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Une nouvelle année commence à l’INALCO, et même si elle ressemble aux autres, le changement est pourtant déjà dans l’air. C’est en effet la dernière rentrée avant le déménagement à Tolbiac. C’est donc la dernière fois que chacun peut ignorer royalement les autres départements en vivant de son côté, les étudiants du département Afrique autour de leur unique machine à café et ceux en japonais dans la cafétéria du CROUS. Reste à espérer que l’associaon Babel prépare aussi le déménagement et ne perde pas ses canapés et fauteuils en route. Pour votre journal favori, cela ne change pas grand chose puisque l’équipe représente déjà tous les centres INALCO et vous propose donc systémaquement des arcles de tous les horizons. Mais puisque c’est la rentrée, nous avons décidé de vous faire rêver un peu en vous donnant quelques idées pour mieux reparr. Bonne lecture, Ursula Chenu édito Interview La vie des associaons L’Indonésie, un état islamique ? La reine blanche (couverture) A la découverte des Iasses de Hongrie Sur la route du Ghan (couverture) Une pete histoire du transsibérien (couverture) Autoportrait L’aaché culturel qui n’aimait pas le foot My Baklavas 2 4 6 8 3 11 12 5 10 9 sommaire N° 20 octobre – novembre 2010

sommaire 23 91011 My Baklavas 12 · Sur la route du Ghan (couverture) Une petite histoire du transsibérien ... président controversé de 1967 à 1998, imposa aux partis musulmans

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Une nouvelle année commence à l’INALCO, et même si elle ressemble aux autres, le changement est pourtant déjà dans l’air. C’est en effet la dernière rentrée avant le déménagement à Tolbiac. C’est donc la dernière fois que chacun peut ignorer royalement les autres départements en vivant de son côté, les étudiants du département Afrique autour de leur unique machine à café et ceux en japonais dans la cafétéria du CROUS. Reste à espérer que l’association Babel prépare aussi le déménagement et ne perde pas ses canapés et fauteuils en route.Pour votre journal favori, cela ne change pas grand chose puisque l’équipe représente déjà tous les centres INALCO et vous propose donc systématiquement des articles de tous les horizons. Mais puisque c’est la rentrée, nous avons décidé de vous faire rêver un peu en vous donnant quelques idées pour mieux repartir. Bonne lecture,

Ursula Chenu

édito

Interview

La vie des associations

L’Indonésie, un état islamique ?

La reine blanche (couverture)

A la découverte des Iasses de Hongrie

Sur la route du Ghan (couverture)

Une petite histoire du transsibérien (couverture)

Autoportrait

L’attaché culturel qui n’aimait pas le foot

My Baklavas

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sommaire

N° 20 octobre – novembre 2010

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InterviewBlanche Mattern

Chargée de programme de développement

26 ans, Inde

1) En quelle année universitaire es-tu entrée à l’INALCO et quel y fût ton parcours ?

Je suis entrée à l’INALCO en 2005 en DULCO Asie du Sud. J’ai continué en Licence 3 H.E.I (Hautes Etudes Internationales, Relations Internationales). 2) As-tu suivi des études parallèles ?Mon parcours s’est inscrit dans un projet professionnel. Travaillant en ONG à Sri Lanka, je souhaitais approfondir mes connaissances sur la région et surtout apprendre les langues, puis enchaîner sur un parcours d’études du développement. Le rythme Langues’O est très soutenu et je travaillais déjà, j’ai donc choisi de ne pas me disperser. 3) Que t’ont apporté tes études à l’INALCO ?Avant tout un enrichissement culturel, mais également une base universitaire solide en sciences humaines sur l’aire régionale Sud Asiatique. 4) Durant tes études à l’INALCO, as-tu fait des stages en entreprise, des jobs étudiants ou encore participé à une association estudiantine ayant contribué à ta formation?En licence, en collaboration avec deux anciennes étudiantes de l’INALCO (Margot Durin et Ngilane Prince) nous avons créé l’ONG InMaLanka orientée vers des actions de développement en Inde, à Sri Lanka et à Madagascar et que je dirige aujourd’hui. D’ailleurs, deux autres membres viennent de Langues O’. Ainsi, la chargée évènementiel (Jodie Cazau) vient de la formation HEI, elle a rejoint l’organisation après y avoir effectué son stage de fin de M1. Le coordinateur Madagascar (Fabrizio Di Angeli) vient également de HEI. Donc sans être une ONG « made in Langues O’ », la plupart de son équipe s’est rencontrée sur les bancs de la fac! 5) Quel fût ton parcours professionnel à la sortie de l’INALCO et quelle est ta situation aujourd’hui ? Quel(s) conseil(s) un ancien étudiant tel que toi peut nous donner afin de trouver des débouchés professionnels en fin d’études?Après la licence, j’ai rejoint la Sorbonne pour effectuer un master recherche « Gestion de crises et problématiques identitaires »

avec un mémoire qui portait sur Sri Lanka et pour poursuivre en même temps un master pro « Interventions d’urgence et actions de développement ». Ces formations m’ont permis d’approfondir des thèmes vus à l’INALCO et également de me professionnaliser. Aujourd’hui, je travaille sur un projet de réhabilitation post-cyclone au Sud de Calcutta pour une ONG indienne tout en coordonnant des actions de développement dans le centre de Sri Lanka pour InMaLanka. Tout d’abord, j’ai la chance de présider cette structure ce qui a facilité mon entrée dans la vie professionnelle. D’autre part, je bénéficie d’une spécialisation régionale un peu particulière vu que Sri Lanka n’est pas très étudié. La formation Langues O’ est donc un véritable atout dans ce cas de figure. Pour ce qui est de la composante recherche, ma formation initiale a été indispensable et pour les connaissances scientifiques et pour l’accès que je peux avoir aux divers documents grâce à mes connaissances linguistiques. Pour ce qui est de la composante professionnelle, pour tout ce qui touche aux métiers du développement, je trouve primordial de « sortir » de l’INALCO pour les masters. Le marché est très compétitif, les formations comme celle de la Sorbonne ou de Bioforce sont très cotées dans les grandes ONG, la formation INALCO n’est pas assez spécialisée. Dans tous les cas, pour ceux qui veulent rejoindre ce domaine, il est nécessaire d’enchaîner les stages de façon à « faire du terrain » et de se présenter sur le marché du travail avec un « métier »... Ici, un double cursus ou une expérience professionnelle

significative sont primordiaux si vous souhaitez faire un cursus Langues’O complet.InMaLanka prend souvent des stagiaires et bénévoles à Paris, aussi les étudiants peuvent très bien nous [email protected]://inmalanka.over-blog.com

