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adsp n° 28 septembre 1999 15 Soins palliatifs et accompagnement coordonné par Jean Kermarec Pneumologue, profes- seur agrégé du Val de Grâce, vice-président de l’Association pour le développement des soins palliatifs fondatrice une thérapeutique palliative contre la douleur et les symptômes d’inconfort et un accompagnement où sont impliqués tous les intervenants regroupées avec la famille dans une équipe interdisciplinaire >p. 16. Une prise en charge précoce rend moins difficile l’accompagnement terminal >p. 18. 150 000 personnes sur 550 000 décédées dans l’année nécessiteraient des soins palliatifs. La prise en charge palliative s’améliore à l’hôpital, où ont lieu 70 % des décès, avec l’augmentation du nombre des unités de soins palliatifs et d’équipes mobiles >p. 20 mais aussi avec le développement de l’esprit soins palliatifs dans les services clini- ques. À domicile des structures adaptées aident les malades à rester chez eux >p. 21. L’accompagnement du malade et de sa famille demande de la part des intervenants coopération et complémentarité. L’équipe soignante doit associer compétence et maturité >p. 24. Le malade qui s’en va est d’autant plus angoissé qu’il a tant d’affaires à régler aux plans matériel et social >p. 25, aux plans psychologique et spirituel >p. 26. À cet égard les accompagnants bénévoles, en équipe, peuvent jouer un rôle important quand ils présentent des garanties de fiabilité >p. 28. Les modalités de prise en charge du malade varient suivant le lieu, domicile ou institution, et suivant le type de structures. À l’hôpital, l’unité de soins palliatifs est une unité autonome destinée à recevoir des malades en fin de vie et dont la conception architecturale réserve une large place à la famille >p. 32. L’équipe mobile de soins palliatifs, structure légère, ne disposant pas de lits est à la disposition de tous les services d’un hôpital pour des conseils techniques et une aide à l’accompagnement >p. 35. Une équipe mobile dans un centre anticancéreux suit un nombre plus important de malades, à un stade plus précoce où une thérapeutique curative est en cours d’où le nom d’équipe d’accompagnement et de soins continus >p. 37. Tous les services aigus se doivent de se préoccuper des malades en phase critique et de les garder en charge jusqu’à la fin s’ils le souhaitent avec l’aide éventuelle d’une équipe mobile >p. 38. En gériatrie les besoins sont immenses : certains centres comportant une USP contribuent à former des soignants qui diffuseront leur savoir-faire dans les services de soins de longue durée, les maisons de retraite >p. 46Au domicile, les soignants libéraux ont vocation à prendre en charge les malades en fin de vie, ce qui implique qu’ils acceptent de travailler en équipe >p. 39, l’idéal étant de constituer un réseau >p. 42. Ils peuvent aussi être aidés par une USP qui se met à leur service >p. 40. L’hospitalisation à domicile constitue une solution intermédiaire où l’hôpital intervient par une de ses équipes, mais le médecin référent qui reste le médecin de famille. En milieu urbain l’HAD ne concerne qu’un nombre limité de villes >p. 43, des expériences intéressantes se déroulent en milieu rural >p. 44, plus répandus sont les services de soins infirmiers à domicile de grande utilité. Le développement des soins palliatifs requiert l’implication des soignants et leur formation au cours des études de médecine >p. 51, de soins infirmiers, d’aides-soignants >p. 52 associant enseignement théorique et pratique. Le lecteur trouvera dans le cadre des tribunes, les principes éthiques qui sont enseignés à des étudiants en médecine >p. 54, si fondamentaux quand on est confronté à des problèmes tels que ceux posés par la mort des vieillards >p. 57. L’opportunité d’une coordination régionale des soins palliatifs est argumentée >p. 59. Les associations interviennent en affirmant une éthique de l’accompagnement, en sensibilisant le grand public, en mettant en place des bénévoles fiables >p. 62. La Société française d’accompagne- ment de soins palliatifs fédère tout le mouvement associatif au niveau national et international >p. 64. L es soins palliatifs visent à soulager toutes les composantes de la souffrance du malade menacé dans sa vie. Ils associent dossier

Soins palliatifs et dossier accompagnement coordonné par L CRMF finance la création des unités de soins palliatifs et un réseau de services de soins à domicile, dont les frais

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adsp n° 28 septembre 1999 15

Soins palliatifs etaccompagnement

coordonné parJean Kermarec

Pneumologue, profes-seur agrégé

du Val de Grâce,vice-président de

l’Association pour ledéveloppement

des soins palliatifsfondatrice

une thérapeutique palliative contre la douleur etles symptômes d’inconfort et un accompagnementoù sont impliqués tous les intervenants regroupéesavec la famille dans une équipe interdisciplinaire>p. 16. Une prise en charge précoce rend moinsdifficile l’accompagnement terminal >p. 18.150 000 personnes sur 550 000 décédées dansl’année nécessiteraient des soins palliatifs. La priseen charge palliative s’améliore à l’hôpital, où ontlieu 70 % des décès, avec l’augmentation dunombre des unités de soins palliatifs et d’équipesmobiles >p. 20 mais aussi avec le développementde l’esprit soins palliatifs dans les services clini-ques. À domicile des structures adaptées aidentles malades à rester chez eux >p. 21.L’accompagnement du malade et de sa familledemande de la part des intervenants coopérationet complémentarité. L’équipe soignante doitassocier compétence et maturité >p. 24. Lemalade qui s’en va est d’autant plus angoissé qu’ila tant d’affaires à régler aux plans matériel etsocial >p. 25, aux plans psychologique et spirituel>p. 26. À cet égard les accompagnants bénévoles,en équipe, peuvent jouer un rôle important quandils présentent des garanties de fiabilité >p. 28.Les modalités de prise en charge du maladevarient suivant le lieu, domicile ou institution, etsuivant le type de structures.À l’hôpital, l’unité de soins palliatifs est une unitéautonome destinée à recevoir des malades en finde vie et dont la conception architecturale réserveune large place à la famille >p. 32. L’équipe mobilede soins palliatifs, structure légère, ne disposantpas de lits est à la disposition de tous les servicesd’un hôpital pour des conseils techniques et uneaide à l’accompagnement >p. 35. Une équipemobile dans un centre anticancéreux suit unnombre plus important de malades, à un stadeplus précoce où une thérapeutique curative est encours d’où le nom d’équipe d’accompagnement et

de soins continus >p. 37. Tous les services aigus sedoivent de se préoccuper des malades en phasecritique et de les garder en charge jusqu’à la fins’ils le souhaitent avec l’aide éventuelle d’uneéquipe mobile >p. 38.En gériatrie les besoins sont immenses : certainscentres comportant une USP contribuent à formerdes soignants qui diffuseront leur savoir-faire dansles services de soins de longue durée, les maisonsde retraite >p. 46…Au domicile, les soignants libéraux ont vocation àprendre en charge les malades en fin de vie, ce quiimplique qu’ils acceptent de travailler en équipe>p. 39, l’idéal étant de constituer un réseau >p.42. Ils peuvent aussi être aidés par une USP qui semet à leur service >p. 40.L’hospitalisation à domicile constitue une solutionintermédiaire où l’hôpital intervient par une de seséquipes, mais le médecin référent qui reste lemédecin de famille. En milieu urbain l’HAD neconcerne qu’un nombre limité de villes >p. 43, desexpériences intéressantes se déroulent en milieurural >p. 44, plus répandus sont les services desoins infirmiers à domicile de grande utilité.Le développement des soins palliatifs requiertl’implication des soignants et leur formation aucours des études de médecine >p. 51, de soinsinfirmiers, d’aides-soignants >p. 52 associantenseignement théorique et pratique.Le lecteur trouvera dans le cadre des tribunes, lesprincipes éthiques qui sont enseignés à desétudiants en médecine >p. 54, si fondamentauxquand on est confronté à des problèmes tels queceux posés par la mort des vieillards >p. 57.L’opportunité d’une coordination régionale dessoins palliatifs est argumentée >p. 59.Les associations interviennent en affirmant uneéthique de l’accompagnement, en sensibilisant legrand public, en mettant en place des bénévolesfiables >p. 62. La Société française d’accompagne-ment de soins palliatifs fédère tout le mouvementassociatif au niveau national et international>p. 64.

L es soins palliatifs visent à soulager toutesles composantes de la souffrance dumalade menacé dans sa vie. Ils associent

dossier

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Soins palliatifs et accompagnement

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phine a 150 ans….De la même façon, l’accompagnement a été conçu

et organisé par Saint-Camille avec ses équipes qui par-couraient l’Italie au gré des épidémies pour venir enaide aux mourants.

Jeanne Garnier, avec les Dames du Calvaire, a dé-veloppé des hospices à partir de 1842, pour accueillirles malades en fin de vie, mais il s’agissait d’établis-sements non médicalisés, apportant aux malades pré-sence, écoute et compassion mais où manquait la priseen charge médicale de la dimension physique de la souf-france.

Parallèlement, en dehors des hospices, la médecinehumaniste avait le souci de la prise en charge globaledu malade : les traitements symptomatiques progres-saient mais restaient mal adaptés, l’accompagnementpar les soignants était facilité par la longueur du sé-jour des malades et par le temps dont disposaient lesinfirmières religieuses, et, plus tard, infirmières « Croix-Rouge », personnels semi-bénévoles.

Puis arriva la grande révolution thérapeutique del’après-guerre : le diagnostic d’une méningite tubercu-leuse n’équivalait plus à un arrêt de mort. Les triom-phes de la médecine curative eurent un impact psycho-logique énorme et aussi deux conséquences matérielles :les durées moyennes de séjour hospitalier qui se comp-taient en semaines ou en mois dès lors qu’il s’agis-

Définitions

Données générales

Jean KermarecPneumologue,

professeur agrégédu Val-de-Grâce,vice-président de

l’ASP fondatrice

L e désir de soulager les personnes en fin de viene date pas d’aujourd’hui. L’effet de l’opium surla douleur remonte à la nuit des temps, la mor-

ou de soulager (soins palliatifs).On pourrait donc considérer que tous lessoins qui visent à combattre les symp-tômes, sans avoir un impact direct surla maladie, entrent dans le cadre dessoins palliatifs.En fait, on réserve le terme de « soinspalliatifs » aux soins qui s’adressent à desmalades atteints d’une affection de pro-nostic fatal à brève échéance (soins pal-liatifs terminaux), ou à plus ou moins longueéchéance, après des rémissions, qui,parfois, débouchent sur des guérisons.

Il s’agit donc de malades graves confron-tés à une crise existentielle, telle que leursouffrance est totale, dans laquelle s’im-briquent des composantes physiques,morales, sociales et spirituelles, quidoivent donc être pris en charge de fa-çon globale par des intervenants diversagissant de façon complémentaire dansle cadre d’une équipe interdisciplinaire.Ainsi, les soins palliatifs reposent sur deuxéléments indissociables : la thérapeu-tique palliative et l’accompagnement.La thérapeutique palliative est l’affairedes soignants : elle cherche à réduire tousles symptômes, sources de souffrance

et d’inconfort, en premier lieu la douleur,mais aussi les vomissements, l’essouf-flement…L’accompagnement correspond à uneattitude qui essaie de « comprendre ceque le malade est en train de vivre, touten gardant la distance nécessaire pourlui apporter une aide véritable » (Rogers).Il est l’affaire de tous les intervenantsautour du malade, chacun connaissantdes contraintes et des limites.La famille représente, avec les proches,le premier et le principal soutien dumalade. Mais elle est souvent désem-parée et ne sait quelle attitude tenir

Les soins palliatifs s’avèrent nécessaires pour près d’un décès sur trois. Ils’agit d’une prise en charge à la fois médicale, sociale et relationnelle qui peutintervenir aussi bien en milieu hospitalier qu’au domicile du patient.

L es soins sont des actions qui ontpour but de guérir (soins curatifs)

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sait de maladies graves, se réduisent de plus en pluspour atteindre actuellement 5 à 6 jours, et dans ce tempslimité, doivent se loger des explorations techniques deplus en plus nombreuses : le temps de relation entrele malade et le soignant ne laisse plus la place audialogue d’antan.

C’est dans ce contexte qu’apparaît une forte réac-tion, initiée de façon particulière par Cicely Saundersà partir des années cinquante et plus encore aprèsl’ouverture en 1967 du Saint Christopher’s Hospice dontelle est la fondatrice. Son influence sur la conceptiondes soins palliatifs est considérable : la prise en chargeglobale du malade en fin de vie doit comporter la thé-rapeutique palliative et l’accompagnement, indissocia-bles l’un de l’autre. Elle comprend comment mieuxmaîtriser la douleur chronique en utilisant largementla morphine, en recherchant par palier la dose efficace,en ayant recours si possible à la morphine orale, re-nouvelée à heure régulière, avant que la douleur neréapparaisse, en tenant compte de la durée d’actiondu médicament. Parallèlement, elle fait en sorte quel’accompagnement de ce malade, soulagé au mieux,soit assuré par l’ensemble des professionnels de santé,les ministres des cultes, et, élément nouveau, lesbénévoles, œuvrant ensemble dans le cadre d’uneéquipe. Les hospices anglais font une large place auxbénévoles qui interviennent sur deux plans : au che-vet des malades et des familles, dans le cadre d’unsoutien moral direct, ce sont les bénévoles d’accom-pagnement à proprement parler ; et les bénévoles quifacilitent et agrémentent la vie des malades en réali-sant des tâches matérielles : faire des courses, les aiderà s’alimenter, assurer des transports, faire le ménage,jardiner pour rendre le cadre plus plaisant.

Cette prise en charge des tâches matérielles par lesbénévoles a été discutée et généralement récusée enFrance dans la mesure où elle pourrait avoir un impactsur des emplois salariés.

devant son malade qui oscille entre desattitudes de déni, d’espoir, de dépres-sion et de résignation. Ses encourage-ments, sa lassitude, voire ses acquies-cements, peuvent intervenir àcontretemps et déclencher chez le ma-lade agressivité et colère.Les professionnels de la santé connais-sent tous des contraintes de temps. Lemédecin, par la qualité de son informa-tion, percevant la demande réelle du ma-lade qui ne correspond pas toujours àla demande exprimée, toute l’équipesoignante, par leur façon d’être et de faire,le psychologue, qui peut décrypter cer-

tains messages au travers de paroles oud’attitudes, tous peuvent, quand leuraction est cohérente et complémentaire,apporter beaucoup au malade et à safamille. Les assistantes sociales, forméesà l’écoute, en ayant le souci de réglerdes problèmes familiaux et économiquestouchant à l’avenir du conjoint et des en-fants, concourent à soulager la souffrancemorale ; tout comme l’aumônier etd’autres, attentifs aux préoccupationsspirituelles qui ne concernent pas quele religieux.Face à ces contraintes de temps et à cesdifficultés psychologiques, les bénévo-

La diffusion des soins palliatifsLe mouvement des hospices anglais se répand à par-tir de 1974 au Canada où Balfour Mount crée un ser-vice de soins palliatifs, substituant cette appellationà celle de l’hospice ; à la même époque, apparaît lapremière équipe de soins palliatifs à domicile aux États-Unis.

En Grande-Bretagne, à partir de 1970, le Cancer reliefMac Millan fund (CRMF, Fondation de lutte contre lecancer), soutenu par le ministère de la Santé, joue unrôle déterminant dans l’essor des soins palliatifs. LeCRMF finance la création des unités de soins palliatifset un réseau de services de soins à domicile, dont lesfrais de fonctionnement sont couverts par le ministèrede la Santé. Il s’implique dans l’enseignement et la for-mation. D’autres organismes participent à cet effort,de telle sorte qu’en 1994, M. L. Lamau évalue le nombredes unités de soins palliatifs à 193, représentant 2 993lits, avec une médiane de 10 lits et une durée de sé-jour habituelle de 9 à 17 jours.

Les études anglaises situent le besoin en soinspalliatifs à 50 lits par million d’habitants.

En France, des associations naissent pour soutenirce mouvement : l’association Jalmalv (Jusqu’à la mortaccompagner la vie), est créée à Grenoble en 1983 parle Pr Schaerer, puis l’ASP (Association pour le dévelop-pement des soins palliatifs) à Paris en 1985 par JeanFaveris, Alliance à Bordeaux, Albatros à Lyon, Clémenten Alsace et bien d’autres. Toutes sont représentéesau sein de la SFAP (Société française d’accompagne-ment et de soins palliatifs) fondée en 1989.

À ces initiatives multiples, émanant de milieux pri-vés et publics, répond une initiative gouvernementale :le ministre de la Santé, Edmond Hervé, charge unecommission ministérielle d’étudier le problème des soinspalliatifs et de faire des propositions à ce sujet. Le rapportde Geneviève Laroque Soigner et accompagner jusqu’aubout paraît en 1986, débouchant la même année sur

Données générales

les d’accompagnement apportent unedisponibilité et une approche plus se-reine. Inconnus du malade, instruits desphases qu’il peut traverser, formés àl’écoute, ils représentent, dès lors qu’ilssont sélectionnés et soutenus au seind’une équipe, des personnes fiables àqui l’on peut se confier.Dans certains pays, des bénévoles ap-portent également une aide matérielleimportante. En France, on reste vigilantà ce que l’action des bénévoles ne puisseavoir aucun impact sur l’emploi des per-sonnels salariés.

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Soins palliatifs et accompagnement

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une circulaire ministérielle relative « à l’organisation dessoins et de l’accompagnement des malades en phaseterminale » avec un document sur le traitement de ladouleur chronique. Le premier congrès européen de soinspalliatifs, à Paris en 1990, en présence du Présidentde la République, souligne l’adhésion de l’État au principedes soins palliatifs. La loi hospitalière du 31 juillet 1991introduit le terme de « soins palliatifs » et en fait un droitpour le malade. Les soins palliatifs sont ainsi recon-nus, de façon officielle, par les pouvoirs publics.

En 1993, le rapport de H. Delbecque, chargé demission auprès du ministre de la Santé, fait le pointsur le développement des soins palliatifs en France etses insuffisances.

En 1995, la loi revient sur la nécessité de la priseen charge de la douleur des patients dans les établis-sements de santé, publics et privés, et la formation desmédecins.

Le Conseil national de l’ordre des médecins a toujourssoutenu le mouvement des soins palliatifs. Dans undocument de janvier 1996 déontologie et soins palliatifs,élaboré en coordination avec le Pr Hoerni, il a rappeléles principes éthiques auxquels doivent obéir les médecinsface aux malades en phase critique ou en fin de vie etles conditions qui favorisent leur application.

La loi de juin 1999 sur les soins palliatifs confirmele droit du malade à en bénéficier (lire p. 21). Elle men-tionne la possibilité que des bénévoles, formés à l’ac-

même d’une maladie grave ; il s’agitde la mort qui est une toute autreréalité. Pour reprendre W. Janke-levitch : « En vérité la mort n’est passur le même plan que les autresennemis avec lesquels l’humanité semesure ; aussi invisible que le tempset plus invincible encore, la mort n’estjamais pour l’homme un adversaire…Avec qui entrerions-nous donc dansun rapport de belligérance ? À quiferions-nous donc la guerre ? Contrequi ouvririons-nous donc les hostili-tés ? Le combat contre la mort estun affrontement sans partenaire, etl’idée même de victoire ou de défaiten’est plus qu’une métaphore. » Pources malades qui vont mourir, peu leurimporte, au fond, qu’ils meurent d’uncancer ou d’une cirrhose, l’importantpour eux, c’est qu’ils vont mourir.Pour beaucoup de bien portants, ilest confortable de dire que biensouvent les malades ne savent pasqu’ils vont mourir. Ça leur évite, àces bien portants, de se poser tropde questions sur la manière d’appro-cher ces mourants. Pourtant, de mul-tiples enquêtes, et l’expérience descancérologues en particulier, mon-trent bien que la plupart de ces ma-lades (85-90 %) parvenus à cettephase palliative de leur vie, celle,comme il l’a été dit plus haut, où lesthérapeutiques curatives ont épuisé

Les soins palliatifs terminauxleurs effets, sont assez lucides surleur fin prochaine. Peu importe la ma-nière dont ils sont arrivés à cetteconstatation : que cette annonce leurait été faite par leur médecin ou qu’ilsl’aient compris par eux-mêmes, l’im-portant pour eux, c’est leur mortprochaine.

Et cette prise de conscience en-traîne chez chacun de ces malades,on le comprendra, des modificationspsychologiques, des interrogations,des comportements, des besoinsnouveaux qui jusqu’alors n’étaientpas apparus. On ne s’étendra paslonguement ici sur la crise du mou-rir (lire aussi p. 26). Notons cepen-dant quelques éléments importantsqui spécifient cette phase terminalede la vie. Au point de vue psycholo-gique, d’une part, un détachementprogressif de tout ce qui, jusqu’alors,avait été sujet d’intérêt, tandis qu’enmême temps se développe un be-soin de plus en plus fort de se sentirentouré de l’affection des siens. Pa-rallèlement apparaissent, chez ungrand nombre de ces malades, desinterrogations spirituelles sur le sensde la vie vécue, sur un au-delà pos-sible, etc. Pour certains d’entre eux,c’est aussi le moment venu de ré-gler des problèmes familiaux quiavaient été négligés jusqu’alors : laréconciliation avec un conjoint, unenfant, les retrouvailles désiréesavec un ami abandonné ; à moinsqu’il ne s’agisse de trouver des

solutions à des questions matériel-les, importantes pour ceux qui res-tent, et dont la solution avait éténégligée jusqu’alors. Tout ceci pou-vant être vécu avec beaucoup d’an-goisse et de souffrance morale.

Toutes ces questions, on le com-prendra, prennent, chez bon nombrede mourants, le pas sur les symp-tômes physiques de leur maladie,surtout si ceux-ci ont été correcte-ment traités. Et certaines d’entreelles ne relèvent pas immédiatementdes soignants, médecin ou infirmière,mais de l’assistante sociale, voiredu notaire, du psychologue ou dupsychiatre, de l’aumônier si ce n’esttout simplement de la famille ou desamis.

Il apparaît alors à l’évidence quecette pratique des soins palliatifsterminaux est particulière : il ne s’agitplus de soigner une maladie, maisde prendre en charge un malade avectous les problèmes que cette mortprochaine peut soulever. Et cettemédecine a ses exigences. D’unepart, elle impose d’être pratiquée enéquipe interdisciplinaire. Les besoinsde ces malades sont si divers, onl’a vu, qu’ils ne peuvent être pris cor-rectement en charge que par uneéquipe interdisciplinaire comportant :médecins, infirmières, aides-soignants, kinésithérapeutes, psy-chologues, assistantes sociales,ministres des cultes et bénévoles,équipe au sein de laquelle les com-

Maurice AbivenMédecin, ancien chef

de service de lapremière unité desoins palliatifs en

France

L e malade face à la mort ! Icitout change, tout bascule. Ilne s’agit plus d’une maladie,

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compagnement, apportent leur concours à l’équipe desoins en participant à l’ultime accompagnement dumalade et de son entourage, sous condition d’avoirl’accord du malade et de ses proches, et de ne pasinterférer avec la pratique des soins médicaux et pa-ramédicaux. Enfin, la loi prévoit le droit pour tout sa-larié, dont un ascendant, descendant ou une personnepartageant son domicile, fait l’objet de soins palliatifs,de bénéficier d’un congé d’accompagnement de 3 mois.

Conception des soins palliatifs en FranceLes soins palliatifs reposent sur trois éléments indis-sociables : une éthique, la thérapeutique palliative etl’accompagnement.

L’accompagnement commence par le traitement dela souffrance physique et prend en compte la souffrancemorale, sociale et spirituelle. Elle vise la qualité de finde vie en conservant au mieux les possibilités de com-munication.

Les différentes composantes de la souffrance sontmieux prises en compte de façon complémentaire parune équipe interdisciplinaire comportant la famille, lesprofessionnels de santé, les personnes susceptiblesd’apporter un soutien spirituel…

Les bénévoles d’accompagnement peuvent êtresollicités et apporter un concours important dans l’aidemorale, voire spirituelle, en particulier au plan desréconciliations génératrices de paix.

munications doivent être d’une qua-lité telle que chacun des membresde l’équipe soit informé de tout cedont il a besoin pour assurer, dansson domaine, la meilleure prise encharge possible du mourant.

Par ailleurs cette médecine doitfonctionner selon des règles éthiquesqui lui sont propres ; la principale deces règles étant que la qualité dela vie qui reste à vivre à ce maladedoit primer sur la durée de cette vie ;règle qui est exactement à l’opposéde la règle éthique fondamentale dela médecine, où l’on doit toujourss’employer à ce que la durée de lavie soit prioritaire, même si celadevait être aux dépens, de la qua-lité de cette vie.

Faut-il, alors, envisager des ser-vices spécialisés pour accueillir tousces mourants ? Certainement pas.L’idéal vers lequel il faut tendre est,au contraire, que partout où desmalades sont appelés à mourir, ilspuissent recevoir ces soins pallia-tifs terminaux. Mais ce souhait com-porte un certain nombre d’exigences.D’une part il importe que tous lessoignants, médecins comme infirmiè-res, reçoivent dans le cours de leursétudes une formation à cette disci-pline nouvelle ; ce qui est heureu-sement en train de se faire, puisqueles soins palliatifs font maintenantpartie du cursus obligatoire des étu-des des uns et des autres. Cetteformation devrait leur permettre de

garder leurs malades qui vont mourirdans les services hospitaliers où ilsont été soignés jusque-là. Pour cefaire, il leur sera peut-être nécessairede se faire conseiller par une équipemobile de soins palliatifs, équipedont tous les hôpitaux devraient peuà peu se doter. Cette équipe, forméede médecins, d’infirmières, de psy-chologues, peut-être d’assistantessociales, pourra répondre à la de-mande des différents services de ceshôpitaux pour aider le personnel àassurer la meilleure prise en chargepossible des mourants dont la fin devie pour une raison ou une autre serévélerait difficile.

Faut-il alors continuer à prévoir desunités fixes de soins palliatifs (USP) ?Certainement. Parce qu’il y auratoujours des malades dont la fin devie posera des problèmes : traite-ment de douleurs rebelles aux thé-rapeutiques habituelles, problèmespsychologiques difficiles à résoudre,relations particulièrement difficilesavec le malade ou la famille, etc.problèmes qui seront mieux pris encharge dans des services organiséspour ce type de travail. Par ailleurs,ces USP seront toujours nécessai-res comme lieux privilégiés de for-mation et de recherche. C’est laraison pour laquelle un rapport duConseil économique et social préco-nisait très justement la création detelles USP dans chaque centre hos-pitalier universitaire, sujet qui, mal-

heureusement, n’a pas été suffisam-ment précisé par la loi du 9 juin1999. Reste le problème des mou-rants au domicile. Il est juste de pré-ciser que les généralistes n’ont pasattendu la formulation de cette dis-cipline nouvelle pour s’occuper deleurs malades mourants. Maiscompte tenu de ce qui a été dit plushaut concernant le travail interdis-ciplinaire que nécessite ce type demalades, la création de réseauxreliant entre eux les divers interve-nants auprès du malade (généraliste,infirmière libérale, kinésithérapeute,etc.) apparaît comme de plus en plusnécessaire. Ces réseaux animés parun coordinateur, une coordinatriceferont le lien entre les différents in-tervenants. Cette coordination sem-ble tout à fait indispensable pourassurer au malade, et à sa famillequi en a la charge, une sécurité dansla continuité et l’adaptation perma-nente des soins aux besoins dumourant.

Ce sera une des chances de no-tre médecine de la fin du XXe siècleque d’avoir introduit dans la prati-que médicale cette dimension huma-niste et compassionnelle des soinspalliatifs, que la technicité qui l’avaitenvahie avait risqué de lui faireperdre.

Données générales

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Soins palliatifs et accompagnement

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Les soins palliatifs s’appliquent aux malades en finde vie, aux soins terminaux qui ont été le point de départde la réflexion sur les soins palliatifs.

Élargissement de la conception des soins palliatifs :les soins continusDans cette approche, les soins palliatifs s’appliquentaux malades lors de phases critiques de leur maladie,correspondant à des moments où ils se sentent me-nacés dans leur vie. L’exemple le plus caractéristiqueest représenté par le malade chez lequel un cancer vientd’être diagnostiqué à l’occasion d’une métastase dou-loureuse : les examens réalisés objectivent des loca-lisations multiples, une chimiothérapie lourde démarre,c’est la panique chez le malade et sa famille.

Au traitement à visée curative, la chimiothérapie, vaêtre associé un traitement palliatif visant à réduire ladouleur. Mais pour autant, va-t-on laisser ce maladeet cette famille sans l’accompagnement dont ils ontà ce moment un besoin aigu ? L’évolution peut se fairedans des sens variables : le malade va être répondeurà la thérapeutique et connaître des rémissions, voire,dans certains cas, une guérison ; le traitement pallia-tif n’aura plus de raison d’être et l’accompagnements’adaptera. Les soins palliatifs auront permis de fran-chir un cap. En cas de reprise évolutive ou en l’absencede réponse au traitement, l’accompagnement sera moinsdifficile s’il a été précoce. On est là dans une optiquede soins continus ou en début d’évolution, les soinscuratifs sont essentiels et les soins palliatifs complé-mentaires, les termes s’inversant en cas d’évolutiondéfavorable, les soins palliatifs devenant exclusifs dansla phase terminale qui présente des particularités dèslors que le malade se sent face à la mort.

La situation des soins palliatifsen milieu hospitalier

L’évolution récente montre que l’accompagnement defin de vie préoccupe de plus en plus les Français : parmiles quinze thèmes retenus dans le cadre des Étatsgénéraux de la santé, celui de la douleur et des soinspalliatifs est le plus traité lors des débats en région.

L’augmentation de l’espérance de vie, les change-ments de mode de vie, l’éclatement de la famille, lamodification de l’habitat rendent indispensable une priseen charge cohérente et organisée des derniers joursde la vie, une prise en charge médicale mais aussi socialeet relationnelle.

Depuis la circulaire de 1986, les soins palliatifs sesont essentiellement développés en milieu hospitalierdans deux types de structures : les équipes mobilesde soins palliatifs (EMSP) et les unités de soins pal-liatifs (USP). Les soins palliatifs concernent principa-

lement les cancers, les troubles neurologiques dégé-nératifs, le sida et la maladie d’Alzheimer, soit environ150 000 décès par an sur un total de 550 000 décèsen France.

Le secrétariat d’État à la Santé et à l’Action socialemet actuellement en œuvre un plan triennal de déve-loppement des soins palliatifs dont l’objectif est de créeret de diffuser une culture de soins palliatifs à la foischez les professionnels de santé et dans le public pourque chacun ait droit à une mort décente.

Les axes principaux du plan sont, notamment, le re-censement de l’offre de soins palliatifs existante, lerenforcement de l’offre de soins et la réduction desinégalités entre régions, le développement de la for-mation des professionnels et de l’information du pu-blic, le soutien à la prise en charge à domicile.

Les équipes mobiles et les unités de soins palliatifsLes équipes mobiles et les unités de soins palliatifsconstituent deux maillons essentiels de la prise en chargedes soins palliatifs. À ce titre, on peut constater uneévolution progressive de la situation en France, ces troisdernières années.

La situation en 1997Au 30 mai 1997 la Société française d’accompagne-ment et de soins palliatifs (SFAP) recensait 55 équi-pes mobiles et 51 unités de soins palliatifs représen-tant un total de 547 lits (pour mémoire, en 1992, onne comptabilisait que 22 unités et 6 équipes mobilesde soins palliatifs).

En 1997, on pouvait constater qu’il existait d’impor-tantes disparités entre les régions. Ainsi, les régionsCentre, Limousin, Languedoc-Roussillon et la Corse nedisposaient d’aucun équipement. 41 départements nedisposaient ni d’équipes mobiles de soins palliatifs,ni d’unités de soins palliatifs.

La situation au 31 décembre 1998À l’issue du premier recensement effectué par la directiondes Hôpitaux au 31 décembre 1998, on dénombre :l 84 équipes mobiles de soins palliatifs,l 74 unités de soins palliatifs pour un total de 675 lits.On peut constater que, comparativement à 1997,

toutes les régions — à l’exception de la Guyane, la Mar-tinique, la Guadeloupe et la Réunion — sont dotéesd’au moins une unité ou équipe mobile de soins pal-liatifs.

