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Solidarité : le nouveau credo des entreprises Créées par la loi du 4 juillet 1990, les fondations d’entreprise ont pour but de réaliser ou de contribuer à une œuvre d’intérêt général à caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel, à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises. Ces fondations, qui ont semblé pendant de longues années dépendre des aspirations personnelles et des goûts des dirigeants, sans souci particulier des enjeux sociétaux, participent désormais directement de la stratégie globale des entreprises, contribuant plus spécifiquement à leur stratégie RSE. Selon une étude réalisée en 2016 par le cabinet EY, elles sont aujourd’hui centrées majoritairement sur les problématiques d’éducation, d’action sociale et d’insertion professionnelle. Dans le même temps, leur nombre a littéralement explosé, passant de 293 en 2011 à 400 en 2017, selon des chiffres présentés par la SCOP Ça me regarde, et leur budget annuel moyen s’est envolé pour s’établir à plus de 1,2 M€ en 2016. 21 économie samedi 12 janvier 2019 | vendredi 18 janvier 2019 ECO NOMIE Dossier Dossier réalisé par Jacques Donnay

Solidarité : le nouveau credo des entreprises2016 à un projet de création d’une nouvelle communauté dans l’Ouest de la capitale des Gaules. Pour parvenir à mener à bien ce

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Page 1: Solidarité : le nouveau credo des entreprises2016 à un projet de création d’une nouvelle communauté dans l’Ouest de la capitale des Gaules. Pour parvenir à mener à bien ce

Solidarité :

le nouveau credo des entreprises

Créées par la loi du 4 juillet 1990, les fondations d’entreprise ont pour but de réaliser ou de contribuer à une œuvre d’intérêt général à caractère

philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la

défense de l’environnement naturel, à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises. Ces fondations, qui ont semblé pendant de longues années dépendre des aspirations personnelles et des

goûts des dirigeants, sans souci particulier des enjeux sociétaux, participent désormais directement de la stratégie globale des entreprises, contribuant plus

spécifiquement à leur stratégie RSE. Selon une étude réalisée en 2016 par le cabinet EY, elles sont aujourd’hui centrées majoritairement sur les problématiques

d’éducation, d’action sociale et d’insertion professionnelle. Dans le même temps, leur nombre a littéralement explosé, passant de 293 en 2011 à 400 en 2017, selon des chiffres présentés par la SCOP Ça me regarde, et leur budget annuel

moyen s’est envolé pour s’établir à plus de 1,2 M€ en 2016.

21économie samedi 12 janvier 2019 | vendredi 18 janvier 2019

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Dossier réalisé par Jacques Donnay

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Dossier

22 samedi 12 janvier 2019 | vendredi 18 janvier 2019 économie

ECO NOMIE

Initiateur et cheville ouvrière des Journées Solidaires au sein de la communauté au niveau local, le vice-président Emmaüs Lyon en charge des partenariats se féli-cite de l’implication gran-dissante des entreprises locales et de leurs sala-riés aux côtés des com-pagnons et de leur cause.

Qu’attendez-vous des entre-prises de la région lyonnaise et comment se traduit concrète-ment leur soutien ?Aujourd’hui, les partena-riats que nous avons noués tournent autour de quatre grandes thématiques : fi-nance, emploi, fourniture de produits et mécénat de com-pétences. Mais à l’origine, en 2015, notre idée initiale était juste de structurer la recherche des dons de pro-duits. Il existe bien entendu des accords de ce genre au niveau national, mais il y a très peu d’exemples de béné-voles chargés d’assumer cette fonction au niveau d’une communauté. A Vénissieux, nous avons initié des parte-nariats avec des enseignes comme Leroy Merlin ou But. Cette première démarche nous a donné une nouvelle visibilité auprès des entre-prises du territoire. Elles m’ont identifié comme interlocu-teur et m’ont sollicité pour organiser du « team building intelligent » au sein de notre communauté, dans le cadre de Journées Solidaires. Quel bénéfice tirez-vous de ces opérations ?C’est tout d’abord valorisant