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Cette association est assurément la plus ancienne des associations sises à l’INALCO, car elle a été fondée en 1927. Elle a pour objectifs de maintenir et développer entre ses membres des liens de solidarité et d’aide mutuelle ; faciliter la recherche d’emploi des élèves et anciens élèves ; contribuer au développement et au rayonnement de l’INALCO ; mettre en œuvre tout moyen d’accroître l’intérêt pour l’étude des langues et civilisations orientales. Dans ce cadre, elle collabore avec le Bureau des Stages et Emplois et contribue notamment aux journées professionnelles. Elle est invitée aux réunions de la COVE et participe, avec les associations étudiantes, aux manifestations organisées à l’INALCO : journées portes ouvertes, journées culturelles, etc. Les activités propres à l’Association sont très diverses : conférences, projections audiovisuelles, colloques, représentations musicales, théâtrales, visites commentées de musées, dîners, voyages... L’association publie périodiquement un annuaire des anciens élèves, dont la prochaine édition est prévue courant 2010. Son bulletin, «Orients», consultable à la BULAC, paraît trois fois par an.http://www.ancienseleves.langues-o.net

ASSOPLOL’association a pour vocation d’animer la vie étudiante à l’INALCO par le biais d’organisation d’évènements tels que les soirées étudiantes et par des services de proximité proposés aux étudiants du centre Dauphine (vente de thé et de nouilles chinoises, micro-ondes). Association pionnière de notre école, fondée en 1995, PLO se veut cette année plus que jamais fédératrice des étudiants de tous centres, en vue du prochain déménagement à Tolbiac. Quelque que soit la langue que tu étudies, le centre où tu étudies, si tu es motivé(e) pour rejoindre nos rangs, n’hésite plus ! Contacte-nous par mail, téléphone, ou viens simplement nous voir au local inter-associatif P116 bis du centre Dauphine !Mail : [email protected]ésident : Philippe CHARLES – 06 29 96 65 40

L’association s’occupe de la rédaction et de la publication du journal que vous avez entre les mains. Publié quatre fois par an, il aborde tous les sujets, touche tous les horizons. Un concours de nouvelles étudiantes est également mis en place et débouche sur la publication d’un hors-série regroupant les textes des trois lauréats.Langues zOne tourne avec un petit groupe d’étudiants variant les compétences et les hobbies. Ecrire, mettre en page, chercher des lots pour un concours, relire, donner son avis, refaire le monde, chipoter pour des virgules, débattre sur des tirets, créer un site internet. Et puis tous les deux mois, se féliciter les uns les autres pour nos articles, un dessin drôle ou sensible, une phrase bien trouvée, une information surprenante, un délai respecté. C’est aussi se retrouver pour distribuer le journal, accrocher des affiches, lire des nouvelles, prendre le café et même pique-niquer. Une nouvelle année commence, l’occasion pour nous d’accueillir de nouveaux volontaires pour cette aventure unique, le temps de nos études et même un peu plus pour certains.Mail : [email protected]

Prométhei, l’association des étudiants en Hautes Etudes Internationales de l’INALCO, a pour but de promouvoir notre formation et d’établir des relations durables entre les promotions.Depuis deux ans, l’association a été remise sur pied et a su redonner son dynamisme à la filière : diffusion d’une newsletter, création d’un site internet (www.hei-prometheinalco.fr), présence lors des journées Portes Ouvertes, organisation de soirées pendant l’année, et bien d’autres choses.Mais Promethei vous réserve de nombreuses surprises pour l’année à venir. Déjà au programme 2010/2011 : un «goûter» d’intégration pour les Masters en septembre, et une soirée en octobre.Le bureau PrometheiMail : [email protected]

Vie des associations

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Politique internationaleL’Indonésie, un Etat islamiste ?

Le 3 août dernier, LeMonde.fr publiait un article sur le filtrage du web en Indonésie. Au détour de parenthèses, le journaliste déclarait que le gouvernement indonésien était islamiste et conservateur ! Parler de ce pays chez nous est un exercice difficile, puisqu’il n’est évoqué qu’en cas de catastrophes naturelles et qu’il s’agit du plus grand pays musulman du monde. Mais est-ce une raison pour qu’un quotidien national fasse des amalgames et renforce ainsi une image déjà négative ?

Il est regrettable que pour si peu d’articles, on trouve tant d’approximations et de clichés. L’État indonésien, ni son gouvernement, n’est islamiste. Si c’était le cas, il serait soumis à loi islamique, c’est-à-dire la Charia. Or c’est bien le droit commun qui fait loi en Indonésie, à l’exception de la province d’Aceh qui, autonome depuis 1999, applique en partie la Charia. C’est pour résoudre un conflit local que le gouvernement central autorisa cette exception.La constitution indonésienne du 18 août 1945 empêche l’établissement d’un État islamiste grâce à ses cinq principes: la nation, l’internationalisme, la démocratie représentative, la justice sociale, et la foi en un Dieu unique. Cette philosophie se nomme la Pancasila (« cinq principes », en sanskrit), elle forme la base de la politique et sa grille d’interprétation. A ce titre, Suharto, président controversé de 1967 à 1998, imposa aux partis musulmans l’obligation d’adopter la Pancasila comme fondement idéologique en 1985. Cela n’empêche pas l’existence de courants radicaux et terroristes (tel que la Jemaah Islamiya, soupçonnée des attentats de Bali en 2002), mais démontre une volonté d’écarter l’islam de la politique.Car si l’Indonésie est un pays à majorité musulmane, l’islam n’est pas religion d’État. La charte de Jakarta, qui cherchait l’établissement de la Charia en 1945, n’a pas été adoptée afin de privilégier le consensus national et de ne pas marginaliser les autres communautés religieuses. Si la religion reste une obligation que chacun se doit de stipuler sur sa carte d’identité, l’État en reconnaît aujourd’hui six: l’islam, le protestantisme, le catholicisme, l’hindouisme, le bouddhisme

