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« SERVIR D'ABORD » ROTARY-CLUB DE TOULOUSE PRESIDENT 2018 – 2019 : THIERRY GLESS ESPACE CULTUREL NOVEMBRE 2018 EDITORIAL Jean Sarda, le plus fidèle lecteur et contributeur de notre espace de liberté culturelle, évoque très à propos les souvenirs de guerre de son père. Un témoignage criant de vérité qui rappelle certainement d’autres vécus que nous avons tous entendus rapportés par nos pères, grands-pères et oncles et qui fait comprendre avec émotion le face à face du poilu avec la mort, son absence de haine et sa soif de paix, cette paix dont l’Europe jouit aujourd’hui trop inconsciemment. (Page 2 « Centenaire de la Grande Guerre » par Jean Sarda) Votre serviteur vous livre quelques réflexions personnelles sur le pouvoir médiatique. Exprimées à l’invitation du club d’Olonzac, elles ont fait l’objet d’une discussion animée, dans la bonne humeur, avec nos amis du minervois quelques jours seulement avant les manifestations des « gilets jaunes ». Le club d’Olonzac est très demandeur de contacts avec notre club, son club parrain. N’oublions pas de sortir de nos « territoires » et de les associer à nos actions et réflexions… (Page 3 « Media et Démocratie, Je t’aime, moi non plus » par Jean-Jacques Boissin) En janvier dernier, à Toulouse, devant l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres, Henri Rème a prononcé l’éloge de Paul Féron qui nous a quitté en juillet 2017. Henri a désiré partager avec nous et raviver le souvenir radieux que Paul a laissé dans nos souvenirs rotariens. (Page 7 « Eloge de Paul Féron » par Henri Rème) Cet espace culturel est avide de vos pensées et, comme l’amitié, les pensées grandissent dans le partage… Jean-Jacques Boissin 1

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« SERVIR D'ABORD »

ROTARY-CLUB DE TOULOUSE

PRESIDENT 2018 – 2019 : THIERRY GLESS

ESPACE CULTUREL

NOVEMBRE 2018

EDITORIAL

Jean Sarda, le plus fidèle lecteur et contributeur de notre espace de liberté culturelle, évoque très à propos les souvenirs de guerre de son père. Un témoignage criant de vérité qui rappelle certainement d’autres vécus que nous avons tous entendus rapportés par nos pères, grands-pères et oncles et qui fait comprendre avec émotion le face à face du poilu avec la mort, son absence de haine et sa soif de paix, cette paix dont l’Europe jouit aujourd’hui trop inconsciemment. (Page 2 « Centenaire de la Grande Guerre » par Jean Sarda)

Votre serviteur vous livre quelques réflexions personnelles sur le pouvoir médiatique. Exprimées à l’invitation du club d’Olonzac, elles ont fait l’objet d’une discussion animée, dans la bonne humeur, avec nos amis du minervois quelques jours seulement avant les manifestations des « gilets jaunes ». Le club d’Olonzac est très demandeur de contacts avec notre club, son club parrain. N’oublions pas de sortir de nos « territoires » et de les associer à nos actions et réflexions… (Page 3 « Media et Démocratie, Je t’aime, moi non plus » par Jean-Jacques Boissin)

En janvier dernier, à Toulouse, devant l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres, Henri Rème a prononcé l’éloge de Paul Féron qui nous a quitté en juillet 2017. Henri a désiré partager avec nous et raviver le souvenir radieux que Paul a laissé dans nos souvenirs rotariens. (Page 7 « Eloge de Paul Féron » par Henri Rème)

Cet espace culturel est avide de vos pensées et, comme l’amitié, les pensées grandissent dans le partage…

Jean-Jacques Boissin

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Centenaire de la Grande-Guerre

