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EHESS Sectes, Millénarismes, Religion populaire: Des marges au centre I Testimoni di Geova: ideologia e consenso sociale by Miriam Castiglione; Storia dell'Anabattismo, t. 2: Da Münster ai nostri giorni by Ugo Gastaldi; Chiesa e religione del popolo; analisi di una egemonia by Gustavo Guizzardi; Amish Life by John A. Hostetler; Prophets and Millenialists. The Uses of Biblical Prophecy in England from the 1790s to the 1840s by W. H. Oliver; The Anabaptists and Thomas Müntzer by James Stayer; ... Review by: Jean Séguy Archives de sciences sociales des religions, 27e Année, No. 54.1 (Jul. - Sep., 1982), pp. 111-124 Published by: EHESS Stable URL: http://www.jstor.org/stable/30121952 . Accessed: 18/06/2014 19:20 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . EHESS is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Archives de sciences sociales des religions. http://www.jstor.org This content downloaded from 194.29.185.216 on Wed, 18 Jun 2014 19:20:23 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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Sectes, Millénarismes, Religion populaire: Des marges au centreI Testimoni di Geova: ideologia e consenso sociale by Miriam Castiglione; Storiadell'Anabattismo, t. 2: Da Münster ai nostri giorni by Ugo Gastaldi; Chiesa e religione delpopolo; analisi di una egemonia by Gustavo Guizzardi; Amish Life by John A. Hostetler;Prophets and Millenialists. The Uses of Biblical Prophecy in England from the 1790s to the1840s by W. H. Oliver; The Anabaptists and Thomas Müntzer by James Stayer; ...Review by: Jean SéguyArchives de sciences sociales des religions, 27e Année, No. 54.1 (Jul. - Sep., 1982), pp. 111-124Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/30121952 .

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Arch. Sc. soc. des Rel., 1982, 54/1 (juillet-septembre), 111 - 124. Jean SIGUY

SECTES, MILLINARISMES, RELIGION POPULAIRE

Des marges au centre

A propos de:

Miriam CASTIGLIONE, I Testimoni di Geova ideologia e consenso sociale, Turin, Claudiana, 1981, 122 p. Ugo GASTALDI, Storia dell'Anabattismo, t. 2 Da Miinster ai nostri giorni, Turin, Claudiana, 1981, VII-855 Gustavo GUIZZARDI et al., Chiesa e religione del popolo; analisi di una egemonia, Turin, Claudiana, 1981, 166 p. John A. HOSTETLER, Amish Life, Scottdale (Penn- sylvanie) et Kitchener (Ontario), Herald Press, 1981, 40 p. W.H. OLIVER, Prophets and Millenialists. The Uses of Biblical Prophecy in England from the 1790s to the 1840s, Auckland (Nouvelle-Ze1ande), Auckland University Press; Oxford, Oxford Uni- versity Press, 1978, 269 p. James STAYER, Werner O. PACKULL (ed.), The Anabaptists and Thomas Miintzer, Dubuque (Iowa) et Toronto (Ontario), Kendall/Hunt Publishing Company, 1980, VII-167 p. David Burns WINDSOR, The Quaker Enterprise : Friends in Business, Londres, Frederick Miiller Ltd, 1980, 176 p.

Les ouvrages comment6s dans cette note concernent des sectes, des mouve- ments et des ideologies mill6naristes, et enfin diverses manifestations d'une religion dite populaire. En somme, il s'agit d'ouvrages traitant de ph~nomines qualifi6s un peu vite de < marginaux >, si l'on imagine les Eglises, et singulibre- ment l'Eglise catholique en son orthodoxie, au centre de l'6chiquier religieux occidental. Et sans doute est-ce 1 une vue par certains c6t~s objective des choses, appuy6e sur la consid6ration du rapport des forces en presence et/ou des revendications de monopole. Mais on peut entretenir d'autres conceptions; ainsi on peut juger la centralit6 ou la marginalit6 des ph6nombnes, et des ouvrages

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qui en traitent, en r~f6rence g l'intr~rt scientifique qu'ils pr~sentent. Dans cette perspective, tel objet de recherche situ6 marginalement dans la configuration du rapport des forces en pr6sence, se r6vblera central - de par sa nature propre, ou par la m6thode de son exploration -, en ce sens qu'il permet de poser des questions centrales B une discipline. Ou encore, parce que l'analyse d'une < margi- nalit6 > renvoie aux problmes centraux - mais ~ventuellement caches - d'une soci6t6 donn6e.

Ainsi en va-t-il, croyons-nous, des ouvrages retenus pour la pr6sente note; non pas qu'ils apparaissent au-dessus de toute critique, mais parce que tous posent - implicitement ou explicitement, selon les cas - des probl~mes de port6e g6n6rale rejoignant les grandes all6es de la m6ditation que les sciences sociales poursuivent autour des ph6nom~nes religieux.

THOMAS MiiNTZER ET L'ANABAPTISME

Les mouvements religieux repr6sentent-ils le d6guisement de mouvements sociaux incapables de se d6signer comme tels ? Ou, au contraire, ces deux cat6- gories de ph6nomines n'entretiennent-elles de rapports qu'6pisodiques, accidentels, secondaires ? Les groupements religieux pacifiques et leurs homologues recourant t la force pour atteindre leurs fins (mouvements a militants > ou < r6volution-

naires >) 6mergent-ils B l'histoire selon un module constant et significatif de rap- ports r6ciproques ? Peut-on et doit-on toujours parler des pacifiques comme s'ils 6taient n6cessairement les descendants rass~r6n~s de rdvolutionnaires ayant fait I'expdrience de l'6chec ? A la limite, toute action religieuse repr6senterait-elle un retrait, un refuge, par rapport g des experiences malheureuses sur le terrain des rapports sociaux (6conomiques et/ou politiques, en particulier)?

Plus d'un thdoricien a pos6 ces questions; aucun des ouvrages ici recens6s ne les 6voque ni n'y r6pond directement et syst6matiquement; pourtant quelques- unes d'entre elles viennent B l'esprit du lecteur devant, entre autres, le travail de J.M. Stayer et de W.O. Packull consacr6 g l'anabaptisme dans ses rapports avec Thomas Miintzer. Ce dernier, on le sait, n'a pas prach6 l'id6al, v6hicul6 par I'anabaptisme, d'une Eglise de professants; on l'appelle < anabaptiste > par un abus de langage. Pourtant on ne saurait en rester 1 : les anabaptistes pacifiques n'entretiennent pas des rapports purement et simplement nigatifs avec Miintzer. Son mouvement et le leur repr6sentent des formes diff6rentes, mais apparenties par certains aspects, de la a r~forme radicale > du XVIe sidcle, laquelle embrasse encore - entre autres ph6nombnes - le fameux et militant ( Royaume de Dieu de Miinster >. La question se r6vble incontournable des rapports g~nitiques entre tous ces mouvements, comme de leurs affinit6s avec les remous socio-6conomiques de l'6poque.