et le confucianisme (depuis 2000). De plus, l’islam étant relativement récent dans l’archipel (son introduction commence au XIIIème siècle), les traditions bouddhistes, hindouistes et animistes persistent encore aujourd’hui et certains Indonésiens – qu’on appelle Abangan – pratiquent un islam teinté de syncrétisme. Certains symboles de la culture nationale, comme le Borobudur ou les temples de Prambanan font également écho à ces traditions, et sont parfaitement assumés par les musulmans.On observe certes depuis quelques années une recrudescence de symboles musulmans sur la place publique. Les ventes de hijab (foulard) ont progressé, et l’Occident mal avisé aurait tôt fait de l’assimiler à une radicalisation, alors que cela s’apparente surtout à un effet de

mode. Les voiles de couleurs et de tissus différents ne signifient sûrement pas que les femmes sont de « bonnes musulmanes », et sont souvent raillés dans les pays arabes. En outre, les partis musulmans n’ont jamais fait un score aussi bas aux élections. Les législatives d’avril 2009 leur ont accordé moins de 30% des voix, au profit des démocrates. Les enjeux économiques

et sociaux ont dominé le vote des électeurs, tout comme aux présidentielles de juillet 2009 où le Golkar a cherché à miser sur la question religieuse en placardant des affiches de campagne montrant les femmes du ticket présidentiel voilées. Le résultat fût à l’image de la préoccupation des Indonésiens à ce sujet, avec 12% des voix seulement face au président sortant, Susilo Bambang Yudoyono qui remportait 60% des voix au premier tour grâce à sa politique économique et son travail contre la corruption.

Loin des images d’Épinal ou des clichés malheureux, l’Indonésie n’est pas ce pays de tribus sauvages et de terroristes vindicatifs que les médias présentent. Au carrefour des cultures asiatiques et européennes, le pays semble apprendre de chaque expérience en fondant ces influences les unes aux autres. On aurait tort d’enfermer une nation aussi riche dans un carcan.

Renaud BARNE

© [email protected]

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PortraitClaude Njiké-Bergeret, la Reine Blanche

Elle naît en 1943 à Douala, capitale économique du Cameroun, de parents missionnaires français. Trois ans plus tard, ses parents partent à Bangangté, petite ville de l’ouest, pour fonder une école. C’est là qu’elle grandit, et étudie au milieu des enfants Bamilékés. A leur contact, elle apprend le dialecte local. C’est certainement à ce moment que naît inconsciemment en elle son amour pour ce pays.Mais l’année de ses treize ans, ses parents retournent vivre en France. Elle les suit et c’est dans la ville d’Aix en Provence qu’elle fait ses études de géographie. Elle épouse un jeune Français avec qui elle a deux enfants et participe même activement au mouvement étudiant de mai 1968. Elle semble bien accoutumée à la vie française.Cependant, cette vie ne la comble pas totalement. C’est ainsi qu’en 1972, après avoir divorcé, elle retourne dans le village de son enfance, laissant dans un premier temps ses enfants derrière elle. Elle signe alors un contrat de missionnaire dans la même compagnie que ses parents et enseigne puis dirige l’école qu’ils avaient bâtie. Elle s’implique également de plus en plus dans la société locale. Et en 1978, elle épouse François Njiké Pokam.François Njiké Pokam que l’on connaît mieux en terre bangangté sous l’appellation « mbelon » qui signifie « chef ». On ne parle pas de « roi » bien qu’on doive avoir envers le chef les égards codifiés qu’on aurait pour un roi ou pour un dieu. Il est alors déjà marié à de nombreuses autres femmes (une cinquantaine au total), la polygamie n’étant pas rare dans cette région. Mais celle qu’on appelle désormais la Reine Blanche ne semble pas s’en formaliser et s’adapte tant bien que mal à cette nouvelle vie qu’elle a choisie. Son audace fait d’elle un lien entre la culture européenne, stricte et religieuse, et celle mal connue et souvent méprisée des Camerounais.Ce mariage insolite fait scandale auprès de la communauté européenne sur place. En effet, une femme blanche, chrétienne, qui épouse un chef de village polygame, cela tient du jamais vu. Cependant, Claude Njiké-Bergeret semble avoir trouvé son bonheur. Elle vit à la chefferie entourée de ses co-épouses (et de leurs enfants). De ce second mariage naissent deux autres enfants. En peu de temps, les Camerounais la surnomment la « Reine Blanche ».Après la mort de son mari à la fin des années

80, selon la coutume, elle devrait porter le deuil puis devenir l’épouse du chef suivant. Mais la Reine Blanche décide de ne pas la respecter, elle « a épousé un homme, pas une dynastie ». Elle s’éloigne alors de la cour et de son agitation et ouvre une ferme à 25 km de Bangangté, où ses deux premiers enfants l’aident. Elle vit alors au milieu de nulle part, dans la nature, loin de toute civilisation. Sa nourriture vient de ses cultures et elle gagne sa vie en vendant ses propres produits sur

le marché de Bangangté, s’adaptant au fil des années aux aléas des récoltes. Le temps capricieux et les animaux sauvages viennent régulièrement abîmer ses cultures. Trois de ses enfants vivent désormais auprès d’elle et l’aident à tenir sa petite exploitation.Elle a publié trois ouvrages (Ma passion africaine en 1997, La sagesse de mon village en 2000 et Agis d’un seul cœur en 2009) qui retracent sa vie, son amour pour le Cameroun mais montrent aussi les coutumes et la culture du pays Bangangté (ce qui est relativement rare). C’est une façon pour elle de laisser à la fois une trace de son expérience mais aussi de continuer à améliorer l’image d’une culture africaine encore mal connue en France.Son surnom de Reine Blanche lui est resté malgré toutes ses années. Claude Njiké-Bergeret, aussi bien dans l’ouest du Cameroun que dans tout le pays, reste une femme respectée et importante. Il n’est pas rare, encore maintenant, que des villageois viennent la voir pour lui demander de l’aide ou des conseils. Claude Njiké-Bergeret vit coupée du monde mais garde quand même au fond d’elle sa culture française.

