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«Si le Christ n’est pas ressuscité, vide est aussi votre foi» saint Paul, Première Épître aux Corinthiens 15, 14 PÂQUES 2011 XXIX e ANNÉE N.3 - 2011 - 5 In caso di mancato recapito rinviare a Uff. Poste Roma Romanina per la restituzione al mittente previo addebito. If undelivered please return to sender, postage prepaid, via Romanina post office, Roma, Italy. En cas de non distribution, renvoyer pour restitution à lʼexpéditeur, en port dû, à Ufficio Poste Roma Romanina, Italie nella Chiesa e nel mondo nella Chiesa e nel mondo Directeur: Giulio Andreotti dans l’Église et dans le monde Directeur: Giulio Andreotti dans l’Église et dans le monde MENSILE SPED. IN ABB. POST. Tar. Economy Taxe Percue Tassa Riscossa Roma. ED. TRENTA GIORNI SOC. COOP. A R. L. ISSN 1827-6288

«Si le Christ n’est pas ressuscité, vide est aussi votre … Francese 3-2011...L’anniversaire de l’Unité italienne nous rappelle les événements qui, il y a cent cinquante

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«Si le Christ n’est pas ressuscité,vide est aussi votre foi»

saint Paul, Première Épître aux Corinthiens 15, 14

PÂQUES 2011

XXIXe ANNÉE N.3 - 2011 - € 5

In caso di mancato recapito rinviare a Uff. Poste Roma Romanina per la restituzione al mittente previo addebito. If undelivered please return to sender, postage prepaid,

via Romanina post office, Roma, Italy. En cas de non distribution, renvoyer pour restitution à lʼexpéditeur, en port dû, à Ufficio Poste Roma Romanina, Italie

nella Chiesa e nel mondo nella Chiesa e nel mondo

Directeur: Giulio Andreottidans l’Église et dans le monde Directeur: Giulio Andreottidans l’Église et dans le monde

MENSILE SPED. IN ABB. POST. Tar. Economy Taxe Percue Tassa Riscossa Roma.

ED. TRENTA GIORNI SOC. COOP. A R. L. ISSN 1827-6288

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est le mensuel international le mieuxinformé sur la vie de l’Église. Dans ses pages, les événements politiques et ecclésiastiques les plusimportants commentés par les intéressés. Dans chaquenuméro, des dossiers historiques, des reportages et desinformations venant du monde entier, des événementslittéraires et artistiques, des inédits.

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Note d’information (ex D. LGS. N. 196/03).Trenta Giorni Soc. coop. a R. L., responsable du traitement, acquiert et trai-te les renseignements personnels que vous lui fournissez, y compris par desmoyens automatisés inhérents aux objectifs recherchés. La communicationde ces renseignements est facultative, mais elle permet de vous fournir lesservices indiqués et de vous tenir au courant de nos initiatives et de nos pro-motions. Vous avez la possibilité d’exercer les droits cités dans l’article 7D. LGS. 196/03 (accès, correction, annulation, opposition au traitement,etc.) en envoyant un courrier à l’adresse suivante: Responsable du traite-ment, Trenta Giorni Soc. Coop. a R. L., via Francesco Antolisei 25, 00175Rome, Italie. Ces renseignements pourront être traités par les personnespréposées aux abonnements, au marketing et à l’administration, et êtrecommuniqués à des sociétés externes pour l’expédition de la revue et pourl’envoi de matériel promotionnel et/ou publicitaire.

Autorisation.En communiquant ces renseignements personnels, vous donnez votre auto-risation à leur traitement selon les modalités et pour les finalités indiquéesdans cette note d’information. En communiquant votre adresse e-mail, vo-tre numéro de fax et/ou de téléphone (tous facultatifs), vous donnez votreautorisation spécifique à l’utilisation de ces instruments destinés à l’envoide matériel promotionnel et publicitaire.

Via Vincenzo Manzini 45, 00173 Roma, Italia

Tel. +39 067264041 Fax +39 0672633395

E-mail: [email protected]

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En couverture Christ en majesté, basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, Rome

ÉDITORIAL

ÉDITORIAL

Les cent cinquante ans de l’Unité italienne— par Giulio Andreotti 4

DANS CE NUMÉRO

LIBYE

L’Afrique aux Africains— par Giovanni Innocenzo Martinelli 20

TUNISIE

Les révoltes arabes et l’option turqueinterview de Maroun Elias Lahham — par G. Valente 22

ÉGLISE

L’unité des chrétiens habite dans la prièreinterview du cardinal Kurt Koch

— par G. Cubeddu 26

ECCLESIAM SUAM

«Un regard sur le Jésus des Évangiles et une écoute de ce qu’Il nous dit»— par le cardinal Georges Cottier, op 34

LE DERNIER LIVRE DE BENOÎT XVI

Fidèle à la déclaration Nostra aetate— par Riccardo Di Segni 38

La ligne de démarcation passe entre la confiance et le scepticisme — par Rainer Riesner 42

FOI ET DÉVOTION

«Ne crains rien. Je régnerai malgré mes ennemis» — par G. Ricciardi 48

NOVA ET VETERA

«... puis Il sortit vainqueur, et pour vaincre encore» — par L. Cappelletti 54

Ecce crucem Domini: fugite partes adversae...— par L. Cappelletti 57

RUBRIQUES

LETTRES DES MONASTÈRES 6

LECTURE SPIRITUELLE 10

LETTRES DES MISSIONS 16

LETTRES DES SÉMINAIRES 18

LE COURRIER DU DIRECTEUR 19

30JOURS dans le monde 30

330JOURS N.3 - 2011

LibyeGiovanni Innocenzo Martinelli,vicaire apostolique de Tripoli, raconte les jours de la guerre

Direction et Rédaction Via Vincenzo Manzini, 45 00173 Roma - ItaliaTel. +39 06 72.64.041 Fax +39 06 72.63.33.95Internet:www.30giorni.it E-mail: [email protected]

Directeurs adjoints Roberto Rotondo - [email protected] Cubeddu - [email protected]

RédactionGianni Cardinale - [email protected] Francioni - [email protected] Malacaria - d. [email protected] Mattei - [email protected] Quattrucci - [email protected] Valente - [email protected]

Réalisation graphiqueMarco Pigliapoco - [email protected] Scicolone - [email protected] Viola - [email protected]

Recherche iconographiquePaolo Galosi - [email protected]

CollaborateursPierluca Azzaro,Pina Baglioni, M. A. Beaugrand, F.M. Babinet, Maurizio Benzi, Lorenzo Bianchi, Massimo Borghesi, Lucio Brunelli, Rodolfo Caporale, Stefania Falasca, Lorenzo Cappelletti, Gianni Cardinale, Giuseppe Frangi, Silvia Kritzenberger, Walter Montini, Jane Nogara, Stefano M. Paci, Felix Palacios, Tommaso Ricci, Giovanni Ricciardi

Ont collaboré à ce numérole cardinal Georges Cottier, Riccardo Di Segni, Giovanni InnocenzoMartinelli, Rainer Riesner

Bureau légalDavide Ramazzotti - [email protected]

Secrétariat de ré[email protected]

30GIORNI nella Chiesa e nel mondoest une publication mensuelle enregistrée au Tribunal de Rome en date du 11/11/1993 n° 501. Elle bénéficie dʼun financement publicdirect (Loi du 7 août 1990, n. 250).

Société éditrice Trenta Giorni soc. coop. a r. l. Sede legale: Via Vincenzo Manzini, 45 00173 Roma - Italie

Conseil dʼAdministrationGiampaolo Frezza (president),Massimo Quattrucci (vicepresident), Giovanni Cubeddu, Paolo Mattei, Roberto Rotondo, Michele Sancioni, Gianni Valente

Directeur responsableRoberto Rotondo

ImpressionArti Grafiche La Moderna Via di Tor Cervara, 17100155 - Roma

Service Abonnements et diffusionVia Vincenzo Manzini, 45 00173 Rome - ItalieTél. +39 06 72.64.041 Fax +39 06 72.63.33.95E-mail: [email protected]

Ce numéro a été bouclé le 2 avril 2011

Achevé dʼimprimer en avril 2011

3OGIORNInella Chiesa e nel mondo

Directeur Giulio Andreotti

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES: Photo Vasari, Rome: Couverture; Ansa: p.5,20; De A PictureLibrary, concédé en licence à Alinari: p. 5; avec lʼaimable autorisation du service de presse de lʼexposition Lorenzo Lotto-Scuderie del Quirinale: p. 7,8,16,17,18,19,20; Reuters/Contrasto: p. 20-21,21; Associated Press/LaPresse: p. 21,22,23,32,33; Corbis: p. 21;Afp/Getty Images: p. 23,25; Osservatore Romano: p. 26,29,30; Romano Siciliani: p. 26,27; N. Manginas/Patriarcat œcumenique de Constantinople: p. 28; avec lʼaimable autorisation de la Congrégation du Culte Divin: p. 31; Archives Alinari, Florence: p.35,37; Tania/Contrasto:p. 38; Photo Scala, Florence: p. 40; Franco Capovilla: p. 42; Giorgio Deganello Editore: p. 43,44,45,46,47; Illustrations de Mauro Cavallini avec lʼaimable autorisation des Editions du Signe, France: p. 48,49,50,51,52,53; Paolo Galosi: p. 55,56,57,58,59,60,61,62,63,64,65

pag. 20

N. 3 - 2011an

née

XX

IX Sommaire

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4 30JOURS N.3 - 2011

Rome, le 15 mars 2011

L’anniversaire de l’Unité italienne nous rappelle les événements qui, il y a centcinquante ans, ont mené, grâce aux entreprises héroïques du Risorgimento, à laproclamation de l’indépendance et de l’unité du pays.

Lorsque nous évoquons ce cent cinquantième anniversaire, nous pensons tousà ceux qui ont rendu possible ce grand événement. Et cette pensée est le fruitd’une évaluation sereine, objective, c’est-à-dire capable de placer ces grandshommes au-dessus de tout esprit partisan, dans la mesure où l’œuvre qu’ils ac-complirent ne visait qu’un seul but, faire l’Italie.

Tous ces grands personnages de l’Unité italienne, chacun avec ses limites et selonses principes, se dévouèrent et se prodiguèrent pour la réalisation de la même entre-prise; ainsi, si l’action de Garibaldi est restée légendaire, non moins efficaces et déci-sives ont été l’œuvre de Victor Emmanuel II en faveur de l’unité, la sagacité politiquedu Comte de Cavour et la ferveur patriotique de Giuseppe Mazzini.

Mais n’oublions pas qu’autour de ces grands hommes, se mit en mouvement unvaste réseau d’Italiens de toutes classes sociales et de tous âges, qui apportèrentinfatigablement leur aide et leurs encouragements et étaient animés d’un profonddésir d’unité nationale.

Nous avons le devoir de célébrer solennellement l’Unité, car ces célébrationspeuvent permettre de construire une base de discussion sur l’avenir de notre pays.Seules une réflexion attentive et une analyse rigoureuse des événements qui sesont succédé jusqu’à la naissance de l’unité permettront aux jeunes générationsde sentir qu’elles participent à l’esprit de ces événements eux-mêmes.

par Giulio Andreotti

Les cent cinquante ans de l’Unité italienne

Éditorial

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Ci-dessus, L’ouverture du premierParlement italien à Turin,le 18 février 1861, ThéodoreTetar van Elven, Museo nazionaledel Risorgimento, Turin

Ci-dessous, le président de la République,Giorgio Napolitano, le président du Conseil,

Silvio Berlusconi et les présidents du Sénat etde la Chambre, à l’occasion des célébrations

pour le cent cinquantième anniversaire de l’Unité italienne, Autel de la Patrie,

Rome, 17 mars 2011

530JOURS N.3 - 2011

I50° anniversario Unità d’ Italia

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CLARISSES DU MONASTÈRE SAINTE CLAIRE

Pacet, Indonésie

Merci pour votre merveilleuse revue

Pacet, 25 décembre 2010

Monsieur le Sénateur et collaborateurs,Je vous souhaite un heureux Noël et une bonne an-née 2011.

Merci infiniment de la générosité avec laquelle vousnous envoyez votre merveilleuse revue. Merci aussi denous avoir communiqué votre nouvelle adresse.

Que Dieu vous bénisse!En union d’amour et de prière,

Les clarisses de Pacet

CARMÉLITES DU MONASTÈRE THAPELONG

Mafikeng, Afrique du Sud

Merci de lʼAfrique du Sud

Mafikeng, 25 décembre 2010

Monsieur le Directeur,Nous vous remercions encore une fois pour la grandegénérosité et la grande gentillesse avec lesquelles vousnous envoyez 30Days. Puisse notre bon Seigneurvous récompenser abondamment, vous et votre famil-le, de votre bon travail surtout!

Puisse la venue de l’Enfant Jésus vous apporter àvous et à ceux qui vous sont chers beaucoup de paix etde bonheur et toutes les bénédictions de cette nouvel-le année qui arrive!

Puisse Dieu vous bénir toujours!Les carmélites de Thapelong

FILLES DE NOTRE-DAME DES DOULEURS

Tarbes, France

Je vous remercie pour lʼenvoi gratuit de la belle revue 30Jours

Tarbes, 5 janvier 2011

Pourriez-vous me faire parvenir vingt exemplairesde Qui prie sauve son âme en français ainsi que lescoordonnées pour vous envoyer le règlement?

Je vous remercie de nous envoyer gratuitement,depuis plusieurs années, cette belle revue si richesur l’Église. Nous sommes les Filles de Notre-Damedes Douleurs, originaires du diocèse de Tarbes etLourdes. Nous nous occupons de maisons de re-traite pour les personnes âgées en France et auMoyen-Orient (au Liban, en Israël et en Égypte)ainsi que de l’accueil des malades qui viennentà Lourdes en pèlerinage.

Nous prions particulièrement pour tous les chré-tiens d’Orient qui souffrent mais qui sont prêts à té-moigner de leur foi jusqu’au martyre.

6 30JOURS N.3 - 2011

Sur ces pages, quelques-unes des œuvres de Lorenzo Lotto venant

de lieux différents et présentées à Rome, du 2 mars au 12 juin

2011, dans l’exposition des Scuderie del Quirinale; à gauche,

Annonciation (1534-1535 environ), Museo Civico, Recanati

Lettres des monastères Lettres des monastères

Page 8: «Si le Christ n’est pas ressuscité, vide est aussi votre … Francese 3-2011...L’anniversaire de l’Unité italienne nous rappelle les événements qui, il y a cent cinquante

Que Dieu vous bénisse ainsi que tous ceux qui col-laborent à la revue! Bonne et Sainte Année 2011!

Sœur Isabelle-Marie

CARMÉLITES DÉCHAUSSÉES DE SANTA MARÍA DE LA FE

Ciudad del Carmen, Campeche, Mexique

«Que Dieu vous récompense» pour la revue dont vous nous faites don

Ciudad del Carmen, 15 janvier 2011

Monsieur le Sénateur,Je vous écris au début de cette année 2011 en vous di-sant: «Que Dieu vous récompense!» pour la revue quevous nous offrez. Une belle, très belle revue, qui a propo-sé des articles très importants sur les saints Pères de l’É-glise, un article très profond sur saint Augustin, sur la pe-tite sainte Thérèse ou sur l’homme d’État allemand Kon-rad Adenauer; ou bien d’autres sur l’actualité, comme larécente visite du Pape en Grande-Bretagne. Nous vou-drions aussi vous remercier pour le bien qu’à travers cemoyen de communication vous faites dans le monde en-tier à beaucoup de communautés religieuses, aux sémi-naires et à beaucoup de gens. Que Dieu vous bénisse,qu’il vous récompense en vous donnant une vie plus pro-fonde en amitié, amour et connaissance de la Trinité.Nous prions pour vous, Monsieur le Sénateur, et pour

votre famille. Nous prions aussi pour votre travail d’hom-me politique et d’aide à notre belle Italie.

Avec beaucoup d’affection et de gratitude, votreSœur María Josefina de Jesús Apango, ocd

CARMÉLITES DU MONASTÈRE DE NHA TRANG

Nha Trang, Viet Nam

Dʼun carmel au Viet Nam

Nha Trang, 22 janvier 2011

Cher Monsieur le Directeur,Cela fait longtemps que nous ne vous avons pas écrit.Excusez-nous. Cependant nous n’oublions pas deprier pour vous et pour tout le monde ... «L’Espritvient au secours de notre faiblesse... l’Esprit lui-mêmeintercède pour nous en des gémissement ineffables».

Pendant plus de cinq ans, votre revue 30Giorninous est arrivée un peu irrégulièrement, mais pour ce-la... pas de problème. On savait pourquoi. Tout estgrâce et Notre Père Céleste nous donne toujours lemeilleur. Après l’avoir lue nous l’avons passée à unpère franciscain: il a été très heureux et nous a de-mandé: «D’où vous vient une revue aussi précieuse etintéressante que celle-là?». Deo gratias.

Nous avons reçu aussi Qui prie sauve son âme etnous l’avons donné à une de nos sœurs qui est à pré-

sent dans un carmel deFrance.

Grand merci pour toutce que vous nous avez en-voyé.

En union dans le seinglorieux du Père, qu’Il vouscomble de grâce par l’inter-cession de Notre Mère etReine du Mont Carmel.

Bien à vous, Les carmélites de Nha Trang

Adoration des bergers (1530),

Musei Civici di Arte e Storia,

Brescia

Lettres des monastères Lettres des monastères

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8 30JOURS N.3 - 2011

Transfiguration du Christ

(1511-1512 environ),

Museo Civico, Recanati

Lettres des monastères Lettres des monastères

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930JOURS N.3 - 2011

MAISON DE FORMATION DES SŒURS CAPUCINES

Fianarantsoa, Madagascar

30Giorninous aide beaucoup à connaître et à vivre le moment présent de lʼÉglise

Fianarantsoa, 6 mars 2011

Monsieur le Sénateur,Je suis très heureuse de vous écrire deux simples motsde remerciement et d’admiration pour le service quevous rendez à tous ceux qui ont la grâce de pouvoir lireet relire les pages de votre revue 30Giorni. J’ai unegrande admiration pour vous, je vous ai connu toutepetite parce que mes parents avaient à votre égardune grande estime et une grande confiance et nouspriions ensemble pour que vous puissiez être toujoursun vrai chrétien-catholique-démocrate; ma famillecroyait beaucoup en votre politique honnête et voussuivait dans vos idées. Bien des années sont passéeset maintenant c’est moi qui vous admire et qui priepour vous afin que le Seigneur vous donne encore unetrès bonne santé de sorte que vous puissiez faire beau-coup de bien à travers votre revue. Je suis désolée quemes parents ne soient plus là mais, du ciel où je suissûre qu’ils sont, ils continuent à prier pour vous et àvous protéger, afin que vous continuiez à nous faire dubien à tous.

Merci pour votre revue dont ma communauté deformation, composée de jeunes postulantes et de no-vices malgaches à la recherche d’une vie meilleuredans la suite du Christ, et moi-même tirons un grandprofit spirituel et culturel grâce aux informations quenous y trouvons. Surtout, elle nous aide beaucoup àconnaître et à vivre le moment présent de l’Église, dela parole du Magistère et de notre Pape et Pasteurbien-aimé; grâce à elle, nous nous sentons vraimentplus étroitement unies à l’Église et au monde actuel,avec tous les problèmes dans lesquels nous nous trou-vons; cela nous donne l’occasion de mettre dansnotre prière toutes les intentions pour le monde etsurtout pour notre sainte mère l’Église. Nous faisonssouvent la lecture à table en expliquant la significa-tion des thèmes les plus actuels et importants, spécia-lement la parole du Pape.

Nous prions beaucoup pour vous et votre équipe,pour votre rédaction et vos journalistes, afin que leSeigneur vous bénisse, vous et votre travail, et vous

récompense pour tout le bien que vous faites à traversvotre revue. Je voudrais vous demander si vous pou-vez nous envoyer quelques exemplaires du livre Chiprega si salva en italien et en français parce que nousprions en trois langues.

Depuis plus d’un an, nous avons la grâce d’êtreabonnées à votre revue grâce à la charité de nossœurs italiennes. Je voudrais encore profiter de cetteoccasion pour vous demander si vous pouvez m’en-voyer quelques livres-cadeaux de votre collection déjàpubliés en français pour les donner en nourriture spi-rituelle à nos jeunes Malgaches. J’ai confiance dansune réponse positive de votre part et je vous remercied’avance du fond du cœur.

Je suis une sœur missionnaire capucine italienneet travaille ici à Madagascar depuis environ quinzeans. Je suis très heureuse de consacrer ma vie à cesfrères et sœurs malgaches et surtout de former nos fu-tures sœurs missionnaires malgaches. Je vous de-mande de prier pour moi et pour elles. Je vous assurede ma et de notre prière et remercie encore profondé-ment tous les bienfaiteurs qui nous aident.

Avec toute mon affection dans le Seigneur,Merci!

Sœur Maria Amata, capucine

CARMÉLITES DU MONASTÈRE DE LISIEUX

Lisieux, France

Du carmel de la petite Thérèse

Lisieux, 17 mars 2011

Monsieur,C’est le cœur plein de reconnaissance que je viensvous remercier au nom de toutes mes sœurs pour cet-te si belle revue 30Jours que vous nous envoyez si fi-dèlement et gratuitement. Je voudrais vous assurer denotre prière toute spéciale auprès du Seigneur et de laPetite Thérèse afin qu’une “pluie de roses” pleuve surchacun de vos collaborateurs.

J’aurais aimé recevoir le document Qui prie sauveson âme en français, anglais, espagnol, allemand etarabe car les pèlerins nous viennent du monde entieret cela les intéresserait sûrement de trouver ce pré-cieux livre dans notre chapelle.

Avec tous nos remerciements,Sœur Dominique, ocd

Lettres des monastères Lettres des monastères

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Lecture spirituelle/41

10 30JOURS N.3 - 2011

E n septembre 2006, lorsque nous avonsinauguré la rubrique “Lecture spirituelle”,

nous avons commencé à publier les documentsles plus importants du magistère de l’Église surla doctrine de la grâce. Sur «le mystère et l’opéra-tion de la grâce», comme dit Péguy. Nous avonsdébuté avec les passages du Credo du peuple deDieu de Paul VI (septembre 2006-mai 2007)pour ensuite continuer avec les canons duConcile de Carthage de 418 (juin-septembre2007), l’Indiculus, le petit catéchisme romain dela première moitié du Ve siècle (octobre 2007-janvier 2008), les canons du Concile d’Orangede 529 (février 2008-septembre 2009), pour ar-river aux textes de saint Ambroise, qui expri-ment dans la transparence immédiate de laprière, le contenu de cette même doctrine (oc-tobre 2009 - novembre 2010).