Les célébrations du 11 Novembre 2018, marquant le Centenaire de la fin de la première Guerre mondiale, me remettent en mémoire certains propos de mon père (1897-1979) qui, à peine reçu bachelier maths-élém, au terme de ses études secondaires au Collège de Saint-Gaudens, vit en juillet 1916 son enrôlement immédiat comme soldat de seconde classe dans le corps des artilleurs, selon la tradition familiale… Quinze jours de formation accélérée dans les casernes Compans-Caffarelli de Toulouse. Puis des heures et des heures de train. Enfin le front de la Somme où, dès son arrivée, il lui fut remis en pleine responsabilité une carriole, et les rênes du cheval qui la tirait afin de commencer sa guerre en ravitaillant en obus les lignes de feu. Le soir tombé, mon père continuait sa navette entre les pièces d'artillerie, canons de 75, et l'arrière, afin d'y recharger en obus les alvéoles vides ménagées sur la charrette. La nuit venue, lors de ses rotations continues, le combat faisait rage, plus d'un million d'obus tirés sur la ligne de front lors de la bataille de la Somme, et de tous côtés les flammes accompagnant le bruit de départ des obus, les fusées éclairantes tirées d'on ne sait quelles tranchées ou batterie, la fusillade et ses sifflements, les tirs de crapouillots, le bruit infernal des explosions si proches : mon père eut-il peur ? Jamais je n'obtins de lui autre chose que l'expression d'un émerveillement ingénu et sincère : « - Ce fut le plus beau feu d'artifice de ma vie ! » Et mon père n'eut par la suite jamais peur de rien comme je pus le constater, quand, bien des années plus tard, il nous fit sortir vers midi dans le jardin pendant l'alerte pour nous aguerrir, alors que la sirène avait retenti, par une belle journée annonçant le printemps, durant un bombardement aérien de l'année 1945 sous un érable du jardin de la maison où nous habitions, 10, rue Malakoff au Bouscat, et que ma mère manqua d'être tuée à côté de nous ; renversée par la

branche de notre bel érable, sectionnée net par un éclat de bombe qui volait dans les airs sans trahir sa présence et qui fut retrouvé…

Ma Grand-Mère paternelle, chère femme, avait beaucoup souffert pendant trois jours à Quié (Ariège) pour mettre mon père au monde, le 2 août 1897, soutenue sur un fauteuil par les bras des voisines : elle n'eut pas d'autres enfants. Quand, devenue très vieille dame et veuve, elle dut se résoudre à venir vivre avec nous, nous avions parfois des conversations au cours desquelles je la questionnais sur la vie de mes grands-parents pendant que leur fils était au front. Instruite par ce qu'elle voyait autour d'elle, l'annonce par les Gendarmes aux parents de la mort au Champ d'honneur de leur fils, les blessés qui finissaient par revenir vers leurs familles, défigurés, handicapés, anéantis, ma Grand-Mère Rosalie m'avoua un jour qu'elle avait tremblé intérieurement pour son fils unique tout au long de sa présence au front.

Une si forte angoisse existentielle se trouva encore plus vivement renforcée quand une autre mère d'un garçon sous les drapeaux, une voisine demeurant dans la même Avenue de Luchon, à Saint-Gaudens, à quelques dizaines de mètres, s'entendit appeler d'une voix forte dans l'après-midi d'une belle journée par la voix de son fils : « - Maman ! Maman ! » Cette femme courut à la rencontre de celui qu'elle chercha partout mais en vain. Et pour cause ! A l'heure de son appel, ce garçon était tué au combat et sa dernière pensée fut pour sa mère. Cet épisode jeta un grand trouble dans les familles et mon père, esprit avant tout cartésien, l'admit, d'autant plus que divers cas analogues de télépathie furent cités au cours de la Grande Guerre.

L'épisode dramatique que voulut bien évoquer mon père le concernant constitue un témoignage d'exception, lié à son intérêt porté à l'aviation alors en plein essor chez les belligérants. N'avait-il pas

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vu, passant très près en vol, le fameux as des airs Guynemer en personne ?

A l'approche de l'armistice, il semble que les soldats aient eu à se débrouiller par eux-mêmes en fonction de leur occupation du terrain. Vers le soir, en prévision d'y passer la nuit, mon père avisa une maison encore débout sur le périmètre dont il était responsable. Elle était abandonnée, bien sûr. Il y pénétra facilement, trouva à dormir et fut aussitôt gagné par le sommeil. Au matin du lendemain, il fut réveillé par l'insistance d'un moteur d'avion qui, faisant du rase-mottes, tournait autour de la maison en virages serrés. Voulant se rendre compte de la situation, mon père sauta dans ses chaussures et sortit sur le seuil. Là, il demeura pétrifié : il voyait, me disait-il, le visage haineux de son ennemi qui, une bombe à ailettes en mains, allait le tuer. Incapable de se mettre à l'abri, mon père eut conscience d'avoir à subir son sort. Avec une précision remarquable pour qui se meut dans l'air, le pilote hostile lança sa bombe sur mon père.

