32
Mutuelle et Santé LA REVUE DE LA MTRL REVUE TRIMESTRIELLE D’INFORMATION DE LA MTRL – N° 87 – SEPTEMBRE 2015 – 1 ¤ Le temps qui sans repos va d’un pas si léger Emporte avecque lui toutes les belles choses ; C’est pour nous avertir de le bien ménager Et faire des bouquets en la saison des roses. Tristan L’Hermite

Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Mutuelle et SantéLA

REV

UE D

E LA

MTR

LR

EV

UE

TR

IME

ST

RIE

LL

E D

’INF

OR

MA

TIO

N D

E L

A M

TR

L –

87 –

SE

PT

EM

BR

E20

15 –

Le temps qui sans repos va d’un pas si légerEmporte avecque lui toutes les belles choses ;C’est pour nous avertir de le bien ménagerEt faire des bouquets en la saison des roses.

Tristan L’Hermite

Page 2: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

La Revue de la MTRLMutuelle et Santé

n° 87

La Revue de la MTRL - Mutuelle et Santé est la publication officielle de la MTRL, une Mutuelle pour tous,37, avenue Jean-Jaurès 69007 LyonTél. : 04 72 60 13 00. Fax : 04 72 60 13 01N° Azur : 0 810 811 494

Internet : mtrl.fr et reflexe-prevention-sante.mtrl.frSecond site web : mtrl-id.come-mail : [email protected] et [email protected]° de CPPAP : 0417 M 05960.22e année – trimestriel – septembre 2015 – n° 87Le numéro : 1 ¤, dans tous les bureaux et agences de la MTRL. Abonnement annuel : 4 ¤.Directeur de la publication : Romain Migliorini.Administrateur : Thierry Thévenet.Éditeur délégué : Les Éditions du Chaland.ISSN : 1253-921XImpression : IMAYE Graphic, 53000 Laval.

VIE DE LA MTRL• Brèves

• QALYO votre assistant personnel de santé sur Smartphone

3

SANTÉ PUBLIQUELa mammographie

de nouveau sur le grill7

DOSSIERLe transhumanisme

est-il encore un humanisme ?8

SOINS ET SANTÉL’ostéopathie : une nouvelle piste

pour traiter la douleur de l’après-cancer ?

12

RETOUR AUX FONDAMENTAUXLa nutrition cellulaire active

et le fonctionnement neuronal14

CONNAÎTREMédecine classique et médecines naturelles : comment les allier pour

développer et garder sa vitalité20

DÉCOUVRIRL’œuvre d’Auguste Lumière

22

Dans ce numéro, un cahier centralde 8 pages, numérotées de I à VIII

“Pourquoi et comment identifier les sujets âgés fragiles ?”

ÉDITORIAL

ors de notre 4e Colloque d’économie de la santé, en octobre 2014, le Pr Didier Sicard, président d’honneur du Comité consultatif nationald’éthique, s’était livré à une véritable mise en pièces de la loi sur le vieillissement qui venait juste d’être votée par le Parlement : « Le 17 septembre 2014, une loi sur le vieillissement a été adoptée parl’Assemblée nationale, je vous supplie de la lire ! Parce que vous verrez qu’il n’ya pas une seule donnée, mais on y découvre un véritable festival utopique duvieillissement dans l’avenir, avec des professeurs de sport, de gymnastique danschaque établissement, une nutrition adaptée à chaque personne âgée ; il y aurades aidants qui seront aidés, et les personnes âgées auront droit au respect, carles personnes âgées sont le ferment de l’avenir, qu’il va y avoir une silvereconomy… et il n’y a pas un centime ! Les personnes âgées font actuellementl’objet d’un rejet hospitalier, d’un rejet de notre société, et on fait une loi, et uneloi française, qui est une loi purement utopique, une loi qui serait faite parJean-Jacques Rousseau, une loi qui n’a pas la moindre articulation au réel, etelle a été adoptée à l’unanimité par une Assemblée nationale je pense absente…Et si vous l’aviez lue, vous auriez été effarés de voir qu’on présentait auxFrançais une espèce d’utopie totalement décalée du réel. »

C’est vrai que, sur le site gouvernement.fr, on ne lésine pas dans l’hyperbole,du genre : « Cette “révolution de l’âge” est une chance pour la France »,quand on sait que le nombre actuel de personnes classées en ALD (affectionsde longue durée) – où les seniors sont très majoritairement représentés –s’élève à 10 millions ! Qu’elle est « porteuse de croissance », « génératrice d’undéveloppement économique »… même si, en attendant, c’est l’Assurancemaladie qui assume des déficits en continu !

Quoi qu’il en soit, la loi sur le vieillissement porte surtout sur l’effort à faireen matière de perte d’autonomie des personnes âgées, dont le coûtconsidérable ne peut être supporté par les familles et relève nécessairement de la solidarité nationale.

En revanche, comme l’explique fort bien le Pr Claude Jeandel, dans sonremarquable article à l’intérieur de la revue, des solutions pratiques existentpour cette population âgée, et une mutuelle comme la nôtre se doit de lesproposer à ses adhérents pour leur permettre de vivre un “vieillissement à haut niveau de fonction”, selon les termes de l’auteur.

Repérer les fragilités, évaluer les interventions préventives et proposer un planpersonnalisé à nos adhérents qui le souhaitent seront les axes d’une action quenous désirons lancer, en collaboration avec ce praticien, dans les toutprochains mois.

Vieillir, ça vient tout seul… et plus vite qu’on n’aurait pu jamais l’imaginer.Accéder à un vieillissement réussi demande d’y mettre du sien, mais c’est plusfacile quand on peut bénéficier du soutien des autres. C’est le challenge quela Mutuelle a décidé de relever en s’adressant à ses adhérents les plus exposés,sinon les plus méritants, en tout cas les plus fidèles.

Le président, Romain Migliorini

L

Pour un “vieillissementà haut niveau de fonction”

En couverture : Artistic portrait of friendly senior old male.© Dundanim/Shutterstock

Page 3: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

3

Vie de la MTRL

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

LA MTRL À LA FOIRE DU CREUSOT 2015

L a MTRL, forte de son réseau d’agences en Saône-et-Loire (Le Creusot, Montceau-les-Mines,Mâcon, Louhans et Cuiseaux) sera présente à l’édition 2015 de la Foire biennale du Creusotorganisée par Creusot Initiatives.

La Foire se déroulera du samedi 12 au lundi 20 septembre au Parc de la Verrerie. Un rendez-vous régional incontournable qui attire chaque fois des milliers de visiteurs.

La MTRL, adhérente de Creusot Initiatives, attache une grande importance à cettefoire régionale très active et qui regroupe plusieurs dizaines d’exposants.

Nos adhérents sont les bienvenus sur le stand de la MTRL pour y découvrir offres,nouveautés et services. Et participer à un jeu concours. Un moment convivial.

Ajoutons que la journée du mercredi 16 septembre est en quelque sorte unejournée MTRL avec 2 temps forts au Club House :

Le mercredi des enfants : nous proposons L’Odyssée, un spectacle pour enfants (de 5 à 13 ans) créé par la compagnie lyonnaise Tsemerys avec deux représentationsà 14 heures et 16 heures. Entrée libre.

Racontant l’épopée d’Ulysse, L’Odyssée est une pièce de 45 minutes adaptée pourle jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des plus grands !

Une conférence de santé à 18 heures animée par le Dr Christiane Ricard-Meille, médecin rhumato-logue, sur le thème de la maladie de Lyme. A découvrir pour être bien informé. Entrée libre.

Pour toute information, contacter l’agence MTRL du Creusot :03 85 55 01 60 ou [email protected]

LA MTRL PARTENAIRE DE L’ICM(INSTITUT DU CERVEAU ET DE LA MOELLE)

L a MTRL a décidé de soutenir les travaux importantsde l’Institut du cerveau et de la moelle en s’associantà l’action “Un circuit pour le cerveau”, organisée les

12 et 13 septembre prochain au circuitde Bresse (71), non loin de notreagence de Cuiseaux, à l’initiative duLions Club Lyon Doyen et du Circuitde Bresse. Et en présence du Pr GérardSaillant, directeur de l’ICM.

Un événement grand public permettant de réunirdes fonds pour la recherche menée par l’ICM. Unprogramme placé sous le signe de l’automobile de prestige et de sport GT(courses, baptêmes, animations) autour de 150 véhicules d’exception.

4E FORUM BIEN-ÊTRE ET SANTÉ A LOUHANS (71)

L a 4e édition du Forum Bien-être et Santé en Bourgogne, organiséepar la MTRL, se tiendra le samedi 10 octobre de 10 heures à 16 h 30 à Louhans (71), salle du Palace.

Le Forum permet d’accueillir de nombreux professionnels du bien-êtreet des pratiques médicales complémentaires, qui répondront à toutes vosquestions (ostéopathie, acupuncture, réflexologie, fleurs de Bach,homéopathie, shiatsu, yoga…). Un moment de rencontres, de questionset réponses, et de convivialité. Un rendez-vous à ne pas manquer.

Renseignements MTRL, agence de Louhans : 03 85 75 19 96ou [email protected]

D epuis quatre ans, la MTRL etl’Association Charles-Gide organi-sent un colloque d’économie de la

santé en début d’automne dans la salle duthéâtre des musées Gadagne de Lyon. Cettecinquième édition se déroulera le 3 octobreprochain dans ces mêmes lieux, avec pourthème Transhumanisme, intelligence artifi-cielle, clonage… Vers “l’avenir radieux” ?

Plusieurs spécialistes, médecins neuro-logues, chercheur en neurosciences,sociologue débattront de ce sujet quisuscite sans doute autant d’inquiétuderaisonnée que d’enthousiasme aveugle.Un compte rendu des travaux seraprésenté dans la prochaine édition decette revue.

CINQUIÈME COLLOQUE D’ÉCONOMIE DE LA SANTÉORGANISÉ PAR LA MTRL LE 3 OCTOBRE À LYON

Page 4: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

4

Vie de la MTRL

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

Page 5: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

5

Vie de la MTRL

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

Page 6: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Vie de la MTRL

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

SOIRÉE AUTOUR DE LA MALADIE D’ALZHEIMER A MORNANT

L e lundi 28 septembre, dans le cadre du Comité local d’information et de coordination, se dérou-lera à l’Espace Jean-Carmet de Mornant une soirée autour de la maladie d’Alzheimer. Cette soiréeest une initiative partenaire de la Communauté de communes du pays mornantais, la mairie

de Mornant et d’autres acteurs, dont la MTRL.Une soirée qui débutera à 19 h 30, organisée autour de deux temps forts :� Une pièce de théâtre intitulée Jacqueline, d’une durée d’1 h 10. Un spectacleentre humour et émotion qui évoque cette maladie sur un mode culturel et original.� Un temps d’information animé par le Dr Bernard Croisile, neurologue à l’Hôpital neurologique de Lyon, suivi de questions et réponses.La soirée est ouverte à tous et en entrée libre.

Renseignement auprès de la mairie de Mornant : 04 78 44 00 46

Octobre 2015Mercredi 7 octobre. Dr Christiane Ricard-Meille,rhumatologue, « La fibromyalgie »Jeudi 15 octobre. Dr Jacques Fumex, médecin hypnothérapeute, « Hypnose d’hier et d’aujourd’hui »Jeudi 22 octobre. Carole His, naturopathe(Omnes), « Des moyens naturels pour améliorer le sommeil »

Novembre 2015Jeudi 5 novembre.Dr Christelle Charvet, gynécologueobstétricienne, « L’homéopathie, une thérapie complémentaire »

Jeudi 19 novembre.Dr Philippe Fiévet, médecinnutritionniste, « Le sucre : le serial killer en liberté ! »

Mercredi 25 novembre. Dr ChristianeRicard-Meille, « La hernie discale »

Décembre 2015Jeudi 3 décembre. Carole His, « Les produits de la ruche, un trésor pour notre santé »Jeudi 10 décembre. Jérome Simian, préparateur physique, « Exercice et nutrition : la prévention rendue simple »

TOURNOI DES BRAVES

N os adhérents le savent, la MTRL est la mutuellecommunale de la ville de Mornant (69). Uneinitiative nouvelle permettant de proposer une

gamme de contrats de complémentaire santé spéciale-ment conçue pour les habitants de la commune et lespersonnes qui y travaillent.

La Mutuelle des Mornantaisrencontre un vif succès et ellepoursuit son développement.

Dans le même esprit et lamême démarche de collabora-tion, la MTRL a été choisie par

la ville de Lentilly. Cette commune dynamique et accueil-lante de quelque 6 000 habitants et située au nord-ouestde Lyon souhaitait proposer sa mutuelle communale.

C’est l’offre et l’engagement de la MTRL qui ont étéchoisis, et la Mutuelle lentilloise est née le 1er juillet 2015.

Construite avec les mêmes valeurs humaines de serviceset de partenariat, la Mutuelle lentilloise est bien partie, etla MTRL se félicite de la collaboration de très grandequalité initiée avec l’équipe municipale de Lentilly.

Comme pour la Mutuelle des Mornantais, la Mutuellecommunale s’adresse également aux entreprises présentessur la commune, et elle s’appuie sur un plan de travailconcerté qui prévoit également des actions dans ledomaine de la santé et de la prévoyance.

La MTRL travaille actuellement sur d’autres projets demutuelle communale…

6

Pour toute information, contacter Frédérique Ersonmez-Barbier au 01 44 71 52 41ou par mail : [email protected]

LES RENCONTRES SANTÉ ORGANISÉES PAR LA MTRL

Les rencontres se déroulent au siège de la Mutuelle, 37 avenue Jean-Jaurès à Lyon, les mercredis ou jeudis à 18 heures.

Page 7: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

L es résultats publiés dans l’étudeparue en juillet 2015 duDr Charles Harding* (équipe du

Pr Richard Wilson) remettent denouveau en cause l’intérêt du dépistagesystématique du cancer du sein parmammographie.

En septembre 2013, j’avais déjà écritun article sur ce sujet dans la revue de laMTRL [n° 79] en restant très prudente,car à l’époque nous n’étions qu’uneminorité de médecins français à nousposer des questions sur l’intérêt d’un teldépistage de masse. Je me posais et mepose toujours des questions éthiques surle surdiagnostic et le surtraitement, moiqui, médecin, ai fait serment de ne pasnuire au patient…

Un intérêt mitigéLes questionnements sur l’intérêt d’undépistage de masse du cancer du seinont pris forme en 2000 quand Gotzscheet Olsen* publient une méta-analysedanoise, alertant sur les risques de lamammographie de dépistage. Cesauteurs sont membres de la collabora-tion Cochrane, structure indépendante ;ils confirment en 2012 leurs premièresconclusions ; le document téléchargea-ble d’information aux patientes qu’ilséditent en 2012 énonce : « Il peut êtreraisonnable de participer au dépistagedu cancer du sein par mammographiemais il peut être tout aussi raisonnablede ne pas s’y soumettre, parce que cedépistage présente à la fois des bienfaitset des dommages :

Bienfaits : si 2 000 femmes sontexaminées régulièrement pendant10 ans, une seule d’entre elles bénéficieraréellement du dépistage par le fait qu’elleévitera ainsi la mort par cancer du sein.

Dommages : dans le même temps,10 femmes en bonne santé deviendront,à cause de ce dépistage, des patientescancéreuses et seront traitées inutile-ment. Ces femmes perdront une partieou la totalité de leur sein et ellesrecevront souvent une radiothérapie etparfois une chimiothérapie.

En outre, environ 200 femmes enbonne santé seront victimes d’une faussealerte. Le stress psychologique del’attente du résultat pour savoir si ellesont vraiment un cancer et celui de lasuite des soins peuvent être sévères.

L’étude récente de Harding a étémenée sur 16 millions de femmes deplus de 40 ans dépistées dans547 comtés des Etats-Unis. Le suivi aété de 10 ans ; 56 000 cancers ont étédépistés ; 53 000 ont été suivis sur10 années.

Le résultat est sans appel : l’aug-mentation des diagnostics estcorrélée au taux de dépistage maispas la baisse de la mortalité dans les10 ans suivant le dépistage.

Il est probable que l’amélio-ration des traitements arendu le dépistage moinsperformant puisque les traite-ments sont plus efficacesquelle que soit la taille de latumeur.

Quelle conclusion ?Il faudra probablement beau-coup de temps et d’autresétudes pour que nos respon-sables médicaux et politiquesosent diffuser un avis défavo-rable au dépistage de masse.

En attendant, il faut donner une infor-mation loyale et éclairée à nos patientestelle que proposée dans le document ci-dessus de Gotzsche, leur expliquer leslimites, l’intérêt à faire une mammogra-phie. Il faut prôner le dépistage indivi-duel qui inclut la prise en compte desfacteurs de risque familiaux (antécédentsparmi les parents proches de cancers dusein), personnels (traitement hormonal,surpoids, alimentation mal équilibrée,pathologies bénignes du sein). Et,surtout, il faut promouvoir la préventiondu cancer du sein et de ses récidives parune bonne hygiène de vie. �

Dr Christelle Charvetgynécologue obstétricienne

7La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

La mammographiede nouveau sur le grill :Harding, vous avez dit Harding ?

