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1 Liste définitive pour l’oral de Français 1°S5 lycée H. Matisse de Cugnaux (31270) année 2002-03

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Liste définitive pour l’oral de Français

1°S5

lycée H. Matisse de Cugnaux (31270)

année 2002-03

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recommandations de dernière minute : le jour de l’oral, vous devez présenter la liste des textes à votre examinateur, et vous munir de deux exemplaires de chaque texte (y compris les œuvres complètes) afin de présenter votre travail dans les meilleures conditions Vous avez 30 min. de préparation, pendant lesquels vous disposez de tous les textes Pendant les 10 premières minutes, vous exposez votre analyse du texte, qui en rend compte le plus précisément possible, tout en répondant à la question posée par l’examinateur, vous devez, dans l’ordre :

présenter le texte (auteur, œuvre, contexte) lire le texte intégralement donner votre problématique et vos axes de leture conclure en marquant clairement que vous avez mené votre analyse à son

terme, et en fiasant le lien avec les autres textes de la séquence Pour l’entretien, pensez à conserver avec vous la totalité des textes de la séquence à portée de main (ils pourront toujours être utiles).

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Séquence # 1 Comment exposer sa pensée

objet(s) d’étude, perspectives et orientations principales (problématique retenue)

Problématique : Comment témoigner d’un raisonnement, l’exposer et convaincre ses lecteurs. objet d’étude : 3. Argumenter et délibérer : l’essai, le dialogue et l’apologue

Groupements de textes

1. Différents moyens d’exprimer sa pensée 1. Pascal, Pensées, Br 139 / Laf. 136 « Divertissement » (manuel Hachette 2001 p. 72) 2. Voltaire, Lettres Philosophiques, V, du début à « laquelle exerce bien la patienœ chrétienne de ces Messieurs » 3. Diderot, Le Neveu de Rameau, définition du plaisir (texte joint) 2. Transmettre sa pensée par la métaphore de l’apologue 4. Marguerite de Navarre, Héptaméron, Onzième nouvelle

Œuvre intégrale

Lectures analytiques

Extraits

Montesquieu , Les Lettres persanes 1. Lettre XIV 2. Lettre XXIX 3. Lettre XCIX 4. Lettre CLXI

Lecture(s) cursives

Activités proposées à la classe par le professeur

Peinture et argumentation Plusieurs tableaux et photographies ont été étudiés comme des moyens de véhiculer un message moral ou politique, dont : Boticelli, Pallas et le Centaure, 1482 Rubens, Le débarquement de Marie de Médicis au port de Marseille, 1621-25 Dürer, Autoportrait à la fourrure, 1500 la fable lecture d’un fable et de ses versions antiques et médiévales, mise en abyme du rôle didactique de la fable Jean de La Fontaine, Fables, « le laboureur et ses enfants » (lib. II fab. IX)

Lectures et activités personnelles

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Argumentation 1 :

Les Pensées de Pascal

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Divertissement. - Quand je m'y suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s'exposent dans la Cour, dans la guerre, d'où naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j'ai dit souvent que .tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s'il savait demeurer chez soi avec plaisir, n'en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d'une place. On n'achètera une charge à l'armée si cher, que parce qu'on trouverait insupportable de ne bouger de la ville; et on ne recherche les conversations. et les divertissements des jeux que parce qu'on ne peut demeurer chez soi avec plaisir.

Mais quand j'ai pensé de plus près, et qu'après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j'ai voulu en découvrir la raison, j'ai trouvé qu'il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler lorsque nous y pensons de près.

Quelque condition qu'on se figure, si l'on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde, et cependant qu'on s'en imagine, accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher, s'il est sans divertissement et qu'on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu'il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point, il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent, des révoltes qui peuvent arriver et enfin de la mort et des maladies, qui sont inévitables; de sorte que s'il est sans ce qu'on appelle divertissement, le voilà malheureux, et plus malheureux que le moindre de ses sujets qui joue et qui se divertit.

Blaise Pascal (1623-1662), Pensées (n° 168 éd. Sellier, n° 139 éd. Brunschvicg, n° 136 éd. Lafuma), 1670

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Argumentation 2

Voltaire, Lettres Philosophiques

Après qu'ils se sont disputé pour des raisons de titre, le chevalier de Rohan Chabot fait bastonner Voltaire à sa porte. Plutôt que de poursuivre Rohan en justice, Voltaire préfère le provoquer en duel, ce que la loi réprouve. Dénoncé, Voltaire est pris le dans la nuit du 17 au 18 avril 1726 et embastillé. Il est libéré après avoir promis de quitter la France, et il s'embarque en mai 1726 pour l'Angleterre. C'est pendant son exil londonnien qu'il rédige les 25 lettres anglaises publiées une première fois sous le titre de Lettres Philosophiques en 1731. Elles ont été plus tard remaniées et portent en germe le Dictionnaire philosophique publié en 1764 Les cinq premières lettres sont consacrées aux religions chrétiennes en Angleterre

Cinquième lettre Sur la religion anlicane

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C'est ici le pays des sectes. Un Anglais, comme homme libre, va au Ciel par le chemin qui lui plaît. Cependant, quoique chacun puisse ici servir Dieu à sa mode, leur véritable religion, celle où l'on fait fortune, est la secte des épiscopaux, appelée l'Église anglicane, ou l'Église par excellence. On ne peut avoir d'emploi, ni en Angleterre ni en Irlande, sans être du nombre des fidèles anglicans; cette raison, qui est une excellente preuve, a converti tant de non-conformistes, qu'aujourd'hui il n'y a pas la vingtième partie de la nation qui soit hors du giron de l'Église dominante.1 Le clergé anglican a retenu beaucoup des cérémonies catholiques, et surtout celle de recevoir les dîmes avec une attention très scrupuleuse. Ils ont aussi la pieuse ambition d'être les maîtres. De plus, ils fomentent autant qu'ils peuvent dans leurs ouailles un saint zèle contre les non-conformistes. Ce zèle était assez vif sous le gouvernement des tories, dans les dernières années de la reine Anne; mais il ne s'étendait pas plus loin qu'à casser quelque- fois les vitres des chapelles hérétiques; car la rage des sectes a fini en Angleterre avec les guerres civiles, et ce n'était plus sous la reine Anne que les bruits sourds d'une mer encore agitée longtemps après la tempête. […] Du temps que le comte Harley d'Oxford et milord Bolingbroke2 faisaient boire la santé des tories,l'Église anglicane les regardait comme les défenseurs de ses saints privilèges. L'assemblée du bas clergé, qui est une espèce de Chambre des communes composée d'ecclésiastiques, avait alors quelque crédit; elle jouissait au moins de la liberté de s'assembler, de raisonner de controverse, et. de faire brûler de temps en temps quelques livres impies, c'est-à-dire écrits contre elle. Le ministère, qui est whig aujourd'hui, ne permet pas seulement à ces Messieurs de tenir leur assemblée; ils se sont réduits. dans l'obscurité de leur paroisse, au triste emploi de prier Dieu pour le gouvernement qu'ils ne seraient pas fâchés de troubler. Quant aux évêques, qui sont vingt-six en tout, ils ont séance dans la Chambre haute en dépit des whigs, parce que le vieil abus de les regarder comme barons subsiste encore; mais ils n'ont pas plus de pouvoir dans la chambre que les ducs et pairs dans le parlement de Paris. Il y a une clause dans le serment que l'on prête à l'État, laquelle exerce bien la patienœ chrétienne de ces Messieurs.

1 Avant la révocation de l'Édit de Nantes et ses suites brutales, les Protestants sont tolérés en France, mais ils ne peuvent accéder à un poste publique. 2 Tous deux ministres sous le règne d'Anne, ils furent renversés et respectivement emprisoné et exilé lors de l'avènement de George I

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argumentation 3

Denis Diderot (1713-1784) Le neveu de Rameau,

Rédigé entre 1761 et 1777, publié plus d'un siècle après sa mort en 1891, le Neveu de Rameau met en scène un dialogue entre un philosophe (moi) et Jean-François Rameau (lui), le neveu du compositeur, entre autres, des Indes galantes. De sujet en sujet, il met en scène un personnage de parasite cynique qui réprésente une société décadente et hostile aux philosophes.

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LUI Mais je crois que vous vous moquez de moi. Monsieur le philosophe, vous ne savez pas à qui vous vous jouez; vous ne vous doutez pas que dans ce moment je représente la partie la plus importante de la ville et de la cour. Nos opulents dans tous les états ou se sont dit à eux-mêmes ou ne se sont pas dit les mêmes choses que je vous ai confiées ; mais le fait est que la vie que je mènerais à leur place est exactement la leur. Voilà où vous en êtes, vous autres. Vous croyez que le même bonheur est fait pour tous. Quelle étrange vision! Le vôtre suppose un certain tour d'esprit romanesque que nous n'avons pas, une âme singulière, un goût particulier. Vous décorez cette bizarrerie du nom de vertu, vous l'appelez philosophie. Mais la vertu, la philosophie sont-elles faites pour tout le monde? En a qui peut, en conserve qui peut. Imaginez l'univers sage et philosophe; convenez qu'il serait diablement triste. Tenez, vive la philosophie, vive la sagesse de Salomon: boire de bon vin, se gorger de mets délicats, se rouler sur de jolies femmes, se reposer dans des lits bien mollets. Excepté cela, le reste n'est que vanité. MOI Quoi! défendre sa patrie? LUI Vanité! Il n'y a plus de patrie: je ne vois d'un pôle à l'autre que des tyrans et des esclaves. MOI Servir ses amis? LUI Vanité! Est-ce qu'on a des amis ? Quand on en aurait, faudrait-il en faire des ingrats? Regardez-y bien, et vous verrez que c'est presque toujours là ce qu'on recueille des services rendus. La reconnaissance est un fardeau, et tout fardeau est fait pour être secoué. MOI Avoir un état dans la société et en remplir les devoirs? LUI Vanité! Qu'importe qu'on ait un état ou non, pourvu qu'on soit riche, puisqu'on ne prend un état que pour le devenir. Remplir ses devoirs, à quoi cela mène-t-il ? à la jalousie, au trouble, à la persécution. Est-ce ainsi qu'on s'avance? Faire sa cour, morbleu! faire sa cour, voir les grands, étudier leurs goûts, se prêter à leurs fantaisies, servir leurs vices, approuver leurs injustices: voilà le secret. MOI Veiller à l'éducation de ses enfants? LUI Vanité, c'est l'affaire d'un précepteur. MOI Mais si ce précepteur, pénétré de vos principes, néglige ses devoirs, qui est-ce qui en