Les prévisions 1999La mise en œuvre du plan triennal de développementdes soins palliatifs lancé en avril 1998 par le secréta-riat d’État à la Santé et à l’Action sociale, comporte,outre l’effort financier de 50 millions fait par la Cnamtsau titre du fonds national d’action sanitaire et sociale,un financement spécifique de 150 millions en 1999afin de soutenir le développement et la création d’équipesmobiles et d’unités de soins palliatifs. Un recensement

Gabrielle HoppéChargée de mission,

bureau EO4,direction des

Hôpitaux

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adsp n° 28 septembre 1999 21

des structures existantes et surtout le choix des pro-jets de développement ou de création de soins pallia-tifs viennent d’être réalisés. Les agences régionalesde l’hospitalisation sont chargées de la mise en œuvreet du suivi de ces opérations.

Les axes privilégiésLe choix a été fait de privilégier dans un premier tempsle développement des équipes mobiles de soins pal-liatifs au sein des établissements plutôt que les uni-tés fixes. En effet, les équipes mobiles ont pour objectifde faciliter l’intégration et la pratique des soins palliatifspar l’ensemble des services concernés. Elles jouent unrôle pivot dans la mise en place des réseaux ville-hô-pital. En permettant de mieux apprécier les besoins réelsde l’établissement, elles peuvent constituer une étapepréliminaire à la création d’une unité de soins palliatifs.

Bilan global de l’offre de soinsGrâce à ce financement spécifique et après sélectionet priorisation par les agences régionales de l’hospi-talisation des projets proposés, l’offre de soins palliatifssera fin 1999 d’environ :l 177 équipes mobiles de soins palliatifs,l 99 unités de soins palliatifs représentants un to-

tal de 774 lits,l une dizaine de réseaux de soins palliatifs entre les

établissements ou entre la ville et l’hôpital répartis surl’ensemble du territoire.

Tous les départements, à l’exception de la Guade-loupe (prévue en 2000) et de la Guyane, seront dotés,d’au moins une équipe mobile ou d’une unité de soinspalliatifs.

Renforcement des équipes existantesParallèlement à ces créations, un effort important estaccompli au niveau régional, pour renforcer les équi-pes déjà existantes. Sur la seule année 1999, il est

prévu un renforcement en moyens humains dans plusd’une cinquantaine de structures et équipes mobilesde soins palliatifs.

Un bilan des actions menées au titre de l’exerciceen cours sera établi en fin d’année.

La situation des soins palliatifsà domicile

Depuis quelques années, certaines études mettent enévidence l’intérêt des soins palliatifs à domicile, ainsique les difficultés auxquelles se heurtent les malades,leur entourage et les soignants.

C’est pourquoi, il est apparu nécessaire de menerun recensement afin de connaître avec précision l’étatdes lieux en France des soins palliatifs à domicile.

Les services déconcentrés du ministère de l’Emploiet de la Solidarité ont validé à l’échelon du départe-ment le nombre et le type des structures existantes au31 décembre 1998 se déclarant dédiées aux soins pal-liatifs à domicile à partir d’un questionnaire élaboré parla direction générale de la Santé :l les structures HAD (hospitalisation à domicile) avec

orientation soins palliatifs ;l les réseaux de soins palliatifs ville-hôpital ;l les structures libérales de soins à domicile orga-

nisées autour des soins palliatifs ;l les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad)

centrés sur les soins palliatifs à domicile.

La situation en 1997Aucun recensement exhaustif des activités strictementlibérales n’avait fait l’objet d’enquête. Des estimationsont été publiées dans le rapport Delbecque (décembre

Raphaël SerreauInterne de santépublique, directiongénérale de la Santé

Garantie du droit à l’accès aux soins palliatifs

prise en charge de la douleur, visedeux objectifs.Par l’insertion d’un nouveau livreau Code de la santé publique, elledonne le droit à toute personnemalade d’accéder à des soinspalliatifs et à un accompagnement.Ces soins s’appliquent à soulagerla douleur, à apaiser la souffrancepsychique, à maintenir la dignitédu malade et à soutenir son en-

tourage. Dans le cadre du schémarégional d’organisation sanitaire,ils sont dispensés par les établis-sements de santé mais égalementà domicile selon des conditionsparticulières définies par décret.Le rôle et le cadre d’action du mi-lieu associatif, notamment dansl’accompagnement de la fin de vie,sont définis.En complétant le Code du travailet selon diverses modifications lé-gislatives, ce texte ouvre un droit

nouveau pour l’entourage du ma-lade. En effet, il permet à toutsalarié du secteur public ou privé,dont une personne partageant sondomicile fait l’objet de soins pal-liatifs, de prendre un congé de troismois.Pour assurer le suivi de ces me-sures, le gouvernement présenteraun rapport au Parlement et le HautComité de la santé publique estchargé de dresser un état deslieux.

L a loi n° 99-477 du 9 juin1999, s’inscrivant dans la

Données générales

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Soins palliatifs et accompagnement

22 adsp n° 28 septembre 1999

1993) ainsi que dans le rapport du Conseil économi-que et social (février 1999) qui les ont évaluées à unedizaine d’équipes intervenant au domicile, pour toutela France.

La situation au 31 décembre 1998À l’issue du premier recensement effectué par la directiongénérale de la Santé au 31 décembre 1998, on dénom-bre (figures 1 et 2) :l 30 unités d’hospitalisation à domicile (HAD) avec

une orientation soins palliatifs ;l 18 réseaux de soins palliatifs à domicile ville-hô-

pital ;

figure 2Réseaux Ssiad et HAD en soins palliatifs et projets

2 réseaux

1 réseau

1 HAD

2 HAD

3 HAD

Réseaux et HAD

1 Ssiad

2 Ssiad et plus

néant projets

État au 31 décembre 1998 Projets pour 1999

l 102 services de soins infirmiers à domicile (Ssiad)identifiés par les Ddass pour s’être organisés autourdes soins palliatifs.

Une concentration des structures HAD et des réseauxest effective sur l’Île-de-France, la région Provence–Alpes–Côte-d’Azur, l’Aquitaine et l’Est français. Le Nord de laFrance, le Centre et la Bretagne, ainsi que les Dom-Tomsont dépourvus de ces types d’organisations spéciali-sées intervenant au domicile. Les Ssiad sont présentsau Nord et dans le Centre, se superposant parfois avecles deux autres types de structures.l 37 départements ne disposent d’aucune des struc-

tures définies dans le cadre de l’enquête.

Les prévisions 1999Onze structures, HAD et réseaux principalement ont dé-posé un projet d’organisation multidisciplinaire des soinspalliatifs à domicile auprès de leurs agences régiona-les de l’hospitalisation et des Ddass respectives (figure 2).

Descriptionl La composition des équipes de soins palliatifs ca-

ractérisent les Ssiad, HAD et réseaux de soins pallia-tifs. En effet, l’ensemble des professionnels est pré-sent dans les HAD, les Ssiad et les réseaux, mais ilsemble que les psychologues et les bénévoles sont fai-blement représentés en HAD, les secrétaires médica-les et les assistances sociales sont en nombre moin-dre dans les réseaux. Le personnel des Ssiad estcomposé majoritairement de cadres infirmiers et d’aidessoignants qui collaborent avec le médecin traitant, lepharmacien et le masseur-kinésithérapeute mais lespsychologues et les diététiciennes restent rares.l L’origine et la destination des patients : l’HAD est

Source :directiongénérale

de laSanté

figure 1Réseaux de soins palliatifs

Source :directiongénérale

de laSanté

2 réseaux

1 réseau

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adsp n° 28 septembre 1999 23

figure 3Gestion de l’information : améliorations souhaitées

HAD

Ssiad

Réseaux

Augmentation du nombre deréunions d’équipe par mois

Secret médical

Conseils téléphoniquesInformations thérapeutiquesSuivi du dossier

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 %

la structure qui reçoit la majorité des patients de réa-nimation et des services de court-séjour, les patientsdes centres de lutte contre le cancer sont pris en chargedans les réseaux et les Ssiad accueillent davantageles patients des services de soins de suite. Avant dedécéder les patients retournent souvent en service decourt-séjour, très peu en réanimation ; ce qui peutapparaître comme un critère de qualité de la prise encharge au domicile d’un patient, compte tenu du faitque l’état s’aggrave généralement. En Ssiad, les pa-tients qui décèdent à leur domicile, sans être réhospita-lisés, sont plus nombreux.l La formation spécialisée en soins palliatifs carac-

térise les réseaux. Par rapport aux HAD et aux Ssiad,leurs actions de formation sont importantes, commeen témoigne le nombre de publications. La formationinitiale et continue est assurée. Sans être sélection-nés sur des diplômes et titres universitaires, ils ont ainsiacquis une polyvalence en terme de pratique médicaleet de population accueillie. En HAD, les psychologueset les bénévoles interviennent au cours des journéesde formation, de sensibilisation et des groupes de parole.Les personnels des Ssiad, ayant une formation initialeuniversitaire sont très peu nombreux, ils assistent surtoutà des journées de sensibilisation et de formation con-tinue.l La coordination de l’équipe soignante est assurée

pour le transfert du patient de l’hôpital à son domicilepar un cadre infirmier en HAD, par l’équipe au completdans les réseaux et par le personnel soignant et le mé-decin traitant dans les Ssiad.l Les difficultés exprimées sont d’ordre médical et

institutionnel en HAD, budgétaire et institutionnel enréseaux et médical et budgétaire dans les Ssiad.l Le choix d’une prise en charge à domicile est dé-

cidée en priorité par le patient et/ou avec sa famille,puis par son médecin traitant et enfin par le person-nel soignant. La motivation forte de la famille est le pré-requis essentiel à la réussite de ce choix.l L’amélioration du suivi du dossier du patient et des

conseils téléphoniques (figure 3) préoccupe davantageles équipes que les contraintes du secret médical oul’augmentation du nombre de réunion d’équipe par mois.l Les améliorations à apporter dans la prise en charge

sont pour les soignants en priorité : le temps passé àdomicile, le temps de secrétariat et le temps de logis-tique (être joignable 24 heures sur 24,…). Cette de-mande met ainsi en lumière les limites des soins àdomicile et la nécessité d’une organisation en réseaupour éviter les ruptures de prise en charge.l Les patients et leur entourage évaluent l’activité

de ces structures comme satisfaisante voire très sa-tisfaisante pour les structures HAD et les réseaux. Cesstructures ont mis en place un questionnaire pour l’éva-luation. Les réseaux la complètent par une enquête.Les Ssiad utilisent surtout l’entretien oral et enregis-trent des appréciations allant d’assez satisfaisantes àtrès satisfaisantes.

Source :directiongénérale

de laSanté

ConclusionsCes constats appelent en conclusion les recomman-dations suivantes :l Permettre une diffusion de la culture des soins pal-

liatifs à domicile en donnant l’accès en priorité à laformation des professionnels.l Développer en priorité les réseaux ville-hôpitaux,

en articulation avec les structures Ssiad et HADexistantes afin de couvrir progressivement les dépar-tements déficitaires.l Encourager les réseaux de soins palliatifs à s’in-

tégrer dans des réseaux plurithématiques (personnes-âgées, cancérologie, douleur,…) afin de mieux répar-tir les activités de secrétariat et de logistique, que nepeuvent assumer pleinement, les réseaux monothéma-tiques.l Provoquer une fédération des compétences Ssiad–

HAD à l’intérieur d’un réseau.l Potentialiser et capitaliser les compétences des

structures institutionnelles au domicile dans un ensemblepiloté par les réseaux.l Le médecin généraliste doit être le pivot de cette

coordination tout en travaillant en étroite collaborationavec l’ensemble des structures.

Les soins palliatifs à domicile existent et se déve-loppent, vu le nombre de dossiers déposés auprès desDdass depuis 1996. Leurs progressions et leurs dyna-mismes seront accentués si une coordination des struc-tures hospitalières et du domicile devient réellementeffective. L’équipe mobile de soins palliatifs est au centrede ce dispositif par une relation efficace et permanenteintra, inter-hospitalière puis à domicile.

Données générales

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Soins palliatifs et accompagnement

24 adsp n° 28 septembre 1999

Le rôle de l’équipe soignante

Quels que soient les lieux et les modalités de sonexercice — dans une structure spécifique dotée de lits,en unité mobile, au domicile ou au sein d’un service àhaute mortalité — l’équipe qui dispense des soinspalliatifs souhaite offrir deux qualités : une excellentecompétence et une heureuse maturité psychique.

Tendre à la meilleure compétence cliniqueLe malade parvient à un stade où il est le souffre-dou-leur d’une somme d’inconforts somatiques ressentiscomme humiliants par la perte d’autonomie qu’ils in-duisent.

Pour soulager cette souffrance globale, les symptô-mes physiques et psychiques si térébrants de la fin devie, il faut que le soignant ait été préparé par un désird’observer, d’apprendre et d’enseigner.

Des décisions mesurées et le savoir-faire techniquen’excluent pas l’inventivité face à des situations variées.

Lorsque la mort, la terre de finitude, est en vue, lessyndromes les plus accablants, souvent associés sont :les douleurs rebelles, les dyspnées progressivementcroissantes ou les asphyxies aiguës, les confusions,les occlusions, les problèmes nutritionnels, les étatsgrabataires parfois liés à une paraplégie, à des rétractionstendineuses ou compliqués d’escarres.

Leur approche diagnostique et thérapeutique appelleune démarche logique à base de clinique et d’examenssimples.l Il faut d’abord préciser quel organe souffre. Ainsi,

les viscères profonds expriment des douleurs projetées,très à distance. Dans le cadre d’un cancer bronchique,une douleur de la base thoracique peut correspondreà un envahissement costal, pleural ou diaphragmati-que, une métastase de la glande surrénale, du pancréas

ou de la région hépatique sous-capsulaire. La dyspnéepeut relever de l’atteinte d’un ou de plusieurs organesintrathoraciques ou même d’une ascite, d’une anémie.Une occlusion digestive est haute ou basse.l De manière concomitante est menée une recher-

che physiopathologique et étiologique. La douleur a unsubtratum nociceptif, neurogène, sympathique, mixte.Elle peut être due au cancer lui-même, à des séquel-les thérapeutiques, à une affection intercurrente telleun zona.

Plusieurs facteurs concourent aux accès dyspnéiques :évolution tumorale, surinfections, troubles du rythmecardiaque, embolies.

Les confusions constituent une des situations les plusdélicates à débrouiller. L’éventail de leurs causes vade la progression cancéreuse à la dépression masquée,en passant par les infections opportunistes, les désé-quilibres métaboliques, les effets secondaires des trai-tements antalgiques ou anti-dépresseurs.

Assez souvent, plus le patient approche de la fin devie, plus, dans l’affolement ou l’inquiétude, le praticiena tendance à multiplier des explorations, dans l’illusiond’une meilleure maîtrise.

Avec juste mesure, on choisira l’examen complémentaireà la fois le plus approprié, le moins traumatisant, réel-lement utile dans l’optique d’un soulagement efficace.

L’Association européenne pour les soins palliatifs asouligné l’intérêt de deux principes :l celui de la proportion : apprécier clairement les éven-

tuels bénéfices et les inconvénients des soins proposés ;l celui de la futilité : renoncer à ce qui n’entraînera

aucune amélioration significative du confort du malade.Le contrôle de la douleur ne repose ni sur des do-

sages sanguins d’opiacés, ni sur des formulations passe-partout, mais sur une titration clinique. Celle-ci nécessitede la part des soignants une connaissance sérieusede la pharmacologie des morphiniques, de leurs effets

L’accompagnement

François NataliMédecin, chef de

l’unité de pneumolo-gie, médecine 3,

hôpital d’instructiondes armées, Brest

Françoise FrançoisMonique Alligné

Infirmières,hôpital Percyd’instruction

des armées,Clamart

L’accompagnement participe aux soins palliatifs. Il nécessiteune grande compétence clinique de la part des soignants, uneprise en compte des difficultés sociales et un soutien spirituelsouvent assuré par des bénévoles. Tous ces intervenantstravaillent ensemble pour « rendre la mort plus humaine ».

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adsp n° 28 septembre 1999 25

secondaires, de la pratique de l’auto-analgésie contrôlée.Apaiser une crise de suffocation ou d’agitation, arrê-ter une hémorragie amènent au maniement précis desneuroleptiques ou des benzodiazépines, sans vouloirni couper la vie de relation, ni hâter la mort.

Le temps de la toilette, celui des soins de bouche oudes plaies, les transferts sont des moments privilégiéspour entrer en alliance et pour développer le toucher.

La maturité psychiqueEn parcourant avec le malade et ses proches les éta-pes du mourir, les soignants acquièrent une maturitésereine qui éclaire les décisions à prendre en fin de vie.l Sur le premier panneau d’un triptyque s’inscrit, outre

l’altération physique, la souffrance morale du patient.Le poids mythique de la maladie grave — cancer, sida,affection paralysante — s’inscrit dans sa temporalitédepuis l’annonce du diagnostic, la phase de rémission,jusqu’à la rechute. Tout organe atteint subit une pertefonctionnelle, et une autre symbolique dans la vie derelation. Pensons par exemple au retentissement desamputations laryngées, linguales, digestives ou de lasphère génitale.l L’équipe soignante doit aussi reconnaître la souf-

france des proches du malade. Elle est physique : nuitsde veille, longs trajets, retentissement psychosomati-que dû au côtoiement de la déchéance. Elle est mo-rale : souhait que l’être cher soit enfin délivré de tou-tes ses peines et, en même temps, désir de le retenirdans ce monde ; sentiments de culpabilité ou d’échec ;effroi devant l’avenir ; réconciliations à effectuer.l Le troisième volet est le propre désarroi des soignants.

Le malade et sa famille projettent une image idéaliséedu bon soignant : il sait et il peut, il a un devoir d’huma-nité. Les infirmières et les aides-soignantes sont trèsexposées à ce stress. Au plus près des patients et dis-pensant des soins multiples elles n’ont pas la possibi-lité d’un repli aisé. Or elles sont encore peu participan-tes aux décisions thérapeutiques. Il existe un risqued’épuisement professionnel, le « burn out ». Il peut apparaîtredes clivages au sein de l’équipe soignante, non seulemententre médecins et infirmières, mais à l’intérieur même deces sous-groupes. Les comportements réactionnels à cesdésarrois vont des attitudes d’évitement — mensonge,fausse réassurance, rationalisation, esquive — à l’iden-tification projective, fusionnelle et dangereuse.l L’accompagnement d’un malade grave commence

dès la première consultation ou admission dans le ser-vice.

La vérité se découvre dans une relation vivante. Elleest davantage qu’une information technique pour dé-taillée et transparente qu’elle soit. Elle n’est pas uneannonce lâchée, déchargée par un médecin fatigué ouacculé par des questions et qui n’arrive plus à posersa réflexion. La vérité va au rythme du patient et de sesproches, sans les précéder.

Elle est accueil et respect, qui ni n’entretient de faussesespérances, ni ne détruit les défenses instaurées.

Mais les difficultés tiennent surtout à la capacité dediscerner au cours de chaque situation de crise :l si celle-ci est réversible dans de bonnes conditions

de vie au juger du malade,l ce que signifient les expressions ou attitudes de

celui-ci,l où en est psychologiquement chaque membre de

l’équipe et de la famille.Les bénévoles des associations pour le développe-

ment des soins palliatifs apportent ici une aide précieuseaux uns et aux autres.

Malgré une marge d’incertitude dans l’interprétationdes faits cliniques, des dits et des non-dits, les déci-sions concernant celui qui meurt :l rejettent l’euthanasie, active et volontaire, ou

« mercy killing »,l mais repoussent également l’euthanasie « à l’insu

de », qu’elle soit brutale — cocktail lytique — ou qu’ellese dissimule sous une banale augmentation de dosesd’opiacés et de benzodiazépines.

Exercés et mûris, confortés, les soignants saurontéviter une obstination déraisonnable, et se référer auxprincipes du « withold » (ne pas engager un traitementdisproportionné) et du « withdraw » (retirer un traitementinutile ou dangereux).

Le rôle du service social

« L’accompagnement est une démarche, un acte quiparticipe des soins palliatifs et qui les imprègne en mêmetemps qu’il les justifie. » [1]

La souffrance de la personne en fin de vie et de sonentourage se doit d’être soulagée dans sa globalité,en tenant compte de sa dimension physique, psycho-logique, sociale et spirituelle, tant à l’hôpital qu’audomicile.

En lien étroit avec les autres intervenants, soignants,bénévoles, ministres du culte, l’assistant(e) de servicesocial va principalement aider à la résolution des pro-blèmes à dominante matérielle et organisationnelle, nonseulement individuellement mais aussi en réfléchissantavec les associations et les pouvoirs publics à l’aideà apporter aux aidants.

Le soutien psychosocial se poursuit au-delà du décès.

Particularités suivant les lieux d’interventionLe service social, présent dans pratiquement tous leslieux dispensant des soins palliatifs, voit son rôle moduléen fonction du service employeur : services hospitaliers(longs séjours, cancérologie, immunologie, oncologiepédiatrique…, équipes mobiles et unité de soins pal-liatifs) ou à domicile (services d’hospitalisation à do-micile, associations type François-Xavier Bagnoud).

Dans les services d’hospitalisation traitant les patho-logies hautement létales, l’assistant(e) de service social

L’accompagnement

ChantalAntigny-WarinAssistante de servicesocial, InstitutGustave-Roussy,Villejuif

1. L’accompagnementdes personnes en fin devie, avis présenté parM. Donat Decisier.Conseil économique etsocial, 1999

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Soins palliatifs et accompagnement

26 adsp n° 28 septembre 1999

va consacrer un temps variable à la prise en charge despatients en fin de vie. Celle-ci sera de meilleure qualitési, pendant la phase curative, le malade lui était connu :la prise en charge précoce permet de tisser des liensavec le patient et avec l’extérieur, d’anticiper les con-séquences de la fin de vie et du décès sur les proches.l Il n’est pas rare que les adultes malades meurent

dans ces services dits aigus ; cependant, sur indica-tion médicale, la recherche d’unité de soins palliatifsest effectuée par l’assistant(e) social(e) qui prépare lepatient et son entourage au passage douloureux versune autre structure de soins. Sa connaissance des éta-blissements lui permet de rassurer, d’atténuer l’angoisse.

Le temps nécessaire à ce travail est bien souventréduit en raison de la forte pression exercée par lesservices pour libérer les lits au plus vite. Conciliant leslogiques parfois contradictoires du malade, de l’insti-tution, et de la société, l’assistant(e) social(e) va ten-ter de trouver, dans l’intérêt de tous, le plus granddénominateur commun.l En ce qui concerne les enfants en fin de vie, l’hos-

pitalisation en service de pédiatrie reste la solution laplus sécurisante, et la prise en charge en unité de soinspalliatifs ne se justifie pas.l Le service social répond aux préoccupations, aux

angoisses du malade et de son entourage qui ne man-

est employé pour décrire des réali-tés immatérielles, qui dépassent lemonde de l’expérience ; il a, alors,rapport à la transcendance, et par-tant, le plus souvent au religieux.Mais le mot spirituel peut, aussi, toutsimplement signifier ce qui a rapportà l’esprit. L’homme est spirituel ence sens qu’il est capable de manierdes concepts, d’apprécier des réa-lités abstraites : esthétiques, mora-les, par exemple. Quand, dans le do-maine des soins palliatifs, on parlede soutien spirituel, c’est dans cedeuxième sens qu’il faut l’entendre.Il est question, en somme, de sou-tien de l’esprit, par opposition au sou-tien du corps, qui lui aussi, cela vade soi, relève des soins palliatifs.

Dans un si bref exposé on ne s’at-tardera pas longtemps à décrire cethomme, cette femme parvenus auterme de leur vie, et dont la mort estproche. Notons seulement cet élé-ment fondamental : ces malades quirelèvent des soins palliatifs termi-naux sont proches de leur mort, etils le savent. Et cette conscience deleur mort prochaine provoque chezeux des questions et des réactionsparticulières qui ont pu être décri-tes comme « une crise du mourir ».

À cette crise, l’aide psychologiqueva répondre pour une part. Son do-maine est surtout celui du « com-ment ». Comment est vécue la crise ?

Le soutien spirituelComment réagit le malade à cetteprise de conscience de sa mort pro-chaine ? Le psychologue, au besoinle psychiatre, va pouvoir l’aider à sepacifier. Mais le contenu même duvécu spirituel est d’un autre ordre.L’homme en fin de vie est sollicitépar des interrogations fondamenta-les, celles qui faisaient se poser àPlaton la question : « D’où je viens ?qui suis-je ? où vais-je ? ».

Pour le mourant, ces interrogationsvont le conduire à un retour sur lui-même, sur sa vie passée ; à une re-connaissance de soi, de ce qu’il afait ou pas fait, de ce qu’il a été ouvoulu être, etc. reconnaissance quipourra engendrer des réactions di-verses. D’une part, peut-être, dessentiments de satisfaction pour cequ’il aura accompli de bien : sonfoyer, ses enfants, son travail, sesamitiés, que sais-je. Mais, aussi,peut-être des interrogations généra-trices de culpabilité pour ce qu’iln’aura pas fait, manqué de faire ouregretté d’avoir fait.

Le temps d’une intense activitéde l’espritCe temps de crise est aussi untemps où le mourant trouve l’occa-sion de se réinterroger sur les va-leurs auxquelles il a adhéré durantsa vie. Il pourra y trouver des satis-factions, ou, au contraire, il pourraêtre conduit à se poser des ques-tions sur la qualité, l’authenticité deces valeurs. C’est toute l’interroga-

tion sur le sens de la vie qu’il auravécue qui va, ainsi, se reposer à lui.

Et il ne pourra fort probablementpas éviter le « où vais-je ? » de Pla-ton. Dans notre monde où les vraiscroyants en un au-delà ne sont sansdoute pas les plus nombreux, peud’hommes, cependant, parvenus auterme de leur vie, peuvent échapperà une telle question. Pour ceux quiont cru à une vie après la mort, pourceux qui ont cru à une transcen-dance, ce terme de la vie devient untemps très particulier, fait, peut-êtrede moments de doute et d’angoisse,mais aussi, très souvent, d’unegrande espérance, et pourquoi pas,d’un bonheur profond : voir, enfin,ce à quoi jusque-là, ils n’ont cru quedans la foi. Pour les autres, mêmesi ces questions n’ont pas fait par-tie de leurs préoccupations dominan-tes, peu nombreux sont ceux pourqui la mort est la fin de tout ; ceuxqui ne sont pas conduits à s’inter-roger sur une vie après la vie, avectoutes les questions qu’une telleinterrogation soulève. On l’aura com-pris, le temps de la mort est pourles mourants le temps d’une intenseactivité de l’esprit.

Peut-on les y aider ? les soutenirdans ces interrogations fondamen-tales ? Il ne peut, cela va de soi, êtrequestion de conseils. Quels conseilspourrait-on donner à quelqu’un quivit une expérience existentielle decette importance et qui est d’undomaine aussi personnel ?

Maurice AbivenMédecin, ancien chef

de service de lapremière unité desoins palliatifs en

France

L e mot spirituel est, dans notrelangue, aujourd’hui, un motambigu. Le plus souvent, il

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quent pas, pour peu que la réalité de la situation médi-cale soit connue. Les questions posées seront différen-tes selon qu’il s’agit d’un enfant, d’un adulte, ou d’unepersonne âgée en fin de vie ; toutes pouvant être posées,sous couvert d’une parfaite confidentialité : « Ai-je droità un congé pour rester auprès de mon enfant ? Commentpréserver les droits de mon conjoint ? Qui va s’occuper demon enfant après mon décès ? Puis-je organiser mes ob-sèques, donner mon corps ? Que va devenir mon affaire ?… »

Les demandes d’information concernent principale-ment : les enfants mineurs, les démarches autour desobsèques, les aides au moment du décès, les droitsdu conjoint après le décès…

Pour mettre de l’ordre dans ses affaires, faire ce quin’a pu être fait auparavant, prendre des décisions, ilest nécessaire de pouvoir parler de la mort. Ceci re-pose sur le discours de réalité tenu par le médecin.L’information donnée au patient, à sa famille, permetde soulager, soutenir, rassurer ; le manque d’informationest source de peur inutile. Informer le patient sur sonétat est parfois difficile, l’assistant(e) de service so-cial permet de faire le lien entre le malade et sonmédecin, en aiguillonnant ce dernier vers plus de clartési nécessaire, complétant son travail d’information.l Les équipes et les unités de soins palliatifs se con-

sacrent entièrement à l’accompagnement des fins de

L’accompagnement

Par contre, il peut être très impor-tant et utile pour eux, d’avoir auprèsd’eux quelqu’un qui les écoute. Cesinterrogations qu’ils se posent ontbesoin d’être entendues, confortéespour certaines d’entre elles, décul-pabilisées pour d’autres. Toutes cesréflexions qu’ils se font, ses ques-tions qu’ils se posent, dont certai-nes sont clairement formulées, maisd’autres confuses, imprécises, an-goissantes, ont besoin de passer parla parole pour être clarifiées, pourprendre vraiment sens. D’où l’impor-tance d’une oreille pour les enten-dre. L’aide qui, en ce domaine, peutêtre apportée au mourant est del’ordre de l’écoute. Car il ne peuts’agir ici que d’un soutien, il ne s’agitpas de thérapeutique. Ce soutien vad’ailleurs pouvoir se manifester dediverses manières. L’écoutant auraparfois à confirmer le mourant dansses réflexions, parfois à le rassurer,à le déculpabiliser, parfois tout sim-plement à l’entendre. On a pu direque son rôle principal pouvait être,auprès du mourant, celui d’un té-moin.

Une aide indispensable : l’écouteBien entendu, si le mourant estcroyant, s’il a des interrogations dansle domaine religieux, tout simplements’il veut prier, la présence auprès delui d’un ministre de sa religion peutdevenir importante en l’apaisantdans ses doutes, en l’aidant danssa prière, en le préparant à cette

rencontre à laquelle il croit. D’où, àmon sens, la nécessité d’intégrer lesministres des principales religionspratiquées dans notre pays auxéquipes soignantes, là où des ma-lades meurent. Leur rôle peut êtred’une extrême importance pour cer-tains mourants.

On aura compris qu’un tel rôled’écoutant n’est pas spécifique dessoignants. Non pas que les soignantsne puissent être de bons écoutants ;certaines infirmières, certaines aides-soignantes, certains médecins as-surent de manière remarquable cesoutien spirituel de leurs mourants.Mais le domaine de la mort n’est pascelui de la maladie ; il est,ontologiquement, d’une autre nature,et si notre société a progressivementconfié à la médecine la charge des’occuper de la maladie qui faitmourir les hommes, elle ne lui a pasconfié leur mort. Ceci est tellementvrai que les études médicales necomprennent pratiquement aucun en-seignement sur le sujet ! Il va de soique la place de la famille, des pro-ches, des amis, est ici primordiale ;et elle doit être rendue possible, enparticulier en permettant leur pré-sence libre et facile auprès du mou-rant. Mais il n’y a pas toujours defamille, d’amis ; ou bien ces prochesne se sentent pas aptes à une tellefonction. Parfois, d’ailleurs c’est lemourant lui-même qui se choisit uninterlocuteur privilégié auquel il seconfiera tout particulièrement. C’est

la raison pour laquelle on a vu sedévelopper, avec la notion de soinspalliatifs, la fonction de bénévoled’accompagnement. Un bénévoled’accompagnement c’est, au fond,un « monsieur-tout-le-monde » quiaccepte de s’asseoir auprès de cemourant, d’être auprès de lui cetémoin ; un homme auprès d’unautre homme, son frère en humanité.

Il va de soi qu’une telle fonctionne peut s’improviser. Il importe quede tels bénévoles aient reçu une for-mation préalable, et qu’ils continuentà être en lien avec une associationqui garantisse à la fois la régularitéet la qualité de leur activité. Cettequalité est habituellement entrete-nue par une participation régulièreà des groupes de parole donnant àces bénévoles la possibilité d’échan-ger avec d’autres bénévoles, sousle contrôle d’un psychologue, leursexpériences, de formuler leurs inter-rogations, de « ventiler » leurs émo-tions, etc. Le bénévolat auprès desmourants est devenu aujourd’hui, àtravers le monde, partie prenante dessoins palliatifs.

