrer moins égoïste. Je sais que j’aurais dû tout t’expliquer cesoir-là, et peut être qu’ensemble, nous serions parvenu à trouver une solution qui ne nous aurait pasdéchiré le cœur. J’y ai pensé chaque jour au cours de ces sept dernières années. Mais s’il y a unechose que je ne pourrais jamais regretter, et pour laquelle je dois t’avouer m’être senti apaiséconcernant mes choix, c’est elle, Mac. Parce que Mila m’a aidé à revivre. Grâce à elle, j’ai apprisque la vie pouvait être belle. Elle a réussi à combler ce trou béant que j’avais sciemment laissé dansmon cœur lorsque je t’ai quitté. Et je me dis que, si c’était à refaire, peut-être que j’aurais finalementagi exactement de la même manière, juste pour pouvoir connaitre le bonheur indicible qui s’emparede moi à chaque fois que je la tiens dans mes bras.

L’émotion dans sa voix est telle que je suis dans l’obligation de déglutir pour ne pas me laisserensevelir sous cet afflux de sentiment qui s’empare de moi. Je le comprends. Oh oui, je le comprendsparfaitement. Avoir des enfants a toujours compté pour lui, et lorsque je vois la ferveur qu’il met dansses mots quand il évoque sa fille, je sens ma colère refluer. Comment lui en vouloir à présent ?Comment pourrais-je lui tenir rigueur d’avoir eu envie de concrétiser tout ce qu’il attendait de lavie ?

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Après tout, il parait que tout arrive pour une raison. Peut-être cela était-il prédestiné. Peut-êtredevions-nous nous éloigner, arpentant des chemins différents pendant toutes ces années, pour mieuxnous retrouver ensuite ?

Que ce serait-il passé si nous avions continué notre relation ? Aurions-nous pu espérer qu’elleperdure ? Nous avions vingt et un ans à l’époque. Nous étions jeunes, nous avions la vie devant nouset aucun sens des responsabilités. Nous avions vécu notre histoire à fond, avec passion et tendresse,parce que c’était quelque chose de nouveau, de grisant. Et que nous nous aimions profondément. Maisà cet âge-là, aurions-nous tenu sur la durée ? Les profonds sentiments qui nous liaient aurait-ils étéplus forts que le reste ? La pression familiale, les études, la routine, l’envie de nouvellesdécouvertes ?

Je n’en suis plus si certain à présent. Nous n’avions pas assez d’expérience, assez de vécu pourêtre certain d’avoir fait les bons choix.

Et peut-être n’est-ce toujours pas le cas aujourd’hui, mais au moins, nous avons à présent tousles deux assez mûri pour prendre des décisions plus réfléchies. Et surtout, nous sommes à présentintimement persuadés que, malgré le temps passé, malgré les épreuves traversées, malgré la rancœur,la colère et la haine, nous sommes capables de surpasser tout ça. De nous montrer plus forts que ça.Que toutes ces émotions négatives peuvent disparaitre pour laisser place à quelque chose de plusprofond, de plus beau, de plus vrai.

— Je t’aime, Ian. Je n’ai jamais cessé de t’aimer. Pas une seule putain de seconde. Alors peuimporte ce qui arrivera maintenant. Je tiens juste à ce que tu le saches.

Il me dévisage, les yeux brillants et, d’un mouvement tendre, caresse ma joue avant de poser sabouche sur la mienne pour m’embrasser délicatement.

— Je t’aime aussi, Mac. Et je ne te laisserai plus t’éloigner de moi. Jamais.Je souris, d’un sourire franc qui s’étire jusqu’à mes oreilles. Trois petits mots, c’est tout ce dont

j’avais besoin pour guérir. Il m’a suffi d’entendre ces quelques paroles pour que les plaies de moncœur cicatrisent instantanément.

— Qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? je demande, d’une voix toujours mal assurée.Sa bouche se fait plus pressante, plus avide, ses mains se perdent dans mon dos et viennent

caresser mes fesses.Je sens son sourire de loup dans mon cou lorsqu’il murmure, d’une voix rauque.— Je propose qu’on rattrape le temps perdu.Et ni une, ni deux, il me saute dessus et nous nous écroulons sur le canapé. Nous nous

dévisageons en silence, puis partons tous les deux, ensemble, dans un immense éclat de rire.

FIN. ❧

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Remerciements ❧

Merci à Nathalie d’être toujours disponible, peu importe l’heure, et detoujours répondre présente dès que j’ai besoin de toi. Merci de mebooster et de me menacer (de coups de fouet) pour m’obliger à avancer. Merci à Sophie, experte ès tétons & conjugaison, pour s’être abîmée lesyeux à la relecture. Merci de veiller autant à la propreté de mespersonnages avant ou après leurs galipettes ! Merci à vous deux pour votre temps, vos encouragements, voscompliments & votre amitié.Je me demande vraiment ce que je ferais sans vous . Merci à Floriane pour ton enthousiasme. Merci de toujours te montrer siadorable (j’étais obligée.. !) envers moi., de toujours avoir envie de lirece qui sort de ma tête, peu importe ce que ça vaut. Merci à Sonia, pour avoir pris le temps de lire et surtout relire ce récit.Merci pour tes sublimes chroniques, toujours plein de poésie et qui melaissent sur mon petit nuage.Merci à toutes les personnes qui ont lu et apprécié « Ce que noussommes », aux bloggeuses pour leurs adorables chroniques. Grâce àvous, j’ai l’impression d’avoir enfin réalisé un rêve.