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Elle lui tomba sur le bout des chaussures avant de rebondir sur la dernière marche du seuil. Etait-ce le cuir des chaussures qui amortit le choc sur le percuteur ? N'importe : la bombe à ailettes n'explosa pas ! Et mon père resta en vie. Dans notre

lignée où sur cent trente ans il n'y eut qu'un enfant par génération, un garçon, comment ne pas y voir un effet de « la Provvidenza che governa il mondo », pour reprendre le premier vers d'un « Hymne sacré » de l 'écrivain-poète i tal ien Alessandro Manzoni ? Il aura fallu l'exposition du centenaire sur la Grande Guerre, voulue et conduite par Madame le Docteur Arielle Auvergnat à l'Hôtel-Dieu de Toulouse pour enfin voir une « bombe à ailettes » dans une vitrine.

Jean Sarda

Médias et Démocratie, « je t’aime, moi non plus »

L’élection du président des Etats-Unis d’Amérique en novembre 2016 a été r a p i d e m e n t s u i v i e d ’ u n e r u m e u r grandissante selon laquelle l’équipe du candidat aurait utilisé des informations c o n f i d e n t i e l l e s p r o c u r é e s n o n intentionnellement par Facebook pour envoyer des messages personnalisés à des électeurs identifiés comme hésitants, destinés à les convaincre de voter pour Donald Trump.

Comment cela est-il possible?

Strategic Communication Laboratories (SCL), une firme anglaise spécialisée dans l a s e g m e n t a t i o n t r è s f i n e d e s compor tements par l ’ana lyse des h a b i t u d e s e t d e s c o n t e n u s d e communication sur l’internet peut en associant analyse psychologique et big data, définir avec précision des ensembles d’individus répondant à certains critères, et envoyer des messages commerciaux ou p o l i t i q u e s a d a p t é s a u x p r o f i l e s sélectionnés. On comprend aisément l ’ intérêt f inancier pour l ’entreprise d’optimiser les dépenses de publicité.

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Robert Mercer citoyen américain ayant construit sa fortune dans la gestion algorithmique de hedge funds et proche de Donald Trump a créé aux Etats-Unis une société ad hoc filiale de SCL, Cambridge

Analytica, pour héberger une équipe de doctorants travaillant à adapter cette technique aux élections américaines. En 2014, dans le cadre de sa recherche universitaire et avec la bénédiction de Facebook, Cambridge Analytica a soumis à des u t i l i sa teu rs du réseau un questionnaire psychologique auquel 270 000 abonnés ont répondu donnant accès sans le savoir, par le jeu de leurs carnets d’adresses à une population de 87 millions d’individus!…

L’exploitation de cette énorme base de données aurait permis d’envoyer des informations éphémères fausses ou orientées aux électeurs des états du nord pour les rallier à Donald Trump. D’aucuns prétendent qu’il aura suffit de faire basculer 77 000 voix seulement en faveur du candidat républicain pour remporter le nombre de grands électeurs nécessaires et donc la victoire finale malgré un déficit au plan national de 3,5 millions de voix comparé à l’électorat démocrate.

L’affaire est évidemment scandaleuse; elle a fait l’objet d’enquête et d’une publicité désastreuse pour Facebook et Mark Zuckerberg qui a été invité à venir s’expliquer devant le Sénat américain.

Tout a été dit et écrit en abondance dans les presses américaine et anglaise à ce sujet, surtout sur la faillite de l’engagement de Facebook de protéger la vie privée des internautes.

Au-delà de cette histoire, il faut se demander comment et pourquoi on en est venu dans un pays de toute évidence démocrat ique, à une manipulat ion « chirurgicale » de l’information.