Longtemps la r~ponse aux questions 6voqu~es ci-dessus a 6t6 impos6e par les Eglises dominantes et les Etats. Pour ces instances, l'anabaptisme pacifique repr6- sentait un assagissement des mouvements r~volutionnaires - r6prim6s - des classes infdrieures; de plus, I'6pisode de Miinster r6v6lait - selon ces m~mes instances - le caractdre strat6gique de l'assagissement en question: il permettait aux r6volutionnaires d'6chapper g l'attention, en changeant d'apparence, et de se faire une reputation a usurp~e > de saintet6 en attentant une bonne occasion de se tourner de nouveau contre les autorit6s 6tablies. Le marxisme a, d'une certaine fagon, repris l'essentiel de ces conceptions, en leur procurant un certain lustre,

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SECTES

en mime temps qu'un enracinement dans une th6orie des mouvements de l'histoire et de la structure sociale.

Depuis - en particulier - les Soziallehren d'Ernst Troeltsch (1912) un autre type d'explication a tendu B pr6valoir, dans l'univers libdral B tout le moins: ici, les anabaptistes pacifiques suisses apparaissent chronologiquement premiers, les r6volutionnaires seconds; ces derniers, ou bien entretiennent des rapports uni- quement n6gatifs avec les premiers (cas de Miintzer), ou bien repr6sentent (cas de Miinster) une radicalisation ponctuelle et aberrante du mouvement pacifique. Dans cette perspective, I'anabaptisme hollandais - si souvent et puissamment travaill6 par des fibvres et r6voltes g 6vidente signification sociale - et qui, avec Menno Simons et aprbs 1536, devient exclusivement pacifique, fait difficult6. Mais les tenants de l'explication troeltschienne ou post-troeltschienne maintien- nent, 1A encore, la priorit6 et la normativit6 de l'aile pacifique.

Depuis 1970 environ, I'historiographie de l'anabaptisme a pris une troisibme direction. Les auteurs se posent plusieurs sortes de questions: la r6forme radicale repr6sente-t-elle (c'6tait la th~se troeltschienne et post-troeltschienne) une radi- calisation des id6es des grands r6formateurs; ou bien doit-on chercher les racines du mouvement plut6t - mais non point exclusivement pour autant - du c6t6 du catholicisme m6di6val, de l'asc6tisme franciscain, de la tradition mystique allemande et n~erlandaise, des aspirations humanistes g la r6forme enfin ? S'il en allait ainsi, l'anabaptisme m~me pacifique rejoindrait Miintzer par le biais d'un commun h6ritage - celui de la mystique allemande au XVO si~cle -, diverse- ment assum6. Par ailleurs, il n'apparait plus 6vident aux chercheurs que l'ana- baptisme doive tout entier d6couler d'une unique et normative source; ni encore, que pacifiques et militants entretiennent des rapports de mutuelle exclusion uniquement. L'anabaptisme apparait d6sormais, au sein d'une rdforme radicale infiniment vari6e, comme un ensemble de groupes et d'individus aux profils divers et dont les trajectoires se coupent et recoupent en un module caract6dris, de 1525 g 1527, en Suisse et en Allemagne du sud, jusqu'en 1536 aux Pays-Bas, par une extreme fluidit6. Les ouvrages sur le sujet parus depuis 1970 et r6gulid- rement recens6s dans notre Bulletin des ouvrages (Arch. 38, no 292 et no 489; 39, no 229; 40, no 345; 42, no 487; 44, no 347, no 439 et nA 470; 46, no 317; 49, no 403; 50, no 458) portent t6moignage de ce changement de perspective auquel les travaux de J.M. Stayer et de W.O. Packull (ibid., 38, no 489, et 44, nA 470) ont contribu6.

The Anabaptists and Thomas Miintzer se pr6sente comme une anthologie, A laquelle chacun des deux < editors > a contribu6 pour une part dfiment r6pertori6e. En plus d'une remarquable et trbs inform6e Introduction de J.M. Stayer, 6voquant les problbmes esquiss6s plus haut, l'ouvrage contient seize extraits d'auteurs vari6s (pour la plupart post6rieurs B 1946), et dont il a fallu traduire certains de l'allemand ou du n6erlandais. Ces excerpta se r6partissent en cinq sections: signification de l'anabaptisme du XVIe sidcle; l'anabaptisme et la R6forme; origines multiples de l'anabaptisme: Suisse et Pays-Bas; Th. Miintzer, th6ologien et r6volutionnaire; les anabaptistes, Th. Miintzer et la guerre des paysans.

Deux auteurs marxistes seulement apparaissent dans cette galerie. Est-ce trop, ou trop peu ? On ne sait; de toute 6vidence la lecture marxiste de la r6forme radicale et de l'anabaptisme du XVPI sidcle 6volue entre les branches d'une fourchette 6troite, et l'essentiel de la recherche semble bien se d6rouler dans

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d'autres milieux. Pourtant l'apport marxiste apparait de plusieurs fa~ons central aux pr6occupations de tous les participants B l'imaginaire colloque convoqu6 par Stayer et Packull : on notera ainsi que le rapport entre classes sociales, mouve- ments sociaux et anabaptisme est pr6sent - en creux et plus souvent en plein - dans la plupart des travaux en pr6sence; y compris lorsque les auteurs doivent signaler qu'ils refusent d'entrer dans des questions relevant de l'impuret6 des ph6nomines, ou qu'ils ne peuvent concevoir B une religion qu'une explication religieuse. Pour cette raison au moins d'une occulte pr6sence marxiste dans le fond de la schne, les auteurs se r6clamant de la Bauernkrieg d'Engels m6ritaient meilleure repr6sentation ici.

On regrette 6galement I'absence, dans cette anthologie, de toute r6f6rence au ph6nomine si particulier du radicalisme et de l'anabaptisme italien (Arch., 27, no 230; 30, no 288, et 34, n0 211).

Quoi qu'il en soit, l'anthologie de Stayer et de Packull constitue un apport important aux 6tudes anabaptistes. Tous les sociologues soucieux des grands problkmes th6oriques auxquels cette note fait allusion en commengant, trouveront dans cet ouvrage un mat6riau particulibrement adapt6 & leur r6flexion, et qui attend th6orisation.

