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LES DIMENSIONS DE L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR DE LA PRESSE JEUNESSE : Littérature de jeunesse Quand les ressources numériques et interactives enrichissent le magazine imprimé Sous la direction de Nicolas Esposito Emilie Tran Soutenance en Septembre 2021 #Magazine jeunesse #Expérience utilisateur #Numérique #Web #Lecture enrichie #Réalité augmentée MÉMOIRE DE MASTER 2 MÉMOIRE DE MASTER 2

Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

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LES DIMENSIONS DE L’EXPÉRIENCE UTILISATEUR DE LA PRESSE JEUNESSE :

Littérature de jeunesse

Quand les ressources numériques et interactives enrichissent le magazine imprimé

Sous la direction de Nicolas Esposito

Emilie Tran

Soutenance en Septembre

2021

#Magazine jeunesse#Expérience utilisateur

#Numérique #Web#Lecture enrichie

#Réalité augmentée

MÉMOIRE DE MASTER 2MÉMOIRE DE MASTER 2

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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Résumé

La presse jeunesse diversifie ses offres en proposant des ressources numériques et

interactives, en plus du magazine imprimé. Suite aux réflexions autour du stage pratiqué

chez Hippopo Éditions pour le magazine Touk Touk (février - avril 2021), l’objectif est

d’explorer un corpus de magazines jeunesse pour réfléchir à la nécessité d’intégrer des

compléments numériques et leur impact sur les pratiques éditoriales. Cinq interviews auprès

des professionnels de l’édition ont permis de définir les finalités des ressources numériques

vis-à-vis du magazine imprimé. Dans certains cas, les dimensions de l’expérience utilisateur

sont renforcées : l’enjeu principal est d’enrichir le magazine grâce aux apports narratifs, ludo-

éducatifs, sociaux et créatifs. Cependant, l’interactivité peut également causer des pertes sur

les dimensions, lorsqu’elle perturbe la notion de lecture focalisée. Enfin, le papier reste une

valeur primordiale pour le magazine jeunesse, mais le design d’expérience utilisateur devient

un facteur essentiel face à l’accroissement des offres numériques.

Mots-clés : Magazine jeunesse / Presse jeunesse / Édition jeunesse / Expérience utilisateur (UX) /

Numérique / Réalité augmentée / QR codes / Site web / Lecture enrichie

Abstract

The youth press is diversifying its products by offering digital and interactive resources, in

addition to the printed magazine. Following the reflections on the internship practiced at

Hippopo Éditions for the magazine Touk Touk (February - April 2021), the objective is to

explore a collection of children’s magazines to reflect on the need to integrate digital

supplements and their impact on editorial practices. Five interviews with publishing

professionals made it possible to define the purposes of digital resources regarding the

printed magazine. In some cases, the dimensions of the user experience are reinforced: the

main challenge is to enrich the magazine through narrative, edutainment, social and creative

contributions. However, interactivity can also cause losses in these dimensions, when it

disrupts the notion of focused reading. Finally, paper remains a primary value for children’s

magazines, but user experience design is becoming an essential factor due to the increase

of digital offerings.

Keywords: Children’s magazine / Youth press / Children’s magazine publishing / User experience (UX)

/ Digital / Augmented reality / QR codes / Website / Enriched reading

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Remerciements

Je souhaite remercier toutes les personnes qui m’ont aidée à assurer mon mémoire de

recherche et mon stage de Master 2 Arts, Lettres et Civilisations - parcours Littérature de

Jeunesse (LIJE).

En premier lieu, mes remerciements se dirigent principalement envers mon directeur de

mémoire Nicolas Esposito, qui m’a guidée dans mon parcours. J’ai bénéficié de sa

disponibilité et de ses précieux conseils suite à mes rendus de synthèse et de mon avancement

pour le mémoire. Son expertise dans le domaine de la conception centrée sur l’expérience

utilisateur m’a inspirée, et son cours intitulé “Concevoir des ouvrages numériques sous l'angle

de l'expérience de l'utilisateur : exemple avec l'édition jeunesse” m’a été très utile pour

comprendre les enjeux de mes problématiques.

Je remercie par la même occasion toute l’équipe enseignante du Master LIJE de

l’Université du Mans. Les cours et les échanges sur le forum m’ont motivée à la rédaction

du mémoire.

Je voudrais remercier Florie Deswaziere De Castro, ma tutrice de stage et directrice de

Hippopo Éditions. Pendant trois mois, j’ai eu l’opportunité de développer mes compétences

en graphisme-maquettisme, en rédaction et en design web pour le magazine et les ressources

numériques de Touk Touk. J’ai reçu un accueil chaleureux grâce aux réunions quotidiennes

en visioconférence et aux échanges sur mes travaux.

Je tiens également à remercier les professionnels de l’édition avec qui j’ai réalisé les

interviews servant à ma recherche : Christophe Coquis (Geek Junior), Olivier Jughon (Mini-

Schools), Alastair Macdonald (WoW! News), Noémie Monier (Baïka), et Axel Planté-

Bordeneuve (Toboggan). Leur généreuse disponibilité et leurs propos m’ont grandement

servi pour l’analyse de recherche.

Emilie Tran

Août 2021 · Alicante, Espagne

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Glossaire

Expérience utilisateur : la qualité du vécu de l’utilisateur lorsqu’il interagit avec un

environnement numérique ou physique. L'expérience utilisateur désigne les émotions et les

attitudes d’une personne sur un produit ou un service.

Figma : un outil de prototypage et d’édition de graphiques vectoriels.

Hypertexte : un document avec des unités d’information liées entre elles par des

hyperliens (références permettant de passer d’un document à un autre).

Interactivité : dans le secteur du numérique, elle désigne une activité de dialogue entre

l’utilisateur et le dispositif, par l’écran.

Livre enrichi : un livre (avec du contenu textuel) lié à d’autres médias, tels que les sons, les

vidéos et les animations.

Persona : une représentation d’un utilisateur potentiel du produit.

Prototype : il symbolise une étape d’évolution d’un projet (par exemple une maquette de

test numérique et interactive) avant de passer à la vraie création (telle que le

développement d’un site web).

QR code : un type de code-barre permettant de déclencher des actions telles que naviguer

sur un site web et regarder une vidéo ou un contenu multimédia. QR code signifie “quick

response code” en anglais (“code à réponse rapide”). Il est également possible de voir des

contenus en réalité augmentée.

Réalité augmentée : une technologie désignant une interface virtuelle incrustant des

objets virtuels en direct dans le monde réel, dans le but d’enrichir la réalité par le virtuel.

Responsive : un site responsive s’adapte au dispositif sur lequel il est présenté, que ce soit

sur un écran d’ordinateur, une tablette ou un smartphone.

Test utilisateur : une pratique où des personnes testent et évaluent le dispositif qui leur

est destiné. Cela permet de recueillir des données pour éventuellement améliorer le

dispositif.

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Transmédia : l’utilisation combinée de plusieurs médias pour proposer une expérience

cohérente.

Utilisabilité : l’aptitude à l’utilisation d’un dispositif. Ses critères sont l’efficacité (la

personne parvient à ses objectifs), l’efficience (le temps et l’effort sont moindres) et la

satisfaction (le confort et l’évaluation positive du produit).

Wireframe : une représentation de la structure visuelle d’un site web ou autre interface

numérique.

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Sommaire

Résumé ........................................................................................................................................................................................................... 1

Remerciements ....................................................................................................................................................................................... 2

Glossaire ...................................................................................................................................................................................................... 3

Sommaire .................................................................................................................................................................................................... 5

Introduction .............................................................................................................................................................................................. 7

Partie 1 : Le contexte du magazine jeunesse et ses enjeux créatifs .................................................. 9

A. La presse jeunesse : un secteur en constante évolution .................................................................... 9

1. Qu’est-ce qu’un magazine jeunesse ? ..................................................................................................................................... 9

2. Les enjeux du magazine jeunesse à l’ère du numérique ............................................................................... 13

3. Les observations sur l’édition numérique : Dans quelles mesures le magazine

s’inspire-t-il du livre enrichi ? ................................................................................................................................................................17

B. Le processus de recherche ...........................................................................................................................................20

1. La problématique et les hypothèses .................................................................................................................................... 20

2. La méthodologie ........................................................................................................................................................................................ 23

a. Le stage chez Hippopo Éditions : le magazine Touk Touk et le site web ......................... 23

b. Le corpus de recherche : présentation de 8 magazines jeunesse............................................... 30

c. Les interviews aux professionnels du magazine : exploration des contenus

numériques et leurs finalités .......................................................................................................................................................... 31

Partie 2 : Les ressources numériques et interactives - un renforcement sur les

dimensions de l’expérience utilisateur ......................................................................................................................... 33

A. Le renforcement de la dimension narrative .............................................................................................. 34

1. Des contenus sonores pour lire et écouter en même temps ...................................................................... 34

2. Une déclinaison de l’univers narratif pour un rapprochement des personnages ........... 40

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3. L’interactivité au service de la narration : quand le lecteur devient auteur ......................... 43

4. Le podcast de Touk Touk : une expérience avec ou sans le magazine ? .................................. 46

B. Le renforcement de la dimension ludo-éducative................................................................................. 48

1. Des plateformes accessibles pour satisfaire la curiosité des enfants ............................................ 49

2. Les jeux numériques : le renforcement de la stimulation mentale et ludique ..................... 57

3. Les QR codes de Touk Touk : de la lecture du magazine aux enrichissements

numériques et ludo-éducatifs .............................................................................................................................................................. 61

C. Les dimensions secondaires et leurs apports sur l’expérience utilisateur ..................... 67

1. La dimension sociale et créative : une offre pour toute la famille ................................................... 67

2. La dimension ergonomique : un usage plus adapté aux enfants et aux parents ........... 72

Partie 3 : Les réflexions supplémentaires autour des pratiques éditoriales ........................... 82

A. Les pertes des dimensions de l’expérience utilisateur causées par les ressources

numériques ........................................................................................................................................................................................ 82

1. Le manque de délimitation : une expérience de dispersion ...................................................................... 82

2. Lorsque la dimension ludique surpasse la dimension narrative ou éducative ................... 84

B. La nouvelle identité de la presse jeunesse .................................................................................................. 86

1. Dans quels cas le magazine imprimé reste-il le produit principal ? ................................................ 86

2. Les hypothèses sur le futur du magazine jeunesse ............................................................................................ 92

Conclusion ............................................................................................................................................................................................... 96

Bibliographie ................................................................................................................................................................................... 98

Annexes .................................................................................................................................................................................................... 104

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Introduction

Les écrans sont omniprésents. Nous interagissons quotidiennement avec ces

périphériques, que ce soit sur un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Ces usages

influencent directement l’utilisation des enfants : un sondage sur 1011 jeunes parents en 2018

nous révèle que 89% des enfants de moins de 8 ans ont régulièrement accès à des écrans

tactiles1.

Face à cette génération hyperconnectée, la lecture des magazines jeunesse ne s’efface pas

pour autant. L’étude de La Presse Jeunesse déclare que 60% des jeunes s’identifient en tant

que lecteurs de magazines et y consacrent 3h40 chaque semaine2. Dans le même temps, nous

remarquons un déploiement croissant chez les éditions de presse jeunesse sur les supports

numériques : des applications, des sites web informatifs et ludo-éducatifs, mais aussi des

intégrations de QR codes pour accéder à des ressources web ou enrichir le magazine

imprimé avec la réalité augmentée.

Mon stage de 3 mois pour Touk Touk (Hippopo Éditions) m’a fait prendre conscience de ce

phénomène. J’ai travaillé dans la création graphique des maquettes, la rédaction et le design

du site web. Le produit principal de Touk Touk est son magazine à visée ludo-éducative pour

apprécier les cultures de la France et du monde, ainsi que les valeurs de l’environnement. Or,

deux observations m’ont motivée à écrire ce mémoire : premièrement, Touk Touk magazine

contient des QR codes ; la version papier se relie donc aux liens numériques de l’édition.

Deuxièmement, avec la refonte du site web, Touk Touk souhaite promouvoir son identité non

pas comme un magazine, mais plutôt comme un “univers de contenus ludo-éducatifs”.

Je m’aperçois que l’expérience utilisateur devient importante chez les éditions de presse

jeunesse : en plus des ressentis du lecteur sur un support statique (le papier), il devient

primordial de réfléchir aux apports émotionnels, éducatifs et sociaux des offres numériques

pour les enfants. Ainsi, la recherche de ce mémoire vise à comprendre leurs renforcements

en plus du magazine imprimé, pour ensuite déduire de leur impact sur les pratiques

éditoriales.

La première partie de mon mémoire explique le contexte du magazine jeunesse et de ses

enjeux créatifs ; elle traite également de ma méthodologie, combinant la pratique de mon

1 Sondage exclusif : La digitalisation de la vie familiale. (2018). Faireparterie. https://www.faireparterie.fr/etude-enfants-rapport-digital/#enfants-ecrans 2 La Presse Jeunesse. (s.d.). Syndicat des éditeurs de la presse magazine. https://www.lapressejeunesse.fr/editos/la-presse-jeunesse.pdf

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stage avec l’analyse d’un corpus de magazines et des interviews aux professionnels de

l’édition.

La deuxième partie se focalise sur la réflexion autour des dimensions renforcées sur

l’expérience utilisateur. Enfin, la troisième partie apporte des analyses supplémentaires, en

questionnant les pertes de l’expérience utilisateur dues aux ressources numériques ainsi que

la nouvelle identité du magazine et du secteur de la presse jeunesse.