40

0

100

400

1 000 000100 000Nombre de femmes ≥ 40 ans par comté

10 0001000

500

50 60 70 80% de femmes ayant eu une mammographie de dépistage

dans les 2 ans précédant le diagnostic

Mortalité sur 10 ans

Incidence

53 000 cancers du sein diagnostiqués en 2000 et suivis pendant 10 ans

Taux

(inc

iden

ce o

u m

orta

lité)

pou

r 100

000

200

300

* Harding C, Pompei F, Burmistrov D, Welch HG, Abebe R, Wilson R, Breast cancer Screening, Incidenceand Mortality across US counties, Jama Internal Medicine, published online July 06,2015, doi :10.1001/jamainternmed.2015.343.– Gotzsche P, Olsen O. Is screening for breast cancer with mammography justifiable ? The Lancet, 2000;355:129-34.– Gotzsche P, Mammography screening : truth, lies and controversy, The Lancet, 21 July 2012, Volume 380, Issue 9838, p. 218.Pour en savoir plus : http://www.formindep.org/Cancer-du-sein-le-pave-dans-la.html http://cancer-rose.fr/surdiagnostic/etudeharding/Rachel Campergue, No mammo ? Enquête sur le dépistage du cancer du sein, 2011, Max Milo Editions.

La mammographiede nouveau sur le grill :Harding, vous avez dit Harding ?

La mammographiede nouveau sur le grill :Harding, vous avez dit Harding ?

La mammographiede nouveau sur le grill :Harding, vous avez dit Harding ?

La mammographiede nouveau sur le grill :Harding, vous avez dit Harding ?

Page 8: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

C onfrontés, depuis l’aube destemps, à la mort, les hommes sesont dotés de croyances qui leur

promettent, après celle-ci, une forme desurvie, immatérielle, quelles qu’ensoient les formes : paradis, vie éternelle,destin divin “auprès” de ceux de la tribuqui sont restés en vie et les vénèrent.Pour ces lointains ancêtres, au demeu-rant, la vie, la mort et cette “vie” divineaprès elle ne faisaient qu’un.Progressivement – sans doute, les spécia-listes des idéologies peuvent le dire –, lamort est devenue une “fin”, moralementinsupportable, ce qui a conduit lesdiverses religions à promettre la survieimmatérielle précitée, en contrepartied’une vie actuelle respectueuse des insti-tutions et d’une éthique ou morale.L’enfer, le purgatoire, le paradis, maisaussi la réincarnation de l’âme dansdiverses formes vivantes “inférieures” ou“supérieures” (métempsychose, palingé-nésie…) sont des variétés de ces survies.

Néanmoins, malgré cette promessed’un au-delà plus ou moins radieux selonla qualité de notre vie terrestre, leshommes, prudents ou méfiants, ont aussitoujours cherché les élixirs de longue vie.Gilgamesh, héros mésopotamien, part à larecherche du secret de l’immortalitéauprès d’un autre héros, Outa Naphistim,qui lui donne la plante de l’immortalité.Mais il se la fait immédiatement déroberpar le serpent, ce qui symbolise, à l’adressedes vivants, que la quête de la vie éternelleest vaine. Dans une autre mythologie,Jupiter a transformé la nymphe Nauplie

en fontaine ayant un pouvoir régénéra-teur, dans laquelle Junon se baignaitquotidiennement pour retrouver sa virgi-nité. Dans la Chine ancienne (dynastieQuin, notamment), nombre d’empereurschargèrent des alchimistes de trouverl’élixir de jouvence ; plusieurs d’entreeux en moururent du fait de l’utilisa-tion, entre autres corps toxiques, dedérivés du mercure. Et puis Faust… etc.

Aujourd’hui, le transhumanisme estun mouvement intellectuel qui croitpossible, sinon une vie éternelle ou uneéternelle jeunesse, une vie sur cette terreinfiniment plus longue que notre vieactuelle, dont l’espérance en Europe etaux Etats-Unis est de 80 ansaujourd’hui, et 100 ans dans quelquesannées. Un thuriféraire du transhuma-nisme, le Dr Laurent Alexandre, a écrit,de manière à peine encore utopique, unlivre intitulé La Mort de la mort1 et il ditet redit, dans ses conférences :« L’homme qui vivra mille ans est proba-blement déjà né. » Par quels moyens lavie naturelle pourrait être ainsi prolon-gée ? Sera-t-elle encore “naturelle” ? Cetallongement de l’espérance de vie neposerait-il pas des problèmes simplisteset triviaux en matière d’alimentation del’humanité, de travail et d’activité, de“retraite”, si cela a encore un sens ?Serons-nous encore dans l’humanité, oudans une post-humanité, une hyperhu-manité ? L’humanisme aura-t-il encoreun sens ? Cet article ne répondra pas àtoutes ces questions mais esquissera despistes de réponse.

Brève histoire du transhumanismeDans l’histoire récente et non mytholo-gique, on peut trouver les racines dutranshumanisme dans les Lumières, quifondèrent d’abord, dans l’ordre logiquepourrait-on dire, l’humanisme laïc.Condorcet, par exemple, a spéculé surl’application des sciences médicales pourétendre indéfiniment la vie humaine.Benjamin Franklin rêvait de son côtéd’interrompre et de relancer le cours de lavie. Logiquement, Darwin, poursuivantle principe d’évolution dont il est lefondateur, ne doutait pas que « l’huma-nité telle que nous la connaissons n’en estpas au stade final de son évolution, maisplutôt à un commencement ». Les sourcesnombreuses sur le transhumanisme citentaussi le philosophe russe NicolaiFyodorov (1829-1903) qui n’eut que despublications posthumes, membre dumouvement “cosmiste” russe, qui croyaitau prolongement de la vie, à l’immortalitéphysique et à la résurrection des morts pardes moyens scientifiques. Egalement cité,le généticien JBS Haldane (1872-1964)est sans doute le premier eugéniste, qui estune des voies du transhumanisme ; ilprône l’ectogénèse, c’est-à-dire la gesta-tion du fœtus humain dans un utérusartificiel. Autre source : JD Bernai (1901-1971), qui prévoit le prolongement del’humanité par la colonisation de l’espace.Physicien, spécialiste des grands artefacts,puisqu’il imagina et construisit le portartificiel Mulberry qui permit l’approvi-sionnement des troupes alliées juste aprèsle débarquement en Normandie, ilimagina aussi une sphère destinée à l’es-pace, pouvant contenir des milliers depersonnes avec, en tête, une émigrationde survie des Terriens dans l’espace. Ilspécula aussi sur les implants bioniques,devenus une réalité, et sur les améliora-tions cognitives.

Puis vint le biologiste Julian Huxley,frère d’Aldous, qui participa au congrèsfondateur de l’International Humanist

8 La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

Le transhumanismeest-il encore un humanisme?

© O

lga

Nik

on

ova

/Sh

utt

ers

tock

Le transhumanismeest-il encore un humanisme?Le transhumanismeest-il encore un humanisme?Le transhumanismeest-il encore un humanisme?Le transhumanismeest-il encore un humanisme?

Page 9: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

and Ethical Union. Il s’affirma eugéniste :« L’inégalité biologique est évidemment lefondement de l’affirmation de tout l’eugé-nisme. L’inégalité de simple différence estdésirable, et la préservation de la variétéhumaine devrait être l’un des deux butsprincipaux de l’eugénisme. Mais l’inéga-lité de niveau ou de degré est indésirable,et le deuxième but essentiel de l’eugé-nisme devrait être l’élévation du niveaumoyen de toutes les qualités désirables. »Partisan déterminé de la contraception –il prévoyait les 6 milliardsd’individus sur la planètepour l’an 2000 (TheCrowded World, 1956) eta été le créateur du mot“t r a n s h u m a n i s m e ”(Archives 1957, in NewBottles for New Wine). Ildéfinit le transhumaincomme « un homme quireste un homme mais setranscende lui-même endéployant de nouveauxpossibles de et pour sanature humaine ».

Une étape importante du transhuma-nisme est franchie avec la naissance del’intelligence artificielle. Marvin Minsky,mathématicien et informaticien, né en1927, défend l’idée que le cerveau estdouble. Un cerveau A, où se déroule l’ac-tion cognitive des réseaux hiérarchiquesde neurones, et le cerveau B, qui est ges-tionnaire du premier et qui évite ses opé-rations inutiles, comme les boucles et lesrépétitions. On comprend immédiate-ment la liaison avec l’intelligence artifi-cielle : tout réseau “intelligent” doit dispo-ser de deux types d’agents, les spécialisteset les gestionnaires. Citons encore FM-2030 (1930-2000), en fait FereidounM. Esfandiary. Ce philosophe se débap-tisa en geste de refus des noms patronymi-ques, considérés comme des restes de tri-balisme. Son nouveau nom, formé de sesinitiales, exprime sa focalisation sur letranshumanisme, puisqu’il traduit sa cer-titude qu’il fêtera ses 100 ans en 2030 !Son œuvre principale pour le sujet quinous occupe est Are You a Transhuman ?(Etes-vous un transhumain ? Surveillanceet stimulation de votre rythme d’évolu-tion personnel dans un monde en rapidechangement). Il prédit de nombreusespratiques sociales, comme la fécondation

in vitro et les manipulations génétiques,en 1977, les téléconférences, le téléshop-ping, en 1980. Robert Ettinger (1918-2011), physicien naturaliste, spécialiste dela cryogénisation, publia en 1962 La Pers-pective de l’immortalité puis, en 1972,Man into Superman.

Au terme de cette énumération, on voitbien que le transhumanisme trouve sessources principales dans la génétique puisl’intelligence artificielle, mais égalementdans le rêve, que l’on peut faire remonter

à Jules Verne, de laconquête de l’espace par leshommes qui vont s’yreproduire et s’y installer,ainsi que de la conserva-tion de la vie par diversmoyens, dont la cryogéni-sation. Il est la créationconceptuelle d’un grandnombre de scientifiques,majoritairement anglo-saxons, et aussi, heureuse-ment osera-t-on dire, dephilosophes qui prolon-gent le concept d’évolution

de Darwin, en manifestant une foi abso-lue dans l’innovation technique, mais quisont aussi capables de fixer des limites“humaines” à cette foi.

Les voies et moyensde l’allongement transhumanistede l’espérance de vie

Prévention des maladies, vaccins, amélio-ration continue des soins, modificationsgénétiques, artificialisation des organesou greffes d’organes naturels, prélevés ou“élevés”, liaisons électroniques ou photo-niques du cerveau aux organes naturels(bionique), ou du cerveau au matériel,extension du cerveau ou sa substitutionpar l’intelligence artificielle, tellessemblent être diverses voies, sans préten-dre à l’exhaustion, par lesquelles la pers-pective transhumaniste paraît en train,d'ores et déjà, de se réaliser.

Notre époque est d’abord celle de trèsimportants progrès dans la préven-tion. L’école a d’abord tendance, tropdoucement, à enseigner l’hygiène de vie,en même temps que l’écologie aux futurscitoyens. Ceux-ci, informés par tous lesmédias et, plus encore, par internet, avec,il faut le dire, un risque accru d’erreurs etde mauvais conseils, recherchent, de plus

en plus, dans l’exercice, la privation desproduits et pratiques toxiques (tabac,alcool, excès alimentaires), la nutrition etles “alicaments” à prolonger leur espé-rance de vie au-delà même de son progrèscontinu de trois mois par an. Notonsqu’une certaine angoisse montante, liée àla mondialisation dans tous ses aspects,les risques nouveaux qu’elle génère, avec,au premier rang, le chômage potentiel etla nécessité de changements fréquents devie, une surinformation par une pressequi évoque plus volontiers les drames quela “vie bonne” courante, pousse certains àl’usage de stupéfiants qui vont exacte-ment à l’opposé de la prévention. Lenarcissisme général, qui renvoie finale-ment l’individu à lui-même, bien plusque par le passé, ne peut qu’amplifiercette angoisse et ce recours aux drogues.

La prévention a été d’abord fondée surle vaccin. Le premier, vraiment préven-tif, a été trouvé en 1796 (Jenner, pour lavariole), celui de Pasteur contre la rageétant curatif (1885). Le vaccin potentia-lise et stimule nos défenses naturelles etest toujours recherché comme le meil-leur rempart contre la maladie (VIH,Ebola, paludisme). Prolongement duvaccin : l’immunothérapie, potentialisa-tion ou “rééducation” du systèmeimmunitaire naturel pour lutter contreune maladie, notamment le cancer !

Bien entendu, les interventions généti-ques de toute sorte constituent une partessentielle du projet transhumain. On estmaintenant capable de synthétiser ungénome, qui doit ensuite être capable des’“exprimer” au sein d’une cellule.

Notre génome porte notre individu,dans son état actuel et dans son devenir,sous réserve des mutations épigénéti-ques transmissibles. Agir sur lui peutdonc permettre à la fois d’éviter, voire deguérir, certaines maladies : cette thérapiegénique n’est pas encore réellement opé-rationnelle, après des espoirs excessifsdes années 1990-2000 (4 000 patientstraités dans 500 essais), mais continuede constituer une piste très sérieuse pourprolonger la vie.

L’intervention génétique permettraitaussi de modifier le génome d’un indi-vidu, dès sa conception, dans le but delui donner une autre apparence : chan-ger la couleur des yeux, la taille, telle outelle autre caractéristique physique, et,

9

Dossier

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

Page 10: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

plus loin, modifier ses capacités intellec-tuelles. Certains généticiens, ici et là,s’aventurent dans ce sens mais se heur-tent à une forte résistance morale dureste de la société où ils vivent, car c’estévidemment basculer très vite dans l’eu-génisme, que certains assument, commeon l’a vu plus haut, mais que d’autresrefusent catégoriquement au nom deprincipes moraux respectables.

Par contre, intervenir au même stadepour que le génome ne comporte plustel ou tel risque de maladie, par exemplecelui, transmissible, du cancer du sein,pour lequel on conseille aujourd’hui,aux femmes qui en sont porteuses,l’ablation totale, serait beaucoup moinscontestable et facteur indiscutable d’al-longement de la durée de vie.

Les prothèses, largement diffusées, etles greffes d’organes sont également desoutils très importants du transhuma-nisme. Greffer des organes naturels estdevenu courant. En France2, sur 10 ansde 2005 à 2014, 45 690 patients ont étégreffés. De 2000 à 2014, les greffes derein ont augmenté de 36 %, les greffes defoie de 66 %, les greffes de cœur de 30 %(mais en recul depuis quelques années enraison de l’amélioration des techniquesalternatives), les greffes de poumon etpoumon-cœur de 34 % ; enfin 79 greffesde pancréas ont été réalisées en 2014.

Les greffons proviennent évidemmentde cadavres pour tous les organes, sauf lerein pour lequel on est passé de 197 à514 donneurs vivants. Mais le nombrede greffons disponibles, pour tous lesorganes, ne suffit pas à résorber l’attente.C’est pourquoi, en dehors de la dialysede substitution pour le rein, on s’efforcede mettre au point des cœurs artificiels,avec de nombreux essais encourageantssur animaux de 1973 à 2001 et, pourl’instant, deux échecs en France (cœurartificiel de la société Carmat) en 2013et 2015, mais des espoirs réels.Hypothèses également : les greffes d’or-ganes issus d’autres espèces vivantes,“exogreffes”, de porc notamment, àcondition d’avoir surmonté la barrièregénétique des espèces, et d’avoir donné àl’animal le code génétique du receveur.

Mais il existe une autre catégorie degreffons, qui sont électroniquement liésau système nerveux et au cerveau pourréactiver un membre paralysé ou une

prothèse, voire renforcer ou accélérer unmouvement naturel. C’est le domainede la bionique, qui donne déjà lieu àtoute une série de futurologies et descience-fiction. On peut commander lamarche d’un appareil par le regard,voire, demain, par la seule pensée.

L’intelligence artificielle peut évidem-ment être convoquée pour démultiplierles capacités de raisonnement deshommes. Elle intervient déjà, depuis70 ans, avec les ordinateurs de divers typessuccessifs, en instrument extérieur aucorps, et sans impact direct sur le compor-tement humain. Les robots, qui sontl’aboutissement actuel de l’“infotroni-que”, pourraient un jour égaler l’homme,voire le dépasser en vitesse et finesse, sur leplan du raisonnement logique et de l’ac-tion résultante. Mais on peut imaginerqu’elle soit directement connectée sur lecerveau, qu’elle potentialise doncl’homme “de l’intérieur”, en connexionbionique avec ses membres, ou par l’en-tremise de son cerveau.

Quels impacts sociaux d’un allongement important de l’espérance de vie ?

Nous nous contenterons ici d’une brèveévaluation de ce que serait un allonge-ment statistiquement plausible de l’espé-rance de vie à horizon “humain” et de sesconséquences démographiques. Puis nousferons une énumération des conséquenceséconomiques et sociales, chacune nécessi-tant de longs développements.

Plaçons-nous dans la premièrehypothèse. Des calculs simplistes, maisrobustes, montrent que, pour passer à100 ans d’espérance de vie – sachantque, selon l’INSEE, l’espérancemoyenne H/F sera d'environ 89 ans en

2050 – il faudra attendre 61 ans de plus(donc jusqu’en 2111) ; et, pour 150 ans,jusque vers 2300 !

En 2111, nous pourrions être entre 85et 90 millions, et en 2300 entre 100 et110 millions… sauf catastrophe. Onvoit bien que l’hypothèse de l’hommemillénaire ressortit statistiquement,pour l’heure, à de la science-fiction.Bien entendu, l’évolution, dans l’espritdes transhumanistes, ne devrait pas êtrelinéaire, ce qui peut permettre d’attein-dre les deux espérances de vie à lanaissance vers 2080/2090 ou 2250.