UN NOUVEAU MANUEL D'HISTOIRE ANABAPTISTE

L'ouvrage d'Ugo Gastaldi (Storia deli' Anabattismo) ne pouvait pas, dans son premier tome (cf. Arch., 33, no 287), paru en 1972, - et compte tenu des d6lais d'6dition - prendre en charge le renouvellement signal6 plus haut de l'histoire des d6buts anabaptistes. Ce n'est plus le lieu de le faire, non plus, dans ce second tome, r6cemment publi6, qui prend son d6part juste aprbs l'6chec du Royaume de Dieu & Miinster, dans P't6 de 1535, et porte jusqu'& nos jours la saga du destin anabaptiste. Ndanmoins, ce tome 2 consacre une place importante aux rapports entre pacifiques et r6volutionnaires, dans les chapitres consacr6s au red6ploiement du mouvement aprbs 1535, & la disparition - graduelle seulement en certains lieux - de la branche r6volutionnaire, et & la mise en place de la riorganisation a mennonite > des groupes, d6sormais tous et entibrement paci- fiques.

Comme dans le tome 1, le lecteur sera frapp6 ici par la pr6cision et l'6tendue de l'information - amplement multilingue -, par la maitrise dont l'auteur fait preuve dans son traitement, par l'exhaustivit6, enfin, de sa bibliographie. La qualit6 de la typographie et de la mise en page, une iconographie et une carto- graphie abondantes et judicieuses, enfin des index pr6cis & souhait contribuent - pour leur part - & faire de l'entreprise d'Ugo Gastaldi une r~ussite.

Tout au cours des 855 pages de son ouvrage, l'auteur se montre attentif & la vari~t6 r6gionale et aux tendances diverses qui se manifestent, en Europe d'abord, en Am6rique du Nord ensuite, parmi les groupements se r6clamant de l'anabaptisme, et dont aucun ne se trouve exclu. Bien entendu, le radicalisme et I'anabaptisme italiens du XVPI si~cle sont amplement 6voqu6s; les mennonites frangais - tr~s sch6matiquement trait6s dans les manuels d'histoire anabaptiste- mennonite jusqu'ici existants - regoivent, eux aussi, une attention nouvelle. Historien, Gastaldi ne n6glige pas les apports des sociologues et des anthropo- logues: ceci apparait, en particulier, dans les chapitres traitant des amish, des

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houtt6riens et de certaines autres communaut6s ou tendances. Un fait s'impose ici massivement: l'anabaptisme, mouvement d'intellectuels d'abord, puis d'artisans, qui en Hollande surtout attira un moment les classes les plus d6favoris6es, devint assez vite (les Pays-Bas faisant ici exception partiellement) paysan de manibre presque exclusive. Cette situation a dur6 jusqu'd nos jours pratiquement, et reste caract6ristique de certaines branches du mouvement anabaptiste-mennonite actuel.

Or, les mennonites, partout ot les hasards de l'histoire - celle des pers6- cutions et des intol6rances dont ils ont 6t6 l'objet - les ont men6s, se sont acquis une r6putation m6rit6e d'experts agricoles. En Alsace, on le sait, ' anabaptiste > et < agriculteur module > ont longtemps rim6 ensemble (cf. Arch., 28, pp. 93-130). Le tome 2 de Gastaldi 6voque plusieurs fois ce problme, qui rejoint le thbme familier B la sociologie religieuse depuis Weber, des rapports entre certaines formes de religion et certaines formes de r6ussite sociale ou professionnelle. L'auteur n'en traite pas syst6matiquement, mais souligne au passage l'apport mennonite au d6veloppement agricole dans certaines r6gions ou pays, y compris de nos jours (1). Les r6f6rences infrapaginales et la bibliographie finale permet- tent au lecteur int6ress6 de pousser plus loin l'6tude des problbmes ici 6voqu6s, t 6galit6 avec ceux de la spiritualit6, des tendances id6ologiques, des modes

vestimentaires, etc. Certes, on regrettera que l'auteur se montre beaucoup plus succinct sur le XXe sidcle que sur les p6riodes pr6c6dentes. Mais il fallait bien, aussi, clore cet ouvrage 6norme, reflet fiddle des apports de la recherche en domaine anabaptiste entre 1920 et 1970, en gros (2).

RELIGION ET fCONOMIE: LES QUAKERS ANGLAIS DANS L'INDUSTRIE

Les rapports entre religion et profession, entre religion et r6ussite profes- sionnelle et sociale aussi, sont au centre de l'ouvrage de David B. Windsor (The Quaker Enterprise : Friends in Business). Pr6sent6 sans r6f6rences de bas de page ni de bibliographie terminale, ce travail utilise - semble-t-il - des biogra- phies et des souvenirs publi6s d'industriels quakers du XIXe sidcle principalement. Il compte dix chapitres; deux sont consacr6s & pr6senter la Soci6t6 des Amis dans ses origines, ses croyances, ses pratiques, son histoire et son organisation, et - finalement - t d6crire le r6seau des familles quakers. Viennent ensuite sept chapitres, dont chacun 6voque une famille particulibre et ses r6alisations dans l'industrie; un chapitre de conclusion tente d'expliquer le cas.

La Soci6t6 des Amis a toujours r6uni un nombre infime de membres: un quaker sur deux cents britanniques au meilleur moment. Pourtant, dans un Royaume-Uni 6pousant r6solument la r6volution industrielle, cette minuscule minorit6 s'est distingu6e de manibre exceptionnelle dans l'industrie. Au XIXe sidcle, les quakers britanniques ont pratiquement contr616 - dans leurs iles - la production et la transformation du fer; ils ont exerc6 une influence consid6rable dans la fabrication du cacao et des produits chocolat6s; dans le savon, la phar- macie, la brasserie, la biscuiterie, la porcelaine, la chaussure, ils ont jou6 un r81e moindre mais important; ils se sont illustr6s de fagon notable dans la construc- tion, puis le contr6le financier des moyens de communication (canaux, chemins de fer, banque, presse locale et provinciale). Tout le monde connait d'ailleurs certaines de ces familles d'industriels quakers (les Rowntrees, les Lloyds, les Cadburys, les Barclays, etc.) et peut dire avec quelles activit6s et quels produits elles sont li6es.