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sera châtié? LUI Ma foi, ce ne sera pas moi, mais peut-être un jour le mari de ma fille ou la femme de mon fils. MOI Mais si l'un et l'autre se précipitent dans la débauche et les vices? LUI Cela est de leur état. MOI S'ils se déshonorent? LUI Quoi qu'on fasse, on ne peut se déshonorer quand on est riche. MOI S'ils se ruinent? LUI Tant pis pour eux. MOI Je vois que si vous vous dispensez de veiller à la conduite de votre femme, de vos enfants, de vos domestiques, vous pourriez aisément négliger vos affaires. LUI Pardonnez-moi, il est quelquefois difficile de trouver de l'argent, et il est prudent de s'y prendre de loin. MOI Vous donnerez peu de soin à votre femme? LUI Aucun, s'il vous plait. Le meilleur procédé, je crois, qu'on puisse avoir avec sa chère moitié, c'est de faire ce qui lui convient. A votre avis, la société ne serait-elle pas fort amusante, si chacun y était à sa chose? MOI Pourquoi pas? la soirée n'est jamais plus belle pour moi que quand je suis content de ma matinée. LUI Et pour moi aussi. MOI Ce qui rend les gens du monde si délicats sur leurs amusements, c'est leur profonde oisiveté. LUI Ne croyez pas cela; ils s'agitent beaucoup. MOI Comme ils ne se lassent jamais, ils ne se délassent jamais. LUI Ne croyez pas cela; ils sont sans cesse excédés. MOI Le plaisir est toujours une affaire pour eux, et jamais un besoin. LUI Tant mieux; le besoin est toujours une peine. MOI Ils usent tout. Leur âme s'hébète; l'ennui s'en empare. Celui qui leur ôterait la vie au milieu de leur abondance accablante, les servirait. C'est qu'ils ne connaissent du bonheur que la partie qui l'émousse le plus vite. Je ne méprise pas les plaisirs des sens; j'ai un palais aussi, et il est flatté d'un mets délicat ou d'un vin délicieux; j'ai un cœur et des yeux, et j'aime à voir une jolie femme, j'aime à sentir sous ma main la fermeté et la rondeur de sa gorge, à presser ses lèvres des miennes, à puiser la volupté dans ses

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regards, et à en expirer entre ses bras; quelquefois, avec mes amis, une partie de débauche, même un peu tumultueuse, ne me déplait pas. Mais, je ne vous le dissimulerai pas, il m'est infiniment plus doux encore d'avoir secouru le malheureux, d'avoir terminé une affaire épineuse, donné un conseil salutaire, fait une lecture agréable, une promenade avec un homme ou une femme chère à mon cœur, passé quelques heures instructives avec mes enfants, écrit une bonne page, rempli les devoirs de mon état, dit à celle que j'aime quelques choses tendres et douces qui amènent ses bras autour de mon col. Je connais telle action que je voudrais avoir faite pour tout ce que je possède. C'est un sublime ouvrage que Mahomet3, j'aimerais mieux avoir réhabilité la mémoire des Calas4. Un homme de ma connaissance s'était réfugié à Carthagène; c'était un cadet de famille dans un pays où la coutume transfère tout le bien aux ainés. Là il apprend que son ainé, enfant gâté, après avoir dépouillé son père et sa mère trop faciles de tout ce qu'ils possédaient, les avait expulsés de leur château et que les bons vieillards languissaient indigents dans une petite ville de la province. Que fait alors ce cadet qui, traité durement par ses parents, était allé tenter la fortune au loin? Il leur envoie des secours; il se hâte d'arranger ses affaires, il revient opulent, il ramène son père et sa mère dans leur domicile, il marie ses sœurs. Ah! mon cher Rameau, cet homme regardait cet intervalle comme le plus heureux de sa vie ; c'est les larmes aux yeux qu'il m'en parlait; et moi, je sens, en vous faisant ce récit, mon cœur se troubler de joie et le plaisir me couper la parole. LUI Vous êtes des êtres bien singuliers! MOI Vous êtes des êtres bien à plaindre, si vous n'imaginez pas qu'on s'est élevé au-dessus du sort, et qu'il est impossible d'être malheureux à l'abri de deux belles actions telles que celle-ci. LUI Voilà une espèce de félicité avec laquelle j'aurai de la peine à me familiariser, car on la rencontre rarement. Mais, à votre compte, il faudrait donc être d'honnêtes gens? MOI Pour être heureux? assurément. LUI Cependant je vois une infinité d'honnêtes gens qui ne sont pas heureux et une infinité de gens qui sont heureux sans être honnêtes. MOI Il vous semble.

appendice: voici ce que Diderot fait dire à son propre personnage de la pensée dans ses Entretiens avec d'Alembert: Tenez, mon ami, si vous y pensez bien, vous trouverez qu'en tout notre véritable sentiment n'est pas celui dans lequel nous n'avons jamais vacillé, mais celui auquel nous sommes le plus habituellement revenus.

premier Entretien entre d'Alembert et Diderot

3 tragédie de Voltaire dénonçant le fanatisme 4 protestant accusé d'avoir tué son fils parce qu'il voulait se convertir au catholicisme, condamné et exécuté en 1762. Voltaire obtint sa réhabilitation en prouvant son innocence.

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Argumentation 4 :

Marguerite de Navarre, Heptaméron

Deuxième journée onzième nouvelle

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En la maison de Mme de La Trémouille y avait une dame nommée Roncex, laquelle, un jour que sa maîtresse était allée aux Cordeliers de Thouars, eut une grande nécessité d'aller au lieu où on.ne peut envoyer sa chambrière. Elle appela avec elle une fille nommée La Mothe pour lui tenir compagnie. Mais, pour être honteuse et secrète , laissa ladite Mothe en la chambre et entra toute seule en un retrait assez obscur, lequel était commun à tous les Cordeliers, qui avaient si bien rendu compte en ce lieu de toutes leurs viandes que tout le retrait, l' anneau et la place, et tout ce qui était, étaient tout couverts de moût de Bacchus et de la déesse Cérès passé par le ventre des Cordeliers. Cette pauvre femme, qui était si pressée qu'à peine eut-elle le loisir de lever sa robe pour se mettre sur l'anneau, de fortune s'alla asseoir sur le plus ord et sale endroit qui fût en tout le retrait. Où elle se trouva prise mieux qu'à la glu, et toutes ses pauvres fesses, habillements et pieds si merveilleusement gâtés qu'elle n'osait marcher ni se tourner de nul côté, de peur d'avoir encore pis. Dont elle se prit à crier tant qu'il lui fut possible: «La Mothe m'amie, je suis perdue et déshonorée !» La pauvre fille qui avait ouï autrefois faire des contes de la malice des Cordeliers, soupçonnant que quelques-uns fussent cachés là-dedans qui la voulussent prendre par force, courut tant qu'elle put, disant à tous ceux qu'elle trouvait: «Venez secourir Mme de Roncex que les Cordeliers veulent prendre par force en ce retrait! » Lesquels y coururent en grande diligence, et trouvèrent la pauvre dame de Roncex qui criait à l'aide, désirant avoir quelque femme qui la pût nettoyer. Et avait le derrière tout découvert, craignant en approcher ses habillements, de peur de les gâter. A ce cri-là entrèrent les gentilshommes, qui virent ce beau spectacle et ne trouvèrent autre Cordelier qui la tourmentât, sinon l'ordure dont elle avait toutes les fesses engluées. Qui ne fut pas sans rire de leur côté, ni sans grande honte du côté d'elle. car en lieu d'avoir des femmes pour la nettoyer, fut servie d'hommes qui la virent nue, au pire état qu'une femme se pourrait montrer. Parquoi, les voyant, acheva de souiller ce qui était net, et abaissa ses habillements pour se couvrir, oubliant l'ordure où elle était pour la honte qu'elle avait de voir les hommes. Et quand elle fut hors de ce vilain lieu, la fallut dépouiller toute nue et changer tous habillements avant qu'elle partît du couvent. Elle se fût volontiers courroucée du secours que lui amena La Mothe, mais, entendant que la pauvre fille cuidait qu'elle eût beaucoup pis, changea sa colère à rire comme les autres. « Il me semble, mesdames, que ce conte n'a été ni long ni mélancolique, et que vous avez eu de moi ce que vous en avez espéré!» Dont la compagnie se prit bien fort à rire. Et lui dit Oisille: «Combien que le conte soit ord et sale, connaissant les personnes à qui il est advenu, on ne le saurait trouver fâcheux . Mais j'eusse bien voulu voir la mine de La Mothe et de celle à qui elle avait amené si bon secours ! Mais puisque vous avez si tôt fini, ce dit-elle à Nomerfide, donnez votre voix à quelqu'un qui ne passe pas si légèrement.» Nomerfide répondit: « Si vous voulez que ma faute soit rabillée, je donne ma voix à Dagoucin, lequel est si sage que pour mourir ne dirait une folie!»

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Argumentation - annexe : la fable 2/2

Jean de La Fontaine (1621-1695) le Laboureur et ses Enfants (lib. II fab. IX)

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Travaillez, prenez de la peine: C'est le fonds5 qui manque le moins. Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine, Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins. "Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage Que nous ont laissé nos parents: Un trésor est caché dedans. Je ne sais pas l'endroit; mais un peu de courage Vous le fera trouver: vous en viendrez à bout. Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août6 : Creusez, fouillez, bêchez; ne laissez nulle place Où la main ne passe et repasse. " Le père mort, les fils vous retournent le champ, Deçà, delà, partout: si bien qu'au bout de l'an Il en rapporta davantage. D'argent, point de caché. Mais le père fut sage De leur montrer, avant sa mort, Que le travail est un trésor.

sources de La Fontaine: Ésope, fable 42, première version : GEWRGOS KAI PAIDES AUTOU ¢n¾r gewrgÕj mšllwn teleut©n kaˆ

boulÒmenoj toÝj aÙtoà pa‹daj ™mpe…rouj e�nai tÁj gewrg…aj metakales£menoj aÙtoÝj œfh· "tekn…a, ™n mi´ tîn ¢mpšlwn mou qhsaurÕj ¢pÒkeitai." oƒ d� met¦ t¾n aÙtoà teleut¾n Ûnnaj te kaˆ dikšllaj labÒntej p©san aÙtîn t¾n gewrg…an êruxan. kaˆ tÕn m�n qhsaurÕn oÙc eáron, ¹ d� ¥mpeloj poluplas…wj t¾n for¦n aÙto‹j ¢ped…dou. Ð lÒgoj dhlo‹, Óti Ð k£matoj qhsaurÒj ™sti to‹j ¢nqrèpoij.