1. Dès sa création par Théophraste Renaudot en 1631, la presse tisse des liens étroits avec le pouvoir. La publication d’ informations d’abord des peti tes annonces d’offres d’emplois (déjà!) ou de t r a n s a c t i o n s i m m o b i l i è r e s p u i s d’informations publiques et politiques

commentées ne peut pas laisser la monarchie d’alors indifférente et Richelieu, séduit pas la qualité des articles de Théophraste, lui accorde le monopole de la publication et en fait un instrument de propagande. Dès l ’o r ig ine , l ’ i dée simplement altruiste devient quasi immédiatement politique…

2. Les idées politiques se développent avec les évènements historiques. Le concept d’état prend naissance avec Louis XIV (« l’Etat c’est moi… ») Il faut attendre les philosophes du siècle des lumières, la première république qui n’a jamais été appliquée, la seconde qui ne dure que 4 ans et finalement la troisième en 1870 suivie de la quatrième en 1946 et en 1958

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de la cinquième république pour que les institutions se mettent fermement en place et distinguent les trois pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Nous vivons aujourd’hui comme la plupart des pays développés dans une démocratie représentative où les affaires de l’état sont discutées et les lois votées par le parlement, assemblée constituée d’élus représentant chacun la nation tout entière.

3. Pendant que les institutions se mettaient en place, et cela ne s’est pas fait en un jour, la presse participe au développement des idées politiques et devient le plus souvent partisane, la pluralité des titres assurant heureusement la pluralité des opinions.

4. Redoutant la capacité de la presse à soulever les peuples, on comprend la tentation des gouvernements de la contrôler. Il n’y a pas si longtemps, le gouvernement français comprenait un ministère de l’information qui tenait la télévision d’une main ferme.

La liberté de la presse est aujourd’hui un indicateur de qualité de la démocratie. Elle est encore très loin d’être garantie dans le monde entier et, même dans nos pays, la presse est souvent suspectée d’être manipulée voire manipulatrice et la simple suspicion suffit à ruiner la confiance qu’on pourrait lui accorder.

5. La télévision a révolutionné la vie politique en introduisant l’image au sein des familles. Le Général de Gaulle est le premier homme politique à l’utiliser avec un talent inégalé depuis. Chaque conférence de presse est une mise en scène impressionnante où le général n’hésite pas à répondre aux questions qu’on ne lui a pas posées…

6. En mai 1968 les manifestations dans Paris sont commentées en direct par Europe n°1 qui fournit au public des renseignements sur les mouvements de

foule que les compagnies de CRS ne possèdent pas en propre… Suite aux « évènements », les idées contestataires se répandent généreusement à travers les radios libres qui se multiplient dans les années 70.

7. Chaque élect ion légis lat ive ou présidentielle, chaque referendum fait aujourd’hui l’objet d’émissions télévisées ou radiodi ffusées qui sont autant d’occasions pour les oppositions plus

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d ’ e x p r i m e r a v e c v i g u e u r l e u r mécontentement que de débat t re honnêtement des choix pol i t iques. L’ob jec t i v i té ne fa i t pas rece t te . L’agressiv i té est devenu un sty le d’expression. L’intervieweur se doit de démon t re r son i ndépendance en malmenant le candidat qui en retour démontre par son flegme son aptitude à gouverner.

8. Le pouvoir médiatique est aujourd’hui reconnu comme le quatrième pouvoir, sans qu’il ne soit encadré dans aucune loi organique. Mais comment procéder pour « l’encadrer »? La liberté de la presse ne se règle pas comme un haut-parleur… La presse est libre ou pas et ce serait pure folie que de lui ôter sa liberté (pour autant qu’on le puisse…).

Des informations vraies ou fausses révélées en pleine campagne électorale sont capables d’éliminer sans appel un candidat.

9. L’internet et les réseaux sociaux accé lèrent la montée du pouvo i r médiatique ils alimentent la presse t r a d i t i o n n e l l e . L’ i m m é d i a t e t é d e l’information véhiculée par le net poussent au scoop à tout prix, au sensationnel, au détriment de la réflexion et de l’analyse, pour maintenir l’audience au plus haut, source essentielle des revenus.