L’expérience, vieille aujourd’hui deplus de trente ans, a montré la placeque pouvait tenir le soutien spiritueldans la phase terminale de la vie.Il fait partie intégrante des soinspalliatifs et ce faisant contribue àrendre la mort plus humaine.

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Soins palliatifs et accompagnement

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vie. À ce titre, le rôle du service social est plus forte-ment emprunt de coordination, d’action de soutien despairs, et de sensibilisation des autres membres del’équipe aux problèmes sociaux. Il s’agit d’inciter lesautres professionnels de l’équipe à porter plus systé-matiquement, et le plus précocement possible, atten-tion à la dimension sociale de la souffrance des patientset de leur entourage. Moins évidente que l’aspect médicalou psychologique, la prise en charge des questions d’or-dre social est loin d’être une priorité dans l’esprit dessoignants. Mieux repérer les difficultés sociales passepar l’utilisation de grilles de critères [2], par la sensi-bilisation des partenaires au cours de formations, parla participation de l’assistant(e) de service social auxréunions cliniques…l Si le retour au domicile est souhaité par la per-

sonne en fin de vie et par ses proches, le service so-cial hospitalier, en collaboration avec les collègues duservice d’hospitalisation à domicile, ou l’infirmière, vaaider au réaménagement de la vie familiale afin depermettre l’intégration des soins du malade au domi-cile tout en favorisant un nouvel équilibre.

D’un point de vue plus général, le service socialapplique à la fin de vie ce qu’il sait faire par ailleurs.Accueil et information, écoute et soutien, relations intra-et extra-institutionnelles lui permettent d’évaluer lasituation et de déterminer l’action à entreprendre. Préa-lable nécessaire à toute intervention, l’évaluation so-ciale rend compte de l’état des solidarités familialeset amicales, des besoins en information, des forceset des fragilités du patient et de son entourage.

Les différentes aides aux famillesSeule la famille peut assurer d’une façon continue uneprésence auprès du mourant. Mais les problèmes ma-tériels peuvent submerger des proches déjà déstabili-sés, épuisés, et rendre la situation insupportable, fa-vorisant les demandes d’euthanasie, surtout lorsquele temps de la fin de vie s’allonge, sans qu’il soit pos-sible d’en préciser l’échéance.

L’avis du Conseil économique et social sur l’accom-pagnement des personnes en fin de vie, adopté en fé-vrier 1999, préconise : « l’instauration d’un congé d’ac-compagnement ouvert à toute personne devantinterrompre ou réduire son activité professionnelle pouraccompagner un proche, […] d’une prestation complé-mentaire forfaitaire d’un montant significatif (sous peined’être inopérant) devant relever d’un financement col-lectif et solidaire, […] d’un complément par mutualisationou accord de branches professionnelles ».

Le droit à prendre un congé non rémunéré pour ac-compagner un proche en fin de vie, vient d’être récem-ment adopté par l’Assemblée nationale, clarifiant ainsile droit du travail. Cependant, il est à craindre que cecongé, sous la forme autorisée, soit peu utilisé pouraccompagner un adulte, dans la mesure où son finan-cement n’a pas été prévu. Les proches pourraient bienêtre tentés de continuer à utiliser les arrêts maladie,

plus rémunérateurs ; les difficultés rencontrées par lesnon-salariés n’ont, elles, pas été retenues.

Par contre, ce droit à congé permet aux parents d’en-fants gravement malades, bénéficiaires de l’allocationd’éducation spéciale avec un complément troisièmecatégorie, de suspendre leur activité professionnelle entoute légalité. Le dispositif concernant l’aide aux parentsdes enfants en fin de vie est maintenant complet.

Ainsi donc, le service social, que l’on peut retrouverdans divers lieux, a partout les mêmes missions, àdominante variable, selon qu’il consacre son temps,en tout ou partie, à l’accompagnement de la personneen fin de vie. Cette spécificité lui confère un rôle d’ex-pert, de référence, pour l’extérieur, l’équipe et le pa-tient. Toutes les catégories socioprofessionnelles sonttouchées par la mort imminente, et aucune famillen’échappe aux perturbations psychosociales, profes-sionnelles, financières, familiales, liées à la fin de lavie. Les familles ont plus ou moins les capacités defaire face seules à ces perturbations. Si nécessaire,l’assistant(e) de service social, alerté suffisamment tôtpar l’équipe, pourra leur apporter information, orientation,soutien, ou leur servir de médiateur. À défaut de réponseapportée par la société à une difficulté sociale, le ser-vice social, en faisant remonter les difficultés rencon-trées par les personnes en fin de vie ou leurs proches,doit pouvoir participer à une réponse adaptée, aux côtésdes associations et des institutions.

Accompagner, être à côté, exigent de la disponibilité,un engagement dans une relation humaine fondée sur laconfiance, le respect et l’écoute. Une relation de qualitéconstruite avec les proches de la personne décédée dé-bouche bien souvent sur la poursuite de la prise en charge.

Avec les autres intervenants, le service social travaillesur le temps, un temps essentiel, les derniers momentsde la vie. Il accompagne la vie jusqu’au bout, tout enaidant les proches à affronter le deuil à venir.

Les accompagnants bénévoles

Accompagner, c’est faire un bout de chemin avec l’autre,à son rythme, dans la même direction. Quand le ma-lade arrive en fin de vie, il entrevoit la séparation finaleavec, souvent, un sentiment d’angoisse et de grandesolitude intérieure.

Qui pourra assurer une présence auprès de lui et deses proches en ces instants, les écouter de longs mo-ments exprimer leur peine, voire leur agressivité, dansla douleur trop lourde ? Le médecin, les soignants,l’équipe paramédicale, tous à un moment ou à un autrese pencheront vers eux, rempliront cette mission d’écoutefraternelle, mais il leur incombe, en priorité, d’accom-plir des tâches spécifiques. Ce sera donc au bénévole,par sa disponibilité de temps, à les relayer dans laprésence et dans l’écoute.

2. Unité de recherche etde soutien en soinspalliatifs. Hôpital AlbertMichallon- CHU de Gre-noble

Danièle DelasCécile Bessière

ASP fondatrice

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Le bénévole n’est pas un professionnel de santé, pasun psychologue : en matière de soins, il est incompé-tent. Il n’est pas en position de savoir, et donc pas enposition de pouvoir. Il n’est pas non plus un visiteur,ni un ami ou un parent, celui qu’on désirerait épargner.Il est simplement le témoin, le tiers solidaire. Restantdans l’anonymat en ce qui concerne sa situation familialeou professionnelle, il se présente avec son prénomseulement. Son âge ? Il s’échelonne de 23 à 75 ans,mais la moitié d’entre eux ont entre 30 et 50 ans.

Son profil est assez particulier : les trois-quarts sontdes femmes. Par ailleurs, la majorité d’entre eux esten pleine activité professionnelle.

Motivations des bénévoles et sélectionLeurs motivations sont très diversifiées, marquées dedeux constantes : la mort a marqué leur vie, et le dé-sir les habite d’une solidarité forte avec ceux qui fran-chissent le dernier passage. « Monsieur ou MadameTout le Monde », ils veulent suppléer le manque deprésence des voisins, des amis et apporter un remèdeà la carence, face à la mort, de notre société moderneet pressée. Leur motivation se nourrit d’une expériencehumaine qui les a fait cheminer intérieurement. Il estévident qu’il faudra opérer un véritable discernementparmi toutes ces bonnes volontés : la générosité n’yest pas forcément assortie du jugement et de la finessenécessaires à ce style d’accompagnement. C’est à celaque va répondre la démarche de sélection.

La sélection se fait, de façon générale, en trois temps :deux entretiens individuels, suivis d’une session deformation initiale.

Le premier entretien mené par un des responsablesde l’association, bénévole chevronné, permet au can-didat de raconter son histoire et d’évoquer les raisonsde sa démarche. Le responsable essaiera de percevoirles motivations profondes du candidat, la manière dontil a vécu les aléas et les souffrances de sa vie, la dis-tance prise par rapport à ce passé, son ouverture auxautres et ses expériences éventuelles d’accompagne-ment. Il s’efforcera de faire un bilan des qualités debase requises : capacités relationnelles, tolérance, fa-culté d’adaptation, d’écoute, bon sens, finesse, etc.En second temps, il expliquera au candidat les obliga-tions auxquelles il s’engage, à savoir, en cas général :une permanence de 4 heures consécutives une fois parsemaine, la nécessité d’assister au groupe de paroleet de participer, au minimum une fois par an, à un week-end de formation continue. Il propose ensuite à cecandidat une date pour le deuxième entretien.

Le deuxième entretien mené par un psychiatre oupsychologue, qui connaît parfaitement les objectifs del’association, ses exigences, ainsi que le travail spé-cifique du bénévole d’accompagnement, donnera undiagnostic de personnalité portant particulièrement surl’équilibre psychique, la maturité émotionnelle et lafinesse d’intelligence, l’attitude par rapport aux deuilset séparations, la capacité d’engagement, etc. À la suite

de ces entretiens, est faite une synthèse pour déter-miner les candidats qui seront admis à la session (ainsi,pour l’ASPF, 53 % des demandes initiales pour l’année1998).

La session de sensibilisation–formation initiale, qu’elles’opère par séquences réparties au cours d’une année,ou bien comme à l’ASPF sur trois jours pleins consé-cutifs, a un objectif double :l une sensibilisation des candidats sélectionnés à

leur future fonction d’accompagnants bénévoles de per-sonnes en phase aiguë ou critique d’une maladie po-tentiellement mortelle, en leur apportant une certaineconnaissance du monde de la maladie, de la mort etdu deuil qu’ils vont aborder. Les moyens mis en œuvresont divers : interventions de médecins, infirmiers,psychologues, et de bénévoles en activité apportant leuréclairage spécifique ; projections de vidéocassettes oùmalades et familles, exprimant leurs souffrances, leursdésirs et besoins dans la rencontre de bénévoles, fontpressentir la réalité des situations ; réactions et ques-tions des candidats permettant la discussion et l’ap-profondissement de la réflexion, etc.l une troisième sélection des candidats bénévoles

permettant de juger le candidat en situation de groupe.Ici pourront plus facilement être décelées : l’aptitudeou non à s’intégrer à une équipe, la tolérance face àla diversité des opinions, la facilité à écouter les autres,la prise de parole mesurée ou excessive, la capacitéà maintenir la stabilité émotionnelle, etc.

L’animateur de formation et certains responsablesd’équipes de bénévoles participant régulièrement à cessessions se réuniront ensuite pour l’attribution desbénévoles aux différentes équipes en fonction des choixpréférentiels des bénévoles et des besoins des équi-pes. Les observations faites durant la session serontprises en compte pour l’admission : certains candidatspourront être récusés.

Le candidat bénévole, au cours d’un entretien avecle coordinateur de l’équipe dans laquelle il s’engage,signe un contrat moral pour deux mois, durant lesquels,assisté d’un parrain bénévole chevronné, il fera sespreuves. Après cette période d’essai, et si les deuxparties sont satisfaites, l’engagement sera entériné.

Soutien et formation continueUn soutien et une formation continue vont aider lebénévole à accompagner au mieux, en évitant les ris-ques, tant pour lui-même que pour le malade, ses procheset l’équipe soignante. Car l’adaptation à la vie desservices hospitaliers ou au domicile, la rencontre avecle malade, sa famille, ne vont pas de soi. C’est pour-quoi des moyens efficaces sont mis à disposition.

Le groupe de parole réunit tous les membres del’équipe d’un service ou du domicile autour d’un psy-chologue selon une périodicité régulière, tous les quinzejours le plus souvent. Il permet un échange libre etauthentique sur les faits survenus dans les jours pré-cédents, et leur retentissement sur chacun. Libération

L’accompagnement

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Soins palliatifs et accompagnement

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des tensions par la parole, partage des réactions, ef-fet de miroir des uns par rapport aux autres, mise aupoint discrète et opportune du psychologue : voilà dequoi apaiser l’angoisse, analyser et clarifier les situa-tions, orienter la réflexion et permettre au bénévoled’approfondir sa relation à l’autre, aux autres…

C’est là que l’équipe se soude et s’enrichit, en plusdes occasions de convivialité et autres réunions. Cegroupe de parole est donc la base de la formationcontinue du bénévole et du soutien moral apporté àchacun. Il fonctionne dans la confidentialité entre sesmembres. Il peut s’ouvrir aux soignants une ou deuxfois par an, mais il prend alors un caractère différent :il ouvre à un échange amical, à plus de compréhensionréciproque, et peut permettre une évaluation et un bilande partenariat.

Les week-ends à thème proposés tout au long de l’annéeseront l’outil d’une formation continue où on aborderales sujets non traités, faute de temps, en formation initiale,ou bien à les approfondir, bien que déjà abordés. Lesthèmes en seront : « l’écoute, la communication nonverbale, le deuil, besoins spirituels et cultures, motiva-tions du bénévole, approche du malade confus, etc. ».

Animés par un spécialiste, psychothérapeute engénéral, ils approfondissent l’expérience acquise parles bénévoles dans leurs accompagnements : il s’agitlà d’une véritable formation personnelle, où jeux de rôleet travail en face à face trouvent leur place et leur ef-ficacité.

Ces deux outils, groupe de parole et week-end à thème,assurent un travail sur soi et la progression des béné-voles.

Le rôle du bénévoleSi son atout et sa richesse, c’est de mettre son écouteet sa disponibilité au service du malade et de ses pro-ches, des soignants et de l’équipe médicale dans laplus grande discrétion, sa difficulté, c’est d’acquérir jouraprès jour un savoir être et non un savoir-faire, c’estde changer de rythme intérieur, et, dans les phasesd’accompagnement prendre son temps et non plus couriraprès le temps.

Que fait-il ? Rien, ou presque rien, aucun geste tech-nique, en tout cas.

Auprès du patient : il lui est demandé simplementd’être soi-même, d’apporter une présence pleine d’at-tention à l’autre, pleine de vigilance, pour créer le cli-mat d’empathie qui permettra le vrai contact. Il lui fautécouter le dit et le non-dit, être sensible à la commu-nication non verbale autant qu’à la parole.

Par sa présence, il établit un pont entre la vie del’extérieur et la bulle dans laquelle est enfermé lemalade : il apporte la bouffée d’air, il rompt la monotoniedes heures et jalonne le temps ; peut-être pourra-t-ilainsi faire oublier au malade son sentiment de non-appartenance au monde des bien-portants. Il lui per-met en tout cas de se décharger de son angoisse, deses peurs, de ses secrets, sans que le malade crai-

gne de peser sur lui, comme il le craint pour ses pro-ches.

La présence du bénévole, à la fois neutre et frater-nelle, réaffirme à l’autre, qui est gravement atteint, qu’ilexiste pleinement pour tous ceux qui l’entourent, quece qu’il subit en cet instant sera notre lot à nous autres,et que cette solidarité humaine qui nous relie lui donnele droit de communiquer jusqu’au bout son angoisse,ou sa révolte, et d’être soutenu le plus qu’il est pos-sible, en allant dans le sens de son désir, le respectde sa volonté.

Peut-être pourra-t-on mieux comprendre, et ainsi mieuxentendre ce qui se passe au cours des cinq étapes du« travail de deuil » que le docteur Élisabeth Kübler-Rossa si bien analysées et que le bénévole apprend à dé-crypter :l le déni de la réalité, refus de voir la vérité en face,

qui constitue une forme de défense du malade devantl’angoisse, la mort, l’inconnu, l’inéluctable,l la colère ou la révolte accompagnée de ce senti-

ment d’injustice à être frappé soi, et pourquoi ?l le marchandage, étape en apparence plus sereine

et pourtant douloureuse qui permet parfois de mettreà jour et régler des problèmes anciens,l la dépression où le moral est profondément atteint

et le découragement accompagné de pleurs ou de replisur soi qui nous rendent à notre impuissance fondamentale,l l’acceptation, enfin, quand du moins elle se pro-

duit, et c’est alors pour le témoin présent la belle le-çon de sagesse du mourant.

Enfin, à tout moment, le bénévole ne perdra pas devue qu’il peut aider le malade à garder l’estime de soi-même, à se valoriser à ses propres yeux en tant qu’êtrevivant, qui a besoin d’être reconnu dans son identité,voire admiré pour sa patience et sa force intérieure. Ilsera à l’écoute de ses besoins spirituels, de sa quêtede sens sur la vie, du bilan qu’il retrace grâce à la pré-sence de l’autre en miroir.

Auprès de la famille et des proches, le bénévole, parson écoute, aidera à s’exprimer sur la maladie, sur lasouffrance morale, la fatigue, sur l’angoisse de l’ave-nir, de la séparation. Dans la confidentialité et le nonjugement, il pourra permettre les prises de consciencepréparant le travail de deuil qui les attend, parfois aussile travail de réconciliation.

Il les aidera à voir, au-delà de la dégradation physi-que de l’être cher, la transformation intérieure qui s’ac-complit, le courage, la dignité dont il fait preuve, à l’ac-cepter tel qu’il est, plutôt qu’à souhaiter pour luil’euthanasie.

Place du bénévole dans l’équipe interdisciplinaireSe considérant dans une dépendance fonctionnelle parrapport à l’équipe soignante, il s’adapte au service pardes qualités de discrétion, de réserve et de non-jugement.Il peut « assister » un malade au moment des repas, maisn’est pas habilité à lui faire prendre ce repas, ni en aucuncas un médicament. De même, il peut assister un soi-

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gnant pour mobiliser un malade, mais n’est pas habi-lité à faire ce geste par lui-même. Restant dans le non-agir, il accepte les limites de son rôle avec humilité, etse réfère au soignant en cas de besoin.

Il s’engage à une présence hebdomadaire régulière,se plie à une ponctualité quasi professionnelle. Dansles échanges, il respecte la confidentialité.

Il consigne par oral ou par écrit sur un cahier de trans-mission ce qui lui semble important pour les soignants,concernant l’état moral du malade, son évolution oules problèmes qui le hantent. Ces notes permettent auxsoignants de mieux comprendre le patient au quotidien.Soutien moral pour eux, il rappelle à tous le sens dupartenariat centré sur le malade et sa famille.

Il côtoie les soignants dans la difficulté de leur fonction.Son écoute silencieuse, sa compréhension du stresséventuel, son estime, voire son admiration pour leurcourage quotidien, leur bienveillance, valorisent leur tâchetout en créant des liens et une reconnaissance mutuellequi apportent un soutien moral.

Les bénévoles constituent une équipe disponible pourle malade sous la responsabilité d’un bénévole che-vronné, agréée comme coordinateur. Il crée l’interfaceentre les bénévoles et l’équipe soignante : c’est à luiqu’elle s’adresse pour tout projet commun ou problèmeà régler afin d’agir en complémentarité.

Intervention à l’hôpitalAprès signature d’une convention avec le chef de ser-vice concerné et le directeur de l’hôpital, l’équipe desbénévoles intervient, par au moins l’un de ses mem-bres, sur une séquence horaire (14 à 18 heures sou-vent) ou deux (18 à 22 heures par exemple), parfoistrois (séquence du matin) ou quatre (la nuit).

En réponse à la demande des soignants, le coordi-nateur établit les plages horaires et détermine le planningdes présences.

Le médecin ou la surveillante désigne au bénévoleprésent quels sont les malades à voir, selon les critè-res « soins palliatifs ».

Le bénévole aura à juger si sa visite est opportuneou non.

En règle générale, il se présentera au malade sansl’intermédiaire du soignant.

Il saisira les occasions de contact avec la famille oules proches, ce qui est facilité là où existe un salond’accueil.

Intervention au domicilePermettre à la famille de « souffler », donc à la fois des’éloigner quelques heures pour mieux retrouver la forcede tenir et pouvoir se décharger à son tour de toutesa propre souffrance, de son angoisse, grâce à la pré-sence et à l’écoute d’un bénévole, sera la raison fon-damentale des accompagnements. En l’absence de lafamille, peu à peu, des liens s’établiront entre le bé-névole et le malade qui n’a, au mieux, accepté cetteprésence que pour soulager sa famille.

Le temps moyen d’accompagnement s’effectue sur130 jours. L’accompagnement des familles dans leurdeuil se fait par téléphone et, pour quelques-unes, àleur domicile pendant 2 à 4 mois avec arrêt progres-sif.

Le rôle de l’infirmière-conseilContrairement aux bénévoles des équipes intervenantdans des structures hospitalières, qui n’ont aucun gesteà faire, compte tenu de la présence des soignants, lebénévole au domicile, pour permettre à la famille des’absenter, pourra être amené à faire quelques-uns desgestes que la famille réalise, à condition que la familleet les soignants les aient clairement définis et autori-sés ; cela fait partie de l’évaluation réalisée par notreinfirmière-conseil, indispensable pour le fonctionnementd’une équipe d’accompagnement à domicile.

Nos critères d’interventions :l le malade est en phase critique éventuellement

réversible ou en phase terminale. La prise en chargepar l’équipe soignante est conforme à la déontologiedes soins palliatifs, la douleur est calmée, les symp-tômes sont traités, la communication est maintenueautant que faire se peut ;l nous ne prenons pas en charge de personne to-

talement seule, à l’exception des malades qui présententune indépendance suffisante.

La coordination des soins est assurée.Le rôle de l’infirmière-conseil est donc de :l servir d’interface entre l’équipe soignante et l’équipe

des bénévoles ;l évaluer les besoins de la famille dans la diversité

de ses membres ;l définir les jour et horaires ;l présenter ce que sont les bénévoles d’accompa-

gnement et ce qu’ils ne sont pas : ni soignant, ni auxiliairede vie, ni psychologue… ;l définir avec la famille et l’infirmière référente les

gestes autorisés et les gestes interdits au bénévole ;ce protocole est signé des trois parties ;l réévaluer les éléments en fonction des évolutions

tant du malade que des besoins de la famille ;l apprendre aux bénévoles les gestes simples qu’il

aura l’autorisation de réaliser ;l donner les renseignements appropriés aux coor-

dinateurs des bénévoles, choisir avec eux les bénévolesadaptés, les introduire au domicile ;l faire, en fin de parcours, avec les soignants, la fa-

mille et les bénévoles, l’évaluation des accompagne-ments réalisés ;l en cas de soignants isolés, coordonner les opé-

rations, conseiller éventuellement les familles, en ré-percutant sur l’infirmière de soins référente ce qui aété dit à la famille.

Dans ce dernier cas, l’évaluation est beaucoup pluscomplète que si l’équipe de soins est structurée, casde l’hospitalisation à domicile (HAD).

L’accompagnement

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Soins palliatifs et accompagnement

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Les modesde prise en charge

À l’hôpitalUne unité de soins palliatifs (USP) assure la prise encharge des patients en fin de vie, atteints d’une patho-logie irréversible et pour lesquels un traitement cura-tif ne peut plus être proposé, soit en raison de l’aggra-vation de l’état du patient, soit parfois à la demandedu patient qui, informé, ne souhaite pas prolonger untraitement qu’il juge inutile ou trop agressif. Cette priseen charge est axée sur la sédation de la douleur avectous les moyens de la pharmacopée actuelle, et surle traitement des symptômes gênants tels occlusions,nausées et vomissements, troubles respiratoires ou épi-sodes de confusion ; s’y associent également les soinsde nursing : toilette, bains, douche, massage, préventiond’escarres, tous soins qui permettent une approche nonverbale, un contact, un échange « dans le corps » avecdes patients souvent recroquevillés sur leurs douleursphysiques et psychiques.

La prise en charge de la douleur morale est autre-ment plus difficile, l’accompagnement est ici la missionessentielle du service : comment, à partir de ce quesait et a compris le patient, l’aider à cheminer vers cettefin de vie qui est un bilan de la vie passée, un deuilde la vie qui va s’arrêter, un abandon des êtres aimés.

Yves CamberleinPascal Arnaud

Médecins,Institut mutualiste

Montsouris

Les soins palliatifs s’exercent à l’hôpital dansdes unités spécifiques, ou en faisant appel àdes équipes mobiles de soins palliatifs ouencore dans les services curatifs aprèsformation des personnels. Au domicile ilspeuvent être assurés par les médecins libéraux,dans le cadre de réseaux, ou par les servicesd’hospitalisation à domicile.

Comment aider celui qui ne veut rien savoir et qui nepeut entendre aujourd’hui, et celui qui sachant tout,est pétrifié d’angoisse ou de désespoir. Cet accompa-gnement demande de l’énergie, du temps (pour parleravec le patient, l’aider dans ses questions, interrogerson entourage, dépister les drames, les non-dits quivont immanquablement resurgir), une disponibilité detous les instants et une approche pluridisciplinaire oùchaque soignant a un rôle spécifique et indispensableà jouer.

Il faut ici revenir sur la nécessité de respecter lesdéfenses du patient, de ne pas essayer de lui impo-ser notre vision de la situation, de respecter ses es-poirs ou son désespoir, ses émotions, bref de le res-pecter comme sujet quel que soit son état mental ouphysiologique, de le laisser aménager comme il l’en-tend ses derniers moments et rencontres. Cette notionde sujet pensant et désirant est essentielle pour quiveut se tenir à distance de l’acharnement thérapeuti-que et de son glissement qu’est l’euthanasie.

Pour les soignants, cette approche nécessite le re-noncement à la toute puissance, l’acceptation de l’échecthérapeutique et des sentiments de frustration quipeuvent en découler.

Cette approche globale implique également une con-naissance et un respect des pratiques culturelles, spi-rituelles ou religieuses du patient et de sa famille.

Le fonctionnement de l’équipe soignanteL’expérience acquise au fil des années, au travers deréussites, d’échecs, de périodes de tension, de diffi-cultés relationnelles, a bien montré l’importance de lamise en place de moments de dialogue ou d’informa-tion. L’important est de permettre un échange perma-nent sur les patients : c’est le but de la réunion quoti-dienne en fin de matinée avec tout le service (30 mn),où chacun, de sa place, peut apporter une informationou son expérience (la transmission infirmière lors du

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changement d’équipe est encore trop courte faute deplage horaire commune à l’équipe montante et descen-dante). Une fois par semaine a lieu la réunion de deuiloù sont évoqués les derniers jours des patients hos-pitalisés, les difficultés rencontrées, les joies ou lessatisfactions ; moment structuré qui permet à chacunune élaboration psychique afin d’éviter le trop-pleind’émotion ou d’indifférence défensive. Un groupe deparole a lieu une fois par quinzaine, réunissant lesmembres du service qui ont choisi d’y venir pour raconterleurs difficultés de soignants confrontés à des situa-tions difficiles ou mal vécues, et ce en présence d’unécoutant de formation psychanalytique qui sert de bien-veillant miroir.

Ont également lieu de façon informelle des échan-ges autour d’un café, souvent après un décès ou unévénement fort, comme pour se regrouper après l’orage.

Accompagnement de l’entourageLes fins de vie ne peuvent s’imaginer sans la présencedes proches adultes et enfants, et pour ce faire le serviceest ouvert 24 heures sur 24. Répondre à leurs ques-tions, les écouter, les aider à vivre ce qui se passe dansl’angoisse, l’incertitude, mobilise les compétences etl’expérience de chaque membre de l’équipe, la placedu psychologue y trouvant sa pleine justification. Il fautêtre là au moment du décès pour écouter la détresse,la révolte, en étant si possible apaisé. Notre rôle nes’arrête pas là et l’équipe est disponible pour accueillirles survivants et notamment les aider dans leur deuily compris les enfants, ce qui incombe à notre psycho-logue. Les structures relais de suivi de deuil sont ex-ceptionnelles.

L’hospitalisationLes patients hospitalisés dans l’unité de soins pallia-

tifs sont essentiellement des personnes atteintes depathologies cancéreuses évoluées, d’affections neu-rologiques dégénératives, d’insuffisance rénale nerelevant plus de la dialyse mais sans exclusion d’aucunepathologie. Compte tenu du nombre encore faible delits d’hospitalisation en soins palliatifs en France (en-viron 580), nous devons faire un choix parmi les 700demandes qui nous sont adressées chaque année, choixdont on imagine la difficulté. Nous privilégions donc les« morts difficiles », si l’on entend par ce terme lesmalades en phase terminale chez lesquels, soit lessymptômes physiques, soit les souffrances psychiques(anxiété, rupture ou crises familiales douloureuses,solitude) nécessitent la présence d’un personnel spé-cialement préparé et formé.

C’est-à-dire les patients jeunes, les adolescents, lesparents d’enfants ou d’adolescents (40 % de nos pa-tients ont moins de 56 ans), les situations de solitudeet parfois de dénuement, les situations familiales con-flictuelles que le décès à venir rend plus explosives etqui nécessitent la présence de tiers médiateurs, lespatients douloureux nécessitant des doses titrées d’an-talgiques.

Parmi nos admissions, 30 % viennent du domicile,après demande du médecin référent, parfois après avoirété vues en consultation de soins palliatifs. Celles-ciau nombre d’une soixantaine par an rendent possible,mais pas toujours, le maintien à domicile jusqu’à la findans un accompagnement accepté par l’entourage etle patient.

L’apport des soins palliatifs à la pratique soignanteLes unités de soins palliatifs ne peuvent faire face àtoutes les demandes. Quel pourrait être l’apport dessoins palliatifs à la pratique soignante classique ?l Du côté du patient les soins palliatifs nous ont appris

Les modes de prise en charge

La première unité de soins palliatifs

du Dr Jean Pichard médecin directeur et l’agrément d’Edmond Hervé alors ministre de la Santé.La création de ce service, premier du genre en France, s’appuyait sur la circulaire Laroque du 26 août

1986 portant sur l’organisation des soins et l’accompagnement des malades en phase terminale, qui montraitl’intérêt que le ministère de la Santé accordait aux malades en fin de vie.

L’unité de soins palliatifs, qui comprend 12 lits, est dirigée par le Dr Yves Camberlein assisté de deuxmédecins. L’équipe soignante comprend : un cadre infirmier, une psychologue clinicienne, une secrétairemédicale, une kinésithérapeute à mi-temps, et sur demande une assistante sociale et une diététicienne,7 infirmières, 6,5 aides-soignantes et 3 agents hospitaliers, tous volontaires recrutés par le chef de dé-partement après entretiens ; il leur est demandé d’avoir de l’expérience professionnelle, une certaine ma-turité associée à un projet éthique, moral ou spirituel personnel. Leur formation est assurée par « compa-gnonnage » et, de manière plus théorique, l’inscription à un diplôme universitaire de soins palliatifs estencouragée.

Le service a accueilli depuis sa création 1 700 patients avec un pourcentage de retour à domicile del’ordre de 15 %. La durée moyenne de séjour, qui a peu varié en 10 ans, est de 22 jours.

L’ unité de soins palliatifs de l’Hôpital international de l’Université de Paris, devenu depuis Institut mutualisteMontsouris, a été créée le 1er juin 1987 à l’instigation du Dr Maurice Abiven, avec le soutien actif

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Soins palliatifs et accompagnement

34 adsp n° 28 septembre 1999

que l’arrêt d’un traitement curatif ne signifie pas quel’on soit abandonné ou rejeté, que le passage au pal-liatif ne signifie pas la fin de tout espoir ou de touteperspective thérapeutique. Et que la fuite en avant n’estpas pour le patient un projet thérapeutique pertinent.l Du point de vue de l’équipe soignante, il est clair

que doivent être mises en place des réunions institu-

Le financementL’unité de soins palliatifs de l’Institut mutualisteMonsouris est dans un hôpital privé à but non lucra-tif, participant au service public hospitalier, et voit doncdans le cadre du budget global son prix de journée fixépar les autorités de tutelle (4 244 F pour notre unité) ;ce tarif ne correspond pas à la réalité d’une compta-bilité analytique, mais plutôt à une péréquation entreles différents services d’une même structure, ce quiest un obstacle à la création d’autres unités hospita-lières, malgré de récentes incitations législatives ougouvernementales.

Les patients atteints, par définition, d’une affectionde longue durée, sont donc exonérés du ticket modé-rateur.

L’activité des services hospitaliers est actuellementévaluée par le PMSI qui génère des points ISA servantà l’avenir à financer les services réputés les plus per-formants ou les plus actifs. Il s’agit d’un outil conçupour la chirurgie, la médecine ou l’obstétrique, maisqui n’est absolument pas adapté aux soins palliatifsou aux équipes mobiles, puisque les actes classantsgénérateurs de points ISA sont très peu nombreux etmal cotés. La prise en charge de la douleur, des symp-tômes gênants, ou le travail d’accompagnement auprèsdu patient ou des familles ne sont pas reconnus dansle PMSI. Il est donc indispensable, si l’on ne veut pasque notre activité soit pénalisée, que soit mis en placeun cadre spécifique.

