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Dès le début du XlX e siècle, un bon nombre de gens, éblouis par l’indus- trialisation et les progrès de la science, se désintéressèrent de Dieu et du Diable. À tel point qu’en 1864, Pie IX dénonça le danger de la civilisation moderne et que l’église entra en lutte contre une culture qui semblait se déta- cher de la notion de surnaturel. Mais il ne faut pas pour autant croire que le Diable n’avait plus qu’à plier bagages. Certes les grands penseurs de l’époque tels que, Auguste Comte le positiviste, Proudhon l’athée et Renan le sceptique avaient permis à l’école matérialiste de s’ériger sur des bases solides. Tandis qu’à Paris, le docteur Charcot à l’hôpital de la Salpêtrière commençait ses travaux sur l’étude clinique des névroses. Il devait publier notamment dès 1884, Leçons sur les maladies du système nerveux. Mais parallèlement, si l’on en croit Huysmans, homme de lettres et mystique, en 1874, le commerce des hosties consacrées devant servir à célé- brer des messes noires était florissant, chaque hostie étant payée un bon prix. De plus, en 1883 par exemple, le duc de Camposelice associé à un certain Peter Benoit présentait à Paris un « Oratorio diabolique », intitulé Lucifer. Cet oratorio joué dans la grande salle du Trocadéro par un orchestre composé de plus de cinq cents exécu- tants fut un triomphe, les spectateurs étant venus en très grand nombre pour assister à cette œuvre glorifiant Lucifer présenté comme un « Dieu de lumière ». Dans ces conditions il n’y a rien d’étonnant à ce que dès 1884 un groupe de spiritualistes et d’occultistes partent en guerre contre « l’hydre du matérialisme ». LE SULFUREUX STANISLAS DE GAÏTA Une des têtes de file de ce mouve- ment fut Stanislas de Gaïta, ancien condisciple de Maurice Barrès au lycée de Nancy. Il a vingt trois ans et vit dans un rez- de-chaussée de l’avenue de Trudaine. Il est féru d’occultisme et de sata- nisme. Enveloppé dans une cape pourpre, il reçoit dans son bureau aux murs tendus de rouge et aux rideaux et tentures écarlates tout ce que Paris compte d’occultistes distingués. Sinon il passe ses jours et ses nuits entre son laboratoire de chimie et ses livres de magie. On dit aussi qu’il s’exerce au jeu dangereux de la sortie en corps astral. Il estime être un mage blanc et il combat farouchement les larves qui hantent son appartement. Cependant, on peut penser que l’existence de ces larves n’est due qu’à 44 SORCELLERIE, CROYANCE ET SUPERSTITION DANS LA FRANCE DU XIX e SIÈCLE Nous avons beaucoup d’écrits au style mordant où l’on se refuse à convenir qu’il existe un Dieu. Mais nul athée tant que je sache, n’a réfuté de façon probante l’existence du Diable. Von Kleist - La cruche cassée

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Dès le début du XlXe siècle, un bonnombre de gens, éblouis par l’indus-trialisation et les progrès de la science,se désintéressèrent de Dieu et duDiable.

À tel point qu’en 1864, Pie IXdénonça le danger de la civilisationmoderne et que l’église entra en luttecontre une culture qui semblait se déta-cher de la notion de surnaturel.

Mais il ne faut pas pour autantcroire que le Diable n’avait plus qu’àplier bagages.

Certes les grands penseurs del’époque tels que, Auguste Comte lepositiviste, Proudhon l’athée et Renanle sceptique avaient permis à l’écolematérialiste de s’ériger sur des basessolides.

Tandis qu’à Paris, le docteurCharcot à l’hôpital de la Salpêtrièrecommençait ses travaux sur l’étudeclinique des névroses.

Il devait publier notamment dès1884, Leçons sur les maladies dusystème nerveux.

Mais parallèlement, si l’on en croitHuysmans, homme de lettres etmystique, en 1874, le commerce deshosties consacrées devant servir à célé-brer des messes noires était florissant,chaque hostie étant payée un bon prix.

De plus, en 1883 par exemple, leduc de Camposelice associé à uncertain Peter Benoit présentait à Parisun « Oratorio diabolique », intituléLucifer.

Cet oratorio joué dans la grandesalle du Trocadéro par un orchestre

composé de plus de cinq cents exécu-tants fut un triomphe, les spectateursétant venus en très grand nombre pourassister à cette œuvre glorifiant Luciferprésenté comme un « Dieu de lumière ».

Dans ces conditions il n’y a riend’étonnant à ce que dès 1884 ungroupe de spiritualistes et d’occultistespartent en guerre contre « l’hydre dumatérialisme ».

LE SULFUREUXSTANISLAS DE GAÏTA

Une des têtes de file de ce mouve-ment fut Stanislas de Gaïta, anciencondisciple de Maurice Barrès au lycéede Nancy.

Il a vingt trois ans et vit dans un rez-de-chaussée de l’avenue de Trudaine.

Il est féru d’occultisme et de sata-nisme.

Enveloppé dans une cape pourpre,il reçoit dans son bureau aux murstendus de rouge et aux rideaux ettentures écarlates tout ce que Pariscompte d’occultistes distingués.