pour nos compagnons, qui sont heureux de constater que des gens s’intéressent à eux et à leur travail… Car le plus important ce n’est pas le travail que fournissent les salariés de ces entreprises aux côtés des compagnons, mais la relation humaine qui se crée. Le travail n’est qu’un prétexte pour favoriser la rencontre entre les uns et les autres. D’autant que de cette relation découle un deuxième bénéficie pour nous, puisque les salariés qui viennent participer à ces journées deviennent un peu nos ambassadeurs auprès de leur entourage, familial ou professionnel. C’est essentiel, car la communauté a besoin de dons pour vivre, mais aussi d’attirer des acheteurs dans nos magasins.Quelle est la part de ces achats dans votre budget ?100 % ! L’intégralité de notre budget repose sur les ventes que nous réalisons dans nos magasins de Vénissieux, Lyon et Villeurbanne. Cela repré-sente 2,5 M€ de chiffre d’af-faires, qui sont employés pour assumer nos deux missions : l’accueil inconditionnel de per-sonnes en difficultés et la soli-darité locale et internationale. A Vénissieux, nous hébergeons 90 compagnes et compa-gnons de 27 nationalités, que nous logeons, nourrissons, et auxquels nous assurons un pécule de 350 € par mois, en échange de 40 heures de tra-vail hebdomadaire. Par ailleurs, nous leur donnons des cours de français pour qu’ils soient en mesure de bien s’intégrer sur le territoire.

CHRISTOPHE COPARD : « Nous attendons beaucoup des entreprises sur le volet emploi »

EMMAÜS EN BREFEmmaüs compte 117 communautés en France, qui hébergent 4 400 compagnons dont 60 % de sans papiers. Quelque 5 060 salariés, dont 1 460 en insertion, et 8 600 bénévoles travaillent pour Emmaüs. A Vénissieux la communauté Emmaüs Lyon héberge 90 compagnes et compagnons de 27 nationalités et s’appuie sur le travail de 130 béné-voles et 8 salariés. Elle dispose de 56 chambres sur site, auxquelles s’ajoutent 26 T1 et T2 à proximité immédiate de la communauté. Elle propose également 4 chambres d’urgence pour offrir des solutions de court terme aux SDF : douche, repas, mise en sécurité.

Qu’est-ce que les entreprises pourraient vous apporter de plus à l’avenir ?Le sujet sur lequel je les at-tends c’est celui de l’emploi. A la communauté nous avons beaucoup de jeunes et nous ne voulons pas leur proposer comme seul projet de vie de rester des compagnons d’Emmaüs à tout jamais. Dans les faits ils peuvent le faire. L’abbé Pierre a voulu que l’on puisse être « compagnon pour un jour ou pour toujours » et nous avons d’ailleurs actuellement 6 retraités parmi nous. Mais nous devons aider nos com-pagnons à se reconstruire, à se réinsérer dans la société et à fonder une famille.Les entreprises qui vous accom-pagnent ont elles entendu le message ?Les choses se mettent en place petit à petit. A l’image

d’Engie, de Maia Sonnier, de Gruau, de Byblos… elles sont attentives à notre démarche et sont prêtes à jouer le jeu. De notre côté, nous avons structuré notre parcours pour l’accès à l’emploi, en créant une commission devant laquelle doit se présenter un compagnon qui porte un projet. Nous l’aidons alors à préparer un CV, puis à forma-liser son projet en l’orientant vers notre banque d’emplois ou vers une formation.Au-delà de celles que vous citiez il y a un instant, est-ce qu’il se dégage un profil type des entre-prises qui vous soutiennent ?Non, il peut aussi bien s’agir de grandes entreprises comme EDF, le Crédit Agri-cole, Sanofi, Seb, Bayer… que de PME comme le cabinet Lamy Lexel, l’agence Keller Williams de Lyon, Opteven, L’Auxiliaire…

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23économie samedi 12 janvier 2019 | vendredi 18 janvier 2019

ECO NOMIEDossier

Naturellement sensi-bilisé aux causes soli-daires, l’acteur histo-rique de la fourniture d’énergie électrique dans l’Hexagone dé-ploie une action soli-daire multiformes sur la thématique inser-tion / inclusion.