Difficultés et espoirsLes difficultés rencontrées sont de plusieurs ordres etpas toujours là où on les attendrait.l Certes des agonies difficiles, surtout si elles du-

rent, si elles sont émotionnellement envahissantes, don-nent au service des « coups de houle » qui, l’expérienceaidant, restent supportables.l Les difficultés sont plutôt du côté de la routine qui

pourrait s’installer, ou de l’émergence d’un bouc émis-saire exutoire de tous les dysfonctionnements réels oufantasmés, ou plus rarement de l’irruption d’une parolelibre qui s’érige en gardienne de la tradition ou du sa-voir-faire palliatif et qui n’est jamais que le reflet d’uneangoisse individuelle en écho à une angoisse collective.l Difficultés matérielles, de ne pouvoir, faute de per-

sonnel ou de disponibilité, remplir les missions que sesont assignées les soins palliatifs : accueillir et formerdes stagiaires, faire de la recherche clinique, recevoirune famille dont on ne pourra prendre le malade, fairedes formations dans l’institution, être plus systémati-quement disponible auprès des autres services en équipemobile.

Mais dans un futur proche, fin 1999, l’unité aura 14lits d’hospitalisation plus un lit de jour dont la finalitésera de faciliter le maintien à domicile de patients re-levant de soins palliatifs, sans être en phase terminale :lit de répit, d’ajustement de soins et de traitements,espace de parole, de soutien psychologique et social,

Les formationsL’USP assure ouparticipe àdiverses forma-tions soit par desstages demédecin,d’infirmière,d’aide-soignante,de psychologue,soit en participantà diversesformationsexternes de typeDU de soinspalliatifs, écoled’infirmière,associationsmédicales.

tionnelles tels les groupes de parole ou les réu-nions de deuil permettant une mise à plat desémotions, des regrets, des angoisses qui amé-lioreront sensiblement la disponibilité et la qualitédu travail quotidien hospitalier. N’est pas régléle problème du financement de tels groupes.l Du point de vue des médecins, formés à

l’obligation de résultats, l’évolution à venir estencore plus longue, difficile et est devenue unefin en soi. La pratique des soins palliatifs mon-tre qu’au cours de l’évolution de la maladie leslimites de la phase curative sont plus précocesque ce que le thérapeute pouvait espérer, et qu’ilvaut mieux se placer dans une perspective pal-liative en s’interrogeant sur la finalité des thé-rapeutiques utilisées, sans se cacher derrièredes traitements de la dernière chance qui n’ontpour seul effet que de tenter de rassurer leprescripteur et sûrement pas le patient.

Les bénévoles représentent un regard, une pré-sence irremplaçable, extérieurs au monde hos-pitalier ; ils assurent surtout la nuit mais ausside jour une aide et un soutien auprès des pa-tients. Ils sont en quelque sorte les témoins dela société civile ; après une sélection et une

formation, ils ont des contraintes assez fortes puisqu’ilss’engagent sur une période de 2 à 3 ans à être pré-sents 4 heures par semaine dans la journée, ainsi quedes nuits ou des week-ends. Tout au plus peut-on re-gretter qu’ils ne représentent pas toute la diversité dela société.

L’échelle de KarnofskyActivité Échelle de Karnofsky

Activité normale 100 Asymptomatique90 Symptômes mineurs80 Légèrement limité

Incapable 70 Assume tous ses besoins personnelsde travailler 60 Assistance occasionnelle

50 Assistance considérable mais alitement inférieur à50 % heures éveillées

lncapable 40 Assistance médicale fréquente et confiné au lit plusde s’occuper de 50 % heures éveilléesde lui-même 30 Hospitalisation permanente nécessaire

20 Alitement permanent10 Moribond

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adsp n° 28 septembre 1999 35

lit relais qui implique la participation de la médecinelibérale ou d’autres structures de domicile pour lesquelsl’unité jouera un rôle de référent. Pour cette futurestructure, avec bien sûr le maintien et le développe-ment de la consultation externe, le ratio de soignantsrestera insuffisant, inférieur à 1,2 soignant par lit. C’estmalheureusement le cas de la majorité des unités enFrance, même si le passage en soins de suite offre unealternative, mais insuffisamment spécifique vu la chargeen soins. Les deux tiers de nos patients, lors de leurarrivée ont un indice de Karnofsky inférieur à 30 (cf.p. 34). Il serait regrettable que notre unité ne se voitpas dotée de création de postes en nombre suffisant,permettant la mise en place d’une véritable équipe mobilesoutenant les autres services dans l’accompagnementde leur propres patients en fin de vie.

Nous espérons beaucoup de la loi qui vient d’être votée,dans l’attente de décrets qui en préciseront l’applica-tion et la faisabilité, reconnaîtront nos spécificités et nosbesoins dans le seul but d’assurer un accompagnementde qualité de toute personne en fin de vie.

L’accompagnement du malade en fin de vie a per-mis de redonner toute sa dimension à ce moment dela mort, dimension qui nécessite un questionnementéthique permanent et adapté.

L’équipe mobile de soins palliatifs

L’histoire récente de la lutte contre le cancer en Francemontre que les médecins ne s’intéressaient pas à ceuxqui étaient « incurables » [1]. Il n’y a eu en conséquenceaucune transmission d’une culture clinique sur les soinspalliatifs. Pendant de nombreuses années, aucune ré-flexion n’a été vraiment menée sur le sujet. Dans unpremier temps, peut-être espérait-on tout simplementque soit gagnée la bataille du cancer, la priorité étantdonnée à la recherche. Le développement de la médecinebiotechnologique a préparé des médecins sans culturesur l’homme. Les débats sur l’euthanasie, l’acharne-ment thérapeutique ont soulevé dans la population desinterrogations sur la manière dont on meurt à l’hôpital.

Les raisons d’un besoinEn 1997, pour 27 des hôpitaux de l’Assistance publi-que-Hôpitaux de Paris, il y a eu 12 316 décès dont41,13 % par cancer (données MSI) se répartissant enservice de médecine (56 %), de réanimation (20 %), dechirurgie (18 %), lits porte (6 %). C’est cette réalité qu’ilconvient d’évoquer, car avant de n’être que des chif-fres dans des statistiques, ce sont des milliers depersonnes qui ont souffert, pendant des mois et an-nées, d’une maladie grave, espérant de l’hôpital mo-derne la guérison. Il y a aussi les familles, ceux quisurvivent et qui n’oublieront jamais la manière dont lafin de vie et le décès de leur proche se sont déroulés.

Une particularité des progrès récents de la médecineest l’allongement de la survie de ceux qui sont atteintsd’un cancer récidivant ou métastasé grâce aux traite-ments mais qui vont en fin de compte mourir de cettemaladie. Ce gain de temps peut être vide de sens s’ilest vécu dans l’angoisse de l’aggravation, avec la per-sistance de douleurs non prises en compte, les sou-cis financiers, professionnels et familiaux, l’épuisementphysique et psychologique. La qualité de la survie de-vient aujourd’hui essentielle et pas uniquement dansles derniers jours de vie. Il convient de bien compren-dre qu’aujourd’hui, les personnes atteintes de cancersont en droit d’attendre les meilleurs traitements envue d’une rémission durable mais aussi un soutienmédico-psycho-social adapté et un accompagnementtout au long de la maladie. Si la maladie progresse,les problèmes risquent d’être plus complexes au furet mesure que l’on s’approche de la fin de vie et l’éva-luation pluridisciplinaire telle qu’elle est réalisée en soinspalliatifs a montré sa pertinence et son efficacité.

L’évolution des mentalités dans la société est mar-quée par un processus d’individualisation. La montéedu sentiment dans les relations humaines et une plusgrande intimité modifient la perception de la souffrance,et comme l’écrit Luc Ferry, la montée du sentimentcomme celui du retrait des traditions font que « Le malsous toutes ses formes nous devient tout à la fois plussensible et moins sensé » [2]. Les individus doiventaffronter une figure inédite des relations humaines plusangoissante : celle du face-à-face. Le respect de lapersonne humaine, le souci de l’autre, de sa dignitéou du soulagement de sa souffrance ne sont plus desprincipes de devoir, ce sont aussi des valeurs librementacceptées et consenties par les individus d’aujourd’hui.C’est ce souci de l’autre qui souffre (la douleur et leregard du mourant) qui est à l’origine d’une prise deconscience de la nécessité de développer les soinspalliatifs dans l’institution hospitalière. La souffrance,ce sentiment pénible qui touche la globalité de la per-sonne malade, sa famille et les soignants estmultidimensionnelle (physique, psychologique, sociale,spirituelle). Elle est aggravée par la solitude. Elle con-duit à la démotivation, à la dépression, au désespoir,à l’angoisse. De nouvelles exigences apparaissent doncaujourd’hui comme la nécessité de respecter le sujetmalade (être accueilli, être informé, être considéré). Celuiqui meurt à l’hôpital vient cristalliser les tensions, lesdysfonctionnements de l’institution dans cette évolu-tion des mentalités.

Sept patients sur dix décèdent actuellement en mi-lieu hospitalier et la plupart ne peuvent accéder à uneUnité de soins palliatifs individualisée, il est donc ap-paru logique de permettre au patient décédant dansun quelconque service hospitalier de pouvoir égalementbénéficier d’une approche de type palliatif. C’est pourquoidepuis une dizaine d’années, les équipes mobiles desoins palliatifs ont été mises en place dans un grandnombre d’hôpitaux universitaires ou généraux.

Les modes de prise en charge

Jean-MichelLassaunière

Médecinresponsable du centre

de soins palliatifs,Hôtel-Dieu, Paris

Laure Batel-CopelMédecin spécialiste

responsable del’unité mobile

d’accompagnementet de soins continus,

Institut CurieMargot Estrate

Infirmière,Institut Curie

1. Pinell P. Naissanced’un fléau. Histoire de lalutte contre le cancer en

France (1890-1940).Éditions Métailié, 1992.

2. Ferry Luc. L’homme-Dieu ou le Sens de la vie.

Paris : Grasset, 1996.

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Soins palliatifs et accompagnement

36 adsp n° 28 septembre 1999

Objectifs d’une équipe mobileLa visée d’une équipe mobile de soins palliatifs dansun hôpital serait de prévenir la souffrance induite parla maladie grave. Prévenir signifie dépister et agir (pro-poser des mesures de soutien adaptées) plutôt qued’intervenir en période de crise ou de décompensation.Dépister veut dire identifier des facteurs de risque propresà la personne malade, sa famille, et les soignants, ouliés au fonctionnement de l’institution susceptibles avecle temps et l’aggravation de la maladie d’entraîner unedécompensation sous forme d’une détresse ou souf-france aggravée.

Il s’agit donc, dans une approche globale du patientet de sa famille, de maintenir le plus longtemps pos-sible trois objectifs :l un maximum d’autonomie,l un minimum de symptôme,l un maximum de communication entre le patient

et ses proches.Pour cela, une équipe de professionnels spécifique-

ment formés dans différents domaines (médical, infir-mier, kinésithérapie, diététique, psychologique et so-cial) et ayant l’habitude de travailler ensemble, peutintervenir dans les services au contact des équipessoignantes pour réaliser cet objectif.

Ces équipes fonctionnent avec des principes communs :l Elles sont multidisciplinaires (médecins, infirmières,

psychologues…), travaillent en équipe auprès du pa-tient et de son entourage.l Elles répondent à l’appel des soignants pour les

aider dans la prise en charge des patients qui au coursde la phase palliative posent des difficultés particulières.l Elles travaillent donc en collaboration et non en

substitution avec les équipes soignantes ayant pris encharge le patient depuis le début de sa maladie.l Elles essaient tout à la fois de soulager les souf-

frances des patients, de leur entourage, et des équi-pes soignantes.l Elles ont également vocation à faire de la forma-

tion et de la recherche clinique.

* De Sa Moreira E.Interne dans une struc-ture de soins palliatifs.Analyse d’entretiens et

réflexion sur l’enseigne-ment des soins palliatifs.Thèse Médecine, Univer-

sité René Descartes,1994.

Dans un hôpital universitaire l’équipe mobile de l’Hôtel-Dieu

sur un projet conçu par le Pr Ro-bert Zittoun, chef du service d’hé-matologie, en réponse à la circu-laire ministérielle du 26 août1986. C’est aujourd’hui une unitéfonctionnelle au sein du départe-ment d’onco-hématologie.Les convictions qui rassemblentles membres de l’équipe sont :l Le respect des personnes aussibien le malade, les membres desa famille, les autres soignants del’hôpital, que les membres del’équipe entre eux. Le sujet ma-lade est reconnu dans sa singu-larité, dans son histoire person-nelle et familiale. La maladie, sonévolution, les retentissementssociaux, familiaux, psychologiquessont replacés dans le contexte del’histoire de sa vie.l Le dialogue comme moyen detransformation des mentalités etnon le jugement ou le pouvoir. Lahiérarchie autoritaire, telle qu’onpeut se l’imaginer à l’hôpital, estrefusée. Chacun possède une partd’autonomie, de libre arbitre auservice de toute l’équipe. À cha-

que membre de l’équipe d’articulerson désir avec le projet commundu service.l La patience et la prudence, deuxattitudes qui respectent le chemi-nement des autres et se découvrentprogressivement, au contact desmalades, des autres membres del’équipe, des soignants de l’insti-tution. Cela passe nécessairementpar des épisodes de crise, de frus-tration et de découragement.l Le questionnement et la recher-che en collaboration avec lesautres équipes soignantes afind’identifier dans un domaine peuexploré les thèmes (médical, psy-chologique, social et spirituel) quipeuvent être approfondis en vued’un meilleur soulagement.l Le travail d’équipe, et un interneen témoigne : « On a tous en têtele schéma hospitalier de la placede chacun, mais dans une équipepluridisciplinaire, la parole de tousles membres a du poids et est priseen compte. Il existe un chef pourla crédibilité du service vis-à-vis del’extérieur, pour trancher et aussiunifier les membres ».*l Le Centre a une activité interne

de consultations ou d’hospitalisa-tion de jour au bénéfice de mala-des venant du domicile ou d’autreshôpitaux. Une astreinte télépho-nique 24h/24 est proposée à tousles patients suivis au centre. C’estle médecin et l’infirmière qui in-terviennent après un premier ap-pel en salle. La démarche consisteà analyser en détail les élémentsde la situation clinique donnée, àpartir du dossier et/ou auprès dupatient. Auparavant, il est préciséavec le médecin du service etl’équipe soignante la demande quia motivé l’appel.Les difficultés institutionnelles ren-contrées sont multiples. Elles sontliées à la particularité du travailde l’équipe qui ne s’apparente pasà une spécialité reconnue de lamédecine, à la dialectique qui s’en-gage avec les équipes sur les stra-tégies de soins poursuivies (cura-tif ? palliatif ? collaboration ?),suscitant un questionnement.Cette confrontation à l’altérité sur« le terrain » peut déranger desconvictions ancrées, remettre encause des pratiques ou des con-duites parfois automatiques.

Jean-MichelLassaunière

Médecinresponsable du centre

de soins palliatifs,Hôtel-Dieu, Paris

L a création de l’équipe mobilede l’Hôtel-Dieu date de 1989

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adsp n° 28 septembre 1999 37

l Elles coopèrent avec les services d’hospitalisationà domicile, les libéraux et les médecins généralistes.l Elles favorisent le choix du patient quant à son lieu

de fin de vie.Comme le disait T. Dormont en 1996 : « La prise en

charge de la phase terminale dans le service hospitalieroù le patient a été suivi et hospitalisé apparaît commela solution la plus naturelle et la moins traumatisante pourle patient, son entourage et le personnel soignant ». Ceciest facilité par la présence d’équipes mobiles qui jouentle rôle de courroies de diffusion des soins palliatifs.

La mort à l’hôpital est une réalité qu’on essaie cons-tamment d’évacuer parce qu’elle dérange et renvoie auxlimites de la médecine. Il existe un impact à long termede la souffrance négligée sur les soignants et les familles.Ignorer cette souffrance, c’est prendre le risque d’uneviolence qui finit toujours par retomber sur les acteurs.L’équipe mobile de soins palliatifs vient modestementrappeler cette évidence en osant la nommer.

Les difficultésUn certain nombre de difficultés liées au mode de fonc-tionnement apparaissent, voici les principales.

l Respecter les demandes différentes de chaque ser-vice (voire même des différents intervenants dans unmême service) sans déroger aux principes de base defonctionnement de l’équipe mobile de soins palliatifs.l Savoir adapter ses interventions à des modes d’or-

ganisation et des conceptions éthiques très diversesd’un service à l’autre.l Éviter d’être appelé trop tard (lorsque plus aucun

projet ne peut-être mis en place, ou que l’on a pas assezde temps pour servir de référence pour la famille).l Ne pas faire de substitution mais de l’aide, quel que

soit l’intervenant : médecin, infirmière, ou psychologue.l Maintenir, quelle que soit la surcharge de travail

à laquelle on peut-être confronté, un temps de partagepour une cohésion interne à l’équipe.l Négocier avec les contraintes liées à l’institution

et/ou à l’environnement hospitalier (disponibilité en lits,architecture…).l Savoir partager les responsabilités cliniques (heu-

reusement ceci est relativement classique en cancé-rologie où chimiothérapeutes, radiothérapeutes et chi-rurgiens ont dû apprendre à travailler ensemble depuislongtemps).

Les modes de prise en charge

Dans un centre anti-cancéreux l’expérience de l’Institut Curie

Laure Batel-CopelMédecin spécialiste

responsable del’unité mobile

d’accompagnementet de soins continus

Margot EstrateInfirmière

Institut Curie

tée à l’Institut Curie, elle est ac-tuellement constituée de deuxmédecins, de deux infirmières etde deux secrétaires médicales.Elle travaille en étroite collabora-tion avec les assistantes socialeset les psychologues de l’Universitéde psycho-oncologie de l’Institutpour suivre les patients issus detous les services de l’Institut.En six mois d’expérience, nousavons travaillé en collaborationavec tous les services du centrepour le suivi d’environ 200 pa-tients.l La moitié d’entre eux sont desmalades hospitalisés. Pour ces pa-tients la demande des servicesportait sur un travail d’accompa-gnement dans le cadre d’une finde vie. 60 % avait trait à un con-seil thérapeutique, une mise enplace de projet de fin de vie (re-tour à domicile, transfert dans uneUSP…) ou une discussion éthique.

l L’autre moitié des patients sui-vis par l’équipe mobile a été vuepour la première fois en consul-tation dans un cadre ambulatoire.Il s’agit alors de faire le bilan d’unesituation nécessairement com-plexe, celle-ci étant devenue troplourde pour le cancérologue réfé-rent. Nous avons donc mis enplace des consultations ditesmultidisciplinaires. Dans un pre-mier temps le patient et sa famillesont reçus par un médecin, unepsychologue et une assistantesociale. L’objectif est de dégagertous les problèmes auxquels estconfronté le malade (le patientpeut se plaindre d’une dyspnéemodérée et constater que celal’handicaperait moins s’il n’habitaitpas au 5e étage sans ascenseur).Dans un deuxième temps, le pa-tient reste seul avec le médecinpour l’examen clinique, pendantque la famille est reçue séparé-ment par la psychologue et l’as-sistante sociale.

Au terme de ces différents entre-tiens, une proposition de prise encharge est soumise au consultantpuis transmise au médecin réfé-rent, il s’agit habituellement d’unecoopération avec l’équipe mobilebasée sur les besoins mis à jourlors de la consultation (traitementsymptomatique, soutien psycho-logique, aide aux décisions, sou-tien familial, coordination avec lesintervenants extérieurs…).La mise en place d’une équipe mo-bile de soins palliatifs au sein d’uncentre anticancéreux correspondà un besoin réel, mais elle obligeaussi à une réflexion parfois dou-loureuse qui mène à des remisesen question permanentes de cha-cun.Pour être réussie, il doit s’agir d’unprojet institutionnel, nécessitantcertes le soutien de la direction,mais correspondant également àun besoin ressenti et exprimé pardes médecins et le personnelsoignant.

D epuis le 1er janvier 1997,une telle unité s’est implan-

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Soins palliatifs et accompagnement

38 adsp n° 28 septembre 1999

l Savoir s’effacer, sans provoquer de rupture, en casde divergences éthiques ou cliniques.l Respecter la confidentialité de chaque équipe.l Faire la différence entre éthique professionnelle

(code de déontologie, règles professionnelles des IDE)et privée.l Apprendre à gérer sa propre frustration de soignant :

on est plus dans le « faire-faire » que dans le « faire ».L’évaluation doit être réalisée suffisamment tôt (les

soins palliatifs ne sont pas réductibles à la périodeterminale) dans l’évolution de la maladie et il convientde sensibiliser les équipes de soins (la formation estun moyen) qui pensent bien faire et ne voient pas im-médiatement l’intérêt d’une telle évaluation. Des situa-tions cliniques antérieures difficiles, rediscutées avecles acteurs de soins, peuvent être pédagogiques, ainsique la recherche clinique. Nous avons récemment montréque les difficultés sociales des patients et familles aucours de la maladie étaient corrélées aux troubles psy-chologiques. Ce travail de sensibilisation vise un chan-gement des habitudes et pratiques qui demande de lapatience et beaucoup de temps. Parvenir à une éva-luation régulière de la douleur chez les personnes hos-pitalisées et à des conduites appropriées de soulage-ment est un exemple de cette patience.

Une autre difficulté constitue pour l’équipe mobileune limite sérieuse : ce sont les aléas rencontrés dansle fonctionnement des services comme l’absence departicipation des soignants aux décisions, l’autoritarismede supérieurs hiérarchiques, le peu d’intérêt pour cesquestions de fin de vie des personnalités qui travaillentseules et pour qui la discussion est vécue comme unecontestation de leur compétence. Ces réalités institu-tionnelles génèrent malheureusement des souffrancesinutiles. Combien de soignants venant en formation desoins palliatifs expriment leur découragement face àla lenteur d’évolution des pratiques dans leur servicecomme par exemple : « Que dire aux familles quand nous-mêmes ignorons les informations transmises aupatient ? » ou encore la pratique de l’euthanasie clan-destine. Il est impératif d’instaurer un travail d’équipeautour de la personne malade qui souffre.

L’approche clinique concerne les diverses conséquen-ces liées à l’évolution de la maladie et aux effets se-condaires des traitements et n’est pas en contradic-tion avec la poursuite des traitements spécifiques.L’équipe intervient transversalement dans l’hôpital ensoutenant le travail des équipes soignantes. Il s’agitd’une démarche qui se veut immédiatement pragma-tique (soulager rapidement des douleurs, recevoir etécouter la détresse d’une famille, animer un groupe deparole pour des soignants) et pédagogique (transmet-tre des connaissances, donner des clefs de compré-hension d’une situation clinique). Ce travail est sansfin car les connaissances évoluent très vite et l’expé-rience des membres de l’équipe s’affine au fil du temps.Il s’agit d’un travail de réciprocité avec les équipessoignantes qui s’inscrit sur le long terme.

Les soins palliatifs dans lesservices à visée curativeLa nécessité de faire évoluer l’assistance aux maladesconsidérés comme incurables vers une prise en chargevolontariste et efficace a donné naissance au mouve-ment pour les soins palliatifs depuis une vingtained’années. Sa montée en charge a été progressive, freinéepar le manque de conviction sur son bien-fondé, demotivation, de savoir-faire et de moyens. Heureusement,il n’est plus de structure sanitaire digne de ce nom quine mette actuellement en pratique le concept de soinspalliatifs. Comment organiser cette prise en charge ausein d’un hôpital de pathologie aiguë, faut-il créer dansl’hôpital un service spécifique de soins palliatifs, uneéquipe mobile, ou chaque service doit-il mettre en pra-tique les soins palliatifs dans le cadre de son activiténormale en dédiant ou non des lits à cette activité ?

Notre expérience d’un service de médecine interne,recevant des malades graves de tous âges, situé dansun hôpital où n’existe pas de service de soins pallia-tifs mais une équipe mobile, nous incite à formuler lesquelques réflexions suivantes.

L’équipe mobile de soins palliatifs a l’avantage depermettre au malade de rester dans la structure de soinsà laquelle il est habitué. Continuer à être soigné parune équipe avec laquelle se sont tissés des liens desympathie est, pourvu que les conditions hôtelièressoient correctes, moins angoissant que d’être trans-féré dans un service inconnu. L’intervention de l’équipepluridisciplinaire mobile de soins palliatifs, comportantmédecins, psychologues et infirmières spécialementformés, est une aide précieuse à l’application des moyensles plus aptes à prendre en charge l’inconfort et ladouleur. Cette équipe a en outre un rôle d’écoute etde soutien du malade, de la famille et de l’équipesoignante. Enfin, sa mission d’enseignement n’est pasla moindre. Mais l’intervention d’une équipe mobile posedes problèmes. À quel moment faire appel à ses ser-vices ? N’est-ce pas dans une certaine mesure unedémission de l’équipe soignante, médecins et infirmiè-res ? L’intervention d’une équipe abordant les problè-mes du malade sous un angle purement palliatif nerisque-t-elle pas d’être traumatisante ? N’est-ce passignifier au malade sa fin proche ?

Trois conditions sont nécessaires à la réussite decette intervention :l l’équipe infirmière qui assume, ne l’oublions pas

l’essentiel de la charge, doit être associée à la prisede décision sous peine de conflit potentiel ;l le malade (s’il est conscient) et sa famille doivent

être préparés psychologiquement, connaître la naturede l’intervention, sous ses aspects psychologique etmétaphysique et avoir exprimé leur assentiment ;l l’équipe de soins palliatifs doit, pour mener son

intervention, connaître l’état de la relation entre l’équipesoignante et le malade, son niveau de connaissance

Hervé DurandChef de service demédecine interne,Hôpital Laennec,

Paris

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adsp n° 28 septembre 1999 39

de la maladie, son niveau d’acceptation du pronostic.Bien entendu les prescriptions médicamenteuses sontfaites en concertation avec les soignants habituels.

Équipe soignante, équipe mobile :une articulation nécessaireIl faut à tout prix éviter le cloisonnement entre l’équipesoignante et l’équipe de soins palliatifs, cloisonnementnon pas dû à un blocage psychologique ou relationnelmais plus souvent au manque de temps.

En pratique, le plus gros risque est de laisser tota-lement la prise en charge du malade et de sa familleà l’équipe mobile. Ce n’est bien sûr nullement son rôle,elle n’en a ni les moyens ni le temps (le temps quoti-dien d’intervention souhaitable pour chaque patient etsa famille est estimé à 6 heures 30 d’infirmières etd’aide-soignante et à 1 heure de médecin et de psy-chologue). L’équipe soignante doit continuer à s’occuperde son patient de la même façon qu’avant l’interven-tion de l’équipe mobile dont l’implication ne revientnullement à considérer les soins curatifs comme obli-gatoirement terminés même si leurs modalités en sontprofondément modifiées. L’espoir de guérir ou d’amé-liorer doit toujours rester présent dans l’esprit et dumalade et des soignants, même dans les cas a prioriles plus désespérés. Jamais le patient ne doit se sentirabandonné par son équipe habituelle.

Le deuxième écueil, lorsqu’il existe une équipe mo-bile de soins palliatifs à la disposition de tout l’hôpi-tal, est l’excès de la demande par rapport à l’offre.L’équipe mobile se rend dans des services aux activi-tés différentes. Ses interlocuteurs médicaux et para-médicaux sont nombreux. Si elle n’hésite jamais à donnertout son temps au patient, le dialogue préalable avecl’équipe soignante est parfois sacrifié. On peut en rendreresponsable l’excès de travail et surtout le manque dedisponibilité de l’équipe demandeuse de l’intervention.

Tout ceci semble plaider pour la constitution au seinde chaque service d’une équipe de volontaires qui touten assurant l’activité traditionnelle médicale s’inves-tisse plus particulièrement dans les soins palliatifs aprèsavoir reçu une formation spécifique.

Est-il envisageable dans cette optique de dédierquelques lits du service aux soins palliatifs ? Noussommes assez opposés à ce type de solution car ellecomplique la gestion des lits et aboutit à la créationd’une zone spécialisée dont la destination ne peut pasrester inconnue des malades. Le transfert dans un deces lits risque d’être mal reçu.

Les services de soins palliatifs purement dédiés àcette activité peuvent sembler être la meilleure solu-tion : équipe parfaitement formée, grande expérienceentretenue par une activité quotidienne, locaux et matérieladaptés. Nous avons toujours eu à nous louer de l’ex-cellence de la prise en charge des malades dans cesservices auxquels nous faisons assez souvent appel.Cependant, un transfert dans un tel service est unedécision grave qui ne peut être prise qu’à la demande

expresse du patient et de sa famille. Il sera envisagés’il ne présente que des avantages et le malade ne doitpas le comprendre comme un abandon au moment oùla prise en charge médicale et psychologique est de-venue trop lourde. Il entraîne malgré tout un sentimentde culpabilité de la part de l’équipe soignante.

Intégrer les soins palliatifs àla prise en charge de l’équipe soignanteLes structures de soins palliatifs, équipe mobile, ser-vices spécialisés, lits dédiés au sein d’un service, sontdes expériences non exclusives les unes des autresdont on n’a pas encore tiré toutes les leçons. Si, dansl’état actuel, l’équipe mobile nous semble une solutionassez satisfaisante, notre préférence va à la prise encharge par l’équipe soignante habituelle des situationsde fin de vie.

La formation des jeunes médecins et infirmières àce type d’activité est prometteuse d’évolution (l’ensei-gnement des soins palliatifs a été introduit dans lesecond cycle des études médicales et dans le programmede l’internat). L’idéal serait que tout médecin, touteinfirmière soient parfaitement aptes à prodiguer les soinspalliatifs dans la continuité ou en association avec lessoins curatifs sans avoir recours à une équipe spécialiséeautrement que dans un but de formation. Parallèlement,chaque lit d’hôpital devrait être conçu comme un litpotentiel de soins palliatifs, c’est-à-dire placé dans unechambre individuelle avec les équipements adéquats.Les services hospitaliers fréquemment confrontés auxproblèmes de fin de vie (médecine interne, cancérolo-gie, gériatrie,…) devraient être les premiers à s’enga-ger dans cette direction, un peu utopique et très oné-reuse, mais vers laquelle il faut tendre.

Les services de soins palliatifs doivent continuer à sedévelopper. Ce sont les meilleurs lieux d’enseignementet de recherche donc de diffusion et de progrès de cettediscipline encore jeune et trop souvent maltraitée.

À domicileExpérience de généralistes

Assurer des soins à un patient en phase terminale àson domicile est une des missions essentielles dumédecin de famille qui retrouve ici son rôle fondamental.Qui mieux que le médecin traitant connaît le patient danssa globalité : son histoire et celle de sa famille, sapersonnalité, ses convictions et ses croyances, et àun plan plus technique sa réactivité aux traitements,son seuil de tolérance à la douleur et sa façon de s’ex-primer ou non dans ses périodes de souffrances phy-siques ou morales.

Les modes de prise en charge

Sylvain MichenotMédecin généraliste,chef de l’unité de soinspalliatifs, Maison deSanté Claire-Demeure,VersaillesRichard HonoMédecin généraliste,Le Chesnay

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Soins palliatifs et accompagnement

40 adsp n° 28 septembre 1999

Cette pratique d’accompagnement nécessite de lapart des médecins généralistes que nous sommes quel-ques particularités de motivation, formation, disponi-bilité et capacité à fédérer et à animer une équipe.

Les motivationsLes motivations à soigner un patient en phase termi-nale ne vont pas de soi. Elles surgissent à l’occasiond’une relation médecin-malade de qualité, de la prisede conscience du champ de nos responsabilités et dela réflexion de notre « rôle propre «. Cela suppose quele médecin fasse le deuil de » la toute-puissance » c’est-à-dire de sa capacité à soigner et à sauver coûte quecoûte, et qu’il valorise ses qualités d’écoute et sescapacités relationnelles dans le sens d’un accompa-gnement à vivre jusqu’à la fin.