Sinon il passe ses jours et ses nuitsentre son laboratoire de chimie et seslivres de magie.

On dit aussi qu’il s’exerce au jeudangereux de la sortie en corps astral.

Il estime être un mage blanc et ilcombat farouchement les larves quihantent son appartement.

Cependant, on peut penser quel’existence de ces larves n’est due qu’à

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SORCELLERIE,CROYANCE ETSUPERSTITION DANSLA FRANCE DU XIXe

SIÈCLENous avons beaucoup d’écrits au

style mordant où l’on se refuse àconvenir qu’il existe un Dieu. Mais nulathée tant que je sache, n’a réfuté defaçon probante l’existence du Diable.

Von Kleist - La cruche cassée

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l’abus du haschich et de la morphinedont il fait largement usage.

Il en mourut d’ailleurs à l’âge detrente six ans.

En 1888, il crée l’Ordre de la Rose-Croix Kabbalistique, se réclamant d’uneancienne société secrète fondée auMoyen Âge par un mystérieux savant,Christian Rosenkreutz.

Ses disciples étaient astreints à lachasteté, en échange de quoi ils sevoyaient proposer le salut grâce à l’illu-mination mystique et l’initiation spiri-tuelle.

Le nouvel ordre des Rose-Croix sedonne pour mission l’étude des clas -siques de l’occulte, la méditation, lapropagande et la lutte contre la magienoire.

Les sciences hermétiques vivent unvéritable renouveau.

Grâce à Eliphas Lévi, l’occultismerevient à la mode également.

Villiers de l’Isle-Adam, Huysmans,Pierre Louys, Redon en fréquententassidûment l’un des centres.

L’INEFFABLE SÀRMÉRODACK PELADAN

Et la librairie du Merveilleux, autrefief de l’occultisme, voit la rencontre deStanislas de Gaïta et du Sàr MérodackPeladan, l’auteur du Vice suprême,œuvre qui avait fortement impressionnéde Gaïta.

Mais qui est ce sàr MérodackPeladan ? Il est né le 28 mars 1859 àLyon et se nomme tout simplementJoséphin Peladan.

Issu d’une honorable famille depaysans, il n’a aucune goutte de sangbleu comme il l’affirmera par la suite.

Ce n’est pas un élève brillant, ilsera même jugé rapidement indésirableau Petit Séminaire de Nîmes.

Ce qui ne l’empêche pas d’avoirune haute opinion de lui-même.

Passant devant le Conseil de révi-sion, ne s’exclame-t-il pas : « On metoisa comme on eut fait d’un cochon,moi, tabernacle d’une âme immortelle,méditateur prématuré de l’Apoca -lypse ! » (sic).

Cependant il se fait connaître enpubliant en 1884 son Vice suprême.

Cette œuvre est, d’après l’auteurlui-même, une œuvre mystique, esthé-tique, synthétique, ambitieuse et belli-queuse.

Peladan prétend, grâce à ce chef-d’œuvre immortel, contrer Zola : « ceporc Zola, ce pourceau qui est en mêmetemps un âne ! » et fouler ainsi au piedl’immonde naturalisme bêlant.

Il estime d’ailleurs avoir conquis « àforce de talents, peut-être de génie, ledroit de ma pensée pleine et entière,et devant tous. J’ai six mille nuitsdurant valeureusement aimé la languefrançaise ; je puis tout dire en français.J’y suis burgrave sans vasselage. »

Ces déclarations fracassantes fontbien entendu la joie de la presse et assu-rent ainsi à notre homme une publicitétapageuse.

Quelques temps plus tard, s’étantpris d’une passion pour Wagner, ilarrive à Bayreuth en costume de céré-monie, vêtu d’un habit blanc, d’unetunique bleu ciel surmontée d’un jabotde dentelle, culotté de peau et bottéde daim, son parapluie retenu au côtépar un baudrier de capitan.

Il fait bien entendu grosse impres-sion. Cependant la veuve de Wagnerrefuse de le recevoir (on la comprendun peu).

Peu importe, à son retour Peladanpublie les onze opéras de Wagner,annotés par ses soins, « ... en manièrede thérapeutique pour désintoxiquer laFrance de son matérialisme. »

On comprend donc aisément quePeladan, pardon le Sàr MérodackPeladan, ait pu sympathiser très facile-ment avec un homme tel que Stanislasde Gaïta.

Il adhère donc tout de suite à l’ordredes Rose-Croix.

En mars 1892, cet ordre organiseun salon, salon qui eut un énormesuccès populaire.

Plus de soixante artistes exposentleurs œuvres, seuls, selon les règles del’ordre, les sujets ayant pour thème l’al-légorie, la légende ou le rêve peuventêtre exposés.

Bien entendu les milliers de Pari -siens venus contempler les œuvresexposés au Salon étaient accueillis parle Sàr Peladan en pourpoint damasséet jabot de dentelle.

Ce jour, affirmait-il : « L’idéal eutson temple et ses chevaliers, et nous,Macchabées du Beau, nous allâmesapporter à Notre-Dame, aux pieds de

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notre Suzerain Jésus, l’hommage dutemple et l’agenouillement des Rose-Croix. »

Cependant on comprend que, lasecte ayant également pour règles ladiscrétion et le secret, le Sàr fit rapide-ment figure de dissident.