Un paysan qui allait mourir: désireux de transmettre à ses enfants l'expérience de l'agriculture, ils les appela auprès de lui et leur tint ces propos: " mes enfants, sous l'une de mes vignes gît un trésor." Après sa mort, les enfants prirent leurs coutres et leurs hoyaux et retournèrent toutes les terres de la propriété. Ils ne rouvèrent pas de trésor, mais la vigne leur offrit une vendange abondante. Il est clair d'après cette fable que l'effort est le trésor des hommes.

L'Ésope de Julien Macho La .xvii. fable est du laboureur et de ses enfans Celluy qui labeure continuellement ne peut faillir qu'il n'aye des biens largement, ainsi qu'il

appert7 par ceste fable d'ung bon homme laboureux qui, toute sa vie, avoit labouré et estoit riche. Et, quant il voulut8 mourir, il dit a ses enfans : « Mes enfans, je m'en vois mourir et mon tresor j'ay laissé en ma vigne.) Et, aprés que le bon homme fut mort, cuydant9 que le tresor fust en la vigne, ses enfans ne faisoyent tous les jours que la fouyr10. Et portoyt plus de fruict que devant11, car qui bien travaille et laboure il a tous jours du pain a menger et celluy qui ne laboure point meurt de fain. 5 les autres fonds (l'argent, les biens) peuvent manquer tandis que le travail ne dépend que de soi 6 c'est à dire par métonymie les moissons, qui ont majoritairement lieu en août 7 comme l'indique la fable suivante, qui traite … 8 quand il fut sur le point de… 9 pensant 10 la creuser; le terme "fouyr" est sans doute à l'origine du verbe "fouiller" au sens inhabituel dans le poème de La Fontaine 11 qu'auparavant

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Œuvre complète : Les lettres persanes

Lettre XIV Usbek au même

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Comme le peuple grossissait tous les jours, les Troglodytes crurent qu'il était à propos de se choisir un roi. Ils convinrent qu'il fallait déférer la couronne à celui qui était le plus juste, et ils jetèrent tous les yeux sur un vieillard vénérable par son âge et par une longue vertu. Il n'avait pas voulu se trouver à cette assemblée; il s'était retiré dans sa maison, le coeur serré de tristesse. Lorsqu'on lui envoya des députés pour lui apprendre le choix qu'on avait fait de lui: "A Dieu ne plaise, dit-il, que je fasse ce tort aux Troglodytes, que l'on puisse croire qu'il n'y a personne parmi eux de plus juste que moi! Vous me déférez la couronne, et, si vous le voulez absolument, il faudra bien que je la prenne. Mais comptez que je mourrai de douleur d'avoir vu en naissant les Troglodytes libres et de les voir aujourd'hui assujettis." A ces mots, il se mit à répandre un torrent de larmes. "Malheureux jour, disait-il; et pourquoi ai-je tant vécu?" Puis il s'écria d'une voix sévère: "Je vois bien ce que c'est, ô Troglodytes! votre vertu commence à vous peser. Dans l'état où vous êtes, n'ayant point de chef, il faut que vous soyez vertueux malgré vous: sans cela vous ne sauriez subsister, et vous tomberiez dans le malheur de vos premiers pères. Mais ce joug vous paraît trop dur; vous aimez mieux être soumis à un prince et obéir à ses lois, moins rigides que vos moeurs. Vous savez que, pour lors, vous pourrez contenter votre ambition, acquérir des richesses et languir dans une lâche volupté; et que, pourvu que vous évitiez de tomber dans les grands crimes, vous n'aurez pas besoin de la vertu." Il s'arrêta un moment, et ses larmes coulèrent plus que jamais. "Et que prétendez-vous que je fasse? Comment se peut-il que je commande quelque chose à un Troglodyte? Voulez-vous qu'il fasse une action vertueuse parce que je la lui commande, lui qui la ferait tout de même sans moi et par le seul penchant de la nature? O Troglodytes! Je suis à la fin de mes jours, mon sang est glacé dans mes veines, je vais bientôt revoir vos sacrés aïeux. Pourquoi voulez-vous que je les afflige, et que je sois obligé de leur dire que je vous ai laissés sous un autre joug que celui de la vertu?"

D'Erzeron, le 10 de la lune de Gemmadi 2, 1711.

Lettre XXIX Rica à Ibben, à Smyrne

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Le pape est le chef des chrétiens. C'est une vieille idole qu'on encense par habitude. Il était autrefois redoutable aux princes même: car il les déposait aussi facilement que nos magnifiques sultans déposent les rois d'Irimette et de Géorgie. Mais on ne le craint plus. Il se dit successeur d'un des premiers chrétiens, qu'on appelle saint Pierre, et c'est certainement une riche succession: car il a des trésors immenses et un grand pays sous sa domination. Les évêques sont des gens de loi qui lui sont subordonnés, et ont, sous son autorité, deux fonctions bien différentes: quand ils sont assemblés, ils font, comme lui, des articles de foi; quand ils sont en particulier, ils n'ont guère d'autre fonction que de dispenser d'accomplir la loi. Car tu sauras que la religion chrétienne est chargée d'une infinité de pratiques très difficiles, et, comme on a jugé qu'il est moins aisé de remplir ses devoirs que d'avoir des évêques qui en dispensent, on a pris ce dernier parti pour l'utilité publique. De sorte que si l'on ne veut pas faire le rahmazan; si on ne veut pas s'assujettir aux formalités des mariages; si on veut rompre ses voeux; si on veut se marier contre les défense de

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la loi; quelquefois même, si on veut revenir contre son serment: on va à l'Evêque ou au Pape, qui donne aussitôt la dispense. Les évêques ne font pas des articles de foi de leur propre mouvement. Il y a un nombre infini de docteurs, la plupart dervis, qui soulèvent entre eux mille questions nouvelles sur la religion. On les laisse disputer longtemps, et la guerre dure jusqu'à ce qu'une décision vienne la terminer. Aussi puis-je t'assurer qu'il n'y a jamais eu de royaume où il y ait eu tant de guerres civiles que dans celui de Christ. Ceux qui mettent au jour quelque proposition nouvelle sont d'abord appelés hérétiques. Chaque hérésie a son nom, qui est, pour ceux qui y sont engagés, comme le mot de ralliement. Mais n'est hérétique qui ne veut: il n'y a qu'à partager le différend par la moitié et donner une distinction à ceux qui accusent d'hérésie, et, quelle que soit la distinction, intelligible ou non, elle rend un homme blanc comme de la neige, et il peut se faire appeler orthodoxe. Ce que je te dis est bon pour la France et l'Allemagne: car j'ai ouï dire qu'en Espagne et en Portugal, il y a de certains dervis qui n'entendent point raillerie, et qui font brûler un homme comme de la paille. Quand on tombe entre les mains de ces gens-là, heureux celui qui a toujours prié Dieu avec de petits grains de bois à la main, qui a porté sur lui deux morceaux de drap attachés à deux rubans, et qui a été quelquefois dans une province qu'on appelle la Galice! Sans cela un pauvre diable est bien embarrassé. Quand il jurerait comme un païen qu'il est orthodoxe, on pourrait bien ne pas demeurer d'accord des qualités et le brûler comme hérétique: il aurait beau donner sa distinction. Point de distinction! Il serait en cendres avant que l'on eût seulement pensé à l'écouter. Les autres juges présument qu'un accusé est innocent; ceux-ci le présument toujours coupable: dans le doute, ils tiennent pour règle de se déterminer du côté de la rigueur; apparemment parce qu'ils croient les hommes mauvais. Mais, d'un autre côté, ils en ont si bonne opinion, qu'ils ne les jugent jamais capables de mentir: car ils reçoivent le témoignage des ennemis capitaux, des femmes de mauvaise vie, de ceux qui exercent une profession infâme. Ils font dans leur sentence un petit compliment à ceux qui sont revêtus d'une chemise de soufre, et leur disent qu'ils sont bien fâchés de les voir si mal habillés, qu'ils sont doux, qu'ils abhorrent le sang, et sont au désespoir de les avoir condamnés. Mais, pour se consoler, ils confisquent tous les biens de ces malheureux à leur profit. Heureuse la terre qui est habitée par les enfants des prophètes! Ces tristes spectacles y sont inconnus. La sainte religion que les anges y ont apportée se défend par sa vérité même: elle n'a point besoin de ces moyens violents pour se maintenir.

De Paris, le 4 de la lune de Chalval 1712.

Lettre XCIX

Rica à Rhédi, à Venise

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Je trouve les caprices de la mode, chez les Français, étonnants. Ils ont oublié comment ils étaient habillés cet été. Ils ignorent encore plus comment ils le seront cet hiver. Mais, surtout, on ne saurait croire combien il en coûte à un mari pour mettre sa femme à la mode. Que me servirait de te faire une description exacte de leur habillement et de leurs parures? Une mode nouvelle viendrait détruire tout mon ouvrage, comme celui de leurs ouvriers, et, avant que tu eusses reçu ma lettre, tout serait changé. Une femme qui quitte Paris pour aller passer six mois à la campagne en

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revient aussi antique que si elle s'y était oubliée trente ans. Le fils méconnaît le portrait de sa mère, tant l'habit avec lequel elle est peinte lui paraît étranger: il s'imagine que c'est quelque Américaine qui y est représentée, ou que le peintre a voulu exprimer quelqu'une de ses fantaisies. Quelquefois les coiffures montent insensiblement, et une révolution les faits descendre tout à coup. Il a été un temps que leur hauteur immense mettait le visage d'une femme au milieu d'elle-même. Dans un autre, c'étaient les pieds qui occupaient cette place les talons faisaient un piédestal qui les tenait en l'air. Qui pourrait le croire? Les architectes ont été souvent obligés de hausser, de baisser et d'élargir leurs portes, selon que les parures des femmes exigeaient d'eux ce changement, et les règles de leur art ont été asservies à ces caprices. On voit quelquefois sur un visage une quantité prodigieuse de mouches, et elles disparaissent toutes le lendemain. Autrefois, les femmes avaient de la taille et des dents; aujourd'hui, il n'en est pas question. Dans cette changeante nation, quoi qu'en disent les mauvais plaisants, les filles se trouvent autrement faites que leurs mères. Il en est des manières et de la façon de vivre comme des modes: les Français changent de moeurs selon l'âge de leur roi. Le monarque pourrait même parvenir à rendre la nation grave, s'il l'avait entrepris. Le prince imprime le caractère de son esprit à la Cour, la Cour à la Ville, la Ville, aux provinces. L'âme du souverain est un moule qui donne la forme à toutes les autres.

De Paris, le 8 de la lune de Saphar 1717.