Cette démographie pourrait ne pasposer de problèmes alimentaires à laFrance. Même en comptant sur sespropres forces, même en appliquant ladoctrine agricole du “kilomètre zéro”,consistant à produire le plus possible toutprès des lieux de consommation, ellepourrait nourrir ses populations, pourpeu que l’activité agroalimentaire attire ànouveau des jeunes en nombre suffisant,que l’on mange moins de viande, plus deprotéines végétales et… des insectes. Leproblème serait plus complexe pour lespays d’Europe du nord, à féconditécependant plus faible que celle de laFrance, pour lesquels l’Europe agricoleredeviendrait une nécessité.

Par contre, à l’échelle du monde, selonl’INSEE, la population de 7,2 milliardsaujourd’hui atteindrait, en 2050, les9,5 milliards, avec un taux de féconditéen baisse constante. Selon l’ONU, ellepourrait atteindre 11 milliards en 21003.Un allongement plus rapide de l’espé-rance de vie la porterait à 16 milliards. Apartir de quand se poseraient des problè-mes non pas aléatoires ou cycliques, maispermanents, de nutrition ? Où enserions-nous en matière d’eau potable ?

10

Dossier

Le monde de Soleil vert… mais en vrai !

Page 11: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

L’hypothèse transhumaniste, fondée surun allongement général de l’espérance devie dans le monde entier, serait probable-ment catastrophique. Le transhuma-nisme viable suppose que le mondeentier adopte, volontairement ou demanière contraignante, une féconditéproche de l’“européenne” d’aujourd’hui.

Concernant les conséquences écono-miques et sociales, l’augmentation de lapopulation posera, en France, des pro-blèmes de logement. Où logeront ces“plus de 80 ans” et, un peu plus tard, ces“plus de 100 ans”. Seront-ils urbainscomme 60 % des citoyens actuels, ourepeupleront-ils les campagnes ?

Autre problème, celui des dépenses desanté, qui évidemment exploseront carles moyens précités de cette hausse del’espérance de vie ont un coût. Il y a fortà parier que chaque tranche de 5 ans deplus d’espérance de vie coûtera au moinsautant que ce que coûtent actuellementles 80-90 ans. Il est même probable quele supplément de dépense sera bien plusimportant, compte tenu de la haute tech-nologie mise en œuvre pour parvenir à cerésultat. Qui paiera et comment ? Quelsera l’allongement de la durée d’activitépour fournir de quoi vivre et se soigneraux plus que centenaires ? Problème ren-forcé avec la dépendance en bonne santé.

Quel “homme” sera l’hommesachant qu’il vivra 150 ou 200 ans ?

Dans l’hypothèse la plus audacieuse évo-quée dans cette chronique, celle de l’es-pérance de vie à 150 ans, un homme de

75 ans aujourd’hui aura encore devantlui, sauf accident, 75 ans à vivre. Il sera,en fait, à mi-vie.

D’abord sera-ce physiquement toujoursle même homme ? Doté de membres oud’organes greffés ou artificiels, peut-être,plus tard encore, d’additifs branchés surson cerveau, aidé de robots qui lui évite-ront toutes les tâches répétitives, pénibles,et ne se fatiguant que pour le sport, severra-t-il comme nous ? Sera-t-il vucomme nous par les autres hommes ?

Ensuite, quel impact aura sur sonesprit, sur sa philosophie, cet allonge-ment de la durée de vie ? C’est la mort,dit-on trivialement, qui donne un sens àla vie. Si la perspective de la mort s’éloi-gne – et dans 100 ans, pour l’homme de50 ans aujourd’hui, de nouvelles pers-pectives d’allongement s’ouvrirontencore –, comment va se modifier sapensée ? Quelle nouvelle morale, quellenouvelle éthique ? Quel nouvel amour ?

Socrate est décédé à 70 ans, Hippocrateà 90 ans, Platon à 80, commeChateaubriand ; Voltaire et Victor Hugosont morts à 83 ans, Fontenelle est mortà 100 ans. Bien que nous voyions déjà denombreux centenaires dans les rubriquesnécrologiques, évoquer aujourd’hui uneespérance de vie de 150 ans – et que direde 1 000 ! – nous fait basculer dans unautre monde philosophique.

Du point de vue de l’évolution desespèces, dans l’hypothèse transhumaniste,une autre espèce sera-t-elle atteinte ? Maisà quel moment ? Quand serons-nousdans la post-humanité4, voire dans l’hy-

perhumanité ? L’homme bioconnecté,l’“homme 2.0”, est-il encore un homme ?Et, dès lors, est-il encore capable de cethumanisme dont les premiers croyants auprogrès technique, ceux de l’“âge classi-que”, ont aussi été les promoteurs ?

D’autres hypothèses plus menaçantespeuvent être formulées, en science-fictionnon technologique. La première estévidemment l’eugénisme, contre lequel ilsera très difficile de résister. Mais, plusencore, comme l’envisageait StanleyKubrick, en 1968, dans L’Odyssée de l’es-pace, comme le craignent tous ceux quiont signé la pétition pour le contrôle del’intelligence artificielle du scientifiqueStephen Hawking au patron de Space X,Elon Musk, nos robots ne vont-ils pasnous domestiquer, envahir une “planètedes robots” où nous serions esclavescomme dans La Planète des singes ?

Pire ! Ces transhumains, ou déjà post-humains, faisant face à une éventuellesurpopulation et à la pénurie de denréescomestibles, sur une planète appauvrie,les actifs ne parvenant plus à subveniraux besoins des déjà vieux, n’imagine-ront-ils pas des scénarios de type Soleilvert (film de Richard Fleischer, 1973) oùces “vieux” euthanasiés sont transformésen nourriture pour les survivants. Ensens inverse, les dirigeants, eux-mêmesvieux, ne déclencheront-ils pas des guer-res, qui, ne faisant des morts que chezles “civils”, seraient les voies les plusrapides pour réduire la population ?

Fiction ? Bien sûr, mais la confiancedans les biotechnologies et dans labionique que manifestent certains parti-sans du transhumanisme ne préviendrapas avant de devenir excessive. Plus quejamais, l’homme de maintenant doit seméfier de sa propre intelligence. Plusque jamais, Rabelais a raison : « Sciencesans conscience n’est que ruine del’âme », mais l’âme connectée, dans uncerveau connecté ou greffé, est-elleencore une âme ? �

Jean Matoukagrégé de sciences économiques,

professeur des universités

11La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

1. Jean-Claude Lattès, 2011.2. http://www.dondorganes.fr/016-les-chiffres-cles3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Population_mondiale4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Post-humanisme

© F

oto

s5

93

/ S

hu

tte

rsto

ck

.co

m

Dossier

Page 12: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

C ertains cancers voient leur inci-dence diminuer, mais ce n’estpas le cas du mélanome, dont

l’incidence augmente chez les hommeset les femmes en raison des modifica-tions socioculturelles de comporte-ment face à l’exposition solaire –congés payés, facilités des transports,culte du bronzage… Ainsi ce cancer,malgré toutes les campagnes deprévention, est au 6e rang des cancersféminins et au 8e rang des cancersmasculins. Grâce aux succès de lamédecine, la survie des patientsatteints de cancer s’allonge, maisparfois au prix d’une qualité de vie alté-rée. Cette qualité de vie est aujourd’huiun enjeu majeur de santé publique.

La douleur après le cancer, un challenge

La douleur a un impact certain sur laqualité de vie des patients, à l’heureoù l’on prolonge la vie des maladesatteints de cancer. Sa fréquence esttrès élevée : globalement 30 à 50 %des patients cancéreux auront desdouleurs modérées à sévères au coursde leur maladie, ce chiffre atteignant75 à 95 % pour les patients en phaseavancée ou métastatique de leur can-cer. Les douleurs liées à l’évolution du

cancer peuvent difficilement être pré-venues. Elles peuvent céder à laréduction de la taille de la tumeur :chimiothérapie, radiothérapie, chi-rurgie, ou être traitées directement.L’arsenal thérapeutique des droguesdites analgésiques, anti-inflammatoi-res et opioïdes, entre autres, est enconstante évolution.

Les douleurs peuvent aussi êtreséquellaires des traitements du cancer,chirurgie, radiothérapie et chimiothé-rapie. Chroniques, elles sont souventsous-évaluées alors que leur impact surle quotidien des patients est majeur.En particulier, les douleurs post-opé-ratoires chroniques ont été longtempsnégligées mais constituent un vraifléau. Ainsi une étude dans la popula-tion générale montre que, toute chi-rurgie confondue, 40,4 % des patientsont toujours des douleurs plus de troismois après leur intervention.

Ces douleurs chroniques séquellai-res sont souvent de type neuropathi-que, c’est-à-dire des douleurs chroni-ques intenses provoquées par des nerfs

lésés. Elles sont moins connues et plusatypiques que les douleurs “classi-ques”, dites nociceptives, qui ont uncaractère logique – elles diminuentquand on s’immobilise, par exemple,ou sont localisées là où il y a unelésion. Dans les douleurs neuropathi-ques, le nerf lésé, qui ne fonctionnepas comme d’habitude, envoie unealarme. Cela engendre des sensationsdifférentes, gênantes donc douloureu-ses, bizarres et donc difficiles à décrire,à partager, comme : brûlures, piqûres,décharges électriques, fourmille-ments, engourdissement, froid dou-loureux… Dans le cas des douleurspost-chirurgicales, de telles douleursneuropathiques ont été bien décriteslors de l’atteinte du nerf intercosto-brachial qui survient dans les suitesdes curages axillaires proposés, parexemple, dans le traitement du cancerdu sein, mais aussi dans le cas dumélanome. Les autres curages (cervi-cal, inguino-iliaque) sont moins fré-quemment compliqués de douleurmais ne doivent pas être négligés.

(Suite page 13)

Soins et santé

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

L’ostéopathie : une nouvellepiste pour traiter la douleur de l’après-cancer ?Le cancer est un fléau de nos sociétés modernes. En 2012, dernières données

disponibles de l’Inca, 355 000 personnes – 200 000 hommes et 155 000 femmes –

ont déclaré un cancer. Le risque de développer un cancer s’est stabilisé pour

les hommes ces dernières années mais continue d’augmenter pour les femmes

Lutte contre la douleurResponsableDr Sophie Laurent

Page 13: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

L es données démographiques ne doivent pas masquer le caractère remarquablement hétérogène du processus de vieillissement. Les tendances et les prévisions doivent être analysées avec une certaine prudence. En outre,elles expriment des valeurs moyennes, ce qui interdit de les appliquer à un individu donné, car il existe bien,

au contraire, une pluralité des modes de vieillissement en fonction des individus.

Privilégier les trajectoires individuellesplutôt qu’une catégorisation par tranche d’âge

La segmentation des populations en groupes d’âges revêt un intérêt démographique indéniable. Mais n’est-il pasdiscutable d’avoir, pour des raisons économiques et sociales, fixé arbitrairement des seuils d’âges qui déterminentd’artificielles catégories considérées comme des ensembles autonomes ? Une telle démarche a conduit à différencierun troisième âge (les personnes âgées), censé succéder à un deuxième (les adultes) et à un premier (les jeunes). Ce troisième âge se distinguerait également d’un quatrième (les “vieux”),voire d’un cinquième (les grands vieillards). Il y a là une vision fragmen-taire du cycle de vie particulièrement inadaptée car :

elle occulte le concept de continuum de la vie et d’interdépendance des différentes étapes, comme si ces périodes pouvaient être dissociées et soustraites d’un projet global de vie, alors qu’il est par ailleurs légitimede considérer que la vieillesse trouve ses premières fondations dansl’enfance et que le vieillissement se prépare tout au long de la vie ;

elle pérennise les stéréotypes socioculturels qui ont eu tendance, jusqu’àaujourd’hui, à véhiculer une image négative et infondée de l’avance en âgeassociant le processus de vieillissement à la notion de perte ou de déficit et considérant celui-ci comme un phénomène homogène ;

elle expose enfin au risque d’un cloisonnement des générations tandisque l’on assiste à l’émergence de sociétés de plus en plus multigénération-nelles. Elle n’incite donc pas à la mise en œuvre, pourtant nécessaire, de politiques d’intégration des âges en coordonnant les actions entreprisesà toutes les étapes du cycle de vie.

L’évocation d’un continuum de la naissance à la mort, soutenu par unprojet de vie personnel, est en effet une des conditions nécessaires audéveloppement d’une véritable solidarité générationnelle et d’une sociétépour tous les âges. C’est ainsi que chaque génération pourra reconnaîtredans l’autre un moment évolutif et fondateur de sa propre existence.

Le vieillissement : un processus hétérogèneouvrant sur une pluralité de parcours de vie

Le vieillissement peut se définir comme l’action du temps sur les êtres vivants et comme l’ensemble des processusmoléculaires, cellulaires, histologiques, physiologiques et psychologiques qui accompagnent l’avance en âge. Pris dans sa dimension biologique, le vieillissement de chaque individu résulte de l’action conjuguée de facteursgénétiques et environnementaux dont le nombre et le poids respectifs, ainsi que les différents degrés d’interaction,rendent compte du caractère extraordinairement hétérogène. Chacun d’entre nous se caractérise par sa marquegénétique, présente pour une grande part dès la naissance. En témoigne le polymorphisme de certains gènes, c’est-à-dire le fait que des gènes codants pour des protéines puissent exister sous plusieurs formes. A titre d’exemple,30 % de ceux qui codent les enzymes et les protéines sont polymorphes. Mais cette hétérogénéité peut égalementêtre acquise au cours de la vie par le biais des mutations génétiques observées dans les cellules somatiques.

En effet, notre génome n’est pas stable. Il est susceptible de modifications, dont certaines sont programmées etd’autres surviennent sous l’influence de notre propre métabolisme, par le biais de la production de radicaux libres,

ILa Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

LE CONCEPT DE FRAGILITÉ

Pourquoi et comment identifier les sujets âgés fragiles ?

© K

on

sta

nti

nC

hri

sti

an

/ S

hu

tte

rsto

ck

Page 14: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

par exemple. En outre, notre environnement et nos conditions de vie sont en inter-relation étroite avec notre génome, dont ils influencent tous deux la stabilité. Cettedonnée offre un argument pour intervenir suffisamment tôt sur de tels facteursmodifiables, indissociables de nos habitudes et de nos conditions de vie. Citons parexemple la part jouée par nos comportements alimentaires, la consommation de tabacet d’alcool, l’exposition aux rayons solaires, l’inactivité physique… ou encore le rôledes agents polluants.

L’âge d’apparition des premières conséquences de tel ou tel facteur environnementalest tributaire de la force avec laquelle ce dernier s’applique, c’est-à-dire de sa dimensionquantitative. Mais le facteur “temps” est essentiel pour comprendre la variabilité d’appa-rition de telles conséquences. Ainsi, les effets d’un surpoids sur l’articulation du genou(premiers stigmates d’arthrose du genou) vont dépendre de l’intensité de la pression quis’exerce sur cette articulation (le poids de la pression) mais également de la durée aucours de laquelle s’exerce cette pression (le temps de la pression ou la pression du

temps…). Les conséquences d’une exposition aux rayons solaires sur la peau résulteront du produit de la quantité reçuepar unité de temps multipliée par la durée cumulée de l’exposition. On conçoit dès lors que la prévention de tellesconséquences implique de limiter l’intensité du facteur causal ou de réduire sa durée d’action. L’interaction gène-environnement ajoute un élément de variance au seuil d’apparition des premiers stigmates conséquentiels. Ainsi, àdegré d’exposition identique au surpoids, l’âge de survenue des premières manifestations d’arthrose sera anticipé chezl’individu issu d’une famille à risque d’une telle affection, de même qu’à degré d’exposition identique aux rayonnementsultraviolets, les premiers stigmates de vieillissement cutané apparaîtront plus précocement chez l’individu caractérisépar un phototype clair – trait génétique intervenant comme facteur de susceptibilité accrue aux ultraviolets. Il faut doncadmettre une certaine inégalité des capacités de réponse ou de protection selon les individus. Cela met en lumière lanécessité de privilégier une stratégie visant à répartir le poids global de tel ou tel facteur sur la durée de vie entière, plutôtque de laisser se concentrer ses effets sur une courte période. La gestion du capital-risque peut donc s’inspirer ducomportement de la cigale ou de celui, plus responsable, de la fourmi.

Finalement, les effets additionnels des nombreux facteurs de l’environnement et surtout la durée sur laquelle ilsexercent leurs “méfaits” rendent compte d’un très grand nombre de combinaisons délétères et mettent en perspec-tive autant de trajectoires individuelles possibles.

Génétique, environnement et expériencesExcepté dans certaines maladies fortement associées à l’âge, à l’image de l’ostéoporose, on connaît mal la part jouéerespectivement par les facteurs génétiques et par l’héritabilité dans le déterminisme des différents modes de vieillis-sement. L’héritabilité, c’est-à-dire les habitudes transmises par le comportement de nos parents, dicte une part sansdoute non négligeable de nos propres comportements ultérieurs (modes alimentaires ou propension aux activitésphysiques…). On ne peut malgré tout exclure le fait que notre génome engage lui-même, au moins partiellement,nos habitudes de vie. Les conditions socio-économiques affectées à chacun d’entre nous, l’éducation parentale,l’environnement professionnel, les expériences vécues tout au long d’une vie représentent autant de facteurs encoresusceptibles d’expliquer des vieillissements différentiels et la variabilité des capacités à faire face à la succession decrises et de pertes qui jalonnent l’existence (capacité dite “de résilience”).