Nous recommençons avec ce numéro à pu-blier les documents du magistère et propo-sons les décrets du Concile de Trente quiconservent saintement et exposent fidèle-ment, de manière définitive, la doctrine de l’É-glise sur la grâce. Nous publions en premierlieu l’introduction et les deux premiers canonsdu Décret sur le péché originel approuvé le 17juin 1546 (avec une brève note historique quiillustre la genèse du texte conciliaire).

Le Décret du Concile de Trente a, d’ailleurs,une actualité “journalistique”. Sur quelquesquotidiens ont en effet été publiés récemmentdes articles rendant compte de certaines inter-prétations qui nient la réalité historique dupéché originel, qu’elles considèrent commeune invention théologique de saint Augustin.

Sans jamais oublier que les simples fidèless’aperçoivent à travers leur expérience qu’il esttout à fait raisonnable de «s’en tenir à la doctri-

par Paolo Mattei

Lecture spirituelle Lecture spirituelle

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1130JOURS N.3 - 2011

ne du Christ» (2Jn 9), l’intelligence de la foipeut trouver un appui dans les observationsqu’Augusto Del Noce publia dans son livre Ilproblema dell’ateismo (Bologne 1964), au sujetdu péché originel. Le philosophe catholique –après avoir déclaré que l’athéisme modernedoit être vu moins comme une «laïcisation ra-dicale» du christianisme que comme une «“re-compréhension” de la nouveauté chrétiennedans des catégories anciennes», qui fait que «lemal est placé dans la finitude même de l’exis-tant» – écrit : «Le choix qui conditionne toutesles catégories et tout le développement du ra-tionalisme est le refus de la vision du péchételle qu’elle est exposée dans la Genèse. La cri-tique religieuse qui démolit la Bible en la ré-duisant à des récits légendaires est, en réalité,la conséquence de ce choix. L’explication de laBible selon laquelle le mal a été introduit parl’homme dans le monde par un acte de libertéest remplacée par une autre explication selonlaquelle le rapport de finitude et de mort estconsidéré comme nécessaire. Explication aveclaquelle on revient en fait à l’explication dumal contenue dans le fragment d’Anaxi-mandre».

Ou le mal que nous constatons dans lemonde a été introduit par un acte de liberté del’homme, par «un péché grave d’orgueil et dedésobéissance», comme le dit le Catéchisme desaint Pie X, ou le mal coïncide avec la créationmême et donc «est de Dieu et en Dieu», com-me le dit Hegel. Tertium non datur.

Nous pouvons dire avec les mots de l’apôtrebien-aimé dans sa seconde Épître (cf. 2Jn 9):ou on s’en tient à la doctrine du Christ et onreste ainsi en Dieu ou on va au-delà et on tom-be dans le gnosticisme, autrement dit dans lagnose, ou même, plus exactement, dans lafausse gnose.

Le péché originel, chapelle palatine, Palerme

Lecture spirituelle Lecture spirituelle

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12 30JOURS N.3 - 2011

Ève, détail du Péché originel, chapelle palatine, Palerme

Note historique*

Le péché originel fut la première question dogmatique affrontée par le Concile de Trente. Lʼidée de la traiter vint, le21 mai 1546, des légats pontificaux Del Monte, Pole et Cervini, qui, seuls, avaient le droit de proposer les sujets.Naturellement, on entendait en rappelant la doctrine du péché originel, éliminer les erreurs que les protestantsavaient empruntées aux gnostiques et aux pélagiens. Selon la procédure de déroulement des travaux, la ques-tion fut dʼabord discutée dans la “congrégation des théologiens”, convoquée de bonne heure (à cinq heures dumatin!), le 24 mai. Les théologiens, au nombre de trente-deux, appartenant presque tous aux grands ordres reli-gieux, terminèrent la discussion le jour suivant. Le 28 mai eut lieu la “congrégation générale”, soit la réunion desPères du Concile ayant droit de vote, dans laquelle Del Monte présenta aux Pères le schéma de base. On travaillasur ce schéma du 31 mai au 5 juin, dans des congrégations générales successives. La première rédaction du dé-cret – préparée, avec lʼaide de quelques évêques et théologiens, par les légats eux-mêmes, qui sʼétaient engagésà nʼemployer que des expressions des conciles et des docteurs catholiques déjà approuvées – parut le 8 juin.Après quʼelle eut reçu quelques retouches, le texte définitif du décret fut promulgué le 17 juin 1546, dans la Ve ses-sion solennelle du Concile, qui se tint à Trente, dans la cathédrale Saint-Vigile.

* par Lorenzo Cappelletti, publié sur 30Giorni, n° 1, janvier 1994, p. 71.

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Pour que notre foi catholique,«sans laquelle il est impossible deplaire à Dieu» (He 11,6), une fois dé-barrassée des erreurs, demeure in-tègre et sans tache dans sa pureté, etpour que le peuple chrétien ne soitpas «emporté à tout vent de doctri-ne» (Ep 4,14) – puisque l’antique ser-pent, ennemi perpétuel du genre hu-main, parmi les nombreux maux quitroublent de nos jours l’Église deDieu, a suscité au sujet du péché origi-nel et de son remède non seulementde nouvelles, mais même d’anciennesquerelles –, le saint Concile œcumé-nique et général de Trente, légitime-ment réuni dans l’Esprit saint, sous laprésidence des trois mêmes légats duSiège apostolique, veut entreprendrede ramener ceux qui errent et d’affer-mir ceux qui vacillent. Aussi, suivantle témoignage des saintes Écritures,des saints Pères et des conciles les plusapprouvés, ainsi que le jugement etl’accord de l’Église elle-même, il sta-tue, confesse et déclare ce qui suit ausujet du péché originel.

Ut fides nostra catholica, «sine quaimpossibile est placere Deo» (Eb 11,6), purgatis erroribus in sua sinceritateintegra et illibata permaneat, et ne po-pulus christianus «omni vento doctri-nae circumferatur» (Ef 4, 14), cum ser-pens ille antiquus, humani generisperpetuus hostis, inter plurima mala,quibus Ecclesia Dei his nostris tempo-ribus perturbatur, etiam de peccatooriginali eiusque remedio non solumnova, sed etiam vetera dissidia excita-verit: sacrosancta oecumenica et gene-ralis Tridentina Synodus in SpirituSancto legitime congregata, praesi-dentibus in ea eisdem tribus Apostoli-cae Sedis legatis, iam ad revocandoserrantes et nutantes confirmandos ac-cedere volens, sacrarum Scripturarumet sanctorum Patrum ac probatissimo-rum conciliorum testimonia et ipsiusEcclesiae iudicium et consensum secu-ta, haec de ipso peccato originali sta-tuit, fatetur ac declarat:

Décret sur le péché originelDecretum de peccato originali

1330JOURS N.3 - 2011

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14 30JOURS N.3 - 2011

Dieu appelle Adam et Ève après le péché, chapelle palatine, Palerme

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30JOURS N.3 - 2011 15

1. Si quelqu’un ne confesse pas que lepremier homme, Adam, après avoirtransgressé le commandement de Dieudans le paradis, a immédiatement per-du la sainteté et la justice dans les-quelles il avait été établi et a encouru,par l’offense que constituait cette préva-rication, la colère et l’indignation deDieu et, par la suite, la mort dont il avaitété auparavant menacé par Dieu, etavec la mort la captivité sous le pouvoirde celui qui ensuite «a eu l’empire de lamort, c’est-à-dire le diable» (He 2, 14);et que par l’offense que constituait cetteprévarication, Adam tout entier, dansson corps et dans son âme a été changéen un état pire: qu’il soit anathème.

2. Si quelqu’un affirme que la préva-rication d’Adam n’a nui qu’à lui seul etnon à sa descendance, et qu’il a perdula sainteté et la justice reçues de Dieupour lui seul et non aussi pour nous,ou que, souillé par le péché de déso-béissance, il n’a transmis que la mort etles punitions du corps à tout le genrehumain, mais non pas le péché, qui estla mort de l’âme: qu’il soit anathème,puisqu’il est en contradiction avecl’Apôtre qui dit: «Par un seul homme,le péché est entré dans le monde, et parle péché, la mort, et ainsi la mort a pas-sé dans tous les hommes, tous ayantpéché (en lui)» (Rm 5, 12).

1. Si quis non confitetur, primumhominem Adam, cum mandatum Deiin paradiso fuisset transgressus, statimsanctitatem et iustitiam, in qua consti-tutus fuerat, amisisse incurrissequeper offensam praevaricationis huiu-smodi iram et indignationem Dei at-que ideo mortem, quam antea illicomminatus fuerat Deus, et cum mor-te captivitatem sub eius potestate, «quimortis» deinde «habuit imperium,hoc est diaboli» (Eb 2, 14), totumqueAdam per illam praevaricationis of-fensam secundum corpus et animamin deterius commutatum fuisse:anathema sit.

2. Si quis Adae praevaricationem si-bi soli et non eius propagini asseritnocuisse, acceptam a Deo sanctitatemet iustitiam, quam perdidit, sibi soli etnon nobis etiam eum perdidisse; autinquinatum illum per inoboedientiaepeccatum mortem et poenas corporistantum in omne genus humanumtransfudisse, non autem et peccatum,quod mors est animae: anathema sit,cum contradicat Apostolo dicenti:«Per unum hominem peccatum intra-vit in mundum, et per peccatummors, et ita in omnes homines morspertransiit, in quo omnes peccave-runt» (Rm 5, 12).

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16 30JOURS N.3 - 2011

MISSIONNAIRES LAÏQUES DE LA CHARITÉ

Cárdenas, Cuba

Nous voudrions avoir un exemplaire du livret Quien reza se salvaque nous pourrions photocopier

Cárdenas, 9 février 2011

Chers frères,Nous sommes un groupe de jeunes de l’église Saint-Antoine de Cárdenas, dans la province de Matanzas(Cuba). Nous appartenons aux Missionnaires laïquesde la Charité et, un jour que nous étions dans la biblio-thèque paroissiale, nous sommes tombés sur de vieux

numéros de 30Días. Nous en avons été enchantés. Larevue a plu à tous ceux qui font partie de notre groupevocationnel. Nous n’avions jamais vu une revue parlerde l’Église dans le monde de cette façon. Nous aime-rions en recevoir, tous les mois si c’était possible, aumoins un exemplaire à partager avec les sœurs, maisgratuitement, vu que notre situation économique n’estpas très bonne. Si cela ne vous dérange pas trop, nousaimerions aussi recevoir un exemplaire du livretQuien reza se salva que nous pourrions photocopierpour nos missions à “bateyes”, pour les campagnes etpour nos maisons de mission.

Que Dieu, notre Père, bénisse, avec Marie, notreMère, tous les collaborateurs de votre rédaction.

Vos frères de Cuba

Sur ces pages, des œuvres de Lorenzo Lotto venant de différentes localités et présentées à l’exposition des Scuderie del Quirinale

à Rome, du 2 mars au 12 juin 2011; ci-dessus, Christ portant la croix (1526), Musée du Louvre, Paris

Lettres des missions Lettres des missions

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PAROISSE DU SACRÉ-CŒUR

Porto-Novo, Bénin

Deux mille exemplairesde Qui prie sauve son âme

Porto-Novo, 9 mars 2011

Merci, Monsieur le Directeur, pour Qui prie sauveson âme que vous avez envoyé pour les catéchu-mènes de cette année.

C’est agréable de voir comment, de manière una-nime, ils ont manifesté leur satisfaction et leur joied’avoir pour eux ce précieux instrument de travail.Nous en avons aussi offert aux étudiants anglo-phones qui font un bain linguistique à l’université si-tuée sur le territoire de notre paroisse.

Ce document est si opportun que les associationset groupes d’enfants présents dans la paroisse dési-rent bénéficier eux aussi de ce livret.

C’est donc pour cette raison et en leur nom quenous venons très respectueusement solliciter de votrebienveillance le don d’environ deux mille exemplairesde ce petit livre.

Dans l’attente d’une réponse favorable à notre re-quête, nous vous assurons de notre disponibilité pas-torale dans le champ du Seigneur.

Père Paul Akplogan

MISSIONNAIRE AU JAPON

Hyúga, Japon

Je suis un missionnaire qui travailleau Japon depuis vingt-cinq ans

Hyúga, 22 mars 2011

Monsieur le Directeur et toute la rédaction de 30Giorni,Je suis un missionnaire qui travaille au Japon depuisvingt-cinq ans. Je suis un lecteur passionné et assidude votre revue que j’apprécie énormément. Autrefoisje payais l’abonnement mais depuis que vous avezcommencé à envoyer gratuitement la revue à mesconfrères, j’ai demandé, sur requête de notre Supé-rieur, à la recevoir gratuitement moi aussi.

Depuis lors, je la reçois gratuitement et régulière-ment ce dont je vous remercie du fond du cœur. Jevous écris aussi pour vous notifier notre changementd’adresse. Merci infiniment de tout, je me souviendraide vous dans mes prières. Que le Seigneur bénissevotre travail!

Joyeuses Pâques!Père Severino Mastrotto

Christ mort soutenu par un ange, saint Joseph d’Arimatie, la Vierge et Marie-Madeleine, détail du Polyptique de San Domenico (1506-1508), Museo Civico, Recanati

Lettres des missions Lettres des missions

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18 30JOURS N.3 - 2011

SÉMINAIRE DIOCÉSAIN CORAZÓN DE CRISTO

Callao, Pérou

Votre revue est un merveilleux instrumentdʼéducation pour nos séminaristes

Callao, 1er février 2011

Cher Monsieur,Veuillez recevoir les cordiales salutations des forma-teurs et des séminaristes du séminaire diocésain Co-razón de Cristo.

Je vous écris de ce séminaire qui, cette année, parla grâce de Dieu, accueille cent onze jeunes qui, avecbeaucoup d’enthousiasme, ont tout laissé pour suivreJésus-Christ le Bon Pasteur. Ils viennent de Callao etd’autres juridictions ecclésiastiques: des archidio-

cèses de Piura et d’Arequipa et des diocèses de Cara-bayllo et Huacho; les évêques les envoient dans notreséminaire afin que nous formions les futurs prêtres.Nos séminaristes viennent de familles pauvres quin’ont pas les moyens de participer aux frais de leurformation. Nous, les prêtres de l’équipe des forma-teurs, nous comprenons que, quand Dieu nous aconfié ces futurs prêtres pour que nous les prépa-rions, il nous les a confiés complètement; et cettemission serait impossible sans l’aide que le Seigneurnous donne à travers des personnes et des institutionsgénéreuses.

C’est pourquoi je me permets, connaissant votreesprit de collaboration, de vous demander un abonne-ment gratuit à votre revue qui est un merveilleux ins-trument d’éducation pour nos séminaristes qui setrouvent sur la voie du sacerdoce.

Avec la certitude que le Seigneur vous bénira pourl’œuvre d’évangélisation que vous accomplissez, jevous envoie mes salutations les meilleures en vousconfiant à Notre-Dame, la Vierge du Carmel, patron-ne de Callao.

Avec affection dans le Christ,Père Carlos Esparza Gómez, recteur

SÉMINAIRE SAINT FRANCIS XAVIER

Lahore, Pakistan

Une lettre du Pakistan

Lahore, 10 mars 2011

Cher Monsieur,Tous mes vœux du séminaire Saint Francis Xavier.Vous assurant de nos abondantes prières et de notrereconnaissance infinie, je suis heureux de vous remer-cier de la part des étudiants et du recteur de l’envoi desnuméros de la revue 30Days ainsi que de l’attention etde l’intérêt que vous nous portez.

Les étudiants sont, de plus, très attachés à cette re-vue qui nous aide à ȇtre forts dans la foi et nous infor-me des nouveautés qui concernent l’Église.

Soyez assuré que vous serez toujours dans nosprières. Puisse Dieu vous bénir et vous protéger de Saprésence. Que votre «réseau» d’évangélisation conser-ve la joie divine dans les vicissitudes du monde.

Avec toute mon affection en Jésus et Marie,Waqas Sadiq

Trinité (1523-1524), église Sant’Alessandro della Croce,

Bergame

Lettres des séminaires

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DIOCÈSE DE BALANGA

Balanga, Philippines

30Giorninous maintient en communionavec le siège de Pierre

Balanga, 14 mars 2011

Cher Monsieur,Recevez mes vœux de paix et tout mon respect!Lorsque j’occupais la charge de recteur du Collègepontifical philippin, mes prêtres et moi avons puconstater et expérimenter votre gentillesse constanteet votre sollicitude pastorale. Dieu nous a donné votrerevue qui est le fruit d’une inspiration réellement éclai-rante. Cela a été pour nous une bénédiction de rece-voir gratuitement un exemplaire de 30Giorni. Et, au-jourd’hui encore, Dieu continue à nous offrir des dons

et des grâces. En tant qu’évêque de Balanga, je suis denouveau un lecteur assidu de 30Giorni. Et même sinous sommes séparés par des kilomètres et desocéans, 30Giorni nous permet d’être en contact avecRome, d’être mis à jour sur les activités et les enseigne-ments de l’Église. 30Giorni nous maintient en com-munion avec le siège de Pierre.

Soyez assuré de mes prières quotidiennes et de lacélébration, chaque jour, de la sainte messe pourvous et tous vos collaborateurs. Je prie toujoursnotre Seigneur de vous guider et de vous couvrir deSes plus grandes grâces. Et puisse notre Sainte Mè-re, que j’implore toujours tendrement comme Notre-Dame de Guadalupe, nous garder sous son manteaude protection maternelle. Avec une profonde grati-tude et de constantes prières, je suis sincèrementvôtre en Jésus-Christ,

Ruperto Cruz Santosévêque de Balanga

Vierge à l’Enfantet les saints Joseph,Bernardin de Sienne,Jean Baptiste, Antoine abbé et des anges (ou Rétablede saint Bernardin,1521), église San Bernardino in Pignolo, Bergame

Le courrier du Directeur

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20 30JOURS N.3 - 2011

À peine a-t-il compris ce qui al-lait arriver qu’un prêtre fideidonum de Trente a réussi à

prendre le dernier vol pour Tripoli etest retourné là-bas pour être près deceux qui pourraient avoir besoin delui. Une famille de musulmans deBeida a fait, à sa façon, encoremieux. Elle a parcouru des cen-taines de kilomètres pour aller at-tendre à la frontière égyptiennesœur Lucia, une amie qui revenaiten Libye pour travailler dans les hô-pitaux. N’ayant pas la possibilité deprendre l’avion pour Benghazi,sœur Lucia a dû passer par l’Égypteoù elle a été accueillie par des pa-rents des amis libyens qui sont venusla chercher à la frontière. Mainte-nant elle est, elle aussi, à Tripoli,maintenant qu’une grande douleurs’est répandue dans le pays et queles gens n’arrivent pas à com-prendre ce qui est arrivé.

En octobre, le vingt-cinquièmeanniversaire de la nomination épis-copale du vicaire apostolique de Tri-poli [Giovanni Innocenzo Martinellilui-même], avait donné lieu à une fê-te spontanée et sereine, à laquelleavaient participé chrétiens et musul-mans dans une atmosphère de cor-dialité réciproque. Personne n’ima-ginait que la guerre allait éclater.

Après les premiers moments dela rébellion contre le régime, à Tri-poli la vie a continué presque nor-malement, alors que les combats sedéroulaient ailleurs. Le silence pour-tant était plus lourd que d’habitudeet l’apparente tranquillité de la po-pulation avait en fait pour but de laprotéger de la peur et de la tristesse.Il y a des gens qui, et c’est compré-hensible, se sont enfuis avec l’espoirde revenir bientôt. Qu’il y eût des af-frontements violents dans le pays,c’est ce que nous a rappelé la pré-sence des check-point. Puis sont ar-rivés les bombardements de la coali-

tion, qui ont fait de nombreuses vic-times parmi les civils: j’ai eu de cefait des témoignages nombreux etdignes de foi et je l’ai dit publique-ment. Comment peut-on prétendrefrapper un objectif militaire prochedes maisons d’habitation, sans ima-giner les conséquences que celapeut avoir? Sous les bombes “hu-manitaires”, des immeubles se sontécroulés ensevelissant sous les dé-combres des familles entières; cer-tains hôpitaux ont aussi été touchés.

Une camionnette de la police sta-tionne devant le portail de notre mai-son franciscaine, nous sommes de-venus l’objet d’une plus grande pro-tection de la part du gouvernementet, vu la situation, c’est une précau-tion plus que nécessaire.

Mais d’une manière générale, l’É-glise catholique n’a pas été touchée,elle a au contraire été protégée.

Notre communauté vit un peu auralenti… mais elle continue ses acti-vités. Dans cette “normalité”, avecles quelques catholiques qui restent,nous arrivons encore à célébrer lamesse le vendredi, le samedi et le di-manche matin. La majeure partiedes fidèles est composée d’étran-

gers; notre identité catholique, c’estconnu, est afro-asiatique, elle est re-présentée surtout par des Philippinsqui travaillent dans les hôpitaux etpar des immigrés africains franco-phones et anglophones. Les Occi-dentaux qui travaillaient dans lescompagnies étrangères adjudica-taires de marchés sont parties au

L’Afrique aux AfricainsLibye

Le vicaire apostolique de Tripoli raconte les jours de la guerre

Un bombardement de la coalition sur la route entre Benghazi et Ajdabiya, le 20 mars 2011

par Giovanni Innocenzo Martinelli

Mgr Giovanni Innocenzo Martinelli, vicaire apostolique de Tripoli, avec des réfugiésérythréens dans le presbytère de l’église Saint-François, à Tripoli, le 28 février 2011

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moment de la fermeture des portes,au premier bruit des armes.

L’islam n’a rien à voir avec cetteguerre et nous, nous n’avons jamaiseu aucun problème avec nos amismusulmans. Au contraire; l’Islam li-byen n’a jamais été un sujet de pré-occupation pour nous.