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Partie 1 : Le contexte du magazine jeunesse et ses enjeux créatifs

A. La presse jeunesse : un secteur en constante évolution

1. Qu’est-ce qu’un magazine jeunesse ?

En tapant la requête “magazine” sur Google Images, voici ce que nous observons :

Figure 1 : Recherche du mot “magazine” sur Google Images

Une diversité de maquettes rectangulaires, des couvertures aussi visuellement captivantes

les unes que les autres, avec un style graphique défini. Nous percevons également des

démonstrations de double-pages, ainsi que des magazines empilés et tenus dans un kiosque.

L’idée qu’un magazine soit avant tout un objet imprimé, qui se feuillette, est donc bien ancrée

dans la vision du public.

Or, le dictionnaire Le Robert propose deux définitions sans aucune mention du support

papier : soit une “Publication périodique, généralement illustrée”, ou une “Émission périodique

de radio, de télévision, sur des sujets d’actualité” 3. Le terme magazine est donc bien plus

ambigu qu’il n’y paraît.

En explorant l’histoire de la presse, on constate que le magazine faisait référence au magasin

: un entrepôt où les marchandises étaient gardées avant d’être vendues4. En effet, The

Gentleman’s Magazine, premier magazine mensuel fondé par Edouard Cave, est sorti en

1731 en Angleterre. Divisé en sept rubriques, l’ouvrage rassemble une diversité d’articles - de

la politique au jardinage, en passant par des pièces de poésie - ce qui a suscité un vif attrait

pour le public souhaitant explorer les pages, à la manière d’un magasin textuel.

3 Le Robert. (s. d.). Le Robert. https://dictionnaire.lerobert.com/definition/magazine 4 Feyel, G. (2001). Naissance, constitution progressive et épanouissement d'un genre de presse aux limites floues : le magazine. Réseaux, nº105, 19-51. https://www.cairn.info/revue-reseaux1-2001-1-page-19.htm

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Nous pourrions donc supposer qu’un magazine est différent du journal, par son contenu plus

varié, mais aussi plus élaboré notamment dû à son rythme de périodicité : un journal est

généralement quotidien ou hebdomadaire, tandis qu’un magazine est souvent hebdomadaire

ou mensuel5. De ce fait, le visuel est un aspect important. Grâce au développement de

l’illustration photographique en similigravure, c’est à la fin du XIXe siècle que le magazine

prend de l’ampleur, puis autour de 1907 qu’il devient à la mode6. C’est pourquoi les journaux

illustrés et les revues prennent également l’appellation de magazine, prouvant le répertoire

étendu de cette offre.

Avec un tel succès, il est intéressant de réfléchir à ce qui fait d’un magazine, “un média

puissant”, pour reprendre les termes de Jean-Marie Charon7. Tout comme la presse

journalistique, la radio et la télévision, le magazine vise à une diffusion massive de

l’information. Or, sa particularité est de cibler un type de lecteurs bien précis : l’âge, le sexe,

le domaine socioculturel et les centres d’intérêt sont pris en compte. Cette segmentation du

public induit une relation plus forte entre l’individu et la publication correspondant à son

identité.

Le magazine jeunesse serait alors une publication périodique conçue pour les jeunes. Mais

alors, on pourrait se demander : quels types de contenus sont destinés aux jeunes ? N’y

aurait-il pas besoin d’une segmentation d’âge encore plus renforcée ? En effet, un enfant de

quatre ans a des besoins différents d’un adolescent de quinze ans. De plus, le parent est

également concerné puisqu’il est l’acheteur : ainsi, il détient un grand rôle en tant

qu’influenceur des lectures de son enfant. Les éditeurs de presse jeunesse se voient donc

dans l’implication d’attirer deux types de publics différents.

5 Journal, Magazine ou Revue ? (s.d.). Éducation aux Médias et à l’Information. http://www.education-aux-medias.ac-versailles.fr/journal-magazine-ou-revue 6 Feyel, G. (2001). Naissance, constitution progressive et épanouissement d'un genre de presse aux limites floues : le magazine. Réseaux, nº105, 19-51. https://www.cairn.info/revue-reseaux1-2001-1-page-19.htm 7 Charon, J. (2001). La presse magazine: Un média à part entière ?. Réseaux, nº 105. https://www.cairn.info/revue-reseaux1-2001-1-page-53.htm

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En reprenant des critères principaux cités par Jean-Marie Charon8, voici un tableau pour

mieux comprendre les spécificités de la presse jeunesse :

Magazine adulte

Magazine jeunesse

Importance du visuel

Une grande importance sur

l’esthétique : le récit visuel se

combine avec le récit écrit.

Une grande importance sur

l’esthétique, en particulier sur

les illustrations pour les plus

jeunes.

Impératif de la créativité

Les éditions doivent faire

preuve de créativité pour

innover leurs contenus. Elles

font aussi du marketing avec

l’inclusion de publicités.

Les éditions sont également

dans l’impératif créatif. Or le

magazine jeunesse se

distingue par l’absence de

revenus publicitaires.

Segmentation du public et

contrat de lecteur

Une segmentation en suivant

les tendances et évolutions de

la société. Les magazines

prennent souvent en compte

l’âge, le sexe, le niveau

socioculturel et les centres

d’intérêts.

Beaucoup d’éditeurs jeunesse

font du chaînage : ils

conçoivent une gamme de

titres, souvent par tranches de

2 à 3 ans ; en grandissant,

l’enfant peut donc passer au

titre suivant.

Internationalisation

En France,

l'internationalisation est

souvent réussie pour les

magazines féminins (Elle,

Marie Claire).

L’internationalisation se fait

aussi pour les titres de

jeunesse, surtout chez les

grands groupes comme

Bayard Jeunesse.

Figure 2 : Tableau des caractéristiques entre le magazine adulte et le magazine jeunesse

Il est important de constater que les éditions de presse jeunesse sont dans un enjeu

d’accompagnement de l’enfant, aussi bien dans la découverte de soi que du monde. En effet,

si l’on plonge dans les racines du magazine jeunesse, nous remarquons que le premier

ouvrage français se nomme : Journal d’Éducation (1768)9. Avec l’apparence d’un cahier et

des illustrations similaires à celles de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, ce projet était

surtout pédagogique et moral. Pourtant, avec l’évolution de la presse, les dimensions ludiques

se sont progressivement insérées, tout en conservant la finalité éducative chez de nombreux

8 Charon, J. (2001). La presse magazine: Un média à part entière ?. Réseaux, nº 105. https://www.cairn.info/revue-reseaux1-2001-1-page-53.htm 9 Charon, J. (2003). Lire et grandir en s'amusant, ou la grande aventure de la presse des jeunes. Éla. Études de linguistique appliquée, nº130, 223-236. https://doi.org/10.3917/ela.130.0223

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magazines. Ceux-ci deviennent un média à part entière, une source d’information importante

pour l’enfant, qui grandit aussi bien physiquement que psychologiquement.

Cependant, le magazine jeunesse serait-il également un art ? Son format physique ainsi que

ses illustrations le font ressembler à un livre ou un album de jeunesse. La thématique de

lecture est surtout populaire ; l’abonnement à un magazine serait une clé d’accès à

l’apprentissage et à l’appréciation de la littérature. J’aime lire (de Bayard Jeunesse),

magazine jeunesse le plus populaire10, mise essentiellement sur la finalité du plaisir de lire.

Selon le journaliste Jules Janin, le magazine est “un livre pour tous les goûts, pour toutes les

positions, pour toutes les fortunes, pour tous les âges”11. La dimension narrative y serait donc

intimement liée ; puisque les émotions entrent en jeu, la notion d'œuvre artistique pourrait

correspondre au magazine jeunesse. L’importance à la création graphique vient supporter

cette observation : des publications comme Georges et Graou (Maison Georges) ont pour

ambition d’être collectionnés12. Cela fait référence à un support physique, peut-être

également à la notion de magazine-objet.

Or, à l'ère des nouvelles technologies, la question de matérialité pose débat sur la valeur du

magazine. En reprenant les arguments d’impératif créatif, d’adaptation aux usages du

public, de média évolutif et d'œuvre innovante et artistique, les éditions de presse jeunesse

se voient contraintes à proposer des offres aux multiples supports et dispositifs13. De ce fait,

l’identité du magazine pourrait être altérée et mérite une enquête approfondie quant à son

impact causé par le numérique.

10 Rodier, J. (2020, 23 octobre). Forte de ses abonnements, la presse jeunesse peu touchée par la crise sanitaire. La Revue des Médias. https://larevuedesmedias.ina.fr/abonnements-presse-jeunesse-peu-touchee-par-la-crise-sanitaire 11 Feyel, G. (2001). Naissance, constitution progressive et épanouissement d'un genre de presse aux limites floues : le magazine. Réseaux, nº105, 19-51. https://www.cairn.info/revue-reseaux1-2001-1-page-19.htm 12 Rodier, J. (2020, 23 octobre). Forte de ses abonnements, la presse jeunesse peu touchée par la crise sanitaire. La Revue des Médias. https://larevuedesmedias.ina.fr/abonnements-presse-jeunesse-peu-touchee-par-la-crise-sanitaire 13 Charon, J. (2002). La presse des jeunes. Paris: La Découverte. https://doi.org/10.3917/dec.charo.2002.01

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2. Les enjeux du magazine jeunesse à l’ère du numérique

Puisque la presse jeunesse est un secteur en constante évolution, la créativité est un

facteur essentiel chez les éditions. Selon Jean-Marie Charon, il n’existe pas d’autre

alternative pour “attirer l’attention de leur public, satisfaire ses attentes, le séduire,

l’accompagner dans son évolution, le fidéliser”14. En précisant que le lecteur n’est pas toujours

l’acheteur, c’est non seulement l’enfant, mais également le parent qu’il faut convaincre. Alors

que dans les kiosques, les cadeaux ou “plus-produits” ont été réputés comme arguments de

vente, de nombreuses éditions se mettent désormais à proposer des contenus numériques et

interactifs.

Ainsi, Bayard Jeunesse présente Bayam, une application ludo-éducative pour les enfants de

3 à 10 ans15. Fleurus Presse inclut des ressources numériques, telles que des contes à haute

voix, en combinaison avec le magazine Mille et une Histoires16. La plupart des magazines ont

leur propre site web, qui sert de répertoire d’articles, de jeux numériques et de vidéos, en

plus d’être une interface de présentation vitrine. Dans ces cas, il est possible d’accéder aux

contenus gratuitement, sans nécessairement avoir besoin du magazine papier.

Dans d’autres cas, il se peut que la proposition d’offres numériques impacte la conception

du magazine : par exemple, sur les pages de Touk Touk (Hippopo Éditions), il est possible

de scanner des QR codes avec la caméra de son téléphone portable. De l’anglais “Quick

Response Code”, ce type de code-barre permet de déclencher des actions telles que naviguer

sur un site web et regarder une vidéo ou un contenu multimédia.

14 Charon, J. (2002). La presse des jeunes. Paris: La Découverte. https://doi.org/10.3917/dec.charo.2002.01 15 Bayam. (s.d.). https://bayam.tv/fr/ 16 Mille et une Histoires. (s.d.).https://milleetunehistoires.fr/

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Figure 3 : Image d’une page du magazine Touk Touk contenant un QR code ; en scannant le code

avec l’appareil du téléphone, il est possible d’accéder au site pour découvrir la ressource et

télécharger le fichier PDF.

D’autres magazines proposent des ressources en réalité augmentée (AR). Cette technologie

désigne une interface qui incruste des objets virtuels en direct dans le monde réel. Elle

enrichit donc la réalité grâce à la superposition des informations numériques17. Dans le cas

des magazines, il est possible de visualiser ces images de synthèse à partir d’un smartphone

ou d’une tablette.

17 Arnaldi, B., Pascal, G., & Moreau, G. (2018). Réalité virtuelle et réalité augmentée : Mythes et réalités. ISTE Éditions.

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15

Voici l’utilisation de l’application ARGOplay pour le numéro 14 du magazine Geek Junior :

Figure 4 : pages 4-5 de Geek Junior (nº14). Il

est possible de voir une vidéo du Muséum

national d’Histoire naturelle à Paris.

Figure 5 : pages 6-7 de Geek Junior (nº14). Une

image apparaît pour présenter le jeu Pokémon

Unite. En cliquant dessus, l’utilisateur arrive sur

une vidéo YouTube de la chaîne Jidun.

La conception de ces ressources fait appel à des professionnels en création numérique. Qu’ils

soient directement intégrés à l’entreprise éditoriale ou à une agence externe, la collaboration

entre les éditeurs et les développeurs multimédia est de plus en plus forte. Mais pour assurer

la meilleure utilisation possible de ces contenus, il est essentiel de travailler avec des

designers d’expérience utilisateur (nous pouvons également entendre parler d’UX Designers

; UX est une expression d’origine anglaise pour User eXperience).

Qu’est-ce que l’expérience utilisateur ? Le professeur Don Norman a inventé ce terme dans

les années 199018. La philosophie de la “conception centrée utilisateur” implique une

considération poussée sur les besoins de la personne (nommée utilisateur) interagissant dans

un environnement numérique. Cette idée va au-delà de la simple utilisabilité, qui signifie

l’aptitude à l’utilisation (à quel degré le produit peut-il être utilisé ?). En effet, l’aspect

fonctionnel ne suffit pas : Nicolas Esposito précise que de multiples dimensions sont à

prendre en compte19, en sachant que la relation entretenue par un utilisateur et son dispositif

est complexe.

Si l’on conçoit un magazine dans sa forme imprimée, sans incitation à accéder au monde

numérique, les enjeux centrés sur le lecteur sont bien évidemment toujours présents : de quels

18 Norman, D. A. (1990). The Design of Everyday Things. Basic Books. 19 Esposito, N. (2017). Observation des usages au moyen de tests utilisateurs. Actes de la journée Quels usages aujourd’hui des bibliothèques numériques ? Enseignements et perspectives à partir de Gallica. BnF, Paris, France. http://nicolasesposito.fr/publications_fichiers/esposito2017testsutilisateurs.pdf

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sujets traiter ? Comment présenter les articles autant dans le texte que l’image ?