Mais le vieillissement ne saurait se résumer à un modèle biologique. Il convient de tenir compte aussi des facteurspsychologiques, des influences sociales et culturelles pour expliquer l’importante variabilité des vieillissements. Ainsi,deux crises majeures du développement sont susceptibles de ponctuer l’avance en âge :

la crise du milieu de vie, fréquemment décrite comme un tournant entre l’état de jeune adulte et celui de lamaturité, qui s’accompagne d’une certaine remise en question et de changements importants dans la vie de l’indi-vidu. Il est admis qu’elle puisse survenir et se dérouler sur une large période, de la trentaine à la cinquantaine. Lesinterprétations de cette crise sont plurielles et on peut la considérer comme un processus plus ou moins nécessaireet recherché. Cette crise marquerait un changement de perspective, l’être humain se référant à partir de ce momentau nombre d’années lui restant à vivre et non plus au nombre d’années vécues ;

la crise de la pleine maturité : autour de 60 ou 65 ans, l’individu est confronté à une série de changements quiconcourent à le placer face à une somme de pertes susceptibles de le précipiter dans un vieillissement accéléré, s’iln’adopte pas ou s’il ne possède pas les moyens d’élaborer les stratégies adéquates. De nombreux événements exposentau risque de la crise, tels l’abandon du rôle de parent, la perte des responsabilités professionnelles ou d’autresfonctions sociales, associatives, syndicales ou politiques, la disparition du rôle conjugal associée au veuvage, plusfréquent chez les femmes, la chute parfois significative des ressources financières imposant des restrictions et modifi-cations des habitudes de vie. Tout va alors dépendre pour l’individu de ses capacités à faire face à “la perte en trop”,dénommée ainsi par Jack Messy dans La personne âgée n’existe pas (Payot, Paris, 1992).

II La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

© V

oro

nin

76

/ S

hu

tte

rsto

ck

Page 15: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Capacité à faire face et réserves fonctionnellesSi le processus de vieillissement s’accompagne de façon inéluctable de modifications structurelles macroscopiques etmicroscopiques génétiquement programmées, il est capital de privilégier une approche fonctionnelle pour distinguerles différentes modalités de vieillissement.

Il est établi que, dans l’accomplissement d’actes de la vie quotidienne, nous ne mobilisons qu’environ 30 % de noscapacités fonctionnelles et que, par conséquent, nous bénéficions d’une certaine marge de sécurité évaluée à environ70 % des capacités maximales, considérée comme une réserve fonctionnelle. Cette dernière constitue les ressourcesdont l’individu dispose pour affronter telle ou telle agression médicale, et l’on conçoit qu’une baisse de ce niveau deréserve puisse fragiliser la personne. Le potentiel de réserve conditionne donc les capacités de récupération ou derestauration fonctionnelle de l’individu. Ses réponses à tel ou tel événement de vie sont finalement conditionnéespar des facteurs génétiques, par ses capacités à "faire face" et par ses réserves fonctionnelles.

Trois modalités de vieillissement très différentesLe vieillissement, appréhendé à l’échelon des populations, se caractérise par une réduction des capacités fonction-nelles et par l’augmentation d’incidence des maladies liées à l’âge. La probabilité d’être victime de ces maladiesapparaît donc plus élevée à un âge donné, mais il ne s’agit que d’une possibilité plus forte et non d’une fatalité.

En revanche, à l’échelon individuel, et bien qu’il faille se garder d’une approche trop schématique, trois modalités évo-lutives de vieillissement, sous-tendant différentes trajectoires de vie, sont communément admises (Rowe et Khan, 1987) :

le vieillissement réussi, à haut niveau de fonction, ou robuste, se caractérisant par le maintien des capacitésfonctionnelles ou leur atteinte très modérée ;

le vieillissement usuel ou habituel, qui s’en distingue par la réduction des capacités ou de certaines d’entre elles,sans que l’on puisse attribuer cet amoindrissement des fonctions à une maladie de l’organe concerné ;

le vieillissement avec morbidités, dont nous avons dit précédemment qu’il était trop souvent et à tort considérécomme la seule modalité de vieillissement. Ces morbidités, plus souvent chroniques, et dont l’âge ne représentequ’un facteur de risque, vont plus particulièrement concerner la sphère affective (dépression), cognitive (démence),locomotrice, sensorielle, cardiovasculaire. Elles ont pour point commun d’être fréquemment associées à une dénutri-tion et d’exposer à un risque majoré de maladies aiguës, en particulierinfectieuses ou traumatiques. Elles doivent de ce fait être considéréescomme des déficiences, à l’origine d’incapacités fonctionnelles parfoismajeures et de handicaps authentiques. Le terme de “handicap” est dès lorsplus adapté pour caractériser ces états que celui de “dépendance”.

L’amoindrissement des capacités fonctionnelles caractérisant les deuxautres types de trajectoire (vieillissement réussi ou usuel) peut résulter deshabitudes de vie ou de l’effet des maladies. Plusieurs études démontrentbien l’importance et l’influence négative de certains comportements toutau long de la vie sur le risque de survenue d’incapacités. D’autres étudesrévèlent que la principale cause d’incapacité avant l’âge de 85 ans provientd’affections chroniques du système nerveux, de l’appareil locomoteur oudes organes des sens. Finalement, l’âge en tant que tel, c’est-à-dire si l’on exclut le rôle des habitudes de vie et desmaladies incapacitantes, n’apparaît plus que comme un facteur de fragilité, d’exposition accrue au risque.

Le vieillissement à haut niveau de fonction :un paradigme et un objectif à atteindre

Le principe selon lequel on vit de plus en plus vieux et en bonne santé ou qu’il faut privilégier le gain en années devie en bonne santé s’est maintenant imposé. Pourtant, de nombreux efforts doivent encore être consentis pourconvaincre chacun du bien-fondé des démarches de prévention, afin que le plus grand nombre puisse bénéficier d’unvieillissement en santé. L’inertie et les réticences rencontrées trouvent sans doute leur origine dans les difficultés àsensibiliser les plus jeunes ou les adultes à un processus pourtant continu, qu’ils considéreront comme leur proprevieillissement à l’aube de leur entrée dans l’incapacité ou la dépendance. D’autres appréhenderont ce phénomènedès l’apparition des premiers stigmates leur dévoilant un vieillissement devenu apparent aux yeux des autres…L’inertie souvent constatée dans l’anticipation du grand âge résulte surtout de stéréotypes socioculturels inadaptés,à partir desquels ont été construites nos représentations du vieillissement.

L’intérêt du concept de “vieillissement à haut niveau de fonction” consiste notamment à placer ce dernier commele référentiel d’un vieillissement “normal” à l’échelon d’une population. Il convient néanmoins de considérer dansce modèle que l’individu est son propre témoin, sa propre norme par rapport au maintien dans le temps de sescompétences et de ses aptitudes. Et donc que toute déviation, toute modification ou changement par rapport à cettenorme a valeur d’alerte, de signal, face à l’émergence d’une déficience ou incapacité encore invisible.

IIILa Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

© F

oto

lum

ina

te L

LC

/ S

hu

tte

rsto

ck

Page 16: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

La qualité de vie implique pour l’individu la capacité d’accomplircertains actes simples ou élaborés qui nécessitent le recrutement et lacoordination de plusieurs fonctions. L’approche fonctionnelle est doncpertinente pour distinguer les différentes modalités d’avance en âge.Elle intègre surtout la notion de réversibilité ou de plasticité, rendantcompte de la possibilité de changer de trajectoire sous l’effet d’actionsadaptées. Il est également admis, depuis que certaines études ont suivides cohortes d’individus, que la plupart des grandes fonctions vitales(cardiaque, rénale…) voient leur efficience peu altérée par l’âge dans lesconditions normales, à l’exclusion bien sûr des victimes d’agressions ou de maladies susceptibles de modifier le fonctionnement de l’organe.Ce constat ressort d’enquêtes réalisées à partir des années 1990, qui ontévalué l’évolution des principales aptitudes fonctionnelles de groupesd’individus âgés de 65 ans ou plus (l’âge moyen était de 75 ans), consi-dérés en “vieillissement normal” au moment de leur mise en observa-tion. Les différentes évaluations réalisées sur des périodes plus ou moinslongues ont permis d’identifier un profil de “non-modification descapacités fonctionnelles” dans des proportions variant de plus de 10 à plus de 30 % des individus en fonction desdurées de suivi. A titre d’exemple, une de ces études (Mac Arthur) a suivi plus de 1 000 sujets âgés de 70 à 79 anset a révélé qu’environ un tiers d’entre eux maintenaient leurs capacités physiques et cognitives. Une autre étude(Alemeda) a suivi pendant six ans près de 500 sujets âgés de 65 à 95 ans. Elle a montré qu’à l’issue de cette période,26 % d’entre eux maintenaient leurs capacités, ce qui leur permettait d’effectuer, de façon indépendante, treizeactivités de la vie quotidienne et cinq activités physiques courantes.

Certains facteurs auxquels le vieillissement à haut niveau de fonction est associé orientent vers des actions deprévention potentielles. Ainsi, les individus qui bénéficient de ce statut affichent une pratique plus fréquente d’uneactivité physique telle que la marche. Ils se caractérisent par un investissement personnel dans des structuresbénévoles, par de plus riches relations avec leur environnement, des liens étroits avec des enfants et par un supportsocial plus développé. Ils se distinguent enfin par un nombre inférieur de facteurs de risque de maladies cardio-vasculaires, par un meilleur équilibre diététique, une moindre consommation d’alcool et de tabac et une moindre

propension à recourir aux services de santé.D’autres facteurs associés à cette modalité de vieillissement sont

liés au statut social et économique (plus haut niveau d’études,niveau socioculturel supérieur à la moyenne, revenus plus élevés) etsont donc plus difficilement corrigeables. Certains facteurs sontplus délicats à interpréter, car ils peuvent aussi bien être prédictifsde cette modalité de vieillissement qu’en résulter. Il en est ainsi dumaintien des capacités d’attention et de mémoire, de marche etd’équilibre, de la moindre fréquence d’affects dépressifs, d’unemeilleure satisfaction de vie et d’une meilleure productivité.

Le concept de vieillissement réussi ne peut cependant pas êtreabordé en se limitant à ces seuls aspects fonctionnels, et il convientde l’intégrer à celui, plus large, de qualité de vie. Cette dernière

implique à la fois la perception que l’individu a de sa santé, mais aussi sa satisfaction à l’égard des liens affectifs entre-tenus avec son entourage (familial, amical) et vis-à-vis de son rôle social. Le maintien des capacités fonctionnellesest donc sans nul doute une condition nécessaire mais non suffisante à l’atteinte des autres dimensions de la qualitéde vie. Par conséquent, toute action de prévention visant à maintenir un niveau suffisant de capacités fonctionnellesdoit être associée ou, mieux, intégrée au développement de relations familiales ou amicales. Elle doit en outre êtrereliée à l’objectif de maintenir ou redonner un rôle social et participatif à la personne vieillissante

Le vieillissement usuel : “sous-utilisation”,déconditionnements et désafférentation

L’application de certaines actions est de nature à améliorer le statut fonctionnel. Il est donc concevable, à conditiond’interventions précoces, et dans certaines limites, qu’une personne évolue d’un mode de vieillissement usuel à unautre, à haut niveau de fonction. Cette réversibilité rend compte d’une certaine adaptabilité de l’organisme auxprogrammes de stimulations physiques ou cognitives. Inversement, la réversibilité alimente l’hypothèse selonlaquelle le vieillissement usuel résulterait, du moins en partie, d’un déconditionnement ou encore d’une sous- oud’une non-utilisation de la fonction.

IV La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

© A

nto

n P

ap

ulo

v /

Sh

utt

ers

tock

© G

ert

jan

Ho

oij

er

/ S

hu

tte

rsto

ck

Page 17: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Selon l’adage « la fonction crée l’organe », toute situation de moindre sollicitation ou de moindre stimulationd’une fonction accélérerait le vieillissement et la perte fonctionnelle de l’organe concerné. Chez certaines personnesâgées, un relatif appauvrissement relationnel peut accompagner l’interruption des activités professionnelles. Il en vade même des changements de statut qui peuvent soustraire l’individu à un environnement habituellement riche enstimulations. Tout cela représente autant de périodes à risque de déconditionnement physique, psychique et cognitif.Le rôle d’interface reliant l’individu à son environnement, dévolu aux composantes sensorielles, apparaît égalementcapital afin de rendre opérantes de telles stimulations. On conçoit dès lors aisément les effets délétères de déficiencessensorielles, auditives ou visuelles, à l’origine possible d’une suppression des afférences sensorielles. Surtout, la miseen œuvre de stratégies de substitution visant à rehausser et maintenir le niveau de stimulation, véritables “recondi-tionnements physique et psychique”, s’avère indispensable afin de prévenir l’aggravation des incapacités fonction-nelles et le risque de désocialisation. De telles stratégies impliquent la participation active de l’individu à leur élabo-ration dans une démarche anticipée intégrant ses expériences et habitudes.

Prendre en compte la fragilitéLe vieillissement réussi ne protège cependant pas de la fragilité qui peut être très schématiquement définie commeune désadaptation des systèmes homéostasiques. Elle aboutit à un déficit progressif des fonctions physiologiques etcellulaires, tout en limitant les capacités relationnelles et sociales de la personne âgée.

Médicalement, le concept de fragilité demeure encore assez mal défini. Mais il présuppose finalement que l’indi-vidu est capable de répondre de manière adaptée à un stress, c’est-à-dire en restaurant, dans des délais normaux, saréserve fonctionnelle au niveau antérieur. On conçoit dès lors que cet équilibre dépendra à la fois des ressources dusujet et de l’intensité de l’agression dont il est l’objet, et l’on comprend mieux l’importance du maintien de cesressources à leur niveau le plus haut. Si, comme nous l’avons déjà évoqué, les conditions, les habitudes de vie etcertaines affections ou déficiences ont un impact sur ce niveau fonctionnel et exposent donc à cette vulnérabilité, il est raisonnable d’admettre que l’âge intervient en tant que tel comme facteur de fragilisation à partir de 85 ans.

Un certain nombre d’arguments fondamentaux démontrent ainsi que l’avance en âge s’accompagne d’unedésadaptation aux situations de stress. En outre, de nombreuses expériences surles animaux montrent qu’en comparaison à des sujets jeunes ceux qui sont âgéset soumis à un événement stressant présentent une moindre capacité à régulerleur stress. En cas de répétition de ces épreuves, les effets délétères des hormo-nes du stress (cortisol) s’exercent sur l’organisme, en particulier sur les fonctionsimmunitaires, musculaires, cognitives et sur le capital osseux. L’entrée dans lafragilisation par le biais de tels événements n’épargne donc pas la personne trèsâgée jusque-là indemne de déficiences graves. Par ailleurs, le vieillissement altèreles capacités des structures et des fonctions à s’adapter à la demande à des finsd’économie énergétique ou d’optimisation du rapport coût/bénéfice, ainsi queles capacités d’adaptation des systèmes enzymatiques aux besoins énergétiques.

L’apparition de la fragilité, et son évolution, sont très variables selon les indivi-dus. En l’absence d’une prise en charge préventive spécifique, elle conduit à laperte d’autonomie et/ou au renforcement de situations morbides complexes etde polypathologies. En effet, nous savons désormais que la prise en chargeprécoce des situations de fragilité réduit le risque de perte d’autonomie, lenombre d’hospitalisations, la consommation de médicaments, etc., et au boutde compte limite les coûts de santé. En ce sens, le concept de fragilité justifie pleinement les actions de prévention.

Le repérage précoce de la fragilité chez les personnes âgées a pour objectif d’identifier les déterminants de la fragi-lité et d’agir sur ces déterminants afin de retarder la perte d’autonomie dite “évitable” et ainsi de prévenir la surve-nue d’événements défavorables.

Le phénotype fragilité :un état potentiellement réversible

La Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG) a adopté en 2011 la définition suivante de la fragi-lité : « La fragilité est un syndrome clinique. Il reflète une diminution des capacités physiologiques de réserve quialtère les mécanismes d’adaptation au stress. Son expression clinique est modulée par les comorbidités et desfacteurs psychologiques, sociaux, économiques et comportementaux. Le syndrome de fragilité est un marqueurde risque de mortalité et d’événements péjoratifs, notamment d’incapacités, de chutes, d’hospitalisation etd’entrée en institution. L’âge est un déterminant majeur de fragilité mais n’explique pas à lui seul ce syndrome.La prise en charge des déterminants de la fragilité peut réduire ou retarder ses conséquences. Ainsi, la fragilités’inscrirait dans un processus potentiellement réversible. »

VLa Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

© R

eh

a M

ark

/ S

hu

tte

rsto

ck

Page 18: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Deux modèles de critères de fragilité sont validésUn modèle fondé sur un phénotype “physique” qui évalue la présence chez les personnes d’un âge � 65 ans de5 critères : perte de poids involontaire de plus de 4,5 kg (ou � 5 % du poids) depuis 1 an, épuisement ressenti parle patient, vitesse de marche ralentie, baisse de la force musculaire et sédentarité. Les patients sont dits fragiles enprésence de 3 critères ou plus. Ils sont dits “pré-fragiles” si au moins un des critères est présent. Si aucun des critèresn’est présent, ils sont considérés comme robustes (Fried, 2001)1.