Alors que la guerre était en cours,nous avons maintenu, à la fin demars, nos rencontres régulières avecla Dawa al Islamiya, connue commeWorld Islamic Call Society, la cé-lèbre organisation gouvernementalede dialogue religieux. J’ai d’abord euun entretien personnel avec le Secré-taire général Mohamed Ahmed She-rif et il y a eu quelques jours après unerencontre avec le groupe des reli-gieux chrétiens et catholiques pré-sents à Tripoli. J’ai fait tout ce que j’aipu pour que ces rencontres aient lieu.Ce sont des visites utiles et vécuesdans un esprit fraternel; aujourd’hui,elles servent aussi à favoriser une acti-

vité de médiation, là où c’est possible,dans cette guerre. La Dawa en effet,en accord avec le Saint-Siège, de-mande que tout soit fait pour trouverle moyen de mettre fin à cette guerre.

Pendant que je parle, on peut en-core espérer en une solution poli-tique et diplomatique, c’est-à-dire es-pérer qu’il y aura un vrai dialogueentre les factions et que l’on pourraoffrir réellement à tous une solutionhonorable. Il faut impliquer dans larecherche d’une telle solutionl’Union africaine et la Ligue arabe.

Il me semble voir en ce momentdes signes de réconciliation dans lepays comme à l’extérieur. Il y a destentatives en cours.

L’Union africaine (UA) n’a pasété interpelée de façon sérieuse, defaçon à ce qu’elle puisse faire pro-gresser concrètement des négocia-tions. Il y en a peut-être qui ont uncomplexe de supériorité. Les Afri-cains, de leur côté, ne s’exposentpas, mais nous savons qu’à l’inté-rieur de l’UA, il y a des gens qui ontdemandé que l’on fasse quelque cho-se pour la Libye.

Nous disons depuis des décennies“l’Afrique aux Africains”. Pourquoicela ne vaudrait-il pas aujourd’hui?

Il y a des pays de la coalition quiveulent au contraire donner lesarmes aux rebelles. Les armes n’ap-portent pas la paix, quels que soientceux qui s’en servent. Que veut-on?Que les Libyens continuent à semassacrer entre eux? Ici, le peupleest naturellement uni – personne nem’a jamais dit qu’il souhaitait que lepays soit divisé en deux – et distri-buer des armes, c’est agir contre lepeuple. On dirait presque que l’onveut l’éliminer. Il faut tout faire pourfavoriser le dialogue entre les par-ties, dans un climat apaisé, avec lespersonnes adéquates; il faut arriver àun accord à travers un compromis.

Je voudrais remercier tous lesévêques qui m’ont appelé et remer-cier avant tous les autres le Pape Be-noît XVI qui nous a apporté ungrand réconfort et a pris une posi-tion simple et précise.

De la place Saint-Pierre, il a de-mandé «qu’un horizon de paix et deconcorde se forme désormais en Li-bye et dans toute l’Afrique du Nord».Les armes, ça suffit! Oui, immédiate-ment, au dialogue et à la paix. Nousavons traduit ses déclarations en an-glais et en arabe et les avons diffuséesle plus largement possible. Nousavons lu le texte dans toutes nosmesses et je suis allé personnellementl’apporter à quelques amis libyens.

C’est pour moi tous les jours unréconfort de voir le témoignage deschrétiens qui sont ici, les infirmièresphilippines et les religieuses qui tra-vaillent dans les hôpitaux de Tripoli-taine et toutes celles qui sont en Cy-rénaïque, dans les villes des insurgés.Toutes, elles soignent les victimes,quelles qu’elles soient, d’un côté etde l’autre de la barricade.

(texte recueilli par Giovanni Cubeddu)

2130JOURS N.3 - 2011

À gauche, rebelles libyens dans la ville d’Ajdabiya, au sud de Benghazi, le 26 mars 2011, après la reconquête de la ville; à droite, les funérailles d’un rebelle tué par les forces fidèles au leader libyen, Muammar Kadhafi, à Ajdabiya, le 23 mars 2011

Travailleurs émigrés originaires de l’Afrique subsaharienne dans l’église Saint-François, à Tripoli

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L ui aussi, il a été pris de court parles événements. Maroun Lah-ham, Palestinien de Jordanie,

archevêque de Tunis depuis octobre2005, ne s’attendait pas du tout à ceque le grand bouleversement qui se-coue le monde arabe depuis presquetrois mois parte justement du pays oùil se trouve. Pour lui, les journées defévrier ont été des heures d’incertitu-de et d’inquiétude, avec le couvre-feuqui le confinait à l’intérieur de sa rési-dence, les manifestations, les gaz la-

crymogènes et les chars qui station-naient juste devant la cathédrale, pla-ce de l’Indépendance. Mais aujour-d’hui, la situation est calme. Les diffi-cultés, les inconnues et le bruit de laguerre qui arrive de Lybie ont coupéles ailes à l’enthousiasme du “prin-temps arabe”. Et l’on peut tenter unpremier bilan de ce qui s’est passéjusqu’ici.

En Tunisie, l’étincelle qui afait exploser la révolte est née

de problèmes sociaux: l’aug-mentation des prix, le chôma-ge, la pauvreté.

MAROUN ELIAS LAHHAM:Oui, mais il a suffi de deux jours pourque le front de la protestation s’éten-de à des questions politiques, à com-mencer par le poids insupportablede la corruption. La vitesse avec la-quelle les révoltes se sont propagéesd’un pays à l’autre montre à quelpoint la tension s’était accumuléesous le calme apparent imposé par

22 30JOURS N.3 - 2011

À l’exemple de ce qui se passe actuellement dans la Turquie d’Erdogan,la situation politique des pays arabes pourrait évoluer avec le passagede l’islam à travers la démocratie. Interview de Maroun Lahham, archevêque de Tunis

par Gianni Valente

Tunisie

Les révoltes arabes et l’option turque

Réfugiés libyens près du camp de réfugiés de Ras Ajdir, à la frontièreentre la Libye et la Tunisie, le 12 mars 2011

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les différents régimes. Il y a eu uneétincelle, mais les tas de branches etde feuilles sèches étaient prêts às’embraser depuis longtemps, danstoute la région.

Mais peut-on vraiment direque toutes ces révoltes se res-semblent?

Bien entendu, il y a de grandesdifférences entres toutes ces situa-tions. Mais elles ont au moins unpoint commun, c’est qu’il existe unegénération de jeunes Arabes qui nesupportent plus de vivre dans un étatd’asservissement silencieux, dansdes régimes oppressifs, avec une no-menklatura corrompue qui bloqueles processus de développementéconomique, politique et social.Beaucoup d’entre eux ont fait desétudes, et ils connaissent bien les mé-canismes globaux du monde actuel.Cet aspect générationnel est uneréalité historique dont il faut prendreacte, tout simplement.

Et aujourd’hui, quelle est lasituation en Tunisie?

Aujourd’hui, la situation socialeest calme, mais l’économie est para-lysée et le secteur touristique, lagrande ressource du pays, est prati-quement bloqué. Cela explique lafuite massive des jeunes.

Pour le gouvernement italienet pour d’autres gouverne-

ments européens, les Tunisiensqui arrivent dans les embarca-tions ne sont pas des réfugiés,mais des clandestins qui doi-vent être repoussés ou en toutcas ramenés dans leur pays.

L’aspect politique et juridique nerelève pas de ma compétence, maisj’estime que l’aspect humain doit êtrelui aussi pris en considération. Ceuxqui cherchent à arriver en Europe nesont pas des terroristes, ce sont enmajorité des jeunes qui ont fait desétudes, beaucoup d’entre eux ont unemaîtrise. Ce sont des gens qui ontperdu leur travail. Le tourisme donnaitdu travail à 450 000 jeunes qui, au-jourd’hui, se retrouvent tous au chô-mage. Un grand nombre d’entre euxont toujours rêvé d’aller en Europe, etaujourd’hui, ils profitent de ce que lesfrontières sont moins bien gardéespour réaliser ce rêve. Si on les renvoiechez eux, ils essaieront de repartir. Onverra à sa réaction si l’Europe est uneinstitution politique et culturelle ca-pable d’affronter réellement les pro-

blèmes. Entre-temps, la Tunisie a ac-cueilli 170 000 réfugiés qui fuyaient laLibye: les premiers à arriver ont été lesPhilippins, les Pakistanais, les Éry-thréens, les Égyptiens, et puis on a vuarriver les Libyens… Les Tunisiens sesont montrés remarquablement ac-cueillants. Les gens préparaient de la

nourriture chez eux et ils l’apportaientaux réfugiés. Nos religieuses, ellesaussi, allaient tous les jours dans lescamps de réfugiés et préparaient àmanger pour dix-mille personnes.

Comment voyez-vous l’ave-nir? Y a-t-il une classe dirigean-te véritablement capable deremplacer le régime de Ben Ali?

Depuis le départ de Ben Ali, on avu se succéder trois gouvernements,et celui qui est actuellement en chargerésiste parce qu’il n’y a aucun membrede l’ancien régime dans ses rangs. Il yaura des élections pour la Constituan-te en juillet. L’explosion du nombredes partis et des organisations poli-tiques – on en compte déjà plus de cin-quante – prouve le désir de participa-tion de la population.

N’y a-t-il pas là un risque defragmentation de la popula-tion, comme cela s’est produiten Irak?

Tout est possible aujourd’hui. Jeprévois et j’espère néanmoins qu’unbon nombre des ces organisations

s’uniront autour d’une idée plus clai-re et plus précise de ce qu’est l’intérêtnational et le bien public. Le gouver-nement a dit qu’il ne soutiendra au-cun parti pendant la campagne élec-torale. D’ailleurs, on verra dispa-raître de nombreux partis nés de lavague d’enthousiasme initial, tout

2330JOURS N.3 - 2011

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Interview de Maroun Lahham, archevêque deTunis

Ci-dessus, Mohamed Ghannouchi, alors premier ministre, avec l’archevêqueMaroun Lahham à Tunis, le 20 février 2011, après l’assassinat du père MarekRybinski; à gauche, une manifestation contre le gouvernement de transition devantle siège du premier ministre, à Tunis, le 21 janvier 2011

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simplement parce qu’ils n’ont pasd’argent. En tout cas, ce serait unhonneur pour la Tunisie de devenirle premier pays arabe à avoir uneConstitution vraiment laïque et dé-mocratique.

Le parti islamiste local peutbénéficier d’une situation aussiincertaine et fragmentée.

En effet, le parti islamique En-nahdha semble bien organisé, bienqu’il ne soit autorisé officiellementque depuis le premier mars dernier. Ilétait interdit depuis 1991, mais il estévident qu’il poursuivait une activitéclandestine. Pour le moment, il tientun langage pluraliste et démocratiqueet revendique de nouveaux espaceset de nouvelle formes pour exprimerpubliquement sa vision religieuse. Onpeut le croire, mais il faut garder lesyeux bien ouverts. Il n’y avait jamaiseu jusqu’il y a peu de temps de partisislamiques modérés: toutes les orga-nisations de l’islam politique visaient

en réalité la création d’un régime isla-miste. Aujourd’hui, la nouveauté,c’est qu’il existe un modèle historiquedifférent, celui du parti d’Erdogan quiest en train d’unir en Turquie islam etdémocratie. Il faut espérer que cetexemple sera suivi par les autres. Lepanorama politique au Moyen-Orient ne pourra évoluer qu’avec lepassage de l’islam à travers la démo-cratie, c’est-à-dire à travers une évo-lution de l’islam politique. C’est unpeu ce qui s’est passé en Occidentquand se sont unis christianisme etdémocratie moderne.

Vous, les évêques catho-liques du Maghreb, vous aveznéanmoins exprimé dans un ap-pel commun votre préoccupa-tion pour l’intervention militai-re occidentale en Libye. «Noussavons que la guerre ne résoutrien, et lorsqu’elle éclate, elleest aussi incontrôlable qu’uneexplosion dans un réacteur nu-

cléaire… Les premières vic-times sont toujours les pluspauvres et les plus démunis».

Cette intervention peut rallumerles sentiments anti-occidentaux qui,jusqu’ici, étaient absents des révoltesarabes. Qu’on le veuille on non, elleapparaîtra comme une nouvellecroisade, et on risque d’entendre ré-sonner l’appel à la guerre saintecontre les “envahisseurs”, laquelle atoujours été un argument puissantpour les mouvances intégristes.

Comment les catholiques enTunisie ont-ils vécu les derniersévénements? Quelques joursaprès la révolte, le père salé-sien Marek a été assassiné avecbarbarie...

Ce geste nous a vraiment boule-versés [cf. encadré p. 24-25]. Au dé-but de la révolte, nous étions in-quiets. L’Église catholique en Tuni-sie est presque entièrement compo-sée d’étrangers, personne donc

24 30JOURS N.3 - 2011

Tunisie

Chers tous et toutes, Nous ne finissons pas de vivre des événements (je lais-

se le mot sans adjectif). Maintenant cʼest le P. Marek, salé-sien de 34 ans, en Tunisie depuis 2007, qui a été égorgédans un dépôt de lʼécole des Salésiens de la Manouba.

Le Ministère de lʼIntérieur vient de publier un commu-niqué comme quoi lʼassassin était le menuisier de lʼécole.Les Pères salésiens affirment que lʼassassin avait em-prunté, lors du dernier Eid (il y a trois mois) 2 000 dinarstunisiens pour acheter du matériel pour son travail. Ilsemble quʼil a dépensé lʼargent pour autre chose; le four-nisseur refusait de lui donner un matériel non payé, et leP. Marek insistait pour avoir lʼargent de lʼécole rendu. Prisde panique, et par peur dʼêtre dévoilé, dit le communiquédu Ministère de lʼintérieur, «lʼassassin a surpris le prêtreen lui assénant des coups successifs très forts au moyendʼun outil contondant sur la nuque et le cou, en provo-quant son décès. […]».

Pourquoi a-t-on tué P. Marek? Pour deux mille di-nars! On ose à peine le croire. Il y a certainement desdétails que je ne sais pas. Par contre, il y a des chosesque je sais :

– Je sais que P. Marek avait écrit, deux semainesavant son assassinat, à propos du peuple tunisien: «Cʼestune nation jeune, intelligente, incapable de violence [sic!],profondément bonne, qui nʼest pas capable de haïr».

– Je sais quʼil venait dʼécrire son premier livre sur laTunisie où il dit entre autre : «Pendant mon séjour en Tuni-sie, mon attitude envers mes frères musulmans a beau-coup évolué. Cette peur du terrorisme et de lʼextrémismea complètement disparu. Les Tunisiens sont tellementaccueillants, amicaux et chaleureux. Ils mʼapprennentcette attitude».

– Je sais quʼil sʼétait proposé comme volontaire pourvenir en Tunisie il y a quatre ans, alors quʼil était à peineordonné prêtre.

Le père Marek, qui aimait la Tunisie

L e père polonais Marek Rybinski, salésien, a été tué à la Manouba le 18 février dernier. On ignoraitencore comment se terminerait la “révolution des jasmins”, et la Tunisie était toujours secouée par

des protestations et des heurts entre la police et les manifestants. Dans ce climat, lʼassassinat barbaredu prêtre polonais avait alimenté lʼinquiétude pour le sort des chrétiens dans un monde arabe où les ré-voltes détruisaient les anciens équilibres et chargeaient lʼavenir dʼincertitudes.

Par la suite, les enquêtes ont exclu tout mobile “religieux” pour ce crime, et lʼévêque, Mgr MarounLahham, a écrit aux fidèles une lettre qui exprime de manière simple et directe son émotion et sa gratitu-de devant un épisode dʼhumble gratuité chrétienne, usque ad sanguinem.

En voici quelques extraits.

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n’était personnellement impliquédans les protestations.

Plus généralement, quellespourront être pour les chrétiensles conséquences des change-ments en cours dans les paysarabes? Finira-t-on par dire queles choses allaient mieux avant?

Je ne sais pas comment cela fini-ra. Mais je crois que si s’enclenchentdes processus de croissance démo-cratique, il n’est ni avantageux, ni

juste que les chrétiens s’y opposent,ou qu’il nourrissent des nostalgiesanachroniques. Et je ne pense pasnon plus qu’il soit opportun, ni adé-quat, d’aller chercher des protec-tions en Occident.

Et alors? Les chrétiens peuvent tout simple-

ment rester où ils sont, en partageantles espoirs et les craintes de tout lemonde, comme ils l’ont fait dansd’autres circonstances, par exemple

à l’époque du nationalisme arabe.S’ils participent aux processus histo-riques, ils pourront aussi collaboreravec leurs frères musulmans pour ques’implantent dans le monde arabe lesmécanismes d’un système démocra-tique adapté à la situation locale.

Certains commentateursimaginent que les minoritéschrétiennes pourraient ensei-gner aux pays arabes la démo-cratie et la laïcité en politique.Ne serait-ce pas cultiver l’illu-soire prétention d’exercer uneinfluence sociale?

Je ne pense pas que ce risqueexiste. En Tunisie, et plus générale-ment dans les pays arabes, nous,chrétiens, nous sommes humblespar nature… q

2530JOURS N.3 - 2011

Interview de Maroun Lahham, archevêque deTunis

– Je sais quʼil avait demandé de lʼargent de partoutpour aménager de nouveaux locaux pour lʼécole quʼilaimait tant et dont il était lʼéconome.

Je mʼimagine en face de son assassin pour lui po-ser quelques questions: pourquoi as-tu vraiment tué P.Marek? Et pourquoi de cette manière barbare? Sonjeune âge et son innocence ne tʼont inspiré aucun sen-timent de pitié? Ni son physique frêle? Tu lʼas assom-mé avec coups de marteau, cela ne suffisait-il pas?Fallait-il vraiment lʼégorger et le laisser baigner dansson sang? Comment as-tu pu dormir après? De quellepâte es-tu fait? Quelle religion professes-tu? Es-tu deceux qui croient en Dieu le Compatissant, le Miséricor-dieux, (Al Rahman Al Rahim)? Comment conjugues-tuton crime avec ta foi?

Réponds à ces questions, tranquillise-nous, tran-quillise notre cœur de père et de frères… Après, je tepromets le pardon. Tu auras dʼabord à le demanderde Dieu, ensuite, tu auras celui de lʼÉglise catholiquede Tunisie.

«Si le grain tombé en terre nemeurt…». I l est tombé, i l estmort, et à lʼexemple du Christ au-quel P. Marek sʼétait consacré, ila porté des fruits. Tous les mes-sages de solidarité, toutes lesscènes de sympathie, les fleursdéposées à la porte de la Cathé-drale, les Tunisiens et Tuni-siennes qui ont manifesté de-vant la cathédrale avec des slo-gans «Marek, pardon!»,  les

jeunes Tunisiens venus à la cathédrale le dimanche20, avec des fleurs, les larmes aux yeux… «Nous nelʼavons pas tué, disaient-ils, ce nʼest pas la Tuni-sie… Pardonnez-nous!»; et ils sont partis en em-brassant les sœurs. […]

Fallait-il le meurtre dʼun prêtre pour nous rendrecompte de toute cette sympathie et de cette affec-tion? Le prix est très élevé. Nous apprécions énor-mément tous ces gestes dʼamitiés, mais ils ne valentpas une goutte du sang de notre Marek.

Et maintenant? Eh bien, nous allons de lʼavant.Lʼheure nʼest pas à la panique, elle est à la foi, à lapatience, à la précaution. Partir? Pas question, lestemps de difficulté ne sont pas des temps de fuite. Jele dis en mon nom personnel dʼabord, et je pensepouvoir le dire au nom du tout le personnel religieuxde lʼÉglise de Tunisie et au nom des chrétiens pré-sents dans le pays. Je le dis aussi pour nos frèresmusulmans et juifs. Nous restons dans ce pays quinous accueille, qui nous aime et que nous aimons.

Une petite fille dépose des fleurs devantla photo du père Marek Rybinski, au piedde l’autel de la cathédrale de Tunis, le 20 février 2011

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26 30JOURS N.3 - 2011

C réé cardinal par le pape Be-noît XVI dans le consistoiredu 20 novembre 2010, Kurt

Koch a été de 1995 à 2007 évêquede Bâle et, pendant trois ans, de2007 à 2010, président de laConférence épiscopale suisse. Le 1er

juillet dernier, le Pape l’a nomméprésident du Conseil pontifical pourl’Unité des Chrétiens. Et dans cettecharge, le cardinal Koch a déjà ren-du visite au patriarche œcuméniquede Constantinople, BartholomeosIer, et au patriarche de Moscou et detoutes les Russies, Cyrille. Mais cettenouvelle charge n’a pas diminué sonintérêt, qui reste prédominant, pourles Églises nées de la Réforme.

KURT KOCH: Le travail nemanque pas et il faut le répartir entrela section orientale et la section occi-dentale de notre Conseil pontifical.

Je commencerais par la premiè-re, en rappelant la rencontre avectoutes les Églises orthodoxes, à Vien-ne, en septembre 2010, dans lecadre de la Commission mixte inter-nationale pour le Dialogue théolo-gique entre l’Église catholique et l’É-glise orthodoxe, occasion dans la-quelle nous avons effectué un pas im-portant. Nous avons en effet déclaréla nécessité pour l’Églised’avoir un protos, c’est-à-dire un sommet au ni-veau local, régional, uni-versel, et d’approfondiraussi l’étude historiquedu mode d’existence,dans le premier millénai-re de l’Église indivise, dela primauté de l’évêquede Rome. Ce sont lesmêmes sujets que ceuxde notre précédente

rencontre à Chypre, en 2009. Maisles orthodoxes ont décidé après cetterencontre de ne pas poursuivre la re-cherche historique, qu’ils considèrentcomme objectivement complexe etnon adaptée à la Commission. L’ap-profondissement théologique et sys-tématique de la relation entre primau-té et synodalité a lui, en revanche,commencé et sera l’objet de la ren-

contre de l’année pro-chaine.

Vous avez tenuun Congrès avec lesorthodoxes orien-taux en janvier, pen-dant la Semaine deprière pour l’unitédes chrétiens.

Nous nous sommesd’abord concentrés surles questions christolo-giques, vu que certaines

par Giovanni Cubeddu

L’unité des chrétienshabite dans la prière

Église

Kurt Koch

Interview du cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontificalpour l’Unité des Chrétiens

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Églises orthodoxes orientales n’ontpas accepté le Concile de Chalcédoi-ne de 451 et qu’il fallait donc repartirde là. Nous sommes sortis de cetterencontre en reconnaissant que lesdifférences entre nous ne concer-nent pas la foi mais certaines modali-tés d’expression. En 1984, le Papeet le Patriarche syro-orthodoxed’Antioche avaient souscrit une pro-fession de foi commune au sujet del’Incarnation de notre Seigneur Jé-sus-Christ et de l’hospitalité réci-proque, en cas d’urgence, dans lessacrements de la réconciliation, del’eucharistie et de l’onction des ma-lades. Nous voulons aujourd’hui ap-profondir les questions ecclésiolo-giques et la primauté pétrinienne.