Historiquement, le secteur de l’édition de magazines était dominé par une culture du design

graphique, notamment sur le maquettisme des pages.

Aujourd’hui, de nouveaux défis de design entrent en jeu comme le décrit Richard Buchanan

: nous pouvons citer le design industriel (Dans quels types de dispositifs présenter l’ouvrage

?), le design d’interaction (Comment l’ouvrage va-t-il se comporter avec les interactions du

lecteur ?) et le design environnemental (Comment travailler sur la gestion de l’abonnement

et des contenus numériques ?)20.

Ces enjeux modifient les activités des éditions de presse jeunesse, qui étaient purement

centrées sur la conception d’un matériel physique. Désormais, si les offres numériques se

multiplient, il devient primordial de réfléchir à l’interactivité pour donner une expérience

adéquate, correspondant aux attentes des abonnés.

Pour creuser encore plus dans l’ampleur des enjeux, il est intéressant d’explorer la notion de

document numérique. Alors qu’un document représente une “pièce écrite servant

d’information”21, Marie-Anne Chabin explique le phénomène de virtualisation du document

par le numérique : cela ne changerait en rien la notion de document, mais plutôt du support,

qui est remis en cause22. Ainsi, les articles web publiés par une édition de presse jeunesse

pourraient être considérés comme des documents. Pourtant, le support sur lequel ces articles

sont fixés n’est pas stable : il est possible de modifier le contenu et d’ajouter des hyperliens

(des éléments cliquables permettant d’accéder à d’autres contenus web). Ici aussi, les

professionnels de l’édition doivent faire face aux nouvelles formes de lecture qui peuvent

changer l’expérience de la jeunesse.

Le numérique ouvre de nouvelles portes à l’innovation éditoriale. L’écriture, qui servait tout

d’abord de transcription du langage, “s’est étendue à la capture du réel” selon Marie-Anne

Chabin23. La photographie, le son et les captures audiovisuelles, mais aussi les jeux interactifs

et la superposition du virtuel au réel : ces éléments pourraient enrichir l’expérience utilisateur,

faisant potentiellement du magazine, une publication enrichie.

20 Nylén, D., Holmström, J., & Lyytinen, K. (2014). Oscillating Between Four Orders of Design : The Case of Digital Magazines. Design Issues, 30(3), 53–68. https://doi.org/10.1162/desi_a_00278 21 Larousse. (s.d.). Larousse. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/document/26265 22 Chabin, M.-A. (2004). Document trace et document source. La technologie numérique change-t-elle la notion de document ? Revue I3 - Information Interaction Intelligence, Cépaduès, 4 (1). https://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00001020/document 23 Chabin, M.-A. (2004). Document trace et document source. La technologie numérique change-t-elle la notion de document ? Revue I3 - Information Interaction Intelligence, Cépaduès, 4 (1). https://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00001020/document

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17

3. Les observations sur l’édition numérique : Dans quelles mesures le magazine

s’inspire-t-il du livre enrichi ?

Par définition, un enrichissement est l’ajout de nouveaux éléments. Un livre enrichi serait

donc, d’après les termes de Nolwenn Tréhondart : “un objet culturel alliant un contenu

textuel à différents médias (sons, images fixes ou animées, vidéos) pour une finalité de

lecture” 24. Il est important de préciser que le texte reste toujours présent : les notions de livre

et de lecture sont censées être mises en valeur. Cependant, les compléments multimédia

viennent proposer une nouvelle expérience, notamment pour renforcer la dimension

narrative.

En conséquence, plusieurs éditions de littérature jeunesse décident de se lancer dans cette

voie. L’Apprimerie édite des livres conçus pour l’écran, en apportant de nouvelles possibilités

tactiles, interactives et multilingues25. Par exemple, l’ebook “Et si la nuit…” (écrit par Adèle

Pedrola, illustré par Douglace, mise en musique par Emmanuel Séguin et conté par Patrick

Mancini) inclut le mot-passerelle comme élément interactif26. Sur une tablette, au clic du mot

mis en évidence, l’histoire bascule : le texte et les images se transforment, permettant au

lecteur de créer sa propre expérience.

Les adaptations enrichies existent également : un exemple édité par L’Apprimerie est Le

Horla, de Guy de Maupassant (illustré par Julie Guilleminot et mise en musique par

Emmanuel Séguin)27. Ici, les animations graphiques sont surtout mises en valeur.

Qu’en est-il donc pour les magazines, ces publications qui mettent beaucoup d’importance

dans le visuel ?

La notion de magazine enrichi est encore très peu utilisée. Quant à l’édition de presse

jeunesse, les expressions de contenus numériques et réalité augmentée sont préférées au

terme d’enrichissement. En effet, il est supposé qu’un ouvrage enrichi impose un support

numérique (comme une tablette ou un smartphone), à travers le magazine qui se consulte

en même temps qu’il s’écoute, se regarde ou se joue. Pourtant, comme il sera vu dans le

corpus de recherche, les éditions de magazines jeunesse préfèrent proposer des offres

numériques en dehors du magazine. Certaines viennent enrichir le magazine imprimé,

d’autres s’utilisent indépendamment. Contrairement à plusieurs éditions de livres enrichis,

24 Tréhondart, N. (2013). Le livre numérique enrichi : un hypermédia en construction. Enquête sur les représentations des éditeurs. H2PTM. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01548478 25 L’Apprimerie. https://www.lapprimerie.com/ 26 Et si la nuit…(s.d.). L’Apprimerie. https://www.lapprimerie.com/portfolio/et-si-la-nuit-adele-pedrola/ 27 Le Horla. (s.d.). L’Apprimerie. https://www.lapprimerie.com/portfolio/le-horla/

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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dont le support principal est la tablette, les éditions de presse jeunesse veulent rester fidèles

au papier.

C’est pourquoi la réalité augmentée est une solution populaire : elle superpose des éléments

virtuels (grâce au téléphone portable ou à la tablette) au réel (grâce au magazine imprimé).

Même si cela correspond à un type d’enrichissement, Nolwenn Tréhondart propose une

distinction entre l’ouvrage numérique enrichi et l’ouvrage numérique augmenté : le premier

exploite “son potentiel hypertextuel, animé et manipulable”; il entre surtout en rapport avec

les spécificité créatives de l’écriture numérique28. Le deuxième associe un support papier et

une application de réalité augmentée ; il s’agit donc d’une proposition de “formes de lecture

transmédiatiques”. Effectivement, la narration transmédia symbolise une utilisation

combinée de plusieurs médias, dans le but de satisfaire une expérience unifiée29. Nous

pourrions aussi citer Marshall McLuhan, lorsqu’il mentionne l’hybridation de deux médias

comme une “découverte qui engendre des formes nouvelles”30.

L’appellation de magazine enrichi pourrait peut-être correspondre aux sites web et

applications créés par les éditions de presse : ils contiennent des contenus hypertextuels,

animés et manipulables. Mais sont-ils à proprement parler des magazines ? La réponse

dépendrait fortement de l’avis des éditeurs ainsi que de leurs abonnés : par leur création ou

leur consommation, ils ont un rôle fondamental sur la perception et la définition du produit.

Toutefois, deux critères principaux questionnés par les éditions de livres enrichis pourraient

inspirer les éditions de presse :

● La délimitation : une publication doit-elle forcément avoir un début et une fin ? Les

éditeurs de livres tels qu’Hybrid’Book s’attachent à cette idée de clôture31. Il y aurait

donc la volonté de se rapprocher de l’objet-livre et de clarifier une lecture achevée.

Cela va à l’encontre des sites web, dont les publications s’ajoutent au cours du temps.

Plutôt qu’un magazine imprimé avec une première et une quatrième de couverture,

le site ou l’application web se voit plutôt comme un répertoire numérique, enrichi par

des contenus hypertextuels, interactifs et audiovisuels.

28 Tréhondart, N. (2019). Le livre numérique enrichi : quels enjeux de littératie en contexte pédagogique ? Pratiques, (183-184). https://doi.org/10.4000/pratiques.7732 29 Jenkins, H. (2003). Transmedia Storytelling. MIT Technology Review. https://www.technologyreview.com/2003/01/15/234540/transmedia-storytelling/ 30 Tréhondart, N. (2013). Le livre numérique enrichi : un hypermédia en construction. Enquête sur les représentations des éditeurs. H2PTM. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01548478 31 Tréhondart, N. (2014). Le livre numérique « augmenté » au regard du livre imprimé : positions d’acteurs et modélisations de pratiques. Les Enjeux de l'information et de la communication, 15/2(2), 23. https://doi.org/10.3917/enic.017.0023

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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● Le paratexte : pour les éditeurs de livres numériques, il faudrait que la proposition

enrichie ressemble à un livre. Le paratexte désigne l’ensemble des éléments éditoriaux

accompagnant un texte ; par conséquent, bien qu’il soit spécialement adapté pour les

dispositifs numériques, le format de la couverture, du sommaire et de la page sont

maintenues32. En revanche, un magazine en ligne (si telle est l’appellation donnée par

les éditeurs) perd souvent les caractéristiques propres au magazine imprimé, avec un

menu en guise de sommaire et la page d’accueil comme couverture attirante.

Nous pouvons déjà faire quelques suppositions quant au manque de magazines s’inspirant

des codes du livre enrichi. Pour l’instant, le livre numérique enrichi reste toujours un

hypermédia en construction : le grand public ne serait pas encore habitué à ce nouveau

format de lecture, et l’offre du marché est faible comme le mentionne Nolwenn Tréhondart33.

Lors de la création de Mag+, une plateforme de publication numérique pour distribuer du

contenu sur tablettes et smartphones, le designer a décrit une situation de confusion34 : il est

difficile de déterminer ce qui va fonctionner et quels seront les futurs usages, comme tout

projet innovant.

Pour l’instant, la plupart des éditions de presse s’en tiennent aux versions homothétiques :

ces retranscriptions de magazines en format ePub ou PDF n’ont pas d’enrichissements

permettant d’avoir directement du contenu multimédia, à moins de proposer des hyperliens

menant à d’autres plateformes externes. Selon les recherches de Nolwenn Tréhondart, les

premiers échecs du livre numérique seraient liés au fait que ce dernier soit considéré comme

un mime, un double et un leurre, n’apportant rien de plus qu’une version numérique d’un livre

traditionnel35. Paradoxalement, l’horizon d’attente du public reste le livre imprimé, et

l’adoption d’un ouvrage enrichi à part entière est loin d’être populaire, selon les éditeurs36.

Dans ma recherche, étant donné le peu de ressources sur les magazines enrichis comparé

aux livres enrichis, je me focaliserai principalement sur l’étude de ces derniers.

Bien que les éditeurs de presse jeunesse n’utilisent pas forcément le terme d’enrichissement

du magazine, il est intéressant de réfléchir sur les apports (ainsi que les pertes) de leurs

32 Tréhondart, N. (2013). Le livre numérique enrichi : un hypermédia en construction. Enquête sur les représentations des éditeurs. H2PTM. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01548478 33 Tréhondart, N. (2013). Le livre numérique enrichi : un hypermédia en construction. Enquête sur les représentations des éditeurs. H2PTM. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01548478 34 Nylén, D., Holmström, J., & Lyytinen, K. (2014). Oscillating Between Four Orders of Design : The Case of Digital Magazines. Design Issues, 30(3), 53–68. https://doi.org/10.1162/desi_a_00278 35 Tréhondart, N. (2014). Le livre numérique « augmenté » au regard du livre imprimé : positions d’acteurs et modélisations de pratiques. Les Enjeux de l'information et de la communication, 15/2(2), 23. https://doi.org/10.3917/enic.017.0023 36 Tréhondart, N. (2013). Le livre numérique enrichi : un hypermédia en construction. Enquête sur les représentations des éditeurs. H2PTM. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01548478

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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contenus numériques vis-à-vis de la publication imprimée. C’est pourquoi l’étude d’articles de

recherche sur le livre enrichi me semble pertinente, car il est possible d’y voir des

questionnements similaires : qu’il s’agisse d’un magazine ou d’un livre avec des contenus

numériques et interactifs, les dimensions de l’expérience utilisateur restent essentielles.

B. Le processus de recherche

1. La problématique et les hypothèses

À partir de l’étude de ressources bibliographiques, des cours du Master 2 parcours

Littérature de jeunesse, et de mon stage chez Hippopo Éditions, j’ai été motivée à l’idée

d’explorer le terrain de recherche des éditions de presse jeunesse et de leurs produits

numériques. J’ai choisi d’utiliser les termes de “publication numérique”, “ressource numérique”

et “contenu numérique” (qui symbolisent un éventail de moyens non seulement textuels, mais

aussi sonores, audiovisuels ou interactifs) plutôt que “magazine numérique”, qui a une

signification discutable dans le monde de l’édition et du public.

Les questions de recherche :

- Quelles sont les intentions des publications numériques ?

- Quelles dimensions sont ajoutées ?

- Pourquoi les magazines jeunesse imprimés sont-ils reliés aux

publications numériques ?

- Quels seraient les apports de ces publications numériques à l’expérience

utilisateur ?

- Qu’est-ce que ces publications numériques ont de plus que les magazines

imprimés ?

- Dans quelle mesure les ressources numériques font-elles partie des magazines ?

- Dans quel cas la définition du mot “magazine” évolue-t-elle ? Dans quelle mesure

peut-on parler de document numérique (délimitation, niveau d’autonomie, etc.) ?