Un autre modèle de fragilité prend en compte des critères fondés sur l’intégration de facteurs cognitifs et sociaux,regroupés sous le terme de “fragilité multi-domaine” intégrant : cognition, humeur, motivation, motricité, équilibre,capacités pour les activités de la vie quotidienne, nutrition, condition sociale et comorbidités (Rockwood, 2005)2.

Le phénotype fragilité : un marqueur prédictif de perte d’autonomie, de perte d’indépendancefonctionnelle, de difficultés de mobilité, de chute, d’hospitalisation et de décès

Le repérage de la fragilité permet de prédire le risque de perte d’autonomie (niveau de preuve élevé), de chutes, d’ins-titutionnalisation, de décès et d’hospitalisation des personnes âgées de 65 ans ou plus (niveau de preuve modéré),dans un délai de 1 à 3 ans. La réversibilité de la fragilité n’est pas en règle générale spontanée et nécessite le plus souventdes interventions. Des interventions gériatriques fondées sur l’évaluation gériatrique standardisée (EGS) et la coopé-ration avec les acteurs des soins primaires peuvent réduire le risque d’hospitalisation des sujets âgés fragiles.L’obtention d’un bénéfice sur les risques de dépendance, de déclin fonctionnel et d’institutionnalisation est égale-ment possible (niveau de preuve modéré). D’autres bénéfices potentiels peuvent découler du repérage de la fragilité :l’adaptation de la prise en charge des comorbidités etl’ajustement de la prise en charge en cas d’hospitali-sation. Inversement, il peut permettre à des sujets quine sont pas fragiles d’accéder à certains soins qui leursont parfois refusés du fait de leur âge.

La fragilité : facteur de surcoût mobilisablepour les actions de préventionLes dépenses de soins ambulatoires s’établissent à 2 585 ¤ par an pour les sujetsâgés robustes tandis que leur montant annuel est de 3 474 ¤ et de 7 215 ¤ respec-tivement pour les personnes âgées pré-fragiles et les personnes âgées fragiles.

Le surcoût de la fragilité permet de quantifier le montant des sommes pouvantêtre consacrées à la prévention. Par exemple, financer une action de préventionefficace pour les personnes robustes “à risque” de fragilisation aurait un impactbudgétaire neutre pour la Sécurité sociale, dans la limite d’une dépense annuellede 4 630 ¤ par personne. Dans ce cas, les dépenses de prévention seraient intégra-lement couvertes par les économies réalisées en évitant le surcoût de la fragilité.Mais la mise en place d’une telle action suppose que l’on puisse à la fois détecterefficacement les risques de fragilité au sein des populations et mettre en place desinterventions efficientes (ayant un ratio coût/résultats avantageux)3.

Population cible : un repérage opportuniste après 70 ansLa prévalence de la fragilité dépend de la définition utilisée. Cela est souligné par l’analyse de la littérature avec uneprévalence moyenne de 10 %, mais des variations qui peuvent aller de 5 à 58 %. Dans l’étude SHARE réalisée dans10 pays européens, la prévalence de la fragilité selon le phénotype de Fried a été évaluée pour la France à 15,5 %parmi les sujets âgés de plus de 65 ans vivant à domicile4. Cette prévalence augmente avec l’âge et elle est plus impor-tante chez les femmes. En considérant le ratio entre la prévalence de la fragilité et les bénéfices potentiels des inter-ventions, on peut proposer comme champ du repérage les personnes âgées de plus de 70 ans, indemnes de maladiegrave, sans dépendance avérée, et à l’initiative d’un soignant soupçonnant une fragilité.

Une démarche en 3 actes : Repérer - Evaluer - pour Agiren impliquant l’ensemble des acteurs

Repérer : Le repérage de la fragilité ne doit être envisagé et réalisé que comme la première étape d’une séquencecomprenant l’évaluation globale de la personne et la planification d’interventions visant à prévenir la perte d’auto-nomie, les chutes, l’institutionnalisation et l’hospitalisation.

Ce repérage peut recourir à un questionnaire comportant 7 questions (cf. infra) utilisable par les acteursimpliqués. Dans tous les cas, il est souhaitable que les personnes identifiées par l’un ou l’autre de ces moyens

VI La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

Dépendant Fragile Robuste

StressStress

IrréversibleIrréversible

InterventionInterventionmultidomainemultidomaine

RéversibleRéversible

© K

ise

lev

An

dre

y V

ale

revi

ch

/ S

hu

tte

rsto

ck

Page 19: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

soient orientées vers leur médecin traitant qui complétera ce questionnaire afin de prendre ou non la décisionde recourir à une plate-forme d’évaluation des sujets âgés fragiles.

Le repérage peut être réalisé par le médecin traitant ou par un autre soignant de premier recours : infirmière,pharmacien, kinésithérapeute, aide-soignante…

L’implication des services sociaux et d’aide à la personne dans le repérage est un élément majeur : la détectionprécoce des signes de fragilité par les travailleurs sociaux qui réalisent des évaluations en réponse aux demandesd’APA et par les aides-ménagères au domicile, grâce à l’utilisation d’outils adaptés, est une voie à explorer et à évaluer.

Evaluer : L’évaluation fondée sur l’évaluation gérontologiquestandardisée (EGS) peut être réalisée au sein d’une plate-formed’hôpital de jour gériatrique ou en ambulatoire, en recourant à uneéquipe mobile gériatrique, à un réseau de santé personnes âgées, etc.Elle doit s’attacher à évaluer les comorbidités, l’environnement socialet économique qui modulent l’expression de la fragilité. Elle doitconduire à des interventions “multi-domaines” de prévention quipeuvent porter sur : l’activité physique adaptée et la lutte contre lasédentarité ; la nutrition ; la réduction de la polymédication et l’opti-misation thérapeutique ; la mise en place d’aides sociales, l’adaptationde l’environnement et la mobilisation des liens sociaux.

L’objectif principal de ce centre est de retarder le processus d’entréedans la dépendance des personnes âgées fragiles et pré-fragiles par :1 �La catégorisation du sujet âgé dans l’un des trois phénotypes :

robuste, fragile/pré-fragile, dépendant.2 �L’identification des critères de la fragilité.3 �La recherche des déterminants de la fragilité : médicaux, sociaux, environnementaux, économiques… par une

évaluation pluriprofessionnelle.4 �L’élaboration d’un plan d’intervention personnalisé pour prévenir la dépendance en fonction des causes retrouvées.5 �Accessoirement, l’accès à l’innovation et à la recherche clinique dans le cadre de protocoles de recherche axés sur

la prévention de la dépendance.

Agir : Ces interventions doivent être formalisées dans le cadre d’un plan personnalisé de prévention. La réalisationde l’évaluation et des interventions en ambulatoire pour une majorité des patients suppose de développer l’offrecollective de prévention par les acteurs des soins primaires. Un repérage négatif doit être répété si la situation dupatient se modifie (événement de vie, pathologie incidente…).

Ces organismes dispensent ou orientent les personnes âgées fragiles en se référant à un annuaire recensant lesactivités ou prestations proposées aux personnes de plus de 65 ans :1 � les clubs des aînés pour lutter contre l’isolement2 � les ateliers mémoires pour la prévention du déclin cognitif3 � les activités sportives pour lutter contre la dynapénie4 � les structures d’aide aux aidants afin de limiter leurs difficultés5 � les centres d’ergothérapie pour lutter contre le handicap et prévenir les risques d’un domicile mal adapté6 � les services de transport pour lutter contre l’isolement7 � les services d’aide à la personne pour lutter contre l’isolement, le handicap, pour soulager les aidants8 � les services de portage de repas à domicile pour lutter contre la dénutrition

VIILa Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

PATIENTS DE 65 ANS ET PLUS, AUTONOMES, À DISTANCE DE TOUTE PATHOLOGIE

DÉPISTAGE OUI NON NE SAIT PASVotre patient vit seul ? � � �

Votre patient a-t-il perdu du poids au cours des 3 derniers mois ? � � �

Votre patient se sent-il plus fatigué ces 3 derniers mois ? � � �

Votre patient a-t-il plus de difficultés pour se déplacer ces 3 derniers mois ? � � �

Votre patient se plaint-il de la mémoire ? � � �

Votre patient joue-t-il le rôle d’aidant naturel ? � � �

Votre patient a-t-il une vitesse de marche ralentie (plus de 4 secondes pour parcourir 4 mètres) ? � � �

Si vous avez répondu OUI à une de ces questions : votre patient vous paraît-il fragile ? � OUI � NON

© g

ua

ltie

ro b

off

i /

Sh

utt

ers

tock

Page 20: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Les clés d’un vieillissement individuel réussiL’ensemble des concepts développés ci-dessus sous-tendent le principe selon lequel il est possible de retarder la pertedes réserves fonctionnelles et l’entrée dans la fragilité.

Deux stratégies peuvent être entrevues selon que l’on considère le rôle respectif des facteurs génétiques et de l’envi-ronnement sur les trajectoires de vie. Si l’impact des premiers est prépondérant, on conçoit aisément qu’ils consti-tuent une limite à l’augmentation de la longévité. En revanche, les actions de prévention orientées sur des facteursde l’environnement possiblement modifiables s’avèrent particulièrement intéressantes et doivent être développéespour promouvoir un vieillissement en bonne santé.

L’ensemble de ces actions aura un impact d’autant plus élevé qu’elles seront précoces. A défaut d’être initiées dansles premières étapes de la vie, ces actions doivent être mises en œuvre dès que la personne atteint 50 ans. Elles doiventidéalement conjuguer :

la prévention des maladies cardiovasculaires et des cancers, premières causes de mortalité primaire, par le contrôlede leurs facteurs de risque ;

la prévention du déconditionnement physique et cognitif par la pratique maintenue régulière d’une activitéphysique adaptée et par le maintien d’une activité intellectuelle afin de préserver la réserve cognitive ;

la prévention des déficiences sensorielles, auditives et visuelles ;une alimentation adaptée.Elles doivent également s’appuyer sur l’ensemble des stratégies permettant de faire face aux nombreuses pertes

potentielles, affectives, relationnelles, sociales et professionnelles. Ici, le maintien des relations sociales – lien social– apparaît capital. La prévention ou prise en charge de cette vulnérabilité peut recourir aux stratégies dites de copingou d’“ajustement”. Il convient, en particulier, de maintenir la fonction de désir, la motivation, l’action.

Ainsi, pour les sociétés confrontées au vieillissement démographique, un des défis à relever est sans doute celui del’égalité d’accès au vieillissement réussi. Un tel objectif implique de réviser les représentations et la place de lapersonne âgée et d’intégrer dans les politiques mises en œuvre la notion de “société pour tous les âges”. Pour cela,un certain nombre de mesures doivent être envisagées. Il est ainsi impératif de mieux reconnaître la contribution etle rôle des personnes âgées dans la société et de réunir les conditions nécessaires afin qu’elles puissent s’accomplirpleinement, en respectant leurs droits et leur dignité. Il est également nécessaire d’assurer un développement durableen s’appuyant sur les concepts de vieillissement productif et de solidarité entre les générations. Enfin, de manièreplus globale, il convient de promouvoir la santé tout au long de la vie. �

Pr Claude JeandelPôle gérontologie, CHRU de Montpellier

VIII La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

1. Fried LP, Ferrucci L, Darer J, Williamson JD, Anderson G. Untan- gling the concepts of disability, frailty, and comorbidity: implications for improved targeting and care. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2004;59(3):255-63.2. Rockwood K, Song X, MacKnight C, Bergman H, Hogan DB, McDowell I, et al. A global clinical measure of fitness and frailty in elderly people. CMAJ 2005;173(5):489-95.3. Sirven N. & Rapp T. (2014c). The Cost of Frailty In France: Evidence Using National Health Insurance Data, Document de travail du LIRAES #201403.4. Santos-Eggimann B, Cuenoud P, Spagnoli J, Junod J. Prevalence of frailty in middle-aged and older community-dwelling Europeans living in 10 countries. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2009;64(6):675- 81.

• Rapport de mission « Parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie ». Mise en œuvre des projets pilotes. D. Libault, S. Legrain, C. Jeandel, P. Burnel, F. Von Lennep.• Somme D, Trouvé H, Passadori Y, Corvez A, Jeandel C, Bloch MA, Ruault G, Dupont O, de Stampa M. The French Society of Geriatrics and Gerontology position paper on the concept of integration. Int J Integr Care. 2014 Mar 27;14:e052.

© @

ca

m /

Sh

utt

ers

tock

Page 21: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Que faire ?La fréquence des symptômes physi-ques ou psychiques liés au cancer et àses traitements a incité les Centres delutte contre le cancer à développerdes structures de soins de supportpour assurer une prise en charge glo-bale et coordonnée. Le Départementinterdisciplinaire de soins de supportaux patients en onco-hématologie(DISSPO) de Gustave-Roussy, à Vil-lejuif, a été créé en 2002 et coor-donne en interdisciplinaire les soinscomplémentaires aux traitementsplus spécifiques du cancer (chirurgie,chimiothérapie, radiothérapie) : luttecontre la douleur, soins palliatifs, pri-ses en charge psychologiques, soutiendes proches, accompagnement social,suivi diététique et nutritionnel,masso-kinésithérapie, sophrologie,conseils en image corporelle. A celas’ajoute le programme “Mieux vivre”,qui coordonne l'intervention desbénévoles, ainsi que de nombreuxsoutiens complémentaires (soinsesthétiques et de bien-être, activitéphysique, arts plastiques…).

Le DISSPO de Gustave-Roussyassure également des activités d’ensei-gnement et de recherche, notammentsur la douleur et les médicamentset/ou techniques non médicamenteu-ses apportant un confort supplémen-taire aux malades, mais aussi recher-che en sciences humaines et socialespar l’unité de psycho-oncologie.

Le Centre d’étude et de traitementde la douleur (CETD) de Gustave-Roussy est engagé dans le développe-ment des techniques non médica-menteuses et locorégionales pour lut-ter contre ces douleurs séquellaires.

Il a été pionnier en 1998 dans l’in-

troduction de l’auriculothérapie àl’hôpital, qui a aujourd’hui gagné seslettres de noblesse et est proposéedans de nombreux centres hospita-liers, et est enseignée en faculté ; maisde nombreuses autres techniques ysont développées et évaluées : neuros-timulation électrique transcutanée,hypnose médicale, sophrologie, sou-tien psychothérapeutique adapté àchaque patient, ou en entretien indi-viduel ou en travail de groupe.

Dans la suite de cette politique, leCETD souhaite évaluer l’efficacité del’ostéopathie dans la prise en chargedes douleurs chroniques séquellairesdes cancers.

Qu’est-ce que l’ostéopathie ?L’ostéopathie se définit par une prati-que exclusivement manuelle dont lebut est de pallier les dysfonctionne-ments de mobilité des tissus du corpshumain – référentiels du métier d’os-téopathe de l’Union fédérale desostéopathes de France (UFOF). L’os-téopathe recherche le dysfonctionne-ment de mobilité tissulaire par undiagnostic ostéopathique dit “spécifi-que” qui se définit comme une recher-che de la lésion fonctionnelle tissu-laire. La lésion fonctionnelle tissulaire,ou “dysfonction ostéopathique” ausens large, est caractérisée par unemodification de mobilité des tissus oùqu’ils soient, et par sa réversibilité parune manipulation appropriée. Lediagnostic ostéopathique spécifiqueétablit un lien entre l’anatomie de lastructure à mobilité perturbée, la phy-siopathologie de la fonction perturbéeet l’expression du trouble fonctionnel.

L’ostéopathie prend en charge lepatient de manière globale, prenant

ainsi en considération l’ensemble deses antécédents et leurs conséquences.Par son effet potentiel sur la douleur,elle pourrait s’avérer être un traite-ment complémentaire à la médecineoncologique, permettant ainsi unemeilleure tolérance des effets secon-daires des traitements et une récupé-ration plus rapide.

Dans ce cadre, un partenariat s’estcréé entre le DISSPO, le service dedermatologie, le service d’épidémio-logie et biostatistiques de Gustave-Roussy, et le département recherchede l’École supérieure d’ostéopathiepour étudier l’efficacité de l’ostéopa-thie sur les douleurs séquellaires demélanome. L’étude MélanOstéorepose sur une méthodologie rigou-reuse. Il s’agit d’un essai clinique ran-domisé qui va inclure 60 patientssouffrant de douleurs séquellaires.Ces patients seront répartis par tirageau sort dans deux groupes : ungroupe recevant des séances d’ostéo-pathie “réelle” et un groupe recevantdes séances d’ostéopathie “simulée”consistant en une simple appositiondes mains sans intention thérapeuti-que. La douleur sera évaluée par dif-férentes échelles. L’analyse des résul-tats permettra ainsi de répondre à laquestion de l’efficacité de l’ostéopa-thie sur ce type de douleur.

Cette étude devrait pouvoir débu-ter en fin d’année et être ainsi propo-sée aux patients vus en consultationde dermatologie, et les résultats sontattendus pour fin 2017.

Ce type d’initiative est essentielpour mieux comprendre le “pour-quoi” et le “comment faire” avec lesdouleurs des patients. Même si lesdélais paraissent longs, ils sont indis-pensables pour pouvoir avancer demanière éclairée dans le vaste champdes techniques non médicamenteusesantalgiques et proposer au patientune prise en charge dont l’efficacité aété démontrée. �

Léa Gouaux,ostéopathe D.O. à Brunoy

Sophie Laurent,responsable du CETD

à l’Institut Gustave-Roussy

13

Soins et santé

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

© I

ma

ge

Po

int

Fr/

Sh

utt

ers

tock

Page 22: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

N ous allons essayer de faire unepetite promenade biologique ettenter de comprendre comment

nous fonctionnons…Tout d’abord, notre corps est consti-

tué de 20 000 ou 30 000 milliards decellules – ce qui est énorme – et chacunede ces cellules (qu’elle soit pulmonaire,cardiaque, rénale, musculaire…) a lemême génome. Elle a le même noyauavec les mêmes gènes. Comment se fait-il alors qu’avec les mêmes gènes chacunefonctionne différemment ?