Il quitte la secte, excommunie aupassage l’archevêque de Paris et labaronne de Rothschild (allez donc savoirpourquoi !) et fonde en 1890 l’ordre« Des magnifiques de la Rose-Croixcatholique » dont il se proclame le grandmaître bien entendu.

Il compte, grâce à cette secte,restaurer en toute splendeur le culte del’idéal et consoler le Saint Esprit de labêtise humaine.

Il finit par lasser le public, tombadans l’oubli et mourut le 27 juin 1918.

Mais revenons en 1887.

LE DOCTEUR JOHANNÈS,LE GRAND PONTIFECÉLESTE

Cette année-là, il existait à Lyonune sorte de secte baptisée pompeuse-ment « Église du Grand Carmel ».

Elle avait à sa tête un grand pontife,le docteur Johannès, prêtre interdit,s’appelant en réalité Jean-AntoineBoullan.

Chaque adepte de cette secte avaitpour idéal de se « célestifier » ce qui leurpermettait de gravir l’escalier de lanature universelle et de jouir ainsi plei-nement de la sainte liberté des enfantsde Dieu.

Pour arriver à la célestification, ilsuffisait à chaque homme de la secte deposséder toutes les femmes, et à toutesles femmes de posséder tous leshommes bien entendu.

Ainsi, puisque nous avons perdul’Éden à cause d’un acte d’amourcoupable, c’est grâce à un acte d’amourreligieusement accompli qu’il nous estpossible d’obtenir la rédemption.

Comme on s’en doute la secteobtint tout de suite un grand succès.

On se « célestifia » à tour de bras,si j’ose m’exprimer ainsi, d’autant plusque le cher docteur Johannès était,paraît-iI, remarquablement doué pour lacélestification et que la nature (ou Dieu)l’avait généreusement pourvu de toutce qu’il fallait pour… propager sadoctrine !

Le bruit courait aussi que le docteurJohannès avait pour manie de nourrir

ses souris blanches avec des hostiesconsacrées.

En tant que mage blanc, Stanislasde Gaïta ne pouvait supporter ni lesorgies ni le menu spécial dont lesrongeurs du docteur Johannès bénéfi-ciaient. Il convoqua dans son bureaurouge, un tribunal initiatique quiprononça la condamnation du grandpontife de l’Église du Carmel, coupablede satanisme. Le grand pontife futprévenu par lettre le 24 mai 1887 qu’ilvenait d’être condamné à mort (ni plusni moins) par les Rose-Croix deStanislas de Gaïta.

Une lutte titanesque allait doncopposer mage blanc contre mage noir.Elle eut lieu. Gaïta passa de longuesheures dans son laboratoire, modelantpoupées de cire sur poupées de cirepour envoûter son adversaire. Le grandpontife de son côté jeta, paraît-il, unsort pour rendre aveugle le grand maîtredes Rose-Croix.

Cependant, et c’est heureux pourles deux hommes, Gaïta conserva lavue et le docteur Johannès demeuraen parfaire santé : il ne mourut qu’en1892.

Il faut cependant reconnaître quela veille de sa mort il écrivait à Huys-mans, l’auteur de Là-bas que de Gaïtacontinuait à lui envoyer des poisons àtravers l’espace.

Huysmans prit la chose très ausérieux, cependant on ne peut pas leconsidérer comme un témoin objectif :n’accusait-il pas lui même de Gaïta deconserver dans un placard un espritfamilier ?

LÉO TAXIL,LE MYTHOMANESATANIQUE

Et maintenant examinons l’affaireLéo Taxil, car cette étude, bien quesommaire, ne serait cependant pascomplète si je ne vous parlais pas del’homme qui contribua largement à jeteren France le discrédit sur la franc-maçonnerie.

Oh ! certes il ne fut pas le seul.Dès juillet 1873 dans l’encyclique

« Cite perfecto » le pape Pie IX avait très

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bien su attirer la méfiance des croyantssur les loges en attribuant à Satan letriomphe politique de la franc-maçon-nerie. Onze ans plus tard d’ailleurs, en1884, par une autre encyclique, sonsuccesseur Léon XIII surenchérissait,déclarant que les doctrines maçon-niques et leurs applications relevaientde pratiques diaboliques.

Comme depuis 1882 un certainÉdouard Drumont répandait grâce à unouvrage, La France juive , une propa-gande antisémite précisant que le juifétait l’âme de la maçonnerie.

Il fut facile pour le simple « pékin »de faire cet amalgame simplet : Juif =maçon et maçon = Satan ou, bienentendu, maçon = juif donc juif = Satan.De toute façon, lutter contre l’un oul’autre c’était combattre le démon, cequi bien évidemment le ravissait d’aise.

On voit donc avec quelle facilité leterrain avait été préparé pour quevienne un homme tel que Léo Taxil.

Mais qui était-il au juste ?

Léo Taxil de son vrai nom Gabriel-Antoine Jogand-Pagès, était né àMarseille en 1854. Il avait été ancienélève des jésuites avant de devenir unanticlérical farouche.