La section occidentale? Nous assistons en ce moment à

une grande fragmentation desÉglises nées de la Réforme. Ce qu’ilfaut alors commencer par faire, c’estde discuter avec les réformés de lanature de l’Église. Il est dit en effetdans la déclaration de la Congréga-tion pour la Doctrine de la Foi Domi-nus Iesus que, dans le monde pro-testant, il n’y a pas d’Églises au senspropre mais des communautés ec-clésiales. Par ailleurs, dans son livre-interview Lumière du monde, le pa-

pe Benoît XVI dit que nous noustrouvons en face d’un autre type d’É-glise. Et c’est vrai. Mais ce n’est pas ànous de définir le concept ecclésialdes Églises de la Réforme, c’est àelles de le faire. Voilà pourquoi ilnous faut dialoguer sur la nature del’Église. Chaque dénomination a eneffet sa propre conception de cequ’est l’unité en son sein. L’un desbuts du mouvement œcuméniqueest de redécouvrir cette multiplicité,vu que sur le thème de l’unité exis-tent et rivalisent les diverses idéesconfessionnelles.

Un autre aspect est le grandchangement qui en train de se pro-duire dans la pensée des commu-nautés réformées: le but du mouve-ment œcuménique n’est plus, pourelles, l’unité visible dans la foi, dansles sacrements et dans le ministère.Ce qu’elles réclament, c’est la per-manence d’une pluralité d’Églisesqui se reconnaissent les unes lesautres et dont la totalité produirait,pour finir, l’Église du Christ. C’est unpeu comme des maisons-familledont, de temps à autre, part une invi-tation pour quelque festivité. Cetteposition ne plaît pas aux catholiquesni aux orthodoxes. Ce n’est pas là lecorps unique et indivis du Christ, ce-

la ne correspond pas à la prière deJésus qui demande que tous les dis-ciples soient unis comme le sont lePère, le Fils et le Saint-Esprit.

Quelle est la juste réponse? Aucun chemin commun ne pour-

ra être parcouru en dehors de la spi-ritualité œcuménique, c’est-à-diresans la prière.

Le mouvement œcuménique estné de la proposition d’instituer en jan-vier la Semaine de prière pour l’unité.L’idée est venue d’un anglicanconverti au catholicisme, Paul Watt-son, et d’un épiscopalien américain,Spencer Jones. Elle a été soutenuepeu à peu par les papes dans lestemps récents et approfondie parPaul Couturier, un protagoniste de laspiritualité œcuménique. Elle est làpour nous rappeler que nous, leshommes, nous ne pouvons réalisercette unité. Ce que nous pouvons fai-re éventuellement, c’est de créer unecondition historique transitoire, dontse sert ensuite l’Esprit saint.

Tel est le fondement de l’œcumé-nisme et c’est ce que je voudrais ap-profondir durant mon mandat.

Vous avez dit précédem-ment que, dans le dialogueentre chrétiens, tout le monden’est pas d’accord sur l’accep-tion du mot unité. Que propo-sez-vous?

L’unité dans la même foi, dans lacélébration des sacrements et dans lareconnaissance des ministères dansl’Église ne signifie pas une uniformi-sation, parce que les différencesentre les Églises existent et qu’il n’estpas nécessaire de les éliminer. Nousdevons seulement faire disparaîtreles différences qui ont entraîné la rup-ture entre nous et qui demandent àêtre guéries. Les autres… elles peu-vent bien rester. Le pape Benoît XVIl’a répété aux anglicans qui de- ¬

Interview du cardinal Kurt Koch

2730JOURS N.3 - 2011

Sur la page ci-contre, un moment de la célébration des Vêpresprésidée par Benoît XVI, lors de la fête de la Conversion de saint Paul apôtre, en conclusionde la Semaine de prière pour l’unitédes chrétiens, basilique Saint-Paul-hors-les Murs, Rome, le 25 janvier 2011; à gauche, des représentants des autres Églises et Communautésecclésiales assistent à la célébration

Aucun chemin commun ne pourra être parcouru en dehors de la spiritualitéœcuménique, c’est-à-dire sans la prière. Le mouvement œcuménique est né de la proposition d’instituer en janvier la Semaine de prière pour l’unité.Celle-ci est là pour nous rappeler que nous, les hommes, nous ne pouvonsréaliser cette unité. Ce que nous pouvons faire éventuellement, c’est de créer une condition historique transitoire, dont se sert ensuite l’Esprit saint

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mandent à entrer dans l’Église catho-lique. Vous pouvez conserver vos tra-ditions, leur a-t-il dit. Voilà, l’unitédans la diversité et la diversité dansl’unité: autrement, il s’agit d’une uni-formisation, étrangère à l’essencemême du catholicisme. L’ensembledes ordres religieux et des formes devie ecclésiale composent aussi dansl’histoire de l’Église un jardin oùpoussent des fleurs variées et nous nevoulons pas les remplacer par unemonoculture. L’Église n’en est pasune. Ceci doit valoir aussi dans le do-maine de l’œcuménisme.

Avec la constitution aposto-lique Anglicanorum coetibus,le chemin parcouru avec les an-glicans est déjà important.

L’Église d’Angleterre est née par-ce que le Pape n’a pas accepté les se-

condes noces du roi. C’est une desraisons pour lesquelles les anglicansrestent, au fond, plus catholiquesque les autres. Nous avons dans laCurie romaine une claire séparationdes compétences. La Congrégationpour la Doctrine de la Foi a la res-ponsabilité de ce qui concerne An-glicanorum coetibus; le Conseilpontifical pour la Promotion del’Unité des Chrétiens continue avecle dialogue œcuménique.

Retournons aux diversesconceptions de l’unité.

Il existe, disions-nous, deux stylesd’œcuménisme. L’un cherche l’uni-té visible, travaille et prie pour elle.L’autre laisse subsister la pluralité ac-tuelle, la codifie et demande la re-

connaissance ultime de toutes lesÉglises comme faisant partie de l’É-glise du Christ. Les évêques catho-liques, orthodoxes et luthériens quisoutiennent la première conceptionsont heureux que le Saint-Siège pro-pose l’unité et la pluralité; les autresle sont moins. Dans l’homélie pourles Vêpres de la fête de la Conver-sion de saint Paul, prononcée enconclusion de la Semaine de prièrepour l’unité des chrétiens, le papeBenoît XVI a dit que nous ne pou-vons renoncer au but de l’œcumé-nisme, c’est-à-dire à l’unité visibledans la foi, dans les sacrements,dans le ministère.

Dans le texte du Directoireœcuménique, on rappelle àplusieurs reprises qu’il existedes moyens de salut en dehors

des frontières visibles de l’Égli-se catholique.

L’Église de Jésus-Christ n’est pasune idée abstraite n’ayant pas enco-re d’existence concrète mais elle estdans l’Église catholique entenduecomme sujet historique. Et celan’implique pas du tout que les catho-liques soient de meilleurs chrétiensque les autres mais seulementqu’existent dans l’Église catholiqueles moyens du salut. C’est un fait ob-jectif. Alors, quand j’entends direqu’il y a des fidèles protestants quiont l’intention de se faire catho-liques, je leur dis: «Vous ne renoncezà rien, vous recevez seulementquelque chose en plus», à savoir lesmoyens de salut présents dans l’Égli-

se catholique. Moyens qui ne sontpas un mérite de l’Église mais un ca-deau du Seigneur.

Cela sous-entend déjà qu’il existedans les autres Communautés ecclé-siales des moyens de salut.

À quel point en êtes-vousdans le dialogue avec lesÉglises de la Réforme?

Avec elles, on ne peut certaine-ment pas commencer par la primau-té. Contrairement à l’attente de Lu-ther, qui demandait le renouvelle-ment de l’Église catholique, avec laRéforme est née une autre Église.L’œcuméniste protestant WolfhartPannenberg a dit que l’existence denouvelles Églises n’est pas le succèsmais l’insuccès de la Réforme. Ce ju-gement m’a beaucoup aidé à mepréparer pour l’année 2017, cinq

centième anniversaire de la Réfor-me, parce qu’il m’a incité à me de-mander comment les protestantseux-mêmes voient aujourd’hui la Ré-forme: une entreprise de renouvelle-ment de l’Église ou une rupture? Jetrouve personnellement très intéres-sant que les réformés parlent nonseulement des cinq cents ans qui sesont écoulés depuis la rupture maisaussi et surtout des deux mille ans dela vie de l’Église, sur lesquels millecinq cents ont été vécus en commun.Je suis très heureux que le nouveauprésident de la Communauté évan-gélique en Suisse, le pasteur Gott-fried Locher, se soit présenté noncomme un protestant mais commeun catholique réformé. C’est-à-dire

30GIORNI N. 3 - 2011

Église

28

À gauche, le cardinal Kurt Koch avec le patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomeos Ier, à l’occasion de la divine liturgiede la fête de saint André apôtre, dans l’église du Phanar, à Istanbul, le 30 novembre 2010; à droite, le cardinal Koch avec Cyrille, le patriarche de Moscou et de toutes les Russies, Moscou, le 16 mars 2011

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comme un catholique qui a l’expé-rience de la Réforme, qui maintientaussi le fondement de la même foiapostolique, commune jusqu’en1517. Je souhaite que l’on regardeles choses de cette façon.

Pensez-vous pouvoir tra-vailler aussi pour l’unité de l’É-glise en Chine?

Nous n’avons pas eu l’occasionde le faire jusqu’à présent. C’est unproblème qui relève surtout de lacompétence de la Secrétairerie d’É-tat. Nous connaissons la délicatessede cette question et la délicatesse dela lettre pleine de compassion que lepape Benoît XVI a écrite aux fidèleschinois en 2007. Si notre Conseilpeut faciliter quelque chose dansl’avenir, ce sera bien volontiers…

Comment? Cela dépendra de ce que pour-

raient nous demander les orga-nismes compétents de la Curie.Mais pour la Chine, je fais déjà toutce que je peux dans ma prière per-sonnelle.

Dans le dialogue avec lesjuifs, les sujets n’ont pas man-qué. Commençons par l’indica-tion qui vient du livre-interviewdu Pape, à savoir une adhésionà ce que saint Paul a dit du rap-port entre chrétiens et juifs.

Je suis sûr de la bonté de ce quesaint Paul nous a transmis, Paulnous aide encore aujourd’hui. Jesuis sûr aussi que le Pape a suivisaint Paul dans la rédaction de lanouvelle version de la prière duVendredi saint. Benoît XVI est trèssensible à tout ce qui concerne le ju-daïsme. On le voit déjà au fait que,conscient que la définition de «frèreaîné» dans l’Ancien Testament estproblématique, il n’appelle plus lesjuifs les «frères aînés». J’aimeraispersonnellement approfondir undialogue théologique.

Sur quels sujets? Les chrétiens croient à l’universa-

lité du salut en Jésus-Christ, mais ondit par ailleurs qu’une mission versles juifs est absolument impossible.

Comment ces deux pro-positions peuvent-ellesne pas être incompa-tibles? Voilà aussi pour-quoi la prière du Vendre-di saint a suscité tant dediscussions.

Je voudrais mieuxcomprendre ce que signi-fie pour un juif la foi chré-

tienne et la relation entre juifs etchrétiens. Le dialogue de Benoît XVIavec le rabbin Neusner dans le pre-mier volume Jésus de Nazareth est,pour moi, important; c’est exacte-ment le dialogue théologique quej’imagine. En ce qui concerne la mis-sion systématique vers les juifs… l’É-glise ne la cherche pas. Mais nous,chrétiens, nous confessons la foi enJésus et la déposons gratis en facede la liberté de l’autre.

Y a-t-il un leitmotiv qui vousaccompagne depuis que vousavez commencé à travailler àRome?

Il y a des gens qui disent que l’œ-cuménisme avec les Églises nées dela Réforme n’intéresse pas BenoîtXVI car les Églises orthodoxes sontplus proches de nous, mais ce n’estpas vrai. Quand le Pape m’a deman-dé d’assumer cette charge, il a ditqu’il avait besoin d’une personne quiconnaissait les communautés ecclé-siales nées de la Réforme, non seule-ment à travers les études faites sur cesujet, mais aussi à travers son expé-rience. Le Pape met un grand espoirdans le mouvement œcuménique.Nous avons en effet ce texte, le Di-rectoire œcuménique, qui nousrappelle que chaque évêque est,dans son diocèse, le principal res-ponsable de l’œcuménisme. Il seratoujours utile à tous de relire et d’utili-ser ce document. Il existe danschaque diocèse des réalités œcumé-niques particulières et l’évêque localest le premier responsable de cesréalités. Notre Conseil pontificalveut être aussi au service de l’Égliselocale quand celle-ci le demande etquand elle le désire. q

2930GIORNI N. 3 - 2011

Interview du cardinal Kurt Koch

Il existe deux styles d’œcuménisme. L’un cherche l’unité visible, travaille etprie pour elle. L’autre laisse subsister la pluralité actuelle, la codifie et demande la reconnaissance ultime de toutes les Églises comme faisantpartie de l’Église du Christ. Dans l’homélie pour les Vêpres de la fête de la Conversion de saint Paul, prononcée en conclusion de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens, le pape Benoît XVI a dit que nous ne pouvons renoncer au but de l’œcuménisme, c’est-à-dire à l’unité visible dans la foi, dans les sacrements et dans le ministère

Benoît XVI salue Riccardo Di Segni, grand rabbin de laCommunauté juive de Rome,à l’occasion de la visite au monument des FossesArdéatines, le 27 mars 2011

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PAPE/1Saint Alphonse: «Qui prie sauve son âme»

Benoît XVI a consacré la ca-téchèse du mercredi 30 marsà saint Alphonse-Marie deLiguori, le saint napolitainqui a aussi été l’auteur, com-me l’a rappelé le Pape, duchant populaire de Noël Tudescends des étoiles. «À sonépoque, s’était diffusée uneinterprétation très rigoristede la vie morale, en raison,entre autres, de la mentalitéjanséniste qui, au lieu d’ali-menter la confiance et l’es-pérance dans la miséricordede Dieu, fomentait la peur etprésentait un visage de Dieurevêche et sévère, bien éloi-gné de celui que nous a révé-lé Jésus. Saint Alphonse, enparticulier dans son œuvreprincipale intitulée Théolo-gie morale, propose unesynthèse équilibrée etconvaincante entre les exi-gences de la loi de Dieu, gra-

vée dans nos cœurs, plei-nement révélée par leChrist et interprétéed’une manière qui fait au-torité par l’Église, et lesdynamismes de laconscience et de la libertéde l’homme, qui précisé-ment, dans l’adhésion à la vé-rité et au bien, permettent lamaturation et la réalisationde la personne. Alphonse re-commandait aux pasteursd’âmes et aux confesseursd’être fidèles à la doctrinemorale catholique, en assu-mant, dans le même temps,une attitude charitable, com-préhensive, douce, pour queles pénitents puissent se sen-tir accompagnés, soutenus,encouragés dans leur cheminde foi et de vie chrétienne.Saint Alphonse ne se lassaitjamais de répéter que lesprêtres sont un signe visiblede la miséricorde infinie deDieu, qui pardonne et illumi-ne l’esprit et le cœur du pé-cheur afin qu’il se convertisseet change de vie. À notre

époque, où on voit de clairssignes d’égarement de laconscience morale et – il fautle reconnaître – un certainmanque d’estime envers lesacrement de la confession,l’enseignement de saint Al-phonse est encore de grandeactualité […]».

Dans son intervention, lePape a ensuite rappelé l’insis-tance du saint sur la prière,par cette explication: «Au su-jet de la prière, il écrit: “Dieune refuse à personne la grâcede la prière, par laquelle onobtient l’aide pour vaincre lesconcupiscences et les tenta-

tions. Et je dis, et je répondset je répondrai toujours, tantque j’aurai vie, que tout notresalut réside dans la prière”.De là vient son célèbre axio-me “Qui prie sauve son âme”(Du Grand moyen de la priè-re, Introduction). Il me revientà l’esprit, à cet égard, l’exhor-tation de mon prédécesseur,le vénérable serviteur de DieuJean Paul II: “Nos commu-nautés chrétiennes doiventdevenir d’authentiques‘écoles’ de prière [...]. Parmiles formes de prièreconseillées avec ferveur parsaint Alphonse se détache lavisite au Très Saint Sacre-ment ou, comme nous l’ap-pellerions aujourd’hui, l’ado-ration, brève ou prolongée,personnelle ou communau-taire, devant l’Eucharistie.“Assurément – écrit Alphon-se – parmi toutes les dévo-tions celle d’adorer Jésus sa-crement est la premièreaprès les sacrements, la pluschère à Dieu, et celle qui nousest la plus utile [...]. Oh, queldélice d’être plein de foi de-vant un autel... et de lui pré-senter nos besoins, commefait un ami avec un autre amidans lequel il a une entièreconfiance!» (Visites au SaintSacrement et à la SainteVierge pour chaque jour dumois. Introduction)».

PAPE /2Saint Laurent de Brindisi et le «douxjoug» de Jésus

Au cours de la catéchèse dumercredi 23 mars, consa-crée à saint Laurent de Brin-disi, Benoît XVI a dit: «Enm’adressant aux prêtres etaux séminaristes dans la ca-thédrale de Brindisi, la villenatale de saint Laurent, j’airappelé que “le moment dela prière est le plus importantdans la vie du prêtre, celui oùla grâce divine agit avec le

30 30JOURS N.3 - 2011

Benoît XVI en prière

Dépêches Dépêches Dép30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MON

La couverture des éditions

anglaise, espagnole, française,

portugaise et allemande

du livret Qui prie sauve son âme

Page 32: «Si le Christ n’est pas ressuscité, vide est aussi votre … Francese 3-2011...L’anniversaire de l’Unité italienne nous rappelle les événements qui, il y a cent cinquante

plus d’efficacité, en donnantsa fécondité au ministère.Prier est le premier service àrendre à la communauté. Lestemps de prière doivent doncavoir une véritable prioritédans notre vie […]”». Enconcluant sa catéchèse, lePape a rappelé la belle dévo-tion de saint Laurent à l’Es-prit saint: «L’Esprit saint –écrit saint Laurent – renddoux le joug de la loi divine etléger son poids, afin quenous observions les com-mandements de Dieu avecune très grande facilité et mê-me avec plaisir».

PAPE /3Les méditations du Chemin de Croix rédigées et dessinées par les monialesaugustines

Le 25 mars dernier, la Sallede presse du Vatican a an-noncé que le Saint-Père achargé cette année Mère Ma-ria Rita Piccione, présidentede la Fédération des Mo-

niales augustines, résidenteau monastère des QuatreSaints couronnés, à Rome,de rédiger les textes des mé-ditations pour les stations duChemin de Croix, au Coli-sée. Les images qui illustre-ront les différentes stationsseront dessinées par sœurElena Manganelli, elle aussireligieuse augustine, du mo-nastère de Lecceto (Sienne).

ÉGLISE /1Cañizares et la Vierge Marie, désormais devenueNotre-Dame d’Arabie

«“Je proclame Notre-Damed’Arabie patronne des deuxvicariats apostoliques du Gol-fe”. Par cette déclaration so-lennelle au cours d’une céré-monie qui s’est déroulée le 16janvier 2011 dans la cathé-drale du Koweït, le cardinalAntonio Cañizares Llovera,préfet de la Congrégationpour le Culte divin et la Disci-pline des Sacrements, a pro-clamé la bienheureuse Vierge

Marie Notre-Dame d’Arabie,patronne de tous les pays duGolfe: Koweït, Bahreïn, Qa-tar, Arabie Saoudite, Émiratsarabes unis, Yémen etOman. Ce “nouveau” titre dela Vierge a touché le cœurdes gens. Désormais, à destitres glorieux comme“Notre-Dame de Lourdes”,“Notre-Dame de Fatima” ettant d’autres, nous pouvonshumblement ajouter “Notre-Dame d’Arabie”. Ici, au Ko-weït, la Vierge n’a pas faitd’apparitions comme àLourdes et à Fatima, mais ellea toujours été présente et ellea amené Jésus avant mêmeque naisse l’islam. En effet,on trouve dans l’île de Faila-ka, qui appartient au Koweït,les restes d’une église du Ve

siècle, probablement nesto-rienne. On rencontred’ailleurs, dans d’autres paysdu Golfe, d’importants ves-tiges d’églises de la mêmeépoque. Si nous avons voulu,avec grande vénération,consacrer le Golfe tout entierà la Vierge, c’est pour qu’elleprécède et accompagnenotre ministère». Ainsi com-mence un article publié parL’Osservatore Romano du11 mars et signé par le vicaireapostolique au Koweït, lecombonien Camillo Ballin.L’article finit par une phrasetirée de l’homélie du cardinal

Cañizares de janvier dernier:«Puisse la Vierge Marie,Notre-Dame d’Arabie, nousaider à suivre Jésus, à resterfidèles et fermes dans la foi età garder notre regard fixé surJésus, source de notre foi!».

ÉGLISE/2 Tettamanzi,Saint JeanChrysostomeet l’Évangiledu bon chrétien

«Nous pourrions dire ceci: lacroyance implique enquelque sorte l’appropriationd’une idée, ou d’un Dieu, quel’on finit par mettre à son ser-vice. Celui qui est animé parla foi, au contraire, se livrelui-même à l’autre, abandon-ne l’idée de dominer la réali-té», écrit le cardinal DionigiTettamanzi dans une inter-view publiée par la Repub-blica le 14 mars. Interrogésur ce que signifie croire enDieu, le prélat a répondu:«Cela signifie non pas tantfaire référence à un être ab-solu et transcendant, mais àun être qui a un nom, un visa-ge et un cœur. Cela signifiecroire en quelqu’un qui m’in-tercepte, qui m’accom-pagne, me provoque, meconsole, et m’oblige à meconduire de manière diffé- ¬Le monastère de Lecceto, Sienne

Antonio Cañizares Llovera au vicariat apostolique du Koweït

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pêches Dépêches DépêchesNDE 30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MONDE 30JOURS DANS LE MONDE

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rente. En somme, la foi estune communion, une ren-contre, plus qu’un concept.Et ceci ne vaut pas seulementpour les catholiques ou pourles chrétiens». Enfin, pour ex-pliquer en quoi consiste le té-moignage chrétien, il a rap-pelé l’enseignement de saintJean Chrysostome, «lequelsoutient qu’il n’y a aucun be-soin d’annoncer l’Évangile.Si la foi vit dans les gestes lesplus humbles et les plussimples du bon chrétien, ce-lui-ci devient lui-même Évan-gile: un Évangile vivant».