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Nombreux parmi les dirigeants d'entreprises familiales, les quakers ont acquis la reputation d'industriels vigoureux, efficaces et honnates; leur attention au bien-8tre de leurs employds et leurs r~alisations dans le domaine social - l'int6rieur et a l'ext6rieur de leurs usines - leur a ~galement valu une r6putation justifi6e de philanthropie et de progressisme social. II faut savoir que les m~mes industriels quakers se sont engages r6solument en faveur du parti lib6ral dans la vie politique locale et nationale, et que, par refus de leur part autant que par une exclusion de la part de l'establishment, ils n'ont jamais fait partie ni cultu- rellement ni par relations familiales des couches dirigeantes.

Comment expliquer le succbs des quakers dans le domaine industriel? D.B. Windsor se penche sur cette question dans son chapitre de conclusion. II insiste sur certains facteurs: la solidarit6 et la solidit6 des r6seaux familiaux, prot6ges par la pratique de l'endogamie (B motivations religieuses), et confortis par une judicieuse politique d'alliances matrimoniales (~ motivations 6conomi- ques); l'absence de tradition normative et de clerg6 professionnel dans la Soci6t6 des Amis, absence qui, selon l'auteur, favoriserait l'esprit d'initiative; la circula- tion constante d'hommes et d'id6es - pas seulement religieuses - dans le r6seau des communaut6s quakers (comme le pr6c6dent, ce facteur favoriserait la nova- tion); la fermeture des universit6s et des public-schools aux non-conformistes, ainsi que leur exclusion juridique de certaines charges et activit6s publiques (jusqu'aux lois d'6mancipation dans la premiere moiti6 du XIXe sidcle) les forgaient & rechercher une instruction et des activit6s dans des domaines & eux ouverts et peu occup6s; I'6tude des applications scientifiques et la r6flexion sur la pratique commerciale, etc., furent de ceux-l&; les vertus de l'6thique protestante, fortement valoris6e par les quakers, s'ajoutent aux facteurs pr6c6dents pour expli- quer, selon D.B. Windsor, le succhs de ces sectaires en matibre industrielle, entre autres; succhs consciemment et syst6matiquement organis6 par l'importance accor- d6e & un apprentissage sp6cialis6, s6rieux et prolong6, & la maitrise des techniques de la comptabilit6 et de l'administration des affaires, etc. Les aspects philan- thropiques et a sociaux A de l'action des industriels quakers apparaissent lies & la vision du monde propre & la Soci6t6 des Amis; c'est ce que l'auteur nous assure, non sans souligner, cependant, mais sans offrir d'exemples pr6cis, que philanthropie et politique a sociale > n'allaient pas, chez les int6ressis, sans une conscience assez claire de leurs int6rats bien compris; ce point m6riterait sore- ment d'&tre fouill6 plus avant.

On ne comprend pas pourquoi l'auteur d6clare p6remptoirement (p. 166) que la comparaison de ces quakers avec d'autres groupes non-conformistes serait o superficielle > par principe. Que la Soci6t6 des Amis n'entretienne pas, du point de vue id6ologique, le meme rapport au monde que la plupart des sectes ou Eglises libres n'empache pas de se demander - entre autres questions pos- sibles - si, dans la vie pratique, tous ces groupements se r6vblent cons6quents avec leur id~ologie et pourquoi. En l'occurrence, la comparaison aurait &t6 utile, si D.B. Windsor s'6tait souci6 de science des religions plus que d'histoires de families et d'illustration du quak6risme. En tout cas, notre connaissance du cas mennonite frangais (3), dans lequel on voit une autre infime minorit6 se bitir une r6putation m6rit6e dans l'agriculture, nous persuade que la comparaison eOt 6t6 f6conde avec l'exemple des quakers britanniques. Sans doute eft-elle men6 l'auteur de Quaker Enterprise & se poser quelques questions critiques & propos de certains facteurs explicatifs - selon lui - du succ&s quaker britannique

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SECTES

dans l'industrie: ainsi l'absence de tradition normative est-elle, dans le cas en question, aussi 6vidente que D.B. Windsor le pr6tend, et le refus thborique d'un clerg6 professionnel emp~che-t-il l'existence de professionnels d6guis6s en ce domaine ? (cf. E.A. ISICHEI, a Organization and Power in the Society of Friends (1853-1859) ,, Arch, 19, 1965, pp. 31-50). Quoi qu'il en soit, Quaker Enterprise constitue un apport non n6gligeable t l'6tude des rapports entre religion et succhs professionnel, dans une vis6e qui, pour n'6tre pas explicitement celle de Max Weber, renvoie pourtant g L'Ethique protestante et i Economie et Socidtd.

MILLINARISME ET SOCI1TA

Dans l'esprit de beaucoup, I'6vocation du millinarisme renvoie au Moyen Age occidental et, t notre 6poque, aux pays sous-d6velopp6s. I1 est entendu que ce ph6nomine concerne les classes inf~rieures, ou des ethnies frustr6es de leur culture et de leur avenir par quelque conqu~rant. Pourtant, il existe aussi un courant et des groupes millinaristes chr6tiens occidentaux modernes qui r6pon- dent mal & la description pr6c6dente; surtout si l'on tient aussi & ce que le mill6narisme constitue toujours un mouvement de nature pr6-politique.

Un historien ambricain sp6cialiste du mill6narisme dans les Etats-Unis du XIXe si~cle avait d6j&, il y a peu, attir6 l'attention sur la difficult6 que nous venons de dire; il avait remarqu6, en particulier, que les th6ories explicatives des sociologues, ethnologues et anthropologues ne valaient pas pour ce ph~nombne et d'autres ph6nombnes parallbles du XIXe si~cle britannique (et europ6en en g6n6ral) (4). L'ouvrage de W.H. Oliver, historien lui aussi, sur les proph&tes et les mill6naristes divers en Angleterre, entre 1790 et 1840, va dans le mime sens. 1 n'apporte pas de nouvelle th6orie ni de compl6ment & une th6orie pr6c6dente; mais ses notations, remarques et pr6cisions de caractbre g~n6ral se r6vblent pr6- cieuses en vue d'une apprehension et d'une appreciation plus juste du ph6nomine mill6nariste dans son ensemble.