« Chez EDF, Il y a une véritable culture sociétale dans l’entre-prise », rappellent Christelle Champion et Dominique Asselot, en charge de la RSE chez EDF SA Auvergne-Rhône-Alpes. Du Téléthon, imaginé par un salarié EDF, à Électriciens Sans Frontières, qui a vu le jour il y a plus de 30 ans, en passant par la création de la FIR (Force d’In-tervention Rapide) au mo-ment de la tempête qui avait balayé la côte atlantique en 1999, l’entreprise et ses sala-riés ont toujours répondu présent sur les grandes pro-blématiques de solidarité.Bien avant que la RSE soit formalisée, EDF s’est donc est positionné sur l’ensemble des sujets qui la composent, même si la démarche n’avait pas été conceptualisée

comme elle l’est aujourd’hui. « C’est dans notre ADN, insistent-ils. Mais c’est aussi une façon de répondre aux attentes de nos salariés, notamment les plus jeunes, qui nous ont massivement rejoint ces dernières années et chez qui la quête de sens dans le travail quotidien n’est pas un vain mot. »Engagé désormais auprès de plusieurs acteurs œuvrant sur le terrain de la solidarité, d’Emmaüs aux Escales soli-daires, en passant par L’École de la deuxième chance, EDF a décidé de focaliser ses efforts sur l’axe insertion / inclusion. « Nous avons défini 4 thèmes sur lesquels nous essayons de fédérer les différentes entités de la région : inser-tion par les achats respon-sables, accompagnement ou parrainage de personnes bénéficiaires du RSA ou de décrocheurs de l’Education nationale, accompagnement des personnes handicapées avec des achats auprès des entités spécialisées, soutien aux jeunes issus des quar-tiers défavorisés pour éviter le décrochage scolaire », in-diquent Christelle Champion et Dominique Asselot.

EDF : LA SOLIDARITÉ DANS L’ADN DE L’ENTREPRISE

PAS D’INSERTION SANS LOGEMENT DÉCENT

Clé d’entrée indispen-sable à une bonne in-sertion dans la socié-té, le logement des plus démunis est au cœur des missions d’Habitat et Huma-nisme.

Confronté à des difficultés pour trouver un logement aux com-pagnons qui veulent quitter la communauté, Emmaüs Lyon a fait appel à Habitat et Huma-nisme pour trouver des solu-tions immédiates à des tarifs raisonnables. Une sollicitation à laquelle la structure créée par le père Bernard Devert a répondu, proposant d’inclure un service d’accompagne-ment global pour ces nou-veaux locataires. Totalement pris en charge et encadré chez Emmaüs, ils doivent en effet apprendre comment se com-porter vis-à-vis de leurs voisins, comment gérer leur budget… Habitat et Humanisme pro-pose de réserver 5  logements par an aux compagnons en cours de réinsertion dans la société. Une convention sera signée entre les deux struc-tures dans le courant du mois de janvier pour officialiser cet accord.

Dans le même temps, Emmaüs Lyon travaille depuis octobre 2016 à un projet de création d’une nouvelle communauté dans l’Ouest de la capitale des Gaules. Pour parvenir à mener à bien ce projet, les équipes basées à Vénissieux sont en recherche d’un foncier de 3 à 4  000 m2, ou d’un local tota-lisant 2 000 m2 et d’un vaste parking. « Ce sont des condi-tions qui nous permettraient d’installer un atelier de tri, un espace de vente. Et bien enten-du, nous pourrions créer des hébergements au-dessus  », indique Emmaüs Lyon.

Concrètement, sur la thé-matique des achats respon-sables, EDF a ainsi demandé que 5 % des heures tra-vaillées de ses fournisseurs soient réservées à des per-sonnes en insertion profes-sionnelle. « En 2016 et 2017, nous avons fait 145 000 heures d’insertion dans ce cadre-là, soulignent-ils. Pour l’accompagnement de bénéficiaires du RSA ou de décrocheurs de l’Education nationale, nous sommes impliqués dans la démarche « 100 chances 100 emplois », créée par Schneider et que nous essayons de dévelop-per sur le territoire. De même, nous avons décidé que 10 % des 500 apprentis que nous faisons rentrer chaque année pourraient être issus de ces profils atypiques. » Cette année, Christelle Champion et Dominique As-selot souhaitent étendre leur action sur un autre domaine qui leur semble primordial : « Tout devient numérique et des personnes qui sont déjà exclues vont l’être encore davantage si nous n’agissons pas pour réduire la fracture qui se creuse à ce niveau. »Autant d’initiatives et d’en-gagements résolument solidaires et tournés vers les autres. « Ce n’est pas dénué d’intérêt pour l’entreprise non plus, ajoutent-ils enfin. Car nous partons du principe qu’une entreprise ne gagne pas sur un territoire qui perd. Une vision des choses que nous partageons avec d’autres grandes entreprises comme Michelin, Engie, Da-none… »