C’est parce qu’elles sont spécialisées.Elles savent activer les gènes nécessairesà la fonction dans l’organe concerné.Qui le commande ? Ce n’est pas vous, cen’est pas moi, c’est le génie de la vie. Cepetit génome, qui renferme tous les pro-cessus biologiques, va être activé par desbesoins du tissu concerné.

C’est une évolution par rapport aucolibacille. Tout à l’heure, nous disionsque nous descendions probablement dupoisson, mais nous descendons aussi –j’en suis persuadé – de la première viesur terre, à savoir les microbes. Nousavons les mêmes gènes que le colibacille,à 97 ou 98 % près.

Nos centrales énergétiquesNous avons donc des cellules, à l’inté-rieur desquelles on trouve, à côté dunoyau, les mitochondries : ce sont descentrales énergétiques qui nous main-tiennent à 37 °C, qui nous donnentl’énergie pour bouger et faire tout ce quel’on a à faire… Ces mitochondries ont

été introduites dans nos cellules. En réa-lité, ce sont des bactéries qui sont venuess’introduire dans nos cellules il y a quel-ques centaines de milliers ou de millionsd’années : nous héritons donc de la viebactérienne qui nous a, justement, per-mis de nous adapter à l’oxygène (audépart, ces cellules ne savaient pas utili-ser l’oxygène comme source d’énergie).Voilà un peu ce que sont nos cellules.

Chacune de ces cellules contient del’ADN dans son noyau. Rendez-vouscompte, si on arrivait à débobinerl’ADN, on trouverait environ 2,5 md’ADN dans chaque cellule ! Etchaque jour, nous renouvelonsdes milliards de cellules ; chaquejour, nous synthétisons del’ADN. Il y a des photocopiesqui se font, mais il faut du maté-riau pour cela, il faut des nutri-ments, de la substance… Il y a legénie de la vie qui est informatif,biophysique – comme l’esprit desgens qui se téléphonent (ça, c’estune information que nous nemaîtrisons pas aujourd’hui, seuls leshoméopathes abordent un peu cetteénergie-là) –, mais il faut de l’informa-tion et de la matière pour fabriquer del’ADN, des cellules, des membranes cel-lulaires, etc.

Juste un petit exemple : dans notreintestin grêle, nous n’avons qu’une finecouche de cellules qui se renouvelle tousles trois jours, ce qui correspond à untiers renouvelé par jour. Cela correspondà environ 20 milliards de cellules (soit50 millions de km d’ADN) que vousrégénérez rien que dans cette partie devotre intestin !

C’est extraordinaire. Le génie de la viene s’explique pas, c’est pour cela que jedis souvent qu’aujourd’hui, en 2015, lemeilleur biologiste au monde ne connaît

pas plus qu’un millième du dix-millièmedu génie de la vie. Mais on avance, on afait d’énormes découvertes depuis unecinquantaine d’années…

Les molécules de la viePour fonctionner, ces cellules ont besoinde molécules – je les appelle les molécu-les de la vie. Ce sont des moléculesexternes que nous devons ingérer, et labouche constitue l’unique porte d’en-trée (sauf quand vous êtes en réanima-tion et que l’on vous fait des perfusions).Il nous faut consommer des molécules

indispensables au bon fonctionnementde ce génie de la vie. Pour cela, il y a lesoligoéléments (les métaux : zinc, cuivre,manganèse, cobalt, magnésium), lesvitamines B (que l’on retrouve dans tousles végétaux), les acides gras polyinsatu-rés (constituants essentiels du cerveau),les acides aminés (que l’on trouve dansles protéines)… Parmi ces derniers, il yen a que nous savons synthétiser, mais ily en a huit essentiels qu’il nous fautingérer pour renouveler nos tissus, assu-rer le fonctionnement du systèmeimmunitaire, etc. Souvent, les gens âgésn’absorbent pas assez de protéines etsont carencés en acides aminés.

Il nous faut aussi des antioxydants.Depuis la nuit des temps, nos cellules sesont adaptées à l’oxydation ; nous som-

14

Retour aux fondamentaux

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

OLIGOÉLÉMENTSACIDES GRASESSENTIELS

ACIDES AMINÉSESSENTIELS

FIBRESVÉGÉTALES

PRÉBIOTIQUES

ANTIOXYDANTS

VITAMINES B

Les 21 et 22 mai, un public très nombreux a assisté aux conférences

sur le site mtrl-id.com. La qualité des exposés, à la mesure de celle des

à paraître en ce mois d’octobre. Voici, à titre d’exemple, celle

Les molécules de la vie…

MÉTABOLISME CELLULAIRE OPTIMAL

La nutrition cellulaire active

Page 23: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

mes condamnés à nous oxyder lorsquenous métabolisons nos aliments (nousconsommons des aliments, nous les brû-lons, et nous nous oxydons). Maisl’Homme a toujours mangé des antioxy-dants : dans les légumes, dans lesfruits… Et puis il y a les fibres, et là çarejoint un peu l’intestin. Notre intestinest différent, il s’est adapté du fait quel’homme est devenu omnivore : peut-être d’abord à l’état de poisson il estdevenu singe, et en tant que tel il n’amangé que des végétaux ; puis, petit àpetit, il s’est relevé, s’est mis à marcherdroit et à manger de tout. L’évolution aprogressivement adapté notre intestin àla consommation de fibres, quel’Homme avait alors à profusion.

Ces molécules sont indispensables. Ici,dans la salle, vous êtes très nombreux –au moins trois personnes sur quatre – àmanquer de fibres. Nous manquonschroniquement de bonnes fibres (à nepas mélanger avec les fibres irritantes).

La semi-perméabilité des membranes cellulaires

Nos cellules sont constituées de cettemanière-là : elles sont hermétiques maisont des quantités de portes spécifiques :les protéines. Et tout ce qui entre dansces cellules doit passer par ces portes. Ily a une erreur majeure qui circule et quifait croire à une personne lambda – etmême à des médecins – que tout ce quiva entrer par la bouche va être introduitdans nos cellules. C’est faux. Nos mem-branes sont semi-perméables et nos cel-lules ne laisseront entrer que ce qu’ellessavent faire entrer.

C’est très important, car il y a des gensqui sont pollués d’une certaine manière,qui sont “encrassés”, comme disait JeanSeignalet. Lorsque l’on a des déchetsmétaboliques, lorsque l’on ne mange pas

ce que nos cellules attendent, il reste desdéchets dans l’organisme, et ces déchetsvont se déposer sur des membranes,dans des tissus, dans des articulations…C’est de l’encrassage, selon le termequ’on emploie dans le Midi. Il faut com-prendre que l’encrassage et les toxiquesvéritables, comme les métaux lourds etles pesticides, viennent perturber cesentrées. Elles provoquent des défaillan-ces cellulaires et donc un mauvais fonc-tionnement des tissus.

Tout à l’heure, on a parlé des maladiesfonctionnelles psychosomatiques, endisant que, face à un patient qui se plaint,le réflexe commun était de faire une ana-lyse de sang, de faire des radios, souventde ne rien trouver et donc en conclureque c’était psy. Ce n’est pas vrai, ce n’estpas psy. Ce sont nos cellules qui ne fonc-tionnent pas bien, et c’est le début de lapathologie. Si on ne fait rien, le fonction-nel va finir par devenir organique, et l’or-gane sera atteint. A ce moment-là, on vafaire des analyses de sang, des radios et onva trouver la maladie.

Cette notion est très importante. C’estnotre organisme qui est pollué, qui estencrassé et qui ne fonctionne plus, parceque nos cellules sont défaillantes, parcequ’elles sont perturbées par ces polluants.

Nous, les humains, sommes program-més pour vivre jusqu’à 120 ans sans êtremalade. Il n’y a pas beaucoup de gensqui y arrivent, peut-être dans la cordil-lère des Andes et certaines contréesmontagneuses isolées, où les gens conti-nuent à boire de l’eau de source, à man-ger quelques légumes du jardin, sansaucune pollution… Jeanne Calment,exceptionnellement, a vécu à Arlesjusqu’à 122 ans. Pourtant elle fumait unpetit peu, mais elle avait certainementune génétique extraordinaire pour éli-miner ces excès de toxines.

Le génie de la vieCe que je suis en train de vous dire, c’estqu’il faut apprendre à détoxiner car vousêtes condamnés à vous intoxiquer, neserait-ce que dans la rue, où vous respirezdes gaz d’échappement, puis vous man-gez certainement des polluants… On estcondamné à s’intoxiquer, par contre ilfaut que nos systèmes d’évacuationsoient optimisés pour nettoyer le maxi-mum… Dans des conditions idéales,nous aurions une vie jusqu’à 120 ans. Pasplus, mais c’est déjà bien ! Nous sommeslà pour passer quelques instants surTerre. Nous sommes là pour nous repro-duire. La vie, l’instinct vital, c’est lareproduction. On est là pour se repro-duire et pour transmettre nos gènes !

La vie se fait grâce à des enzymes,grâce à ces molécules indispensables quesont les oligoéléments, les vitamines ducomplexe B, les acides aminés… Et toutcela se synthétise sans que nous y pen-sions. Le génie de la vie fonctionne sansque nous ne le maîtrisions. Il fait ce qu’ila à faire… ou il ne le fait pas s’il est pol-lué, encrassé, bloqué par diverses molé-cules indésirables.

On oublie fréquemment ces minérauxindispensables que sont les oligoéléments.Ce sont des catalyseurs d’enzymes, et biensouvent nous en sommes carencés.D’abord parce qu’aujourd’hui on a accès àdes produits hyper-raffinés (le sucre, lesfarines…) auxquels on a enlevé des rési-dus riches en oligoéléments.

Retour aux fondamentaux

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

organisées pour le 50e anniversaire de la Mutuelle, dont on peut voir les vidéos

intervenants, nous a incités à en publier la transcription sous forme d’un recueil

prononcée par le Dr Claude Lagarde dont on pourra mesurer l’excellence

et le fonctionnement neuronal

15

Page 24: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Et puis, il y a beaucoup d’autres cir-constances de carences : on n’est pas touscapables de les absorber au niveau de lamuqueuse intestinale. Nous en parleronsd’ailleurs longuement au cours de cesjournées : le pain et les laitages sont trèsnuisibles pour la santé (ce que disait déjàJean Seignalet), parce qu’ils apportentdes protéines qui se collent sur lamuqueuse et qui empêchent l’absorptiondes nutriments nobles pour nos cellules.

Ensuite, il y a des problèmes de fuiteexagérée : si nous mangeons un peu tropde protéines, un peu trop acide, nousallons éliminer par les urines ces apportsd’oligoéléments et nous en serons subca-rencés, ou même carencés quelquefois.Il y a des quantités de circonstances quifont que nous sommes souvent en man-que d’oligoéléments, ce catalyseur deréaction enzymatique fondamental.

Face à la maladie, essayer de comprendre pourquoi cela a mal fonctionné

C’est pour cela qu’un concept de santé debase (non pas de médecine, mais de santé)reposerait, à mon sens, sur une petiteenquête à destination de chaque patient,pour comprendre ce qui l’intoxique. Il fautchanger de raisonnement, il faut changerde paradigme : on ne va pas traiter unesclérose en plaques, une colite ou uneacné ; on va traiter une personne qui pré-sente une sclérose en plaques ou une spon-dylarthrite ankylosante, et on va essayer decomprendre pourquoi cet organe-là s’estmis à mal fonctionner. En posant desquestions, on va peut-être trouver des cau-ses qui font que cette personne est intoxi-quée, ou fonctionne mal, ou est carencée.Il faut faire une enquête sur chaquepatient. Si vous avez un problème, vousdevez essayer d’en comprendre la source.Quel est le maillon faible qui a initié ceproblème ? Un problème qui n’auraitjamais dû exister d’ailleurs, puisque noscellules sont hyper géniales : elles savent ce qu’elles ont à faire à condition d’avoirtout ce qu’il faut pour fonctionner. Il fautdonc faire sa petite enquête, et il ne fautsurtout plus raisonner de façon classique,en disant : « Je traite des spondyl-arthrites ankylosantes, et 80 % d’entreelles sont guéries avec tel ou tel traite-ment. » Cela ne veut rien dire !

Ce qu’il faut, c’est d’abord nettoyer l’or-ganisme. Et, la plupart du temps, on n’amême pas besoin d’effectuer ce traite-ment… Il faut détoxiner et, en mêmetemps ou peu de temps après, il fautrestructurer. Dans un premier temps, ilfaut trouver les causes d’intoxicationpuis, dans un deuxième temps, quand onaura nettoyé l’organisme, lui apporter lesbonnes molécules pour qu’il resynthétiseles bonnes membranes cellulaires. Cesdernières sont constituées d’acides graspolyinsaturés, dont je vais vous parler.

Mais juste avant, quelques mots sur lecerveau : il ne représente que 2 % de lamasse de notre corps, mais consomme20 % de notre énergie. C’est pour ça, enmatière de psychiatrie, que les gens quimangent trop de sucres rapides, trop desaccharose, peuvent être en hypoglycémieréactionnelle. Et l’hypoglycémie, dansl’organisme, c’est la réponse. Si on mangetrop de sucre, on sécrète plus d’insuline eton va avoir une chute du taux de glucosedans le sang. Les cellules de l’organismevont le détecter, elles vont être informéesqu’il manque du sucre, et comme le glu-cose est l’aliment électif du système ner-veux, l’information qu’il va transmettre ànos neurones commence à les affoler.Ainsi, beaucoup de pathologies neurop-sychiatriques sont dues à des manques deglucose, eux-mêmes dus à un excès desucre consommé au quotidien.

Je peux vous citer un exemple : il y adéjà une quinzaine d’années, j’ai ren-contré l’une de mes amies en train depleurer sur le trottoir de mon labo. Elleme dit qu’elle sort de chez le neuropsy-chiatre et qu’on doit hospita-liser son fils en hôpital psy-chiatrique la semaine sui-vante. Surpris, je lui endemande la raison, arguantqu’il va bientôt passer le bacet qu’il est en très bonnesanté. « Non, non, il est trèsmal, me répond-elle. Tous lesjours, il se dispute avec sonpère, ils en viennent auxmains. Il est hyperagressif, ilne supporte plus rien ! »Alors, quand j’entends ça, je luidemande ce qu’il mange en ce moment.Réponse : un litre de coca par jour. Ehbien, il faut savoir que, dans le coca, il y

a sept à huit morceaux de sucre parquart de litre. Donc trente morceaux desucre rapide, du saccharose qui, juste-ment, entraîne le mécanisme dont jeviens de vous parler. Je passe les autreserreurs alimentaires… L’excès de sucrenon seulement provoque des hypoglycé-mies qui font souffrir les neurones, maisen même temps nous épuise : on estfatigué, on est irrité, et le seul moyen dese rebooster, c’est de se mettre en colère.Lorsqu’on est en hypoglycémie réaction-nelle, on est mal, on est agressif et, donc,on va sécréter de l’adrénaline qui est unehormone hyperglycémiante, et qui estl’hormone de la colère. Alors voyez unpeu tout le schéma que pouvait engen-drer ce genre d’alimentation ! Bien sûr,je lui ai donné des vitamines, puisqu’ilétait carencé en vitamines (l’excès desucre épuise l’organisme en vitamines) :il a passé son bac et il n’est pas entré àl’hôpital psychiatrique. Voilà un gaminqui aurait très bien pu être hospitalisé, età qui on aurait commencé à donner desmédicaments lourds…

J’ai l’exemple d’un autre gamin, quiétait en hôpital psychiatrique avant queje ne le connaisse et qui un jour s’est sui-cidé. Les médicaments lourds ne fontque répondre à un besoin ponctuel et nerésolvent pas le problème. Voilà deuxexemples très précis que j’ai vécus.

Notre cerveau, c’est 100 milliards de neurones

Il y a plus de synapses dans un cerveauque d’étoiles dans l’univers : ce n’est pasmoi qui suis allé vérifier ça, mais je fais

confiance à celui qui a établi cettecomparaison ! Le cerveau, c’est surtoutune masse grasse qui contient des lipides(les graisses occupent à peu près la

16

Retour aux fondamentaux

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

Page 25: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

moitié de son poids). Ces graisses sontconstituées de nombreux acides gras etde phospholipides (ces acides gras sontdes constituants de ces phospholipides),dont les deux plus importants sontl’acide arachidonique et le DHA, unacide gras dont je m’abstiens de vouslivrer le nom détaillé, mais qui vient despoissons et qui est très intéressant pournotre mémoire et pour notre fonction-nement en général.