Après avoir accumulé dès l’âge devingt deux ans quelque chose commetreize condamnations pour des délitsdivers (proxénétisme, chantage, grivè-lerie, etc.) il avait pu, étant indicateurde police, quitter la France sans êtreautrement inquiété.

Il s’enfuit à Genève où il entrepritla vente de pilules aphrodisiaques, cequi eut pour résultat d’exciter les jugeshelvètes qui ordonnèrent son expulsion.

Profitant de l’amnistie de 1878, ilrevint en France.

En 1879 il devint franc-maçon etfonda la « Bibliothèque anticléricale »dont certains titres sont savoureux, telsque : Le fils du jésuite, Le pape femelle,Jeanne d’Arc victime des prêtres , ouLes maîtresses du Pape.

Il obtint même un certain succèslittéraire avec son À bas la calotte dontil vendit 130.000 exemplaires.

De plus il dirigeait un journal, L’An-ticlérical qui tirait à 65.000 exem-plaires.

Bien entendu les amendes se mirentà pleuvoir et la Bibliothèque anticléri -cale fut déclarée en faillite en 1884.

En 1885, la franc-maçonnerie trou-vant le personnage par trop voyant, lejugea indésirable et il fut exclu del’ordre.

Notre homme ne se laissa pasabattre, il se convertit, reconnut sesfautes et renia ses ouvrages anticléri-caux. Repenti, il venait de retournerdans le giron de l’Église.

Le nonce du pape, bon prince, luifit obtenir l’absolution de ses excommu-nications.

Alors, avec la même vigueur qu’ilavait mise à combattre l’Église, LéoTaxil entra en lutte contre les francs-maçons.

Il publie Les mystères de la franc-maçonnerie, le succès est énorme ;comme il a été maçon lui-même cela luipermet de mêler habilement la vérité aumensonge, ainsi dira-t-il plus tard :« Chaque fois qu’un passage étaitobscur, je l’éclairais dans le sens agré-able aux catholiques qui voient enmessire Lucifer le suprême grand-maître des francs-maçons. »

D’autres auteurs lui emboîtent lepas et non des moindres.

Monseigneur Léon Meurin, arche-vêque de Port-Louis publie La franc-maçonnerie, synagogue de Satan.

Puis un certain Docteur Hacks,ancien médecin sur les paquebots desMessageries, publie (par mesure deprudence !) sous le pseudonyme duDocteur Bataille Le diable au XIX e

siècle.L’ouvrage est vendu en fascicules

dans les kiosques (comme Fantômas !).Grâce à ses voyages en Chine, aux

Indes, en Amérique, le docteur Batailleva pouvoir nous révéler l’existenced’une secte au sein de la franc-maçon-nerie.

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Le Palladisme, tel est son nom,avait à sa tête le général américainAlbert Pike à qui, après sa mort,succéda le politicien italien AdrianoLemmi.

Le Palladisme, toujours d’aprèsBataille, pratique un culte infernal et apour but de préparer l’avènementprochain de l’Antéchrist, tout simple -ment ! Le public s’arrache ces fasci -cules abondamment illustrés et suithaletant les révélations du docteurBataille.

Et le public en a pour son argent.Car le docteur Bataille a visité pour

lui à Singapour « Les adorateurs deSatan ».

À Charleston « Le plus grandtemple du Palladisme », il s’est introduitdans les loges d’Orient grâce à undiplôme de la franc-maçonnerie égyp-tienne (qu’il dit avoir acheté en Italie !).

Le docteur Bataille n’a pas ménagésa peine : n’a-t-il pas assisté à des sacri-lèges, des cérémonies d’initiation sata-nique, des manifestations spirites !

Il décrit avec force détails parexemple la fabrication d’objets diabo-liques créés en grand secret dans lesrochers de Gibraltar au nez et à la barbedes autorités britanniques.

Dans ces ateliers sont conçus deschérubins à corps de lion et à tête detaureau destinés, c’est le docteurBataille qui l’affirme, à l’ornement dessynagogues de Satan du monde entier.

Mais ceci n’est rien à côté des labo-ratoires qui existent un peu partoutdans le monde !

Là, des chimistes démoniaquescultivent toutes sortes de microbes qui,bien entendu, seront lâchés sur lemonde quand Satan le désirera.

Car le Diable, écrit BataiIle, s’estfait bactériologiste.

Et les lecteurs marchent, parmiceux-ci le révérend père Fusier, qui fitune tournée de conférences sur le cultedu Diable au XIX e siècle en appuyantson exposé sur les publications deBataille. La publication dure deux anspuis sort en librairie, accompagnéed’une préface élogieuse du chanoineMustel.

Bataille ayant subtilisé le premierrôle à Léo Taxil, il était temps que cedernier réagisse.

Il le fait sans tarder en présentantau public sa dernière découverte.