Edwina RICHARD

©http://www.123people.fr

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SociétéA la découverte des Iasses de Hongrie

La Hongrie de la première moitié du Moyen-âge a vu se succéder sur son sol un nombre considérable de populations nomades venues de l’Est, telles que les Sarmates, les Avars, les Slaves, ou encore les Magyars ; ces derniers, qu’en France nous appelons Hongrois, assimilèrent les populations sédentaires locales. Au XIIIème siècle, un dernier peuple iranophone originaire du Caucase s’installa en Hongrie : les Iasses (hongrois Jász, pl : Jászok). Le matériel archéologique concernant les Iasses est assez pauvre. Les objets retrouvés et les descriptions succinctes des chroniques laissent place à nombre d’hypothèses. On a longtemps désigné les Iasses de Hongrie par l’ethnonyme « Iazyges », désignant une tribu sarmate de l’Antiquité dont on les croyait descendants directs. En fait, il semblerait que le mot « Jászok » soit plutôt l’ethnonyme « asse » porté par une partie des Alains au Moyen Âge. En s’appuyant sur les textes de l’époque, on sait que les Iasses de Hongrie présentaient des traits typiquement alains : dolichocéphalie, pigmentation claire, cheveux blonds ou châtain clair et yeux clairs en grande proportion. Ils sont grands, beaux, robustes, leur regard est fier et passionné. Très courageux, ils sont d’excellents cavaliers capables de dompter les chevaux les plus farouches. Au IVème siècle, Ammien Marcellin, ancien soldat grec originaire d’Antioche, décrivait les Alains du Caucase comme « effrayants par la férocité même modérée de leur regard, et rapides dans le maniement des armes ».

La première mention des Iasses date de 1318, dans des sources hongroises. Le plus vraisemblable est qu’ils sont arrivés en même temps que les Coumans, peuple nomade turcophone des steppes ukraino-russes qui fuit les invasions mongoles de 1237-1241. Ils furent accueillis par le roi hongrois Béla IV et installés dans un territoire touchant le territoire donné aux Coumans, l’actuel Jászság (pays iasse), à l’Est de Budapest. Iasses et Coumans partagèrent longtemps la même Histoire. Les Iasses formaient une population bien distincte des Hongrois et possédaient leur propre territoire et leur propre langue. Leur Histoire consiste en une lutte permanente pour conserver leur autonomie obtenue en 1339 lorsque leur capitale Jászberény et son district reçurent les mêmes privilèges que ceux

dont bénéficiaient les territoires coumans. Les Iasses fondèrent ou repeuplèrent des localités dévastées par les Mongols, qui ont gardé des noms typiques : Jászapáti, Jászkisér. Pleinement sédentaires, ils pratiquaient l’élevage et l’agriculture et fournissaient des contingents militaires à l’armée royale. Très habiles à manier l’arc, ils formaient sous Béla IV un corps distinct d’archers. En 1596, le Jászság fut dépeuplé lors de l’occupation ottomane mais une partie subsista et conserva son autonomie jusqu’en 1702, lorsque l’empereur Leopold Ier de Habsbourg vendit les territoires iasses et coumans à l’ordre Teutonique qui devait en percevoir les revenus. Les privilèges traditionnels furent abolis et les Iasses se rallièrent à la révolte du prince transylvain Ferenc II Rákóczi contre les Habsbourg. A partir de 1741, Iasses et Coumans lancèrent une action concertée pour le rachat de leurs libertés qui, avec l’aide de la reine Marie-Thérèse, fut gagné par l’exécution de sacrifices financiers considérables et des obligations militaires. Les anciens pactes furent de nouveau reconnus, mais moins d’un siècle plus tard, après la réforme de l’Empire, les privilèges furent à nouveau abolis et les Iasses abandonnèrent leurs traits féodaux. Les traditions locales se perpétuèrent cependant et les lois d’autrefois prévalaient en partie comme droit coutumier.

Bien qu’ayant conservé un certain particularisme ethnographique marqué par la conservation de structures traditionnelles, les Iasses devinrent au cours du XIXème siècle une tribu hongroise typiquement centre-européenne. La meilleure preuve de cette assimilation culturelle est le héros mythique des Iasses, Lehel, chef d’une des tribus magyares qui conquirent la Hongrie au Xème siècle. La légende raconte que Lehel fut capturé pendant la bataille d’Augsbourg en 955 contre les armées germaniques. Condamné à mort, Lehel demanda à voir une dernière fois

« Etablissement des Iasses de Hongrie »

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sa corne à boire et l’ayant en main, il en frappa violemment le prince germanique et le tua sur le coup en lui disant : « tu me précéderas et seras mon serviteur dans l’au-delà » (selon une croyance païenne, ceux qui mouraient assassinés devenaient dans l’au-delà les esclaves de leur meurtrier).

Initialement, les Iasses étaient orthodoxes comme les Alains du Caucase. A cette orthodoxie se mêlaient des éléments païens, syncrétisme que l’on retrouve aujourd’hui chez les Ossètes (peuple du Caucase descendant des Alains), et présentait de nombreux traits communs avec les Coumans. Les Iasses furent convertis par des missionnaires franciscains à la fin du XVème siècle. Le symbole de cette conversion est la petite église de Négyszállás. Au même endroit se trouvent des tombes qui sont quasiment les seuls vestiges de la culture iasse. En 1935-37, des objets d’inspiration caucasienne y ont été découverts : crochets à ongles, porte-aiguilles en os ou bronze, un anneau de combat à pointes saillantes comparable à ceux qu’utilisèrent jusqu’au XIXème siècle les Khevsours de Géorgie… Ces objets côtoyaient d’autres objets originaires d’Europe orientale. Mais le plus intéressant est que les tombes de Négyszállás contiennent des armes, ce qui évoque les rites funéraires des Alains d’Ossétie du Nord.