Lettre CLXI Roxane à Usbek, à Paris

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Oui, je t'ai trompé; j'ai séduit tes eunuques; je me suis jouée de ta jalousie; et j'ai su, de ton affreux sérail, faire un lieu de délices et de plaisirs. Je vais mourir; le poison va couler dans mes veines. Car que ferais-je ici, puisque le seul homme qui me retenait à la vie n'est plus? Je meurs; mais mon ombre s'envole bien accompagnée: je viens d'envoyer devant moi ces gardiens sacrilèges qui ont répandu le plus beau sang du monde. Comment as-tu pensé que je fusse assez crédule pour m'imaginer que je ne fusse dans le monde que pour adorer tes caprices? que, pendant que tu te permets tout, tu eusses le droit d'affliger tous mes désirs? Non: j'ai pu vivre dans la servitude, mais j'ai toujours été libre: j'ai réformé tes lois sur celles de la nature, et mon esprit s'est toujours tenu dans l'indépendance. Tu devrais me rendre grâces encore du sacrifice que je t'ai fait; de ce que je me suis abaissée jusqu'à te paraître fidèle; de ce que j'ai lâchement gardé dans mon coeur ce que j'aurais dû faire paraître à toute la terre; enfin, de ce que j'ai profané la vertu, en souffrant qu'on appelât de ce nom ma soumission à tes fantaisies. Tu étais étonné de ne point trouver en moi les transports de l'amour. Si tu m'avais bien connue, tu y aurais trouvé toute la violence de la haine. Mais tu as eu longtemps l'avantage de croire qu'un coeur comme le mien t'était soumis. Nous étions tous deux heureux: tu me croyais trompée, et je te trompais. Ce langage, sans doute, te paraît nouveau. Serait-il possible qu'après t'avoir accablé de douleurs, je te forçasse encore d'admirer mon courage? Mais c'en est fait: le poison me consume; ma force m'abandonne; la plume me tombe des mains; je sens affaiblir jusqu'à ma haine; je me meurs.

Du sérail d'Ispahan, le 8 de la lune de Rébiab 1, 1720.

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Séquence #2 Le théâtre de Beckett : l’homme face à son néant

objet(s) d’étude, perspectives et orientations principales (problématique retenue)

Problématique : Le théâtre et la mise en scène comme ultime ressource de la vie humaine perspectives : théâtre de l’absurde & théâtre métaphysique, l’importance de la mise en scène objet d’étude : 5. le théâtre, forme et langage

Œuvre intégrale

S. Beckett, Fin de Partie, 1956 Endgame, 1957

Extraits

1. Début de l’œuvre jusqu’à « j’ai à faire » (p.18) 2. « qu’est-ce que c’est » (p. 29) à « j’essayais » (p. 34) 3. « jamais vu » (p. 47) à « nous serions baisés » (p. 51) 4. L’histoire de Hamm, de « Une ! silence » (p. 70) à « Ma dragée ! » (p. 75) 5. Fin de la pièce, à partir de « Clov ! » (p. 109) tous les textes ont été lus dans leur version anglaise et étudiés en français

Études d’ensemble

le drame de la communication et de la langue la condition humaine : solitude et insignifiance

Lectures analytiques

Groupement de textes

Lecture(s) cursives

Activités proposées à la classe par le professeur

Projection de la mise en scène de Endgame de Conor McPherson, Ardmore studio, 2000.

Lectures et activités personnelles Dans le cadre du théâtre de l’absurde, ont été lus, au choix : S. Beckett, En attendant Godot E. Ionesco, Les Chaises

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Séquence # 3 Caractéristiques de la création poétique à la Renaissance

objet(s) d’étude, perspectives et orientations principales (problématique retenue)

Problématique : la réaction des poètes de la Pléïade face à la redécouverte d’une antiquité connue jusqu’alors à travers les seules sources littéraires : création d’une littérature digne des anciens et réflexion sur l’érosion du temps. perspectives : le rôle du poète le lyrisme la spécificité de la langue poétique objet d’étude : 2. La poésie

Groupement de textes #1

Créer une forme littéraire digne des anciens : exemple du lyrisme amoureux 1. L'autre jour que j'étais sur le haut d'un degrè Ronsard (1524-1585), Sonnets, lib. I, sonnet IX 2. Ces cheveux d'or sont les liens, Madame, Du Bellay, L’Olive, X 3. O prison doulce, où captif je demeure Du Bellay, L’Olive, XXXIII 4. Oh, si j'étais en ce beau sein ravie Louise Labé, Sonnets, XIII

Lectures analytiques

Groupement de textes #2

Le poète comme seul gage d’éternité 5. Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose Ronsard (1524-1585), Les Amours, V, 1578 6. Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Ronsard, Les Amours, , lib. II, sonnet XXIV

Lecture(s) cursives

groupement de texte introductif : brève histoire du sonnet : Dante, Vita Nova, sonnets IX et XI (capp. XVI & XXI) trad. Chr. Bec (dir.), Le Livre de Poche, 2002 Shakespeare, Sonnets, III et XIX trad. P. Jean Jouve, Mercure de France, 1969 Toy qui de Rome emerveillé contemples Du Bellay, Les Antiquitez de Rome, XXVII Rimbaud, « Le dormeur du val »

Activités proposées à la classe par le professeur

Lectures et activités personnelles

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la poésie 1 : le lyrisme amoureux

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L'autre jour que j'étais sur le haut d'un degrè11, Passant tu m'avisas, et me tournant la vue, Tu méblouis les yeux, tant j'avais l'âme émue De me voir en sursaut de tes yeux rencontré. Ton regard dans le cœur, dans le sang m'est entré Comme un éclat de foudre, alors qu'il fend la nue; J'eus de froid et de chaud la fièvre continue, D'un si poignant regard mortellement outré12. Et si ta blanche main passant ne m'eût fait signe, Main blanche qui se vante d'être fille d'un Cygne13, Je fusse mort, Hélène, aux rayons de tes yeux; Mais ton signe retint l'âme presque ravie14, Ton œil se contenta d'être victorieux, Ta main se réjouit de me donner la vie.

Ronsard (1524-1585), Sonnets, lib. I, sonnet IX

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Ces cheveux d'or sont les liens, Madame, Dont fut premier15 ma liberté surprise, Amour la flamme autour du cœur eprise, Ces yeux le traict16 qui me transperse l'ame, Fors sont les neudz, apre et vive la flamme, Le coup, de main à tyrer bien apprise, Et toutesfois j'ayme, j'adore et prise Ce qui m'etraint, qui me brusle et entame. Pour briser donq', pour eteindre et guerir Ce dur lien, ceste ardeur, ceste playe, Je ne quier fer17, liqueur ny medecine: L'heur et plaisir que ce m'est de perir De telle main, ne permect que j'essaye Glayve trenchant, ny froydeur, ny racine.

Du Bellay, L’Olive, X

11 Sur les premières marches en haut d'un escalier 12 Littéralement mortellement blessé 13 Dans la mythologie grecque, Léda s'est unie à un Zeus métamorphosé en Cygne, et de leur union sont nés les Dioscures (les jumeaux Castor et Pollux) et Hélène, qui fut par la suite à l'origine de la guerre de Troie: après avoir rendu son jugement, le Troyen Pâris gagna l'amour d'Hélène, et la ramena à Troie. Ménélas, le mari légitime d'Hélène, réunit alors tous les guerriers grecs qui lui avaient prêtés serment pour partir assiéger Troie, qui tomba sous les armes des Achéens après un siège de plusieurs années. Le personnage d'Hélène est à la fois lié au maître des dieux, Zeus, et au thème de l'assiègement et de la capture. 14 Le terme a à la fois le sens moderne de "comblé de bonheur" et le sens originel de "enlevé, capturé" 15 adjectif aderbialisé : premièrement 16 la flèche 17 référence métonymique à la lancette utilisée dans la pratique de la saignée

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O prison doulce, où captif je demeure Non par dedaing; force ou inimitié, Mais par les yeulx de ma doulce moitié, Qui m'y tiendra jusq'à tant que je meure. O l'an heureux, le mois, le jour et l'heure, Que mon cœur fut avecq'elle allié! O l'heureux nœu, par qui j'y fu' lié, Bien que souvent je plains, souspir et pleure ! Tous prisonniers, vous etes en soucy, Craignant la loy et le juge severe: Moy plus heureux, je ne suis pas ainsi. Mile doulx motz, doulcement exprimez, Mil' doulx baisers, doulcement imprimez, Sont les tormens où ma foy persevere.

Du Bellay, L’Olive, XXXIII

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Oh, si j'étais en ce beau sein ravie De celui-là pour lequel vais mourant; Si avec lui vivre le demeurant De mes courts jours ne m'empêchais envie; Si m'acollant18 me disait: chère Amie, Contentons-nous l'un de l'autre! s'assurant Que jà tempête, Euripe19, ni Courant Ne nous pourra disjoindre en notre vie; Si, de mes bras le tenant acollé, Comme du Lierre20 est l'arbre encercelé, La mort venait, de mon aise envieuse, Lorsque, souef21, plus il me baiserait, Et mon esprit sur ses lèvres fuirait, Bien je mourrais, plus que vivante, heureuse.

Louise Labé, Sonnets, XIII (orthographe modernisée)

18 m’acollant = m’enlaçant 19 nom d’un détroit grec, par métonymie : danger 20 référence au couple Tristan et Iseult 21 souef = suave, doux

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la poésie 2 : le poète seul garant d’éternité

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Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose En sa belle jeunesse, en sa première fleur, Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur, Quand l'aube, de ses pleurs, au point du jour l'arrose; La Grâce dans sa feuille, et l'Amour se repose, Embaumant les jardins et les arbres d'odeur; Mais, battue ou de pluie ou d'excessive ardeur, Languissante elle meurt, feuille à feuille déclose; Ainsi en ta première et jeune nouveauté, Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté, La Parque t'a tuée et cendres tu reposes. Pour obsèques22 reçois mes larmes et mes pleurs, Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs, Afin que, vif23 et mort, ton corps ne soit que roses.