Actuellement 70 à 80 % des patients meurent en

institution. Il y a donc manifestement une carence deprise en charge, et une lacune dans le champ d’acti-vité des médecins généralistes.

Peut-être est ce par manque de motivation à assu-rer ce rôle à la fois simple et si difficile mais aussi parmanque de formation, de soutien et d’équipes pluridis-ciplinaires présentes sur le terrain et compétentes.

La formationLa formation et le perfectionnement sont une néces-sité pour tout médecin. Nous savons bien que nous de-vons veiller à mettre nos connaissances à jour. Maisle champ de notre activité de généraliste est vaste, etla formation en soins palliatifs n’est pas obligatoire-ment perçue comme une priorité. Pourtant lorsque nousy sommes confrontés, l’accompagnement de fin de viene s’improvise pas. Outre l’aspect technique (manie-

Une unité de soins palliatifs au service des médecins libéraux l’exemple de

Jacques GirardierMédecin chef

d’établissement,USP La Mirandière,

Quétigny

« spécialisé » destiné à recevoir tousles malades en fin de vie d’une ré-gion. Elles sont là pour promouvoirune qualité de soins adaptée à lafin de la vie, dans les lieux où lesmalades peuvent terminer leur exis-tence. Il est en effet regrettablequ’aujourd’hui la fin de la vie entraînetrop souvent une hospitalisation,parfois éloignée du domicile et quele malade soit pris en charge par uneéquipe soignante nouvelle et incon-nue, même si c’est une équipe desoins palliatifs.

D’autre part aujourd’hui, si lesmalades décèdent très majoritai-rement en institution ce n’est pasuniquement la conséquence d’uneévolution de la société. C’est aussipar un manque d’investissement desmédecins et des soignants libérauxfaute de formation et découragés parl’ampleur du travail et l’absence desoutien.

La médecine de la fin de la vie doitrester de la compétence de la mé-decine libérale et tout doit être en-trepris pour que le malade puisserester chez lui le plus longtemps pos-sible, avec l’accord de sa famille.

Mais pour cela il faut que lesmédecins puissent compter sur l’ap-

pui, le soutien d’une équipe toujoursdisponible, prête à les conseiller, lesaider sur place, les rassurer, lesvaloriser et éventuellement les re-layer en cas de problème.

C’est dans cet esprit que travaillel’USP La Mirandière de Quetigny.

Un soutien aux médecins libérauxL’USP La Mirandière est indépen-dante, à l’écart de toute structurepublique ou privée pour être vraimentà la disposition de tous. Son activitése déploie dans quatre directions :l Un secteur d’hospitalisation ré-

duit de 15 lits pour bien signifier lecaractère volontairement limité decette activité.l Une activité de consultations et

de visites qui est particulièrementdéveloppée. Les raisons de l’appelsont en rapport soit avec un symp-tôme mal soulagé, une difficulté demaintien du malade là où il est ouencore des questions éthiques dif-ficiles. Sauf rares exceptions il n’ya pas à La Mirandière d’hospitalisa-tion directe ou sur dossier. Toute de-mande passe par une évaluationpréalable du malade là où il setrouve. Elle est sollicitée par le mé-decin de famille, le spécialiste, le ma-lade lui-même, sa famille ou l’infir-mière. Dans tous les cas le médecinréférent est joint en premier, avant

toute intervention, ce qui permet unepremière prise de contact etd’ailleurs elle est généralement bienaccueillie, parfois même avec uncertain soulagement. Cette précau-tion est indispensable pour éviteraussi tout malentendu, générateurde conflit. Ainsi tous les jours unmédecin et un soignant de LaMirandière se rendent au chevet demalades soit en institution soit à do-micile et rencontrent non seulementle malade et sa famille mais aussitous les intervenants. Cette visitepermet avant tout, d’analyser la si-tuation, d’évaluer les différents pro-blèmes ainsi que les souhaits et mo-tivations de chacun. Un long tempsest accordé pour connaître le sou-hait du malade, écouter, évaluer,étudier les ressources encore pos-sibles, puis énoncer les solutions etleur réalisation pratique. Effectuéepar des tiers, cette analyse est utileet empreinte de justesse car ellen’est influencée ni par le vécu, ni parle poids de l’investissement affec-tif et l’épuisement. Au terme de cetteévaluation, l’admission à l’USP estdécidée dans seulement un tiers descas. Dans les autres cas le maladeest laissé sur place soit parce quec’est trop tôt soit parce que le main-tien est possible. Les conclusionsde l’évaluation sont communiquées

L es unités de soins palliatifsne représentent pas un nou-veau secteur d’hospitalisation

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adsp n° 28 septembre 1999 41

ment des antalgiques majeurs, prise en compte dessymptômes associés à la douleur, traitement des dou-leurs neurogènes, etc.) la prise en charge du patientdans sa globalité implique des connaissances particu-lières ; éthiques, philosophiques, psychologiques, etimpose une réflexion sur soi-même, une capacité àprendre de la distance, une bonne maîtrise de l’inves-tissement affectif, des mécanismes de défense et desdifficultés décisionnelles. On voit donc qu’un minimumde formation s’impose. Mais contrairement aux médecinshospitaliers ou salariés nous devons financer nous-mêmes et intégralement notre formation, le plus sou-vent sur notre temps libre, ce qui représente une com-plication supplémentaire.

La disponibilitéLa disponibilité du médecin généraliste libéral doit être

totale ; l’accompagnement ne fait appel que très par-tiellement au médecin spécialiste et n’implique lemédecin hospitalier que pour des ajustements théra-peutiques ou des situations particulières dans le ca-dre d’allers-retours de courte durée. Cet accompagne-ment nécessite un temps de présence qui n’est pasrémunérable (ou difficilement). La proximité de la mortgénère chez le patient et son entourage une angoisseet un sentiment de solitude que le médecin de famillese doit d’assumer avec toute l’équipe soignante. Unpassage quotidien, voire plus ne serait-ce que quelquesminutes, est toujours nécessaire. Par ailleurs, les symp-tômes de la maladie et les effets secondaires des trai-tements justifient de fréquentes adaptations thérapeu-tiques et l’utilisation d’opiacés impose des prescriptionsrégies par une législation contraignante.

Être joignable facilement, y compris en dehors du

Les modes de prise en charge

La Mirandière

au médecin de famille. Tout main-tien à domicile passe nécessaire-ment par son accord. L’évaluationse termine toujours par le rappel quel’USP s’efforcera de toujours être dis-ponible si nécessaire.l Les avis téléphoniques se mul-

tiplient et constituent une activitécroissante. L’équipe médicale est ré-gulièrement appelée pour aider, ren-seigner, conseiller, soutenir un mé-decin aux prises avec un malade àdomicile qui ne va pas bien. Cesentretiens dépassent la simple de-mande de détail technique car sou-vent le médecin isolé a besoin deréconfort, de soutien et surtout devérifier que ce qu’il fait correspondà la bonne attitude.

Il est possible de conjuguer cesmodes de soutien. Par exemple, unmédecin suit dans sa clientèle unemalade de 67 ans qui arrive au stadeterminal d’un cancer du rectum. Elleest maintenant en occlusion et nepeut plus absorber la morphine LPqu’elle recevait jusque-là. Elle estencore consciente et très entouréepar une famille qui souhaite la gar-der à la maison jusqu’à la fin. Lemédecin traitant peu familiarisé avecles techniques antalgiques téléphoneà La Mirandière. On le sent motivémais embarrassé. Un long entretienlui permet d’obtenir tous les rensei-

gnements pratiques pour la mise enroute d’un traitement antalgique etantiémétique par voie sous-cutanécontinue. Le lendemain, commeconvenu, l’équipe de La Mirandièrese rend au domicile de la maladepour vérifier qu’il n’y a pas de pro-blème et rencontre à cette occasiontout le monde. Par la suite le médecinsuivra quotidiennement sa maladechez elle (nous tenant au courant)jusqu’à son décès 10 jours plus tard.

L’existence de La Mirandière apermis une augmentation du nom-bre des malades restant à domicile.

Il faudrait, dans un souci de dispo-nibilité, que La Mirandière puisse ré-pondre à l’urgence et c’est là unedifficulté. Le maintien à domicile a seslimites pour des raisons qui appartien-nent au malade, à sa famille, à l’équipemédicale ou soignante et il n’est pasrare qu’après une période stable la si-tuation bascule brusquement. En casd’urgence un médecin est toujoursjoignable à l’unité et s’efforcera d’ad-mettre le malade si c’est possible. Lemalade qui vient du domicile est prio-ritaire, même s’il faut reporter l’admis-sion d’un malade prévu venant d’uneinstitution. En cas d’impossibilité dufait de la faible capacité de l’USP, ilest convenu que le malade soit hos-pitalisé temporairement dans l’insti-tution qui l’a déjà soigné en attendant

qu’une place se libère. Une telle éven-tualité est toujours préparée à l’avanceet les familles ne sont pas prises audépourvu. C’est l’absence d’anticipa-tion de l’urgence qui constitue le prin-cipal obstacle au maintien à domicile.Au contraire une explication claire, desprescriptions anticipées, la démysti-fication des conditions de la phaseultime et le soutien actif de l’USP sontdes facteurs apaisants indispensablesà une bonne prise en charge à domi-cile.l La formation proposée aux mé-

decins libéraux et soignants repré-sente une composante très impor-tante de l’activité de l’unité. Cetteformation repose sur l’expérience etune réflexion qui se poursuit chaquejour. Elle est réalisée de plusieursfaçons : participation à l’enseigne-ment du diplôme interuniversitairede soins palliatifs, cycles de forma-tion, stages encadrés à l’unité, in-tervention dans le cadre de la for-mation médicale continue.

On parle beaucoup aujourd’hui desoins palliatifs, de maintien à domi-cile et de réseaux. La médecine dela fin de la vie est difficile et réclamebeaucoup d’investissement et decourage. Il est du rôle des Unités desoins palliatifs d’y apporter un sou-tien actif, en institution comme àdomicile.

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Soins palliatifs et accompagnement

42 adsp n° 28 septembre 1999

temps de travail est donc primordial, mais savoir dé-léguer l’est aussi en désignant ou en informant unconfrère susceptible de prendre le relais si nécessaire.

Comme nous le verrons, ce type de prise en chargene peut s’assumer qu’en équipe. Il faut donc prévoirdes temps de rencontre entre soignants et une dispo-nibilité vis-à-vis des autres acteurs de soins. En prati-que libérale cette disponibilité est grande consomma-trice de temps ; le sien et celui des autres.

Dans notre expérience, cet impératif demande uneorganisation différente de son travail et une attentionaux difficultés des autres acteurs de soins ; attitudeà laquelle nous n’avons pas été particulièrement pré-parés. Pourtant le travail en équipe est un élément cléde la prise en charge des patients en fin de vie.

Fédérer et animer une équipeEst-ce une activité spécifique d’un médecin de famille ?Pas forcément. Le patient s’attache souvent à l’un ouà l’autre des intervenants (infirmière kinésithérapeute,aide-ménagère, etc.) dont il réclame avec insistance laprésence aux derniers moments conscients. Cependant,lorsque l’équipe n’existe pas, le médecin tente de la

créer et de la faire fonctionner, en associant infirmiè-res, kinésithérapeutes, pharmaciens, biologistes, as-sistantes sociales, médecins spécialistes, voire asso-ciations de bénévoles ou de soins à domicile.

En tant que praticien libéral, nous avons déjà l’ha-bitude de travailler avec tel ou tel autre professionnel,par affinité, pour des raisons de proximité, ou par soucide qualité de soin. Mais cela ne suffit pas. Il faut va-loriser le rôle de chacun et savoir partager des infor-mations qui dépassent le cadre habituel d’une relationstrictement professionnelle, tout en étant garant de leurconfidentialité.

Nous répugnons habituellement à consigner par écritnos observations, résultats d’examens, prescriptions,ailleurs que dans un dossier médical que nous consi-dérons comme notre propriété. Pourtant comment tra-vailler en équipe pluridisciplinaire sans partager un outilde travail commun, sans échanger par écrit consigneset informations. Les transmissions orales n’offrent pasde sécurité suffisante quand elles s’adressent à plu-sieurs acteurs de soins et qu’elles concernent un pa-tient particulièrement vulnérable.

La simple tenue d’un cahier de transmission, asso-

Le réseau Cicely

Didier-Henri MayeurMédecin hospitalier

oncologue, Hôpital A.Mignot, Le Chesnay

Martine JaquementAdministrateur, ASP

FondatriceRichard Hono

Médecin généraliste,Le Chesnay

Sylvain MichenotMédecin généraliste,

chef de l’unité desoins palliatifs,

Maison de SantéClaire-Demeure,

VersaillesLaurence Vitu-Loas

Radiothérapeute,Unité de soins

palliatifs Maison desanté Claire-

Demeure, Versailles

mouvement moderne des soinspalliatifs, s’est constitué en 1998,à l’initiative de professionnels desanté « de terrain ».

Les acteurs du réseauIl comporte comme membres fon-dateurs un médecin généraliste,un médecin d’unité de soins pal-liatifs, un oncologue médical, unoncologue radiothérapeute, uneassociation d’infirmières libérales :Libé-soins.Ce réseau s’est étoffé avec la par-ticipation de kinésithérapeutes, debiologistes, de pharmaciens et ducentre communal d’action socialede Versailles. Il s’agit d’un réseauville-hôpital, centré autour despatients cancéreux en phase évo-luée et/ou palliative de leur ma-ladie. L’objectif est de favoriser leretour et le maintien au domiciledu patient en l’entourant des com-pétences de chacune des partiesintéressées.Ceci est rendu plus facile par le

réseau qui permet une meilleurecoordination des acteurs de santé.Des réhospitalisations en urgenceont pu ainsi être évitées grâce àl’existence d’un répertoire télépho-nique permettant de donner desréponses rapides aux problèmesposés.L’association Libé-soins a permisdepuis 4 ans de former 170 infir-mières libérales au traitement despathologies lourdes et à l’accom-pagnement des malades en phaseterminale. Le réseau Cicely a élargices formations à l’ensemble desacteurs de santé concernés.

Situation actuelleLe réseau se heurte cependant àdiverses difficultés. Ainsi, les né-gociations avec les diverses auto-rités de tutelle (CPAM, Ddass, ARH,Urcam,…) avancent lentement enraison de la multiplicité des inter-locuteurs et du flou juridique per-sistant concernant l’accréditationdes réseaux et leur financement.En effet, sur le terrain le réseaufonctionne pour l’instant très bien

grâce au bénévolat et à l’enthou-siasme initial. Mais il faut bien sortirdu bénévolat pour pérenniser le ré-seau. Ainsi, un réseau de ce typenécessite un travail rémunéré decoordination, de secrétariat et deformation. Il faut également, dansle cadre des pathologies lourdeset « chronophages », trouver un sys-tème de rétribution correspondantà la réalité du travail effectué parles acteurs de santé. Un autre pointcrucial est le recrutement d’un psy-chologue par le réseau et la pos-sibilité de remboursement de visi-tes de psychologues au domiciledes patients.Les points positifs sont le très bonaccueil des professionnels desanté de la région de Versailles,qui sont nombreux à être intéres-sés par le réseau Cicely. En outre,les rapports avec l’Associationpour le développement des soinspalliatifs (ASP) sont étroits et unpartenariat avec l’ASP est envisagépour permettre l’intervention de bé-névoles au domicile des pa-tients.

C e réseau, du nom de CicelySaunders, fondatrice du

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ciant tous les partenaires, dont la famille, laissé audomicile du patient ne peut nuire à personne s’il estutilisé avec discernement.

Les réseaux : une solution possibleVolontairement nous n’avons pas évoqué les patientsqui sont pourtant au centre de nos préoccupations. Noussavons que 70 % d’entre eux meurent à l’hôpital alorsque leur volonté s’exprime dans des proportions inverses.Il nous semble possible de mieux respecter le choix despatients en dépit des obstacles, et nous, médecins defamille, espérons trouver dans la création de réseauxde soins et le regroupement d’associations diverses,un outil efficace et des conditions de travail nous inci-tant à mieux nous impliquer. Mais pour le moment lesconditions ne sont pas en place et les démarchesadministratives pour créer simplement un réseau surla base d’associations de bénévoles ayant fait large-ment leurs preuves relèvent d’un véritable parcours ducombattant. Les bonnes intentions proclamées n’ontpour l’instant aucune répercussion pratique sur le ter-rain. Il suffirait simplement à tous les acteurs de santé(y compris à l’administration) d’abandonner un peu depouvoir, de partager un peu de savoir, de manifesterun peu d’obstination, pour qu’un plus grand nombrede patients puisse terminer leur vie dans les conditionsde leur choix. Nous y gagnerons en complétude.

L’hospitalisation à domicileen milieu urbain

En France, il y a 63 structures d’hospitalisation à do-micile. Leur répartition géographique sur le territoire estinégale. Elle se fait au détriment des zones rurales. Ainsi,l’Île-de-France concentre plus de 62 % de la capaciténationale d’accueil (3 900 places).

À ce jour, 52 départements sont dépourvus d’HAD [1].Les HAD initialement créées assuraient des prises

en charge polyvalentes, les pathologies étaient diver-ses : tumorale, vasculaire, infectieuse, neurologique…Au fur à mesure des années, tout en conservant cettepolyvalence, elles ont développé des pôles de compé-tences, notamment pour les soins palliatifs.

Cependant, la tendance actuelle est à la création destructures unipolaires, se « spécialisant » en soinspalliatifs. Leur capacité d’accueil dépasse rarement 30places.

La récente loi sur les soins palliatifs [2] accentueravraisemblablement cette tendance.

Quelle que soit la structure d’HAD, les soins pallia-tifs ont pris une place prépondérante.

Ils concernent tous les âges de la vie et tous typesde pathologies : cancer, sida, maladie neurologiquechronique …

Les demandes de prise en charge HAD proviennentessentiellement de l’hôpital, mais de plus en plus fré-quemment, des médecins de famille la prescrivent.

Quel est le rôle de l’HAD ?Pour une prise en charge cohérente et efficace, cen-trée sur le souhait du patient en fin de vie voulant re-trouver son environnement, l’HAD assure différentesmissions de coordination, de soin, de formation et desoutien.

La structure d’HAD assure la coordination des acteursde santé et du service social, autour du patient. La priseen charge est pluridisciplinaire. Elle fait appel :l au médecin de famille, en partenariat avec le mé-

decin hospitalier,l aux soignants : infirmière, aide-soignante, kinési-

thérapeute…,l au psychologue,l au pharmacien de proximité et/ou hospitalier,l au service social,l aux associations d’accompagnants bénévoles,l aux prestataires de services : location de maté-

riel (lits tous soins, pompes, seringues électriques, ma-chines à ventiler…).

C’est un véritable réseau de soins qui se tisse autourdu patient.

Au domicile, un dossier de soins infirmiers centra-lise l’ensemble des actions réalisées par les soignants.Ce document est un lien entre les acteurs. Le méde-cin traitant, à chacune de ses visites, y annote sesobservations et ses consignes. Pour le médecin hos-pitalier, le dossier accompagne le patient lors d’uneréhospitalisation ou d’une consultation. Ce dossier doitrespecter les règles en vigueur du secret profession-nel. Bien sûr, il ne dispense pas des rencontres au chevetdu patient entre le médecin traitant et l’équipe, pourune synthèse de la prise en charge.

Le projet thérapeutique fédère les acteurs : c’est leciment de la coordination.

Il permet une prise en charge globale du patient, caril se décompose en trois éléments étroitement liés :clinique, psychologique et social, qui s’inscrivent dansune démarche éthique.

Élaboré par le médecin prescripteur de la demanded’HAD (médecin de famille ou hospitalier), ce projet estproposé au médecin coordinateur.

Ce dernier évalue l’adéquation du projet avec lespossibilités de soins au domicile, afin d’assurer aumalade une sécurité optimale.

Au cours du séjour, les objectifs seront réévalués enconcertation avec le médecin traitant et l’équipe soignante,et si nécessaire, avec le service social de l’HAD.

Ce projet est indissociable de la volonté du patientet de ses proches. Aucune HAD n’est possible sansl’accord du patient et la collaboration de ses proches.Il en est de même pour le médecin de famille : l’HADdoit recueillir son assentissement pour le suivi du patient.

Les soignants élaborent le projet de soins. L’HAD

Les modes de prise en charge

Patrick Le PlatMédecin coordina-

teur, chef de service,HAD Croix Saint-

Simon, Paris

1. Données 1999, Fédé-ration nationale des

établissements d’hospi-talisation à domicile.2. Loi n°99-477 du 9

Juin 1999 visant àgarantir le droit à l’accès

aux soins palliatifs. J.Odu 10 Juin 1999. 8487-

8489.

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Soins palliatifs et accompagnement

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réalise au domicile des soins identiques à ceux réali-sés à l’hôpital, avec une qualité au moins égale.

Ces soins prodigués sont variés et nombreux :l Prise en charge de la douleur, avec suivi et réé-

valuation du traitement antalgique. Une information clairedoit être faite au patient et à ses proches sur l’emploinotamment de la morphine. Ils doivent en comprendrela dimension antalgique : ne pas confondre avec « lamort fine… »l Technique : pansements complexes d’escarres, de

trachéotomie, soins d’hygiène et de confort, perfusions,changement des sondes urinaires, de poches decolostomie …l Éducation des proches : la famille, à leur demande,

peut être « formée » par l’infirmière, à la pratique depetits gestes : vider une poche urinaire, fermer uneperfusion… L’autorisation du médecin traitant est re-quise pour dispenser cette formation. L’objectif est defournir aux proches une certaine autonomie par rapportaux soignants et de leur permettre d’accompagner leurparent malade.l Soutien relationnel à la fois du patient et de sa

famille. Il est assuré par le médecin, l’infirmière, le psy-chologue, l’accompagnant bénévole …

Ce dernier permet notamment de seconder le pro-che et lui permettre des périodes de répit.

L’accompagnant bénévole complète l’action de l’équipesoignante, sans jamais se substituer à elle. Le plussouvent, des conventions de partenariat lient les HADà des associations d’accompagnants bénévoles.

Pour améliorer au quotidien ses compétences, lepersonnel soignant est régulièrement formé et informédes derniers progrès médicaux, notamment dans la priseen charge de la douleur.

L’HAD, en tant que structure, permet d’assurer uneformation permanente et homogène à l’ensemble deson personnel.

Mais aussi, l’expérience de l’HAD est riche d’ensei-gnements. À ce titre, elle est choisie comme terrain deformation pour les instituts de formation en soins in-firmiers (Ifsi), voire par des étudiants en médecine aucours de leurs stages chez le médecin généraliste.

Les techniques du groupe de parole sont destinéesau personnel. Piloté par un psychologue ou par unpsychiatre, ce procédé facilite l’expression des angois-ses, des difficultés de l’équipe dans l’accompagnementde certains patients. En conséquence, le soutien aumalade et de ses proches se trouve ainsi renforcé.

En conclusion, pour l’HAD : coordination, projet thé-rapeutique, soins, formation, groupe de parole sont lesmots-clés d’une prise en charge « soins palliatifs ». Lemédecin traitant en est le pivot médical.

Cependant, il est nécessaire de poursuivre nos ef-forts pour :l intégrer au mieux le médecin de famille en lui don-

nant la possibilité de suivre avec l’équipe de l’HAD, lesgroupes de parole, les formations… ;l permettre le suivi du deuil des familles. Ainsi, pour

les quelques jours suivant le décès au domicile, il doitêtre mis en place un soutien psychologique de la fa-mille ;l élargir la prise en charge financière de certains frais

de garde du patient. À l’heure actuelle, les garde-ma-lades sont financés par le malade ;l développer des actions de recherches au domicile,

dans le domaine des soins palliatifs pour améliorer no-tamment le soutien relationnel du patient et de l’équipesoignante, les techniques de soins et obtenir une recon-naissance par les tutelles et le corps médical, du bé-néfice à être accompagné en fin de vie à son domicile ;l s’inscrire dans une « démarche qualité », adaptée

aux conditions du domicile.Au total, les soins palliatifs sont un des domaines

de prédilection des HAD. L’avenir est à leur dévelop-pement au domicile (70 % des patients décèdent à l’hô-pital). Le médecin de famille, en collaboration avec l’HAD,aura une place prépondérante dans les réseaux de soins,grâce à la synergie de leurs expériences.

L’hospitalisation à domicileen milieu rural

L’hospitalisation à domicile existe dans le départementde l’Aveyron depuis 1979, département rural très étendu(873 500 hectares). Sa vocation initiale était de prendreen charge au domicile des patients venant des hôpi-taux généraux et des CHU voisins, souvent relativementéloignés du domicile parfois peu accessibles du fait desvoies de communication, situées dans une zone demontagne, dont l’habitat rural est particulièrement dis-persé.

Les 30 lits que comprend cette structure d’hospita-lisation à domicile a bénéficié dès 1989 de la trans-formation de 5 de ses lits en structure de soins pal-liatifs ce qui permettait une approche soignante plusadaptée aux fins de vie.

Les aspects théoriques du fonctionnement del’hospitalisation à domicileIls se caractérisent par l’originalité de leur cadre ad-ministratif, il s’agit d’une réalisation mutualiste de l’Uniondes sociétés mutualistes de l’Aveyron qui est ouverteà tous les assurés sociaux quel que soit leur régimede couverture. Leurs zones d’interventions sont nom-breuses et réparties sur 10 centres de soins éclatéssur le département couvrant ainsi les besoins d’envi-ron 46 % d’une population de 270 141 habitants. Leurorganisation est souple car les centres de soins sontaussi des prestataires de service, que ce soit dans ledomaine du service de soins infirmiers à domicile, dusoin infirmier à l’acte, de l’hospitalisation à domicileclassique, du soin palliatif à domicile.

Jean-Pierre CalmelsMédecin chef,

service moyen etlong séjour, Hôpital

de RodezPhilippe Delbes

Coordinateur desbénévoles, ASP 12

de RodezLydia Tolou

Médecin oncologue,coordinatrice des

soins palliatifs, HADUDSMA Mutualité de

l’Aveyron, centrehospitalier Rodez

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Le soutien soignant comprend des moyens humainsinstitutionnels à raison de 80 minutes d’aide-soignantepar jour, de 180 minutes d’infirmière à domicile par jour,de 38 minutes de garde-malade par jour et 4 vacationshebdomadaires de médecin coordinateur.

Ce temps est attribué à des médecins du centrehospitalier de Rodez mis à disposition de la structured’hospitalisation à domicile et de soins palliatifs. Ilsassurent l’interface entre le médecin traitant, les ser-vices hospitaliers et les contrôles médicaux des cais-ses d’assurance maladie.

Ce soutien comprend aussi des moyens humains extrainstitutionnels. Le kinésithérapeute, choisi par le pa-tient, intervient sur prescription médicale avec uneforfaitisation de son intervention sur la base de 6,5 AMK.Les infirmiers libéraux, par convention avec la structurepeuvent continuer à prendre en charge leur patient. Lesbénévoles de l’Association départementale des soinspalliatifs (ASP 12) interviennent au domicile dans le cadred’une convention de coopération. Leur intervention,toujours acceptée par le malade et la famille, se faitau départ sur la base de deux interventions par semaineavec mise en place de deux accompagnants bénévo-les qui suivent régulièrement le malade hospitalisé ensachant que ce type d’intervention est modulable enfonction de l’état et des problèmes éventuels surve-nant chez ce dernier.

Le matériel médical est également mis à disposition.Il est celui de l’équipement classique d’une chambrede malade et fait appel si besoin à un lit médicaliséélectrique, matelas anti-escarre sophistiqué type AlphaXL Nimbus, Kineris… Ce peut-être aussi du matérielpermettant d’assurer une meilleure performance de laprise en charge de la douleur du malade et fait appel,si besoin, à des pompes à perfusion et à du matérielde PCA (analgésie contrôlée par le patient).

L’ensemble de ce matériel est fourni à la structured’hospitalisation à domicile par les pharmaciens dusecteur ou les établissements assurant la distributiondu matériel médical qui en assurent la maintenance.

Les aspects pratiques du fonctionnement del’hospitalisation à domicile en soins palliatifs enmilieu ruralIls sont la conséquence de liens forts qui unissent auprèsdu malade et de ses proches au domicile, les différentsintervenants. Le médecin de famille, choisi par le pa-tient, bénéficiant de la confiance de celui-ci, assure laprise en charge thérapeutique et son suivi ; il est leréférent dans le fonctionnement du réseau. Les struc-tures de soins hospitaliers de proximité (privées oupubliques) s’engagent à reprendre les malades en soinspalliatifs à domicile à la demande du médecin de fa-mille quand les circonstances l’imposent. Les acteursde terrain sont également très concernés, que ce soientles professionnels de la distribution du médicament,qui délivrent et facturent par le biais du tiers payantaux organismes payeurs les produits prescrits par le

Les modes de prise en charge

médecin traitant ; les auxiliaires médicaux, infirmier,kinésithérapeute qui peuvent, grâce à une conventioncontinuer à prendre en charge pendant la fin de vie lespatients qu’ils suivaient en ambulatoire au début deleur maladie ou les acteurs sociaux qui construisentun système facilitant le maintien au domicile par le biaisd’interventions d’aide-ménagère, de travailleuses fami-liales ou d’autres prestations concernant par exemplele portage des repas ou l’entretien du linge.

Enfin les bénévoles d’accompagnement dont l’inter-vention souhaitée par le malade et acceptée par lafamille est d’autant plus bénéfique que la prise decontact a été établie en milieu hospitalier souvent àun stade moins évolué de la maladie. Leur utilité estreconnue et matérialisée par de nombreux acteurs desanté, par le biais de conventions signées par l’As-sociation des soins palliatifs (ASP 12) avec des hô-pitaux, cliniques et structures HAD soins palliatifs. Leurefficacité et leur crédibilité passe par la souplesse durythme des interventions des bénévoles qui s’adap-tent à la demande du malade et de sa famille. Leurmise en place est favorisée par les soignants hospi-taliers et le médecin traitant, qui facilite le travaild’accompagnement en apaisant les angoisses et lespeurs d’ingérence.

Les aspects budgétaires du fonctionnement de cettestructure reposent sur un prix de journée régulièrementannualisé par les organismes sociaux payeurs en fonctionde la politique de l’Agence régionale d’hospitalisationet du fonctionnement de la structure : ce prix de jour-née a régulièrement évolué depuis 1989 et s’établitactuellement aux alentours de 960 francs.

Un forfait de 1 100 et à 1 200 F par jour, tel qu’il apu être proposé par le Conseil économique et socialdans sa séance du 24 février 1999, permettrait unemeilleure prise en charge de la dimension psychosocialeainsi qu’un financement de certaines dépenses nonremboursées comme des gardes de répit supplémen-taires et la prise en charge de l’incontinence.

La prise en charge de la douleur de la fin de vie audomicile et la création d’une unité de soins palliatifsen hospitalisation à domicile rurale était en 1989 unevéritable innovation. Dix ans après, chaque année, estpris en charge régulièrement sur 5 lits une centaine depatients pour un séjour qui dure environ 20 jours alorsqu’accompagnement et suivi du malade et de ses pro-ches durent 4 à 8 semaines car il sont souvent initiésen service hospitalier avant que ne soient abandonnéesles orientations thérapeutiques curatives. Ce défi estdonc devenu une réalité qui assure une prise ne chargepersonnalisée multidisciplinaire sécurisante et perma-nente où sont régulièrement échangées par tous lesacteurs des émotions autour d’une expérience forte etunique qui est la mort d’un être humain.

C’est aussi un acte de solidarité pour la société etun véritable enjeu dont la finalité est de réhabiliter ladignité humaine dans l’isolement ultime et souventdésespéré de l’homme face à sa mort.

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Soins palliatifs et accompagnement

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fin de vie dans les services de gériatrie ou de géron-tologie qui comportent habituellement des lits de courtséjour, de soins de suite et de soins de longue durée.

Mais on peut considérer également dans ce cadreles nombreux services de médecine qui soignent beau-coup de malades âgés et les maisons de retraite mé-dicalisées qui jouent et joueront sans doute un rôle crois-sant dans la prise en charge au long cours — et jusqu’àson terme — des malades très âgés dépendants.