Une des particularités ethnographiques les plus singulières des Iasses est sans doute leur langue. Les chroniques médiévales mentionnent l’existence d’une langue iasse bien distincte du hongrois. On peut situer sa disparition vers la seconde moitié du XVIème siècle, époque des invasions ottomanes qui ravagèrent le Jászság et qui pourraient bien

en être à l’origine. Dans différents actes du Moyen Âge, des prénoms chrétiens côtoient des noms turcs ou coumans et d’autres d’inspiration alaine. Tout porte à croire que les Iasses avaient une langue issue du rameau scythique occidental et que l’absence de documents écrits en iasse s’explique par le fait que l’écriture n’était pas une tradition chez les Alains du Caucase (on n’a retrouvé aucun texte alain alors que l’on sait avec certitude qu’il existait une langue alaine). Il ne nous est parvenu qu’un seul texte en iasse, qui est une mine d’informations pour les linguistes. Il s’agit d’un petit lexique écrit au dos d’un document juridique daté du 13 janvier 1422, répertoriant une quarantaine de mots en iasse avec leur traduction en latin et parfois en hongrois. La parenté entre le parler iasse et l’ossète moderne est flagrante. Les termes iasses sont plus proches tantôt du digor (ossète occidental) tantôt de l’iron (ossète oriental, base de la langue littéraire moderne) ; le glossaire représente un stade de langue plus archaïque que les deux dialectes ossètes tels que nous les connaissons aujourd’hui. Deux hypothèses se posent quant à l’origine du parler iasse : 1) Le iasse est né d’une évolution spécifique d’un des deux dialectes ossètes ; 2) Le iasse constitue un troisième rameau situé au même niveau que l’iron et le digor. Comme on ne connaît pas la situation dialectologique de l’alain du XIIIème siècle et qu’on ignore l’origine précise du groupe parti pour la Hongrie, il est difficile de trancher. Le glossaire contient également quelques emprunts au turc et au slave. Malheureusement, cet aide-mémoire griffonné vraisemblablement par un Hongrois ou quelqu’un dont le iasse n’était pas la langue maternelle est trop bref pour permettre de tirer des conclusions.

Même si la question des Iasses passionne les ethnologues (n’est-il pas étrange en effet, de trouver des vestiges ossètes en terre hongroise ?), le matériel archéologique est très pauvre et les recherches contiennent plus d’hypothèses que de certitudes. Espérons que de prochaines découvertes nous éclaireront davantage sur le passé encore mystérieux des Iasses, qui n’ont pas laissé beaucoup de réponses à la multitude de questions que pose leur Histoire.

Hélène GERARDIN« La corne de Lehel, ivoire sculpté de style byzantin, ébréchée depuis l’épisode (musée de Jászberény)”

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Sur les rails du Ghan

A la découverte de la route mythique des chameliers afghans d’Australie.

Le célèbre chemin de fer australien qui relie en deux jours la ville d’Adélaïde au sud du pays à Darwin au nord, traverse le cœur de l’outback via Alice Springs, garde en son nom les vestiges des migrations qui ont peuplé le continent australien.En effet, le Ghan n’est autre que le diminutif de l’Express Afghan, première dénomination de ce chemin de fer long de 2979 km. Ce nom de baptême est un hommage à l’active participation des chameliers afghans à la construction du chemin de fer et à la découverte du grand désert caniculaire et aride que constitue l’outback, lors de leur arrivée sur le territoire australien en 1838. Son insolite emblème, représentant un chamelier sur sa monture, trouve sa source dans les premières grandes explorations de l’intérieur du continent, l’Inland. L’appropriation et la maîtrise du territoire australien par les migrants européens ont vite été limitées par les contraintes climatiques hostiles qu’impose le désert. L’avancée dans les terres du centre du continent restait subordonnée à l’utilisation d’espèces domestiques adaptées. Aux chevaux, ont été rapidement préférés les chameaux, davantage adaptés au climat. Les premiers chameaux importés sur le territoire en 1846 font l’objet de programmes d’élevage. Une compagnie de transport par chameaux, la Camel Troop Carrying Company Ltd est créée. Concomitamment à leur importation, des migrants venus du Raj britannique (Balouchistan, Cachemire, Rajasthan, Punjab), mais aussi de la Turquie et de l’Égypte, forment un contingent de marchands qui se verront rapidement regroupés sous une même dénomination : les Afghans. Volontiers parqués à l’extérieur des villes, à l’instar des Aborigènes, ces minorités sont sollicitées pour participer à la construction de la première ligne télégraphique trans-australienne, l’Overland Line, tracée par Charles Todd en 1872. Ravitaillant les zones les plus reculées de l’outback via le transport de marchandises,

de matériaux et de nourriture, les marchands Afghans ont activement participé au désenclavement de cette zone du continent, permettant le développement de mines, de carrières et d’exploitations agricole. Avec l’avènement des infrastructures de transport basées sur l’industrie automobile au début du 20ème siècle, les chameaux sont relâchés dans la nature, faisant ainsi de l’Australie le seul pays au monde à avoir des chameaux sauvages sur son territoire. Toutefois, depuis 1925, plusieurs États australiens ont légiféré sur la question des cheptels disséminés sur le territoire. The Camel Destruction Act autorise ainsi la police à abattre tout chameau errant

non répertorié dans les registres associés. La construction du mythique Ghan est ainsi étroitement associée à la longue et laborieuse conquête de l’hostile désert australien. En effet, plus d’un siècle sépare la mise en service du premier convoi ferroviaire, reliant d’abord Adélaïde à Alice Springs, de la traversée complète du continent jusqu’à Darwin, donnant à la ligne le surnom de Never never never line. Le premier rail est posé en 1878, en revanche la première mise en service du train au départ d’Adélaïde ne se fait que le 4 août 1929 jusqu’au terminus

provisoire : Alice Springs. Le tracé jusqu’à Darwin, permettant

la jonction complète de la ligne Nord-Sud, subit de son côté de nombreux reports liés au financement coûteux des travaux, aux attaques de termites sur les fixations des rails, aux inondations inopinées survenant dans l’outback, aux traversées intempestives de la faune du bush, à l’approvisionnement difficile des matériaux sur de longues distances, aux écarts de températures avoisinant parfois les 60°, etc. Ce n’est qu’en 2000 que le chantier entre Darwin et Alice Springs sera de nouveau relancé pour aboutir en 2003 à l’achèvement complet de la ligne et à la jointure des territoires nord et sud du continent, offrant dans le même temps des débouchés à la fois industriels et touristiques sur le modèle du Transsibérien.