Il y a aussi des acides gras saturés, desacides gras monoinsaturés… Des satu-rés, il nous en faut quand même, on atendance à l’oublier. Je vais d’ailleursvous donner une petite recette miracle,que je tiens de gens très sérieux enmatière de naturopathie et qui soignevraiment : consommer un pot-au-feu ouune poule au pot par semaine et prendrele bouillon. C’est très important, et onne le fait plus. Pourquoi ? Parce que lachaleur de cuissonlente de ces deuxtypes de protéinesosseuses et cartila-gineuses extirpedes moléculesi n d i s p e n s a b l e spour notre bonfonctionnement etles acides gras satu-rés dont nousavons besoin. Il nefaut pas être hyperpolyinsaturé, ilfaut être normale-ment polyinsaturé.Par contre, il y abeaucoup decarences en polyin-saturés, ce que je vais développer main-tenant. Mais il faut bien manger des aci-des gras saturés, et les ingrédients dupot-au-feu, sans oublier le bouillon,qu’il faut manger le soir avec des petitespâtes ou des vermicelles… Vous alleztous me dire que vous en avez mangédans votre enfance, mais vous n’en man-gez plus aujourd’hui ! Des acides grassaturés, il en faut, mais de bonne qualitéet bien cuits.

Pour les monoinsaturés, le prototypec’est l’huile d’olive. Contrairement à ceque beaucoup de gens croient, l’huiled’olive n’est pas extraordinaire quant à

l’apport d’acides gras indispensables ànotre fonctionnement neurologique.Mais les monoinsaturés de l’huile d’olivesont intéressants. D’abord parce quel’huile d’olive de première pression doitêtre verte, peu raffinée, brute, et appor-ter beaucoup de polyphénols (antioxy-dants) : c’est la première qualité d’unebonne huile d’olive. Et les acides grasmonoinsaturés, comme l’acide oléique,vont favoriser la vidange de la vésiculebiliaire, donc c’est bien pour le bonfonctionnement hépatique. Mais c’esttout. Elle ne joue pas un rôle essentielsur notre mémoire ou sur notre fonc-tionnement neurologique et cardiaque.

Beaucoup de tissus ont besoind’acides gras polyinsaturés

Les polyinsaturés, c’est une longuechaîne carbonée (ceux qui ont fait de lachimie peuvent comprendre). Mais vous

savez tous qu’on parle d’oméga-3 etd’oméga-6. Oméga-3, c’est quand lepremier carbone insaturé est en troi-sième position, oméga-6, c’est quand ilest en sixième position, etc. Mais cesdeux familles ne peuvent pas s’interpé-nétrer. Elles sont indépendantes : lesdeux prototypes sont là et il faut lesapporter dans notre foie, puisqu’on estincapable de les synthétiser. En revan-che, si on les apporte en mangeant cer-taines huiles – je vais en parler –, notrefoie et d’autres tissus vont les modifierpour pouvoir en faire des moléculesnobles très importantes pour la santé.

Les oméga-3 viennent de l’huile denoix, de l’huile de lin, de l’huile de colzaet des poissons – des poissons gras ! Rap-pelez-vous : si vous mangez une sole parsemaine, c’est excellent au palais mais,attention, vous n’avez pas d’oméga-3 ! Ilfaut manger des sardines, des anchois,des maquereaux, du thon… Malheureu-sement, plus on monte en poids, plus ona des risques d’avoir des métaux lourds :il faut donc se méfier des oméga-3 etc’est dommage parce que, l’idéal, c’est demanger des sardines, qui sont, en plus,les poissons les moins chers !

En ce qui concerne les oméga-6, onévoquait David Servan-Schreiber tout àl’heure. Il a parlé de beaucoup de chosesdans son livre Guérir, ainsi que dans sonlivre Anticancer : les deux sont trèsintéressants, et je vous invite à les lire…En revanche, il critique les oméga-6. Oril ne faut pas les critiquer ! Ce sont desacides gras polyinsaturés indispensables,dont nous avons besoin cinq fois plusque les oméga-3. Et je vois trop de criti-ques contre les oméga-6.

Alors il est vrai que nous enconsommons trop : l’huile d’arachide,que nous consommons tous, apportetrop d’oméga-6. Le juste milieu idéal,c’est l’huile de noix, qui apporte suffi-samment de l’un et de l’autre. Maisl’huile de lin est très bien, l’huile decolza aussi…

17

Retour aux fondamentaux

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

PETIT DÉJEUNERCLAUDE LAGARDE

Si vous ne savez pas commentprendre les oméga-6, voici unepetite recette à utiliser commedessert ou petit déjeuner santé :vous prenez une banane, bio si pos-sible. Vous l’écrasez à la fourchette cinq oudix minutes, pour qu’il n’y ait plus de pointsblancs. Vous y mettez deux cuillères àsoupe d’huile de colza (de première pres-sion, bio). Vous ajoutez des petits cubes depommes ou de poire, et voilà, c’est extraor-dinaire, c’est mieux que tout ce que vouspourriez imaginer, à la fois sur le plan nutri-tif et en tant que support. Cela remplaceaisément le petit déjeuner budwig deKousmine*, dont vous avez peut-êtreentendu parler (on parle d’elle depuis plusde vingt-trois ans qu’elle est décédée).

* http://www.kousmine.fr/la-creme-budwig/

Henry est le roi des pauvres gens.Il veut que, dans son royaume, les paysans puissent mettre la poule au pot tous les dimanches.

Page 26: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Oméga-9, je vous en ai parlé, c’est lafameuse huile d’olive. Et le DHA, c’estl’oméga-3 le plus évolué dans les synthè-ses hépatiques : on peut l’apporter direc-tement par le poisson, mais on peut aussile synthétiser à partir d’oméga-3 végé-taux. Pourquoi ? Parce qu’il y a des

oméga-3 d’origine végétale (dans l’huilede noix, par exemple), il y a l’oméga-3 debase qui va être transformé, mais il y aaussi l’apport direct par les huiles de pois-son. De la même façon, il y a aussi, dansles huiles de noix, de lin ou de colza, desoméga-6 qui vont être transformés enacide arachidonique, qui est un média-teur de l’inflammation. Tout ça pourvous dire que, si on est carencé en DHA,on risque d’avoir des problèmes demémoire, d’avoir un cerveau qui se déve-loppe mal, des problèmes cardiaques…

Toujours les oméga-3 !Il est indispensable pour les mamans deconsommer des oméga-3 pendant qu’el-les allaitent pour pouvoir en transmettreau bébé. Justement, la maman seraitbien avisée de prendre sa banane et sonhuile de colza deux fois par jour, ou alorsmanger des poissons ! Mais l’huile decolza peut être bio, naturelle –bien sûr, il faudra qu’elle la trans-forme en DHA –, alors que dansles sardines il y aurait le DHAdirectement : seulement, il y aaussi d’autres choses, un peu demercure par exemple, puisquel’homme est tellement intelligentqu’il jette les piles à mercure dansles ruisseaux, avant que ça ne partedans le Rhône, puis dans la mer.Forcément, on le retrouve dans

nos poissons. On n’est pas futés…Enfin, c’est comme ça !

L’EPA, c’est le cousin germain duDHA, qui est aussi indispensable et quiprotège le cœur.

Maintenant, les huiles vierges dontparlait Kousmine. Catherine Kousmine

a travaillé jusqu’à 91 ans dansson cabinet près de Lausanne.Un jour, j’étais allé la voirpour lui dire que j’avais unami médecin atteint de sclé-rose en plaques et lui avaisdemandé si elle pouvait lerecevoir. Elle m’a demandé oùil habitait – au Puy-en-Velay –et m’a dit qu’il aille voir sonélève à Saint-Etienne, quec’était plus près pour lui etqu’elle-même se réservait descas plus difficiles (à 91 ans !).Mon ami a choisi de ne pas se

déplacer et il est mort quelques annéesplus tard : peut-être pas de sa sclérose enplaques, mais du méthotrexate à fortedose qu’on lui a donné pour tuer leslymphocytes qui attaquaient la gaine demyéline (une histoire de fou, mais c’estsouvent comme ça).

En 1952, Kousmine a commencé às’intéresser aux acides gras polyinsaturés.Elle s’est rendu compte que, pendant laguerre, on avait fait l’énorme bêtise d’in-venter – même si c’était pour survivre –la pression à chaud pour extraire plusd’huile des graines oléagineuses, par rap-port à la pression à froid, que l’on réalisedepuis la nuit des temps. En pressant àchaud, on altère la qualité des acidesgras, qui sont des molécules fragiles.

Elle a commencé à parler des acidesgras polyinsaturés vingt ou trente ansavant tout le monde. Les livres qu’elle aécrits, en particulier Sauvez votre corps,

sont tout bonnement géniaux. Elle l’aécrit en 1987 je crois, et c’est en lisant celivre que j’ai commencé à m’intéresser àla nutrition !

Tout ce qu’elle disait (et qui seretrouve aujourd’hui sur internet), c’estqu’il faut consommer des huiles viergesde colza de première pression à froid.Dans l’huile de tournesol, il n’y a quedes oméga-6, mais elle est bonne aussi…

Vous savez, Kousmine ne faisait pasde transplantations rectales. Chez sesgros malades (cancéreux, maladiesauto-immunes…), elle envoyait 50 mlpar voie rectale d’huile de tournesolpremière pression à froid. Cette huileétait pompée avec avidité par lamuqueuse rectale, presque comme uneprise de sang (le suppositoire, c’estpresque une prise de sang, puisque lerectum est très irrigué). Donc c’étaitpresque comme si elle avait fait uneinjection intraveineuse de bons acidesgras qui étaient absorbés et qui jouaientun rôle de piégeur de radicaux libres. Al’époque, je faisais des conférences etj’appelais ça “la guerre des étoiles” : lesacides gras piégeaient les radicauxlibres, qui ainsi n’allaient pas attaquerles membranes cellulaires ; c’était unmoyen de protection contre lesmaladies dégénératives.

Ce qui se passe aussi quand on chauffeles huiles, c’est qu’on va transformer unacide gras, on va favoriser la rotationautour d’une double liaison et onobtient des formes trans (à ne pasconfondre avec les formes cis). Le pro-blème, c’est qu’au point de vue des ato-mes constituants, la forme trans est lamême molécule, si on l’analyse, mais ellen’a pas la même conformation dans l’es-pace. C’est comme si un couvreur, venuréparer votre toiture, mettait une tuile à

l’endroit, une tuile àl’envers, et ainsi de suite.Je peux vous dire qu’aupremier orage ce neserait pas très efficace.C’est un peu pareil ici :si dans nos membraneson a trop de formestrans, elles ne seront pasimperméables et nos cel-lules ne seront pas fonc-tionnelles.

18

Retour aux fondamentaux

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

“J’aimerais que chacuncomprenne qu’il ne peutcompter que sur lui-même, qu’il estresponsable de sapersonne, que le corpsdont il dispose doit êtregéré comme n’importequel autre bien.”

Dr Catherine Kousmine

Page 27: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Synthèse de la sérotoninePour terminer, il faut savoir que notrecerveau et notre système nerveuxfonctionnent avec des neuromédiateurs,des molécules qui passent de l’informa-tion au niveau de la synapse – c’est-à-direde l’interface entre deux neurones. C’esttrès important, car si on manque desérotonine on va être déprimé, si onmanque de dopamine on ne va pas êtreen forme et on ne va pas se lever lematin… Ce sont ces neuro-animateursqui animent notre vie et voici commentça se passe au niveau d’une synapse :vous avez le neurone en amont quisynthétise le neuromédiateur (je prendsici l’exemple de la sérotonine, qui estsynthétisée à partir du tryptophane, unacide aminé essentiel), mais il faut descofacteurs, il faut que les enzymes soientactivées par des oligoéléments, par ducuivre, par du fer, par de lavitamine B6… Cette synthèse se fait enamont, à condition du moins qu’il y aitdu tryptophane – beaucoup de gens ensont carencés, parce qu’ils n’en absorbentpas, parce qu’ils ont la muqueuse altérée.

Imaginons qu’on le synthétise : ehbien, ce n’est pas fini, on n’a pas résolule problème. Cette sérotonine synthéti-sée doit être envoyée sur les récepteursdu neurone suivant : de l’émetteur versle récepteur. Il y a des protéines réceptri-ces de l’information de la molécule,mais si la protéine n’a pas été synthéti-sée, si elle est altérée ou cassée par desradicaux libres, le message ne passe pas !Vous pouvez synthétiser de la séroto-nine, mais le message ne passe pas.

Dernier point : au niveau de la récep-tion, les acides gras polyinsaturés permet-tent d’invaginer ou de présenter le récep-teur. Ce qui fait que si on n’a pas assezd’acides gras polyinsaturés, non seule-ment nous n’aurons pas de membraneshermétiques, mais on n’aura pas non plusd’efficacité au niveau du récepteur.

Tout ça pour vous expliquer que si onmanque de sérotonine, on est sujet à desdépressions. Et si on est sujet à desdépressions, c’est justement pour desproblèmes nutritionnels, d’encrassage,de carence…

Les ennemis du cerveau – ça, tout lemonde le sait – ce sont le tabac, l’alcool,les médicaments, la suralimentation, les

métaux lourds… La nutrition cellulaireactive, c’est d’essayer de faire fonctionnerle mieux possible nos cellules en lesnettoyant et en les réinitialisant. On a unpetit test qui permet de positionner leterrain prédominant, celui qui risqued’être celui qui affaiblit ce malade. C’estun test bio-nutritionnel qui permet defaire une première enquête de police, carje considère – et j’aurais dû le dire tout àl’heure – qu’un médecin est plus uninspecteur de police qu’un puits desciences qui va traiter les maladies. Il doitposer des questions ou se servir de ce test(qui permet d’avoir sept types de terrain)pour l’aider à aller un peu plus vite. On peut avoir dix malades qui présen-tent de l’acné, mais tous n’auront pas lamême cause : certains vont mal métabo-liser des graisses, d’autres vont maldégrader la testostérone ou certainsmétabolites d’hormones, d’autres vonts’encrasser avec des excès de graisse… Aufinal, ce que l’on voit, c’est la mêmechose, mais la cause n’est pas la même, etil faut la trouver pour être efficace. C’estcomme l’inspecteur de police qui doittrouver le coupable.

Enfin, je vous ai parlé de santé, et pasde médecine. Et la santé c’est quoi ?C’est surtout savoir ne pas s’intoxiquer.Et si on connaît les causes qui vont nousintoxiquer, alors il faut apprendre à se

détoxiner : un jour de jeûne ou demono-diète par semaine, où l’on nemange que du riz, ou que des cerises, ouque du raisin à l’automne… Il fautsavoir se détoxiner. Il faut aussi bien senourrir et ne pas se carencer. Mais il fautsavoir faire la cuisine ! Il y a des gens quicroient bien se nourrir et qui font mal lacuisine, qui détruisent tous les alimentsen les faisant cuire trop longtemps…Alors ça marche pour la poule au pot,mais à côté il faut manger un certainnombre d’aliments crus, car le cru esttrès important pour notre santé. Le cruvibre, il est vivant.

Ensuite, il y a autre chose : il faut mar-cher, bouger, s’oxygéner ! C’est trèsimportant, car nous sommes très sou-vent carencés en oxygène. Nous ne res-pirons que le minimum de survie, maisjamais nous n’allons nous oxygéner dansdes parcs, ou trop peu. On a aussibesoin de marcher pour que nos articu-lations, nos cartilages fonctionnent. Sion reste sur notre chaise, c’est sûr qu’onva avoir des problèmes d’arthrose…

Enfin, il faut avoir un bon mental :être positif, socialiser, échanger, faire dela bio-résonance avec les gens que vousaimez bien.

Je vous remercie ! �

Dr Claude Lagarde, pharmacien, biologiste

19

Retour aux fondamentaux

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

Fruits et légumes frais

LES AMIS DU CERVEAU

Aliments riches en vitamines B(germe de blé, graines germées)

LES ENNEMIS DU CERVEAU

Exercice physiquerégulier

Méditation

Sommeil suffisantet de qualité

Régime équilibréde type crétois

Petit déjeuner riche englucides lents et protéines

Poissons gras sauvages

Tabac, drogues

Alcool

Suralimentation

Médicaments,neurotropes, barbituriques

Métaux lourds

NEURONUTRITION ET HYGIÈNE DE VIE

Page 28: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Le jeudi 29 mai 1997 fut pour l’Europe un grand jour : le Par-lement européen vota une résolution (A4-758/97) pour unstatut des médecines non conventionnelles, sous l’influencedu député européen Paul Lannoye (député belge, militant dela première heure il y a vingt ans déjà), en faveur de plusieursmédecines non conventionnelles : chiropraxie et ostéopathie ;homéopathie et médecine anthroposophique, médecine tradi-tionnelle chinoise dont acupuncture et shiatsu ; phytothérapieet herboristerie ; naturopathie et médecines naturelles.

Concrètement, cette directive a permis de mettre sur le mar-ché français des dizaines de milliers de compléments alimen-taires (la plupart à base de plantes) et de favoriser la complé-mentarité des médecines dans l’Europe entière, par exemple :

chiropraxie et ostéopathie en cas de lumbago et luxation del’épaule,homéopathie en pédiatrie,médecine anthroposophique dans la sclérose en plaques etl’accompagnement de cancers,médecine traditionnelle chinoise, dont acupuncture etshiatsu : revitalisation, névralgie ou anesthésie,phytothérapie et naturopathie dans les troubles digestifs oudu sommeil.

En 2013, c’est l’accélération. L’OMS, selon son rapport de2013 sur la médecine traditionnelle pour 2014-2023,souhaite aider les responsables de la santé à développer dessolutions qui participent d’une vision plus large favorisantl’amélioration de la santé et l’autonomie des patients.