Ronsard (1524-1585), Les Amours, Sur la mort de Marie, V, 1578

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Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle, Assise aupres du feu, dévidant & filant, Direz chantant mes vers en vous esmerveillant, « Ronsard me celebroit, du temps que j’estois belle » Lors vous n’aurez servante, oyant telle nouvelle, Desja sous le labeur à demy sommeillant, Qui au bruit de Ronsard ne s’aille resveillant Benissant vostre nom de louange immortelle. Je seray sous la terre, & fantaume sans os Par les ombres Myrtheux je prendray mon repos ; Vous serez au fouyer une vieille accroupie, Regrettant mon amour, & vostre fier desdain. Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain : Cueillez dés aujourd’hui les roses de la vie

Ronsard, Les Amours, Sonnet pour Hélène, lib. II, sonnet XXIV

22 Marie est morte lorsque le poète écrit ce sonnet: les obsèques ne sont donc pas qu'une image 23 vif = vivant

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la poésie 3 : histoire du sonnet A. Dante, La Vita Nuova, 1292

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Spesse fiate vègnonmi a la mente le oscure qualità ch'Amor mi dona, e vènnemi pietà, sì che sovente io dico: «Lasso! avvien elli a persona?»; ch'Amor m'assale subitanamente, sì che la vita quasi m'abbandona: càmpami uno spirto vivo solamente, e que' riman, perché di voi ragiona. Poscia mi sforzo, ché mi voglio atare; e così smorto, d'onne valor vòto, vegno a vedervi, credendo guerire: e se io levo li occhi per guardare, nel cor mi si comincia uno tremoto, che fa de' polsi l'anima partire.

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Fréquentes fois me viennent à l’esprit les obscures vertus qu’Amour me donne et il me vient pitié, si bien que souvent je dis : « Hélas, ceci advient-il aux autres ? » Car Amour m’assaille tout soudain, si fort que la vie à peu près m’abandonne : Seul survit en moi un esprit, qui demeure, parce que de vous il parle Puis je m’efforce, car je me veux secourir ; Ainsi blême, vidé de toute force, Je viens vous voir, croyant guérir : Mais si, pour vous regarder, je lève les yeux, En moi naît un tremblement Qui fait de mes yeux fuir l’âme.

sonnet IX

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Negli occhi porta la mia donna Amore, per che si fa gentil ciò ch'ella mira; ov'ella passa, ogn'om vèr lei si gira, e cui saluta fa tremar lo core, sì che, bassando il viso, tutto smore, e d'ogni suo difetto allor sospira: fugge dinanzi a lei superbia ed ira. Aiutatemi, donne, farle onore. Ogne dolcezza, ogne pensero umile nasce nel core a chi parlar la sente, ond'è laudato chi prima la vide. Quel ch'ella par quando un poco sorride, non si pò dicer né tenere a mente, sì è novo miracolo e gentile.

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En ses yeux ma dame porte Amour, parce que devient noble qui elle regarde ; Là où elle passe, chacun vers elle se tourne ; À qui elle salue, elle fait trembler le cœur, Si bien qu’abaissant son visage il pâlit et de ses défauts il soupire alors. Devant elle s’enfuient superbe et colère. Aidez-moi, dames, à lui faire honneur. Toute douceur, toute humble pensée À qui l’entend parler naissent au cœur En sorte qu’est loué qui l’a vue d’abord. Ce qu’elle semble, quand elle sourit, Ne se peut dire ni garder en mémoire, Tant c’est un extraordinaire et noble miracle

sonnet XI

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B. Shakespeare, Sonnets, 1609

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LOOK in thy glass, and tell the face thou viewest Now is the time that face should form another; Whose fresh repair if now thou not renewest, Thou dost beguile the world, unbless some mother, For where is she so fair whose unear’d womb Disdains the tillage of thy husbandry? Or who is he so fond will be the tomb Of his self-love, to stop posterity? Thou art thy mother’s glass, and she in thee Calls back the lovely April of her prime; So thou through windows of thine age shalt see, Despite of wrinkles, this thy golden time. But if thou live, remember’d not to be, Die single, and thine image dies with thee

Regarde en ton miroir, dis à la face que tu vois: le temps est maintenant venu que cette face en informe une autre, de laquelle, Si tu ne ravives ton bel état, tu frustreras le monde en laissant sans bénédiction quelque mère. Car où est la très belle au sein non travaillé que dédaignerait les soins de ton labour? Ou qui si arrogant voudrait être tombeau, de son amour, en fermant la postérité? Tu es le miroir de ta mère, et elle en toi rappelle les amoureux avrils de son prime âge, ainsi tqi à travers lès vitres de ton âge pourras revoir en dépit des rides ton temps doré. Mais si tu vis, remémoré de ne pas être, alors meurs seul, et ton image meurt avec toi.

sonnet III1

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DEVOURING Time, blunt thou the lion’s paws And make the earth devour her own sweet brood; Pluck the keen teeth from the fierce tiger’s jaws, And burn the long-liv’d phoenix in her blood; Make glad and sorry seasons as thou fleets, And do whate’er thou wilt, swift-footed Time, To the wide world and all her fading sweets; But I forbid thee one most heinous crime: O! carve not with thy hours my love’s fair brow, Nor draw no lines there with thine antique pen; Him in thy course untainted do allow For beauty’s pattern to succeeding men. Yet, do thy worst, old Time: despite thy wrong, My love shall in my verse ever live young.

Temps dévorant! émousse les pattes du lion, fais que la terre dévore sa propre belle race, arrache les crocs pointus aux mâchoires du tigre féroce, et brûle dans son sang Phénix à longue vie; Rends gaies et tristes les saisons en t'écoulant, et fais ce que tu veux, ô Temps au pied rapide, du monde entier et de tous ses charmes périssants; mais je t'interdis le plus odieux des crimes: Ne marque pas avec tes heures le beau front de mon amour, ne trace pas là des lignes par ta plume très ancienne, permets-lui d'être dans ta course non touché, pour figurer les beautés aux hommes qui succéderont. Et pourtant fais le pire, vieux Temps! malgré l'injure - par mes vers mon amour est jeune éternellement.

sonnet XIX

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C. Du Bellay

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Toy qui de Rome emerveillé contemples L'antiq' orgueil, qui menassoit les cieux, Ces vieux palais, ces monts audacieux, Ces murs, ces arcz, ces thermes & ces temples, Juge, en voyant ces ruines si amples, Ce qu'a rongé le temps injurieux, Puis qu'aux ouvriers les plus industrieux Ces vieux fragmens encor servent d'exemples. Regarde apres, comme de jour en jour Rome fouillant son antique séjour, Se rebatist de tant d'œuvres divines. Tu jugeras que le dæmon romain S'efforce encor d'une fatale main Ressusciter ces poudreuses ruines.

Du Bellay, Les Antiquitez de Rome, XXVII

D. Rimbaud

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C'est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D'argent; où le soleil, de la montagne fière, Luit: c'est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort, il est étendu dans l'herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme: Nature, berce-le chaudement: il a froid. Les parfums ne font pas frissonner sa narine; Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Rimbaud « Le Dormeur du Val», 1870

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petite histoire du Sonnet

« Parce que la forme est contraignante, l'idée jaillit plus intense » (Baudelaire)

« Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème » (Boileau)

Le sonnet (sonnetto : petite musique) est né en Sicile au XIII°, sous la plume semble-t’il de Lentini. La forme connaît un vif succès et remonte jusqu’en Toscane, puis pénètre dans toute l’Europe à partir du XVI°. En France, Maurice Scève traduit au début du XVI° les sonnets de Pétrarque, puis Marot compose les premiers sonnets français en 1536. Elle subit quelques variations tout au long de son parcours, et l’on distingue trois grands modèles : le sonnet italien, le sonnet français (Ronsard) et le sonnet shakespearien:

Italien Marot (1536) du Bellay (1549, L’Olive)

Ronsard (1552, Les Amours)

Shakespeare (1609, Sonnets)

abba abba cde ou cdc cde dcd

abba abba ccd eed

abba abba ccd ede

abba abba ccd ede

abab cdcd efef gg

hendécasyllabe alexandrin pentamètre iambique

les rimes des tercets ne sont pas strictes,

mais elles ne doivent pas

permettre d’en détacher un

distique

Marot dessine un distique et un quatrain final qui reprend la

structure rimique des deux premiers

du Bellay conserve la division distique/

quatrain, mais change la structure des rimes

Ronsard impose l’alternance des

rimes féminines et masculines.

Ce sont les sonnets italien et Ronsardien qui vont s’imposer en Europe. Shakespeare est un cas particulier : en Angleterre, Spenser, Milton puis, plus tard, Wordsworth, E. Barrett Browning reprennent la structure italienne dans leurs propres sonnets.

Très généralement adopté dans les recueils de poésie amoureuse de la Pléiade séduite, comme Pétrarque, par la répétition d’une forme identique, apprécié par les poètes baroques, le sonnet est l’un des petits genres les plus cultivés au XVIIe siècle, en particulier dans les salons, d’autant plus que sa brièveté et sa difficulté masquent aisément la pauvreté de l’inspiration. Tombé en désuétude au XVIIIe siècle, il est remis en honneur par les parnassiens, qui exploitent les possibilités qu’il offre à l’exercice de la virtuosité technique et à la recherche de la perfection formelle, et par Baudelaire. Celui-ci et, après lui, Verlaine et Rimbaud reprennent le sonnet, mais souvent (comme Hugo l’alexandrin) pour le disloquer : abandon des règles qui régissaient les rimes des quatrains, dispositions de rimes très variées dans les tercets... Mallarmé, qui parfois adopte la distribution shakespearienne des rimes et même des strophes, multiplie les difficultés dans le sonnet « en i » (parfaitement régulier) et surtout le sonnet « en ix » (parfaitement irrégulier ou plutôt, selon la terminologie traditionnelle, « libertin »), construit sur les formes masculines et féminines de deux rimes seulement : yx ou ix(e) et or(e). Ainsi de cette forme héritée du passé (qui donnera encore, au XXe siècle, avec les Sonette an Orpheus de R. M. Rilke, une extraordinaire réussite), les poètes novateurs ont su à la fois exploiter les effets classiques et tirer des effets inconnus.