DIANA VAUGHAMET SON LEOPARD AILE

Il s’agit d’une jeune femme : DianaVaugham. Elle vient de se convertir aucatholicisme mais elle a été avant saconversion une des grandes prêtresses

du Palladisme, appartenant au trianglepalladique « Phœbé-Ia-rose » de NewYork. Elle est protégée par Asmodée enpersonne, ou tout du moins l’était, carje ne pense pas que celui-ci ait vu saconversion au catholicisme d’un trèsbon œil.

Bien entendu Diana Vaugham n’estpas avare de confidences sur son passédiabolique. Ainsi, pour peu qu’on lapousse, elle avoue en toute modestieavoir eu des relations « amicales » avecun léopard ailé. Celui-ci à son appel secouche à ses pieds, les lui lèche, puistout à coup, se transforme en éblouis-sant archange. Là, Diana Vaughaminterrompt son récit et refuse absolu-ment de dévoiler la suite !

Grâce à elle, Léo Taxil obtint unénorme succès, à tel point que, serendant à Rome, il obtint une audiencedu pape Léon XIII. Sa Sainteté luidemandant ce qu’il désirait, Léo Taxilrépondit : « mourir à vos pieds, là en

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ce moment ! Ce serait mon plus grandbonheur. »

Le pape ayant refusé d’accéder à sademande, Léo Taxil revint à Paris.

Il devint l’homme du jour. Sesouvrages sont traduits en anglais, espa-gnol, italien, allemand.

Et puis, coup de théâtre, le 19 avril1897, alors que l’imposture dure depuisdouze ans déjà, Taxil convoque à laSalle de Géographie le Tout Paris.

Il va faire de nouvelles révélations.Journalistes et public se pressent. Alors,devant son auditoire stupéfait, Léo Taxildéclare tout simplement qu’il a dupéles gens, voulant ainsi se moquer descatholiques trop crédules : « Ma conver-sion n’a jamais été sincère, je me suislivré à une fumisterie pour voirjusqu’où irait la jobardise catholique. »

Quant à Sarah Vaugham, lafameuse fiancée d’Asmodée, ce n’est,

toujours d’après Taxil, qu’une simpledactylographe d’origine américaine qui,en échange de quelques dollars, avaitbien voulu l’aider à se payer la tête desgogos.

La réunion se termina en pugilatet Léo Taxil dut s’enfuir.

Ainsi finit l’histoire de Léo Taxil.Bien qu’elle ait causé un tort consi-

dérable à la maçonnerie et à l’Eglise, cen’est pas une histoire très sérieuse.

Il nous faut bien reconnaîtred’ailleurs que pas plus que Léo Taxil,le Sàr Peladan ou Stanislas de Gaïtan’étaient des personnages très crédi -bles.

Mais pourtant grâce à eux nousavons pu nous rendre compte à quelpoint Satan jouait un rôle importantdans l’esprit des hommes de 1880 à1900. Ne serait-ce que pour cela, qu’ilsen soient remerciés ici.

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Sarah Vaugham

QUELQUES CONSEILS PRATIQUES POUR SEDÉBARRASSER DES DIABLES, DÉMONS, DIABLOTINS,LOUPS-GAROUS ET COMMENT VIVRE EN BONNEINTELLIGENCE AVEC UN ECTOPLASME

Avant d’aborder ce chapitre oùnous allons étudier de plus près lasorcellerie et les phénomènes paranor-maux, je tiens à remercier deuxpersonnes.

Le première étant Claude Seignolledont l’œuvre magistrale sur le Diable etles croyances populaires m’ont large-ment servi tout au long de la rédactionde ces articles. Je vous recommandechaleureusement la lecture desouvrages de cet Auteur et plus parti-culièrement son Évangile du Diable quiréunit huit cent dix-neuf récits folklo-riques ayant le Diable pour sujet.

Le deuxième étant Judith Lecor -delier qui, par contre, n’a jamais écritune seule ligne mais dont le vécu etles connaissances plus « pratiques »m’ont permis d’aborder le sujet defaçon plus réaliste et de ne pas mebaser uniquement sur des connais -sances purement livresques. Oncomprendra aisément qu’il m’est diffi-cile d’en dire plus sur Judith Lecorde-

lier, celle-ci faisant partie de ces créa-tures qui ont toujours préféré l’ombreà la lumière.

Bien ou Mal, Enfer ou Paradis,Dieu ou Diable, depuis l’aube de l’Hu-manité on retrouve partout ces grandsprincipes.

1.200 ans avant J.C, les Hébreuxadoraient un dieu unique, Yahweh. Sion en croit la légende, il était jugeunique du Bien et du Mal, mais un jourl’un de ses serviteurs se révolta etexerça seul les fonctions du mal. Cemauvais se nommait Shatan, ce qui enhébreu veut dire « l’Adversaire ». Cetadversaire nous le retrouverons partoutsous les noms les plus divers. Chez lesAraméens il se nomme Bélial, l’Abîme.Saint Paul y fait allusion pour lapremière fois dans sa II e épître auxCorinthiens.

Bélial par la suite se transformeraen Baal chez les Babyloniens qui lenomment également Baël, puissance

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infernale à trois têtes : de crapaud,d’homme et de chat. Les Perses le dési-gnent sous le nom d’Asmodai (AshmaDaêva) le Dieu de la sensualité. Et enfinon le retrouve dans la tradition judaïquesous le nom de Belzébuth, le dieu desmouches.