Noëlle ABOYA

ILLUSTRATIONdéchargement de chameaux

à Port Augusta en 1890 lors de l’importation

de l’espèce sur le continent

D’un train ....

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...à l’autreUne petite histoire du Transsibérien

En retard sur son développement industriel, la Russie, vers la seconde moitié du XIXe siècle, décide de développer son réseau de chemin de fer, reliant ainsi la partie industrialisée centrale avec l’Oural, riche en matière première. Le tsar Alexandre III rend un arrêté le 17 mars 1891 pour la construction du Transsibérien s’étendant de l’Oural au Pacifique ! Un projet d’une telle envergure n’aurait pu se faire sans un individu à la forte personnalité et doué d’un certain talent. Sergueï Witte, embauché par la Société de chemin de fer du Sud-Est comme guichetier, va petit à petit monter les échelons de la direction de cette société, rentabiliser cette ligne et finalement devenir ministre des Transports puis des Finances. Manœuvrant habilement pour avoir les faveurs de la famille des Romanov, Witte dirige la construction du Transsibérien et négocie avec l’empire chinois, alors en déclin, le passage de la ligne via la Mandchourie permettant un raccourci de 560 km et le renforcement des liens diplomatiques et économiques entre les deux pays (création de la Société des Chemins de Fer de Chine Orientale et de la banque sino-russe).Les différents tronçons nécessitent énormément de moyens humains et matériels. Les ingénieurs doivent faire face aux défis que leur impose la nature sauvage. Le Circumbaïkal est un bijou d’ingéniosité et de technique avec 39 tunnels et plus de 100 ponts à travers la roche, les cascades et les rivières. Les ouvriers viennent de toutes les régions de la Russie ainsi que de l’étranger car sur place, il n’y a pas de main d’œuvre. L’un des objectifs du Transsibérien est de peupler la Sibérie, de telle façon à asseoir définitivement le pouvoir central sur ce gigantesque territoire en proie à toutes les convoitises. Présenté à l’Exposition Universelle de Paris en 1900, le Transsibérien annonce 10 jours de voyage en moins entre Londres et Shanghai (nécessitant alors cinq semaines). C’est sans compter sur les problèmes d’approvisionnement durant le voyage et autres nombreux retards pouvant stopper le train pendant des jours.

Malgré la défaite de la Russie en 1905 contre le Japon, Witte parvient à négocier un traité de paix qui permet à son pays de conserver la ligne de Chine orientale. S’ensuit un révolte populaire, où les cheminots prennent une place importante et paralyse toute l’économie par le blocage du réseau ferroviaire jusqu’en octobre 1905 où le tsar promet le passage à une monarchie constitutionnelle.À l’époque soviétique, le Transsibérien est modernisé pour permettre un accès plus aisé aux ressources naturelles sibériennes. Une alternative à la voie passant par la Mandchourie est bâtie : le BAM (Baïkal-Amour-Magistrale). Entre 1972 et 1984, cette ligne représente un chantier d’ampleur où peut s’exprimer le pan soviétisme. Ainsi, des ouvriers et ingénieurs de tout le monde communiste convergèrent pour l’édification de cette aventure orientale qui se révéla être un gouffre financier.

Relier Moscou à Vladivostok en 9 jours (près de 10 000 km) et Moscou à Beijing en 6 jours (plus de 7 500 km) laisse rêveur…Telle une ramification nerveuse, le réseau ferré établit la communication à travers la Russie avec pour nerf principal le Transsibérien, porteur d’une histoire riche d’un pays à la surface démesurée et composée d’une myriade de

peuples différents. Parfois porteur de conflit, mais aussi de paix et de rapprochements inter-étatiques, cette ligne reste une réussite et une formidable expérience. Citons pour finir le Transcoréen : la Corée du Nord et la Russie envisagent de relier les deux réseaux. En 2007 la première liaison ferroviaire depuis 56 ans a eu lieu entre la Corée du Nord et la Corée du Sud.Pour un récit et photos d’un voyage autour du Baïkal :http://voyageautourdubaika.jimdo.com/Pour d’autres informations relatives au Transsibérien et à la Sibérie voici quelques sites Internet:http://www.lacbaika.org/ppage.htmllhttp://www.france-russie.comhttp://www.aujourd’huilacoree.com/home.asp

Ludovic WIART

Ancienne locomotive à Oulan-OudeCrédit photo : L. Wiart

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Expression libreAu premier cours, la prof -pour voir, peut être, de quel bois nous nous chauffons- a demandé à chacun, son autoportrait. D’origine grecque, elle s’appelle Stavroula Katsiki. Stavroula veut dire : « petite croix »... Voici mon…