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Séquence # 4 Construire un destin

objet(s) d’étude, perspectives et orientations principales (problématique retenue)

Problématique : Comment l’artiste construit-il un personnage de fiction à partir d’un personnage réel, et quel sens le pacte autobiographique ajoute-t’il à son personnage ? perspectives : biographie et autobioghraphie le roman autiobiographique objet d’étude : 2. le biographique (les formes de l’autobiographie)

Lectures analytiques

Groupement de textes #1

Construire un personnage de fiction à partir de données autobigraphiques 1. Augustin, Les Confessions, II, 4 2. Rousseau, Confessions, I 3. Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, I,3 4. J.P. Sartre, Les Mots, (manuel p. 302) 5. J.P. Sartre, la Nausée, panorama de Bouville

Lecture(s) cursives

Activités proposées à la classe par le professeur

propos biographiques et lyrisme la recherche du moi à travers un afflux de références fictives dans Nerval, Chimères, sonnet 1 : « El Desdichado »

Lectures et activités personnelles

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(auto)biographie 1 : Construire un personnage de fiction à partir de données autobigraphiques

Le modèle des Confessions : différents traitements d’une erreur de jeunesse

1. Saint Augustin

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Ta loi, Seigneur, punit certainement le vol, cette loi écrite dans les cœurs, sans que l'iniquité même l'efface: existe-t-il, en effet, un voleur qui, d'humeur égale, souffre qu'on le vole? Non, fût-il muni et son voleur traqué par la disette. Eh bien! moi, j'ai consenti à commettre un vol et je l'ai commis sans que nul besoin m'y poussât, autre que pénurie et nausée en fait de justice et que pléthore d'iniquité, car je volai ce dont j'avais en abondance et de bien meilleure espèce et je le volai dans l'intention de jouir non pas de l'objet matériel de ma convoitise, mais du vol en lui-même et du péché. Il y avait proche notre vigne un poirier chargé de fruits d'un aspect et d'un goût peu appétissants. Nous allâmes entre jeunes vauriens le secouer et le dépouiller en pleine nuit, après avoir selon notre malsaine habitude prolongé jusque-là nos jeux dans les carrefours; nous emportâmes un lourd butin, non pas pour nous régaler, mais, voire, pour jeter aux cochons. Si nous en mangeâmes une portion, l'intéressant était de faire quelque chose de défendu qui, comme tel, nous plaisait. Voici mon cœur, ô Dieu, voici mon cœur, dont tu as eu pitié au fond de l'abîme! Qu'il te dise maintenant, ce cœur que voici, mon intention d'alors: une malice sans profit, une malice sans autre but que la malice. Honteuse, elle me fut aimable. J'aimai le fait de me perdre, j'aimai ma dégradation, non pas l'objet pour lequel je me dégradais, mais ma dégradation en elle-même: turpitude d'une âme qui, de la fermeté où tu la tiens croule en éclats, alors qu'elle désire non pas une chose au prix de la honte, mais la honte même.

Augustin, Confessions, lib. II, 4 trad. L. de Mondadon, Seuil, 1982

Pour les latinistes …

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Furtum certe punit lex tua, domine, et lex scripta in cordibus hominum, quam ne ipsa quidem delet iniquitas: quis enim fur aequo animo furem patitur? nec copiosus adactum inopia. et ego furtum facere volui, et feci, nulla conpulsus egestate, nisi penuria et fastidio iustitiae et sagina iniquitatis. nam id furatus sum, quod mihi abundabat et multa melius; nec ea re volebam frui, quam furto appetebam, sed ipso furto et peccato. arbor erat pirus in vicinia nostrae vineae, pomis onusta, nec forma nec sapore inlecebrosis. ad hanc excutiendam atque asportandam nequissimi adulescentuli perreximus nocte intempesta, quousque ludum de pestilentiae more in areis produxeramus, et abstulimus inde onera ingentia non ad nostras epulas, sed vel proicienda porcis, etiamsi aliquid inde comedimus, dum tamen fieret a nobis quod eo liberet, quo non liceret. ecce cor meum, deus, ecce cor meum, quod miseratus es in imo abyssi. dicat tibi nunc ecce cor meum, quid ibi quaerebat, ut essem gratis malus et malitiae meae causa nulla esset nisi malitia. foeda erat, et amavi eam; amavi perire, amavi defectum meum, non illud, ad quod deficiebam, sed defectum meum ipsum amavi, turpis anima et dissiliens a firmamento tuo in exterminium, non dedecore aliquid, sed dedecus appetens

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2. Rousseau

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Jean-Jacques est en apprentissage chez un maître dur et sévère, dont les injustices répétées le rendent « friand et fripon » Un souvenir qui me fait frémir encore et rire tout à la fois, est celui d'une chasse aux pommes qui me coûta cher. Ces pommes étaient au fond d'une dépense24, qui, par une jalousie25 élevée, recevait du jour de la cuisine. Un jour que j'étais seul dans la maison, je montai sur la may26 pour regarder dans le jardin des Hespérides ce précieux fruit dont je ne pouvais approcher. J'allai chercher la branche pour voir si elle y pourrait atteindre: elle était trop courte. Je l'allongeai par une autre petite broche qui servait pour le menu gibier; car mon maître aimait la chasse. Je piquai plusieurs fois sans succès; enfin je sentis avec transport que j'amenais une pomme. Je tirai très doucement: déjà la pomme touchait à la jalousie: j'étais prêt à la saisir. Qui dira ma douleur? La pomme était trop grosse, elle ne put passer par le trou. Que d'inventions ne mis-je point en usage pour la tirer! il fallut trouver des supports pour tenir la broche en état, un couteau assez long pour fendre la pomme, une latte pour la soutenir. À force d'adresse et de temps je parvins à 'la partager, espérant tirer ensuite les pièces l'une après l'autre; mais à peine furent-elles séparées, qu'elles tombèrent toutes deux dans la dépense. Lecteur pitoyable, partagez mon affliction. Je ne perdis point courage; mais j'avais perdu beaucoup de temps. Je craignais d'être surpris; je renvoie au lendemain une tentative plus heureuse, et je me remets à l'ouvrage tout aussi tranquillement que si je n'avais rien fait, sans songer aux deux témoins indiscrets qui déposaient contre moi dans la dépense. Le lendemain, retrouvant l'occasion belle, je tente un nouvel essai. Je monte sur mes tréteaux, j'allonge la broche, je l'ajuste; j'étais prêt à piquer... Malheureusement le dragon ne dormait pas; tout à coup la porte de la dépense s'ouvre: mon maître en sort, croise les bras, me regarde et me dit : « Courage!... » La plume me tombe des mains. Bientôt, à force d'essuyer de mauvais traitements, j'y devins moins sensible; ils me parurent enfm une sorte de compensation du vol, qui me mettait en droit de le continuer. Au lieu de retourner les yeux en arrière et de regarder la punition, je les portais en avant et je regardais la vengeance. Je jugeais que me battre comme fripon, c'était m'autoriser à l'être. Je trouvais que voler et être battu allaient ensemble, et constituaient en quelque sorte un état, et qu'en remplissant la partie de cet état qui dépendait de moi, je pouvais laisser le soin de l'autre à mon maître. Sur cette idée je me mis à voler plus tranquillement qu'auparavant. Je me disais: « Qu'en arrivera-t-il enfin? Je serai battu. Soit: je suis fait pour l'être.»

Rousseau, Confessions, I

24 dépense : cellier 25 jalousie : petite ouverture composée d’un treillis en bois 26 may : huche à pain

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3. Chateaubriand

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C'est sur la grève de la pleine mer, entre le château et le Fort Royal27, que se rassemblent les enfants; c'est là que j'ai été élevé, compagnon des flots et des vents. Un des premiers plaisirs que j'aie goûtés était de lutter contre les orages, de me jouer avec les vagues qui se retiraient devant moi, ou couraient après moi sur la rive. Un autre divertissement était de construire avec l'arène28 de la plage, des monuments que mes camarades appelaient des fours. Depuis cette époque, j'ai souvent vu bâtir pour l'éternité des châteaux plus vite écroulés que mes palais de sable. Mon sort étant irrévocablement fixé29, on me livra à une enfance oisive. Quelques notions de dessin, de langue anglaise, d'hydrographie et de mathématiques, parurent plus que suffisantes à l'éducation d'un garçonnet destiné d'avance à la rude vie d'un marin. Je croissais sans étude dans ma famille; nous n'habitions plus la maison où j'étais né : ma mère occupait un hôtel, place Saint-Vincent, presqu'en face de la porte qui communique au Sillon. Les polissons de la ville étaient devenus mes plus chers amis: j'en remplissais la cour et les escaliers de la maison. Je leur ressemblais en tout; je parlais leur langage; j'avais leur façon et leur allure; j'étais vêtu comme eux, déboutonné et débraillé comme eux; mes chemises tombaient en loques; je n'avais jamais une paire de bas qui ne filt largement trouée; je traînais de méchants souliers éculés qui sortaient à chaque pas de mes pieds; je perdais souvent mon chapeau et quelquefois mon habit. J'avais le visage barbouillé, égratigné, meurtri, les mains noires. Ma figure était si étrange, que ma mère, au milieu de sa colère, ne se pouvait empêcher de rire et de s'écrier: « Qu'il est laid!» J'aimais pourtant et j'ai toujours aimé la propreté, même l'élégance. La nuit. j'essayais de raccommoder mes lambeaux; la bonne Villeneuve et ma Lucile m'aidaient à réparer ma toilette, afin de m'épargner des pénitences et des gronderies; mais leur rapiécetage ne servait qu'à rendre mon accoutrement plus bizarre. J'étais surtout désolé, quand je paraissais déguenillé au milieu des enfants, fiers de leurs habits neufs et de leur braverie .

F.R. de Chateaubriand, Mémoires d’outre tombe, t.1 3° partie

27 La scène se déroule à Saint Malo 28 arène = sable (c’est un latinisme) 29 François René est le cadet de la famille Chateaubriand, qui n’est pas très riche : il est donc destiné à prendre la mer.

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(auto)biographie 2 1. J.P. Sartre, Les Mots

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Il y avait une autre vérité. Sur les terrasses du Luxembourg, des enfants jouaient, je m'approchais d'eux, ils me frôlaient sans me voir, je les regardais avec des yeux de pauvre: comme ils étaient forts et rapides! comme ils étaient beaux! Devant ces héros de chair et d'os, je perdais mon intelligence prodigieuse, mon savoir universel, ma musculature athlétique, mon adresse spadassine30; je m'accotais à un arbre, j'attendais. Sur un mot du chef de la bande, brutalement jeté: « Avance, Pardaillan31, c'est toi qui feras le prisonnier», j'aurais abandonné mes privilèges. Même un rôle muet m'eût comblé; j'aurais accepté dans l'enthousiasme de faire un blessé sur une civière, un mort. L'occasion ne m'en fut pas donnée: j'avais rencontré mes vrais juges, mes contemporains, mes pairs, et leur indifférence me condamnait. Je n'en revenais pas de me découvrir par eux : ni merveille ni méduse, un gringalet qui n'intéressait personne. Ma mère cachait mal son indignation: cette grande et belle femme s'arrangeait fort bien de ma courte taille, elle n'y voyait rien que de naturel: les Schweitzer sont grands et les Sartre petits, je tenais de mon père, voilà tout. Elle aimait que je fusse, à huit ans, resté portatif et d'un maniement aisé: mon format réduit passait à ses yeux pour un premier âge prolongé. Mais, voyant que nul ne m'invitait à jouer, elle poussait l'amour jusqu'à deviner que je risquais de me prendre pour un nain - ce que je ne suis pas tout à fait - et d'en souffrir. Pour me sauver du désespoir elle feignait l'impatience: «Qu'est-ce que tu attends, gros benêt? Demande-leur s'ils veulent jouer avec toi. » Je secouais la tête: j'aurais accepté les besognes les plus basses, je mettais mon orgueil à ne pas les solliciter. Elle désignait des dames qui tricotaient sur des fauteuils de fer: «Veux-tu que je parle à leurs mamans?» Je la suppliais de n'en rien faire; elle prenait ma main, nous repartions, nous allions d'arbre en arbre et de groupe en groupe, toujours implorants, toujours exclus. Au crépuscule, je retrouvais mon perchoir, les hauts lieux où soufflait l'esprit, mes songes: je me vengeais de mes déconvenues par six mots d'enfant et le massacre de cent reîtres32. N'importe: ça ne tournait pas rond.