SACRÉ COLLÈGELa mort du cardinalVithayathil.La démission de Mahony

Le premier avril est mort lecardinal indien Varkey Vi-thayathil, 84 ans, rédemp-toriste, archevêque majeurd’Ernakulam-Angamalydes Syro-malabars depuis1999. À cette date, le Sa-cré Collège comptait donc200 cardinaux, dont 116électeurs. Auparavant, le1er mars, le Pape avait ac-

cepté la renonciation augouvernement pastoral del’archidiocèse de Los An-geles (États-Unis) du cardi-nal Roger Michael Mahony,qui avait atteint 75 ans deuxjours auparavant. Lui succè-de l’archevêque José Hora-cio Gómez, 59 ans, du cler-gé de l’Opus Dei, coadju-teur de ce même archidio-cèse depuis avril 2010.

AFRIQUE DU NORD/1L’Égypte et les semeurs de zizanie entre chrétiens et musulmans

La Repubblica du 8 mars apublié un article dans lequelil est rapporté que, pendantla récente insurrection égyp-tienne, les rebelles, aprèsêtre entrés dans le palais dugouvernement, se sont em-parés de fichiers contenantdes informations confiden-tielles, qui prouveraient cer-tains crimes commis parl’ancien régime, et les onttransférés ensuite sur la toi-le. L’article se conclut ainsi:«Les accusations au sujet destensions créées à desseinentre les chrétiens et les mu-sulmans, suivies de raflesparmi les islamistes, sont

particulièrement graves […].Et cette fuite de documentsrend encore plus crédiblel’enquête sur le ministre del’Intérieur de Moubarak, letout-puissant Habib el-Adly.Le 7 février dernier, le par-quet du Caire a mis ce der-nier sous enquête pour avoirorganisé l’attentat de Noëlcontre l ’égl ise copted’Alexandrie».

AFRIQUE DU NORD /2Les nazis, les bombes intelligentes et les guerrespréventives

Dans un article paru sur leCorriere della Sera du 21mars, Armando Torno, par-tant du conflit actuel en Li-bye, s’interroge sur la limitetrès floue entre conflits justeset injustes, et il écrit: «Dans lapremière guerre du Golfe, ona beaucoup parlé de“bombes intelligentes”, et en2002, le président GeorgeW. Bush a parlé de “guerrepréventive”, mais ces termesn’étaient pas nouveaux: Jo-seph Goebbels les avaient uti-lisés en 1940 et en 1941pour les bombardements deLondres, visant – “seule-ment” l’emplacement des ar-

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Le cardinal Varkey Vithayathil

Obama visite la tombe de Romero. Le 23 mars,au cours de sa visite à San Salvador, le présidentdes États-Unis d’Amérique Barak Obama a vou-lu rendre hommage à l’évêque Óscar ArnulfoRomero, tué le 24 mars 1980, pendant qu’il cé-lébrait la messe. La date de la visite, program-mée pour le trente et unième anniversaire del’assassinat du prélat, a été avancée à cause dudépart précipité du président américain.

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senaux – et pour l’attaquecontre la Russie, déclenchéepour prévenir l’offensive deStaline». Parmi les brillantesargumentations pour oucontre la guerre qui suivent,on peut lire: «Tite Live enavait deviné la nature: “Bel-lum se ipse alet”, c’est-à-di-re “La guerre se nourrit d’el-le-même” (Ab urbe conditaXXXIV, 9); c’est peut-êtrepour cela qu’il arrive que lesguerres justes et injustes seconfondent».

ÉGLISESCATHOLIQUES ORIENTALESRaï nouveau patriarchemaronite et Shevchuknouvel archevêquemajeur de Kiev

Le 25 mars, le Pape a accor-dé, à sa demande, à Bécha-ra Boutros Raï, l’Ecclesias-tica Communio. Mgr Raï,

61 ans, avait été canonique-ment élu patriarche d’An-tioche des Maronites le 15mars dernier au cours du sy-node des évêques de l’Églisemaronite réuni à Bkerké auLiban. Membre de l’OrdreMaronite de la Bienheureu-se Vierge Marie, vicaire pa-triarcal depuis 1986, il avaitété transféré en 1990 àl’éparchie de Jbeil (Byblos).Le 25 mars toujours, le Pa-pe a donné, à sa demande,sa confirmation à SviatoslavShevchuk, qui avait été ca-noniquement élu arche-vêque majeur de Kyiv-Halyau cours du synode desévêques de l’Église gréco-ca-tholique ukrainienne réuni àLviv. Mgr Shevchuk, 41ans, était depuis 2009 auxi-liaire de l’éparchie de SainteMarie du Patronage à Bue-nos Aires, en Argentine,dont il était devenu adminis-trateur apostolique sede va-cante en 2010. qLe patriarche libanais Béchara Raï

Des polémiques ont éclaté dans le monde juif à la suite dugeste de détente d’Amos Oz, qui a offert un exemplairede son œuvre Une histoire d’amour et de ténèbres auleader palestinien Marwan Barghouti, détenu dans uneprison israélienne. Invité à rendre compte de son gestelors d’une interview accordée à Elena Loewenthal dans

La Stampa du 30 mars,l’écrivain israélien a décla-ré: «Je voulais que MarwanBarghouti lise Une histoi-re d’amour et de té-nèbres, parce que je saisque ce livre a aidé de nom-breux Arabes à com-prendre Israël, et parceque je suis sûr qu’un jour

ou l’autre nous parle-rons avec lui. Quand jedis “nous”, j’entends l’É-tat d’Israël. Un jour oul’autre, Israël parleraavec Barghouti, mêmes’il a été l’instigateur dela deuxième Intifada ets’il a sur la conscienceun grand nombre d’at-tentats-kamikaze et beau-coup plus de victimes quen’en ont fait ces attentats terroristes. Mon roman [traduiten français par Gallimard, ndr] est une histoire profondé-ment individuelle et familiale, mais aussi et surtout l’épo-pée du sionisme vue de l’intérieur, avec ses raisons et sesracines […]». Enfin, en conclusion, Oz a parlé des raisonsde son geste et il a voulu réaffirmer: «Je l’ai fait en touteconscience, fort avant tout d’une certitude qu’il n’est pasinutile de rappeler: à savoir que la paix se fait avec les en-nemis. Avec les amis, on ne fait pas la paix, avec les enne-mis, si. N’est-ce pas vrai?».

Amos Oz,

Une histoire d’amour

et de ténèbres,

édition italienne

Marwan Barghouti

MOYEN-ORIENTLa paix se fait avec les ennemis

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La seconde partie du livre Jésus de Nazareth écrit parBenoît XVI-Joseph Ratzinger est certainement uneœuvre importante. Ce n’est pas une lecture facile car lamatière est complexe. L’auteur, quoique non exégètelui-même, poursuit un dialogue approfondi et serréavec le milieu des exégètes. Cet aspect est déjà, à luiseul, d’une certaine importance, vu que, parfois, dansle monde de la théologie, une certaine distance semblesubsister entre les exégètes et les théologiensdogmatiques. Mais il est inutile des’arrêter trop longuement sur cet as-pect, si l’on veut aller au-delà de la pu-re érudition. L’auteur explique lui-mê-me dans les premières pages que làn’était pas son intention et qu’il a sim-plement voulu écrire quelque chosed’«utile à tous les lecteurs qui désirentrencontrer Jésus et croire en Lui» (p. 11).

Le livre repose précisément sur ladonnée reconnue que le Jésus de l’histoireet le Jésus de la foi sont la même personne.

Une constatation courageuse depuis que la tendancerationaliste qui oppose ce que le savoir scientifiquepeut nous dire de Jésus et ce qu’enseigne l’Église a pé-nétré aussi, avec des effets dévastateurs, le monde descroyants. Selon ce courant de pensée, l’enseignementde l’Église sur le Christ serait un ajout postérieur, uneconstruction mythique créée par la communauté chré-tienne indépendamment des faits.

Le livre de Benoît XVI, avec son continuel renvoi àl’historicité du Christ, répond aussi à la ten-

tation opposée de la gnose, quitransparaît encore aujourd’hui dansles écrits de certains théologiens.Quand nous lisons l’Évangile – l’au-teur le souligne à maintes reprisesdans son livre – nous avons à faire àdes faits qui restent tels, même lors-qu’ils sont mystérieux comme sontmystérieuses l’efficacité rédemptrice dela Passion ou la Résurrection: «Beau-

coup de questions accessoires peuvent de-meurer ouvertes. Mais le “factum est” duPrologue de Jean (1,14) vaut comme ca-tégorie chrétienne fondamentale, non seu-lement pour l’Incarnation en tant que telle,mais également pour la dernière Cène,

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par le cardinal Georges Cottier, opthéologien émérite de la Maison pontificale

«Un regard sur le Jésus des Évangiles et une écoutede ce qu’Il nous dit»

¬

À droite et sur les pages suivantes, les couvertures

du livre de Joseph Ratzinger-Benoît XVI,

Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem

à la Résurrection, traduit dans différentes langues

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Le livre de Benoît XVI, avec son continuel renvoi à l’historicité du Christ,répond aussi à la tentation de la gnose. Quand nous lisons l’Évangile, nous avons à faire à des faits qui restent tels, même lorsqu’ils sont mystérieuxcomme sont mystérieuses l’efficacité rédemptrice de la Passion ou la Résurrection

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Jésus au Jardin des Oliviers, Barna da Siena, collégiale de San Gimignano, Sienne

JÉSUS DE NAZARETH. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection

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la Croix et la Résurrection» (p. 129). Dieu entre dansl’histoire. La Bible parle de l’histoire de Dieu avec l’hu-manité. Mais non dans le sens hégélien d’une gnosequi réabsorbe la donnée historique dans une construc-tion théologico-logique. Parlant de la Résurrection,l’auteur souligne que «le troisième jour n’est pas unedate “théologique”, mais [que] c’est le jour d’un événe-ment qui, pour les disciples, est devenu le tournant dé-cisif après la catastrophe de la Croix» (p. 293).

Dans cette perspective historique, Joseph Ratzin-ger adopte l’attitude de l’Église primitive, qui regardaitles faits du Christ à la lumière de l’Ancien Testament.L’unité des deux Testaments me semble l’un des axesfondamentaux le long duquel se développe le livre.

Les premiers chrétiens avaient comme Écrituresainte l’Ancien Testament. Pour eux, ce fut une surpri-se et ils se sentirent affermis dans leur foi, quand ilss’aperçurent que les textes mystérieux des anciennesÉcritures étaient pleinement dévoilés par la Vie, laPassion, la Mort et la Résurrection de Jésus. L’auteurmet souvent efficacement en parallèle les lectureschrétienne et rabbinique de l’Ancien Testament, sanscacher leurs différences.

Plus profondément, c’est dans la personne mêmede Jésus que l’auteur perçoit l’intime union entre l’An-cien et le Nouveau Testament. Jésus prie avec lesPsaumes. Le rapport le plus intime du Fils avec sonPère a lieu à travers les prières des pauvres d’Israël.L’auteur écrit: «Dans sa Passion aussi – au Mont desOliviers comme sur la croix – Jésus parle de lui et àDieu Père en utilisant les mots des Psaumes. Mais cesparoles, prises des Psaumes, sont devenues tout à faitpersonnelles. Elles sont absolument propres à Jésusdans son épreuve: Il est de fait le véritable priant de cesPsaumes, leur véritable sujet. La prière la plus person-nelle et l’action de prier avec les paroles d’invocationde l’Israël croyant et souffrant sont ici une seule et mê-me chose» (p. 179 ).

Jésus a vécu dans l’Écriture sainte d’Israël. Si,d’une part, le livre exclut toute réduction de type

gnostique des faits à des symboles, il met en évidence,de l’autre, le lien de préfiguration qui existe entrel’Ancien et le Nouveau Testament. Ce rapport, à l’in-térieur de l’histoire du salut, ne se présente pas com-me le développement immanent et progressif d’unprincipe salvifique prédisposé, à la manière hégélien-ne. C’est Dieu qui intervient et, dans la continuité del’histoire du salut, il prépare et mène jusqu’à l’accom-plissement à travers, si l’on peut dire, des “sauts quali-tatifs”, c’est-à-dire à travers des actions toujours nou-velles. Cet entremêlement de la Loi ancienne et de laLoi nouvelle de l’Évangile, scandé par les interven-tions gratuites de Dieu, forme une trame qui parcourttout le livre. Dans le chapitre sur la prière sacerdotalede Jésus, par exemple, Benoît XVI cite à ce sujetl’exégète André Feuillet pour souligner que cette priè-re «n’est compréhensible que sur l’arrière-fond de la li-turgie de la fête juive des Expiations (Yom Kippour).Le rituel de la fête avec son riche contenu théologiqueest réalisé dans la prière de Jésus – “réalisé” dans lesens littéral: le rite est traduit dans la réalité qu’il signi-fie. Ce qui y était représenté en actes rituels a lieumaintenant d’une façon réelle et de manière définiti-ve» (p. 100-101).

Pour finir, affleure à nouveau dans ce livre la «ques-tion méthodologique», qui avait déjà été analysée dansle premier volume, ainsi que la critique – qui n’est pasun rejet – de la méthode historico-critique. Benoît XVImet de nouveau en lumière que l’exaspération de laquestion de la méthode peut facilement conduire àune forme de superstition méthodologique. Dans lessciences naturelles, la méthode, si elle est bien appli-quée, fonctionne presque d’elle-même. Il n’en va pasde même dans les sciences humaines, où la méthode,si elle répond à des exigences de rigueur, a ses critèresparticuliers. Chaque objet a en effet sa singularité etl’interprète, historien ou exégète, s’engage person-nellement. Dans le cas de la parole de Dieu, l’interprè-te, assisté par l’Esprit, au-delà de l’homme de science,est l’Église comme sujet vivant. q

La Bible parle de l’histoire de Dieu avec l’humanité. Mais non dans le sens hégélien d’une gnose qui réabsorbe la donnée historiquedans une construction théologico-logique. Parlant de la Résurrection, l’auteur souligne que «le troisième jour n’est pas une date “théologique” mais [que] c’est le jour d’un événement qui, pour les disciples, est devenu le tournant décisif après la catastrophe de la Croix»

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Jésus en prière au Jardin des Oliviers, détail, Barna da Siena, collégiale de San Gimignano, Sienne

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C omme il est juste et normal, on a beaucoupparlé, ces jours-ci, du nouveau livre du Pape.Mais ce qui est étrange – même si ce n’est pas

inhabituel – c’est que l’on ait presque seulement par-lé du chapitre qui traite des responsabilités des juifsdans la mort de Jésus. Ce n’est pas inhabituel, parceque les médias mettent souvent en relief un aspectqui pourrait être marginal, alors que d’autres mérite-raient une plus grande attention. C’est une attitudecourante dans l’information, et encore plus lorsqu’ils’agit du Pape actuel, dont les grandes positions doc-trinales sont ignorées tandis que l’on s’arrête seule-ment sur des détails qui excitent la curiosité. Et pour-tant, tout ce bruit a quelque chose d’étrange, car il estcausé par une question qui devrait désormais êtreévidente et aller de soi. La révolution dans les rap-ports entre chrétiens et juifs a sa référence symbo-

lique dans un texte officiel promulgué par le ConcileVatican II, à savoir la déclaration Nostra aetate, danslaquelle il est expliqué ou mieux, solennellement dé-claré, que la responsabilité des juifs dans la mort deJésus ne peut être attribuée à tous les juifs de sontemps et encore moins à ceux des générations posté-rieures. Ainsi disparaît la terrible accusation de déici-de, qui a perduré pendant des siècles et a constituél’une des bases et des justifications de la haine et de lapersécution des juifs par les chrétiens. Un livre quiparle de la passion de Jésus et qui porte la signaturela plus autorisée du monde catholique ne peut, plusde quarante-cinq ans après cette déclaration, qu’ac-cueillir ces idées, et peut au plus les expliquer sur labase d’une solide argumentation. Or c’est exacte-ment ce qui s’est passé avec le livre du Pape. Il auraitété surprenant qu’il en eût été autrement, qued’autres thèses ou d’autres arguments eussent étéprésentés, ou que ce livre eût été écrit par un Papeavant le Concile. Mais alors, pourquoi tout ce bruit?On peut avancer différentes réponses, qui, d’ailleurs,ne s’excluent pas; j’en proposerais deux. La premiè-re, c’est qu’il fallait faire un battage publicitaire; pourcela, on a généralement besoin d’un scoop pour atti-rer le public: si l’on n’en a pas, on en invente un. Ladeuxième montre comment ce qui devrait être simpleet évident ne l’est pas du tout. Même si des décenniesont passé, même si l’on s’est employé à faire passerces idées, même si le climat des relations entre juifs etchrétiens a réellement changé, la question du déicidesemble constituer, encore aujourd’hui, un problèmenon résolu, au moins au plus profond desconsciences. C’est donc qu’il faut affronter le problè-me chaque jour, avec des instruments nouveaux. Lebruit ne dépend pas du fait que le Pape ait proposé

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Fidèle à la déclarationNostra aetate

Riccardo Di Segni

Dans son dernier livre, Benoît XVI, parlant des responsabilités dans la mort de Jésus,explique, sur la base d’une solide argumentation, ce que le Concile Vatican II avait solennellement déclaré.Les réflexions du grand rabbin de Rome

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par Riccardo Di Segni

JÉSUS DE NAZARETH. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection

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Crucifixion blanche, Marc Chagall, The Art Institute de Chicago

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une certaine explication, mais du fait que l’on ait be-soin de cette explication. Et s’il en est vraiment ainsi,il y a de quoi s’inquiéter.

À l’origine de la question se trouve l’un des pro-blèmes difficiles à résoudre, à savoir la dureté destextes évangéliques. Ceux-ci, chacun à sa manière,lancent des messages qui, mis ensemble, composentle tableau traditionnel des juifs hostiles, qui crient«crucifie-le» et qui assument cette responsabilité poureux-mêmes et pour les générations à venir. Cela estdû en grande partie au climat dans lequel sont nés cestextes, qui reflètent ce qui n’était au début qu’une dis-pute interne au monde juif. Mais une lecture simpli-fiée, sans commentaires, des textes évangéliquesrisque de présenter ceux-ci comme des textes anti-ju-daïques et d’avaliser une image négative des juifs, cequi peut mener à l’hostilité et à la haine. L’une destâches du dialogue est justement de combattre la cul-ture du mépris. Parallèlement, les biblistes catho-liques s’efforcent de nier ou de minimiser l’apparentantijudaïsme des Évangiles. En ce sens, un importantdocument officiel, publié il y a déjà dix ans, en 2001,par la Commission biblique pontificale, porte un titresignificatif: Le peuple juif et ses Saintes Écrituresdans la Bible chrétienne, et sa préface est signée parcelui qui était alors le cardinal Ratzinger. Cela confir-me, encore une fois, que le dernier livre du Pape

n’apporte pas de nouveautés, mais qu’il suit avec co-hérence la même direction. Son importance n’en estpas diminuée pour autant. Pour éviter les drames dupassé, nous devons démonter les anciennes conclu-sions, les rapprochements hostiles, commenter, dis-tinguer, expliquer chaque phrase et chaque détail enles insérant dans leur contexte spécifique, une opéra-tion que le professeur Ratzinger sait magistralementeffectuer. Un observateur aussi attentif que le profes-seur Ugo Volli a suggéré que cette opération exégé-tique, avant même d’être une apologie des juifs, estune défense des Évangiles accusés d’être anti-ju-daïques. De toute façon, ce texte est important. Demême, il est important que certaines techniques decommentaire, qui renversent les significations appa-remment évidentes des textes et sont caractéristiquesde la tradition rabbinique, commencent à faire partiedes méthodes de recherche et d’expression de la tra-dition catholique.

Les visiteurs de blogs et de sites traditionalistespeuvent facilement constater que ces paroles du Pa-pe n’ont pas été entendues, qu’elles ont été contes-tées, rejetées, en faveur de la vision classique du juifdéicide. Reste à comprendre, avec un peu de curiosi-té, voire d’angoisse, quelles sont sur ce sujet les idéesqui sont réellement les plus enracinées dans le mon-de catholique. q

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Déposition de croix, Marc Chagall, Musée national d’Art moderne, Centre Pompidou, Paris

JÉSUS DE NAZARETH. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection

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Via Vincenzo Manzini, 45 - 00173 RomaTel. 06 72 64 041 Fax 06 72 63 33 [email protected] • www.30giorni.it

Via dei Santi Quattro, 47 - [email protected]

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DE NOMBREUX CHEMINS DE CHARITÉ

PASSENT PAR UNE PETITE VOIE

L’ASSOCIATION PICCOLA VIA (PETITE VOIE) ONLUS* a été instituée pour envoyergratuitement, surtout dans les pays de mission, le mensuel international 30Jours et lepetit livre Qui prie sauve son âme, ainsi que pour répondre aux demandes de charité.

libellé au nom de: ASSOCIAZIONE PICCOLA VIA ONLUSou bien: au moyen d’un chèque bancaire ou circulaire avec l’indication non transférable, émis en faveur de:

ASSOCIAZIONE PICCOLA VIA ONLUS

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*onlus: organisation non lucrative d’utilité sociale

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VOUS POUVEZ AIDER L’ASSOCIATION PETITE VOIE ONLUS EN FAISANT UNE DONATION à travers un versement sur le compte bancaire suivant:

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L e nouveau livre du Pape n’est pas un don offert seu-lement aux croyants. C’est un don offert à toutes lespersonnes qui sont à la recherche de la vérité. Be-

noît XVI est la voix chrétienne le plus écoutée du monde. Ilne parle pas dans ce livre d’un sujet quelconque, mais dece qui constitue le centre de la foi chrétienne, à savoir la fi-gure de Jésus de Nazareth. Et plus précisément, de deuxmoments de sa vie qui sont décisifs pour comprendre siJésus-Christ a une signification incontournable, y com-pris pour le XXIe siècle. Au centre de ce second volume dupape Benoît XVI sur la figure de Jésus se trouvent la Croixet la Résurrection1.