AUTOPORTRAIT

Quelle drôle d’idée a eu notre prof ? Je ne sais pas comment faire ? Je crois que la Petite-Croix nous prend pour des petits génies, elle doit nous confondre avec Michel Ange, Rembrandt ou Picasso ! Ne lui dites rien : je vais faire comme si je n’avais pas bien compris et au lieu d’acheter des pinceaux, des peintures de couleurs et un chevalet, -et pourquoi pas un cheval (de Troie!) avec un carrosse, bien sûr ? Ma parole, la Petite-Croix nous prend pour Crésus ! ...Alors, au lieu de tout cet attirail, je vais prendre un crayon et du papier et le tour sera joué et au lieu de peindre mon autoportrait, je décris simplement mon ...portrait ! Ne trouvez-vous pas l’idée géniale ! Ce Kegham n’est-il pas extraordinaire ? (C’est bizarre, mes chevilles enflent de plus en plus ; je me demande pourquoi ? En avez-vous une idée ?) Je sais c’est une tricherie et je m’en veux, j’espère que Stavroula mettra tout cela sur le compte d’une étourderie et ne m’en voudra pas.Alors, Petite Croix, mon autoportrait : le voilà… Mais auparavant, je vous prie, installez-vous confortablement dans votre siège et attachez votre ceinture, car je crois que nous allons traverser des turbulences ! Voila c’est simple, cela tient en quelques mots : je suis grand, beau, intelligent. Et si ma modestie légendaire ne m’étouffait pas, j’aurais dit : très grand, très beau, très intelligent ... et j’en passe ! Comment, ai-je dit une chose qui vous ait contrarié ? Non, ce n’est pas ça ! Qu’est-ce alors ? Oh, vous trouvez que j’exagère un peu. Non, ce n’est pas vrai, je ne peux pas accepter cela. Non je n’exagère pas, comme vous dites ... un peu. Au contraire, j’exagère beaucoup et à tel point, que cela devient insupportable sinon grossier. Je sais, vous ne comprenez plus rien, mais ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas le seul. Je m’explique : vous avez remarqué, à quel point j’ai tout fait pour vous exaspérer, vous faire sortir de vos gonds ? Peine perdue, je vous vois, sans ciller, chevillée sur vos talons, en vous demandant sûrement : «mais à quoi joue-t-il ce drôle d’oiseau » ?

Très bien, j’ai voulu faire mon malin, faire mon cinéma en espérant vous impressionner, c’est raté, je me suis planté lamentablement, je reconnais que ma façon de me présenter est vraiment minable, surtout auprès d’une personne native du pays de la sagesse, la Grèce. Et même si c’était pour rire, je sais ce n’est pas très malin de ma part, et je vous prie de m’en excuser. Non, tout ce que je peux dire : je rends grâce à Dieu, chaque fois que je passe devant ma glace, je lui dis merci d’être tel que je suis, sans gros soucis, sans gros problèmes et relativement en bonne santé. Tellement de gens ne se rendent pas compte de leur bonheur, n’arrêtent pas de se lamenter, de s’en faire pour un oui, pour un non, ils se gâchent l’existence et polluent celle des autres. Je sais, je vous fatigue avec mes histoires à dormir debout et même si je ne vous ai pas dit grand-chose sur mon compte, je sais que vous vous êtes fait une idée assez précise de moi. Pour un premier contact, ce n’est pas si mal, n’est-ce pas ? Que dire de plus, sinon que le mensonge et l’injustice m’insupportent et je pense aussi faire partie de cette rare fratrie de gens en voie d’extinction, dont la parole donnée, est une parole d’Évangile. Encore une chose, je crois beaucoup en la générosité ; la vie est un éternel échange, s’il faut savoir prendre, il faut aussi pouvoir donner, -et ce n’est pas toujours le plus facile-; que ce soit de l’aumône, de l’amour ou même un coup de poing !... Bon, je retire ce dernier mot ... mais pas trop !Pour en finir… si j’ai trop joué au clown, veuillez m’en excuser. Était-ce peut être pour voler un sourire de vos lèvres ! Ai-je réussi ? Je ne sais pas. Peut être la Petite Croix nous le dira !

Kegham NIGOGHOSSIAN.

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RencontreL’attaché culturel qui n’aimait pas le football

Bratislava, automne 1993.

Bruno et moi sommes en mission dans la toute nouvelle slovaquie, pour le compte du ministère français de l’agriculture.

Bratislava est littéralement envahie par les échafaudages, défoncée de tranchées, encombrée de palissades, atteinte d’une frénésie de travaux, mais d’une frénésie slave, tranquille et bohème.

L’institut de france est également en chantier. Il deviendra prochainement une ambassade. Le secrétaire général nous fait visiter les lieux, imaginant déjà ici le bureau de l’ambassadeur, là, le patio de lecture, ailleurs, les salles de cours et les bureaux du futur poste d’expansion économique. C’est un ancien palais baroque ayant appartenu à une famille de la cour impériale qui fut ensuite transformé en commerce puis en clinique pour apparatchiks après le coup de prague, en février 1948. Tout est à refaire : les stucs des plafonds, les boiseries des cloisons, les fresques à la restauration desquelles travaillent déjà de jeunes femmes. Tout devrait être terminé début 1994.

En attendant de prendre leurs pénates dans ce palais de rêve, son excellence l’ambassadeur de france et le secrétaire général sont logés à l’hôtel « danube» situé, comme il se doit, au bord du fleuve du même nom, côté vieille ville. Sur l’autre rive s’étend la trame monotone des cités ouvrières. Les locaux provisoires de l’ambassade sont exigus et l’ambassadeur reçoit ses collaborateurs dans sa chambre en posant les dossiers sur son lit.

Son excellence aura bien mérité de la france. Il s’échine à apprendre la langue slovaque. L’épreuve est à ce point douloureuse qu’il nous confiera, sous le sceau du secret - mais il y a aujourd’hui prescription - qu’il se réveille parfois la nuit tout en sueur ayant rêvé qu’il n’avait pas fait ses devoirs !

Après une mission à nitra, ville moyenne abritant la seule université agronomique de

la nouvelle république, mon collègue et moi étions de retour dans la capitale. Le volontaire du service national, david, venait d’arriver de france et prenait fébrilement la mesure de ses nouvelles fonctions.