L’ampleur des besoins actuelset futursL’ampleur des besoins de soins palliatifs des maladesâgés en fin de vie est très largement méconnue et sous-estimée et ce, alors même que la majorité des décèsconcerne des personnes âgées et même très âgées,en France comme dans les autres pays européens…

En effet, d’après les données fournies par l’Inserm,en 1996, près de 79 % des décès surviennent chez despersonnes de 65 et plus, environ 60 % chez des per-sonnes de 75 ans et plus, et surtout 35 % chez despersonnes de 85 et plus. Et ce dernier pourcentage de-vrait encore augmenter dans les années à venir…

La majorité des décès survient maintenant en insti-tution. Ainsi en 1996, toujours d’après l’Inserm, 68 %des décès ont eu lieu en institution (49 % à l’hôpital,9,8 % dans des cliniques privées et 9,4 % en maisonsde retraite ou hospices), et 26,1 % au domicile (26,9 %pour les hommes, 25,3 % pour les femmes). Depuisune dizaine d’années, le pourcentage de décès à do-micile connaît des fluctuations, mais dans l’ensemblediminue, de 28,6 % en 1988 à 26,1 % en 1996. Qu’enest-il pour les plus âgés ? Pour les hommes de 65 à

84 ans, le pourcentage de décès à domicile est de26,9 %, c’est-à-dire équivalent à celui des hommes detous âges, alors qu’il est inférieur pour les hommes de85 ans et plus (26,4 %). Pour les femmes âgées, cespourcentages sont toujours inférieurs à ceux des hom-mes, mais ce sont les femmes de plus de 85 ans quimeurent un peu plus chez elles (25,9 %) que l’ensem-ble des femmes (25,3 %) et que les femmes de 65 ansà 84 ans (24,5 %). Fait notable, le pourcentage de décèsen maisons de retraite ou hospices a augmenté de 7,3 %en 1988 à 9,4 % en 1996, et ce sont les plus de 85ans qui meurent le plus dans ces structures (13,8 %des hommes, 20,5 % des femmes). Peut-on raisonna-blement espérer une modification de ces tendances enFrance dans les années à venir ? En particulier, ledéveloppement des soins palliatifs à domicile, actuel-lement largement souhaité, peut-il permettre à davan-tage de personnes âgées de mourir chez elles dansl’avenir ? Trois articles anglo-saxons récents apportentquelques éléments de réponse qui doivent inciter à laprudence. En Angleterre le pourcentage de décès àdomicile des patients cancéreux, qui était de 27 % en1985, est de 26,5 % en 1994, après avoir connu unminimum de 25,5 % en 1992. Mais il est souvent in-férieur pour les plus âgés, et notamment pour les fem-mes. En effet le pourcentage de décès à domicile deshommes de 75 à 84 ans varie suivant les régions d’An-gleterre entre 27,3 et 20,4 %, celui des femmes de lamême tranche d’âge, entre 22,0 et 15,5 %. Pour lesplus de 85 ans les pourcentages sont inférieurs, en-tre 20,0 et 15,3 % pour les hommes et entre 16,7 et13,0 % pour les femmes. Une autre étude anglaise re-lative à 229 décès de patients cancéreux montre queseulement 21 % d’entre eux sont morts à domicile etconfirme que les malades de moins de 65 ans et leshommes ont plus de chances de mourir à domicile queles plus âgés et les femmes. Une autre étude améri-caine cette fois étudie les décès d’une cohorte de 620

Renée Sebag-LanoëMédecin,

chef de servicede gérontologie etde soins palliatifs,

Hôpital Paul Brousse,AP-HP

Les soins palliatifsen gériatrie

De par la diversité des pathologies et des situations, les malades âgés en finde vie nécessitent des approches spécifiques et diversifiées.

L es soins palliatifs en gériatrie sous-entendentici la pratique clinique des soins palliatifs et del’accompagnement auprès des malades âgés en

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Les soins palliatifs en gériatrie

sujets de 65 ans ou plus pendant les années 1989 et1990 : 49 % des décès surviennent à l’hôpital, 20 %dans des maisons de retraite, 21 % à domicile et 7 %en hospices, c’est-à-dire en unités de soins palliatifs.Parmi les patients qui vivaient à leur domicile avant ledécès plusieurs facteurs sont associés à une diminu-tion significative des chances de mourir à domicile : lesexe féminin, la dépendance, les troubles des fonctionscognitives, le cancer, les maladies pulmonaires chro-niques et l’insuffisance coronarienne. Le fait d’avoir unparent féminin proche, et donc susceptible de s’impli-quer directement dans les soins, ou de vivre avec unenfant, augmente les chances de mourir à domicile. Uneautre étude suédoise souligne que les soins à domi-cile supposent un engagement très important de l’en-tourage et probablement la participation d’un autresoignant informel que le seul conjoint.

Ces études montrent combien il est urgent d’amé-liorer les conditions de la mort des plus âgés dans leshôpitaux, dans les cliniques et dans les maisons deretraite, tout en développant bien entendu la pratiquedes soins palliatifs à domicile pour les patients âgésqui peuvent en bénéficier.

Cependant tous les décès de personnes âgées nenécessitent pas des soins palliatifs et un accompagne-ment. Il existe en effet des vieillards qui décèdent bru-talement. Mais contrairement à certaines représenta-tions sociales, ils ne sont pas la majorité, loin s’en faut.Et une étude multicentrique récente réalisée avec ungroupe de gériatres sensibilisés aux soins palliatifsmontre bien que 73 % des décès hospitaliers de ma-lades âgés de plus de 85 ans surviennent en quelquesjours ou quelques semaines. Ce sont donc des mala-des dont la mort est prévisible et qui peuvent bénéfi-cier de soins palliatifs adaptés et d’un accompagne-ment pendant le temps qu’il leur reste à vivre.

Les soins palliatifs au grand âge représentent doncun problème de santé publique d’avenir. Il est d’autantplus important d’en reconnaître et d’en enseigner lesspécificités.

Les spécificités gériatriquesdes soins palliatifsLes besoins des malades âgés en fin de vie, non dif-férents de ceux des malades plus jeunes, sont physi-ques, psychologiques, sociaux et spirituels et néces-sitent la même prise en charge pluridisciplinaire dumalade et de sa famille, avant et après le décès.

La charge en soins techniques et relationnels desmalades âgés en fin de vie est lourde pour les équi-pes soignantes. Et elle est tout à fait comparable à cellede patients plus jeunes comme l’a bien montré une étudemulticentrique réalisée dans plusieurs services degérontologie sensibilisés aux soins palliatifs en France.En termes de charge de travail, les résultats sont re-marquablement concordants d’un centre à l’autre. Si

l’on considère le travail infirmier et aide-soignant, lesmalades âgés en soins palliatifs nécessitent en moyenne5 heures de travail quotidien, mais d’après les soignants,6 heures 30 minutes seraient souhaitables. Ces chif-fres sont très proches des évaluations faites auprèsde malades hospitalisés dans des unités de soinspalliatifs : dans son rapport, Henri Delbecque estimaiten effet à 6 heures par jour le temps moyen nécessaireaux soins d’un malade en phase terminale et ChantalCouvreur en Belgique avait trouvé des chiffres similai-res. D’autres ont montré que le gradient d’activité estétroitement corrélé à la dépendance, avec par exem-ple 3 heures 30 minutes de soins nécessaires par jourpour un index de Karnofsky à 10 (lire p. 34) chez desmalades atteints par le sida. Or nul ne remettra en causela grande dépendance habituelle des personnes âgéesà la fin de leur vie (dans l’étude gériatrique évoquée,94 % des personnes avaient une perte d’autonomiephysique au moment de l’inclusion).

La pauvreté actuelle des moyens dont disposenthabituellement les équipes gérontologiques ne doit pasconduire à sous-estimer les besoins en soins palliatifsdes malades âgés ni la charge en soins réelle qu’ilsreprésentent pour les équipes qui peuvent les réaliser.

La diversité des pathologiesUne première spécificité procède certainement de ladiversité des pathologies auxquelles on est amené àappliquer le concept de soins palliatifs en gériatrie. Lessoins palliatifs se sont développés au départ autourde la prise en charge des cancéreux en phase avancéeou terminale. Mais Dame Cicely Saunders avait bien prévuleur extension potentielle dans le champ gérontologique.Très vite, leur pratique s’est étendue à d’autres con-textes pathologiques générateurs de morts progressives :les défaillances viscérales graves, telles que les insuf-fisances respiratoire, cardiaque ou rénale terminales,mais surtout les processus démentiels — maladied’Alzheimer et autres démences — les autres maladiesneurologiques vasculaires ou dégénératives parvenuesà un stade avancé et les tableaux de polypathologiesévoluées au cours desquels la survenue d’un épisodeaigu surajouté peut poser le problème du passage auxsoins palliatifs. Dans l’enquête multicentrique françaisequi étudiait les diagnostics des 300 malades âgés quiétaient décédés dans le cadre d’une prise en chargepalliative, il s’agissait de cancers (26 % des cas), dedémences (26 % des cas), de polypathologies (14 %des cas), de pathologies neurologiques (12,5 % des cas),d’insuffisances d’organes (10,5 % des cas) et d’autrespathologies (11 %).

C’est bien la personne âgée en fin de vie elle-mêmeet l’approche pragmatique des symptômes dont ellesouffre qui comptent davantage ici que la (ou les)pathologie(s) responsable(s) du processus de fin de vie.L’approche palliative des malades atteints de maladied’Alzheimer est déjà très développée dans des unitésspécialisées aux Etats-Unis. Cet aspect des soins pal-

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liatifs gérontologiques et la nécessité de développercette approche dans nos services ont été fortementévoqués au cours du 4e congrès de l’Association euro-péenne de soins palliatifs en 1995.

Le grand âgeUn deuxième ordre de spécificité procède du grand âgeen lui-même, puisqu’il imprime sa marque sur l’expres-sion clinique des symptômes sur l’ambiance psycho-relationnelle et sur le maniement des thérapeutiques.l Au plan clinique, tous les gériatres connaissent ladiscrétion relative, voire même le caractère trompeurde nombreux tableaux pathologiques chez le vieillard.Les symptômes de fin de vie n’échappent pas à cetterègle, et la douleur au premier chef.l Est-ce un effet de cohorte et d’éducation qui veut

que les personnes âgées se plaignent moins que despersonnes plus jeunes ?l Est-ce l’effet d’une modification physiologique de

la perception de la douleur au cours du vieillissement,qu’on ne peut pas totalement exclure à l’heure actuelle ?l Est-ce le fait que la douleur entraîne chez les

vieillards des comportements qui ne sont pas évoca-teurs de douleur a priori, tels que le repli, le mutisme,l’anorexie, comme on les observe chez le jeune enfant ?l Est-ce parce que toutes sortes de symptômes con-

comitants tels que les troubles de l’attention, de la mé-moire, les déficits sensoriels, les troubles du langage,la confusion et l’altération des fonctions intellectuel-les entravent souvent l’expression de la douleur et lacommunication avec le malade ?l Est-ce enfin parce que souvent, faute de temps suf-

fisant, nous ne portons pas assez d’attention aux per-sonnes âgées et à leur symptomatologie douloureuse ?

Tout concourt pour que soit encore sous-estimée ladouleur en gériatrie d’une façon générale et la douleurdes personnes âgées en fin de vie en particulier. L’exis-tence de troubles de la série démentielle, mais aussile grand âge en lui-même, accroissent ce risque, ce quiconduit bien évidemment à ne pas traiter la douleur ouà la traiter de façon insuffisante. L’utilisation d’échel-les d’évaluation peut certainement faciliter la quanti-fication de la douleur. Les échelles d’auto-évaluation(échelle visuelle analogique ou numérique) sont utili-sables et sont utilisées chez tous les patients, mêmetrès âgés, qui sont susceptibles de collaborer de fa-çon active à l’évaluation. Chez les patients atteints detroubles des fonctions intellectuelles débutants à mo-dérés, il est encore possible d’utiliser au moins unedes différentes échelles d’auto-évaluation car la non-compréhension du principe de l’une ne sous-entend pasnécessairement la non-compréhension d’une autre, maisil faut surtout tenir compte de l’évaluation du momentet répéter les évaluations de façon régulière. Mais cheztous les patients atteints de troubles plus évolués et/ou qui ne sont plus en mesure de s’exprimer verbale-ment, qui sont si nombreux aujourd’hui dans les insti-tutions gériatriques hospitalières ou extra-hospitaliè-

res, les instruments d’hétéro-évaluation de la douleurfondés sur l’observation comportementale du maladepar les soignants apportent une aide certaine, mêmepour les équipes déjà entraînées. L’échelle Doloplus,élaborée par Bernard Wary à partir de l’échelle de l’InstitutGustave Roussy mise au point et validée chez l’enfantpar Annie Piquart-Gauvain, est aujourd’hui validée, grâceau travail réalisé par de nombreux gériatres françaisdans le cadre du Collectif Doloplus. L’utilisation d’unetelle échelle devrait permettre de faire des progrès subs-tantiels dans la prise en compte de la douleur chez lesmalades âgés, non communiquants ou qui ne coopè-rent pas à l’auto-évaluation.l L’ambiance psycho-relationnelle est également in-fluencée par le grand âge et ce, au moins pour deuxgrandes raisons. D’une façon générale, et comme beau-coup de travaux l’ont montré, le cheminement psycho-logique des malades âgés en fin de vie est sensible-ment différent de celui des patients plus jeunes, moinsmarqué par le déni et la révolte, davantage empreintd’acceptation et de sérénité, à la condition bien entenduque la douleur soit contrôlée et que le vieillard ne sesente pas abandonné. Comme si l’avancée en âge per-mettait d’effectuer progressivement un travail de pré-paration et d’acceptation de la finitude, qui, même s’iln’est pas achevé, n’en est pas moins déjà entamé…surtout si la vieillesse a été émaillée de maladies, depertes d’autonomie et de deuils.

Par ailleurs, les troubles de la communication sont fré-quents. Qu’ils relèvent d’un état confusionnel, d’un étatneurologique avec aphasie, de maladies démentiellesparvenues à un stade avancé ou encore d’une simplesomnolence, fréquente dans les derniers jours, ils gê-nent l’évaluation des symptômes et l’appréciation de l’ef-ficacité des thérapeutiques, mais ils modifient aussi pro-fondément la relation que les membres de la famille etles soignants peuvent entretenir avec la personne âgéemourante. Le regard, le toucher, le nursing, mais aussila présence silencieuse prennent ici le pas sur la com-munication verbale, ce qui peut désarçonner et angois-ser la famille ou les soignants qui ne sont pas encorehabitués à ce mode d’échange relationnel. Parce quela famille et les soignants se trouvent ainsi renvoyés àleur propre solitude et leurs propres angoisses…l Le vieillissement et le grand âge modifient le ma-niement des thérapeutiques. Le vieillissement physio-logique lui-même entraîne des modifications de lapharmacocinétique avec notamment une diminution dudébit sanguin hépatique qui diminue encore en cas d’ali-tement et d’insuffisance cardiaque. Ceci est importantpour les médicaments administrés par voie orale quiont « un effet de premier passage hépatique », dont labio-disponibilité est augmentée. La diminution de l’eautotale et de la masse maigre et l’augmentation du tissuadipeux qui se produisent au cours du vieillissementmodifient la distribution des médicaments en fonctionde leur hydro- ou de leur lipo-solubilité. Ainsi, tous lespsychotropes qui sont liposolubles s’accumulent dans

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le tissu adipeux, ce qui peut prolonger leur action. Ilexiste également des modifications du métabolisme hé-patique. Enfin, très fréquemment le fonctionnement rénaldiminue au cours du vieillissement, alors même quele chiffre de la créatinine sanguine reste normal. Desurcroît la polypathologie habituelle s’accompagne d’unepolymédication, donc d’un risque accru d’effets secon-daires et d’interactions médicamenteuses. Enfin, ladénutrition et l’insuffisance rénale sévère sont des si-tuations fréquentes, qui interviennent sur le métabo-lisme des médicaments.

En pratique, il faut insister sur quelques points fon-damentaux :l Tous les antalgiques ou presque peuvent être uti-

lisés en gériatrie, et en particulier ceux préconisés parl’Organisation mondiale de la santé, que beaucoup degériatres prescrivent en routine depuis de nombreusesannées avec beaucoup de satisfaction.l La morphine, en particulier, est parfaitement uti-

lisable jusque dans le grand âge, mais il faut absolu-ment tenir compte du fait qu’elle-même et son méta-bolite actif le morphine-6-glucuronide s’accumulent encas d’insuffisance rénale. Aussi, chez les malades âgés,dont le fonctionnement rénal est la plupart du tempsréduit, la posologie initiale de morphine orale doit êtrefaible : 5 mg, et même 2,5 mg, toutes les 4 heures chezles plus âgés. Le traitement sera ensuite progressive-ment adapté en fonction de l’antalgie obtenue.l Les anti-inflammatoires non stéroidiens doivent être

prescrits avec prudence et parcimonie chez les vieillardsparce qu’ils favorisent des hémorragies digestives, maisaussi des insuffisances rénales, de mécanismes divers,de connaissance plus récente. Lorsqu’ils sont néces-saires, notamment en cas de métastases osseuses,il faut préférer les dérivés de demi-vie courte, utiliserla posologie la plus faible possible, pendant une du-rée aussi brève que possible, en prévenant les com-plications digestives et en surveillant la fonction rénaleet l’équilibre hydro-électrolytique, surtout en cas detraitement diurétique ou par inhibiteur de l’enzyme deconversion associé.l D’une façon générale, les psychotropes doivent être

maniés avec des posologies inférieures à celles utili-sées chez les personnes plus jeunes.l Les antidépresseurs tricycliques seront utilisés plus

rarement, compte-tenu de leurs nombreuses contre-in-dications chez les vieillards. Il est intéressant de sa-voir que la paroxétine aurait un effet antalgique.l On se méfiera, de principe, des médicaments qui

entraînent une hypotension orthostatique, de ceux quiont un effet anticholinergique chez les patients atteintsde troubles des fonctions cognitives, et d’une façon plusgénérale de tous les médicaments récents avec les-quels on manque de recul suffisant.l Enfin, l’effet secondaire des thérapeutiques le plus

fréquent, la constipation, sera systématiquement prévenugrâce à l’instauration d’un traitement laxatif dès qu’untraitement antalgique de niveau 2 ou 3 a été prescrit.

La diversité et l’hétérogénéité extrêmedes tranches d’âge élevéesEn fonction de l’âge chronologique, de l’âge physiologi-que, de la pathologie principale, des pathologies asso-ciées, de l’autonomie physique et psychique, du modeévolutif des pathologies, du vécu psychologique et despossibilités d’échange verbal, les situations gériatriquespalliatives sont extrêmement différentes et nécessitentune grand souplesse d’adaptation de la part des soignants.

Combien sont différentes en effet la fin de vie dumalade âgé parfaitement lucide, et jusque-là autonome,qu’une maladie maligne rapidement évolutive préci-pite vers une prise en charge palliative, et celle dumalade qui, au terme de plusieurs années d’évolutiond’une maladie d’Alzheimer, parvient au stade termi-nal de sa maladie dans la maison de retraite ou dansle service de gérontologie où il séjourne déjà depuislongtemps !

La constellation familiale du vieillardElle peut être absente et les vieillards isolés qui n’ontque leurs soignants pour les accompagner existent danstoutes les institutions gériatriques. Lorsque la familleest présente, elle est souvent déjà âgée, parfois ma-lade, et souvent épuisée, qu’il s’agisse du conjoint oudes enfants. Ceci limite leurs possibilités physiques etpsychologiques d’accompagnement, surtout si ce dernierse prolonge ou s’il succède à une longue période deprise en charge à domicile. Le soutien apporté par lessoignants n’en est que plus important, avant, commeaprès le décès, surtout s’il existe des conflits dans lafamille, si les survivants entretenaient une relationfusionnelle avec le ou la malade âgée, surtout s’ils sontmalades et socialement isolés. Il faut toujours avoirprésent à l’esprit le risque de deuil pathologique, etmême de suicide, en particulier pour les veufs. Et il fautsavoir également que la qualité des soins prodiguésaux patients en phase terminale a un impact réel surla santé et le bien-être des survivants.

L’organisation des soinsComment organiser la prise en charge palliative des ma-lades âgés en fin de vie dans les structures gériatri-ques au sens large ? En d’autres termes, quels sontles pré-requis indispensables à la pratique clinique dessoins palliatifs et de l’accompagnement ?

Faut-il ou non créer davantage de structures officiel-lement spécialisées en soins palliatifs en milieu géria-trique ? Et quel est leur rôle ? Autant de questions auxquelles il est crucial de répondre aujourd’hui pour quele plus grand nombre de malades âgés en fin de vie puisserapidement bénéficier des progrès incontestables quereprésentent les soins palliatifs et l’accompagnement ?

Un certain nombre de conditions est nécessaire à lapratique clinique des soins palliatifs et de l’accompa-gnement en milieu gériatrique :l une volonté partagée de l’équipe de direction,

Les soins palliatifs en gériatrie

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Soins palliatifs et accompagnement

50 adsp n° 28 septembre 1999

médicale et paramédicale, de la structure (service hos-pitalier ou maison de retraite) ;l un mode de travail pluridisciplinaire de l’équipe qui

favorise la mise en commun des informations, la con-certation et la coordination des attitudes de soins maisaussi la communication intercatégorielle et l’expressiondes émotions ;l une formation en soins palliatifs d’au moins quel-

ques membres de l’équipe (un médecin, un cadre in-firmier, quelques infirmières et aides-soignantes…), grâceaux diplômes d’université et aux différentes formationsqui existent aujourd’hui en France ;l une densité de personnel suffisante, pour pouvoir

répondre aux différents besoins des malades en fin devie et de leurs familles, sans négliger pour autant lesautres patients demandeurs d’autres soins ;l un soutien psychologique et une valorisation so-

ciale des soignants, pour leur permettre de mieux faireface à la souffrance, à la culpabilité et au deuil que peu-vent déclencher les fins de vie souvent prolongées desmalades âgés qu’ils connaissent parfois depuis long-temps. Le rôle et l’efficacité des réunions d’équipe plu-ridisciplinaires et des groupes de parole animés par despsychanalystes, psychologues ou psychiatres est am-plement démontré aujourd’hui ;l enfin le concours de bénévoles, dont le soutien

relationnel peut venir compléter très utilement celui quepeuvent apporter les soignants.

Depuis les quelques expériences gérontologiquespionnières qui ont précédé la création de la premièreunité de soins palliatifs en France en 1987, la néces-sité clinique des soins palliatifs et de l’accompagne-ment auprès des malades âgés en fin de vie, s’avèrede plus en plus largement reconnue en France. Et il existeaujourd’hui une volonté croissante des équipes géria-triques au sens large (services hospitaliers, maisonsde retraite) d’intégrer ces pratiques à leur activité desoins. Malheureusement le facteur limitant essentielreste la densité de personnel soignant insuffisante. Àl’exception du court séjour gériatrique mieux doté enpersonnel, quel que soit le type de secteur : soins desuite, soins de longue durée en milieu hospitalier ousection de cure médicale en maisons de retraite, lesnormes de personnel attribuées sont inadaptées auxbesoins de soins réels des malades âgés dépendantsen général, et des malades âgés en fin de vie en par-ticulier. Cette situation ne saurait durer indéfiniment,comme le soulignait d’ailleurs très récemment le rap-port du Conseil économique et social consacré aux soinspalliatifs.

Il faut certainement créer davantage de structuresspécialisées en soins palliatifs en milieu gériatrique (litsde soins palliatifs, unités avec lits d’hospitalisation ouéquipes mobiles) avec une triple mission de soins, derecherche et de formation conformément à la circulaireministérielle d’août 1986. En effet il faut davantaged’unités et de lits spécialisés pour assurer les soinspalliatifs et l’accompagnement des malades âgés en

fin de vie qui posent le maximum de problèmes clini-ques, relationnels ou familiaux ; pour réaliser la formationadaptée de tous les professionnels, médecins, infirmiè-res… qui retourneront ensuite appliquer dans les dif-férentes structures gériatriques (services hospitaliers,maisons de retraite) tout ce qu’ils auront vu pratiquerdans une structure spécialisée ; pour approfondir lesproblèmes cliniques, psychologiques et thérapeutiquesque posent les malades âgés en soins palliatifs, dansle cadre de recherches locales ou multicentriques etpour avoir également des enseignants compétents dansce domaine. Il faut également des équipes mobiles desoins palliatifs gériatriques pour favoriser la pratiqueclinique des soins palliatifs et de l’accompagnementdans les structures hospitalières qui n’ont pas, ou pasencore, de lits ou d’unité d’hospitalisation spécialisés,mais aussi dans les maisons de retraite où meurentun nombre croissant de malades âgés. En effet lesprofessionnels des équipes mobiles, spécialisés en soinspalliatifs gériatriques, peuvent venir apporter un sou-tien technique et relationnel et une formation pratiqueprécieuse aux équipes gériatriques confrontées auxproblèmes thérapeutiques ou relationnels que leur posentles malades âgés en fin de vie et leur famille.

Les enjeuxLes enjeux sont véritablement multiples. Ils concernentles malades âgés en fin de vie eux-mêmes, leurs fa-milles et les professionnels qui les soignent, mais aussiles citoyens âgés et toute la société d’une façon plusgénérale.

Ils touchent des domaines aussi primordiaux que laprévention des demandes et des pratiques d’euthanasieen milieu gériatrique, l’amélioration de la prise en chargede la douleur et de la souffrance des malades âgés engénéral, le développement d’une réflexion éthique surles soins et d’une meilleure approche de la décisionmédicale en gériatrie, avec réduction concomitante desexamens complémentaires et des thérapeutiques de-venues inutiles ; mais aussi la prévention des compli-cations du deuil et du suicide chez les survivants, lesconditions de travail, la souffrance, et donc l’absentéismedu personnel soignant en gériatrie. Enfin les représen-tations sociales du mourir dans notre société…

À moyen terme, la multiplicité des enjeux et desretombées positives que l’on peut attendre d’une po-litique d’amélioration des conditions de la fin de la viedes malades âgés devrait largement justifier les révi-sions indispensables des densités de personnel engériatrie qu’elle nécessite… et les coûts inévitablesqu’elles entraîneront.

La toute récente loi sur les soins palliatifs affirmesans ambiguïté possible que « toute personne maladedont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soinspalliatifs et à un accompagnement ». Les malades âgésen fin de vie ne doivent pas être « les oubliés » de cetteavancée remarquable !

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Formation aux soins palliatifsdans le cursus des étudesmédicalesTous les professionnels socio-sanitaires sont concer-nés par les soins palliatifs car ils sont confrontés auxlimites de la médecine curative, aux limites de la vietout simplement. Toute cette expérience pratique, thé-rapeutique, humaine, est aujourd’hui plus affinée. Elledoit être partagée en enseignement. Les universitésde médecine deviennent des plaques tournantes del’enseignement des soins palliatifs en lien avec les écolesd’infirmières, d’aides-soignantes, de cadres infirmiers,avec les instituts de formation et de recherche destravailleurs sociaux, avec les instituts de formation auxcarrières de santé.

Depuis 1993, la SFAP a initié un travail de recher-che pédagogique sur l’enseignement universitaire dessoins palliatifs. Elle anticipait ainsi sur la parution dela circulaire ministérielle du 9 mai 1995 et de l’arrêtéministériel du 4 mars 1997, rendant obligatoire l’en-seignement des soins palliatifs en deuxième cycle desétudes médicales [1-3].

À ce jour, on compte vingt-quatre diplômes d’universitéde soins palliatifs dont certains sont regroupés en di-plôme interuniversitaire. Une liste de thèses de médecineet de mémoires de diplôme universitaire a été colligéepar la Commission qui en assure une mise à jour.

Les séminaires de soins palliatifs obligatoires endeuxième cycle ont été mis en place dans seulementla moitié des universités approximativement. Quelquesheures de cours ont été insérées durant l’enseignement

des sciences humaines, des mini-certificats, du certi-ficat de synthèse clinique et thérapeutique ou du troi-sième cycle de médecine générale, mais la plupart dutemps sans programmation véritable.

Nous pouvons préciser les thèmes d’enseignement[4] :

– la mort,– l’accompagnement, soins palliatifs, continuité des

soins,– la souffrance globale,– les douleurs et les autres symptômes,– relations et communications,– la famille,– l’équipe,– le bénévolat,– l’éthique,– le deuil.Les spécificités [4] ou tout au moins les particulari-

tés de cet enseignement concernent à la fois ses ob-jectifs généraux et les modalités pédagogiques [1].L’acquisition de connaissances dans les domainestechniques et scientifiques est toujours nécessaire, mais,dans le domaine des soins palliatifs, chacun s’effor-cera de développer des attitudes propices à l’autono-mie d’apprentissage comme la responsabilité, l’ouver-ture, la confiance. Il s’agira aussi de développer desattitudes humanistes telles le respect des valeurs del’autre, l’habileté à communiquer et à écouter. En plusd’intégrer les classiques démarches diagnostiques etthérapeutiques, il faudra intégrer la démarche éthiquedes situations palliatives tenant compte du malade, dela famille, des intervenants autour du malade et desconflits de valeurs tant au niveau de l’individu que dela santé publique. L’enseignement devra encore per-

Enseignementdes soins palliatifs

Benoît BurucoaPraticien hospitalier,

chef de servicede l’unité

de soins palliatifs etd’accompagnement,

CHU de Bordeaux

1. Circulaire DGES/DGSn° 15 du 9 mai 1995relative aux enseigne-

ments de premier etdeuxième cycles des

études médicales, p. 72. Arrêté du 4 mars

1997, Jo du 26 mars1997, article 7, p.

4685.3. Arrêté du 4 mars

1997 pris en applicationde l’article 7 de l’arrêté

du 4 mars 1997 relatif àla deuxième partie du

deuxième cycle desétudes médicales fixantles thèmes d’enseigne-

ment devant faire l’objetde séminaires (Jo du

26 mars 1997), article1, p. 4696.

4. Burucoa B., LeboulD., Filbet M. et al. Re-commandations pourl’enseignement des

soins palliatifs dans lecursus des études

médicales. SFAP. Paris,1999, 23 p.

Le développement des soins palliatifs requiert la formation des soignantsdans le cadre d’un enseignement à la fois théorique et pratique.

Enseignement des soins palliatifs

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Soins palliatifs et accompagnement

52 adsp n° 28 septembre 1999

mettre une initiation à l’approche interdisciplinaire pourrépondre aux besoins multiples de la personne maladeet de son entourage. Ces objectifs sont difficiles àatteindre car ils mettent en jeu la construction personnelleet même une réflexion existentielle.

Il serait souhaitable que l’enseignement des soinspalliatifs s’intègre dans l’approche progressive desétudes médicales [4] :

– en PCEM 1 on peut imaginer, dans le cadre de l’en-seignement des sciences humaines, l’approche desgrands thèmes de réflexion comme : la mort, la souf-france… l’objectif étant de donner aux étudiants deséléments de base pour une réflexion sur des thèmesfondamentaux pour de futurs médecins ;

– en PCEM 2, dans le cadre de l’enseignement dela psychologie et la socio-anthropologie, on peut ima-giner un module optionnel de soins palliatifs où seraientabordées : la définition des soins palliatifs, la psychologiedes mourants, la psychologie des familles, la psycho-logie des soignants ;

– en deuxième cycle, les séminaires obligatoirespermettent d’aborder de façon groupée et interactivedifférentes problématiques.

Il semblerait opportun d’intégrer l’enseignement dessoins palliatifs dans l’enseignement des certificats despécialités. À titre d’exemple : aborder la problémati-que de la demande d’euthanasie dans le cadre ducertificat de médecine légale, la problématique desmaladies neurologiques chroniques incurables dans lecadre du certificat de neurologie…

On propose une ou deux heures de cours dans cha-que certificat. Chacun de ces enseignements pourraitse faire sous forme de cas cliniques partagés avec lesétudiants.

On pourrait également proposer un certificat optionneld’approfondissement en soins palliatifs : éthique etsoutien psychologique. Le but de ce certificat serait depréparer de manière très pratique le futur médecin dansl’abord de la dimension éthique soulevée par les pro-blématiques de fin de vie : quand et comment déciderde l’arrêt de certaines thérapeutiques ? Comment gérerune demande d’euthanasie ? Comment traiter les symp-tômes rebelles en fin de vie ? On pourrait égalementy aborder certaines spécificités : soins palliatifs engériatrie et soins palliatifs en réanimation…

Dans le cadre du certificat de synthèse clinique etthérapeutique et en troisième cycle : 2 à 6 heures decours pourraient être consacrées autour des thémati-ques suivantes : traitement des symptômes rebelles(occlusion, hoquet, dyspnée asphyxiante, agitation,confusion…) et bien entendu traitements analgésiquesen fin de vie.