Il n’est pas possible, dans une intervention aussi brève,de mettre en relief, comme il le faudrait, la richesse et laprofondeur des réflexions que l’on retrouve aussi dans celivre. Je ne peux que souligner certains aspects que je jugeimportants pour notre époque postmoderne et, en par-tie, postchrétienne.

La dernière Cène et l’exégèse historico-critiqueLe livre du Pape sur Jésus n’est pas, comme il le dit lui-mê-me, une publication du magistère. Il n’a pas été préparé encollaboration avec des commissions théologiques. Ici, lePape présente son image personnelle de Jésus. Ce faisant,il s’est certainement lancé dans une entreprise risquée.Lorsqu’il a présenté le premier volume, le cardinal de Vien-ne, Christoph Schönborn, a proposé une comparaison.Comme l’apôtre Paul à Athènes, le Pape a osé aller surl’Agora, sur la place du marché des opinions contraires.

Aujourd’hui, on rencontre sur cette place du marchénon seulement les philosophes, mais aussi les exégèteshistorico-critiques. De même qu’à l’époque de Paul exis-taient des courants philosophiques qui s’opposaient entre

eux – je veux parler des stoïciens et des épicuriens – (Ac17, 18), de même aujourd’hui l’exégèse historico-critiquen’a rien d’une réalité unitaire. Mais si l’on trouve aujour-d’hui dans l’exégèse du Nouveau Testament des positionsopposés et absolument inconciliables, celles-ci ne naissentpas de divergences confessionnelles. La ligne de démarca-tion se situe plutôt, aujourd’hui, entre les exégètes quiabordent le Nouveau Testament avec une confiance debase, et ceux qui le font avec un scepticisme historique de

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La ligne de démarcationpasse entre la confiance et le scepticisme

Rainer Riesner, professeur de Nouveau Testament à l’Institut de Théologie protestante de la faculté des Sciences humaines et de Théologie de l’Université des Techniques de Dortmund, à l’occasionde la présentation du livre de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection, au théâtrede la faculté de Théologie des Trois Vénéties, Padoue, le16 mars 2011

«Les positions inconciliables que l’on trouveaujourd’hui dans l’exégèse du Nouveau Testament ne naissent pas de divergences confessionnelles. La ligne de démarcation se situe plutôt, aujourd’hui,entre les exégètes qui abordent le Nouveau Testamentavec une confiance de base, et ceux qui le font avec un scepticisme historique de fond». Le compte rendu d’un théologien luthérien

par Rainer Riesner

JÉSUS DE NAZARETH. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection

Page 44: «Si le Christ n’est pas ressuscité, vide est aussi votre … Francese 3-2011...L’anniversaire de l’Unité italienne nous rappelle les événements qui, il y a cent cinquante

fond. Le Pape le sait, et c’est la raisonpour laquelle il ne se réfère pas seule-ment aux spécialistes catholiques. Lefait qu’il ait invité à Castelgandolfo,en 2008, les spécialistes évangé-liques du Nouveau Testament MartinHengel et Peter Stuhlmacher, pourdiscuter avec eux du second volumede son livre sur Jésus3, est une preuveindubitable de son exceptionnelle hu-milité. Ces deux professeurs, dont j’aiété l’élève, avaient été collègues dujeune professeur Joseph Ratzinger àl’Université de Tübingen. Par cetteinvitation, Benoît XVI a lancé un si-gnal œcuménique d’une immenseportée, appelant les chrétiens de dif-férentes confessions à se rapprocherdans une écoute sérieuse des SaintesÉcritures.

On voit clairement, dans la maniè-re dont il traite de la dernière Cène,que le Pape prend sérieusement enconsidération l’exégèse historico-cri-tique, même s’il n’hésite pas à indi-quer les limites idéologiques de cer-tains spécialistes qui appartiennent àce courant. Benoît XVI admet ainsique les Évangiles posent des pro-blèmes de caractère historique, pourlesquels sont possibles des solutionsscientifiques différentes. C’est la raison pour laquelle il lais-se ouverte la question de savoir quel rapport existe entre laCène d’adieu de Jésus et la Cène pascale juive. En re-vanche, il existe une autre question que le Pape ne laisseaucunement en suspens. Aujourd’hui, beaucoup d’exé-gètes doutent que Jésus ait prononcé les paroles qui luisont attribuées à l’occasion de la dernière Cène. Ils justi-fient leur scepticisme par le fait que l’annonce du Royaumede Dieu de la part de Jésus se concilierait mal avec l’idée del’expiation. Ils prennent souvent pour exemple la parabolede l’enfant prodigue, qui obtient le pardon de son pèresans qu’il y ait eu aucune expiation (Lc 15, 11-24). Mais lesmots prononcés au cours de la dernière Cène sont déjàrapportés par Paul comme une tradition fortement conso-lidée, que l’apôtre lui-même aurait empruntée à la commu-

nauté primitive de Jérusalem à travers la communauté deDamas (1Co 11, 23-24). Le Pape a donc pleinement rai-son lorsqu’il écrit: «Selon les données historiques, il n’y ajustement rien de plus original que la tradition de la Cène.Mais l’idée d’une expiation est quelque chose d’inconce-vable pour la sensibilité moderne. Dans son annonce duRoyaume de Dieu, Jésus doit être aux antipodes de cela.L’image que nous nous faisons de Dieu et de l’homme ap-paraît ici. Pour cela toute la discussion est seulement en ap-parence un débat historique» (p. 143).

Le Vendredi saint comme grand jour de l’ExpiationAutre objection à l’historicité des mots prononcés par Jé-sus pendant la dernière Cène: ces mots seraient im-

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Sur ces pages, fresques de Giusto de’ Menabuoi dans le baptistère de Padoue; ci-contre, les miracles de Jésus

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Le Pape a donc pleinement raison lorsqu’il écrit : «Selon les données historiques, il n’y a justement rien de plus original que la tradition de la Cène. Mais l’idée d’uneexpiation est quelque chose d’inconcevable pour la sensibilité moderne. Dans son annonce du Royaume de Dieu, Jésus doit être aux antipodes de cela. L’image que nous nous faisons de Dieu et de l’homme apparaît ici. Pour cela toute la discussion est seulement en apparence un débat historique»

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pensables dans un contexte juif. L’un des points forts dulivre du Pape est la démontration que les affirmations duNouveau Testament sur la mort de Jésus comme expia-tion du péché de l’homme ne peuvent précisément êtrecomprises qu’à l’aide de l’Ancien Testament et de sonexplication en hébreu ancien. On constate ici, encoreune fois, la grande estime qu’a le Pape pour le judaïsme,estime qui a reçu, à juste titre, un écho très favorabledans la presse internationale. Le fait que certains exé-gètes soulignent de manière particulière la religiosité jui-ve de Jésus et qu’en même temps ils ne veuillent pas luireconnaître la majeure partie de ses références à l’Écri-ture sainte d’Israël, fait partie des phénomènes difficile-ment compréhensibles. Ces références ne se limitentpas à des citations directes: les paroles de Jésus sontremplies d’allusions à l’Ancien Testament. Si on voulaitles éliminer toutes, il ne resterait pas grand-chose. Jésusa vécu dans l’Écriture sainte d’Israël, comme d’ailleurs lePape. Benoît XVI n’a pu tirer toutes ses découvertes surles références à l’Ancien Testament de la littérature exé-gétique. Certaines lui viennent évidemment de la médi-tation sur l’Écriture sainte qu’il a menée tout au long desa vie.

Cette approche permet au Pape de démontrer, dans laprésentation qu’il fait de Jésus, qu’il existe un lien interneunissant les événements qui se sont déroulés entre l’entréede Jésus à Jérusalem et sa crucifixion sur le Golgotha. Celien est à la fois plausible du point de vue historique et hau-tement significatif en termes théologiques. Ce qu’on ap-pelle Purification du Temple n’a pas seulement représentéun acte de critique sociale de la classe des grands prêtresqui s’enrichissait avec le commerce des offrandes. Par cesimple geste symbolique et prophétique, Jésus a plutôt an-noncé qu’était arrivée la fin du culte sacrificiel dans leTemple de Jérusalem (Jn 2, 14-22). Ce qui est confirmépar le discours synoptique sur le temps final et par la pré-diction de la destruction du Temple (Mc13, 14-17). Mais lathèse de fond n’est cependant absolument pas représen-tée par l’opinion selon laquelle les sacrifices de l’AncienTestament auraient toujours été sans valeur. En fait, ceux-cirenvoyaient – et cela est corroboré par l’annonce d’un pro-phète comme Jérémie – à quelque chose qui allait au-delàdes sacrifices eux-mêmes, annonçant l’avènement d’unenouvelle alliance (Jr31, 31).

La figure mystérieuse du «serviteur de Dieu» souffrant etmourant du Livre d’Isaïe montre sans l’ombre d’un doute

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La dernière Cène

Jésus a vécu dans l’Écriture sainte d’Israël, comme d’ailleurs le Pape. Benoît XVI n’a pu tirer toutes ses découvertes sur les références à l’Ancien Testament de la littérature exégétique. Certaines lui viennent évidemment de la méditation sur l’Écriture sainte qu’il a menée tout au long de sa vie

JÉSUS DE NAZARETH. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection

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que l’expiation n’est possible qu’à travers la fonction vica-riale d’un envoyé spécial de Dieu (Is53). Jusque dans la for-mulation des mots de la dernière Cène (Mc14, 24), Jésus aramené à lui la prophétie du serviteur de Dieu. De même,le grand prêtre n’est pas du tout mis en question par Jésus,il trouve, bien en contraire, en lui sa pleine réalisation. Ceque l’on appelle la prière sacerdotale dans l’Évangile deJean (chapitre 17) ne peut être comprise qu’à partir de la li-turgie de la célébration juive du Yom Kippour. Ici, le Papesuit l’interprétation de l’illustre exégète catholique, AndréFeuillet4, dont les œuvres sont, souvent à tort, largementignorées, même de l’exégèse catholique contemporaine.Une seule fois par an, lors du «grand jour de l’Expiation», legrand prêtre franchissait le seuil du Saint des Saints dans leTemple et purifiait le peuple d’Israël de ses péchés en as-pergeant de sang l’Arche de l’Alliance (Lv 16). Dans sa ré-ponse au grand prêtre Caïphe, qui l’interroge en lui de-mandant s’il est le Messie, Jésus se proclame «prêtre selonl’ordre de Melchisédech» (Mc 14, 62), en citant le Psaume110. Le voile du Temple qui se déchire en deux au mo-ment de la mort de Jésus renvoie symboliquement au faitqu’au Golgotha, le grand jour final de l’Expiation a trouvéson accomplissement sur la croix (Mc 15, 38). L’interpré-tation de la mort de Jésus comme expiation remonte doncà Jésus lui-même. Paul connaissait cette interprétation quilui venait de la communauté primitive de Jérusalem (Rm 3,24), et ce thème a été plus largement développé par la sui-te par l’Épître aux Hébreux. Dans la vie des premiers chré-tiens, cette signification de la mort de Jésus qui remontait àla communauté primitive de Jérusalem prit la forme d’uneréalité vécue, à travers la célébration régulière de la Cènedu Seigneur (Ac2, 42; 1Co11, 25).

Gethsémani et les deux natures de JésusLa formulation du concile de Chalcédoine (451), par la-quelle Jésus est reconnu comme «vrai homme et vraiDieu», unit les catholiques, les orthodoxes, les anglicans etles évangéliques. Les Églises copte et syrienne, en re-vanche, n’ont pas accepté ce que l’on appelle la doctrinedes deux natures, et n’attribuent à Jésus qu’une nature divi-ne. Il existe aujourd’hui, à côté de cet ancien monophysis-me, une variante moderne très répandue selon laquelle Jé-sus ne possédait qu’une nature purement humaine. BenoîtXVI s’appuie sur le récit évangélique de la tentation et de laprière de Jésus au jardin de Gethsémani pour expliquerpourquoi ces deux visions de Jésus sont erronées. L’épiso-de de Gethsémani – surtout dans la version de Luc dansson Évangile (22, 44) et de l’Épître aux Hébreux (5, 7-8) –nous montre Jésus dans toute son humanité, une humani-té vulnérable et effrayée. Cependant, le Père céleste attendde lui qu’il boive «le calice» (Mc 14, 36), un terme qui signi-fie, dans le langage de l’Ancien Testament, la colère des-

tructrice de Dieu (Is 51, 17). Cela montre que Jésus doitêtre plus qu’un simple homme. Et c’est ici qu’avec une re-marquable pertinence l’évangéliste Marc nous a transmisl’intime invocation d’«Abba, père» dans sa forme sémi-tique, celle-là même qui sortit de la bouche de Jésus. Sur cepoint, le Pape s’inspire des acquisitions du spécialiste évan-gélique du Nouveau Testament, Joachim Jeremias5, qui futdans les années Cinquante l’un des critiques les plus émi-nents de la conception sceptique de Rudolf Bultmann.L’évangéliste Marc savait qu’avant Jésus, aucun juif pieuxni même aucun prophète ne s’était adressé à Dieu de cettemanière. Et donc seul celui qui était réellement le Fils deDieu pouvait parler de cette façon. Le Pape écrit à ce sujet:«Précisément parce qu’il est le Fils, il éprouve en profon-deur l’horreur, tout le dégoût et la perfidie qu’il doit boiredans ce “calice” qui lui est destiné: tout le pouvoir du péchéet de la mort. C’est tout cela qu’il doit accueillir en lui, afinqu’en lui, tout cela soit privé de pouvoir et vaincu» (p. 181).L’épisode de Gethsémani pose néanmoins la question sui-vante: existe-t-il quelque chose qui va au-delà du jugementdivin sur la faute de l’homme? C’est justement la questionque l’on se pose lorsque l’on s’interroge sur la réalité de laRésurrection de Jésus.

La réalité de la RésurrectionLorsqu’il traite de cette question, le Pape montre encoreune fois qu’il est parfaitement au courant des problèmeshistoriques et exégétiques que soulèvent les textes du Nou-veau Testament. Il fait cependant une distinction entre lesquestions secondaires, de détail, et la question principaledont tout dépend. Benoît XVI s’exprime sur ce point avecune extrême clarté: «Seulement si Jésus est ressuscité,quelque chose de véritablement nouveau s’est produit ¬

«Voilà pourquoi, dans notre recherche sur la figure de Jésus, la Résurrection est le point décisif. Que Jésus n’ait existé que dans le temps passé ou qu’aucontraire, il existe encore dans ce temps présent – cela dépend de la Résurrection.Dans le “oui” ou le “non” donné à cette interrogation, on ne se prononce pas sur un simple événement parmi d’autres, mais sur la figure de Jésus comme telle»

Montée au Calvaire

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qui change le monde et la situation de l’homme. Lui, Jésus,devient alors le critère sur lequel nous devons nous ap-puyer. Car Dieu s’est alors vraiment manifesté. Voilà pour-quoi, dans notre recherche sur la figure de Jésus, la Résur-rection est le point décisif. Que Jésus n’ait existé que dansle temps passé ou qu’au contraire, il existe encore dans cetemps présent – cela dépend de la Résurrection. Dans le“oui” ou le “non” donné à cette interrogation, on ne seprononce pas sur un simple événement parmi d’autres,mais sur la figure de Jésus comme telle» (p. 276). Dans cet-te alternative inéluctable, Benoît XVI a de son côté l’apôtrePaul, qui écrivait dans sa premièreÉpître à la communauté chrétiennede Corinthe: «Mais si le Christ n’estpas ressuscité, vide alors est notreprédication, vide aussi votre foi. Il setrouve même que nous sommes desfaux témoins de Dieu, puisque nousavons attesté contre Dieu qu’il a res-suscité le Christ» ( 1Co15, 14-15).

Mais à quel point le témoignageapostolique de la Résurrection est-ilcrédible? Le Pape se pose la question,sur les plans historique et philoso-phique. Il critique, à juste titre, le faitque la formulation «Jésus est ressusci-té le troisième jour» (1Co 15, 4) re-présente une pure et simple dériva-tion de l’Ancien Testament. Le «troi-sième» jour représente l’indicationd’une date historique. Le troisièmejour après la crucifixion de Jésus, on atrouvé son sépulcre vide. Le Pape ob-serve à ce propos que «si le sépulcrevide en tant que tel ne peut certaine-ment pas prouver la Résurrection, ilreste toutefois un présupposé néces-saire pour la foi dans la Résurrection,dans la mesure où celle-ci se réfèrejustement au corps et, par là, à la tota-lité de la personne». (p. 289). Le «troi-sième jour», Jésus a rencontré en sapersonne vivante des témoins quiportent un nom: Pierre, ou Jacques,le frère du Seigneur, ou encore desfemmes témoins comme Marie Ma-deleine. En ce sens – constate le Pape–, «cela aussi est important: les ren-contres avec le Ressuscité sontquelque chose de différent d’événe-

ments intérieurs ou d’expériences mystiques, ce sont desrencontres réelles avec le Vivant qui, d’une manière nou-velle, possède un corps et demeure corporel» (p. 303).

Le Pape traite aussi de l’objection philosophique selonlaquelle la Résurrection de Jésus irait contre les lois qui rè-glent la nature. Il invite à ne pas exclure des expériencesnouvelles dans l’histoire, qui vont au-delà de ce à quoi nousavons été jusqu’à présent accoutumés, et il écrit: «Dans lestémoignages sur la Résurrection, certes, on parle dequelque chose qui ne rentre pas dans le monde de notre ex-périence. On parle de quelque chose de nouveau, de

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JÉSUS DE NAZARETH. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrection

«Seul un événement réel d’une qualité radicalement différente était en mesure de rendre possible l’annonce apostolique, qui ne peut être expliquée par des spéculations ou des expériences intérieures mystiques. Dans son audace et sa nouveauté, cette annonce prend vie de la force impétueuse d’un événement que personne n’avait pu concevoir et qui dépassait toute imagination»

Crucifixion

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quelque chose qui, jusqu’à ce moment-là, est unique – onparle d’une nouvelle dimension de la réalité qui se manifes-te. On ne conteste pas la réalité existante. On nous dit plu-tôt: il existe une autre dimension par rapport à celle quenous connaissons jusqu’à maintenant. Cela peut-il être enopposition avec la science? Est-ce que vraiment il ne peutexister que ce qui a existé depuis toujours? […] Si Dieu exis-te, ne peut-il pas, lui, créer aussi une dimension nouvelle dela réalité humaine? de la réalité en général?» (p.281). Il enrésulte que s’interroger sur la réalité de la Résurrection deJésus signifie s’interroger sur la réalité de Dieu.

Avec la Résurrection de Jésus, la question de Dieu n’estplus confinée dans les limites de la spéculation intellectuel-le, mais elle s’impose à nous en tant que question sur laréalité historique du corps. Le Pape rappelle, à juste titre,que les apparitions de Jésus ressuscité «dans le mystérieuxensemble d’altérité et d’identité» (p. 301) trouvent leur pa-rallèle le plus approprié dans les théophanies de l’AncienTestament. On retrouve ici une raison convaincante du faitque dès la Pâque, apparaît clairement l’appartenance deJésus au mode d’être de Dieu, (cf. Jn 20, 28). Le Papeconclut ainsi sa réflexion: «La Résurrection de Jésus va au-delà de l’histoire, mais elle a laissé son empreinte dansl’histoire. C’est pourquoi elle peut être attestée par les té-moins comme un événement d’une qualité entièrementnouvelle» (p. 310). Benoît XVI poursuit: «Seul un événe-ment réel d’une qualité radicalement différente était enmesure de rendre possible l’annonce apostolique, qui nepeut être expliquée par des spéculations ou des expé-riences intérieures mystiques. Dans son audace et sa nou-veauté, cette annonce prend vie de la force impétueused’un événement que personne n’avait pu concevoir et quidépassait toute imagination» (p. 310). Mais comment cetévénement peut-il atteindre les hommes du XXIe siècle?

La nécessité d’une nouvelle évangélisationAvec son interprétation des paroles de Jésus: «Il fautd’abord que l’Évangile soit proclamé à toutes les nations»(Mc 13, 10), Benoît XVI nous remémore un épisode signi-ficatif de l’histoire de l’Église. Bernard de Clairvaux dut ré-primander le pape Eugène III, auquel il écrivit: tu es «débi-teur vis-à-vis des infidèles, des Juifs, des Grecs et despaïens. […] J’admets que, pour ce qui concerne les Juifs,tu as une excuse liée au temps; pour eux a été déterminéun moment précis, que l’on ne peut anticiper. Les païensdoivent les précéder dans leur totalité [cf. Rm 11, 25-27].Mais que dis-tu à propos des païens eux-mêmes? … Àquoi pensaient tes prédécesseurs pour… interromprel’évangélisation alors que l’incrédulité est toujours diffuse?Pour quel motif… la parole qui court avec rapidité s’est-el-le arrêtée?»6.

Il n’est aucunement besoin de réprimander le Pape ac-tuel sur la question de l’évangélisation. Comme le montre,entre autres, le livre-interview Lumière du monde, BenoîtXVI a une vision très réaliste des choses7. Il sait bien que devastes régions de l’Europe et de l’Amérique du Nordconnaissent un déclin dramatique de la foi chrétienne.Non seulement il est conscient de la nécessité d’une nou-velle évangélisation, mais il a aussi pris de mesures pourl’organiser. Mais, avec son livre sur Jésus, il offre unecontribution très personnelle à la diffusion de la foi. Leschrétiens devraient l’aider dans cette tâche, en offrant, par

exemple, son livre sur Jésus à des amis dont la foi vacille,ou qui cherchent un chemin vers la foi. L’important estque ce don constitue une occasion d’échange dans lequelnous discutions nous aussi de notre foi. Un des points fortsdu livre du Pape consiste dans le fait qu’il associe deux as-pects: les lecteurs y trouvent une image de Jésus histori-quement crédible et importante pour leur vie, mais aussiune indication de la foi personnelle de Benoît XVI. Dans lepremier volume, le Pape indiquait comme «point de réfé-rence effectif» de la foi chrétienne «l’amitié intime avec Jé-sus, dont tout dépend8». Je suis certain qu’avec ce secondvolume, le Pape a réussi à réaliser ce qu’il présente, dansson avant-propos, comme son désir. Il lui a effectivementété donné de s’approcher «de la figure de NotreSeigneur d’une manière qui puisse être utile à tous les lec-teurs qui désirent rencontrer Jésus et croire en Lui» (p.11).