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Dossier

24 samedi 12 janvier 2019 | vendredi 18 janvier 2019 économie

ECO NOMIE

L’AUXILIAIRE DÉCLINE LA SOLIDARITÉ SUR TOUS LES FRONTS

CHRISTOPHE DUTEL, RESPONSABLE PÔLE COMMUNICATION & RSE CRÉDIT AGRICOLE CENTRE-EST : « L’engagement solidaire fait partie de notre histoire »Pourquoi le Crédit Agricole a-t-il décidé de s’impliquer dans des actions solidaires ?Tout simplement parce que cela fait partie de notre histoire. Nous venons d’ailleurs d’éditer un ouvrage intitulé : « La joie d’être mécène », qui raconte 25 ans de mécénat. Nous sommes une banque coopérative, une banque mutualiste, étroitement liée à son territoire et depuis toujours attachée à son développement. Notre propre pérennité passe par celle de nos clients, d’où notre engagement auprès des entreprises, mais aussi auprès des associations qui aident les plus démunis. J’insiste d’ailleurs sur le mot engagement, car nous ne sommes pas seulement impliqués dans des actions solidaires, mais réellement engagés.

Au-delà du soutien à l’économie de votre territoire, que retirez-vous de cette politique solidaire ?Pour nos salariés c’est un élément de fierté. Je reviens sur la notion de proximité, car elle est essentielle : nos salariés sont proches géographiquement, mais aussi « relationnellement », de ceux qui habitent le même ter-ritoire qu’eux. D’ailleurs au-delà des actions que nous menons à travers la banque, leur engagement dans des associations locales est très important.

Pour la troisième année consécutive, L’Auxi-liaire invitera ses sala-riés à participer à des Journées Solidaires en 2019. Une formule élar-gie cette année aux pro-blématiques environne-mentale et animale.

A L’Auxiliaire, tout est parti d’un projet interne bap-tisé Déclic. « Nous voulions faire remonter à la surface des projets venant des col-laborateurs et portant sur divers sujets. C’est ainsi que nous avons trouvé l’idée des Journées solidaires, qui s’est finalement concrétisée en 2017 », racontent Florence Giraudet, responsable mar-keting communication, et Carole Vandra, chargée de missions marketing. Résul-tat, pour la troisième année consécutive, les équipes de cet assureur lyonnais tourné vers les entreprises du BTP se mobiliseront au profit d’asso-ciations comme Les Petites cantines et L’école de la deu-xième chance. Une mobili-sation qui n’est pas anodine,

puisque les participants de ces Journées Solidaires prennent sur leurs congés. « La première année, un total de 29 journées ont été données par les salariés. Cer-tains ont pris 2, voire 3 jours, pour participer à toutes les sessions », indiquent-elles. Pour cette première année d’engagement au service des autres, L’Auxiliaire avait déterminé trois associations bénéficiaires : Emmaüs, Les Petites Cantines et L’école de la deuxième chance. « La deuxième année, nous avons également intégré Odynéo, qui se penche sur le bien être des personnes en situation de handicap et sur celui de leurs proches. Au total, nous avons mobilisé 35 personnes, sur les 170 qui travaillent au siège. »Cette année, deux nouvelles structures viendront com-pléter l’offre proposée aux salariés de L ‘Auxiliaire : la Frapna et L’association des guides de chiens d’aveugles. « La dimension écologique et la dimension contact avec les animaux étaient très de-

mandées par nos équipes. Cela devrait générer des demandes encore plus nom-breuses », estiment Florence Giraudet et Carole Vandra.Désormais bien réglé, le processus d’inscription est lancé chaque début d’an-née à l’occasion d’un petit déjeuner organisé dans les locaux de l’entreprise. « Nous présentons le programme à nos collègues et les associa-tions avec lesquelles nous sommes susceptibles de travailler. Les inscriptions courent jusqu’à la fin du mois de janvier et ensuite nous prenons contact avec les associations pour bloquer

une date et préparer l’inter-vention de nos équipes », ajoutent-elles.Pour Florence Giraudet, la grande diversité des parti-cipants n’est pas la moindre des satisfactions. « Nous arri-vons vraiment à intéresser tous les niveaux de collabo-rateurs et toutes les fonc-tions, y compris des mana-gers, puisque notre directeur général adjoint Gilles Martin a participé aux éditions 2017 et 2018 », souligne-t-elle. Avant de conclure : « De toute façon, pour que des opérations de ce type soit viables, il est impératif d’avoir le soutien de la direction. »

Equipe d'Emmaüs à Parilly