La problématique :

En quoi le magazine jeunesse imprimé aurait-il besoin de ressources numériques et

interactives pour renforcer ses dimensions de l’expérience utilisateur ?

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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La problématique implique qu’il y aurait probablement un renforcement des dimensions, que

ce soit sur la lecture, mais aussi la partie ludique, éducative ou même sociale et créative.

Puisque la ressource numérique diffère du magazine imprimé, l’expérience de lecture change

également. Il serait donc intéressant de comprendre ce que ces contenus apportent de plus

à l’utilisateur.

Les hypothèses :

Même si les problématiques de ce mémoire n’offrent pas une seule réponse définitive, elles

proposent tout de même de réfléchir aux apports du numérique, au cas par cas. Il serait

impossible de généraliser, puisque chaque magazine imprimé propose un contenu différent.

Dans certains cas, le magazine jeunesse imprimé aurait besoin de ressources numériques et

interactives pour renforcer ses dimensions de l’expérience utilisateur. En effet, le numérique

peut apporter de nouvelles possibilités, qui varient en fonction de chaque magazine et de

leur intentionnalité.

Si la finalité de l’éditeur nécessite des dimensions accessibles uniquement avec les ressources

numériques et interactives, le magazine imprimé sera donc renforcé.

Voici quelques exemples d’apports :

● Les ressources numériques seraient personnalisables : les jeux interactifs mesurent

le score et les erreurs. Les activités créatives permettent une grande liberté pour

chaque enfant, qui s’exprime de sa propre façon.

● Les ressources numériques pourraient renforcer l’apprentissage : les médias sonores

et audiovisuels pourraient être plus pertinents que le texte, dans le renforcement des

connaissances. La diversité des contenus tels que le texte, les podcasts ou les vidéos

profiteraient des manières d’apprendre (visuelles, auditives, kinesthésiques).

● Les ressources numériques pourraient renforcer la dimension ludique : l’ajout de

limites (comptabilisation des erreurs, mesure de la rapidité) et l’ajout d’éléments

dynamiques apporteraient un effet plus stimulant que le magazine papier, de nature

statique.

● Les ressources numériques pourraient renforcer la dimension sociale : le magazine

imprimé peut évidemment être lu par plusieurs personnes De fait, les plus jeunes

Page 24: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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auraient besoin de leur parent pour lire une histoire. Un magazine avec des ressources

numériques pourrait améliorer le partage, notamment sur la partie ludique et

créative. Le web ouvre également une porte sur le monde social, avec par exemple la

diffusion de commentaires ou les jeux à distance.

● Les ressources numériques auraient un potentiel de rejouabilité plus important :

un magazine papier peut éventuellement se lire de nombreuses fois, mais c’est surtout

la partie ludo-éducative qui aurait des limites. Il faudrait attendre le prochain numéro

pour avoir de nouveaux jeux imprimés. Quant aux jeux numériques et interactifs, ils

peuvent insérer de nouvelles variantes et se rejouer en un clic.

Dans certains cas, bien que les ressources numériques soient juste des publications

supplémentaires au magazine imprimé, elles pourraient avoir un impact sur l’identité même

du magazine. En effet, il se pourrait que la publication papier ne soit plus le produit principal

comme à l’époque, mais plutôt un produit parmi d’autres publications numériques.

Certaines éditions seraient tentées de créer d’autres produits numériques (applications,

ebooks, jeux interactifs, etc.) : en retour, cela pourrait influencer les parents à se décider

parmi une multitude de ressources. La gratuité des contenus web serait un avantage. Les

éditeurs pourraient ensuite proposer des contenus numériques payants ou alors inviter les

parents à s’abonner au magazine papier.

Du point de vue de l’édition, les offres deviendraient des produits numériques, non pas pour

remplacer le magazine papier, mais pour le compléter. À l’ère où les jeux vidéo, les

applications et Internet attirent la jeune génération, les éditions tentent d’innover car ils sont

dans l’impératif créatif37. Dans un second temps, en publiant des ressources sur Internet,

l’édition augmenterait la visibilité du magazine ; c’est une technique de communication

efficace pour attirer les nouveaux lecteurs et les fidéliser.

37 Charon, J. (2002). La presse des jeunes. Paris: La Découverte. https://doi.org/10.3917/dec.charo.2002.01

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23

2. La méthodologie

Pour évaluer mes hypothèses, la méthode qualitative sera privilégiée en plus de ma

pratique du stage chez Hippopo Éditions et mon étude de ressources bibliographiques.

Stage de Master

Méthode qualitative (corpus)

Méthode qualitative

(entretien)

Stage pour Touk Touk

et réflexion sur la

création des

ressources numériques.

Analyse des produits

numériques

8 magazines +

ressources numériques

analysés pour

comprendre les

apports sur

l’expérience utilisateur

Analyses des sites

web

8 sites des magazines

analysés pour

comprendre la

communication sur les

ressources numériques

Entretien avec 5

professionnels

d’édition

Pour comprendre les

apports du produit

numérique et l’impact

sur le magazine

papier.

a. Le stage chez Hippopo Éditions : le magazine Touk Touk et le site web

De février à avril 2021 (3 mois), j’ai été stagiaire en graphisme, rédaction et webdesign à

Hippopo Éditions. Cette expérience a grandement influencé le parcours de mon mémoire

autour des ressources multimédia proposées par la presse jeunesse.

Le magazine Touk Touk, produit principal de l’édition

Hippopo Éditions a été fondé par Florie Deswaziere De Castro en 2019. Touk Touk

magazine est destiné aux enfants de trois à sept ans. Disponible à l’achat ou à l’abonnement

(4 numéros par an) via le web, il vise principalement à faire découvrir les valeurs “de la

culture française, du multiculturalisme, de l’acceptation de l’autre, des voyages, de la

bienveillance et de la protection de l’environnement”38.

38 À Propos de Touk Touk. (s.d.). Touk Touk. https://touk-touk.com/a-propos

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24

Figure 6 : Couvertures des magazines Touk Touk (Numéro 7 - Pyrénées-Orientales / Portugal

et Numéro 8 - Vendée / Cambodge)

Chaque numéro présente une région de France et un pays du monde. Par exemple, la

première publication nous fait visiter la Bretagne et la Corée du Sud. Ainsi, les rubriques se

concentrent principalement sur ces deux endroits : aussi bien dans les histoires (La Famille

Nomade), que dans les rubriques de bricolage, jeux, yoga, cuisine, et découvertes de la

biodiversité.

En plus de la découverte culturelle, Touk Touk se caractérise par une motivation de

sensibiliser à la nature, la beauté de la planète et l’écologie. Des documentaires sur la faune

et la flore spécifiques à la région / le pays, sont présentés de manière ludique, avec des

encadrés d’information tels que “Le sais-tu ?”, des quiz et des jeux.

Touk Touk magazine a également l’ambition de faire vivre ses personnages principaux : Tim,

Gaïa et Touk. Les héros sont présentés sous forme de bande dessinée, mais également dans

plusieurs pages du magazine pour accompagner le lecteur.

Le magazine n’est pas la seule offre de l’édition. Au fil de mon stage, j’ai constaté un enjeu

de diversification de produits, donnant alors une nouvelle identité à la marque de Touk Touk.

Page 27: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

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Les carnets d’expédition

Ces magazines hors-série rejoignent les valeurs d’environnement et de biodiversité promues

par Touk Touk, mais leur ligne éditoriale est différente : le but est de faire découvrir aux

enfants des missions d’exploration conduites par des associations. Par exemple, le premier

numéro auquel j’ai pu participer entre en collaboration avec Under The Pole, un programme

d’expédition sous-marine. Le lecteur découvre des pages présentant les fonds marins

polynésiens : la finalité est à la fois éducative (avec le contenu rédigé comme un

documentaire) et ludique (avec un mini-jeu pour chaque page d’animal présenté).

Le podcast Touk Touk

En plus du magazine Touk Touk, l’édition propose des histoires audio gratuites, disponibles

sur le site mais également sur YouTube et les plateformes de diffusion audio. Certaines sont

des versions sonores des histoires publiées sur le magazine, telles que “La Famille Nomade

à Séoul” et “Où est Bella ?”. D’autres sont exclusives au texte, comme “Le réveillon de Mei” et

“On a perdu doudou !”.

Les kits d’activité

Ces carnets de quarante à cinquante pages ont pour objectif d’offrir des activités ludiques.

Chaque kit a une thématique bien précise autour de la nature : par exemple, l’enfant peut

explorer les carnets autour des dinosaures, de l’espace ou des océans. Les activités (parmi

lesquelles on peut trouver des coloriages, des jeux d’observation, mais aussi des labyrinthes

et des rubriques de bricolage) sont décrites comme des jeux éducatifs, avec la motivation de

donner envie d’apprendre tout en s’amusant.

Ces kits sont payants depuis le site. Contrairement au magazine, l’envoi de ces produits se

fait en version numérique, par email. Après l’achat, le client reçoit un lien de téléchargement

vers un document PDF.

Les loisirs créatifs : des articles web et des PDFs à télécharger

La rubrique des Loisirs créatifs contient des articles divisés en quatre sous-parties sur le site

: Bricolage / Expériences, Recettes, Jeux, et Yoga / Pilates. La plupart de ces loisirs créatifs

serviraient comme contenus supplémentaires et gratuits au magazine papier. En effet, il est

possible d’y accéder depuis certaines pages du magazine présentant un QR code.

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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Cependant, il est possible d’accéder à ces articles et de télécharger les ressources PDF sans

passer par le magazine. De même, il n’est pas nécessaire d’avoir lu le magazine pour

comprendre les instructions des bricolages ou des recettes.

L’organisation du stage

Hippopo Éditions est une structure à petite taille : en plus du travail de conception par la

directrice Florie Deswaziere, des collaboratrices en illustration comme Alexandra Michel

(illustratrice à Roubaix), en rédaction comme Cécile Batailler (autrice à Paris) et en

contenus web comme Inga Penverne (juriste, autrice, relectrice-correctrice, rédactrice web

et conceptrice générale à Sydney en Australie) travaillent sur Touk Touk.

L’édition a un profil multiculturel, puisque le travail se fait depuis différents pays ; Florie

Deswaziere habitait en Corée du Sud lors de mon stage, avant de déménager en France en

juin 2021. De ce fait, la collaboration s’est faite entièrement à distance. Il est tout de même

important de préciser que le siège social de Hippopo Éditions se situe en Provence (France)

: l’endroit sert notamment au stockage et à l’envoi des magazines imprimés.

Lors de mes deux premiers mois de stage (début février à fin mars), j’ai essentiellement été

en contact avec ma tutrice de stage, Florie Deswaziere. Une réunion en visioconférence s’est

effectuée tous les matins à 8 heures (15 heures en Corée du Sud), pour discuter des attentes

et des retours sur mon travail effectué.

En avril, dernier mois de mon stage, les stagiaires Roxane Lebastard et Chloé Delattre ont

rejoint l’équipe. Nous avons pu échanger nos avis sur nos travaux, en collaborant sur des

maquettes dans certaines occasions. Malgré la distance physique causée par le télétravail,

nous avons tout de même pu travailler ensemble grâce à l’application de communication

collaborative Microsoft Teams.

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27

Les missions de mon stage

J’ai principalement travaillé dans deux secteurs différents : la conception du magazine

imprimé avec ses contenus supplémentaires en PDF, et le design web pour le nouveau site

de Touk Touk.

Mission 1 : Graphisme et rédaction du magazine / documents PDF

J’ai participé à la conception de deux magazines Touk Touk : le numéro 7 (Pyrénées-

Orientales / Portugal) et le numéro 8 (Vendée / Cambodge). En total, j’ai fait les maquettes

de 29 pages sur Adobe InDesign, un logiciel de mise en page. J’ai également utilisé Adobe

Photoshop et Illustrator pour la création et la manipulation de visuels.

Avec la motivation d’organiser mes activités, j’ai suivi ce processus de création suivant :

1) Recherche sur le sujet à traiter : Prise de notes sur des éléments qui serviront à la

rédaction. Récolte d’idées autour du contenu textuel et graphique. Réflexion sur les

jeux, les quiz et des encadrés d’information supplémentaires à insérer.

2) Rédaction : Il est important d’écrire le contenu avec un vocabulaire qui soit adapté

à l’enfant. De ce fait, des corrections peuvent être faites dans le cas où les phrases

seraient trop complexes à comprendre.

3) Création de la maquette : Au départ, j’ai fait des croquis sur papier pour avoir une

idée globale du graphisme. Ensuite, l’élaboration des maquettes s’enchaîne et

s’accorde au contenu textuel.

4) Corrections / Validation : Suite aux retours de Florie Deswaziere, j’ai apporté les

modifications nécessaires sur la maquette avant la validation.

Mission 2 : Refonte du site web de Touk Touk

À l’origine, le nom de domaine de Touk Touk s’appelait : “touktouk-magazine.com”. Le mot

“magazine” laisse supposer qu’il s’agit du produit essentiel de la marque. Florie Deswaziere

a mentionné sa motivation à changer son nom de domaine pour “touk-touk.com”.

J’ai appris que la nouvelle identité de Touk Touk visait à proposer une multitude de produits,

aussi bien imprimés que numériques. De plus, l’ancien site web avait des problèmes de

performance, ce qui ralentissait son chargement.

Cela a provoqué des pertes de visites ; il était donc primordial de rectifier le site au plus vite.

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Voici les étapes menant au lancement du nouveau site web :

1) Rédaction du dossier de conception : j’ai fait des recherches sur les finalités du site.