10. La faiblesse des marges par lesquelles les majorités sont obtenues démontre la bonne santé de la démocratie, la diversité de l’opinion mais en même temps sa volatilité, sa fragilité. Il n’est donc pas étonnant de voir les efforts déployés par les hommes politiques pour gagner des é l e c t i o n s . C h a q u e v o i x c o m p t e . Finalement, la conquête du pouvoir devient un métier à part entière avec le concours de firmes très spécialisées comme Cambridge Analytica et gagner ou

conserver le pouvoir exige plus d’énergie que de l’exercer.

11. La course aux votes conduit à choyer les minorités et les réseaux sociaux en facilitent l’accès. En leur offrant des tribunes on exagère leur importance et on oublie que la démocratie est fondée sur la règle de la majorité qui s’impose à tous. Un exemple récent : le dernier referendum e n N o u v e l l e - C a l é d o n i e a r e j e t é l'indépendance à 56% avec un taux de participation de 80% et la télévision s’empresse de tendre le micro aux partisans déçus de l’indépendance qui invitent à « continuer le combat »….

12. La course au votes conduit aussi à plaire aux électeurs, à éviter toute mesure douloureuse et privilégier les mesures à court terme destinées à corriger les symptômes au lieu de corriger les racines du mal par des mesures trop lentes à porter leurs fruits.

Finalement les médias sont devenus comme la langue d’Esope la meilleure et la pire des choses. Il faut savoir l’utiliser et s’en protéger.

Comment faire?

1. Apprendre aux écoliers très tôt l’amour de la vérité et la nécessité de cultiver le doute et la circonspection en vérifiant les informations, ce que fait normalement une presse digne de ce nom. Les « fake news » sont une arme politique fatale.

2. Intensifier l’explication de la vie politique courante de façon non partisane. La loi de la majorité n’a rien de naturelle, il faut faire comprendre dès le plus jeune âge que se soumettre à cette loi est l’acte vertueux citoyen fondamental.

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3. Confier à une institution indépendante, genre INSEE, la dénonc ia t ion e t rectification rapide des erreurs, volontaires ou non, commises dans les discours publics.

4…. la liste est ouverte…

Jean-Jacques Boissin (Sujet de discussion proposé au Rotary Club d’Olonzac le 13 novembre 2018).

Éloge de Paul FÉRON

15 juillet 1925 - 9 juillet 2017

Une vie glorieuse où se sont mêlés le sens de l’Etat, l’amour des siens et des belles

lettres, la réussite, les honneurs, l’écriture de livres.

Paul Féron est né à Flers dans l'Orne le 15 juillet 1925. Son grand-père maternel y avait fondé une entreprise de chapellerie au début du 20ème siècle. Son père, Robert Féron, était issu d'une famille de commerçants en tissus. Paul était le second fils de Robert.

La famille et le commerce étaient domiciliés au centre de Flers. Paul a été très marqué par la guerre. Lors de la libération de la Normandie en 1944, l'aviation alliée a bombardé beaucoup de centres villes et c’est ainsi que la maison et l'entreprise des Féron furent détruites.

De cette période d'occupation et de libération la famille a conservé le souvenir de quelques récits de Paul : une très active participation à la défense passive, la reche rche des b lessés dans l es décombres, l'aide aux sinistrés, les déplacements en vélo entre Flers et Paris pour acheminer du courrier et surtout, ce qui aurait pu lui coûter la vie, la fusillade qu'il subit en vélo près de Flers, un aviateur anglais l'ayant pris pour cible. Il

s'en sortit par un plongeon dans un fossé pour éviter les balles. Après la fin de ses études à Flers, il intègre l 'école Sainte-Geneviève à Versailles puis entre à SUPELEC.

A la sortie de l'école, il entre à EDF en 1948, à l'Aigle, dans l'Orne. Il se fiance en août 1950 avec Monique de Lentaigne de Logivière qu'il épouse en décembre de la même année. De leur union naitront huit enfants, quatre g a r ç o n s e t q u a t r e f i l l e s , chronologiquement : Antoine, Pascal, François-Pierre, Olivier, Marie-Hélène, Béatrice, Valérie et Claire.