Pour toucher l’ensemble des étudiants en médecine,il faut déjà appliquer les textes ministériels et créer uncursus pré- et post-gradué [5].

L’ensemble des diplômes universitaires pourraitévoluer vers un diplôme interuniversitaire. Le cap ul-térieur sera la création d’une capacité sur deux ans.

La Conférence des doyens pourrait s’interroger surla possibilité d’un statut universitaire pour les praticiens.Des postes de praticiens associés en médecine pal-liative, comme cela a été fait pour la médecine géné-rale, pourraient être créés. Si l’enseignement des soinspalliatifs nous paraît spécifique à bien des égards, lessoins palliatifs ne sont pas une spécialité médicale maisplutôt une discipline transversale. Ainsi il n’existe pourl’instant aucune représentation des soins palliatifs ausein du Conseil national des universités. Ne pourrait-on dégager plus de coopération entre l’enseignementdes soins palliatifs et celui déjà bien institué de lathérapeutique ?

Enfin, les questions au sujet des soins palliatifs etde l’accompagnement doivent être intégrées dans lavalidation des divers examens et concours, notammentlors du concours d’Internat.

En conclusion, toute mise en place d’enseignementsuniversitaires de soins palliatifs devra tenir compte detrois orientations : la transversalité entre les diversmodules, l’adaptation imaginative au sein de chaqueuniversité, et bien sûr la concrétisation.

La formation professionnelle ne dispensera jamaisd’un questionnement personnel, au sens de l’école dela vie. A-t-on vraiment les moyens de forcer à ce ques-tionnement ? Ceux qui souffrent sont nos véritablesmaîtres et enseignants. Ils existent et nous rappellentque nous ne sommes ni immortels ni tout-puissants.Ils offrent ainsi, sans le savoir, une assistance à so-ciété en danger de déni. Quoiqu’il en soit, espérons enFrance et en Europe une réelle avancée des enseigne-ments universitaires de soins palliatifs.

Les soins palliatifsdans la formationdes aides-soignants(es) etdes infirmières

Les textes relatifs à la profession soulignent la respon-sabilité de l’infirmier(ère) et de l’aide-soignant(e) dansl’accompagnement de la personne en fin de vie et deson entourage, des connaissances doivent être acquisesau cours des études en institut de formation en soinsinfirmiers (Ifsi).

Ce qui doit être acquis au cours des étudesPour les aides-soignants(es), un module spécifique estprévu (arrêté du 22 juillet 1994) Il invite à donner, enune semaine, des connaissances plutôt pratiques desproblèmes vécus par le patient face à sa mort prochaine,en tenant compte du contexte culturel, religieux, où ilse trouve.

Les futur(es) aides-soignants(es) apprennent à dé-

5. Burucoa B. Enseigne-ment et recherche. In :Neuwirth L. Pour unepolitique de développe-ment des soins palliatifset de l’accompagne-ment. Rapport du Sénatn° 209. Paris : Sénat,1999, 71-76.

Marie-José GaumeÉlisabeth Picquart

Cadres pédagogi-ques, Ifsi « Les

Peupliers »de la Croix-Rouge

française

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adsp n° 28 septembre 1999 53

velopper leurs capacités d’observation et d’écoute afind’apporter un soutien psychologique au patient maisaussi à sa famille.

S’agissant des soins palliatifs proprement dits, l’in-tervention est liée aux actes de la vie quotidienne ens’assurant du confort et du bien-être de la personne,les autres soins relevant de la compétence de l’infir-mier(ère).

Pour les infirmiers(ères) l’enseignement des soinspalliatifs ne fait pas l’objet d’un module spécifique :son contenu est dispersé dans les modules déjà existantset traité au cours des trois années d’études sans qu’ily ait un volume horaire défini, et suivant un calendrierlaissé au libre choix de l’équipe pédagogique (arrêtédu 23 mars 1992).

Les questions relatives à la fin de vie sont approfondiesen incluant les apports des sciences humaines. L’ap-prentissage de l’accompagnement des personnes enfin de vie vient prolonger celui des soins généraux, avecune attention plus particulière des soins destinés àsoulager le patient dans ses derniers moments et enparticulier à traiter la douleur.

Les vécus de stage, les ateliers de développementprofessionnel et personnel, les comptes-rendus derelation, l’analyse de cas éthique… sont autant d’oc-casions de susciter cette réflexion tout au long de laformation, en dehors des moments programmés sur lesthèmes des soins palliatifs. Ces moments sont plusou moins développés dans la formation selon les con-ceptions pédagogiques de chaque Ifsi. Il nous semblesouhaitable que le projet pédagogique invite chaqueformateur à développer au sein des modules enseignéscette conception de l’esprit palliatif.

C’est pourquoi il a motivé de notre part la créationd’un module optionnel, que nous avons baptisé « L’espritpalliatif dans les soins », auquel 80 heures sont con-sacrées en 3e année.

Les 10 à 15 % des étudiants qui le choisissent pren-nent l’engagement d’être présents, de participer acti-vement, ce qui n’est pas le cas pour les cours magis-traux des autres modules où le droit de s’absenter aété accordé par l’autorité de tutelle. On notera que cepourcentage est à peu près égal à celui des étudiantsqui prennent « l’accompagnement » comme thème deleur travail de fin d’études (20 % même, cette année).

L’importance primordiale de la pratiqueEn fait, c’est à l’occasion de leurs stages que les

élèves découvrent au travers de ces situations si sin-gulières, la nécessité d’un savoir en la matière et aussi— on pourrait presque dire surtout — leurs difficultéspsychologiques lorsqu’il s’agit d’aborder ce domaineet… d’y être efficace.

Peu d’étudiants ont l’occasion d’effectuer un stageen unité de soins palliatifs, par contre la majorité d’entreeux est confrontée à la mort au cours des stages etmême souvent dès le premier.

La confrontation avec la réalité a une importance

capitale, décisive. Les étudiants relèvent souvent àl’occasion des difficultés rencontrées, leur impuissanceface aux questions des patients, des familles. Quepeuvent-ils dire, faire ? comment comprendre une de-mande sans l’interpréter à mauvais escient sans jugerà travers elle le patient, sa famille, sans s’identifier ?…Cela nécessite au niveau de l’encadrement (stage etécole) attention, disponibilité, soutien.

Les stages, mais aussi les ateliers de développementprofessionnel et personnel favorisent un processus decroissance et une réflexion propices au développementde la maturité.

C’est l’occasion d’offrir aux étudiants un lieu d’écouteet de parole pour exprimer leurs émotions, leurs diffi-cultés et leurs joies.

Si les aides-soignants(es) reçoivent une formation àpeu près équivalente d’après le programme d’un cen-tre de formation à l’autre, il n’en est pas de même desinfirmiers(ères).

Le programme « de base » obligatoire pour lesinfirmiers(ères) est diversement développé. Les con-naissances et comportements attendus en soins pal-liatifs sont approfondis par un module optionnel dontle contenu est laissé à l’initiative des Ifsi, volontairespour en organiser un… ce qui sous-entend des dispa-rités dans les formations aux soins palliatifs, suivantles Ifsi concernés.

Dans ces conditions, nous nous efforçons bien sûrd’apporter aux étudiants les connaissances utiles, dansles domaines du savoir, savoir-faire et savoir-être afinde leur permettre d’aborder leurs difficultés et d’évo-luer. Cette évolution est influencée par leur histoire,leurs expériences. Nos projets doivent intégrer le fac-teur temps nécessaire au processus de maturité. Puis-sions-nous obtenir au moins que les infirmiers(ères)sortant de notre Ifsi donnent satisfaction à ceux et cellesqui les attendent, tant par leur compétence techniqueque par leurs attitudes, leurs comportements, guidéspar le souci des conceptions éthiques auxquelles noussommes attachées !

La formation initiale doit être une étape qui invite lefutur professionnel à poursuivre sa réflexion, sa démarchede questionnement afin de traduire dans sa pratique« Soigner c’est aider à vivre au quotidien » [1].

1. Marc Oraison. La mortet puis après. Paris :édition Fayard, 1967.

Enseignement des soins palliatifs

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Soins palliatifs et accompagnement

trib

unes Réflexion éthique

et formationmédicale

dans la préparation au concours de premièreannée (PCEM1)1 puis sont présentes, endeuxième année, de façon optionnelle ouquelquefois obligatoire. Il faut entendre parsciences humaines, « la démographie, l’éco-nomie de la santé et l’organisation des sys-tèmes de santé, la psychologie, la déontolo-gie ». Mais dans les faits, les programmes étantsuffisamment souples pour laisser de la libertéaux organisateurs, figurent aussi dans lesenseignements l’histoire de la médecine (for-mation des concepts, évolution des menta-lités…), l’anthropologie, le droit, la sociologie,l’éthique médicale. La formation médicaleinvite donc désormais à réfléchir à une dimen-sion plus large de l’approche du patient.

La philosophie est présente dans cettenouvelle partie du programme, bien qu’ellene soit pas nommée comme telle et bien qu’ausens propre elle ne soit pas une science hu-maine. Elle occupe dans ce panorama uneplace double : soit sous la forme de l’éthique,en formulant les problèmes à caractère mo-ral auxquels nous confrontent les techniquesmodernes, soit sous la forme plus rare de l’épis-témologie, en examinant la construction denotions biologiques pour en tirer des conclu-sions sur la façon dont se constitue la ratio-nalité scientifique. Dans l’un et l’autre cas,elle analyse les implications de la sciencemédicale.

Notre expérience portant plutôt sur l’ap-proche éthique2, quelles remarques peut-onfaire au sujet de cet enseignement particu-lier ?

Les réticencesBien que l’enseignement de l’éthique médi-cale gagne du terrain, des doutes et une cer-taine méfiance peuvent persister à son encon-tre. D’où viennent ces doutes ? Sur quellesraisons reposent les formes variées de la ré-sistance à l’éthique ? Voici les raisons3 quenous croyons déceler.

Ce qui est vrai en théorie est-il vrai enpratique ?Voici une opinion courante qui consiste àpenser que la philosophie, destinée à formulerdes principes généraux dans l’abstrait, pas-serait inévitablement à côté des problèmesparticuliers de l’existence concrète. C’estoublier que les sciences (qui connaissent leréel et peuvent le modifier) sont elles aussides théories et que la question pertinente n’estpas celle de la distinction entre l’abstrait et leconcret, mais celle de la distinction entre lesbonnes et les mauvaises théories : la biolo-gie moléculaire a toute sa valeur, la théorie

Intégrer la réflexionéthique dans la

formation médicalec’est enseigner des

données théoriques,discuter des cas

pratiques et surtoutimpliquer le futur

soignant.

Paula La MarneAgrégée de philosophie,

professeur en sciences humaines,Université de Paris XI

L es sciences humaines font désormaispartie du cursus universitaire du fu-tur médecin. Elles sont obligatoires

1. Arrêté du 19 octobre 1993. Annexe du Jo du 10 no-vembre 1993 : Section VIII : Sciences humaines etsociales (Bulletin officiel de l’Éducation nationale, n°41, 2 décembre 1993).

2. Au CHU du Kremlin-Bicêtre (Paris XI), au CHU deCréteil (Paris XII), au CHU de La Salpêtrière (Paris VI).3. Nous parlons bien de raisons, c’est-à-dire d’argu-ments que l’on peut avancer. Nous proposons de lesdistinguer des causes qui freinent l’extension de l’éthi-que médicale : l’ignorance (génératrice d’indifférence)de ce qu’est la philosophie, la force de l’habitude (ouconservatisme), la crainte de bousculer l’autoritémédicale, etc. Ce sont des causes à caractère psy-chologique. Entrons plutôt directement dans le débatd’idées.

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des quatre humeurs des temps anciens ne vautrien… Se penchant sur cette question, Kantironisa, en évoquant le ridicule de l’artilleurqui oserait affirmer que la théorie mathéma-tique des projectiles n’est pas valable dansl’application4. Certaines théories éclairent leréel, d’autres se trompent, voilà la distinctionqui convient. On nous dira que les sciencesexpérimentent le réel et que leur rapport avecle monde concret consiste alors en un « dia-logue » serré, pour reprendre l’expression deG. Bachelard. Mais le philosophe n’a pasmoins de rapport avec la réalité. Il fait feu detout bois et a recours aux données multiplesque lui fournissent les sciences, qu’il confronteà ses rencontres de terrain et à sa connaissancede l’histoire des mentalités et des idées. Saperspective est donc particulièrement richeet ouverte : peut-on le dire coupé du monde ?Il n’en a pas le droit et doit savoir de quoi ilparle. Il va à la rencontre du réel et fait usagede sa raison, un usage dit critique, qui sou-met idées et comportements à l’épreuve,formule des problèmes, propose des éléments,argumentés, de réponse.

Y a-t-il des vérités en éthique : tout n’est-il pas relatif ?Voici un argument plus solide. Chaque soi-gnant en exercice a, en effet, hésité face à deschoix également possibles dans l’intérêt dumalade (chirurgie ou chimiothérapie ? etc.),ou a, au contact de l’expérience, abandonnécertains principes valables par ailleurs (parexemple, « dire la vérité » en cas de pronos-tic sombre…). Y a-t-il des recettes toutesprêtes ? Chacun sent bien que la variété dessituations, où entrent en ligne de compte lecas pathologique individuel, mais aussi lacapacité cognitive du patient, sa capacitéémotionnelle, ses a priori, son origine cultu-relle, ne permet pas d’affirmer cela. Faut-ildès lors verser dans le scepticisme et le rela-tivisme, chaque médecin n’ayant plus qu’àcompter sur ses « valeurs », ses habitudes, sesintuitions ? Mais s’il n’y a plus de point derepère quelque peu stable, chacun sent ledanger d’une liberté d’action qui ouvre la voieà l’arbitraire. C’est cet arbitraire que combatla longue formation des jeunes médecinsauprès des « anciens » qui, en expliquant leursmotifs et en donnant des conseils, mêlent lesaspects éthiques aux aspects proprementmédicaux de leurs décisions. La proliférationactuelle des formations complémentaires en

éthique, qui traverse le paramédical et lemédical, renforce cette volonté et en dit longsur un besoin d’y voir clair, de confronter lespoints de vue, de s’enrichir par l’interdisci-plinarité. D’où vient un tel besoin, de toutefaçon attaché à la formation médicale elle-même ? Très probablement de la diversité destechniques et de la multiplication des choixqu’elle implique. Lorsque le sort décidait dela maladie à la place du médecin, un certainnombre de questions ne se posaient pas. Maismaintenant que l’on peut, dans une situationde pronostic fatal, par exemple, soit s’abste-nir de nouvelles thérapeutiques en cas decomplications (antibiotique, hémodialyse…)sans abdiquer pour autant les soins courants(« nursing »…), soit poursuivre plus avant etinstaurer des thérapeutiques aux chancesfaibles mais existantes, soit interrompre telou tel soin en cours… Que faut-il faire ? Entreplusieurs solutions, laquelle choisir ? Main-tenant que le diagnostic anténatal peut ré-véler des maladies « graves et incurables aumoment du diagnostic », que faut-il enten-dre par « graves » : quels seront les critèresd’appréciation qui fondent la décision ? Carsi chacun s’accorde sur le principe kantiendu « respect de la personne humaine », quelsens, quel contenu donner à cette notion danstelle ou telle situation : respecte-t-on la per-sonne humaine qui demande la mort si l’ons’y refuse en respectant en elle le caractère sacréde sa vie, ou si l’on accède à sa demande parrespect de sa volonté ?

Que faut-il entendre par éthiquemédicale ?Si nous reprenons l’exemple de la fin de vie,nous voyons se dessiner des lignes de conduitedans l’action médicale. Par exemple, se fon-dant sur « le principe de proportionnalité »,qui compare les bénéfices attendus du trai-tement à ses effets négatifs, les médecins ontélaboré la notion de « soin futile » (inutile)qui évite de tomber dans l’acharnement thé-rapeutique (des examens complémentaires,la mise en place de nouveaux traitements, desperfusions nutritives, auparavant justifiés,n’ont plus de sens dans les dernières heu-res…). Les réanimateurs par ailleurs s’ap-puient constamment sur les deux critères de« la durée de vie » estimée et de « la qualitéde vie » à venir du patient, étroitement com-binés, pour évaluer au plus près possible lemode d’existence futur du patient et déciderde la conduite à tenir. Enfin, pour contrerles risques d’une demande de mort quin’aurait rien de libre ni de solide, les soins

palliatifs, ont, pour leur part, mis l’accent surle traitement de la douleur, la prise en chargede l’angoisse, la multiplication des liens avecl’entourage, car la souffrance et la solitude sontdes sources de désespoir. On le sait, il s’agitd’appréhender le patient comme une « per-sonne globale »5… Ce genre de « principes »,à peine esquissés ici, ne sont pas des recettesrigides mais des indications, des pistes, desdirectives, élaborées par la pratique médicaletelle qu’elle se pense.

Il s’agit donc de montrer aux étudiants enmédecine qu’il faut se garder de deux écueils :une pratique aveugle et un dogmatisme in-flexible. L’éthique médicale est une morale« en situation », capable de dire ce qui con-vient dans tel ou tel genre de situation et aunom de quel principe (autonomie, qualité devie, justice, engagement…). Elle se présentecomme une troisième voie, capable d’attein-dre l’universel par la valeur de ses argumentset capable d’appréhender la particularité dessituations sans s’y noyer. C’est une activitérationnelle. Le philosophe Paul Ricoeur aexpliqué avec finesse dans quelle sorte derationalité l’on se trouve. Toute réflexion quiporte sur des questions de morale (et celaconcerne le magistrat, le décideur politique,le médecin…) manie des arguments rigou-reux, mais qui ne peuvent avoir le caractèreimplacable de la vérité mathématique, for-cément univoque. L’argumentation du ma-gistrat, par exemple, fait au mieux avec lesdonnées dont elle dispose (textes réglemen-taires, faits, confrontation des parties en pré-sence…) ; mais il est vrai qu’à tout instantun nouvel argument, que l’on n’avait pas vu,peut surgir et corriger la position (ce que l’onrencontre en appel). Mais cette rationalité nepeut être autrement et il s’agit de faire com-prendre aux étudiants qu’une pensée moraleest forcément nuancée, prudente, capable deremise en cause et qu’elle n’a rien de binaire(oui/ non) c’est-à-dire rien de simpliste. Toutl’enjeu est de faire comprendre qu’il n’y a pas,d’un côté, les sciences, et de l’autre, du ba-vardage ; mais qu’il y a, tout simplement,plusieurs formes de rationalité : scientifique(à l’intérieur de laquelle on doit d’ailleurs fairedes distinctions : sciences « dures », sciences« molles »…), philosophique, etc.

Il y a un usage littéraire de la langue (pourcomposer des romans, de la poésie, du théâ-tre…) qu’on ne doit pas exiger du futurmédecin, mais on est en droit d’attendre de

4. Sur l’expression courante : il se peut que ce soitjuste en théorie mais cela ne vaut rien en pratique, 1793

5. Paula La Marne. Éthiques de la fin de vie. Paris :Ellipses, « La bioéthique en question », 1999.

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Soins palliatifs et accompagnement

lui un usage rationnel de celle-ci : dans lacohérence du propos, dans l’analyse des ter-mes, dans l’élucidation des a priori, etc.

Quelle formation pour les étudiants dePCEM2 ?Une fois que l’on est conscient de ces prin-cipes, comment impliquer les étudiants ?Procède-t-on comme en cours magistral, entransmettant des informations scientifiquespures ? D’après notre expérience, il faut com-biner au moins trois objectifs en éthiquemédicale : l’assimilation de données théori-ques, la discussion de cas pratiques, l’impli-cation personnelle de l’étudiant.

L’assimilation de données théoriques nesaurait être négligée. D’une part, elle peutglaner des éléments d’horizons variés (l’his-toire de la médecine, celle des mentalités, celledes concepts philosophiques). Par exemple,l’essor de la médecine moderne ne peut secomprendre que sur le fond d’une séparationde l’âme et du corps (au XVIIe siècle), qui afait du corps un genre d’objet monté commeune machine et soumis aux mêmes lois(croyait-on), selon une nouvelle vision queDescartes a formulée (théorie de « l’animal-machine ») ; or, cette nouvelle façon de voirallait jouer un rôle sur la mise à distance dusujet, sur l’oubli de la fusion réelle et intime-ment vécue des aspects psychiques, éthiques,biologiques, que l’on essaie aujourd’hui, tantbien que mal, de réunir. Autre exemple : onpeut expliquer le statut particulier qu’occu-pent les sciences de la procréation (la géné-tique, la procréation médicalement assistée…)en mettant en évidence, avec le philosopheMichel Serres, leur double caractère, conser-vateur et révolutionnaire : l’homme a toujoursdélégué ses fonctions à des techniques (tran-cher, soulever, pétrir, mémoriser, calculer…et maintenant : procréer) mais nous assistonsà l’émergence de techniques radicalementneuves, qui nous placent désormais « auxcommandes de l’être » : dans le choix de l’in-dividu à naître… D’autre part, la théoriepermet de formuler les principes qui éclai-rent l’action médicale : principes de bienfai-sance et d’autonomie (T. Engelhardt), prin-cipe de justice (J. Rawls), principe du devoirà l’égard d’autrui (E. Kant), principe de so-lidarité entre les citoyens (J.-J. Rousseau), etc.Chaque catégorie de principe permet ainsid’éclairer des situations particulières différen-tes.

Mais cette manière de faire serait inefficaces’il ne s’y adjoignait une autre méthode : l’exa-men de situations concrètes particulières. Les

éléments théoriques ont en effet plus de forces’ils se dégagent d’une appréciation en finessede cas particuliers, étudiés par exemple entravaux dirigés. Ainsi, on peut charger unétudiant (ou un groupe d’étudiants) de l’ana-lyse d’exemples concrets : que ferait-il avecle patient qui se sait séropositif mais qui a desrapports non protégés, avec le patient quiattend une greffe et qui est en mesure d’ache-ter un greffon, avec les parents qui se sépa-rent et qui ne répondent plus au sujet d’em-bryons congelés leur « appartenant », avec lepatient en hémodialyse chronique qui décided’interrompre les séances, etc ? L’intérêt estde mettre au jour les difficultés en les formu-lant et ensuite d’argumenter une solution.Ainsi forge-t-on cette qualité qu’exigeaitBachelard du chercheur : « avoir le sens duproblème ». Quelles difficultés éthiques sou-lève telle situation ? Que peut-on proposer ?Pointer les difficultés, proposer de les résou-dre, voilà ce que l’on appelle « problématiser ».Or, tout cela est soumis au jugement desautres (étudiants et formateurs) et ouvre lavoie à une discussion. La confrontation con-traint chacun à examiner la valeur de ce qu’ilsoutient. Elle met à l’épreuve la force desarguments par la contestation ou la recon-naissance. C’est dans cet esprit, faut-il le rap-peler, que Socrate a fondé la philosophie : noncomme un savoir constitué et fermé sur unevérité, mais comme une quête du vrai, insa-tiable et inventive. Le rôle du formateur estalors de reprendre en fin de séance les pointsessentiels rencontrés et de souligner les élé-ments de réponse qui ont émergé, sinon lesétudiants risquent de rester dans une impres-sion de confusion et d’impasse morale qui iraità l’encontre de ce que l’on vise. La place duthéorique au côté du pratique est cependantvariable : soit en « cours » séparés (introductifsou conclusifs à la série des TD), soit en re-prise à la fin de chaque séance pratique, soit…sous les deux formes. Mais c’est à partir dela deuxième année seulement que l’on peutprocéder à un tel enseignement, qui est im-possible dans les gigantesques amphithéâtresde première année, où le théorique pur a saplace, mais risque de s’apparenter, s’il n’estpas transformé par la suite en approche ré-flexive, à du bourrage de crâne.

La mise en œuvre du deuxième principe(l’examen pratique comme accès au théori-que) suppose le caractère actif de l’étudiant.Nous touchons au troisième élément requisdans la formation. C’est seulement si l’on seconfronte personnellement à certaines ques-tions que l’on prend conscience de leur per-

tinence et de leur importance. Car ce qui estparachuté de l’extérieur, sans que l’on se soitposé aucune question à son sujet, glisse surl’esprit et s’oublie. Les séances impliquant lesétudiants sont ainsi assez variables : prépa-ration d’un mémoire (court) sur un sujetéthique, et/ ou prise en charge par roulementdes cas pratiques, préparation d’un exposé surcertains problèmes centraux (le don d’organe,l’épidémie du sida, le consentement à l’ex-périmentation sans bénéfice direct…) mêlantaspects théoriques et pratiques, etc. C’est icique l’on touche véritablement à la notion deformation. Celle-ci désigne la transformationde soi par un effort personnel et l’apprentis-sage de méthodes progressivement maîtrisées.Or, on ne doit pas se le cacher, cet appren-tissage de la philosophie éthique appliquéeà la médecine a ses exigences et ses difficultés :dans l’élucidation des concepts sous-jacents,dans le choix des mots, dans les argumentsou raisons avancées, dans l’organisation dupropos et dans l’appropriation (découverteet usage personnel) des idées forgées par cer-tains auteurs. Tout cela demande du temps.

PerspectivesTout ce que nous avons décrit pourrait se faireau niveau de n’importe quelle année du cursus(exception faite de la première, compte tenudes conditions d’enseignement que nousavons évoquées). Or, dans la plupart des cas,on trouve un enseignement d’éthique pres-que exclusivement circonscrit à la deuxièmeannée. Mais les questions abordées ne sont-elles valables que pour un temps, très pro-visoire, et avant toute expérience clinique ?Ne méritent-elles pas d’être reprises tout aulong de la formation, envisagées sous d’autresangles, grâce à l’expérience de terrain ? Ceserait absurde de penser le contraire. Sansdoute l’éthique doit-elle faire ses preuves etgagner la confiance du milieu. Elle y parvientd’ailleurs, si l’on en juge par la création pro-gressive de « diplômes universitaires d’éthi-que » et de certificats de « maîtrise de scien-ces biologiques et médicales » qui luiaccordent une place plus large. Plaidons pourson développement, ce qui inclut la créationde postes et non le recours quasi systémati-que à des vacataires dont le travail, très lourd,est fort mal reconnu…

La France peut s’honorer d’avoir connu uneécole d’épistémologie brillante tout au longde ce siècle. Ne pourrait-elle donner l’exempled’une école d’éthique médicale tout aussirayonnante ? Relevons ce défi.

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unes

Problèmes éthiquesposés par la mortdes vieillards

Parallèlement àl’allongement de ladurée de la vie, on

assiste à unemédicalisation de la

mort dans unenvironnement où celle-ci est ressentie comme

un échec technique,renonçant par-là mêmeau respect de la dignité

humaine.

vironnement où celle-ci est ressentie commeun échec technique, renonçant par-là mêmeau respect de la dignité humaine.

Dans les pays anglo-saxons, les panneauxroutiers incitant à la vigilance vis-à-vis despersonnes âgées (« elderly people ») rempla-cent progressivement les panneaux prévenantde la présence d’enfants. Comme si l’attentionaux personnes âgées ayant perdu son évidenceil devenait nécessaire de la formuler.

Cette mise en scène publique est loin d’êtrecelle de la médecine. Le modèle biomédicaly prolifère. L’image, le chiffre, la performancethérapeutique relèguent au second plan leparadigme relationnel. Quand la guérisonattendue ou possible rassure le narcissismemédical et confère au soignant cette impres-sion rassurante de bienfaiteur, la relation leplus souvent paternaliste est simple et s’im-pose. Quand la maladie, en revanche, devientinaccessible à la médecine, quand le grandâge ne permet plus d’espoir raisonnable d’unevie autonome ou d’une simple rémission, lemodèle biomédical revient en force sur ledevant de la scène et le risque est de ne pro-poser que les trois choix suivants :l retour à « l’autonomie » du choix par le

malade. Ce choix ne peut être effectué que

conformément à ce que pense la société con-temporaine. Dans une société dans laquellela référence est une image de santé physiqueet mentale, il est difficile d’imposer sa détressephysique et morale inéluctable à son entou-rage. La courtoisie peut être alors de demanderd’abréger ses jours… Cependant cette auto-nomie est proposée au moment où le maladele demande le moins. C’est à ce moment, eneffet, qu’il souhaite généralement une atti-tude compassionnelle et accueillante et pasla manifestation revendiquée de son indépen-dance ;l décision médicale d’abréger la vie de ce

malade dont la douleur n’a plus de sens etqui serait probablement « délivré » ainsi deses souffrances et de sa déchéance. Cette « dé-livrance » est parfois justement souhaitée parl’entourage ;l au contraire mise en route de l’artille-

rie médicale, au sens propre du terme, tech-nique, avec investigations endoscopiques, ra-diologiques, biologiques, cathéters tunnélisésmultiples, biopsies, prélèvements divers,sonde alimentaire…

Car le vieillard est devenu un « objet desoins ». La dégradation progressive de l’en-semble des systèmes accumule investigationset thérapeutiques au nom d’une médecine quine renonce pas. Si elle renonce, elle ne peutêtre confrontée longtemps à son impuissance.

Didier SicardProfesseur, chef de service de

médecine interne,Hôpital Cochin, président du

Comité consultatifnational d’éthique

P arallèlement à l’allongement de ladurée de la vie, on assiste à une mé-dicalisation de la mort dans un en-

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Soins palliatifs et accompagnement

Le mot « acharnement » n’est plus à lamode. Il est même plutôt employé pour laprocréation comme le fait Axel Kahn qui parle« d’acharnement procréatif ». Si l’on ne seréfère plus au concept d’acharnement théra-peutique, dont la connotation péjorative lefait progressivement disparaître du vocabu-laire médical, d’autres mots sont venuscomme toujours à la rescousse de ce conceptécarté : le mot « futility » si difficilement tra-duisible en français et qui exprime le carac-tère vain du soin ou d’un traitement, de « thé-rapie déraisonnable », le mot déraisonnableétant bien vague et chacun aura à cœur deraconter une survie inattendue liée à des soinsprolongés au-delà de tout sens.

Nous souhaitons tous une mort paisible,pas nécessairement inconsciente ou brutale.Une mort où les instants sont suspendus dansun autre temps, instants toujours si précieux.Entre l’abandon sans hydratation ni protéi-nes si générateur d’escarres et la sonde alimen-taire parfois si nécessaire mais aussi souventvécue avec angoisse, il y a place pour uneapproche qui ne fasse plus du modèle bio-médical le sine qua non du soin. C’est là l’im-mense changement introduit par quelqueséquipes de gériatres et de soins palliatifs qui,sans paternalisme ni abandon à l’autonomiedu patient, portent un autre regard. Ce re-gard porté sur celui qui est le plus faible, leplus vieux, le plus désespéré, le plus souffrant,le plus condamné, peut devenir un regard quiaccueille et cet accueil est à la source mêmede la dignité de celui qui souffre. La difficultéet l’honneur de la médecine ne sont pas danscette dichotomie entre modèle biomédical etmodèle relationnel. Le vieillard a autant be-soin que l’adolescent ou le nourrisson de lamédecine la plus sophistiquée mais il a be-soin avant tout que la proposition de cettemédecine soit faite dans des termes humai-nement acceptables.

La dignité de la médecine est dans cetterevendication incessante d’une subjectivité dela personne respectée, c’est-à-dire qui ne soitni réduite à une autonomie factice et cruelleni à une médecine froide, technologique etinstrumentale.

Que la médecine n’oublie pas que noussommes les hôtes de la vie et que l’humanitéforme une communauté où le plus faible ades droits sur le plus fort !

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unes De l’opportunité

d’une coordinationrégionale

Pourquoi vouloir construire une nouvellestructure alors que certaines associations quiont été fondatrices et pionnières du mouve-ment en France, comme Jalmalv et l’Unionnationale des associations de soins palliatifs,ont déjà un réseau d’associations sur unegrande partie du territoire ? D’autres, commeAlliance en Aquitaine et Pierre Clément enAlsace et Lorraine, sont des associations déjàen partie régionalisées. De plus, toutes oupresque, adhèrent à la Société française desoins palliatifs et d’accompagnement (SFAP)qui les représente et les fédère.