W.H. Oliver ne pr6tend pas donner un tableau exhaustif des manifestations de mill~narisme dans le cas anglais et le demi-sidcle qu'il retient. L'int~rat pour les probl~mes du millinarisme est apparu & l'auteur en 6tudiant l'utopiste Robert Owen et, subsidiairement, le mouvement saint-simonien en Angleterre. On observe, chez Owen et Saint-Simon, une forme laicis6e de millinarisme; de plus, l'entourage de l'Anglais li6 par certains de ses membres avec l'enseignement du philosophe frangais et ses diffuseurs en Angleterre, renvoie aussi, par certains autres proches d'Owen, & l'illuminisme de Joanna Southcott; celle-ci, on le salt, 6tait porteuse d'un mill~narisme classique, et pr6tendait & un r61e privil6gi6 dans les temps de la fin. En remontant la filibre ainsi ouverte, I'auteur s'est trouv6 confront6 avec une turba magna dont les 6l6ments s'6chelonnent le long des sidcles depuis le premier de notre are, et qui prennent leur inspiration dans l'Ancien Testament.

L'ouvrage commence par l'6vocation, sur deux chapitres, de ce long h6ritage fait d'images, de textes, d'interpr6tations toujours & l'oeuvre dans toute forme chr6tienne de mill6nium. Le dix-neuvibme sidcle britannique est ensuite 6tudi6 sur sept chapitres (le onzibme et dernier formant une conclusion rapide... et qui se veut prospective). Dans l'ensemble, W.H. Oliver accorde une attention secon- daire seulement aux id6ologies, personnages et groupes mill6naristes d'origine sociale inf6rieure (Working class sects), relativement nombreux au XIXe sidcle.

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Les cas en question ne sont 6voqu6s que lorsque cela se r6vile n6cessaire h la th~se g6n6rale de l'auteur. Par contre, I'accent porte trbs nettement sur les id6o- logies, courants, groupes relevant des classes moyennes et sup6rieures. L'image globale du mill6narisme britannique au XIXe sibcle se r6vble ainsi fort composite : toutes les classes sociales, par certains de leurs membres, ont donn6 dans la sp6culation apocalyptique et attendu, avec confiance et anxi6t6 B la fois, l'inau- guration d'une Are nouvelle du monde. Dans les classes les plus hautes, le ph6no- mane se manifeste en particulier dans les cercles autour d'E. Irving et de Henry Drummond qui donneront naissance A la Catholic Apostolic Church (5); dans les plus basses - entre autres personnages et mouvements - notons, avec l'auteur, Joanna Southcott et ses disciples, John Ward, ouvrier, agitateur politique et a vrai messie >; mais il y en a d'autres (6); dans les classes moyennes, alors en ascension et extension notables, les id6es mill6naristes s'expriment autour des protagonistes du mouvement d'Oxford, J.H. Newman en premier lieu.

On regrette ici que l'auteur n'ait pas accord6 un minimum d'attention h J.N. Darby, aux Plymouth Brethren et aux Open Brethren, parmi lesquels les classes moyennes se trouvent bien repr6sent6es, en m~me temps que les classes sup6rieures. C'est un trait remarquable, en effet, de ces mouvements mill6na- ristes du XIXe si~cle anglais, qu'ils attirent h eux - autour d'un noyau central appartenant i une classe donn6e - des gens provenant d'autres classes: autour de Joanna Southcott et des prol6taires qui la suivent, on apergoit une frange de personnages d'un statut social relativement 61ev6 et d'une certaine fortune. De mime, le mouvement autour d'E. Irving et de H. Drummond recrute parmi les classes les plus hautes et les diverses couches des classes moyennes. Ces donn6es m6ritaient d'8tre soulign6es, croyons-nous. Elles auraient permis d'61ucider mieux que cela n'est fait ici - en termes assez vagues - le rapport entre les classes diverses et les mill6narismes vari6s de la conjoncture retenue.

L'A. pr6fire insister sur le fait brut d'une pr6sence de l'ensemble des classes sociales dans le mill6narisme britannique au XIX" sidcle. I1 note - non sans quelque 6tonnement - qu'd cette 6poque relativement proche de nous la r6flexion sur I'apocalyptique et le mill6nium constituaient des activit6s parfaitement hono- rables pour les th6ologiens, les hommes d'Eglise en g6n6ral, tous les sp6cialistes des choses religieuses, et pour les croyants ordinaires de toutes origines et occu- pations. Certes, il existait aussi dans le Royaume-Uni, au XIXe sidcle, des tendances ou des hommes oppos6s h ce genre de sp6culations; mais ils ne parve- naient pas h imposer leur loi & leurs concitoyens. L'auteur souligne encore la varidt6 des interpretations donn6es au millinarisme tant au cours de son histoire que dans la conjoncture 6tudi6e. La manibre dont il retient dans son livre l'en- semble de ces tendances sans en exclure aucune gonfle peut-&tre un peu facilement les contours du ph6nomine: ainsi, l'a-mill6narisme de la tradition augustinienne semble mieux caract6ris6 par son prdfixe privatif que par son radical, en l'occur- rence peu descriptif. Mais peu importe, car l'6tude d'Oliver montre bien que le problime de la fin des temps, de son sc6nario, et l'attente du retour du Christ hante, d'une fagon ou d'une autre, un grand nombre de Britanniques entre 1790 et 1840, et ceci quelle que soit l'interpr6tation qu'ils retiennent du mill~nium lui-mime. L'imagerie et le discours apocalyptiques semblent former alors un bien commun B l'ensemble de la population britannique, ind6pendamment de ses appartenances de classes, ou de ses choix religieux; cette imagerie et ce discours servent d'outil analogique h l'appr6hension, h l'analyse, et A la d6nonciation des

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situations politiques, lorsque celles-ci semblent 6chapper, comme n6cessairement, t tout effort humain de changement pour le a bien >. Les pages oii l'auteur met en relief le caractbre politique - au sens le plus large - de toute sp6culation apocalyptique sont particulibrement bien venues. Il se r6vble moins convaincant lorsqu'il veut montrer que les acteurs sociaux non-religieux eux-memes sont oblig6s d'avoir recours au discours et & l'imagerie apocalyptiques pour exprimer leur utopie sociale.

La R6volution et l'Empire napol6onien entrent pour beaucoup dans la pous- s6e de mill6narismes observables entre 1790 et 1840, dans le monde protestant en g6n6ral, et anglo-saxon en particulier (cf. H. DESROCHE, < Micromill6na- rismes et communautarisme utopique en Am6rique du Nord du XVIIe au XIXe sidcle >, Arch., 4, 1957, pp. 57-92). Ce mill6narisme aux formes vari6es remplit des fonctions diff6rentes selon les groupes porteurs. Ainsi, celui des classes sup6rieures exprimerait, selon W.H. Oliver, la peur des nantis ou des satisfaits devant la mise en cause des fondements de la soci6t6 europ6enne d'Ancien r6gime par la R6volution frangaise et ses prolongements napol6oniens. Dans cette perspective, la R6volution et souvent aussi la modernit6 en g6n6ral apparaissent comme la manifestation de 1'Antichrist dans ses efforts pour s'assurer la domination du monde; l'6chec de cette tentative est garantie par avance, ainsi que le sort final peu enviable de Satan et de ses s6ides (les r6volutionnaires); mais avant cette conclusion heureuse, les a saints > (les non-r6volutionnaires) devront souffrir beaucoup; t moins que, peut-8tre, la plupart des hommes ne finissent par se convertir, et 6chapper ainsi aux sollicitations du Mauvais.