En 1968 après plusieurs affectations en Normandie et en Val de Loire, il est nommé chef du centre de Toulouse-Nord. Il est responsable du nord de la Haute-Garonne et des départements du Tarn et du Tarn-et-Garonne. Il y aura beaucoup de déplacements, une pression sociale forte. Nous sommes en 1968 !…

En 1974 Paul est nommé directeur régional de la Lorraine et se retrouve à Nancy puis revient à Toulouse en 1980 comme directeur régional de la distribution de Midi-Pyrénées.

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Sa carrière se terminera à Paris où, abandonnant EDF et la distribution, il devient en 1986 Contrôleur Général de Gaz de France, à cette époque où EDF et GDF étaient une seule entreprise.

Ses occupations professionnelles ne l'ont pas empêché de s'intéresser à des quest ions importantes re lat ives à l'enseignement et à la recherche. Il a été successivement Président de l'IUT de Nancy, Administrateur de l'Association Toulousaine "Route Nouvelle" pour la recherche d'insertion de déficients mentaux, professeur de lycéens préparant les grandes écoles de commerce aux épreuves d’entretien.

Il a créé le réseau régional d'innovation technologique d'EDF-GDF en liaison avec la Délégation à la Recherche et la Technologie et le Rectorat de l'Académie de Toulouse.

L'ensemble de la vie professionnelle de Paul Féron aura été marquée par deux passions: l'électricité et la communication entre les hommes.

Paul prend sa retraite à la fin de 1989 mais ne devient pas inactif pour autant.

A la retraite, vice-président de l'association du bâtiment intelligent en Midi-Pyrénées (BATIMIP) il coordonne une démarche économique commune à l'Education N a t i o n a l e e t a u x F é d é r a t i o n s professionnelles du Bâtiment et de l'Équipement électrique et grâce à ses efforts le lycée Charles de Gaulle de Muret ouvre une formation de Techniciens Supérieurs en Domotique.

Le développement régional reste pour lui une de ses préoccupations et il participe aux travaux du Comité Economique et Soc ia l (CES) su r l e s p rob lèmes énergétiques.

Très rapidement, il s'investit dans les sociétés savantes. Il est très présent à l'hôtel d'Assézat ce qui faisait dire à son

épouse que l'hôtel était sa résidence secondaire.

Paul Féron et l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse:

Paul a été élu membre correspondant dans la classe des Sciences le 14 juin 1989 suite au rapport du Professeur Jean Nougaro. Il siège pour la première fois à l'Académie le 22 février 1990 et le 29 novembre de la même année il y fait sa première communication "L'Intelligence et le bâti" où il présente la domotique, moyen d'intégrer à l'habitat quantités de dispositifs électroniques qui améliorent la sécurité, le confort, les communications… Il fait le 26 mars 1992 une communication "Si Bachelier était parmi nous" à une époque où la perspective de l'installation de la fondation Bemberg à l'hôtel d'Assézat commence à être discutée.

Dès 1992 il a l'idée de susciter la création de l'association des Amis de l'hôtel d'Assézat qui verra le jour en 1995. Il suivra toujours de très près l'activité de cette association où plusieurs membres de notre Académie ont ou ont eu un rôle important.

Paul est élu à l'unanimité membre titulaire dans la c lasse des Sc iences de l'Académie le 13 janvier 1993.

Le 13 novembre 1996 il prend ses fonctions de Directeur de l'Académie, le professeur Michel Despax devenant président. Mais celui-ci décède peu après et le 12 février 1997 Paul est élu, à l'unanimité, président de l'Académie jusqu'en novembre 2000 soit pour presque 4 ans alors que le mandat des présidents est normalement de 2 ans.

Le 15 juin 1998 c'est lui qui présente le rapport en vue de l'élection comme membre correspondant dans la classe des Sciences de notre trésorier perpétuel actuel Gérard Laurans.

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Lors de l'AG du 24 janvier 2001, Paul est nommé chargé de mission auprès du P r é s i d e n t e t m e m b r e d u c o m i t é économique.

Le 11 juin 2003 il est rapporteur en vue de la titularisation de Gérard Laurans dans la classe des Sciences. Le 26 janvier 2006 il e s t é l u m e m b r e d u C o n s e i l d ' A d m i n i s t r a t i o n d e l ' U n i o n d e s Académies, le 12 octobre 2006 il rapporte sur la candidature de son grand ami Jean B o u r d e l e n q u a l i t é d e m e m b r e correspondant de la classe des sciences de notre Académie.