Jean-Paul Sartre (1905-1980), Les Mots, 1964.

30 spadassine : qui a les caractéristiques d’un spadassin, expert en maniement d’armes 31 Pardaillan : héros de romans d’aventure pour enfant 32 réître : soldat

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3. J.P. Sartre, la Nausée : panorama de Bouville Au sortir de l’école normale supérieur de la rue d’Ulm, J. P. Sartre a été pendant 10 ans (les 10 années que tout normalien doit à l’État qui a financé ses études) professeur de philosophie au Havre, appelé ici Bouville.

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Je regarde à mes pieds les scintillements gris de Bouville. On dirait, sous le soleil, des monceaux de coquilles d'écailles, d'esquilles d'os, de graviers. Perdus entre ces débris, de minuscules éclats de verre ou de mica jettent par intermittence des feux légers. Les rigoles, les tranchées, les minces sillons qui courent entre les coquilles, dans une heure ce seront des rues, je marcherai dans ces rues, entre des murs. Ces petits bonshommes noirs que je distingue dans la rue Boulibet, dans une heure je serai l'un d'eux. Comme je me sens loin d'eux, du haut de cette colline. Il me semble que j'appartiens à une autre espèce. Ils sortent des bureaux, après leur journée de travail, ils regardent les maisons et les squares d'un air satisfait, ils pensent que c'est leur ville, une « belle cité bourgeoise ». Ils n'ont jamais vu que l'eau apprivoisée qui coule des robinets, que la lumière qui jaillit des ampoules quand on appuie sur l'interrupteur, que les arbres métis, bâtards qu'on soutient avec des fourches. Ils ont la preuve, cent fois par jour, que tout se fait par mécanisme, que le monde obéit à des lois fixes et immuables. Les corps abandonnés dans le vide tombent tous à la même vitesse, le Jardin public est fermé tous les jours à seize heures en hiver, à dix-huit heures en été, le plomb fond à 335 °C, le dernier tramway part de l'Hôtel de Ville à vingt-trois heures cinq. Ils sont paisibles, un peu moroses, ils pensent à Demain, c'est-à dire, simplement, à un nouvel aujourd'hui; les villes ne disposent que d'une seule journée qui revient toute pareille à chaque matin. À peine la pomponne-t-on un peu, les dimanches. Les imbéciles. Ça me répugne, de penser que je vais revoir leurs faces épaisses et rassurées. Ils légifèrent, ils écrivent des romans populistes, ils se marient, ils ont l'extrême sottise de faire des enfants. Cependant la grande nature vague s'est glissée dans leur ville, elle s'est infiltrée, partout, dans leur maison, dans leurs bureaux, en eux-mêmes. Elle ne bouge pas, elle se tient tranquille et eux, ils sont en plein dedans, ils la respirent et ils ne la voient pas, ils s'imaginent qu'elle est dehors, à vingt lieues de la ville. Je la vols, moi, cette nature, je la vois... Je sais que sa soumission est paresse, je sais qu'elle n'a pas de lois: ce qu'ils prennent pour sa constance... Elle n'a que des habitudes et elle peut en changer demain.

Jean Paul Sartre, la Nausée

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Séquence #5 Les Lumières

objet(s) d’étude, perspectives et orientations principales (problématique retenue)

Problématique : perspectives : objet d’étude : 1. Un courant littéraire français du XVI° au XVII° siècle 3. Argumenter et déliberer

Lectures analytiques

Groupement de textes

Sortir de « l’état de tutelle » 1. Marivaux, Le spectateur français, fin de la première feuille. 2. Montesquieu, Lettres Persanes, lettre XXXVII 3. Voltaire, De l’horrible danger de la lecture

Lecture(s) cursives

article « Autorité politique » de l’Encyclopédie, rédigé par Diderot articles « Maître » et « Préjugés » du Dictionnaire philosophique de Voltaire Marat, Les chaînes de l’esclavage, section « Préjugés stupides »

Activités proposées à la classe par le professeur

l’article « Qu’est-ce que les Lumières » de Kant (1784) a été lu et résumé par chaque élève

Lectures et activités personnelles lecture d’un conte oriental, au choix : Zadig, Micromégas ou l’Ingénu de Voltaire

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Les Lumières 1 Sortir de « l’état de tutelle »

1. Marivaux, Le spectateur français : craindre les faux semblants

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À l'âge de dix-sept ans, je m'attachai à une jeune demoiselleselle, à qui je dois le genre de vie que j'embrassai. Je n'étais pas mal fait alors, j'avais l'humeur douce et les manières tendres. La sagesse que je remarquais dans cette fille m'avait rendu sensible à sa beauté. Je lui trouvais d'ailleurs tant d'indifférence pour ses charmes, que j'aurais juré qu'elle les ignorait. Que J'étais simple dans ce temps-là! Quel plaisir! disais-je en moi-même, si je puis me faire aimer d'une fille qui ne souhaite pas d'avoir des amants, puisqu'elle est belle sans y prendre garde, et que par consequent, elle n'est pas coquette. Jamais je ne me séparais d'elle que ma tendre surprise n'augmentât de voir tant de grâces dans un objet qui ne s'en estimait pas davantage. Était-elle assise ou debout? parlait-elle ou marchait-elle? il me semblait toujours qu 'elle n'y entendait point finesse, et qu'elle ne songeait à rien moins qu'à être ce qu'elle était. Un jour qu à la campagne je venais de la quitter, un gant que j'avais oublié fit que je retournai sur mes pas pour l’aller chercher; j'aperçus la belle de loin, qui se regardait dans un miroir, et je remarquai, à mon grand étonnement, qu'elle s'y représentait à elle-même dans tous les sens où durant notre entretien j'avais vu son visage; et il se trouvait que ses airs de physionomie que j'avais crus si naïfs n'étaient, à les bien nommer, que des tours de gibecière; je jugeais de loin que sa vanité en adoptait quelques-uns, qu'elle en réformait d'autres; c'était de petites façons, qu'on aurait pu noter, et qu'une femme aurait pu apprenâre comme un air de musique. Je tremblai du péril que j'aurais couru si j'avais eu le malheur d'essuyer encore de bonne foi ses friponneries, au point de perfection où son habileté les portait; mais je 1’avais crue naturelle et ne l'avais aimée que sur ce pied-là; de sorte que mon amour cessa tout d'un coup, comme si mon cœur ne s'était attendri que sous condition. Elle m'aperçut à son tour dans son miroir, et rougit. Pour moi, j'entrai en riant, et ramassant mon gant: Ah! Mademoiselle, je vous demande pardon, lui dis-je, d'avoir mis jusqu'ici sur le compte de la nature des appas dont tout l'honneur n'est dû qu'à votre industrie. Qu est-ce que c'est? que signifie ce discours? me répondit-elle. Vous parlerai-je plus franchement? lui dis-je, je viens de voir les machines de l'Opéra. Il me divertira toujours, mais il me touchera moins. Je sortis là-dessus, et c'est de cette aventure que naquit en moi cette misanthropie qui ne m'a point quitté, et qui m'a fait passer ma vie à examiner les hommes, et à m'amuser de mes réflexions.

Marivaux, Le spectateur Français, première feuille, 1721

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2. Montesquieu, Critique de la monarchie

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Lettre XXXVII Usbek à Ibben, à Smyrne

Le roi de France est vieux. Nous n'avons point d'exemple dans nos histoires d'un monarque qui ait si longtemps régné. On dit qu'il possède à un très haut degré le talent de se faire obéir: il gouverne avec le même génie sa famille, sa cour, son Etat. On lui a souvent entendu dire que, de tous les gouvernements du monde, celui des Turcs, ou celui de notre auguste sultan, lui plairait le mieux, tant il fait cas de la politique orientale. J'ai étudié son caractère, et j'y ai trouvé des contradictions qu'il m'est impossible de résoudre. Par exemple, il a un ministre qui n'a que dix-huit ans, et une maîtresse qui en a quatre-vingts; il aime sa religion, et il ne peut souffrir ceux qui disent qu'il la faut observer à la rigueur; quoiqu'il fuie le tumulte des villes, et qu'il se communique peu, il n'est occupé, depuis le matin jusques au soir, qu'à faire parler de lui; il aime les trophées et les victoires, mais il craint autant de voir un bon général à la tête de ses troupes, qu'il aurait sujet de le craindre à la tête d'une année ennemie. Il n'est, je crois, jamais arrivé qu'à lui d'être, en même temps, comblé de plus de richesses qu'un prince n'en saurait espérer, et accablé d'une pauvreté qu'un particulier ne pourrait soutenir. Il aime à gratifier ceux qui le servent; mais il paye aussi libéralement les assiduités, ou plutôt l'oisiveté de ses courtisans, que les campagnes laborieuses de ses capitaines. Souvent il préfère un homme qui le déshabille, ou qui lui donne la serviette lorsqu'il se met à table, à un autre qui lui prend des villes ou lui gagne des batailles. Il ne croit pas que la grandeur souveraine doive être gênée dans la distribution des grâces, et, sans examiner si celui qu'il comble de biens est homme de mérite, il croit que son choix va le rendre tel: aussi lui a-t-on vu donner une petite pension à un homme qui avait fui deux lieues, et un beau gouvernement à un autre qui en avait fui quatre. Il est magnifique, surtout dans ses bâtiments: il y a plus de statues dans les jardins de son palais que de citoyens dans une grande ville. Sa garde est aussi forte que celle du prince devant qui les trônes se renversent ses armées sont aussi nombreuses, ses ressources aussi grandes, et ses finances aussi inépuisables.

De Paris, le 7 de la lune de Maharram 1713.