Par contre, le mill6narisme des groupes d'origine sociale inf6rieure exprime une perspective inverse. Il sert i d6noncer les in6galit6s sociales, et i mettre en jugement (symboliquement) les classes li6es h l'existence et au maintien de ces in6galit6s. Ici, la R6volution frangaise ou m~me Napol6on peuvent se voir attri- buer un r6le positif dans le d6roulement du dessein divin.

Mais pour I'auteur, la R6volution frangaise et ses suites ne sont pas seules res- ponsables des mill6narismes qu'il 6tudie. Depuis la fin du XVIIIe sidcle, la Grande- Bretagne connaissait des bouleversements divers, sociaux et politiques, li6s en particulier avec l'industrialisation et ses cons6quences vari6es. De 1k, tout au cours de la p6riode consid6r6e, une atmosphire d'appr6hension et d'angoisse g6n6ralis6es, i laquelle les 6v6nements de France vinrent s'ajouter de fagon d6ci- sive. W.H. Oliver explique la r6partition transversale du mill6narisme dans la soci6t6 britannique et le fait qu'il n'a jamais form6 un mouvement d'importance majeure, en d6pit de sa diffusion dans l'ensemble social par le concept de < groupe victime >. Dans chaque classe ou couche sociale, un nombre minime de gens souffraient profond6ment des bouleversements en cours: c'6tait 1l le a groupe victime >; d'autres, plus nombreux, tiraient profit des mimes 6v6nements ou se croyaient autoris6s 7 penser qu'ils n'y perdraient pas; la plupart des membres d'une classe ou d'une couche sociale se situaient probablement B 6gale distance de ces deux extremes. Dans le a groupe victime > lui-mime, d6jt minoritaire, une mino- rit6 seulement r6agissait favorablement h une interpr6tation mill6nariste de la situation. On le notera, ce module explicatif contredit - au moins partiellement - les consid6rations de l'auteur sur l'apocalyptique comme langage symbolique de la soci6t6 britannique dans son ensemble.

Les historiens du XIXe sidcle britannique jugeront avec leurs critbres propres l'ouvrage de W.H. Oliver. Notons que, de notre point de vue, il apporte un mat6-

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riau et des rdflexions d'importance non n~gligeable B la revision en cours des theories explicatives du ph~nombne mill~nariste. Pour cette raison, au moins, il m6ritait d'&tre signal6 ici.

UNE SECTE MILLANARISTE: LES TAMOINS DE JiHOVAH

On ne quitte pas le mill6narisme avec le livre de Miriam Castiglione sur les Timoins de J6hovah en Italie. L'auteur s'efforce, dans une premiere partie, de situer les T6moins parmi les autres groupes et mouvements de la a nouvelle reli- giosit6 >. Elle les range avec les mouvements charismatiques et n6o-pentecatistes, qui se recrutent eux aussi - nous est-il affirm6 - parmi les couches sociales subalternes de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine, dans le prol6tariat, les activit6s tertiaires et les artisans ruraux; par contre, les mouvements religieux d'origine extra-occidentale atteindraient quasi uniquement des porteurs de l'actuelle a culture des jeunes >.

Tous ces groupements et mouvements de la < nouvelle religiosit6 > posshdent en commun un antiinstitutionalisme qui les rapproche, apparemment, de certains mouvements actuels de transformation sociale, dont certains sont aussi d'inspira- tion ou de coloration religieuse (les groupes de base). Mais, affirme M. Casti- glione, l'antiinstitutionalisme des charismatiques ou des T~moins de J6hovah repose sur une ambiguit6 : il affecte le domaine de la vie priv6e seulement, et se d6sint6resse de la soci6t6 globale. Ces groupes reproduisent, en fait, les struc- tures existantes.

La seconde partie du livre concerne les T6moins exclusivement. L'auteur apporte, sur leurs croyances et leur histoire, le fruit de lectures nombreuses; et, sur leur pratique quotidienne, le r6sultat d'une enquite ponctuelle (dans un quartier populaire de Bari), r6duite dans le temps (trois mois), mais fort bien conduite. M. Castiglione caract~rise la doctrine des T6moins comme < une "apoca- lyptique du consensus", qui rassemble sans transformer, qui s6pare du "monde" sans parvenir g le d6fier, qui pose des rkgles 6thiques peut-&tre "cofiteuses" pour les individus, mais pas contestatrices, en substantielle continuit6 avec l'6thique traditionnelle du catholicisme le plus mod6r6 >.

Appr6ciation qui rejoint l'opinion assez r6pandue des sociologues anglo- saxons des sectes, pour qui celles-ci < socialisent aux valeurs dominantes >. Nous avons d6ji dit ailleurs notre opinion sur ce sujet: pour nous, mime les sectes les moins radicales dans leur pratique concrite ne socialisent pas proprement et simplement aux valeurs dominantes. Il se pratique, dans ces groupes, comme dans tous les autres a groupements volontaires utopiques >, une a socialisation uto- pique > aux valeurs faite de filtrage, de manipulation, de s6lection, de d6phasage, par rapport aux valeurs de la soci6t6 globale; cette diff6rence doit &tre prise en compte, croyons-nous, pour appr6hender correctement le rapport de ces groupe- ments au a monde > (7). Cette remarque laisse entibres, bien entendu, les qualit6s d6j& not6es du petit livre de M. Castiglione.

* RELIGION POPULAIRE > ET EGLISE DOMINANTE

D'une certaine fagon, I'ouvrage collectif intitul6 Chiesa e religione del popolo renvoie aux m~mes probl&mes que celui, pr6c6dent, sur les T6moins de J6hovah. Les cinq auteurs qui y ont collabor6 traitent de religion a populaire >. G. Guiz-

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zardi ouvre le feu par une salve th6orique; les quatre autres auteurs se penchent, par contre, sur des cas concrets.