Mais vouloir dresser ici l’inventairedes noms du malin et de ses acolytesserait fastidieux.

Selon Jean Wier, médecin du ducde Clèves au XVIe siècle, les démonsseraient au nombre de sept millionsquatre cent neuf mille cent vingt-sept.Chacun de ces démons possède unnom, mais rassurez-vous je ne vais pasentreprendre ici leur énumération.

Sachez seulement qu’il est égaie -ment dit dans un livre anonyme datantde 1581 que l’enfer est peuplé de sixlégions de démons, comportantchacune 66 cohortes qui se divisent en666 compagnies formées elles-mêmesde 6.666 individus. Il y aurait donc unmilliard sept cent cinquante-huitmillions soixante-quatre mille centsoixante-seize démons !

LES ACTIVITES DUDIABLE

Bien entendu, l’une de ses princi-pales activités est d’apparaître auxhumains pour essayer de les corrompre,notamment en passant un pacte aveceux, ce qui lui permet par la suite de

s’emparer de leur âme. Pour parvenirà ses fins, il est prêt à prendre toutesles apparences, humaines ou non-humaines.

On l’a vu, dit Claude Seignolle :« En vent, en nuée, en flammèches, enmouton, en cailloux, en Bon Saint, enchien, en œuf, en grain de mil, en eauet en bien d’autres états trompeurs...jamais en bénitier. Mais c’est encoreen homme tel que vous et moi qu’iltravaille le mieux. » Il participe égale-ment au Sabat, où sont réunis sorcierset sorcières. Pour cette occasion, il luiarrive souvent de se présenter sous laforme d’un bouc noir.

On dit aussi dans certainesprovinces qu’il fait craquer les os desmorts (peté lou radjé deu morts) et puisil ne faut surtout pas oublier qu’il s’oc-cupe dans sa sombre demeure du tour-ment des damnés. Ce qui ne doit pasêtre une mince affaire !

Pour l’aider dans ses tâches multi-ples, heureusement pour lui et malheu-reusement pour nous, il peut comptersur l’appui de nombreux serviteurs,humains ou non-humains.

Dans les serviteurs non-humainsnous trouvons non seulement lesdémons qui, comme nous l’avons vu,sont légions, mais encore toutes sortesde créatures malfaisantes, telles quepar exemple : le Sotré, petit bonhommelaid et difforme aux pieds fourchus, vêtud’une houppelande rouge et d’unbonnet noir, qui bien que de la tailled’un enfant est doté d’une forceextraordinaire. Il est malicieux, gour-

mand, pillard et paillard et souventvindicatif ; ou bien le Lupeux, qui vitsouvent dans les étangs et essaye d’at-tirer à lui les humains pour les noyer ;ou le Faudoux, sorte de lutin desgreniers, bien connu pour sa méchan-ceté et... sa pédérastie notoire ! À cescharmants personnages viennents’ajouter : le Drac, le Mourieche, laGalipote, le Kludde, le Basilic, laVouivre, les Matagots (sortes de chatssorciers) et bien d’autres encore...

LES SORCIERS

Mais comme si tout cela ne suffisaitpas, Satan peut également compter surl’aide de serviteurs humains : lessorciers.

Pour devenir sorcier, il faut signerun pacte avec le démon. Il doit êtreétabli sur un parchemin vierge et doitêtre signé par le sorcier avec son sang.

Le plus souvent cette cérémonie alieu soit dans un cimetière, soit à lacroisée de plusieurs chemins. Une foisce pacte signé, le sorcier a la possibi -lité d’entrer en contact avec le Diablemême en dehors du Sabbat.

Il ne faut pas croire qu’au XXe siècleles sorciers ont disparu. Un spécialistede la question, le docteur Kruse de

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Hambourg, préparant un mémorandumpour les Nations-Unies, en a dénombréplus de soixante mille en 1978.

On dit que Satan marque de sonsceau chacun d’entre eux et dans lesendroits les plus imprévus : sous lalangue ou dans le fond de l’œil parexemple, ou comme on disait au MoyenÂge... « dans le fondement de l’hommeou dans la nature de la femme. »

C’est ce que, toujours au MoyenÂge, on nommait le « stigma diabo-licum spatula » ou « sigilum diaboli ».

On dit également que ceux marquésdu B tels que, boiteux, bègues ouborgnes sont plus enclins à pratiquer lasorcellerie. Ils exercent souvent lesmétiers de tailleurs, barbiers ou forge-rons, et vivent fréquemment en margedes agglomérations.

LE SABBAT

Bien entendu les sorciers sont tenusde se rendre au Sabbat. Quand l’und’eux a lieu, soit le Diable se présentechez les sorciers deux jours avant sousla forme d’un chat noir, soit il sonne ducor ou frappe sur un gong que seulsles sorciers entendent.

Au jour fixé, le sorcier s’oint d’unonguent qui lui permet de s’envoler versle lieu de rendez-vous.

La plupart du temps le Sabbat alieu au voisinage d’alignements méga-lithiques, de temples en ruine, defontaines ou bien encore près decertains bouquets d’arbres.