Durant toutes ces années il s'investit beaucoup dans le fonctionnement de l'hôtel d'Assézat, s'implique beaucoup dans l'intégration de la fondation Bemberg et la construction des nouveaux locaux, s ' in téresse au fonct ionnement de l'association Fermat, relance le prix Ozenne en trouvant un soutien financier qui est toujours d'actualité puisque le directeur du Crédit municipal, M. Franck Paindessous, aujourd'hui président des amis de l'hôtel d'Assézat, continue à le soutenir chaque année.

L'Académie des Jeux Floraux En 2003 Paul est élu au 3ème Fauteuil Mainteneur de l'Académie des Jeux Floraux. Il y joue un rôle important, s ' o c c u p a n t e n p a r t i c u l i e r d e l a bibliothèque. Récemment c'est notre confrère le professeur Jacques Arlet qui a fait son éloge funèbre dans cette noble assemblée.

L'historien et le littéraire

Deux personnages exceptionnels ont passionné Paul et l'ont amené à écrire deux livres d'un très grand intérêt, témoignages de cette passion à la fois historique et littéraire.

Le premier est une biographie complète de "Théodore Ozenne, mécène toulousain" paru en 1999 aux Presses de l'Université des sciences sociales de Toulouse.

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Le deuxième livre est consacré à "Pierre de Fermat, un génie européen" paru en 2002 aux Presses de l'Université des sciences sociales de Toulouse pour lequel il reçoit le grand prix de la ville de Toulouse le 28 avril 2003.

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La famille:

P a u l e t M o n i q u e r é u n i s s a i e n t régul ièrement leur grande famil le, partageant les nouvelles des uns et des autres, ne faisant pas de préférences. Le jour des obsèques de Paul à Saint-Pierre d'Entremont, dans l'Orne, son frère et son beau-frère ont évoqué la générosité et le temps qu’il a dispensé sans compter à sa famille et ses amis.

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L'amitié: Paul Féron et Jean Bourdel.

Partout où Paul est passé il a eu des amis et est resté très fidèle participant régulièrement aux réunions des anciens et gardant des contacts étroits.

Notre confrère Jean Bourdel est arrivé à Toulouse en 1971 et de 1972 à 1986 a été directeur régional du service production et transport d’EDF et contrôleur général. Paul est en poste à Toulouse lorsque Jean arrive; ils font connaissance et deviennent très amis. Paul quitte Toulouse en 1974 mais revient en 1980, nommé directeur général EDF de la distribution et contrôleur général. Ils ont donc été de très grands amis et le sont restés pendant près de 45 ans, ainsi d'ailleurs que leurs épouses Monique et Jeanne (Coco). J'ai un souvenir personnel très fort: En 2004-2005 j'étais président du Rotary Club de

Toulouse, club dont Paul Féron était membre depuis 1980. Son ami Jean ne se sentait pas bien dans son propre club; j'avais obtenu son transfert dans le nôtre. Début 2005 c'est Paul qui a parrainé Jean pour son intronisation dans notre club. Je vois encore ces deux messieurs de 80 ans les yeux emplis de larmes, sujets à une très profonde émotion. Quelle amitié formidable !!!

Paul Féron était Officier de l'Ordre National du Mérite et Officier des Arts et des Lettres.

La fin de sa vie fut bien triste. Très touché par le décès de son épouse en 2010, il fut atteint par la terrible maladie d'Alzheimer et s'isola de plus en plus. Après avoir été si brillant, quel dommage !!!

Paul, ta vie fut exemplaire. Merci pour tout ce que tu as fait pour l'hôtel d'Assézat, merci pour tout ce que tu as fait pour notre Académie, merci pour tout ce que tu as fait pour l'Académie des Jeux floraux, merci pour ce que tu as fait pour ta famille, merci pour ta fidélité en amitié, merci pour tout ce que tu nous as apporté.

Henri Reme (Eloge prononcé le jeudi 25 janvier 2018 à l’Académie des Sciences, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse).

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