C’est sur l’initiative de la SFAP, à l’exem-ple du Groupe de réflexion sur l’accompa-gnement et les soins palliatifs en hématolo-gie (Grasph) que vient d’être lancé, depuis1998, un maillage régional en réseau, du mou-vement français des soins palliatifs, par créa-tion « d’antennes régionales ».

Avant de répondre aux questions du pour-quoi et du comment, ce changement struc-turel poursuit l’objectif principal, celui de viserà permettre, à tous ceux dont l’état le requiertdans tout le territoire français et les départe-ments d’outre-mer, d’avoir accès à des soinspalliatifs.

La coordination régionale, un outil dudéveloppement des soins palliatifs.L’organisation du mouvement des soins pal-liatifs dans chaque région va permettre deréduire les inégalités de développement, destimuler les ressources, d’associer les acteurs,et de rejoindre l’effort tout récent de régio-

La création d’unecoordination régionaledes soins palliatifs etde l’accompagnement

est une étapeessentielle de leur

généralisation.

Henri DelbecqueChargé de mission auprès duministère de la Santé pour unrapport sur les soins palliatifs

et l’accompagnement desmalades en fin de vie, chef de

service de médecine interne,hôpital de Dunkerque

E st-il nécessaire de constituer dans cha-que région une coordination des soinspalliatifs, et de l’accompagnement ?

nalisation sanitaire entrepris depuis l’institu-tion des comités régionaux d’organisationsanitaire et sociale (Cross), des schémas ré-gionaux d’organisation sanitaire (Sros), del’Agence régionale de l’hospitalisation, desconférences régionales de santé et de l’enve-loppe régionale. Pour la région, il manquaitle maillon des soins palliatifs dans le dispo-sitif médico-social. Pour la SFAP et le mou-vement français des soins palliatifs, la régio-nalisation crée le soubassement territorial etstructurel de fonctionnement, de communi-cation, et de cohérence désormais indispen-sable, après la période militante des vingtpremières années.

La coordination régionale devrait se don-ner comme premier objectif d’associer tousles professionnels de santé à changer de men-talités à l’égard du droit au malade à « êtreau cœur de l’action ». Elle devrait, d’autrepart, participer à l’effort des élus et des ad-ministratifs, des membres du secteur associatifet caritatif, et des citoyens de répondre « auxbesoins de la population », afin de réintégrerceux qui vont mourir et les familles endeuilléesdans la communauté des vivants, par l’accom-pagnement.

Les quatre fonctions essentielles de la coor-dination régionale sont : l’information, lareprésentation, la participation et la forma-tion.

L’informationRéduire l’écart entre le discours, aujourd’huila loi du 9 juin 1999, et les réalités, tel est lechallenge dans notre pays, pour que le ma-lade mourant ne soit pas, en fait, négligé. Lasouffrance de la personne gravement malade

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Soins palliatifs et accompagnement

dérange et fait fuir. Les intervenants des soinspalliatifs doivent s’unir pour s’informer envue de publier, par exemple, sur l’importancedes douleurs, sur les effectifs dramatiquementinsuffisants des sections de cure médicale…Ilsn’en ont pas l’exclusivité, mais ils ont pourtâche de faire progresser le système de santévers la qualité, dans la sécurité, même si aubout du compte, il n’y a pas d’espoir de gué-rison. Il importe que chaque région recenseles besoins de cette population de maladeset ceux de leur entourage, par des enquêteset travaux. La démocratie sanitaire qui s’ins-taure sollicite la transparence et le partage desinformations avec les partenaires institution-nels et associatifs comme avec les profession-nels et le public.

Le manque de cohésion régionale entre lesdifférents acteurs de soins palliatifs, profes-sionnels de santé et bénévoles, seuls ou enassociation, doit être comblé par la coordi-nation régionale.

La circulation des échanges d’informationslocales et interrégionales, les propositionsd’actions, la définition d’objectifs opération-nels, des réunions régionales annuelles, lesefforts de formation aux soins palliatifs desétudiants et des professionnels, la formationà l’écoute et au deuil sont autant de chan-tiers qu’il est nécessaire de préparer ensem-ble, rapidement.

La représentationLa sensibilisation aux soins palliatifs et de l’ac-compagnement est l’une de ces actions for-tes à mener, rapidement, auprès des respon-sables de la région.

Aussi le Conseil régional du Nord–Pas-de-Calais, malgré l’absence légale de compétencesanitaire, s’est penché en 1997, en raison dechiffres préoccupants de morbidité et demortalité supérieurs à ceux des autres régions,sur les problèmes de santé dans le cadre deremarquables Assises régionales de santé. Lesperspectives de progrès pour améliorer l’étatde santé de la population n’ont pratiquementpas abordé le développement des soins pal-liatifs. La troisième conférence régionale desanté de 1998 a réparé cette faute due aumanque de vigilance de la coordination ré-gionale.

Les soins palliatifs et l’accompagnementn’occupent pas ou pas encore la place qui leurrevient, dans les préoccupations des élus, desreprésentants de l’État, Ddass et Drass, del’ARH, des maires présidents des conseilsd’administration des hôpitaux, des directeurshospitaliers et de cliniques, des présidents de

commission médicale d’établissement(CME), des représentants de l’Union régio-nale des caisses d’assurance maladie (Urcam),du ou des doyens et des responsables de for-mation, des professionnels de santé, des re-présentants syndicaux et des fédérationshospitalières publiques et privées, les associa-tions de libéraux, de l’Union régionaleinterfédérale des œuvres et organismes pri-vés sanitaires et sociaux (Uriopps), et desConseils ordinaux moins par blocage insti-tutionnel, que par un manque d’intérêt pourun problème dont ils n’ont pas toujours biensaisi les enjeux. Pourtant l’un des responsa-bles, au cours de ces assises, est convaincu que« la régulation des dépenses de santé exige à lafois un regard macro-économique (cartes sani-taires, Sros) mais également, si ce n’est surtoutun regard micro-économique, le projet médi-cal, la population desservie, […] l’évolution dela qualité des prises en charge et surtout le com-portement du soigné, devenu acteur de sa pro-pre santé ».

La région sanitaire s’emploie aujourd’huià réparer les inégalités interrégionales etinfrarégionales à investir dans des plans plu-riannuels jugés prioritaires selon des patho-logies ou selon une réorganisation de l’offrede soins, dans la carte sanitaire, avec le con-cours des conférences sanitaires de secteur etdes membres du Cross. L’ARH arrête, dansle domaine de l’hospitalisation, de nouveauxschémas régionaux de l’organisation sanitaire.

Le deuxième enjeu de la coordination ré-gionale est de pouvoir s’asseoir à la table desdiscussions pour que les décisions qui sontprises, le soient, sans oublier les soins palliatifset l’accompagnement. Il faut donc entrepren-dre de se faire connaître par des démarchespréparées et cohérentes dans l’intérêt despatients et de leur entourage.

La participationLes associations, les professionnels et les bé-névoles connaissent le prix de la participa-tion, au quotidien, sur le terrain. La régionsanitaire a besoin des représentants et expertsen soins palliatifs, pour mettre en œuvre unepolitique régionale des soins palliatifs. La coor-dination régionale a besoin des administra-tions et des structures territoriales pour lagénéralisation du concept et des pratiques dessoins palliatifs. Il convient donc que les ins-titutionnels et les élus invitent la coordina-tion régionale à débattre avec eux de cette po-litique souhaitée par les uns et les autres.

La conférence régionale de santé publiquedu Nord–Pas-de-Calais, en 1998, a choisi

comme première priorité, la lutte contre lecancer. Comme dans quatre autres régions(Alsace, Auvergne, Bretagne, Champagne-Ardennes), un programme régional de santécancer, baptisé « Challenge », a été défini,incluant, dans une démarche globale, les soinspalliatifs et l’accompagnement. La coordina-tion régionale a préparé et fait valider onzeactions qui portent, entre autres, sur la dou-leur, la formation des généralistes et des ca-dres infirmiers, celle des bénévolesaccompagnants, le deuil, un réseau expéri-mental avec les libéraux,… Elle est mainte-nant dans le comité de pilotage de ces actions,qui demandent le suivi, les adaptations et desfinancements.

La Basse-Normandie, avec la Drass etl’ARH, a créé un réseau régional de la dou-leur et des soins palliatifs, et une HAD de 32lits avec l’équipe mobile du CHU de Caen.La Franche-Comté a mis en place un réseaurégional de soins palliatifs. Une commissionrégionale de soins palliatifs a été créée dansle Languedoc-Roussillon avec le concours« du groupe méditerranéen de soins pallia-tifs ».

L’effort demandé est à la mesure de l’en-jeu, celui d’une planification éclairée des struc-tures et des moyens nécessaires, aussi bien dansles zones urbaines que dans les espaces ruraux.Les objectifs opérationnels de cette program-mation régionale, sont, à partir des attenteset besoins des malades, des familles, et dessoignants, de parvenir :l à des cofinancements par toutes les col-

lectivités et administrations concernées ;l à la constitution de coordinations du do-

micile, avec l’engagement des libéraux endéveloppant les services de soins de proximité,type service de soins infirmiers à domicile ethospitalisation à domicile et les réseaux demédecine de groupe avec des forfaits qui nesoient pas qu’expérimentaux ;l à la contractualisation de services de soins

adaptés à l’accueil des malades en fin de vie,selon les principes de proximité, de continuité,d’efficience, de qualité et de respect de la li-berté du choix de la personne malade ;l à la sectorisation médico-sociale qui per-

met l’accès aux soins palliatifs à tous quelleque soit la densité de population ;l à encourager partout les équipes d’ac-

compagnement.

La formation aux soins palliatifs et àl’accompagnementChacun sait bien les changements d’attitu-des et d’aptitudes personnelles et des mem-

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bres d’une équipe, rendus possibles par lasensibilisation et par la formation. Celles-cisont, bien évidemment, à la base et la prio-rité dans une politique régionale de qualitéet de continuité des soins palliatifs et de l’ac-compagnement. La tâche est difficile, longue,immense, mais enthousiasmante, car il s’agitde progrès en humanité.

Déjà, depuis dix ans, se sont développésdans 24 universités, des diplômes universi-taires et interuniversitaires de soins palliatifsaussi bien pour les médecins que pour lessoignants, travailleurs sociaux, et les bénévoles.L’engagement, parfois très lourd, des uns etdes autres, a permis dans pratiquement toutesles régions, d’introduire et poursuivre cetteformation.

Une réflexion de toutes les parties intéres-sées devrait, dans chaque région, prévoir uneintensification de l’effort à faire dans la for-mation de base des étudiants, de tous les futursprofessionnels de santé, pour qu’ils soient aumoins sensibilisés, dès le début, à l’esprit etla pratique des soins palliatifs et à l’accom-pagnement. D’autre part, un plan de rattra-page et de perfectionnement de tous les per-sonnels de santé, dans les hôpitaux, cliniques,institutions, et de tous les soignants du sec-teur extra-hospitalier devrait être prévu etfinancé au plan régional.

On le sait, la priorité des priorités, c’est deformer et de soutenir les hommes qui s’en-gagent à prendre soin de quelqu’un et à luidonner — c’est ce qui est aujourd’hui le plusdifficile — de son temps et de son attention,pour que le malade se sente soutenu et gardedes raisons de vivre sa vie jusqu’à son derniersouffle.

La coordination régionale,un outil à créerLa SFAP a sollicité, il y a un an, quelques per-sonnalités, déjà bien engagées, susceptiblesde rassembler un groupe appelé « antennerégionale » capable de servir de relais auxinformations et à la communication.

De plus en plus, ces antennes sont le moyend’une coordination régionale dont nous avonsvu l’importance.

Tout ne sera pas bâti en un jour et les em-pêchements sont des réalités têtues. Et pour-tant, ceux qui sont déjà engagés dans la pra-tique des soins palliatifs, avec des emplois dutemps et des contraintes très lourdes, doivent,en plus, prendre en considération la néces-sité de la coordination, de l’animation et dela participation à une politique régionale.

L’idée qui prévaut, est de prévoir une or-

ganisation souple, à géométrie variable, tra-vaillant dans la pluridisciplinarité et lacollégialité.

Créer une coordination régionale danschaque région est devenu pour le mouvementfrançais des soins palliatifs et de l’accompa-gnement, une étape essentielle de leur géné-ralisation sur l’ensemble du territoire.

Cet organisme, à peine né, a des respon-sabilités régionales dans les quatre domainesde l’information, la communication, la par-ticipation, et la formation. Les élus locaux etrégionaux des collectivités territoriales, lesparlementaires, les représentants administra-tifs et médicaux ne peuvent plus se désinté-resser du sort des grands malades, de celui desfamilles et de la souffrance des soignants. Lessoins palliatifs sont nés du secteur associatifqui ne peut ni être écarté des choix décisifsdes Sros, ni étendre ce progrès dans la qua-lité et l’organisation des soins pour les per-sonnes en fin de vie, sans le concours actifet les financements de ceux qui, au plan ré-gional, décident de l’amélioration de la santéde leur population régionale en tenantcompte, aussi, de leurs concitoyens les plusvulnérables.

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Soins palliatifs et accompagnement

trib

unes

Le rôledes associations

gnement n’est plus à souligner. Elle renforcele rôle des associations dont les plus ancien-nes ont été à l’origine de cette prise de cons-cience de notre retard concernant les soinspalliatifs et la prise en compte de la douleur,donc de l’importance du regard de la sociétésur la fin de la vie qui tardait à s’affirmer.

À cet égard, deux grands courants semblentindispensables dans les objectifs que peuventse définir les associations :l d’une part, la sensibilisation de l’ensem-

ble d’une société qui semblait avoir mis decôté la mort et les souffrances qu’elle engendreaussi bien pour ceux qui l’affrontent que pourceux qui l’accompagnent et l’affirmationd’une éthique d’accompagnement ;l d’autre part, la formation et le soutien

des bénévoles susceptibles de compléter leséquipes de soins en apportant aux maladeset à leurs familles leur capacité à accompa-gner jusqu’au bout.

Sensibilisation auprès du publicL’action dans la société est un préalable in-dispensable à la réalisation de soins globauxde qualité en favorisant l’évolution des men-talités et des attitudes face à la mort. Elle sefait au travers de l’organisation de conférencesgrand public, de colloques, d’interventionsdans les milieux les plus divers, dans les ins-titutions chargées de la formation et de l’en-cadrement des soignants sans oublier lesenfants et les adolescents en milieu scolaireauprès desquels cette nécessité de réflexion estune étape importante de leur développement

personnel et de leur comportement futur dansce domaine.

Affirmation d’une éthiqued’accompagnementLes associations ont aussi un rôle de témoinsau sein d’une société qui a une responsabi-lité réelle dans les débats autour des problè-mes difficiles de malades incurables en phaseterminale où des solutions hâtives, individuel-les et non réfléchies risquent encore d’êtreprises faute d’une réelle connaissance desprogrès accomplis dans le traitement de ladouleur, les soins globaux de la personne,l’accompagnement et la nécessité d’un tra-vail en équipe.

Les consultations de plus en plus fréquentesdes instances de décision (Sénat, Assembléenationale, ministères,…) démontrent le rôlereconnu et nécessaire des associations.

Le bénévolat d’accompagnement est la suitelogique de ces actions de réflexion, d’infor-mation et de sensibilisation.

Rôle dans la mise en place du bénévolatd’accompagnementLe bénévolat d’accompagnement ne peut êtreune activité individuelle. L’expérience acquisepar les grandes fédérations (Jalmalv, Unasp)montre que le bénévolat d’accompagnementexige une formation sérieuse et s’exerce dansun cadre associatif très structuré.

Si les bénévoles interviennent en collabo-ration étroite avec les équipes soignantes, ilsle font gratuitement et ne dépendent que del’association dont ils font partie et qui est laseule responsable vis-à-vis des structures desoins.

Les associations ontun rôle de

sensibilisation dugrand public, de

garant d’une éthiqued’accompagnement.

Elles assurent lerecrutement et la

formation debénévoles fiables.

Dany Horner-ValletMédecin, présidente de l’Union

nationale des Associations pourle développement des soins

palliatifs (Unaps)Françoise Glorion

Pédopsychiatre, présidentede Jalmalv Paris-Île-de-France

D ans la dynamique de développementdes soins palliatifs qui semble enfins’accélérer, la nécessité de l’accompa-

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Les associations ont donc un rôle trèsimportant à jouer au niveau de l’institution(ou de la structure de soins) et au niveau deséquipes soignantes.

Une convention précisant les engagementsrespectifs des deux partenaires est signée entrel’association et l’institution. D’une manièregénérale, l’institution s’engage à accueillir lesbénévoles et à donner les moyens matériels(locaux, mobilier…) nécessaires à leur acti-vité. De son côté, l’association s’engage àrecruter, former, encadrer et soutenir lesbénévoles d’accompagnement dont elle setient responsable ; c’est à elle de contracterune assurance « responsabilité civile » pourdes bénévoles.

Une équipe de bénévoles n’est mise en placeque s’il existe déjà une équipe soignante for-mée aux soins palliatifs et fonctionnant bien.Avant d’introduire une équipe de bénévolesdans une structure de soins, l’association s’as-sure du bon fonctionnement de l’équipesoignante et prépare l’intégration des béné-voles. Il est important de prendre le tempsnécessaire pour que les bénévoles soient biensitués et acceptés (information des soignants,organisation de rencontres soignants-béné-voles et organisation de journées de forma-tion communes aux bénévoles et auxsoignants pour leur apprendre à mieux seconnaître et leur permettre d’établir des liens).Le rôle des bénévoles doit être bien expliquéaux soignants par l’association en insistant surles points suivants :l la présence des bénévoles d’accompagne-

ment est gratuite,l ils n’ont aucun pouvoir mais aussi

aucune obligation de soins,l ils doivent rester neutres en toutes cir-

constances.Le bénévole est libre. Il n’est pas imposé

et ne s’impose pas.l ils sont disponibles ; ils offrent une pré-

sence et une écoute,l ils ont un rôle de relais et de trait d’union

essentiel,l ils établissent une relation indépendante

de toute contrainte médicale ou familiale,l ils sont soumis au même secret profes-

sionnel que les soignants,l ils se sont engagés à venir régulièrement

et l’on peut compter sur eux.C’est ensuite à l’équipe soignante de pré-

ciser ce qu’elle attend exactement des béné-voles et les limites de leur intervention. Cha-que équipe a ses caractéristiques, son modede fonctionnement et les bénévoles doivents’y adapter.

Le bénévolat se vit donc dans un doublepartenariat : avec l’institution et avec l’équipesoignante. L’association offre une garantiemorale à ses partenaires.

Au niveau des équipes de bénévolesLes associations assurent le recrutement parsélection, la formation, l’encadrement et lesuivi des équipes de bénévoles.

Le candidat-bénévole fait acte de candida-ture auprès de l’association qui a signé uneconvention avec la structure de soins où ilsouhaite intervenir. Il lui est demandé d’écrireune lettre indiquant ses motivations et éven-tuellement de répondre à un questionnaire.Il est ensuite convoqué pour deux entretiensde sélection : le premier avec un bénévolerecruteur, le second avec un psychologue ouun psychiatre désigné par l’association. Toutesles candidatures ne peuvent être retenues etle « psy » devra évaluer les aptitudes et décou-vrir les motivations réelles parfois cachées ducandidat.

Préformation ou formation initialeAvant de l’intégrer dans une équipe, l’asso-ciation demande au candidat-bénévole desuivre une formation initiale ou une préfor-mation organisée par elle. Le candidat-béné-vole qui a suivi cette formation doit signerun contrat moral d’engagement par lequelil s’engage en particulier à exercer régulière-ment son bénévolat dans le cadre de l’asso-ciation, à respecter le secret professionnel etl’éthique des soins palliatifs. Une fois soncontrat signé, le bénévole pourra intégrer uneéquipe de bénévoles placée sous la respon-sabilité d’un coordinateur.

Le coordinateur ne doit pas être un soignantmais un bénévole appartenant à l’associationet reconnu par elle. Il est, en effet, importantqu’il garde son indépendance vis-à-vis de lastructure de soins. Le coordinateur est sou-vent lui-même un bénévole d’accompagne-ment ayant une certaine expérience. Idéale-ment, il devrait recevoir de l’association uneformation spécifique afin de remplir au mieuxses fonctions : animer et gérer son équipe, êtrel’interface entre l’équipe de bénévole etl’équipe soignante et être l’interface entrel’équipe de bénévole et l’association. Les gran-des associations qui ont plusieurs équipes debénévoles intervenant dans des lieux diffé-rents devront aussi avoir un coordinateurgénéral des équipes de bénévoles.

Les associations proposent aux bénévolesen activité une formation continue afin d’ap-profondir leur expérience d’accompagnement

par des conférences, débats, réunions, sémi-naires, jeux de rôle… Elles mettent aussi enplace des groupes de parole animés par unpsychologue et elles demandent à tous lesbénévoles d’accompagnement d’y participer.Le groupe de parole est un lieu de ressource-ment nécessaire, le fondement même del’équipe de bénévoles. Il a également unefonction de formation et de soutien. La pré-sence des bénévoles y est obligatoire.

Une contribution reconnueEn conclusion, les associations ont beaucoupcontribué au développement des soins pal-liatifs en France et les plus anciennes sontaujourd’hui bien structurées, reconnues pourleur expérience et leur compétence. Ellesdoivent continuer à jouer un rôle importantdans les domaines qui leur sont propres etelles représentent un maillon des réseaux desoins palliatifs qui commencent à se mettreen place.

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unes De l’expérience à

la généralisationla SFAP

terminale » du 26 août 1986, la loi n° 99-477du 9 juin 1999, visant à garantir « le droit àl’accès aux soins palliatifs » donne enfin unvéritable statut aux soins palliatifs. Ils devien-nent un droit de la personne malade et uneobligation pour tous les établissements desanté. Les Sros devront déterminer les moyensnécessaires à la réalisation de cet objectif. Cetteloi tant attendue, donne un incomparablesupport au mouvement national représentépar la SFAP (Société française d’accompagne-ment et de soins palliatifs). Que s’est-il passépendant ces treize ans ?

Le début des soins palliatifs en Francecommence dans les années 1975-1980 avecla prise de position de Patrick Verspierendans le journal Le Monde contre l’euthanasie.Il propose les soins palliatifs comme troi-sième voix. Parmi la communauté médicale,le Pr René Schaerrer à Grenoble, crée l’as-sociation Jalmalv (Jusqu’à la mort accom-pagner la vie). À Paris, le Pr DominiqueLaplane, le Dr Maurice Abiven, le Pr JeanKermarec créent l’ASP (Association pour lessoins palliatifs). Nous pouvons citer, entresautres les pionniers, comme le Dr RenéeSebag-Lanoe en gériatrie, le Pr RobertZitounn en hématologie, le Dr MichèleSalamagne en anesthésie et le Dr Marie-Sylvie Richard en pneumologie. Ils organi-sent la réflexion, développent un enseigne-ment.

À partir de 1986, les premières unités aveclits de soins palliatifs seront créées. Elles fe-ront référence à la circulaire et la première

unité sera dirigée par le Dr Abiven en 1987.D’autres personnalités vont être à l’originede nombreuses structures éparses en France,s’appuyant le plus souvent sur des associa-tions de bénévoles. L’expérience françaiseprend naissance, et ces premiers médecins,au cours de l’année 1989, décident de fonderune instance nationale pour regrouper lesprofessionnels et les associations au seind’une société chargée de représenter lemouvement.

La SFAP sera officiellement reconnue enjanvier 1990 et le Dr Abiven en sera le pre-mier président pour une durée de quatre ans.D’emblée, la SFAP développera simultané-ment deux rôles : celui d’une société savante,organisant une réflexion sur les pratiques desoins et d’accompagnement et d’autre part,une instance rassemblant le mouvement as-sociatif pour le représenter au niveau natio-nal et international.

Les principales réalisations de la SFAPpendant les années qui suivent vont s’orga-niser autour de trois thèmes :l susciter une réflexion de fond et proposer

des points de repères pour la pratique de l’ac-compagnement et des soins palliatifs ;l développer et diffuser la recherche ;l informer et communiquer.

Une réflexion de fondLa SFAP élabore une charte à laquelle toutle mouvement des soins palliatifs adhère. Elleest aujourd’hui un point d’identité. Un tra-vail par commissions approfondit une ré-flexion concernant des thèmes essentiels :

La commission enseignement et formationrédige un livret de recommandations sur les

La Société françaised’accompagnement et de

soins palliatifs représenteau niveau national etinternational tout le

mouvement associatif. Ellesuscite une réflexion de

fond et élabore des pointsde repères pour la pratique

de l’accompagnement etdes soins palliatifs. Elle

développe, diffuse larecherche et assure

l’information et lacommunication autour des

soins palliatifs.

T reize ans après la circulaire relative à« l’organisation des soins et à l’accom-pagnement des malades en phase

Gilbert DesfossesPrésident de la Société française

d’accompagnement et de soinspalliatifs, médecin responsable del’unité mobile d’accompagnement

et de soins palliatifs, groupehospitalier Pitié-Salpêtrière

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programmes, les thèmes essentiels à aborder,les horaires aussi bien à l’université qu’en IFSI.Dans un deuxième temps, cette même com-mission propose d’harmoniser l’enseignementau sein des 23 diplômes d’université.Aujourd’hui la SFAP met en place deux di-plômes interuniversitaires et nous l’espéronsprochainement une capacité.

Une commission à propos des stages dé-finit les objectifs, la pédagogie, le contenu,l’organisation et les lieux.

La commission « structures de soins pal-liatifs », après une enquête nationale, démon-tre l’inégalité de répartition de ces centres,les différentes densités de personnel d’unestructure à une autre, les difficultés de fonc-tionnement. Elle propose des normes enmatière de personnel, redéfinit les missionsdes différentes structures, Équipes Mobiles,Unités de soins palliatifs et domicile. Ces re-commandations seront les premières au ni-veau national et auront un grand impact.

La SFAP met en place des travaux parcollège, médecins, infirmières et bénévoles.

Le collège médecins a pour objectif defavoriser la recherche, un protocolemulticentrique sur les occlusions est mis aupoint.

Par ailleurs, des séminaires d’informationet de méthodologie se mettent en place ainsique des rencontres autour de situations cli-niques.

Le collège infirmiers développe une ré-flexion sur son rôle propre et rédige unouvrage spécifique L’infirmière et les soinspalliatifs ; éthique et prendre soin.

Le collège bénévoles travaille à l’élabora-tion d’une charte éthique de l’accompagne-ment et du bénévolat, mais aussi au contratentre le bénévole chargé de l’accompagne-ment et l’association d’origine. Aujourd’huice collège de la SFAP est en relation avec laCnamts en vue de permettre le financementd’une partie de la formation des bénévolesau sein des différentes associations.

Développer et diffuser la rechercheLa SFAP associée à la Fondation de Franceattribue des bourses de recherche et un prixFondation de France est remis lors des con-grès annuels. L’organisation de journéesnationales et des congrès dynamise et valo-rise les expériences et travaux des unités desoins palliatifs. Les actes constituent des ré-férences. Une enquête récente sur la recher-che et ses difficultés en France, analyse les dif-ficultés rencontrées par chaque équipe. L’aidesera désormais mieux ciblée.

Informer et communiquerLa SFAP organise des congrès depuis 1991et des journées nationales. Initialement, 300à 400 personnes y participaient, aujourd’huiplus de 1 200 personnes y assistent, la qua-lité des communications s’améliore. En avril1998, à Lyon, M. Kouchner et M. Neuwirthparticipent à la cérémonie d’ouverture ducongrès.

La SFAP a établi des liens avec l’Associa-tion européenne de soins palliatifs et permetde diffuser des revues francophones. En 1996,elle crée un outil de diffusion de sa réflexion :La lettre de la SFAP, tirée actuellement à 7 000exemplaires. Enfin, elle réalise un annuaire,répertoriant de façon exhaustive, l’ensembledes structures de soins palliatifs et associationsen France.

De nombreuses personnalités de la SFAPvont participer à des émissions télévisées ouradiophoniques.

Avec le temps, la SFAP est devenue un lieude rencontre et de réflexions à propos desexpériences menées dans tout le pays au seindes structures spécialisées en soins palliatifset des associations. Ce travail deconceptualisation à partir de l’expérience deterrain permet à l’expérience française demûrir et de se faire connaître.

La SFAP devient un interlocuteur auprèsdes instances politiques. La préparation dela loi de janvier 1999 a montré à quel pointelle a été reconnue au travers des auditionsdu Sénat, du Conseil économique et social,de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, l’enjeuest d’harmoniser les pratiques, en France, etde mettre en place une politique nationaleambitieuse pour le développement des soinspalliatifs

Celle-ci devrait envisager deux axes selonla SFAP :l l’un vers les structures spécialisées en

soins palliatifs, telles que les équipes mobi-les, les unités avec lits ou les réseaux théma-tiques. Il est urgent maintenant de définir auniveau national, la densité de personnel deces structures, les missions, leur organisationet leurs liens.l l’autre, est de reconnaître de façon plus

générale tous les services ayant en charge desmalades graves en phase avancée ou termi-nale, et de donner les moyens à ces servicesnon spécialisés, de faire des soins palliatifs dansde bonnes conditions. Ceci passera par uneanalyse de la charge de soins, une formationdu personnel, une évolution du PMSI. LaSFAP souhaite aujourd’hui que la loi soitdéclinée en décret d’application beaucoup

plus précis concernant les thèmes que nousvenons d’évoquer. Le PMSI et l’accréditationsont aujourd’hui des enjeux essentiels. LaSFAP continue de travailler en relation étroiteavec l’administration du ministère de laSanté.

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adresses

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Association pour le développement dessoins palliatifs fondatrice (ASP-F)44, rue Blanche75009 ParisTéléphone : 01 45 26 58 58Télécopie : 01 45 26 23 50Jalmalv Paris-Île-de-France132, rue du Faubourg Saint-Denis7510 ParisTéléphone : 01 40 35 89 40Télécopie : 01 40 35 17 26Alliance-Aquitaine196, rue Achard33300 BordeauxTéléphone : 05 56 43 07 07Télécopie : 05 56 69 80 93Pierre Clément-Alsace5, rue Jacques67000 StrasbourgTéléphone : 03 88 31 42 75Télécopie : 03 88 31 28 04ASP Toulouse Midi-PyrénéesBP n° 18240, rue du Rempart Saint-Étienne31004 Toulouse CedexTéléphone : 05 61 12 43 43Télécopie : 05 61 12 32 37

Albatros Lyonnais6, quai Claude Bernard69007 LyonTéléphone : 04 78 58 94 35Télécopie : 04 78 61 76 51ASP Nord–Pas-de-Calais5, avenue Oscar Lambert59037 Lille CedexTéléphone : 03 20 44 56 32Télécopie : 03 20 44 56 38Choisir l’espoir (enfants)73, rue Gaston Baratte59650 Villeneuve-d’AscqTéléphone : 03 20 64 04 99Télécopie : 03 20 64 05 02Association François-Xavier Bagnouid7, rue Viollet75015 ParisTéléphone : 01 44 37 92 00Télécopie : 01 44 37 92 01Mél : [email protected] son deuil7, rue Taylor75010 ParisTéléphone : 01 42 38 07 08Télécopie : 01 42 38 08 88Écoute téléphonique : 01 42 38 08 08

Fédération nationale Jalmalv132, rue du Faubourg Saint-Denis7510 ParisTéléphone : 01 40 35 17 42Télécopie : 01 40 35 14 05Mél : [email protected] nationale des ASP (Unasp)44, rue Blanche75009 ParisTéléphone : 01 45 26 35 41Télécopie : 01 45 26 23 92Société française d’accompagnement etde soins palliatifs (SFAP)110, avenue Émile Zola75015 ParisTéléphone : 01 45 75 43 86Télécopie : 01 45 75 43 13Mél : [email protected] association for palliative care(EAPC)lstituto nazionale dei TumoriVia Venizian, 1, 20, 133Milano, ItalieTéléphone : 00 39 02 23 90 792Télécopie : 00 39 02 70 600 462Mél : [email protected]

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