Avec Florie Deswaziere, nous avons pu discuter sur l’arborescence, c’est-à-dire la

structure du site. Pour une conception centrée sur l’utilisateur, j’ai réfléchi aux

personas (“des personnages fictifs représentant des groupes d’utilisateurs”)39 et à

leur parcours potentiel.

2) Création des wireframes sur Figma : Suite à la validation de Florie Deswaziere,

j’ai utilisé l’outil collaboratif Figma pour créer des guides visuels représentant

l’interface (ou wireframes).

3) Développement web : Le site web a été développé sur WordPress, une plateforme

de gestion de contenu. Pour faciliter le travail de design, j’ai utilisé le constructeur de

thème Elementor, qui permet de glisser-déposer des modules et d’ajouter des sections

de manière intuitive.

4) Corrections : Des erreurs techniques sont survenues lors de la création du site,

notamment à cause de certaines extensions installées. C’est pourquoi la phase de

débogage (processus de diagnostic et d’élimination des erreurs) et de révision est

importante. Il y avait cependant la contrainte du temps (le site étant en mode

“maintenance”, son contenu était hors de la vue du public et il était donc important

de terminer rapidement).

5) Mise en ligne : Une fois les corrections faites, le site a été lancé pour la visite du

public.

Enfin, j’ai sauvegardé des modèles de pages sur Elementor, dans le cas où le site aurait de

futurs problèmes ou si l’édition souhaite ajouter des pages.

39 Esposito, N. (2020-2021). Concevoir des ouvrages numériques sous l'angle de l'expérience de l'utilisateur : exemple avec l'édition jeunesse. Le Mans Université.

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29

Réflexions principales sur les missions :

Lors de mon travail sur les maquettes, j’ai constaté que beaucoup de pages contenaient des

QR codes menant à des liens divers, tels que les vidéos, les podcasts et les articles web. Cela

m’a fait réfléchir sur les potentiels apports concernant la relation du magazine imprimé au

site et à des plateformes sociales telles que YouTube.

La conception du site m’a aussi fait réfléchir à l’expérience utilisateur : comment s’adresser

à la fois aux parents et aux enfants ? Je me suis rendu compte de l’importance du site web

quant à l’identité de Touk Touk.

Pour résoudre une partie de mes problématiques, je compte détailler mes réflexions sur ma

pratique en tant que stagiaire chez Hippopo Éditions. Il serait également possible de

percevoir mon stage comme une méthode d’observation participante ; en étant immergée

dans le secteur de l’édition de presse jeunesse et en ayant un rôle actif, ce mémoire de

recherche a pour intention d’être combiné avec le mémoire de stage.

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30

b. Le corpus de recherche : présentation de 8 magazines jeunesse

Dans les éditions de presse jeunesse, nous constatons qu’il n’y a pas une seule règle spécifique

à la création d’un contenu numérique. Puisque ces offres sont différentes, l’analyse d’un

corpus de magazines jeunesse semble pertinent afin de connaître leurs spécificités uniques.

En plus du magazine Touk Touk auquel j’ai pu travailler lors de mon stage, 8 magazines

jeunesse ont été sélectionnés.

Magazine

Slogan

Entreprise

Proposition numérique

1

Baïka

Du voyage à chaque page

Éditions Salmantina

Histoires audiovisuelles sur

YouTube

2

Geek Junior

Le média tech et geek pour

les ados

Geek Junior

Site web d’articles

Contenus en réalité

augmentée

3

J’aime lire

Le magazine des 7-10 ans

pour donner le goût de la

lecture aux enfants !

Bayard Jeunesse

Application Bayam

contenant les ebooks des

histoires J’aime lire

4

Le Journal de

Mickey

L’hebdo le plus lu par les

jeunes lecteurs de 7 à 14 ans

Unique Heritage Media

Site web d’articles et jeux

numériques

5

Mini-Schools

Apprendre l’anglais est un

jeu d’enfants !

Mini-Schools

Contenus en réalité

augmentée

6

National

Geographic

Kids

Le magazine des petits et

grands explorateurs

National Geographic

Society (version française

éditée par Fleurus Presse)

Site web d’articles

documentaires, de jeux

numériques et de vidéos

7

Toboggan

Le magazine pour se sentir

bien en primaire

Milan Presse

Jeux interactifs et outils de

création sur le web

8

Wow! News

Les infos positives pour

enfants !

INFOW!

Site web d’articles, podcasts,

vidéos. Future application.

Page 33: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

31

c. Les interviews aux professionnels du magazine : exploration des

contenus numériques et leurs finalités

Pour enrichir mon analyse du corpus, j’ai utilisé la méthode qualitative des entretiens pour

récolter les données verbales des professionnels.

Après avoir contacté une quinzaine d’éditions de presse jeunesse contenant des publications

numériques, j’ai reçu cinq réponses positives pour une interview. Les professionnels de

l’édition sont présentés dans le tableau ci-dessous :

Nom

Magazine

Édition

Profession

Christophe Coquis

Geek Junior

Geek Junior

Rédacteur en chef

de Geek Junior

Olivier Jughon

Mini-Schools

Mini-Schools

Directeur de

publication de Mini-

Schools

Alastair Macdonald

WoW! News

INFOW!

Rédacteur en chef de

WoW! News

Noémie Monier

Baïka

Éditions Salmantina

Rédactrice en chef de

Baïka

Axel Planté-Bordeneuve

Toboggan

Milan Presse

Rédacteur en chef de

Toboggan et Wakou

J’ai tout d’abord préparé mes questions d’avance, avant de les envoyer par mail aux éditions.

Suite à leur validation, l’entretien s’est fait par téléphone ou en visioconférence. Cependant,

les questions ont parfois été altérées lors de l’entretien, pour demander plus de précisions ou

pour mieux correspondre aux spécificités du magazine.

Questions générales pour les interviews :

Page 34: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

32

Thématiques à explorer

Questions

1

Finalités de la ressource numérique

Comment est née l’idée de concevoir la publication

numérique ?

2

Apports (ou pertes) des contenus

numériques sur l’utilisation du

magazine : point de vue de

l’édition

Quels ont été les changements liés au magazine avec

l’intégration des ressources numériques ?

3

Apports (ou pertes) sur les

dimensions de l’expérience

utilisateur : point de vue des

lecteurs / abonnés

Quels ont été les avis des abonnés à l’arrivée de la

ressource numérique ? Y-a-t-il eu des retours ?

4

Positionnement du magazine

imprimé vs. publication numérique

Quelle place a la publication numérique par rapport au

magazine papier ?

6

Changements de l’édition

Quelles sont les différences entre l’édition de la

publication numérique et l’édition des magazines

papier ?

7

Identité du magazine jeunesse

Dans quelles mesures la proposition d’offres

numériques peut-elle changer l’identité du magazine

papier, à votre avis ?

8

Futur du magazine jeunesse

Dans quelle mesure l’édition va-t-elle diffuser ses offres

numériques dans le futur, et pourquoi ?

9

Que pensez-vous de la place qu’aura le magazine

papier dans le futur ?

10

Dans quelle mesure la conception d'un magazine enrichi

serait envisageable ?

Dans la présentation de mes résultats, les propos pertinents des entretiens seront mis en

citation pour appuyer mon étude ; puisque tous les professionnels interviewés travaillent sur

les magazines faisant partie du corpus, il serait intéressant de combiner toutes ces données

pour arriver à un bilan efficace.

Page 35: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

33

Partie 2 : Les ressources numériques et interactives - un

renforcement sur les dimensions de l’expérience utilisateur

J’ai choisi de présenter les deux principales dimensions ayant pour but de renforcer

l’expérience utilisateur des ressources numériques : la dimension narrative et la dimension

ludo-éducative. Suite à cela, je mentionnerai également les dimensions sociales, créatives et

ergonomiques qui viennent plutôt au service de la narration, de la pédagogie et du

divertissement. Puisqu’elles contiennent des rubriques diverses, la majorité des magazines de

mon corpus apportent à la fois une dimension narrative et ludo-éducative (voir Annexe 1). Il

en est de même pour les publications numériques. C’est pourquoi j’ai choisi de présenter les

exemples les plus représentatifs, afin d’éviter les répétitions :

Ressources numériques

Dimension narrative

Baïka

Des Mythes et légendes par ai en version audiovisuelle: le cas de Baïka

(p. 36)

Mini-Schools

Lorsque la réalité augmentée facilite la dimension narrative : le cas de

Mini-Schools (p. 39)

J’aime lire (Bayam)

Le déploiement de personnages issus de bandes dessinées sur le

numérique : le cas de Bayam (p. 42)

Ressources numériques

Dimension ludo-éducative

Geek Junior et

WoW! News

L’idée d’un webmagazine aux articles enrichissants : le cas de Geek

Junior et de Wow! News (p. 50)

Le Journal de Mickey et

National Geographic Kids

Un répertoire encyclopédique : le cas du Journal de Mickey et de

National Geographic Kids (p. 55)

Toboggan

Renforcer son sens de la déduction grâce aux Enquêtes interactives de

Super-Ouaf : le cas de Toboggan (p. 58)

La pratique de mon stage pour le magazine Touk Touk sera mentionnée à la fin de chaque

partie.

Page 36: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

34

A. Le renforcement de la dimension narrative

Par définition, la narration est un “exposé écrit et détaillé d’une suite de faits, dans

une forme littéraire40”. La dimension narrative incite donc à lire un contenu textuel : Pascal

Ruffenach, président du directoire de Bayard, précise que la presse jeunesse a pour ambition

de développer “le goût de la lecture et de la compréhension du monde”41. Ces enjeux majeurs

montrent pourquoi les éditeurs de presse s’attachent à la publication d’histoires. Grâce au

système d’abonnement, les parents y voient un avantage de développer le goût de lire de

leurs enfants. Ainsi, Jean-Marie Charon met le magazine jeunesse dans la même catégorie

culturelle que le livre, “dont la créativité, la qualité visuelle, le prix, sans parler parfois des

héros, sont très proches”42.

Nous observons un renforcement de la dimension narrative, par des offres numériques qui

servent souvent de compléments à la lecture. Dans cette partie, l’analyse du corpus sera donc

appuyée par les ouvrages de référence aux pratiques de lecture de livres, qui symbolisent le

développement psychologique et imaginaire de l’enfance.

1. Des contenus sonores pour lire et écouter en même temps

Plusieurs éditions de presse jeunesse conçoivent des outils audio pour les enfants en

apprentissage de la lecture ; ainsi, la dimension narrative est renforcée grâce au support

audio. En outre, l’enregistrement sonore peut s’avérer nécessaire pour la compréhension des

plus petits. Raymond Hétier insiste sur cette importance, notamment dans les ouvrages

destinés à la petite enfance. En étudiant la dramatisation des maîtres de classes maternelles,

il a conclu que 77% utilisaient cette technique pour adapter les textes43.

La lecture dramatisée permet aux enfants de mieux saisir le sens de l’histoire. Ainsi, les

illustrations des albums jeunesse ne suffiraient pas et pourraient même causer des

malentendus. En effet, Véronique Boiron fait une distinction entre deux types de lecteurs :

les “autonomes”, ceux qui arrivent à interagir avec le texte, et les lecteurs débutants qui

nécessitent une interaction avec la lecture dramatisée44. D’où l’importance du parent ou du

maître qui devient acteur et se met dans la peau des personnages. Avec cette observation

40 Le Robert. (s. d.). Le Robert. https://dictionnaire.lerobert.com/definition/narration 41 La Presse Jeunesse. (s. d.). La Presse Jeunesse. https://www.lapressejeunesse.fr/ 42 Charon, J. (2003). Lire et grandir en s'amusant, ou la grande aventure de la presse des jeunes. Éla. Études de linguistique appliquée, nº130, 223-236. https://doi.org/10.3917/ela.130.0223 43 Hétier, R. (2014). Albums destinés à la petite enfance et questionnement existentiel : herméneutique d’oeuvres formatrices. Revue des sciences de l’éducation, 39(1), 33–59. https://doi.org/10.7202/1024532ar 44 Boiron, V. (2010). Lire des albums de littérature de jeunesse à l’école maternelle : quelques caractéristiques d’une expertise en actes. Repères, (42), 105–126. https://doi.org/10.4000/reperes.254

Page 37: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

35

en tête, les éditeurs de presse jeunesse renforcent la narration en faisant écouter les voix de

plusieurs personnes. Ainsi, l’enfant comprend non seulement la manière de parler du

personnage, ou du narrateur, mais aussi ses pensées, ses émotions et ses affects. Il a un

aperçu plus dense de son identité.

Des Mythes et légendes d’ailleurs en version audiovisuelle : le cas de Baïka

Le magazine Baïka45 (Éditions Salmantina) a pour objectif de faire voyager les enfants de

8 à 12 ans dans le monde, en leur faisant explorer la diversité culturelle. Chaque numéro

présente un pays différent, avec des histoires, des bandes dessinées, des reportages, mais

aussi des jeux et des recettes de cuisine. Une de ses rubriques marquantes s’intitule Les

Aventuriers de la Mappemonde : elle présente des interviews d’enfants nés dans des pays

étrangers et immigrés en France. Par exemple, le numéro du Sénégal raconte l’histoire de

Raymond, un garçon né à Dakar et qui s’est installé en Essonne (France) à 5 ans. Les lecteurs

peuvent donc explorer une culture sous un angle plus personnel. Avec cette finalité de

montrer la diversité culturelle, Noémie Monier explique que l’édition s'applique à “proposer

plein de rubriques différentes pour aborder le plus d'angles possibles”. En lisant le magazine

imprimé, le lecteur enrichit son expérience par la dimension narrative, culturelle, ludique et

pédagogique.