Pour Guizzardi - dont le point de vue semble partag6, pour l'essentiel, par les autres collaborateurs -, le a populaire > ne posside pas d'existence propre; le a dominant

, non plus, d'ailleurs. L'un et l'autre prennent r6alit6 dans

un rapport de n6cessit6 mutuelle. Le < populaire > est produit par le < dominant > comme la partie par le tout. Entre l'un et l'autre l'6change apparait inigal: le ( populaire > est - aussi - un ~ produit h6g6monique >. Incapable de dominer parce que d6pourvu des outils conceptuels n6cessaires et que seul le a dominant > posside, le < populaire > reproduit de fait ce dernier, par ce qui nous parait une fatalit6 structurelle. Pourtant, le a populaire > se pr6sente B nous comme la mesure premiere des choses, leur source, comme une r6alit6 m~ta-historique. Pour Guizzardi, il faut soulever le voile - en I'occurrence transparent - de l'id0o- logie; dis lors, le a populaire > apparait pour ce qu'il est, un produit d'un rapport hMg6monique, sur le fond de la crise du consensus social affectant aujourd'hui la plupart des institutions sociales.

Aprbs cet apport th6orique, C. Prandi 6tudie la littdrature a populaire > de d6votion, c'est-&-dire la production pieuse 6crite pour le peuple par des membres des instances hig6moniques. Le social ici se dissout dans l'individuel et l'interpersonnel; les conflits se r6solvent par l'observation des devoirs d'6tat et des devoirs envers le prochain; la famille et la conservation sociale sont privil6- gides. Pour Prandi, la litt6rature qu'il examine se donne pour finalit6 - et remplit la fonction - d'inculquer aux classes les plus basses une vision du monde favo- risant le maintien du statu quo social. Par le moyen de cette id~ologie et grace au monopole de fait dont elle jouit dans la soci6t6 italienne, l'Eglise catholique a pu contr6ler jusqu'a l'avinement de la soci6t6 de consommation, l'ethos social.

Avec M. Castiglione et sa contribution sur les cultes < extra-liturgiques > observ6s dans les Pouilles (r6gion de Foggia), on quitte le pass6 et les m6thodes d'une sociologie historique pour entrer dans l'ethnologie d'une soci6t6 contem- poraine. Les cultes dont parle ici I'auteur sont n~s et se sont structur6s autour de visions et de visionnaires issus des classes inf6rieures. Ni ce dernier caractbre, ni l'h6tbrodoxie de ces ph6nomhnes et de ces leaders n'empchent qu'ils v~hi- culent, pourtant, la mime iddologie globale que le catholicisme dominant. D'ail- leurs, selon M. Castiglione, l'Eglise catholique utilise et manipule ces manifes- tations de religion populaire dans la strat6gie qu'elle d6ploie en vue de maintenir les valeurs sociales qu'elle d6fend.

L'6tude d'E. Pace sur le mouvement charismatique, le mouvement ndo- caticumenal, les a cursillos > et autres groupes semblables nous ramhnent au contexte urbain et dans les r6seaux orthodoxes. L'auteur utilise les travaux socio- logiques d6ja publi6s sur les formations en question pour structurer sa r6flexion th6orique - fortement critique - autour du concept de s6cularisation. Il note que ces groupes cultivent la subjectivit6 inter-individuelle et la fraternit6 des rapports imm6diats. En demandant i l'Eglise catholique de leur procurer une identit6, ils lui offrent en meme temps la possibilit6 de ricup6rer et de canaliser g son profit ce qui repr6sente, par excellence, un produit de la privatisation de la religion caract6ristique des soci6tis occidentales actuelles. Par l, l'Eglise retrouve une position centrale, dont elle semblait exclue par la s6cularisation.

L'6tude d'A. Morosi analyse les thames trait6s dans l'hebdomadaire catho-

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lique Famiglia Cristiana (7.000.000 de lecteurs), retenu comme a populaire > parce que destin6 au < grand public >. Les conclusions de ce travail rejoignent celles de C. Prandi pour les XVIIIe et XIXe siacles; avec cette diff6rence, cepen- dant, qu'ici l'on a affaire i une production de type ( mass-media >, dans le cadre d'une soci6t6 de consommation.

L'ouvrage collectif, plein d'information, de r~flexion, riche d'un dur travail d'analyse, et dont nous venons de dire le contenu, t6moigne de l'activit6 soutenue d'une 6quipe de l'Universit6 de Padoue; il se caract6rise par la vari6t6 des m6thodes mises en oeuvre (r6flexion th6orique, histoire, ethnologie, analyse de contenu, etc.), et par l'unit6 de pens6e qui se r6vble entre les divers collabora- teurs. En d6pit de ses qualit6s nombreuses et ind6niables, ce livre nous fait problime sur un point ou deux. D'une part, il reflite une part ind6niable de la r~alit6 lorsqu'il met en relief les effets h6g6moniques du monopole id6ologique incontest6 de l'Eglise catholique en Italie. Mais doit-on s'arr~ter 1~ ? Aucun groupe religieux - hors du catholicisme, en marge de lui ou en son sein - ne saurait-il 6chapper h cette h6g6monie ? Ne se cache-t-il nulle part aucun ferment de contestation, aucun - en tout cas - qui ne soit directement, quasi-automa- tiquement, et int6gralement a r6cup6rable > et < r6cup6r6 > par l'Eglise et les classes dominantes ?

Engels lui-m~me cr6ditait la pr6dication de l'Arm6e du Salut d'une 6ven- tuelle fonction utopique: a L'Arm6e, 6crit-il, fait revivre la propagande du christianisme primitif, d6clare que les pauvres sont des 61us, combat le capita- lisme t sa manibre religieuse et entretient ainsi un 616ment primitif d'antagonisme chr6tien de classe, susceptible de devenir un jour dangereux pour les poss6dants qui sont aujourd'hui ses bailleurs de fonds > (8). Nous conc6derons volontiers le caractbre g6ndreux de l'analyse ici offerte; elle n'en contient pas moins des nota- tions de port6e g6ndrale qui m6ritent attention. L'id6e, en particulier, que la r6f6rence aux textes du christianisme primitif (et aux images que cette seule 6vocation provoque, ajouterons-nous avec E. Troeltsch) contient un 616ment de protestation socio-religieuse potentiellement dangereuse pour le statu quo de notre soci6t6 contemporaine nous parait devoir &tre retenue.