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Descente du Christ aux Limbes

Notes1 Jésus de Nazareth. De l’entrée à Jérusalem à la Résurrec-tion, Éditions du Rocher, Monaco 2011. 2 Der Papst auf der Agora, in “Jesus von Nazareth” kontro-vers, Berlin 2007, p. 9-17.3 Gespräche über Jesus: Papst Benedikt XVI im Dialog mitMartin Hengel und Peter Stuhlmacher (sous la direction deP. Kuhn), Tübingen 2010.4 André Feuillet, Le sacerdoce du Christ et de ses ministres:d’après la prière sacerdotale du quatrième Évangile et plu-sieurs données parallèles du Nouveau Testament, Paris 1972. 5 Abba. Studien zur neutestamentlichen Theologie undZeitgeschichte, Göttingen 1966.6 De consideratione III, 1, 2-3.7 Benoît XVI. Lumière du monde; le pape, l’Église et lessignes des temps. Un entretien avec Peter Seewald,Bayard, Paris 2010. 8 Joseph Ratzinger-Benoît XVI, Jésus de Nazareth, Flamma-rion, Paris 2007.

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«V oici mon Cœur où vousêtes nés, vous, fidèles,vous, mon Église, com-

me Ève est née de la côte d’Adam.Voyez comme la lance l’a ouvertafin que la porte du Paradis voussoit ouverte». Dans la premièremoitié du XIVe siècle, saint Antoinede Padoue, dans une homélie,semble annoncer une nouveauté,la dévotion au Sacré-Cœur, qui aconnu dans les derniers siècles del’histoire de l’Église une immensediffusion, liée à la figure de sainteMarguerite-Marie Alacoque.

Cette sœur de l’Ordre de la Visi-tation, fondé en 1610 par saintFrançois de Sales, connut durantles quarante-trois années de sa brè-ve vie des grâces extraordinaires.Jésus lui apparut plusieurs fois: ill’avait choisie, lui dit-il, pour faireconnaître au monde entier Son Sa-cré-Cœur, source de Son amourinfini pour les hommes.

Elle était née en 1647, à Lau-thecourt, un bourg du centre de laFrance, à quelques kilomètres deParay-le-Monial, lieu où elle passasa vie religieuse. Elle était la cin-quième fille de Claude Alacoque,avocat et notaire du roi Louis XIV.

Elle fut élevée d’abord au châ-teau de Corcheval, chez sa marrai-ne, puis dans un collège dirigé parles sœurs clarisses de Charolles.Elle apprit là à prier et à aimer Jé-

Foi et dévotion

C’est ce que dit Jésus à sainte Marguerite-Marie Alacoque

«Ne crains rien. Je régnerai malgré mes ennemis»

par Giovanni Ricciardi

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Sur ces pages, des images de Mauro Cavallini, tirées du livre Sainte Marguerite-Marie, Éditions du Signe,Strasbourg 2000. Ci-dessus, Marguerite apprend à quatre ans à prier dans le château de Corcheval

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sus avec tant d’ardeur que lessœurs l’autorisèrent à faire sa pre-mière communion à neuf ans, uneexception pour ces temps. L’ado-ration du Saint-Sacrement, la réci-tation du Rosaire étaient les mo-ments de prière qui émouvaient etattiraient le plus la petite Margue-rite. «La très sainte Vierge», écrit-elle à propos de son enfance, «atoujours pris grand soin de moi qui[y] avais recours en tous mes be-soins, et elle m’a retirée de trèsgrands périls».

La protection spéciale de laVierge l’accompagnera surtout du-rant la longue maladie qui lacontraignit à garder le lit pendantquatre ans, de dix à quatorze ans,et les années suivantes, jusqu’à sonentrée au monastère.

Ce furent des années difficilesdurant lesquelles Marguerite perditson père et une sœur, et devint, enquelque sorte, “étrangère chez el-le”. Les parents que sa mère avaitappelés pour administrer leursbiens privèrent en effet Marie et sa

mère de toute liberté et les traitè-rent comme des esclaves. QuandMarguerite demandait un vêtementconvenable pour aller à la messe, ilsle lui refusaient et la jeune fille étaitobligée de se le faire prêter par uneamie. De plus, souvent, ils ne luipermettaient pas de sortir. Je ne sa-vais plus «où me réfugier», écrit lasainte, «sinon en quelque coin dejardin ou d’étable où il me fût per-mis de me mettre à genoux pour ré-pandre mon cœur par mes larmesdevant mon Dieu».

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Avec les yeux fixés sur le clocher de l’église, où elle sait que Jésus est présent,Marguerite est absorbée dans sa prière et n’entend pas les appels de son frère

Sainte Marguerite-Marie Alacoque

L’adoration du Saint-Sacrement, la récitation du Rosaire étaient les moments de prière qui émouvaient et attiraient le plus la petiteMarguerite. «La très sainte Vierge», écrit-elle à propos de son enfance, «a toujours pris grand soin de moi qui [y] avais recours en tous mes besoins, et elle m’a retirée de très grands périls»

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Puis sa mère tomba à son tourmalade et ne guérit que grâce àl’amour, aux soins et aux prières deMarguerite. Pendant ce temps, lapetite fille grandissait et commen-çait à se demander quelle était,pour elle, la volonté de Dieu. Samère aurait voulu la voir mariée etmère de famille, mais le désir leplus profond de Marguerite étaitde se consacrer au Seigneur: «Moncœur se sentait consommé du dé-sir de l’aimer», dira-t-elle plus tard.

À vingt-deux ans, elle reçut laconfirmation et ajouta à son nomde baptême celui de Marie.Quelques années plus tard, aprèsavoir fini par vaincre les résistancesfamiliales, elle réussit à réaliser sonrêve de se faire sœur et entra aumonastère de la Visitation de Pa-ray-le-Monial, le 25 mai 1671.

«Comme une toile d’attentedevant un peintre»À son entrée au monastère, elle setrouva perdue au milieu des rites etdes formules latines qu’elle necomprenait pas. Elle demandaalors à la maîtresse des novices delui enseigner à prier. Celle-ci lui ré-pondit: «Allez vous mettre devantNotre-Seigneur comme une toiled’attente devant un peintre».Sœur Marguerite-Marie ne com-prit pas tout de suite et tandis que,plus tard, elle réfléchissait au sensde ces paroles, elle entendit unevoix intérieure qui lui dit: «Viens, jet’apprendrai». À ce moment, rap-pelle la sainte, Jésus s’approchad’elle et lui apporta une grandepaix. C’est lui qui penserait à tout.

Son amour pour Jésus la pous-sait à passer en prière, devant leSaint-Sacrement, beaucoup plusd’heures que ses consœurs, quicommençaient à la regarder avecméfiance et soupçon; elles pen-saient qu’elle voulait se faire re-marquer; elles lui réservaient doncles travaux les plus humbles pourlui garder “les pieds sur terre”.Elles l’envoyaient, par exemple,dans le pré du monastère surveillerune ânesse avec son ânon pour lesempêcher d’aller brouter dans lepotager. Une fois, sœur Margueri-te-Marie, plongée dans sa prière,oublia sa tâche mais cependant, àla grande surprise des autres

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Foi et dévotion

À vingt-deux ans, elle reçut la confirmation et ajouta à son nom de baptême celui de Marie. Quelques années plus tard, aprèsavoir fini par vaincre les résistances familiales,elle réussit à réaliser son rêve de se faire sœuret entra au monastère de la Visitation de Paray-le-Monial, le 25 mai 1671

Marguerite-Marie entre au monastère de la Visitation, le 25 mai 1671

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sœurs, les deux animaux ne firentaucun dégât.

La vie continuait, partagéeentre la prière et le travail. SœurMarguerite-Marie se vit confier l’in-firmerie du monastère et eut par-fois à souffrir de la dureté avec la-quelle les supérieures la traitaient.Marguerite ne répondait pas auxaccusations et cherchait à êtreobéissante dans toutes les petiteschoses.

Disciple préférée du Sacré-CœurTout cela fut le prélude à la pre-mière apparition et révélation duSacré-Cœur à Sœur Marguerite-Marie et à la mission qui lui futconfiée de le faire connaître aumonde. Celles-ci eurent lieu le 27décembre 1673: «Mon div inCœur», lui dit Jésus, «est si pas-s ionné d’amour pour leshommes, et pour toi en particu-lier, que ne pouvant plus conteniren lui-même les flammes de son

ardente charité, il faut qu’il les ré-pande par ton moyen et qu’il semanifeste à eux pour les enrichirde ses précieux trésors que je tedécouvre et qui contiennent lesgrâces sanctifiantes».

Jésus lui apparut beaucoupd’autres fois par la suite. Pendantune apparition de 1674, Jésus luidemanda deux choses simples etconcrètes: communier tous lespremiers vendredis du mois etpasser une heure en prière tousles jeudis, de 23 à 24 heures, ensouvenir de ses souffrances auJardin des Oliviers et pour de-mander miséricorde pour les pé-cheurs. Prière et sacrements,donc: les voies ordinaires qui ou-vrent à la grâce de Dieu. C’est-à-dire au Sacré-Cœur.

À ces recommandations, Jésusjoignit, pour tous ceux qui les au-raient suivies, des promesses qu’ildemanda à Sœur Marguerite-Ma-rie de faire connaître au monde.Marguerite ne savait comment fai-

re, entourée comme elle l’était parla méfiance de ses consœurs qui nela laissaient même pas dessinerune image du Sacré-Cœur et l’ex-poser publiquement. Mais Jésusl’encourageait. Dans l’une de sesapparitions Il lui dit: «Ne crainsrien. Je régnerai malgré mes enne-mis et tous ceux qui s’y voudrontopposer». «Ce qui me consolaitbeaucoup», ajoute la sainte dansson autobiographie, «puisque je nedésirais que de le voir régner. Je luiremis donc le soin [de] défendre sacause et ce pendant que je souffri-rais en silence».

Et de fait, très vite, une aide luifut offerte en la personne du pèrejésuite Claude La Colombière, quifut pendant des années son direc-teur spirituel et reconnut commeinspirées par Dieu les révélationsqu’elle avait reçues. Il l’encoura-gea, soutint sa cause auprès dessupérieures de la Visitation et de-vint lui aussi apôtre de la dévotionau Sacré-Cœur.

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Sainte Marguerite-Marie Alacoque

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Marguerite-Marie, plongée dans la prière, oublie de veiller à ce que l’âne et son ânonn’aillent pas brouter dans le potager dumonastère. Mais les animaux ne font aucun dégât

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Peu à peu, durant la vie desainte Marguerite-Marie, d’abordson monastère, puis des familles,enfin un très grand nombre degens adhérèrent à la dévotion auSacré-Cœur. Une dévotion qui,après sa mort, connut une diffu-sion si extraordinaire que, moinsde cent ans après sa disparition,Clément XIII, à qui l’on avait de-mandé d’instituer pour toute l’É-glise une fête du Sacré-Cœur, ap-prit avec étonnement qu’exis-taient déjà dans le monde 1090confraternités qui lu i étaientconsacrées, et accorda cette fêtele 6 février 1765.

Ce fut ensuite Léon XIII qui re-cueillit pleinement le message desainte Marguerite-Marie en consa-crant le monde entier au Sacré-Cœur, le 11 juin 1899. Vingt ansplus tard, à Paris, sur la colline deMontmartre, où saint Denis avait su-bi le martyre avec ses compagnons,fut consacrée la grande basilique duSacré-Cœur qui domine Paris.

Parallèlement à tous ces actespublics, se répandit toujours pluslargement dans le monde catho-lique la dévotion au Sacré-Cœur.

Quant à Marguerite-Marie, ellereçut dans les dernières années desa vie une demande croissante de

conseils spirituels et la visite d’unnombre toujours plus important depersonnes qui voulaient la voir,toucher celle qui avait vu et touché,comme saint Thomas, le Cœur deJésus. Mais cela ne faisait qu’aug-menter son désir de vivre à l’écart,une aspiration qu’elle avait résu-mée dans cette formule: «Tout deDieu et rien de moi ! Tout à Dieu etrien à moi. Tout pour Dieu et rienpour moi!». Formule qui était sasimple réponse à ces paroles queJésus lui avait adressées directe-ment peu de temps auparavant:«Je suis ta vie, et tu ne vivras plusqu’en moi et par moi». q

Foi et dévotion

Dans l’une de ses apparitions Il lui dit: «Ne crains rien. Je régnerai malgré mes ennemis et tous ceux qui s’y voudront opposer». «Ce qui me consolait beaucoup», ajoute la sainte dans son autobiographie,«puisque je ne désirais que de le voir régner. Je lui remis donc le soin [de]défendre sa cause et ce pendant que je souffrirais en silence»

Marguerite-Marie, maîtresse des novices, reçoit d’elles, en cadeau, un dessin du Sacré-Cœur

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Sainte Marguerite-Marie Alacoque

Promesses du Sacré-CœurDans les écrits de sainte Marguerite-Marie Alacoque se trouvent de nombreuses promesses faitespar Jésus aux dévots du Sacré-Cœur. La liste de ces promesses, déduite des lettres de la sainte etprésentée ci-dessous, nous rappellent de façon synthétique et facile les grâces liées à cette dévotion

Je concèderai les grâces nécessaires à leur état de vie. Je mettrai et conserverai la paix dans leurs familles, je les consolerai dans les afflictions. Je serai leur refuge dans la vie et spécialement dans la mort. Je répandrai dʼabondantes bénédictions sur tous leurs travaux et entreprises. Les pécheurs trouveront dans mon Cœur la source et lʼocéan infini de la miséricorde. Les âmes tièdes deviendront pleines de ferveur. Les âmes ferventes sʼélèveront rapidement à une grande perfection. Ma bénédiction descendra dans les lieux où sera exposée et vénérée

lʼimage de mon Sacré-Cœur. Aux prêtres et à ceux qui agissent pour le salut des âmes, je donnerai la grâce dʼémouvoir

les cœurs les plus endurcis. Les personnes qui propagent cette dévotion auront leur nom inscrit pour toujours dans

mon Cœur. À tous ceux qui communieront les premiers vendredis de neuf mois consécutifs je

donnerai la grâce de la persévérance finale et du salut éternel.

Jésus apparaît à Marguerite-Marie

Le pape Clément XIII institue le 6 février 1765 la fête du Sacré-Cœur et Paray-le-Monial devient un lieu de pèlerinage

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par Lorenzo Cappelletti

I l est toujours embarrassant de se citer soi-même. Écrire une introduction à ceque l’on a écrit, l’est encore plus. Mais, comme il ne s’agit pas d’une affaire per-sonnelle, mettons l’embarras de côté et venons-en tout de suite au fait: pour-

quoi proposons-nous à nouveau cet article dont le sujet avait été déterminé à l’ori-gine par la publication, dans le contexte de tragiques événements de guerre, d’unlivre sur la crypte de la cathédrale d’Anagni? Parce que, au-delà de ces faits contin-gents, cet article, dans la mesure où il se présente comme une lecture à la lettre del’une des plus belles représentations picturales des versets de l’Apocalypse deJean relatifs à l’ouverture des sceaux (à l’exclusion, significativement, du septiè-me), peut aussi nous aider à lire le moment présent. C’est d’ailleurs la raison pourlaquelle, durant le premier millénaire chrétien surtout, on a utilisé l’Apocalypse deJean comme clef de lecture du temps qui se situe entre la Résurrection de NotreSeigneur et son retour. Du temps, donc, qui est aussi le nôtre.

Eh bien, que nous dit aujourd’hui le texte johannique accompagné de la douceet poétique illustration picturale?

Beaucoup de choses mais d’abord que les événements de l’histoire, mystérieu-sement et pourtant réellement, n’ont pas d’autre fil conducteur que la réaction àl’inexorable victoire de Jésus-Christ (qui a vaincu et vainc encore) sur la guerre fra-tricide des hommes, sur l’enfer et sur la mort. Il est légitime d’aller à la recherchedes multiples causes et effets des faits historiques, mais il faut tenir compte que,dans ces faits, se reflète toujours un conflit qui a à voir avec la rébellion contre la vic-toire du Christ et son accueil. Conflit qui est tellement profond et universel qu’il nepeut être totalement exprimé ni compris dans le langage de la prose mais doit em-prunter la forme des images surdimensionnées de l’Apocalypse de Jean.

A R T S A C R É

«… puis Il sortitvainqueur, et pourvaincre encore»

(Apocalypse 6, 2)

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Paradoxalement, la raison de la réaction à la victoire inexorable du Christ est quecette dernière Le révèle Lui, elle ne révèle pas un mystère de mort mais de salut, ellene fait pas peur mais met fin à la peur, elle est inexorable mais miséricordieuse, elleest définitive mais patiente. Voilà pourquoi «Jésus invite à ne pas se laisser ef-frayer», écrivait le cardinal Martini le dimanche 27 mars, sur la première page duCorriere della Sera.

Il est intéressant, de ce point de vue, de noter que, selon la lettre du texte del’Apocalypse de Jean, l’ouverture du sixième sceau, qui marque l’imminence de lafin (cf. Ap 6, 12-17), n’est pas suivie de la fin mais de l’ordre donné aux quatre angesqui se trouvent aux quatre coins de la terre de retenir les vents de destruction pourqu’ils ne dévastent ni la terre ni la mer ni les plantes tant que n’a pas été imprimé lesceau du Seigneur sur le front de ses serviteurs (cf. Ap 7, 1-3). Que le Seigneur, quiest patient et miséricordieux, nous donne la paix! Bonne lecture.

30JOURS N.3 - 2011 55

Novavetera

et

Le Christ victorieux de la guerre fratricide, de l’enfer et de la mort, sous la figure du premier des quatre cavaliersde l’Apocalypse, fresque du XIIIe siècle conservée dans la crypte de la cathédrale d’Anagni, Frosinone, Italie

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A R T S A C R É

Q uand l’Agneau ouvrit le premier dessept sceaux, je vis et j’entendis le pre-mier des quatre Vivants crier comme

d’une voix de tonnerre: «Viens!». Et voici qu’ap-parut à mes yeux un cheval blanc; celui qui lemontait tenait un arc; on lui donna une cou-ronne, puis Il sortit vainqueur, et pour vaincreencore.

Lorsqu’il ouvrit le deuxième sceau, j’enten-dis le deuxième Vivant crier: «Viens!». Alorssurgit un autre cheval, rouge-feu; celuiqui le montait, on lui donna debannir la paix hors de la terre etque l’on s’égorgeât les uns lesautres; on lui donna unegrande épée.

Lorsque l’Agneau ou-vrit le troisième sceau,j’entendis le troisièmeVivant crier: «Viens!». Etvoici qu’apparut à mesyeux un cheval noir; celuiqui le montait tenait à lamain une balance; et j’en-tendis comme une voix dumilieu des quatre Vivants quiannonçait: «Un litre de blé pour undenier, trois litres d’orge pour un de-nier! Quant à l’huile et au vin, ne les gâche pas!».

Lorsque l’Agneau ouvrit le quatrième sceau,j’entendis le cri du quatrième Vivant: «Viens!».Et voici qu’apparut à mes yeux un cheval ver-dâtre; celui qui le montait, on le nommait laPeste; et l’Hadès le suivait.

Alors, on leur donna pouvoir sur le quart de laterre, pour exterminer par l’épée, par la faim, parla peste, et par les fauves de la terre.

Lorsque l’Agneau ouvrit le cinquième sceau,j’aperçus sous l’autel les âmes de ceux qui furentégorgés pour la parole de Dieu et le témoignagequ’ils avaient rendu. Ils se mirent à crier à touteforce: «Jusques à quand, Maître saint et vrai, tar-

deras-tu à faire justice, à tirer vengeance de notresang sur les habitants de la terre?». Alors on leurdonna à chacun une robe blanche en leur disantde patienter encore un peu, le temps que fussentau complet leurs compagnons de service et leursfrères qui doivent être mis à mort comme eux.

Lorsque l’Agneau ouvrit le sixième sceau,alors il se fit un violent tremblement de terre, etle soleil devint aussi noir qu’une étoffe de crin, etla lune devint tout entière comme du sang, et les

astres du ciel s’abattirent sur la terre com-me les figues avortées que projette

un figuier tordu par la bour-rasque, et le ciel disparut

comme un livre qu’on rou-le, et les monts et les îless’arrachèrent de leur pla-ce; et les rois de la terre,et les hauts person-nages, et les grands ca-pitaines, et les gens enri-chis, et les gens in-

fluents, et tous enfin, es-claves ou libres, ils allèrent

se terrer dans les cavernes etparmi les rochers des mon-

tagnes, disant aux montagnes etaux rochers: «Croulez sur nous et ca-

chez-nous loin de Celui qui siège sur le trône etde la colère de l’Agneau». Car il est arrivé leGrand Jour de sa colère, et qui donc peut tenir?

Après quoi j’aperçus quatre Anges, deboutaux quatre coins de la terre, retenant les quatrevents de la terre pour qu’il ne soufflât point devent ni sur la terre, ni sur la mer, ni sur aucunarbre. Puis j’aperçus un autre Ange monter del’Orient, portant le sceau du Dieu vivant; il criad’une voix puissante aux quatre Anges auxquelsil fut donné de malmener la terre et la mer: «At-tendez pour malmener la terre et la mer et lesarbres, que nous ayons marqué au front les ser-viteurs de notre Dieu».

L E S V E R S E T S 6 , 1 - 7 , 3 D E L ’ A P O C A L Y P S E

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veteraNovaetNovaetArchives de 30Giorn i - Mars 2002

par Lorenzo Cappelletti

Le cycle apocalyptique peint à fresque dans la crypte de la cathédraled’Anagni représente à la fois la victoire que le Christ a acquise

et la guerre qu’il poursuit contre la guerre, l’enfer et la mort

A pocalyptiques ou intégrés?Face à cette alternative, quin’est en rien alternative entre

l’utopie et l’acquiescement, l’Apo-calypse prétend depuis toujours je-ter une lumière plus vraie sur lesévénements de l’histoire: un point

de vue incommensurable et pour-tant suprêmement réaliste, ni apo-calyptique ni intégré. Aujourd’hui,face aux roulements de tamboursd’une guerre plus grande que nous,nous en sentons plus que jamais lanécessité.