En revanche pour les contenus sonores et audiovisuels de Baïka, c’est surtout la dimension

narrative qui entre en jeu. Accessibles depuis le site web (en version audio) ou sur la chaîne

YouTube, ces histoires proviennent de la rubrique Mythes et légendes d’ailleurs du magazine

imprimé : par exemple, Candra Kirana, la princesse qui devint roi (adaptée par Noémie

Monier et illustrée par Charlotte Lemaire) provient du numéro Indonésie / Sri Lanka. 4

histoires ont été publiées avec un montage vidéo des illustrations ; sur certains passages, le

texte apparaît en version agrandie.

45 Baïka Magazine. Du voyage à chaque page. https://baika-magazine.com

Page 38: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

36

Figure 7 : Captures YouTube de la vidéo Candra Kirana, la princesse qui devient roi ;

une publication de Baïka46

Premièrement, nous constatons que ces vidéos sur YouTube sont accessibles à tous. En effet,

la volonté de Noémie Monier est de les diffuser au-delà du cadre des abonnés : grâce à

l'instantanéité des réseaux sociaux, elle a pu les envoyer à son entourage, aux parents et aux

enseignants sur WhatsApp. Cela nous montre qu’il n’y a pas besoin du magazine imprimé

pour visionner les histoires racontées. L’expérience peut se faire uniquement avec la ressource

audiovisuelle. Toutefois, une autre intention de Noémie Monier est de maintenir la présence

de Baïka, avec la possibilité d’avoir de nouveaux abonnés. Elle ajoute que cette idée est

venue durant le premier confinement en 2020, suite à l’épidémie du Covid-19. En effet, cette

période a été difficile pour les ventes de magazines ; le web se révèle être un moyen efficace

d’offrir du contenu sans contraintes physiques.

La valeur audiovisuelle enrichit l’histoire : les images bougent, s’agrandissent, défilent de

gauche à droite pendant que le narrateur parle. Ainsi, elles apportent un aspect plus

dynamique que le magazine imprimé. Ensuite, certains passages nous dévoilent une partie

du texte sur un fond blanc. Dans ce cas, le lecteur est invité à lire le texte en même temps

que la voix narrative ; l’enjeu de lecture promu par le magazine Baïka est donc toujours

46 Baïka. (2020, 5 mai). Candra Kirana, la princesse qui devint roi, une histoire du magazine Baïka. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=yOZA-Z5-fBA

Page 39: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

37

accessible via les vidéos. Le spectateur intègre également le rôle de lecteur. Cette inclusion

du texte est importante pour percevoir l’intention de Baïka : faire lire, écouter et regarder

en même temps.

Cette offre nous fait réfléchir sur la complémentarité avec le magazine : puisque le texte est

déjà présent, l’expérience utilisateur a-t-elle plus tendance à se faire sans la publication

imprimée ? Selon Noémie Monier, les vidéos peuvent se complémenter au magazine : par

exemple, les enfants ayant déjà lu le texte sur un numéro imprimé de Baïka peuvent avoir

envie de visionner la même histoire sur YouTube. Même s’il n’y a pas encore eu de retours

sur l’expérience utilisateur, Noémie Monier ajoute que les histoires racontées permettent

aux enfants de profiter d’un instant de calme, dans l’indépendance : “L’idée de ces histoires

audio, c'est que les enfants puissent les écouter en autonomie”.

L’écoute est donc un facteur majeur de ces publications audiovisuelles ; celles-ci ont été

conçues pour fournir une expérience à part entière, pour tous les publics, sans la nécessité

d’avoir le magazine papier pour la compréhension. Ainsi, elles sont indépendantes de la

publication imprimée.

Toutefois, puisque ce sont des histoires reprises du magazine, elles ont un lien fort permettant

à un enfant abonné de supplémenter son offre par une double-expérience. La première est

de focaliser son attention sur la lecture du magazine (en écoutant la version audio en même

temps) ; dans ce cas, il s’agirait d’une lecture enrichie par les voix et les sons, apportant une

dimension immersive améliorée. La deuxième expérience est de consulter la vidéo sans le

magazine, pour se centrer davantage sur les images animées en accord avec la narration

sonore, mais aussi le texte affiché sur l’écran. Ainsi, les vidéos et les magazines peuvent se

compléter, mais elles sont surtout conçues pour être indépendantes.

Il est important de rappeler que magazine n’a pas la dimension narrative pour finalité

principale. En effet, “c’est une des composantes du magazine”, précise Noémie Monier. “Mais

pour moi, le fer de lance du projet, c’est de donner la parole aux enfants issus de multiples

cultures.” Ainsi, pour connaître toute l’expérience de Baïka, les ressources vidéo ne remplacent

pas la publication imprimée ; elles adaptent plutôt les 8 premières pages de l’histoire, tandis

que le reste du magazine fait 50 pages. Nous voyons alors qu’il est possible pour un

magazine de se concentrer sur une dimension spécifique quant à la conception numérique ;

cela peut aussi inciter les nouveaux spectateurs à s’abonner au magazine pour profiter de

l’intégralité du contenu.

Page 40: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

38

Lorsque la réalité augmentée facilite la dimension narrative : le cas de Mini-Schools

Mini-Schools est tout d’abord un service d’ateliers en anglais pour les enfants de 3 à 11 ans.

Son magazine est apparu en 1971 comme une ressource offrant une multitude de contenus

écrits dans la langue anglaise. Nous découvrons des histoires et comptines, des jeux et des

documentaires ; par exemple, le numéro 249 publié en automne 2020 présente des pages de

jeux en anglais, une rubrique sur le Canada (Visiting Canada) et un documentaire sur l’eau

(All about water)47. Nous voyons alors une thématique centrée sur la pédagogie, à la fois sur

la découverte du monde mais aussi l’apprentissage de la langue.

Lors de mon interview avec Olivier Jughon, j’ai appris que la réalité augmentée est venue

après l’intégration des cassettes, puis des CDs. Selon lui, “la réalité augmentée permettait

d’avoir un accès facile à des contenus supplémentaires sans avoir un support physique”. En

effet, le CD est un support nécessitant un appareil lecteur, tandis qu’un téléphone (capable

de scanner le magazine en réalité augmentée) est un objet généralement utilisé par la

société. De plus, Olivier Jughon mentionne la possibilité d’intégrer non seulement des

ressources audio, mais aussi des vidéos en lien avec le magazine.

Figure 8 : Captures YouTube de la présentation du magazine Mini-Schools48

47 Sommaire du Mini-School® Magazine numéro 249, Automne 2020 - Magazine en anglais pour enfants. (2020). YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=s3i5AG-Byus 48 Mini-Schools. (2019, 4 juin). Mini-Schools® - Apprendre l'anglais en s'amusant !. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=tpbmNAeoAck

Page 41: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

39

Sur la vidéo de présentation du magazine, nous apercevons des illustrations dynamiques en

réalité augmentée. Par exemple, en scannant la couverture de Mini-Schools, les personnages

illustrés se superposent et la couverture devient une piste de patinage. Or, la volonté

principale de l’édition est de mettre le texte en version audio. Cela facilite la lecture pour

des enfants en apprentissage : “Un certain nombre [d’enfants] ne savent pas lire l’anglais”,

précise Olivier Jughon. C’est pourquoi la ressource audio leur facilite l’accès à la lecture et

à la prononciation. Il mentionne également que le contenu peut être écouté en autonomie,

sans forcément avoir un adulte à côté. Or, il ajoute cependant que la réalité augmentée n’a

pas de finalité ludique ; il n’y a pas vraiment d’interaction supplémentaire, à part pour

scanner le code. L’enjeu est surtout d'offrir une dimension sonore autre que les CDs. Nous

voyons alors que la réalité augmentée est perçue par l’édition comme une grande

opportunité en termes d’accessibilité.

Pour le magazine Mini-Schools, il semblerait que la nécessité du son surpasse celle d’autres

enrichissements tels que les animations visuelles : Olivier Jughon mentionne les vidéos de

leurs ressources en réalité augmentée comme une partie accessoire, servant plutôt à retenir

l’attention et complémenter la partie sonore, qui elle, est essentielle. Les vidéos durent entre

1 et 2 minutes ; elles sont donc très courtes, ce qui pourrait éviter au lecteur de se détacher

du magazine imprimé, qui est l’objet principal.

Puisque la dimension narrative et sonore a toujours été importante depuis la création de

Mini-Schools, la ligne éditoriale pour l’expérience utilisateur reste la même. En effet, avec le

support audio déjà implémenté dans les années antérieures, le passage à la réalité

augmentée est plutôt un renforcement de la dimension ergonomique pour soutenir la

dimension narrative.

Page 42: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

40

2. Une déclinaison de l’univers narratif pour un rapprochement des personnages

Il est courant qu’un magazine jeunesse intègre des personnages clés dans ses pages. Les

numéros de Touk Touk sont toujours accompagnés de leurs trois héros : les enfants Tim et

Gaïa, accompagnés du singe Touk. Toboggan intègre ses personnages tels que le chien

Super-Ouaf et la créature Avni. J’aime lire a une mascotte représentée par un crayon

nommée Bonnemine, mais son succès est également dû aux bandes dessinées, très appréciées

par les enfants : avec les parutions mensuelles des histoires d’Ariol, un petit âne à lunettes,

ou “le roi des idées folles” nommé Anatole Latuile49, l’enfant suit des héros auxquels il peut

s’identifier. Le magazine jeunesse a la caractéristique de fidéliser ce rapprochement avec le

personnage, par sa nature de périodicité.

Avec les opportunités du multimédia, nous voyons un renforcement de cette proximité : en

effet, la dimension narrative serait renforcée puisque le personnage se décline non seulement

sur papier, mais aussi sur l’écran. De plus, il se met à intégrer d’autres dimensions : ludiques,

audiovisuelles et créatives.

L’audiovisuel est un élément courant de l’adaptation d’ouvrages fictifs. Dans son article

Lectures d’œuvres de divertissement au collège, Jean-Marc Étienne dénote l’influence de la

télévision, des jeux vidéo et d’Internet sur la perception des jeunes50. En effet, alors que les

générations antérieures ont grandi avec les livres papier, la notion actuelle de livre ne se

limite plus nécessairement à un simple texte sur du papier : les adaptations deviennent par

exemple des jeux de rôle, des mangas, et des œuvres cinématographiques. À la même image

que l’édition Ankama51, très orientée dans l’univers des ses personnages comme Dofus et

Wakfu, des éditions comme Bayard Jeunesse et Milan Presse ont une approche créative

centrée sur leurs personnages phares. Cette technique aurait-elle un impact sur la perception

que l’enfant aura de l’histoire ?

49 Les héros. (s.d.). J’aime lire. https://www.jaimelire.com/j-aime-lire/les-heros-j-aime-lire 50 Étienne, J. (2015). Lectures d’œuvres de divertissement au collège. Informations sociales, 190, 18-24. https://doi.org/10.3917/inso.190.0018 51 Ankama. https://www.ankama.com/

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41

Le déploiement de personnages issus de bandes dessinées sur le numérique : le cas de

Bayam

L’application Bayam est éditée par Bayard Jeunesse et Milan Presse. Elle se qualifie comme

“L’appli ludo-éducative des 3-10 ans”52. Plus de 2000 activités sont disponibles, telles que les

visites virtuelles au musée, les jeux éducatifs et les vidéos pour découvrir le monde. Il est

possible d’y accéder gratuitement ou de s’abonner pour obtenir la totalité des ressources ;

en sachant que de nouveaux contenus s’ajoutent tous les mois, Bayam possède les

caractéristiques d’un magazine papier. De plus, il offre une multitude de jeux et de séries

diffusant les héros principaux de publications connues comme J’aime lire.

Justement, le magazine J’aime lire a une forte approche narrative. En plus de son roman

mensuel, nous découvrons les bandes dessinées telles que Ariol, Anatole Latuile et La

cantoche. Sur Bayam, nous retrouvons encore d’autres personnages se présentant sous des

formes audiovisuelles et ludiques, tels que les héros Tom-Tom et Nana, popularisés dans les

anciens J’aime lire.

Figure 9 : Interface de Bayam (Section “Regarder”). Plusieurs dessins animés tels que Tom-Tom et

Nana, et Anatole Latuile sont proposés. Nous retrouvons également Le Bayam Show, La valise à

histoires et les films-poèmes En sortant de l’école.

52 Bayam. https://bayam.tv/fr/

Page 44: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

42

Alors que l’intention première des auteurs était de raconter une histoire en bande dessinée,

les séries audiovisuelles montrent la fiction sur un autre format plus dynamique, dû aux sons

et à l’animation. Cela se fait déjà avec le média télévisé, où les adaptations d’histoires

textuelles sont communes. Après avoir lu une bande dessinée, l’enfant pourrait également

regarder la série : l’apport de cette consultation multiple est qu’il pourrait enrichir son plaisir

à la fois de lire et apprécier la valeur de son contenu audiovisuel. Dans ce cas, la dimension

narrative sur son expérience est enrichie, puisqu’il saisit plus amplement le contexte de la

fiction avec la musique, les voix des acteurs et les animations. Inversement, le visionnage du

dessin animé pourrait l’inciter à lire avec une appréciation particulière pour le format

imprimé.

En effet, malgré les débats qui se tiennent entre l’histoire textuelle versus l’adaptation

audiovisuelle, la jeunesse serait de plus en plus attachée aux éléments dynamiques, causés

par la popularisation des réseaux sociaux audiovisuels. Jean-Marc Étienne précise

l’importance de l’action et des “effets spéciaux”, qui sont plus visibles et accessibles53. Il cite

en particulier le succès de Hunger Games (Suzanne Collins), dont l’adaptation au cinéma a

été un grand succès pour donner envie de lire le roman. Quant à J’aime lire, destiné aux 7-

10 ans, âge où l’on renforce ses compétences en lecture et en compréhension, la méthode

audiovisuelle pourrait renforcer le plaisir de lire la bande dessinée, bien que ces deux formats

ne soient pas intimement liés.