La question - multiple - se pose d~s lors: les groupes et les productions culturelles 6tudi6es par les auteurs de Chiesa e religione del popolo ne sont-ils done - aucun d'eux - porteurs d'aucune potentialit6 au moins implicite de protestation ? Ou doit-on tenir pour rien la < protestation passive > dont parle Gramsci, et qu'il considbre comme une forme de a r6sistance dilu6e et p6nible > (9)? Et 6valuera-t-on n6gativement - et comme par n6cessit6 - toute tentative de ( vivre autrement > en petits groupes, parce que la soci6t6 globale ne s'en trouve- rait pas affect6e ? Mais est-ce si certain (10)? Et toute protestation doit-elle n6cessairement &tre tournm6e vers la d6nonciation et passer par l'engagement poli- tique - M. Castiglione le sugg6rait dans son livre sur les T6moins de J6hovah - pour &tre capable d'effets concrets ? Que fait-on d~s lors des effets non-recherch6s, et des mouvements politiques dont la protestation reste verbale ou se trouve d6tourn6e au profit des acteurs sociaux qu'ils d6noncent ? Enfin, l'analyse socio- logique se trouverait-elle condamn6e i ne rien saisir d'autre, dans les fonction- nements sociaux, que des reproductions totalement fiddles ou, alternativement, des changements radicaux ? Nous ne le pensons pas. Selon nous, I'existence et l'importance - variable, selon les cas - de ph6nomines de protestation peu ou faiblement radicaux (mais pas moins protestataires pour autant) n'ont pas, jusqu'ici,

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suffisamment retenu l'attention des chercheurs. L'appr6ciation exacte des conjonc- tures passe pourtant par ce raffinement des approches auquel nous appelons.

Au nom de la m~me exigence, nous aimerions aussi voir un minimum de diff6renciation introduit entre les groupes 6tudi6s: ainsi, toutes les sectes n'entre- tiennent pas le mime rapport au monde, ni ne v6hiculent le m~me degr6 de protestation, ni ne reproduisent - 6ventuellement - les valeurs de la soci6t6 de la m~me fagon. On peut en dire autant de tous les groupes et mouvements internes g une Eglise, et dont I'iddologie ou/et les pratiques marquent une quel- conque diff6rence avec l'id6ologie et la pratique communes.

Nos remarques sur Chiesa e religione del popolo visent l'unilat6ralit6 que nous croyons d6celer dans les analyses propos6es. Elles n'enlbvent rien B la valeur des observations pr6sent6es, lesquelles paraissent utiles t l'avancement de la recherche. II 6tait bon, en effet, de s'attaquer frontalement au mythe du < popu- laire > comme matrice intemporelle et f6conde de toute production protestataire. De ce point de vue, la critique sans piti6 des auteurs ici r6unis m6rite d'&tre salu6e pour sa justesse.

*

Des six ouvrages retenus dans la pr6sente note, trois - ceux de W. Oliver, de M. Castiglione, de G. Guizzardi et al. - renvoient clairement et volontaire- ment, par leurs analyses, de la marge au centre. Non pas parce que la premiere prendrait sens seulement en r6f6rence

t la seconde, mais parce que le texte ne

respire, c'est-8-dire ne vit, que par les marges et les blancs qu'il produit. La r6ci- procit6 des rapports entre le centre et la marge - r6ciprocit6 6ventuellement conflictuelle - apparait essentielle au fonctionnement et t l'existence de l'une et de l'autre. La marge r6vile le centre et n'existe pas sans lui; d'oi son int6r&t scientifique. Tout 6clairage jet6 sur le non-texte est, de ce point de vue, bien venu; implicitement ou explicitement, syst6matiquement ou non, il renvoie au centre des conjonctures et des soci6t6s, au coeur aussi des interrogations scienti- fiques B leur sujet. D'oi l'int6r~t que l'on peut trouver g des ouvrages traitant de ph6nomines dits < marginaux >.

Jean SAGUY Groupe de Sociologie des Religions

C.N.R.S.

NOTES

(1) On sait la spectaculaire r6ussite amish en ce domaine, dans les Etats-Unis actuels; ld-dessus voir l'ouvrage disormais classique de John A. HOSTETLER, Amish Society (recens6 en Arch., 20, n0 220 pour sa premiere 6dition; ibid., 51, n0 443, pour sa troisibme); le m~me auteur vient d'6crire un trbs concis guide de la vie amish (Amish Life, Scottdale (Pennsylvanie) et Kitchener (Ontario), Herald Press, 1981, 40 p.) abondamment et parfaitement illustr6, et imprim6 sur papier glac6. Destin6 au grand public intrigu6 par le cas amish, ce petit livre constitue un exemple d'intelligente et experte vulgarisation.

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(2) Deux parutions r~centes en France dans le domaine anabaptiste: Alfred MICHIELS, Les Anabaptistes des Vosges, r6d. de l'6dition de 1860, Introduction et notes de Jean SAGuY et John H. YODER, Strasbourg, J.-P. Gyss, 1980; et Freddy RAPHAEL (sous la direction de), Les Anabaptistes mennonites d'Alsace : destin d'une minorit, livraison sp~ciale de Saisons d'Alsace (Strasbourg), 25, n. s., nA 76, 1981; articles de M. BRIGNON, M. DURRIVE, G. et M.-T. FISCHER, C. JAROME, B. KELLER, G. KOCH, M. LIENHARDT, J. MATAS, J. ROTTrr, J. SAGUY, D. VARRY.

(3) J. SeGUY, Les Assemblies anabaptistes mennonites de France, Paris et La Haye, Mouton et Cie, 1977.

(4) Ernest R. SANDEEN, ( The "Little Tradition" and the Form of Modern Millenarism ", Annual Review of the Social Sciences of Religion, 4, 1980, p. 165-181.

(5) Dont les membres sont parfois, et abusivement, d6nomm6s Irvingites. (6) E.T. THOMSON, The Making of the English Working Class, Harmondsworth, Penguin

Books, 1968.

(7) J. SBGuY, a La Socialisation utopique aux valeurs >, Archives de Sciences Sociales des Religions, 50/1, 1980, pp. 7-21.

(8) Friedrich ENGELS, Socialisme utopique et socialisme scientifique, Paris, Editions Sociales, 1969, pp. 49-50.

(9) Sur le concept de ' protestation passive ,, voir Antonio GRAMSCI, Quaderni del Carcere, Turin, Einaudi, 1973, p. 748; ainsi que pp. 1228-1229, 1389, 1775-1778.

(10) Lh-dessus, voir les lignes consacries au christianisme primitif comme r6volution au sens plein, dans A. GRAMSCI, L'Ordine Nuovo, Turin, Einaudi, 1974, p. 154.

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