Dans l’année, trois dates sont parti-culièrement favorables pour ce genrede réunion : le trente avril, nuit deWalpurgis, le vingt-trois juin, veille dela Saint Jean et le trente et un octobreen souvenir des Druides, par contre leSabbat n’a jamais lieu un dimanche.

Selon l’importance de la cérémoniele Diable vient en personne ou se faitreprésenter.

Une fois présent, le Diable invite àsa droite une sorcière (de préférencejeune et jolie !) puis il harangue sesfidèles et ensuite un sorcier fait l’appel.

Après quelques instants de silence,ses adorateurs lui offrent de multiplesdons, argent, symboles chrétiens etc.

Puis on lui prête allégeance en l’em-brassant en un endroit que la bien -séance m’interdit de nommer ici.

Ensuite toute l’assemblée se livre àla débauche la plus frénétique.

Et enfin vient le moment où sorcierset sorcières échangent leurs secrets :enseignements des sorts, fabricationdes onguents et des poudres etc. Etcela jusqu’à l’aube où enfin chacunrentre chez soi.

Les pouvoirs des sorciers, si l’onen croit la tradition populaire étaientnombreux.

La sorcellerie étant dans l’ancientemps plus rurale qu’urbaine, de nomb-reux sorts étaient liés à la nature : inter-prétation du vol des oiseaux, pouvoirde corrompre l’air, de fasciner le bétail,de ruiner les récoltes, possibilités decommander à la grêle, aux tempêtes,aux incendies, de déceler la venue desorages, la présence des sources...

Certains sorciers étaient égalementcapables de provoquer des maladies oula folie et même la mort, de confec -tionner des philtres d’amour ou de folie,de créer des mirages ou d’inspirer dessentiments de haine.

LES LIVRES DE MAGIE :MAGIE NOIRE, MAGIEBLANCHE

Tous ces pouvoirs sont consignésdans des livres de grande ou petitemagie, de magie noire ou de magieblanche.

Les plus célèbres sont : Le grandgrimoire, La clavicule de Salomon,L’enchéridon du pape Léon, Le grand

Albert et Le petit Albert, Le dragonrouge, Le dragon noir, La poule noireet L’Agrippa.

On dit en parlant de ce dernier quec’est un livre énorme qui, placé debout,a la hauteur d’un homme. Les feuillesen sont rouges, les caractères noirs.L’édition originale a été signée parSatan lui-même. Il est bien entendu trèsdangereux de le consulter si l’on nebénéficie pas de connaissancesspéciales.

Il existe également des grimoires àpapier pourpre contenant certainssecrets du Diable, mais attention les

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pages sont faites d’un pourpre si violentqu’il brûIe l’œil.

Ces grimoires sont souvent transmisde père en fils. Mais il vaut mieux nepas trop s’étendre sur le sujet.

MENEUR DE LOUPSET LOUP-GAROU

Examinons plutôt le cas de certainssorciers aux attributions bien définiestel que : le meneur de loups.

Ceux-ci ont le pouvoir de fascinerles loups, de s’en faire suivre et de lesconvoquer à des cérémonies magiques.

Dans certaines régions on lesappelle des « serreux de loups ».

Avoir pour ennemi l’un d’eux esttrès dangereux, car bien entendu il peutlâcher sa horde à vos trousses et n’ou-blions pas qu’en 1883, 1.315 loupsfurent encore tués en France.

Parler des meneurs de loups nousconduit tout naturellement à aborder lesujet des loups-garous. Il existe plusieursfaçons de se transformer en loup-garou.

On peut se métamorphoser defaçon volontaire à la suite d’un pacteconclu avec le Diable ou involontaire-ment à la suite d’une morsure faite parun loup-garou.

Dans les deux cas, la personne,pour pratiquer ce genre d’activité,choisit toujours un soir de pleine lune.

Si la transformation est volontaire,on peut parvenir à ses fins grâce à unonguent que l’on se passe sur tout lecorps ou encore par l’entremise d’unevéritable peau de loup que l’on revêt telun manteau. Inutile de dire que onguentet peau ont été fournis par Satan etsont d’une nature très particulière.

Il ne faut pas croire que de nos joursces croyances n’existent plus. ClaudeSeignolle, par exemple, signale dansson folklore de Hurepoix paru en 1937,que dans des endroits tels queFontenay, Breuillet, Lardy, communesproches de Paris, on croit encore durcomme fer à ce genre de métamor -phoses. Les loups-garous ne peuventêtre tués que par une balle d’argent,mais attention, après leur mort ils onttendance à se transformer en vampire.

Les loups-garous ne sont d’ailleurspas les seuls à avoir cette fâcheusetendance, les sorciers, les excommu-niés et les suicidés partagent avec euxce douteux privilège. Cependantrassurez-vous c’est une pratique qui estpeu courante dans nos régions.

Les vampires, c’est bien connu,viennent surtout d’Europe centrale, bienque l’on dise qu’une fois à Paris...!!

Mais ceci est une autre histoire.

TOC... TOC...ESPRIT ES-TU LÀ ?

Ce qui est également une autrehistoire, c’est celle du spiritisme qui,sous la IIIe République, passionnait toutautant les Français.