53 Étienne, J. (2015). Lectures d’œuvres de divertissement au collège. Informations sociales, 190, 18-24. https://doi.org/10.3917/inso.190.0018

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43

3. L’interactivité au service de la narration : quand le lecteur devient auteur

Sur le site du magazine Toboggan54, parmi les nombreux jeux numériques mis en avant,

l’activité "Crée ta mini BD Avni” se distingue par sa finalité narrative et créative : elle permet

à l’enfant d’inventer une courte bande dessinée sur quatre cases, autour du personnage Avni

(Animal Vraiment Non Identifié).

Figure 10 : Interface de l’activité “Crée ta mini BD Avni” sur le site de Toboggan55

Plusieurs illustrations, bulles et icônes sont à choisir. Grâce à l’interactivité, il devient possible

de glisser-déposer des éléments avec un choix étendu de polices et de couleurs ; l’enfant peut

également agrandir et rétrécir les éléments à son goût. Ainsi, les possibilités de création

narratives sont multiples : l’interactivité altère le rôle du lecteur habitué aux histoires d’Avni,

et le fait passer au statut d’auteur de bandes dessinées.

Cela a un impact émotionnel non seulement sur son expérience utilisateur (il y a par exemple

la sensation plaisante de créer et d'explorer son imagination), mais aussi sur sa perception

quant à la narration du personnage : si Avni et ses amis peuvent vivre des histoires facilement

modifiables, il devient manipulable, un peu comme les hyperfictions citées par Nolwenn

Tréhondart56 : des fictions interactives dont le déroulement dépend des choix de l’auteur.

54 Toboggan. https://www.toboggan-magazine.com/ 55 Crée ta mini BD Avni. Toboggan. https://www.toboggan-magazine.com/avni/cree-ta-bd-avec-avni?cat_prov 56 Tréhondart, N. (2019). Le livre numérique enrichi : quels enjeux de littératie en contexte pédagogique ? Pratiques, (183-184). https://doi.org/10.4000/pratiques.7732

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44

Même si l’activité d’Avni ne se définit pas forcément comme telle, on peut y trouver des

ressemblances : le choix d’éléments à sélectionner, même s’il semble très vaste, reste délimité

par les éditeurs : l’enfant fait ses décisions par ce qu’on lui propose déjà. Dans le même

temps, il joue un rôle actif de lecteur-auteur (ou wreader en anglais), concept lancé par

Landow en 199257.

En quoi cela renforcerait-il la dimension narrative par rapport au magazine imprimé ? Axel

Planté-Bordeneuve précise l’avantage de donner un contenu interactif qui serait

difficilement reproduit sur une version papier. En effet, le magazine pourrait proposer des

cases vides avec pour consigne de dessiner dessus ou de coller des autocollants. La version

interactive facilite ce processus en permettant de créer plus rapidement, surtout pour ceux

qui ne sont pas forcément dessinateurs, comme l’indique Axel Planté-Bordeneuve.

Quant à la première finalité citée par l’éditeur, elle concerne le développement de

l’imagination. C’est pourquoi, du point de vue éditorial, ce contenu numérique renforcerait

une dimension créative, pour au final avoir une expérience à dimension narrative : il est

possible de télécharger la bande dessinée dès que l’utilisateur est prêt, et par conséquent,

de l’imprimer, de le partager avec ses proches et de le relire à souhait.

57 Tréhondart, N. (2019). Le livre numérique enrichi : quels enjeux de littératie en contexte pédagogique ? Pratiques, (183-184). https://doi.org/10.4000/pratiques.7732

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45

Le site de National Geographic Kids utilise également le concept d’écriture ludique,

permettant ensuite à l’enfant de lire sa propre histoire. En effet, la ressource nommée “Funny

Fill-In” (remplissage marrant) permet de remplir des espaces de texte pour que l’histoire

narrative soit personnalisée.

Figure 11 : Le jeu narratif “Funny Fill-In: Dreaming Green” sur le site de

National Geographic Kids58

De même que la ressource web du magazine Toboggan, la dimension créative et ludique de

National Geographic Kids s’allie à la dimension narrative, laissant une expérience où l’enfant

peut écrire et lire sa propre création.

58 Funny Fill-In: Dreaming Green. National Geographic Kids. https://kids.nationalgeographic.com/games/funny-fill-in/article/dreaming-green

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46

4. Le podcast de Touk Touk : une expérience avec ou sans le magazine ?

Dans mon stage, même si je n’ai pas participé à la création du podcast de Touk Touk,

j’ai pu intégrer cette rubrique lors de la refonte du site web. J’ai découvert que deux types

d’expérience utilisateur pouvaient se faire :

● Expérience 1 : l’enfant lit le texte du magazine en même temps qu’il écoute l’histoire audio.

● Expérience 2 : l’enfant écoute simplement l’histoire audio, sans avoir besoin de consulter le

magazine papier.

Dans le premier cas, l’offre numérique est reliée au contenu imprimé. La dimension narrative

combine donc à la fois le texte et l’audio. Par exemple, l’histoire Escapade sur l’île d’Yeu,

écrite par Ambre Pineda et illustrée par Jera Kim a été publiée dans le numéro 8 de Touk

Touk (Vendée / Cambodge). L’inclusion d’un QR code à côté du titre s’est donc révélée être

intéressante pour faciliter la démarche ; accéder à un lien en quelques secondes demanderait

moins d’efforts que se rendre sur le site web de Touk Touk.

Figure 12 : Le QR code de l’histoire Escapade sur l’île d’Yeu mène vers le podcast sur le site web

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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Cependant, il est important de préciser que toutes les histoires n’ont pas forcément un lien

avec le magazine papier. Par exemple, Le réveillon de Mei, Quand je serai Roi et Pâques en

Bulgarie : Vive les batailles d’oeufs ! ont été créés spécialement pour être des ressources

audio sans publication papier. De même, les histoires audio liées au magazine Touk Touk

n’ont pas besoin d’être lues. C’est pourquoi la deuxième expérience d’utilisation est plus

répandue : le podcast de Touk Touk est un média à part entière, car il peut être consulté

indépendamment du magazine papier.

Ainsi, l’expérience sur la dimension narrative est différente : l’enfant peut se concentrer

uniquement sur son ouïe. Il peut fermer les yeux ou s’allonger, ce qui favorise l’immersion. Il

peut également se promener ou faire d’autres activités, ce qui serait plus difficile lors de la

lecture sur un support textuel.

En plus de l’interprétation théâtrale, nous retrouvons des bruitages et une ambiance musicale

qui nous immerge dans l’univers fictif. Par exemple, dans l’histoire Escapade sur l’île d’Yeu,

lorsque le narrateur annonce : “Papa et les enfants attrapent les vélos”, une pause de

quelques secondes laisse entendre des sonnettes de vélo. Puis, en continuant la phrase “[...]

posés sur le sable, et traversent la plage. C’est une drôle d’expérience de rouler face au vent

!”, se déclenche le bruit du vent accompagné des vélos qui roulent. Ainsi, il y a non seulement

une intention par l’édition de faciliter la compréhension orale pour les 3-7 ans, mais aussi de

faire apprécier les spécificités des histoires audio qui ne peuvent être reproduites par un

support papier.

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

48

B. Le renforcement de la dimension ludo-éducative

Cette partie rassemble deux dimensions : la dimension ludique et la dimension

éducative. Effectivement, lors de mon étude du corpus, je me suis aperçue que ces deux

sections étaient souvent liées. Cette particularité du magazine jeunesse attire le public.

Désormais, le numérique se révèle être un fort procédé pour renforcer cette hybridation.

Si l’on retourne à l’historique de la presse, le Journal d’Éducation (1768) a été le pionnier des

magazines jeunesse à visée uniquement pédagogique ; cependant, cette démarche a été

abandonnée en 1904. Les éditeurs ont opté pour une logique distractive afin d’attirer plus

de lecteurs59. Les bandes dessinées commencent à apparaître dans les magazines jeunesse,

telles que Le Petit Illustré. La France se distingue notamment d’autres pays comme les États-

Unis, puisque ses BD s’adressent avant tout à une clientèle juvénile60. Or, la presse distractive

a connu un déclin après les années soixante, ce qui a poussé les éditeurs comme Disney

Hachette Presse à influencer une démarche plus éducative. De plus, avec la popularisation

des jeux vidéos et de la télévision, qui étaient surtout dans la dimension ludique, le magazine

jeunesse avait un intérêt à se démarquer en développant sa logique éducative61.

Désormais, avec Internet et les réseaux sociaux, les éditions se sentent encore plus dans le

besoin de créer, en plus de l’imprimé, des produits numériques mêlant divertissement et

pédagogie. Mais on pourrait se demander : la dimension ludique ne serait-elle pas au service

de la dimension éducative ? En effet, c’est par des contenus à l’apparence distractive et

ludiques que les éditions pourraient propulser leur finalité principale : donner envie

d’apprendre.

C’est justement cette finalité qui donne toute sa notoriété aux éditions de magazines

jeunesse. Selon le site de La Presse Jeunesse, plus de 25 titres français peuvent être classés

dans cette catégorie : c’est donc le segment le plus important du marché62. Il se pourrait que

la dimension pédagogique attire surtout les parents, qui sont avant tout les acheteurs du

magazine, et la dimension ludique séduit surtout les plus jeunes.

59 La Presse Jeunesse. (s. d.). La Presse Jeunesse. https://www.lapressejeunesse.fr/ 60 Gaumer, P. (2020-2021). La Bande dessinée sur le territoire francophone européen. Le Mans Université. 61 Charon, J. (2002). La presse des jeunes. Paris: La Découverte. https://doi.org/10.3917/dec.charo.2002.01 62 La Presse Jeunesse. (s. d.). La Presse Jeunesse. https://www.lapressejeunesse.fr/

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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1. Des plateformes accessibles pour satisfaire la curiosité des enfants

Dans cette partie, nous découvrons les apports des plateformes web en plus des

magazines imprimés. Par définition, une plateforme Internet est “l’espace par lequel transite

l’ensemble des informations ou des services”63. Les possibilités sont donc multiples quant à la

diffusion des informations : des articles, mais aussi des jeux, des vidéos et des fichiers peuvent

s’inclure. Ces documents numériques perdurent avec la technologie ; Marie-Anne Chabin

mentionne l’engagement du lecteur “à naviguer, à sélectionner, à comparer, à recomposer, à

construire « sa » source d'information”64. Même si cela peut engendrer des risques “par un

excès d’opérations successives”, il n’empêche que la multiplicité des sources a pour enjeu de

laisser un parcours plus libre à l’internaute, et d’enrichir ses connaissances en plus du

magazine imprimé qui a une délimitation fixe.

L’idée d’un webmagazine aux articles enrichissants : le cas de Geek Junior et de

Wow! News

Figure 13 : Page d’accueil du site web de Geek Junior65

Dans les résultats de recherche pour Geek Junior, le titre affiche : “Le webmag des ados

connectés”. Après discussion avec Christophe Coquis, j’ai appris que cette plateforme était

plutôt considérée comme un “site web d’information”, terme qui serait plus employé par le

63 Lexing. (02/03/2017). Plateforme en ligne : la consécration d’une définition légale.https://www.alain-bensoussan.com/avocats/plateforme-en-ligne-definition/2017/03/02/ 64 Chabin, M.-A. (2004). Document trace et document source. La technologie numérique change-t-elle la notion de document ? Revue I3 - Information Interaction Intelligence, Cépaduès, 4 (1). https://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00001020/document 65 Geek Junior. https://www.geekjunior.fr

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

50

grand public. Toutefois, la publication des articles et l’approche stylistique le fait ressembler

à un magazine en ligne : Geek Junior était uniquement sous forme de site, en 2015, avant la

création du magazine imprimé en mai 2020.

Le menu du site nous montre déjà les dimensions principales de Geek Junior : il y a surtout

une approche informationnelle, grâce à l’actualité, les recommandations d’applications et de

jeux vidéo, mais aussi des tutoriels pour apprendre le monde numérique en détail. Christophe

Coquis fait la distinction entre le magazine imprimé et le site web de Geek Junior : bien qu’ils

aient la même finalité (celle de développer la culture numérique des adolescents), les articles

web seraient généralement plus courts, avec l’ajout de thématiques plutôt liées au secteur

du divertissement : “[...] sur le site web, on va parler parfois de mangas, de séries télé, ce qui

n'est pas forcément le cas sur le magazine”.

Or, le site web vise également à faire découvrir de nouveaux outils numériques grâce à des

conseils et des tutoriels. Par exemple, l’article “Apprendre à coder : Ma première page web

en HTML” guide le lecteur dans l’apprentissage du code, avec l’ajout d’images et de schémas

pour faciliter la compréhension.

Cela nous montre que le site web vise à faire “développer la créativité autour du numérique”

tout en restant dans un style abordable et léger, “pour qu’ils n’aient pas l’impression que ce

soit un contenu trop éducatif”. Cependant, le magazine imprimé viendrait renforcer la

dimension pédagogique en proposant des contenus plus détaillés sur l’aspect numérique.

Ensuite, le site web propose des hyperliens : en cliquant dessus, il est possible d’accéder à un

autre contenu, que ce soit sur la même plateforme ou un site externe. Cela est utile pour

supporter l’intention de Geek Junior : en s’apercevant que les adolescents connaissaient

encore peu d’applications, Christophe Coquis souhaite leur faire découvrir de nouveaux

outils pour les aider à mieux maîtriser leur vie numérique. Ces outils sont externes à Geek

Junior et nécessitent donc des liens pour faciliter l’accès.