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3. Voltaire, De l’horrible danger de la lecture, 1765

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Nous, Joussouf Cherébi, par la grâce de Dieu, mouphti du Saint-Empire ottoman, lumière des lumières, élu entre les élus, à tous les fidèles qui ces présentes verront, sottise et bénédiction. Comme ainsi soit que Saïd Effendi, ci-devant ambassadeur de la Sublime Porte, vers un petit État nommé Frankrom, situé entre l'Espagne et l'Italie, a rapporté parmi nous le pernicieux usage de l'imprimerie, ayant consulté sur cette nouveauté nos vénérables frères les cadis et imans de la ville impériale de Stamboul, et surtout les fakirs connus par leur zèle contre l'esprit, il a semblé bon à Mahomet et à nous, de condamner, proscrire, anathématiser ladite infernale invention de l'imprimerie, pour les causes ci-dessous énoncées. 1° Cette facilité de communiquer ses pensées tend évidemment à dissiper l'ignorance, qui est la gardienne et la sauvegarde des États bien policés. 2° Il est à craindre que parmi les livres apportés d'Occident, il ne s'en trouve quelques-uns sur l'agriculture et sur les moyens de perfectionner les arts mécaniques, lesquels ouvrages pourraient à la longue (ce qu'à Dieu ne plaise) réveiller le génie de nos cultivateurs et de nos manufacturiers, exciter leur industrie, augmenter leurs richesses, et leur inspirer un jour quelque élévation d'âme, quelque amour du bien public, sentiments absolument opposés à la saine doctrine. 3° Il arriverait à la fin que nous aurions des livres d'histoire dégagés du merveilleux, qui entretient la nation dans une heureuse stupidité; on aurait dans ces livres l'impudence de rendre justice aux bonnes et aux mauvaises actions, et de recommander l'équité et l'amour de la patrie, ce qui est visiblement contraire aux droits de notre place. 4° Il se pourrait dans la suite des temps que de misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d'éclairer les hommes et de les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses, dont le peuple ne doit jamais avoir de connaissance. 5° Ils pourraient, en augmentant le respect qu'ils ont pour Dieu, et en imprimant scandaleusement qu'il remplit tout de sa présence, diminuer le nombre des pèlerins de La Mecque, au grand détriment du salut des âmes. 6° Il arriverait sans doute qu'à force de lire les auteurs occidentaux qui ont traité des maladies contagieuses, et de la manière de les prévenir, nous serions assez malheureux pour nous garantir de la peste, ce qui serait un attentat énorme contre les ordres de la Providence. À ces causes et autres, pour l'édification des fidèles, et pour le bien de leurs âmes, nous leur défendons de jamais lire aucun livre, sous peine de damnation éternelle. Et de peur que la tentation diabolique ne leur prenne de s'instruire, nous défendons aux pères et aux mères d'enseigner à lire à leurs enfants. Et pour prévenir toute contravention à notre ordonnance, nous leur défendons expressément de penser, sous les mêmes peines; enjoignons à tous les vrais croyants de dénoncer à notre officialité quiconque aurait prononcé quatre phrases liées ensemble, desquelles on pourrait inférer un sens clair et net. Ordonnons que dans toutes les conversations on ait à se servir de termes qui ne signifient rien, selon l'ancien usage de la Sublime-Porte. [...]

Donné dans notre palais de la Stupidité, le 7 de la lune de Muharem, l'an 1143 de l'hégire

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Annexe e Quelques informations bibliographiques sur les auteurs des listes de bac (que vous complèterez par la lecture de votre manuel aux pages 524-550 (panorama complet, du Moyen Âge au XX° siècle.

M. Aurelius Augustinus (354-430)

C’est un citoyen romain d’Afrique (évêque d’Hippone, près de l’ancienne Carthage), qui a vécu à la fois le progrès du christianisme qui est de venu la religion officielle de l’empire romain, et la chute de Rome face aux invasions barbares. Il est le garant de ces deux mondes : il use de la langue, de littérature et de la rhétorique romaine pour réfléchir aux grandes idées de la chrétienté.

C’est sa mère qui le convertit au christianisme, non sans mal : la Bible passe alors pour un livre barbare, mal structuré et rempli d’éléments irrationnels. Les Confessions sont pleines des désordres que regrette Augustin, et qui témoignent de son amour alors inconscient pour dieu.

Il devient évêque d’Hippone en 395. il compose une œuvre considérable de sermons, de lettres et de traités (dont le plus célèbre reste la colossale Cité de dieu), ainsi qu’une autobiographie, Les Confessions.

Marguerite de Navarre (1492-1549)

Reine de Navarre, sœur de François I°. Elle bénéficie d’une éducation humaniste : elle apprend le Latin, l’Italien et le Grec.

Dès que son frère monte sur le trône, c’est elle qui tient lieu de reine et organise la vie de cour, mais son attirance pour les nouvelles doctrines religieuses et la Réforme la rend suspecte et provoque sa condamnation par la Sorbonne en 1533. Mariée à Henri d’Albret, roi de Navarre, elle accueille en son domaine et elle protège des écrivains comme Rabelais et Marot, les poètes néo-latins, Bonaventure Des Périers, et tous ceux qui tentent de rénover la vie religieuse : Lefèvre d’Étaples, Briçonnet, Gérard Roussel, Caroli, plus tard les libertins spirituels.

Elle compose de nombreux poèmes, dialogues, ou épîtres. L’Heptaméron, conçu initialement comme une version française du Decaméron de Boccace, est don œuvre la plus connue : elle y met en scène dix conteurs, qui raconte chaque jour une histoire (plutôt grivoise et libertine) dont l’assemblée tire un enseignement mondain ou moral.

La Pléïade

Connue également sous le nom de brigade, il s’agit d’une école littéraire a posteriori, qui rassemble les auteurs (Jodelle, le Baïf, du Bellay, …) qui ont gravités autour de Ronsard, sans qu’il y ait eu de véritable concertation littéraire entre eux. Ces poètes sont cependant liés par un projet commun que Peletier du Mans, Du Bellay, Pontus de Tyard et Ronsard ont essayé de définir : o création d’une littérature nouvelle en langue française qui atteigne au prestige des

genres antiques (à la perfection atemporelle). Imiter les anciens signifie donc retrouver à travers eux la pureté de la poésie originelle.

o Création d’une langue poétique spécifique (et la Pléïade a ainsi enrichi profondément le vocabulaire français, de même qu’elle a retrouvé le latin classique)

o Usage de la mythologie classique, qui apparaît comme une clef d’interprétation du monde. La littérature appartient désormais aux lettrés qui se comprennent entre eux et parlent le même langage.

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Pierre de Ronsard (1524-1585)

Il suit avec Jean Antoine de Baïf les leçons de grec de Jean Daurat. En 1547, il a déjà écrit sa première ode, au collège Coqueret où Joachim du Bellay l’a rejoint. Il publie le premier livre des Amours en 1552 et les Hymnes l’année de la paix d’Augsbourg et des mauvais présages des Prophéties de Nostradamus (1555). Il publie la première édition de ses Œuvres en 1560. Malgré le déchaînement des guerres civiles, il est, à quarante ans, au comble de la gloire : poète officiel de la cour de Charles IX, organisateur et metteur en scène des fêtes, propagandiste de la politique royale, à l’heure où le concile de Trente va s’achever, où Calvin et Michel-Ange viennent de mourir, il se pose en porte-parole de la Contre-Réforme sans toujours bien comprendre ce qu’elle implique ni prévoir les prises de position qu’elle va susciter. Ronsard est en effet resté un homme de la pré-Réforme, plus proche des humanistes néo-platoniciens du début du siècle que des hommes nouveaux qui préparent les futurs combats entre théologiens jésuites et jansénistes.

Sa poésie est empreinte de pétrarquisme : goût pour la nature bucolique, prédominance du thème amoureux, place dominante de la femme aimée (trait commun à l’amour courtois. Le poème a pour tâche de susciter le seul bonheur véritable : par ses mots, le poète dépasse la frustration, la tristesse amoureuse ou encore la peur de la mort. Le travail poétique consiste à faire naître le plaisir des mots. Joachim du Bellay (1522( ?)-1560)

Il est le seul de la brigade à n’être jamais tombé dans l’oubli, ce qui l’a desservi en donnant de lui l’image d’un poète simple et limpide. Second de la Brigade, c’est lui qui rédige son manifeste, la Deffence et illustration de la langue françoyse en 1549.

Il travaille à Rome aux côtés de son oncle, doyen du Sacré Collège (plus haut pouvoir après le pape), et tire de son exil doré l’inspiration des Regrez et des Antiquitez de Rome. Denis DIDEROT (1713-1784)

Il reçoit une éducation jésuite et la tonsure d’abbé avant de s’installer à Paris en 1729, où il semble avoir mené une vie très instable. On perd ainsi sa trace jusqu’en 1742, où on le retrouve comme traducteur de l’Histoire de la Grèce de Temple Stanyan, et ami intime de Rousseau, qui lui présente Condillac. Il se lie ensuite d’amitié avec Montesquieu et publie traités, dialogues, romans et pièces de théâtre.

Il se charge avec d’Alembert de la rédaction de l’Encyclopédie en 1747. Il en devient après le premier tome en 1751 le seul auteur, et mène le projet à son terme, même après s’être rendu compte en 1764 que les libraires avaient fait censurer ses articles. À partir de 1769, libéré de la lourde tâche d’encyclopédiste, il reprend les dialogues qu’il avait laissé en supens ( Le rêve de d’Alembert, le Supplément au voyage de Bougainville, …) C’est un philosophe sans système qui fait primer l’expérience et la discussion, et s’essaie à des formes littéraires novatrices. Il crée une forme de dialogue philosophique nouvelle : chaque interlocuteur représente une face de la pensée développée dans l’ouvrage, et il y a un véritable dialogue d’idée là où ses prédécesseurs se contentaient de mettre en scène un disciple qui acquiesçaient aux idées de son maître. Il est passé du déisme (idée d’un dieu naturel qui dépasse les formes que lui ont données les différentes doctrines religieuses) à l’athéisme : tout est dans le monde, dont l’ordre est auto-généré par une unité de tous les êtres. Jean Jacques Rousseau (1712-1778)

Bien que pris dans les Lumières et ses démarches, Rousseau s’y oppose et refuse le

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culte de la raison et l’accumulation des progrès et des richesses qui dénaturent selon lui l’humanité (mythe du bon sauvage).

Il entre en écriture avec un premier ouvrage qui plaide contre les progrès scientifiques et répond à la question suivane, proporsée par l’Académie de Dijon : Si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les mœurs.

Il a écrit par la suite des traités, des dialogues, de longs romans à thèse, qui empruntent les formes du roman d’éducation (l’Émile, La nouvelle Héloïse), ainsi qu’une autobiographie : les Confessions. François René de Chateaubriand (1768-1848) Nerval (1808-1855) Jean Paul Sartre (1905-1980)