L’un de ces premiers théoriciens futAndrew Jackson Davies qui, dès 1848,décrivit ses expériences de tablesparlantes et réussit des séancespubliques.

En France, Léon Rivail dit AllanKardec, déjà grand promoteur dumagnétisme, se passionna pour le spiri-tisme. Né à Lyon en 1804 d’une famillede magistrat, il étudia la médecine etdevint un excellent hypnotiseur.

Dès ses premières séances, il entraen contact avec un ancien druide, ce quipeut paraître logique, Allan Kardecétant le nom d’un ancien barde.

Celui-ci lui conseilla de consacrersa vie à l’étude de ces phénomènes.

Ce qu’il fit, bien entendu.En 1857, il publia Le livre des

esprits, en 1861 Le livre des médiumset en 1864 L’Évangile selon le spiri-tisme.

Il eut d’intéressantes conversations,par médium interposé bien entendu,avec saint Augustin. À partir de 1869,Allan Kardec put enfin se passer demédium puisqu’il mourut !

Si en France, Kardec fut un despremiers théoriciens du spiritisme, ilne fut cependant pas un des premiersà s’intéresser à ce genre de question.

Dès 1854, Victor Hugo autrepassionné d’occultisme n’écrivait-il-pas :« Les gens qui habitent l’invisible et quivoient la pensée dans nos cerveauxsavent que, depuis vingt-cinq ansenviron, je m’occupe des questions quela table soulève et approfondit. »

Alexandre Dumas père était égale-ment féru d’occultisme : « S’il existeau monde, disait-il, une science quirende l’âme visible, c’est sans contreditle magnétisme. »

En 1893, De Rochas publiait L’En-voûtement, étude sur l’inf lux, les fluideset les effluves.

On tint de nombreux congrès derecherches psychiques.

Charles Richet, membre de l’Aca-démie de médecine et président d’hon-neur de la Société universelle d’Étudespsychiques attesta de l’authenticité desfaits spirites, déclarant même « n’y voirrien qui contredise formellement lesdonnées établies par la science. »

À New York, en 1863, on parvintà photographier des matérialisationsspectrales. À la fin du XIXe siècle, onpouvait compter aux États-Unis prèsd’un million de spirites.

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UN MOYEN DE VOYAGERSANS PAYER

Si le spiritisme consiste à commu-niquer avec l’esprit des morts et éven-tuellement à les faire apparaître, il peutégalement faire apparaître l’esprit d’unepersonne vivante ; c’est ce qu’AllanKardec appelait la « bicorporéité » oula possibilité d’homme double.

Il n’en voulait pour preuve qu’unecommunication qu’il aurait eue avecl’esprit de saint Alphonse.

Interrogé à ce sujet le brave saint luiaurait répondu : « Oui l’homme lors-qu’il s’est complètement dématérialisépar sa vertu, qu’il a élevé son âme versDieu, peut apparaître en deux endroitsà la fois. »

En 1900 et en 1925 se tinrent àParis deux grands congrès spirites, ilsfurent présidés par Léon Denis, succes-seur de Allan Kardec.

On ne peut parler de spiritismesans citer également Hélène Blavatsky.

Ayant vécu aux Indes, elle fut initiéeà la lévitation, à la médiumnité et auxpouvoirs supra normaux, c’est dumoins ce qu’elle affirmait.

En 1875, elle fonda à New York, laSociété théosophique et publia entreautres : La doctrine secrète et Isisdévoilée.

LES MEDIUMS

Pour entrer en contact avec unesprit, il faut passer par l’entremised’un médium.

Celui-ci est une personne particu-lièrement douée qui relie les esprits auxhumains, qui communique avec eux etparvient parfois à les attirer, obtenantmême dans certains cas leur matériali-sation sous forme d’ectoplasme.

Certains médiums ont égalementdes dons de clairvoyance ou de connais-sance supra normale, ce que les occul-tistes appellent la faculté « métagno-mique ».

La lévitation fait également partiedes pouvoirs qu’ont quelques-unsd’entre eux, soit en s’élevant eux-mêmes du sol, soit en déplaçant desobjets à distance.

C’est une faculté que l’on retrouved’ailleurs chez certains grandsmystiques, sainte Thérèse d’Avila etsaint Jean de la Croix par exemple.

DES LOCATAIRESINDESIRABLES

Il arrive également que, sans en êtreconvié, l’esprit des morts revient surterre. On parle alors d’apparitions, defantômes ou de maisons hantées.

En 1951, il existait en Francequatre cent dossiers et cent cinquanterapports de police dressés au sujet desmaisons hantées.

Mais c’est bien entendu la Grande-Bretagne qui reste la terre de prédilec-tion des fantômes.

Il ne se passe pas une année sansque des cas d’apparitions soientsignalés.

Alors affirmer que de nos jours lascience a définitivement supplanté touteforme d’occultisme ou de magie meparaît hasardeux.

Après tout comme l’écrivaitShakespeare dans Hamlet, mieux vautconclure en disant... « Il y a plus dechoses dans le ciel et la terre, Horatio,qu’il est rêvé dans votre philosophie. »

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