Le mot “apocalypse”, comme lesavent tous ceux qui ont quelque no-tion, même vague, de l’Écrituresainte, signifie révélation, démons-tration, dévoilement. «Révélation deJésus-Christ: Dieu la lui donna pourmontrer à ses serviteurs ce qui ¬

30JOURS N.3 - 2011 57

La cuvette de l’abside principale avec, au centre, l’Agneau de l’Apocalypse entouré des quatre Vivants et des vingt-quatre vieillards

ECCE CRUCEM DOMINI

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doit arriver bientôt», dit le premierverset de l’Apocalypse, repris de fa-çon presque identique à la fin du tex-te (Ap 1,1 et 22,6). Jésus Christ, «letémoin fidèle, le Premier-né d’entreles morts, le Prince des rois de la ter-re» (Ap 1,5), montre après sa victoi-re à l’apôtre Jean qui, transportéhors de l’histoire, «tombe en exta-se», ce qui arrive réellement dansl’histoire. Comme l’écrivait le grandexégète Heinrich Schlier au débutd’un célèbre essai sur l’Apocalypsedont nous avons publié des extraitsil y a quelques années (cf. 30Jours,n° 6, mai 1995, p. 65-68): «L’Apo-

calypse selon saint Jean est le seullivre du Nouveau Testament qui aitpour sujet l’histoire. Aussi la ré-flexion chrétienne autour de l’histoi-re s’est-elle essentiellement nourried’une méditation sur ce texte». Ré-flexion qui s’est exprimée, au coursdes siècles, à travers les mots maisaussi à travers les images et les cou-leurs.

À Anagni, dans la crypte de la ca-thédrale de cette ville fatidique, unesérie de fresques entreprises àl’époque où commençaient à se ré-pandre les élucubrations sur l’histoi-re de Joachim de Flore († 30 mars

1202), constitue une magnifiqueillustration d’une conception de l’his-toire qui est encore l’expression de laméditation traditionnelle sur l’Apo-calypse et dont le De civitate Dei deSaint Augustin représente le modè-le. Jusqu’à la rupture opérée parJoachim de Flore avec sa visiond’une histoire divisée en trois âgessuccessifs – l’âge du Père, celui duFils et celui du Saint Esprit –, il n’étaitpas même concevable que l’avène-ment historique du Christ pût êtresuivi dans le temps de l’histoire d’unautre âge, celui de l’Esprit, porteurd’une grâce plus grande. L’avène-

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A R T S A C R É

L’ouverture des quatre premiers sceaux représentée à droite de la cuvette de l’abside principale

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ment du Christ étaitconsidéré comme le dé-but de la fin du monde.Pour la réflexion d’inspi-ration augustinienne outhomiste, «le Christ n’estpas la charnière de l’his-toire qui marque le dé-but d’un monde trans-formé et racheté et la find’une histoire non ra-chetée qui aurait duréjusque-là; pour elle, leChrist est plutôt le prin-cipe de la fin. Il est la “ré-demption” dans la mesure où, avecLui, la fin commence à resplendirdans l’histoire. La rédemptionconsiste (du point de vue historique)dans cette phase qui a commencéalors que l’histoire, si l’on peut dire,procède “per nefas” pour un certaintemps encore, conduisant l’âge an-cien de ce monde à sa fin» (J. Ratzin-ger, Die Geschichtstheologie desheiligen Bonaventura, Schnell &Steiner, 1959, p. 108) .

C’est justement parce qu’il veutêtre une lecture du temps de l’Églisecomme temps final sub gratia etnon l’image du dépassement de cetemps, que le cycle apocalyptiqued’Anagni n’est constitué que descènes tirées des douze premierschapitres de l’Apocalypse et, parmiles trois septénaires qui se suivent(des sceaux, des trompettes et descoupes), il choisit de ne représenterque le premier, celui des sceaux, ens’arrêtant à l’ouverture du septièmesceau. C’est-à-dire qu’il choisit des’arrêter à la proclamation du juge-ment et de ne pas se pencher sur lesaspects plus imaginatifs de la pro-mulgation et de l’exécution de celui-ci. (Probablement les «instrumentspolitiques et spirituels puissants etdépravés» [Schlier], qui, aujourd’hui,semblent réaliser à la lettre certainesvisions prophétiques des chapitres13-18 de l’Apocalypse, n’étaient-ilspas encore arrivés à leur plus hautpoint de perfection).

Ainsi, dans une version picturalepleine de grâce, est représentéeavec une harmonie et un équilibreextrêmes le caractère inexorable dela victoire remportée par Jésus-Christ ainsi que les éléments d’unelutte qui, certes, se poursuit encore,mais qui ne peut plus faire peur. En

effet, à Anagni, laguerre et la mort (Ap6,4-8) ferment lesyeux effrayées, lesastres qui changent decouleur (Ap 6,12) sontdeux petites boules surlesquelles un Angesouffle paisiblement,le dragon aux dixcornes (Ap 12,3) estun petit dragon sousles pieds d’un suaveArchange, tandis quetout l’honneur, la force

et la beauté sont réservés à Celui quisiège sur le trône, à l’Agneau et àceux qui partagent sa victoire et por-tent la couronne royale des vain-queurs, aux vingt-quatre vieillards,aux vierges et aux martyrs alignés enun ordre parfait, quasi musical.

Le Christ est la manifestation d’une force victorieuse sur le mondeAu centre de l’ensemble pictural,au cœur de la cuvette de l’abside,au milieu des quatre Vivants et desvingt-quatre vieillards, se trouve le

vainqueur, l’Agneau représentédans l’acte de briser les sept sceauxdu livre que personne, avant sa vic-toire, n’était en mesure d’ouvrir.Une impossibilité qui faisait pleurerJean, et qui nous fait toujours pleu-rer nous aussi devant le mystère hu-mainement inex plicable de l’histoi-re. Mais «il a remporté la victoire lelion de la tribu de Juda, le Rejetonde David, il ouvrira donc le livre»(Ap 5,5), lit-on sur les pages ou-vertes du livre. Ne pleurez plus!

À droite et à gauche de l’absidecentrale, sur un arc triomphal aty-pique et sur les voûtes et les arcs quilui sont adjacents, sont représen-tées des scènes qui correspondent àl’ouverture de chacun des sceaux.On part, à droite, de la représenta-tion des quatre cavaliers que l’onvoit apparaître à l’ouverture desquatre premiers sceaux. Des cava-liers bien peu apocalyptiques, en cesens qu’ils ne se présentent pascomme les symboles de quatreforces équivalentes et souverainesde destruction. Des forces qui fe-raient coïncider le dévoilement finalavec la destruction finale, le but

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Le début de la construction de lacathédrale dʼAnagni dans sa for-me actuelle remonte à saint Pierrede Salerne, évêque dʼAnagni de1062 à 1105.

Les murs de sa crypte sont re-couverts de lʼun des plus impor-tants cycles de fresques duMoyen Âge central italien. Il sʼagitde plus de cinquante tableaux etdʼune quantité innombrable de dé-corations appartenant à un projetunique, réalisé par des maîtres etdes ateliers divers. Il est plausibleque lʼatelier de celui que lʼon ap-pelle le Premier maître, auquel re-monte la totalité du cycle apoca-lyptique et à qui avait peut-être étéattribuée au début la réalisationde lʼensemble du projet, ait tra-vaillé à lʼépoque dʼInnocent III, enaccord avec la sensibilité et le ma-gistère de ce Pape.

La cathédrale d’Anagni et sa crypte

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A R T S A C R É

avec la fin. Non. À la diffé-rence de ce que continue àsoutenir une critique si ti-morée que, dans la craintede se perdre en perdant sespréjugés, elle n’ose pas mê-me regarder la réalité telle

qu’elle est, il s’agit, en fait, se-lon l’interprétation traditionnelle

fondée sur la coordina-tion des versets Ap 6,1-2avec Ap 19,11-16, de lalutte instaurée par le pre-mier cavalier contre lestrois autres. Le premierdes quatre cavaliers (quimonte un cheval blanc,est couronné et porte unarc, selon la lettre de Ap 6,2)est revêtu d’un manteau teint deson sang, et sa tête est entourée del’auréole de la gloire divine, selon lalettre de Ap 19,13: il est le Verbe deDieu, le Roi des Rois, le Seigneurdes Seigneurs qui, selon ce que ditla Vulgate, (Ap 6,2) exivit vincensut vinceret, est sorti victorieuxpour vaincre ce qui reste à vaincre.Le Christ a vaincu, c’est le Christqui vainc encore. «D’où sortit-il, sice n’est du livre ouvert?», écrivaitAmbroise Authpert, l ’abbé dugrand monastère carolingien deSan Vincenzo al Volturno, dont lacrypte contient un autre mer-veilleux cycle de fresques du hautMoyen Âge, inspirées de son com-mentaire de l’Apocalypse. Le che-

Ci-dessus, dans l’arc, l’Ange qui monte de l’Orient demande en criant de ne riendévaster tant que le sceau de Dieu vivantn’aura pas été imprimé sur le front de sesserviteurs; à gauche, dans la voûte qui surmonte l’arc, les Anges placés aux quatre coins de la terre retiennent les vents de destruction

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val blanc, en effet,semble presque sortirde l’abside principaledans laquelle l’Agneauouvre les sceaux ets’apprête à décocherun flèche en directiondu second cavalier qui,épouvanté, s’enfuit ense retournant.

Le premier cavalierexprime l’idée d’unevictoire inexorable. Lecheval est au pas, etcelui qui le monte tendson arc avec un grand calme. Sonregard manifeste de la fermetémais aucune agressivité. Le se-cond cavalier n’a plus qu’à s’enfuirau galop. Ce n’est pas la guerre quiterrasse, c’est elle qui semble ter-rassée et qui doit fuir en faisanttournoyer à deux mains sa grandeépée pour se défendre. Mais cetteépée, aussi immense qu’elle soit,n’assure pas sa défense. Et, en ef-fet, elle lui a été donnée pour atta-quer, pour «bannir la paix hors dela terre et pour que l’on s’égorgeâtles uns les autres» (Ap 6,4). Com-ment se défendre maintenantcontre une flèche?

Dans la partie basse de ce mê-me tableau, la mort a le même re-gard effrayé que la guerre. Elles’enfuit au galop sur un cheval decouleur terreuse, poursuivie par undémon nu et ailé qui chevauchel’enfer sombre en tenant en mainsune grande balance avec laquelle ilpèse sans pitié. De même que laguerre est poursuivie par le Roi vic-torieux et cherche à fuir devant lui,de même la mort tente d’échapperà l’enfer, à la seconde mort. L’au-teur du cycle explique avec soin,par un vers transcrit au bas du ta-bleau, qu’il s’agit de deux couplesde cavaliers: Has per picturas bisbinas disce figuras (comprends lespersonnages représentés dans cespeintures deux par deux). Mais leparallèle est partiel: l’enfer et lamort sont à leur tour poursuivis parle premier cavalier. Ils sont desti-nés à être jetés dans l’étang de feu(Ap 20,14).

Loin, donc, de nous trouver de-vant un tableau de destruction tota-le et de peur généralisée (que l’onattribue communément à la vision

que le Moyen Âgecentral se fait del’Apocalypse maisqui, en réalité, corres-pond plutôt à la lectu-re mil lénariste etd’inspiration gnos-tique qu’a introduiteJoachim et qui a pré-valu par la suite), nousavons en face de nousla représentationd’une force qui est vic-torieuse du monde etqui, en continuant à

vaincre, assure avant tout la paix.Ce thème se poursuit et se pré-

cise dans la voûte qui domine la re-présentation des quatre cavaliers.Là, quatre Anges, situés sur lesquatre côtés d’un tableau tout pi-queté de fleurs, terrassent quatre fi-gures cornues et ailées. Il ne s’agitpas de la lutte allégorique du bien etdu mal, comme l’a si souvent dit lacritique en prenant pour la réalitéses fantasmatiques préjugés nés deses conceptions manichéennes,mais de la sauvegarde, par la lutte

contre les vents de destruction, desconditions qui permettent la vie surterre, selon la lettre de Ap 7,1. Laréalité naturelle, comme la paix, estpréservée par le Roi victorieux etmiséricordieux: Tu, victor Rex, mi-serere. Quelle distance entre lalettre de l’Apocalypse et l’interpré-tation hallucinée de ceux qui ontdes fantasmes en tête et de la haineau cœur: «Après quoi j’aperçusquatre Anges, debout aux quatrecoins de la terre, retenant lesquatre vents de la terre pour qu’ilne soufflât point de vent ni sur laterre, ni sur la mer, ni sur aucunarbre. Puis j’aperçus un autre Angemonter de l’Orient, portant lesceau du Dieu vivant; il cria d’unevoix puissante aux quatre Angesauxquels il fut donné de malmenerla terre et la mer: “Attendez pourmalmener la terre et la mer et lesarbres, que nous ayons marqué aufront les serviteurs de notre Dieu”»(Ap 7, 1-2). Et, en effet, un autreAnge montant presque du bas del’arc soutenant la voûte, indique uncartouche sur lequel sont inscrits

La voûte VIII qui représente la promesse (qu’Abraham reçoit après la bénédiction deMelchisédech représentée dans la voûte adjacente) d’une descendance aussi nombreuseque les étoiles du ciel

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ECCE CRUCEM DOMINI

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ces mots et porte une croix de pro-cession dont pendent l’alpha etl’oméga.

Cette croix est-elle seulementl’attribut iconographique de l’An-ge qui permet de l’identifier? Est-ce un détail sans signification par-

ticulière? Non, cette croix fine (qui«est le signe de la Trinité que nousrecevons tous dans le baptême»,écrivait saint Bruno, évêque de Se-gni, en commentaire de ce versetde l’Apocalypse), est la raison der-nière de la fresque de toute cette

travée. Le but de la guerre que leRoi victorieux mène contre laguerre, de même que l’ordre pé-remptoire donné par l’Ange por-tant le sceau de suspendre toutedestruction (qui n’est en réalitéqu’une autre façon de dire de nou-veau “Christ ressuscité”, commele disent Beda, Ambroise Authpertet beaucoup d’autres), c’est depermettre, grâce au baptême,qu’une sublime descendance, aus-si nombreuse que les étoiles, jouis-se, selon la promesse, d’une félici-té céleste, incommensurable: pro-missa posteritas caelesti felicita-te sublimis, écrit Augustin (De ci-vitate Dei 16,23).

Dans la crypte d’Anagni, ontrouve représenté plusieurs fois (aumoins trois) le sceau baptismal enforme de monogramme du nomdu Christ. Aucun critique n’a ja-mais jugé bon de le noter. Commesi la promesse faite à Abrahamd’être le père de beaucoup depeuples, d’une descendance aussinombreuse que les étoiles du ciel(cette promesse n’a pas, elle nonplus, été reconnue par la critiquedans la voûte VIII d’Anagni, uneméconnaissance qui fait sautertout le «mécanisme» du christianis-me, dirait Péguy) s’accomplissaitdans autre chose que le baptême;comme à Jérusalem Jésus le mur-mura cette nuit-là à Nicodème etcomme Pierre le répéta à voix hau-te après la mort et la résurrectiondu Christ: «Repentez-vous et quechacun de vous se fasse baptiser aunom de Jésus-Christ pour la rémis-sion de ses péchés, et vous rece-vrez alors le don du Saint-Esprit.Car c’est pour vous qu’est la pro-messe, ainsi que pour vos enfantset pour tous ceux qui sont au loin,en aussi grand nombre que le Sei-gneur notre Dieu les appellera» (Ac2,38 sq.).

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À gauche, la représentation del’ouverture du cinquième sceau: Jésus-Christ donne les étoles de la gloire aux âmes des martyrs

À gauche, les saints martyrs Nemesius,Saturninus et Abraham, une partie de lathéorie des dix-huit saints martyrs situésaux pieds du dragon de l’Apocalypse

A R T S A C R É

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veteraNovaetArchives de 30Giorn i - Mars 2002

Un temps brefSymétriquement à

cet ensemble descènes, on trouve repré-

sentée sur l’autre partiede l’arc triomphal qui en-cadre l’abside principale,

l’ouverture du cinquième etdu sixième sceau.

Du temps est encore ac-cordé, non seulement

pour que soient marqués parle sceau baptismal tous ceux

que le Seigneur appellera,mais aussi pour que soit au

complet le nombre de ceux quidoivent être tués propter VerbumDei et propter testimonium quodhabebant. En effet, aux âmes deceux qui furent immolés, c’est-à-di-re de ceux qui ont reçu le baptêmede sang dans le martyre et quicrient pour que justice soit finale-ment faite, il est demandé «de pa-tienter encore un peu [tempus mo-dicum] jusqu’à ce que soit au com-plet le nombre de leurs compa-gnons de service et de leurs frèresqui doivent être mis à mort commeeux» (Ap 6,11). Pour leur donner lapatience d’attendre, Celui qui siègesur le trône les revêtd’étoles de gloire blan-chies dans le sang del’Agneau. Une foisqu’ils les auront reçues,ils pourront attendredans la paix que soitcomplété le nombredes martyrs et qu’arri-ve ainsi le moment durachat définitif.

Mais ce temps del’attente est bref, letemps de l’histoire estun tempus modicum.

«Le Seigneur ne retarde pasl’accomplissement de sa pro-messe […]. Ce bref intervallede temps nous semble long par-ce qu’il dure encore; quand il se-ra terminé, nous nous aperce-vrons de combien il était bref»(saint Augustin, Commentaire àl’Évangile de Jean 101,6).Après la victoire du Christ, ilne reste que peu de temps. Eneffet, à l’ouverture du sixièmesceau, le soleil et la lune sur lefront de l’arc de gauche, chan-gent de couleur et un Ange seprépare à souffler un vent quiprécipite sur la terre les étoiles duciel comme le fait la bourrasqueavec les fruits du figuier; et unautre Ange tient l’encensoir d’orà travers lequel, comme monte leparfum des prières des saints,descendra d’ici peu sur la terre lefeu de la colère de Celui qui siègesur le trône et de l’Agneau.

Si l’attente enseigne la patienceà ceux qui réclament que justicesoit faite, elle suscite au contrairechez le dragon une «furieuse volon-té de puissance née de l’angoissedu temps qui lui échappe», écrivait

Schlier dans l’essai ci-té précédemment. Il yavait jadis, à Anagni,à côté du dragon del’absidiole de droite,comme dans la splen-dide fresque de l’inté-rieur de l’église de Ci-vate, sur le mont Pe-dale, non loin de Lec-co (Lombardie), unereprésentation au-jourd’hui perdue del’Ascension du Sei-gneur, c’est-à-dire

Ci-dessus, dans l’arc, la représentationde l’ouverture du sixième sceau; ci-dessous, dans la cuvette absidiale dedroite, l’Archange Michel soumet le dragon de l’Apocalypse

¬

ECCE CRUCEM DOMINI

FUGITE PARTES ADVERSAE...

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de ce que l’Apocalypse appelle«l’enlèvement de l’enfant jusqu’au-près de Dieu et de son trône» (Ap12,5). C’est en effet «avec l’Ascen-sion de Jésus-Christ au ciel», conti-nue Schlier, «que le dragon, figurede Satan, puissance absolue dudespotisme, est jeté sur la terre».

Une fois jeté sur la terre parl’Ascension du Seigneur, le dragon«se lance à la poursuite de la fem-me» (Ap 12,13) qui réussit à s’en-fuir sur les ailes d’un aigle (nous laretrouvons en effet avec son fils etprès de Jean dans l’absidiole degauche). Alors, le dragon «s’en vaguerroyer contre le reste de ses en-fants, ceux qui obéissent aux ordresde Dieu et possèdent le témoigna-

ge de Jésus» (Ap 12,17). Et en ef-fet, à Anagni, le dragon se trouvedu côté des dix-huit saints martyrs,c’est-à-dire de ceux qui sont en pos-session du témoignage de Jésus,puisque, comme le disent tous lesPères et les écrivains médiévaux, lenombre 18 est la valeur numériquedes initiales IE du nom de Iesus (lechiffre de la bête en est une grossiè-re contrefaçon: 666). Il y a aussidix-huit saints martyrs représentéssur les fresques de Civate, à l’inté-rieur de la coupole du ciborium:«C’est pourquoi ils sont devant letrône de Dieu, le servant jour et nuitdans son temple; et Celui qui siègesur le trône étendra sur eux sa ten-te» (Ap 7,15).

A R T S A C R É

Dans l’abside de gauche, Marie Virgo virginum est entourée de deux vierges saintes et des deux témoins de l’Apocalypse, les vierges Jean Baptiste et Jean l’Évangéliste,placés sur l’arc triomphal; dessous, les vierges saintes pèlerines Aurelia et Noemisiareprésentées dans la zone absidiale de gauche

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Mais les martyrs ne sont pas lesseuls à mourir – c’est-à-dire à révé-ler de façon réelle, comme l’écritSchlier, «l’anachronisme d’unmonde qui, aujourd’hui encore,prétend s’affirmer lui-même» – et,par leur mort, à «rendre accessible,à leurs ennemis mêmes, l’avenirentrouvert par le Christ». Lesvierges elles aussi meurent, enobéissant. C’est à celles-ci qu’estconsacrée toute la partie de l’absi-diole de gauche. Elles entourentMarie, Vierge des vierges: Te ni-mis implorant virgo iubilant etadorant. Dum tibi subduntur na-tum moriendo secuntur. Ces vers,qui rappellent l’hymne ambrosien“Iesu corona virginum”, courentdans l’absidiole de gauche sur labande qui sépare la Vierge avecl’Enfant (entourée de deux viergessaintes et des deux Jean, en haut),de l’histoire de Secundina, vierge

et martyre, en bas. «Combien ont’implore, combien on te loue et onte vénère, ô Vierge. Tandis qu’onse soumet à toi, on suit en mourantton Fils». C’est, en fait, ce que dési-rent et vivent tous les pauvres pé-cheurs, ni vierges ni martyrs, qui,ayant part à l’amour victorieux duChrist, ont regardé pendant dessiècles avec repentir et dévotion lesvisages de la crypte d’Anagni.«Quand je pense qu’un homme, unjeune, un individu ne peut épouserune femme sinon par amour de Jé-sus-Christ – il me semble que j’aidéjà prononcé ces mots: sinon paramour de Jésus-Christ –, quand ondit cela, on sent toute l’immensité –immensité veut dire non commen-surable –, l’incommensurabilitéd’un point de vue, qui est “le” pointde vue, mais aussi le point de re-naissance, de naissance de la re-naissance» (Luigi Giussani). q

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