Nous fîmes la connaissance de l’attaché culturel, personnage attachant, jeune érudit parlant russe, tchèque et slovaque. Lors d’un dîner auquel il nous convia, il nous conta l’anecdote suivante : « lorsque j’étais en poste à tirana, j’ai été suivi pendant un an et demi, jour et nuit par des policiers du régime. Chacun de mes faits et gestes était épié par une équipe composée d’un noyau permanent et d’occasionnels. Cette présence continuelle

était très pénible, oppressante. Je m’en défendais de plusieurs manières, suivant l’humeur ; indifférence ou colère. Parfois aussi par l’humour, m’amusant à leur échapper ou bien à me cacher puis à les suivre à mon tour. Dés que je les approchais, ils me fuyaient, la consigne étant de ne jamais avoir de contact avec moi, de ne jamais me parler, de ne jamais manifester un geste, un signe à mon endroit. Pourtant, un jour, dans une ville éloignée de la capitale, alors qu’ils étaient installés dans le même restaurant que moi, ils m’adressèrent enfin la parole. Nous parlâmes de tout, des avantages comparés de la

renault et de la peugeot par exemple, et puis ils se livrèrent :-Dis-nous luc, tu aimes les concerts, les ballets, le théâtre, mais, pourquoi n’aimes-tu pas aussi le football ? T’imagines-tu le nombre de matchs que nous avons raté à cause de toi ?Et ils me citèrent une à une les rencontres auxquelles ils n’avaient pu assister. Comme je les quittais, ils me firent promettre de ne rien dire de notre échange. Pourquoi m’avaient-ils parlé ? L’éloignement de la capitale, la chaleur du vin, le besoin irrépressible qu’ils avaient ressenti ce soir d’une connivence passagère avec leur victime ? ».Depuis, luc a dû bourlinguer de poste en poste bien loin du danube. Mais la récente prestation de l’équipe de france ne l’aura sans doute pas réconcilié avec le foot.

Maxime gotesman

crédit photo : Maxime Gotesman

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CuisineLangues zOne

DIRECTEUR DE LA PUBLICATIONRenaud Barne

REDACTRICE EN CHEF

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ONT COLLABORE (TEXTES)

Noelle Aboya ChevanneRenaud Barne

Hélène GérardinMarie-Amélie GirauxMaxime GotesmanBlanche Mattern

Kerham NigoghossianEdwina RichardLudovic Wiart

ONT COLLABORE (IMAGES)

Marie-Amélie GirauxMaxime GotesmanBlanche Mattern

Loic TrihanPierre PlessisLudovic Wiart

CORRECTIONLatéfa Faiz

Sophie GauthierMarie-Amélie Giraux

Alexis Barbin

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EDITEURLangues zOne

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les textes et illustrations publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. L’envoi de textes, photos ou documents implique leur libre utilisation par le journal. La reproduction des textes et dessins publiés est interdite. Ils sont la propriété exclusive de Langues zOne qui se réserve tous droitsde reproduction. ISSN : 1774-0878

My baklavas

Certes, nous sommes sortis du Ramadan, mais à l’heure où j’écris nous y sommes encore et c’est le moment de cuisiner quelques bonnes pâtisseries. Et puis, maintenant que c’est la rentrée, le sucre, c’est bon pour le cerveau !La baklava a une origine orientale, c’est très vague mais c’est parce qu’en fait on la retrouve en Grèce, Arménie, Iran, au Maghreb… tout en sachant que la recette que je vous propose vient des États-Unis

! Car il y a une très forte communauté libanaise à Washington et croyez-moi, leurs produits et leur cuisine sont de qualité !Je vous ai souligné les ingrédients pour avoir une idée rapide de ce qu’il vous faudra, et vous mettre un peu l’eau à la bouche aussi !Il faut tout d’abord mixer grossièrement - pas de poudre mais des petits grains - 360 grammes de noix (pistaches, amandes, noix de cajou, noisettes… Personnellement, je mélange pistaches et noix de cajou, mes pistaches étant les pistaches salées du rayon apéritif car elles sont certes moins chères mais en plus cela donne un petit gout salé fort sympathique) avec 150 grammes de sucre glace et une cuillère de cardamome (quand j’en suis à court, je mets du miel). On prend un plat rectangulaire et on le beurre. Puis on dépose une feuille de papier phyllo (pendant le Ramadan on en trouve dans beaucoup de supermarchés mais désormais il faut aller en épicerie orientale, là où vous achèterez vos noix de cajou), on badigeonne (légèrement) de beurre, on recouvre d’une autre feuille, que l’on badigeonne et on répète l’opération six fois. Sur les six feuilles de papier, on dépose la moitié des noix et on verse dessus un peu d’eau de rose (ou de fleur d’oranger). Sur ces noix, on remet six feuilles de papier phyllo (parfois au lieu de les badigeonner de beurre, je mets de l’eau de rose ou d’oranger, ou encore du miel) que l’on recouvre du reste des noix, et que l’on recouvre encore de six feuilles de papier phyllo. Là on presse bien le tout et on coupe la pâte en triangles pour la forme des baklavas (mais les couper en carré ou rectangle ne changera ni leur goût ni leur effet !) .Cette technique de découpage et pliage en triangle fut élaborée par un Français, au Palais de Topkapi à Istanbul, qui n’était autre que le pâtissier de Marie-Antoinette. Avant d’enfourner pour vingt minutes à 160 degrés, on badigeonne encore un peu de beurre pour une jolie présentation. Au bout de vingt minutes, on met le thermostat à 180 degrés et on laisse dans le four encore vingt minutes. C’est cuit quand la feuille de papier phyllo est légèrement dorée. Ne vous inquiétez pas, les feuilles du haut ondulent souvent, du coup le haut de votre baklava ne sera pas aussi lisse que sur la photo (quoique, à mon premier essai, j’avais bien réussi) et après, il ne reste plus qu’à se régaler…Enfin, j’ajoute qu’il y a une raison à ce que cette pâtisserie ait été la favorite des sultans et de leurs harems : les deux ingrédients principaux, la pistache et le miel, étaient réputés aphrodisiaques, à la condition d’une consommation régulière. Certaines épices sont d’ailleurs rajoutées pour révéler le côté sensuel de l’homme ou de la femme avec de la cannelle, de la cardamome ou encore des clous de girofle…

Marie-Amélie GIRAUX

crédit photo : Marie-Amélie Giraux