En Allemagne, la phytothérapie fait partie intégrante duprogramme de formation des médecins. Tous les étudiantsallemands assistent à des cours, à des conférences et à quatresessions d'une semaine portant sur cette discipline, ce quicomprend, entre autres choses, les études scientifiques sur lesplantes et les monographies de la commission E du ministèrede la Santé allemand, chargée de la phytothérapie.

De nombreux pays ont leurs propres formes de soins tradi-tionnels ou indigènes, qui sont profondément ancrés dansleur culture et leur histoire.

Quand recourt-on à la MT/MC (médecinetraditionnelle et complémentaire) selon l’OMS ?

En France, les troubles musculo-squelettiques chroniques ontmotivé une plus forte proportion de consultations demédecins proposant des solutions autres que la médecineconventionnelle : phyto-aromathérapie, homéopathie,naturopathie, ostéopathie, chiropraxie…

De très nombreux patients souffrant d’une sclérose enplaques font usage de traitements de la médecine complémen-taire et parallèle (MCP) : le taux d’utilisation va de 41 % enEspagne à 70 % au Canada et à 82 % en Australie.

En Chine, d’après les données du suivi national des servicesde MT/MC, les cinq premiers problèmes de santé qui ontdonné lieu en 2008 à une admission dans un hôpital de MTétaient l’accident vasculaire cérébral, le déplacement d’undisque intervertébral, les hémorroïdes, les cardiopathiesischémiques et l’hypertension essentielle.

En république de Corée, les principaux problèmes desanté ayant motivé une admission dans un hôpital demédecine coréenne en 2011 étaient les troubles osseux,articulaires ou musculaires, la dyspepsie, l’ostéo-arthrite dugenou et les troubles nerveux de la face.

En résumé, la complémentarité des deux médecines estplébiscitée dans les affections chroniques, les affectionsdigestives, les troubles osseux, articulaires ou muscu-laires, les problèmes de sommeil, les angoisses et ladépression, les névralgies, la sclérose en plaques, leshémorroïdes et l’hypertension, la prévention des affec-tions cardiovasculaires.

Sur le plan économique, toujours selon l’OMS, un essairandomisé contrôlé a comporté une évaluation économiquede la physiothérapie, de la thérapie manuelle et des soins demédecine généraliste pour des douleurs cervicales. Il a montréque le coût total de la thérapie manuelle (447 ¤) équivalait àenviron un tiers de celui de la physiothérapie (1 297 ¤) et dela médecine généraliste (1 379 ¤).

Quelles sont les différentes médecinespar les plantes citées ?

� Herboristerie en vrac (tisanes, macérations, décoctions).� Phytothérapie moderne en gélules, patchs, extraits fluides

(forme très concentrée et efficace).� Aromathérapie (huiles essentielles obtenues par distillation

de plantes aromatiques, efficaces dans les brûlures, plaies,cicatrisation, comme antivirales, antimicrobiennes,antiparasitaires, mais pouvant être facilement toxiques endépassant les doses conseillées).

� Gemmothérapie (macération de bourgeons de plantes, trèsintéressante pour les enfants car elle ne présente aucunetoxicité).

� Médecines par les plantes diluées ou dynamisées : homéo-pathie, médecine anthroposophique et Fleurs de Bach.

20

Connaître

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

Médecine classique etcomment les allier pour

L’ÉTAT DE LA MÉDECINE INTÉGRATIVE DANS LE MONDEET CONSEILS DE BASE

Page 29: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

Que deviennent la phytothérapie et l’herboristerie en France et en Europe ?

Depuis le 11 septembre 1941, un décret du gouvernement deVichy prévoit que seuls les herboristes diplômés avant cettedate et les pharmaciens peuvent gérer une herboristerie enFrance. Mais, depuis 2008, sont à nouveau en vente libre148 plantes médicinales, suite au décret 2008-841, ainsi quela quasi-totalité des huiles essentielles.

A la suite de décisions de la France en 2008 et 2014, sont

en vente libre en 2015 cinq catégories de substances. Unmagasin bio ou de produits naturels qui vend ces 5 catégoriesde produits naturels à base de plantes peut proposer etconseiller infiniment plus qu’un herboriste avant 1941 : il y adonc un net progrès. La situation en France (et en Europe) estdonc plutôt bonne en 2015, mais à condition que le vendeursoit compétent et soit formé par une école de phyto-aroma-thérapie de bon niveau, type école Plantasanté (en général 2 à 3 années d’études).

Les grands préceptes des médecines naturelles en Europe

Hippocrate (460-370 av. J.-C.), fondateur de la médecineactuelle, basée sur l’expérience et sur les ressources naturellesen médicaments, prônait en premier lieu une alimentationsaine : « Que ton aliment soit ton premier médicament. »

La naturopathie et le vaste mouvement des Heilpraktiker enEurope centrale, comme toutes ces orientations vers unemédecine plus naturelle, plus “verte” cherchent à appliquer leslois de la vie pour permettre à l’organisme deretrouver sa forme, son énergie vitale et opti-miser la santé par des moyens naturels.

L’utilisation de moyens naturels s'estdéveloppée en Europe selon plu-sieurs grands axes. Le praticien demédecine naturelle, s’appuyant surle diagnostic médical établitd’abord un bilan de santé, parexemple sur les fonctions digestives,les conseils nutritionnels et micronu-tritionnels ou sur l’entrée dans le som-meil. Il favorisera souvent les cures d’éli-mination vers les organes constituant des“portes de sortie” naturelles de l’organisme (reins etvessie ; foie et gros intestin…). Puis, selon les difficultés ren-contrées, il donnera des conseils précis de nutrition et de dié-tétique, et conseillera des exercices physiques et sur la posture,ou un travail sur les zones réflexes, par des massages ; il insis-tera aussi sur des exercices physiques prolongeant les interven-tions de kinésithérapie, d’ostéopathie ou de chiropraxie pouren augmenter l’efficacité. Il proposera, selon les besoins, desméthodes psychothérapiques permettant de réduire le stress etde mieux gérer les émotions. Parmi les moyens naturels ontrouvera la phyto-aromathérapie avec les plantes, huiles essen-

tielles et compléments alimentaires, la réflexologie au senslarge (acupressure, réflexologie des pieds et des mains, pointsde Knap…), les Fleurs de Bach, l’homéopathie, l’hydrologieavec ses eaux minérales, la thalassothérapie et le thermalisme,et tout simplement la nature avec la vie au grand air, les bainsde soleil courts, l’utilisation des argiles.

Les médecines complémentaires regardent l’homme à tra-vers une vision holistique, c’est-à-dire qu’elles appréhendentl’individu dans sa globalité physique, émotionnelle, psychi-

que, énergétique, environnementale. L’efficacitéet la cohérence de l’ensemble dans les mala-

dies chroniques dépendront beaucoupde l’action sur ces 3 facteurs clés de la

vie et de la longévité que sont l’ali-mentation saine, l’exercice physi-que et le travail sur les émotions, lapensée positive et le sens de la vie :suis-je accord avec mes pensées et

mes souhaits pour la vie ?En conclusion, aujourd’hui en

2015, ces médecines non convention-nelles interpellent aussi bien le patient

que les services hospitaliers, qui commencentà en intégrer certaines : phytothérapie, acupunc-

ture, homéopathie, ostéopathie… La médecine classique et lesmédecines non conventionnelles se complètent à merveille, etil est temps que les praticiens de ces deux modes d’exercicetravaillent ensemble. En médecine de ville, bien des patientsconsultent un médecin et rencontrent en complément un thé-rapeute non-médecin qui lui apportera une meilleure qualitéde vie et souvent une amélioration de ses symptômes. �

Christian BusserDocteur en pharmacie et en ethnologie

21

Connaître

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

médecines naturelles :développer et garder sa vitalité

COMMENT ALLIER MÉDECINE CLASSIQUE ET MÉDECINE NATURELLEPOUR DÉVELOPPER ET GARDER SA VITALITÉ

Fondateur de l’école Plantasanté. www.plantasante.fr

Page 30: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

I serait fort utile de rééditer le livrecapital d’Auguste Lumière LesFossoyeurs du Progrès - Les manda-

rins contre les pionniers de la science.Dès son Introduction, Lumière citecette sentence de Charles Richet (PrixNobel) : « Quand une idée nouvelleest introduite dans la science, c’estcomme une pierre qui tombe dans lamare aux grenouilles – les objectionss’élèvent, multiples, âpres, souventabsurdes. » Et Auguste Lumière pour-suit : « L’histoire des luttes que lesnovateurs ont eu à soutenir, despersécutions dont ils ont été l’objet,du sort lamentable qui leur a presquetoujours été réservé, formera la partieprincipale de ce livre. » Et certes il ya, comme on dit, “de quoi faire”.

Mais Lumière va d’abord s’attacherà découvrir quel est le mécanismesocio-psychologique capable de four-nir une explication logique à ce pro-cessus contre-nature. Quelle pourraitdonc être la cause perverse des “égare-ments” du progrès, de ses impasses oude son piétinement, et surtout de sesinjustices, si tout un chacun ne songequ’à le servir ? Dans la première par-tie de son ouvrage, sous l’intertitre Lacause du phénomène, AugusteLumière l’analyse ainsi : « Consultonsl’un quelconque des nombreux

ouvrages scientifiquesclassiques concernantune science biologique,et en particulier lamédecine. Nous remar-querons que la plupartdes questions qui ysont exposées compor-tent des conclusionsprésentant un caractèrede certitude notoire.Les problèmes abordés

sont considérés comme résolus. Ducommencement à la fin de ces Trai-tés, nous rencontrons des principesdogmatiques dont il ne convient pasde s’écarter. [...] Ces déplorablesméthodes pédagogiques qui ne fontaucune place au développement desfacultés d’initiative, d’observation, deraisonnement, d’adresse, etc., quis’attachent uniquement à exercer lamémoire servile, au seul profit duconformisme, aboutissent à l’étouffe-ment de l’esprit de curiosité native del’individu. Ce n’est pas d’esprits ainsiformés – nous devrions dire déformés– que peut venir la découverte. »

Un catalogue des “réprouvés”Dans la deuxième partie de son livre,Auguste Lumière dresse une listeeffrayante, quoique non exhaustive,des novateurs de génie qui durentlutter pied à pied durant des décen-nies sans obtenir la moindre atten-tion des cénacles officiels, pourtantcréés précisément dans le but defavoriser l’avancée des sciences. Maisc’est maintenant de l’obstructiondont souffrit Auguste Lumière lui-même dont je veux vous entretenir,de cette obstruction dont il se décideà parler à la 286e page de son livre, enprésentant cette décision dans ces

termes : « Quand nous avons décidéd’écrire le présent ouvrage, notreintention était de taire le sort réservéà nos travaux par les conformistes.Nous voulions éviter qu’on pût voirdans notre exposé l’expression d’undépit ou qu’on pût l’interprétercomme un plaidoyer en faveur d’unecause personnelle. [...] En matièred’innovation s’opposant auxdoctrines classiques, notre œuvrecomporte notamment les solutionsde trois grands problèmes qui se sontheurtées au mur du conformisme.Ces problèmes concernent lemécanisme de l’anaphylaxie, larenaissance de la médecine humoraleet l’étiologie de la tuberculose. »

La question essentielle demeurepourtant : comment prévenir et évi-ter le choc anaphylaxique ? C’estpour y répondre, à celle-ci et à d’au-tres, qu’Auguste Lumière va s’efforcerde promouvoir la renaissance de lamédecine humorale. Pourquoi lamédecine humorale, qui était la basemême de la médecine d’Hippocrate,et qui avait régné durant des siècles,avait-elle été aussi radicalement aban-donnée ? Auguste Lumière en donnecette explication : « Utilisant les tech-niques perfectionnées aujourd’hui ànotre disposition, les biologistes ontanalysé et dosé tous les élémentscontenus dans le sang et ils ontconstaté l’impossibilité de reproduireles états les plus importants et supé-rieurs à ceux que l’on relève chez lesmalades. Ils en ont conclu que cen’était pas dans les humeurs qu’il fal-lait chercher l’origine des troubles. Ilsont tous oublié un facteur capital quenous avons découvert ; ils ont oubliéque, parmi toutes les réactions, tousles échanges qui s’effectuent dans le

22

Découvrir

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

L’œuvre d’Auguste LumièreJe vous ai parlé d’Auguste Lumière dans notre précédent numéro, mais un court article

ne peut suffire à retracer l’œuvre méconnue de ce grand homme, et il convient donc

de remettre quelques coups de projecteurs sur cette destinée hors du commun

Page 31: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des

sang, il en est forcément qui, à l’ins-tar des effets que le chimiste réalisedans ses cornues et ses ballons, don-nent lieu à la formation de substancesinsolubles, de précipités. [...] Nousavons traduit ce principe fondamen-tal de la médecine par l’aphorisme :“L’état colloïdal conditionne la vie ;la destruction de cet état, la précipita-tion, la floculation, déterminent lamaladie et la mort”. [...] Nos explora-tions expérimentales dans cedomaine nous ont fait découvrir unmédicament nouveau dont les effetscuratifs sont véritablement remar-quables et viennent confirmer la jus-tesse de nos vues. C’est l’hyposulfitede magnésium, qui réunit, à lui seul,les propriétés dissolvantes et anesthé-siantes désirées. »

Une théorie hétérodoxe de la contagion tuberculeuse

Le troisième combat que menaLumière contre l’orthodoxie fut ladénonciation de la contagion tuber-culeuse. Il écrit à ce sujet : « Puisquela maladie, d’après Koch, se trans-mettait par contagion, nous trou-vions fort étrange que les conjointsdes phtisiques échappent ainsiconstamment à la contagion et res-tent en parfaite santé. [...] Aussiavons-nous recueilli et accumulé tou-tes les observations qui depuis lorsont pu venir à notre connaissance enrecherchant la maladie chez les ascen-dants et les autres membres de lafamille. [...] Au fur et à mesure del’avancement de notre étude, notreopinion s’écartait du dogme classiqueet après quarante années deréflexions, d’expériences et d’observa-tions sur la bacillose, notre convic-tion était formelle : le mode de pro-pagation habituel de la tuberculosen’est pas la contagion entre adultes. »

Cependant, Auguste Lumière ne secontente pas de théorie et il met aupoint le Diapros, un dermo-désensi-bilisateur antibacillaire, et il relate :« Il y aura bientôt vingt ans que nousavons constaté, chez les imprégnéstuberculeux, les résultats parfoisremarquables d’une méthode de dés-ensibilisation consistant à pratiquer

de larges scarifications cutanées surlesquelles on applique une prépara-tion constituée par une émulsion,dans un excipient inerte, de bacillesde Koch tués et débarrassés de leursubstance ciro-adipeuse au moyen dedissolvants organiques et notammentd’éther et d’acétone. Utilisée chez lesasthmatiques, cette préparation a per-mis de soulager et de guérir un très

grand nombre de malades dont l’af-fection avait résisté à tous les traite-ments classiques. Ayant voulu géné-raliser la méthode à d’autres étatsinfectieux, nous avons adressé auministre de l’Hygiène, en 1929, unepremière demande en vue d’êtreautorisé à délivrer aux pharmaciensdes vaccins ainsi préparés. »

Illustration del’obscurantisme “scientifique”

Bien entendu, l’Académie, sans selivrer à aucun contrôle, déclare lespréparations inefficaces et repousse lademande. Lumière revient àla charge en 1932, sademande étant accompagnéede plusieurs centaines d’at-testations de praticiens ayantutilisé le Diapros : nouveaurefus. Troisième demande en1933, appuyée par toute unesérie de lettres de médecinsattestant l’innocuité absolueet l’efficacité de la prépara-tion. L’instruction de lademande dure cette fois sixannées, et c’est seulement en1939 que Lumière obtientune réponse favorable, surlaquelle il nous donne leséclaircissements suivants :« On pourra se demanderpourquoi, après neuf ans dedémarches, on ne nous a pas

fait attendre plus longtemps encore lasolution désirée ? Il n’y avait pas deraison, en effet, pour que la comédieprenne fin ! Eh bien, nous avons finipar avoir gain de cause parce que lefils asthmatique d’un député ayantété guéri à notre clinique, alors quenul n’avait pu le soulager, ce parle-mentaire, ami du ministre, mis aucourant d’une situation passablementburlesque, voulut bien spontanémentoffrir ses services pour hâter les for-malités finales ! » Mais ce succès seraéphémère et, à la mort d’AugusteLumière, on s’empressera d’enterrersa méthode avec lui. Il y aaujourd’hui près de 300 millionsd’asthmatiques dans le monde quel’on est incapable de guérir, parce quel’on n’a jamais voulu prendre encompte la découverte de Lumière. Lacruelle vérité est que la plupart deschercheurs indépendants se tuent à latâche et ne voient jamais leurs décou-vertes reconnues, comme j’en témoi-gne dans les 4 volumes de ma série«Savants maudits, chercheurs exclus»(Guy Trédaniel Editeur) qui regroupeles biographies de 48 scientifiquesoubliés ou méconnus. Ai-je besoind’insister sur le tort considérable ainsifait à toute l’humanité par un certainobscurantisme “scientifique” ? �

Pierre Lance

23

Découvrir

La Revue de la MTRL � septembre 2015 � numéro 87

Les “chapeaux pointus” n’aiment pas queL’on suive une autre route qu’eux

Page 32: Mutuelle et Santé - MTRL ID · le jeune public et qui mêle univers mythologique, rire, aventure et interactivité. De quoi émerveiller les enfants… Et raviver les souvenirs des