Nous constatons alors que la plateforme web de Geek Junior suit une approche différente

du magazine imprimé ; avec des articles plus courts et instantanés, Christophe Coquis

souhaite cibler une population plus large, en incluant les jeunes adultes, les parents et les

personnes souhaitant faire une veille. Quant au magazine imprimé, il a été conçu

spécialement pour les collégiens de 10 à 15 ans. Toutefois, le site web convient également à

cette tranche d’âge : des liens pour la réalité augmentée (accessibles avec l’application

ARGOplay) ont été ajoutés sur la publication imprimée, afin de leur permettre de visiter

rapidement les articles web de Geek Junior. Christophe Coquis souhaite améliorer

l’expérience utilisateur en proposant des QR code, une méthode actuellement répandue, pour

accéder aux contenus en réalité augmentée.

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Figure 14 : Présentation de la réalité augmentée sur la première page de Geek Junior (nº 14)

Figure 15 : Double-page de Geek Junior (nº 13) présentant 2 pictogrammes ARGOplay

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Par conséquent, nous pouvons déduire que les ressources web viennent enrichir le magazine

imprimé, et vice-versa. Avec 11 numéros par an, les contenus imprimés sont plus structurés et

intemporels comme le mentionne Christophe Coquis. Les lecteurs ont donc une vision plus

globale sur la culture numérique, tandis que les articles web ont une approche plus centrée

sur l’actualité. Ainsi, l’édition de Geek Junior les publie de manière plus instantanée.

La publication à visée informationnelle est également le cas de WoW! News. Tout d’abord,

l’intention initiale du rédacteur en chef Alastair Macdonald a été de créer une application

d’actualités positives pour les enfants. Pour l’instant, un site web WoW! News a été créé

comme plateforme d’expérimentation, et le magazine imprimé est sorti en fin 2020. Alastair

Macdonald compte éventuellement lancer son application en automne 2021.

L’intégration de la dimension informative et pédagogique est bien présente ; or, plutôt qu’un

renforcement du magazine papier, ce serait plutôt l’inverse : le magazine papier, par sa

création ultérieure, viendrait renforcer les publications web.

Figure 16 : Interface du site web de WoW! News (rubrique des Infos Positives)66

Pour WoW! News, dont la finalité est de faire découvrir l’actualité sous un angle positif,

Alastair Macdonald explique également l’importance de fournir des sources : “[il y a] plus

de profondeur sur les sujets”. Effectivement, pour des personnes qui souhaitent mieux

comprendre l’actualité, l’acquisition de diverses ressources est importante : “il y a la possibilité

d’aller regarder les articles d’autres médias, des sites web de personnes concernées”. Alastair

Macdonald précise que cette initiative est appréciée par les parents, qui souhaitent savoir

66 WoW! News. https://wow-news.eu/fr/accueil/

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comment l’actualité a été trouvée. Cela justifie donc l’apport d’un dispositif publié sur le web,

qui se traduit par une toile d’araignée mondiale, riche en informations.

Un autre apport sur la dimension pédagogique est l’inclusion d’outils multimédia, tels que

les vidéos et les podcasts. Par exemple, l’équipe de WoW! News a publié une série de

podcasts accompagnés de transcriptions, pour montrer 4 jeunes acteurs du changement

(Young Changemaker). La présentation de héros et d’héroïnes est également une

thématique importante en sachant que l’intention de WoW! News est d’inspirer la jeune

génération à trouver des solutions aux problèmes d’actualité.

L’apport interactif viendra avec la future application de Wow! News : des éléments ludiques

seront proposés tels que des quiz, pour que l’enfant puisse tester ses connaissances. Ainsi, le

jeu se destine à faire apprécier l’actualité mais sa finalité principale réside dans la

pédagogie. Les quiz peuvent également se présenter sur le magazine papier, mais le

numérique permet un feedback (un retour sur l’expérience) plus instantané ; alors que la

version imprimée montre les réponses en bas de la page ou sur une rubrique de solution des

jeux, l’application peut directement montrer si l’enfant a eu la bonne réponse après son choix.

De même que pour Geek Junior, le magazine Wow! News et ses ressources numériques sont

perçues comme des “offres combinées”. Pour Alastair Macdonald, le magazine imprimé a

une finalité de lecture en autonomie : “c’est quelque chose que l’on peut prendre et lire

tranquillement dans sa chambre”. Or l’application renforce la dimension ludo-éducative par

“des infos hebdomadaires sur smartphone ou tablette”, plus instantanées que la publication

trimestrielle. De plus, le divertissement se renforce par le partage d’informations avec les

parents ; en effet, Alastair Macdonald souhaite stimuler la discussion grâce aux éléments

ludiques. La dimension sociale est au service de la dimension ludo-éducative, pour permettre

une expérience enrichissante.

Enfin, l’inclusion des vidéos est importante pour une plateforme d’information. Pour Geek

Junior, Christophe Coquis cite que l’apport d’objets multimédia tels que des vidéos, des

images et des sons rend un contenu beaucoup plus enrichissant. En effet, le multimédia

permettrait de saisir un contexte plus global, faisant appel à plusieurs sens, et faciliterait

donc l’apprentissage.

Contrairement aux autres magazines de mon corpus, Geek Junior et WoW! News avaient

pour finalité première de concevoir un média numérique, avant d’inclure la publication

imprimée. Ainsi, le magazine viendrait enrichir ces ressources numériques par sa qualité de

pédagogie plus profonde, car son rythme de périodicité est plus lent que celui des articles

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web. Les plateformes numériques de Geek Junior et de Wow! News souhaitent offrir des

contenus avec un renforcement plus appuyé sur le divertissement, tout en restant sur leur

intention éducative.

Un répertoire encyclopédique : le cas du Journal de Mickey et de National Geographic

Kids

Pour fortifier les valeurs pédagogiques du magazine, certaines éditions de presse publient

des ressources web de type encyclopédique. C’est le cas du Journal de Mickey et de National

Geographic Kids.

Le Journal de Mickey a une rubrique web nommée Dico Disney : comme son nom l’indique, il

s’agit d’un dictionnaire centré sur la culture de Disney. En quoi cela apporterait-il plus de

connaissances par rapport au magazine imprimé, qui contient également des pages

informatives sur cette thématique ? Le sous-titre de la rubrique nous apporte peut-être la

réponse : “Films, séries, personnages, magazines...Toutes les infos Disney réunies au même

endroit”. Ainsi, cette volonté de réunir les sources “au même endroit” transforme une partie

du site web en un répertoire. L’enfant peut aussi filtrer sa recherche pour accéder

directement à l’article : l’expérience à dimension ergonomique vient aider la dimension

informative. Certes, la dimension ludique n’est pas vraiment présente ; l’enfant ne joue pas

en naviguant sur les articles web. Or, nous voyons que les rédacteurs ont conçu des

informations assez courtes, avec en dessous une image de Donald Duck et une bulle “Le

savais-tu ?”.

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Figure 17 : Article web des 101 Dalmatiens dans le Dico Disney du site du Journal de Mickey67

Cette approche de conception viserait à favoriser les connaissances sur la culture de la bande

dessinée et du cinéma, tout en minimisant l’aspect trop institutionnel. Il en va de même pour

National Geographic Kids, qui a conçu son site spécialement pour créer un répertoire à la

fois ludique et informatif.

Figure 18 : Page d’accueil de National Geographic Kids68

67 Les 101 Dalmatiens, le film. (s. d.). Le Journal de Mickey. https://www.journaldemickey.com/dico-disney/les-101-dalmatiens 68 National Geographic Kids. https://kids.nationalgeographic.com/

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La motivation d’apporter des contenus ludo-éducatifs, en plus du magazine imprimé, se

constate déjà par le menu : “Games” (Jeux), “Videos”, “Animals” et “Explore more” (Explorez

plus) sont les quatre premiers éléments, devançant “Subscribe” (Abonnez-vous), incitant à

l’abonnement du magazine. De ce fait, l’intention du site de National Geographic Kids est

d’en faire un répertoire à part entière : avec à la fois des vidéos documentaires et des articles

de type encyclopédique pour renforcer la dimension éducative, et des jeux pour renforcer la

dimension ludique.

Ce répertoire évolutif est un apport qu’il serait difficile de produire sur un magazine imprimé.

Tout d’abord, ce dernier est un ouvrage délimité par des pages et des couvertures ; il faut

choisir les textes à implémenter et en supprimer d’autres. Le répertoire numérique peut

contenir plus de ressources, et donc enrichir les connaissances de l’enfant. Deuxièmement,

alors qu’une publication papier se feuillette, le répertoire numérique permet une recherche

plus ciblée. L’architecture du site de National Geographic Kids présente diverses rubriques

organisées dans le menu. Le Dico Disney, quant à lui, propose une recherche par ordre

alphabétique, par film, ou alors en tapant une requête dans la barre de recherche. Dans ce

cas, l’enfant a plus de liberté quant au contenu qu’il souhaite apprendre, puisqu’une

multitude de choix lui sont donnés. Ces publications viennent donc enrichir la dimension ludo-

éducative de l’expérience utilisateur, valeur importante du magazine imprimé.

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2. Les jeux numériques : le renforcement de la stimulation mentale et ludique

De même que pour les adaptations audiovisuelles du texte narratif, plusieurs éditions de

presse jeunesse disposent de jeux vidéo mettant en scène les personnages présents sur le

magazine. Par exemple, le Journal de Mickey présente Donald Duck et Mickey Mouse sur les

jeux du web comme “Les puzzles” ou “Les 7 différences”. Pour Bayam, la dimension immersive

se met au service de la dimension ludique : dans certains jeux, l’enfant n’est pas en dehors

de la scène ; au contraire, il joue avec les personnages au sein de leur univers.

Par exemple, dans “C’est la Bataille”, l’enfant joue aux cartes avec le petit âne Ariol comme

adversaire. Ce jeu serait difficilement reproductible sur un magazine imprimé. En effet, grâce

à l’interactivité, il est possible d’appuyer sur l’écran lorsque deux cartes similaires et

aléatoires sont mises ensemble. De plus, il y a automatiquement un compteur de points. Une

inscription finale lui indique s’il a gagné ou perdu. Alors que pour J’aime lire, la bande

dessinée d’Ariol vise une dimension purement narrative, il peut désormais jouer avec lui sur

le support numérique. Cette activité ludique fait également travailler le sens du réflexe. Enfin,

cela permet à l’enfant d'interagir avec le personnage Ariol.

Figure 19 : Jeu C’est la Bataille ! avec le personnage Ariol, disponible sur Bayam

Renforcer son sens de la déduction grâce aux Enquêtes interactives de Super-Ouaf : le

cas de Toboggan

Toboggan est un magazine de Milan Presse, destiné aux enfants de 6 à 8 ans. Son intention

est de rassurer l’enfant durant ses premières années de primaire, de l’accompagner dans

l’apprentissage de la lecture, mais aussi de lui proposer des jeux mentalement stimulants. Le

magazine a donc des objectifs variés : de la narration en passant par la dimension ludique

ainsi que la pédagogie (avec des documentaires dessinés). Chaque numéro contient les héros

principaux de Toboggan, tels que le chien Super-Ouaf et la créature Avni.

Les enquêtes de Super-Ouaf du magazine Toboggan renforcent la dimension ludo-

éducative grâce à l’interactivité. Sur la version imprimée, ces enquêtes se présentent sur des

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doubles-pages incluant des mini-jeux qui vont permettre de trouver le personnage coupable.

Selon le texte descriptif du site web, cette rubrique incite le jeune lecteur à exercer “son sens

de l’observation et de la déduction”69 en compagnie du chien détective Super-Ouaf.

Figure 20 : Double-page du magazine Toboggan, présentant les mini-jeux

pour les enquêtes de Super-Ouaf

Or, la version interactive des enquêtes de Super-Ouaf est construite différemment : à la

place des mini-jeux imprimés qui ont un parcours plutôt linéaire, le jeu numérique permet à

l’enfant de cliquer sur le personnage de son choix, dans son ordre de préférence. Il peut

également cliquer sur un objet présentant l’indice.

69 Les rubriques. (s.d.). Toboggan. https://www.toboggan-magazine.com/magazine/les-rubriques

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Figure 21 : Les enquêtes interactives de Super-Ouaf sur le site Toboggan70

De plus, l’enquête est affichée en mode audiovisuel. Nous avons donc un aperçu plus détaillé

des personnages suspects concernant leur voix, intonation et gestes. Puisque le texte n’est

pas affiché, l’enfant doit donc se concentrer sur la partie auditive et il peut réécouter

plusieurs fois en cliquant à nouveau sur le personnage. Suite à cela, lorsque le coupable a

été trouvé, il est possible de cliquer sur une icône de carnet en bas de l’écran.

Par conséquent, l’expérience de jeu diffère de celle de la version imprimée : l’enfant doit

surtout écouter alors que le magazine papier propose des labyrinthes et des rébus pour

trouver les indices. Axel Planté-Bordeneuve explique cette distinction de l’expérience

utilisateur entre l’imprimé et le numérique : le magazine papier propose des jeux classiques,

avec pour finalité de renforcer l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. C’est pourquoi

le stylo et la feuille sont importants sur cet aspect-là. Or pour la version web, la finalité est

d’enseigner l’utilisation de dispositifs numériques. De ce fait, il est nécessaire que l’enfant

puisse cliquer, se repérer dans une scène et trouver des informations.

Avec une interface interactive, facilement accessible et rejouable, la dimension ergonomique

s’ajoute. Il est également important de préciser que les enquêtes sont constituées de vidéos

70 Les enquêtes de Super-Ouaf. (s. d.). Toboggan. https://www.toboggan-magazine.com/super-ouaf/les-enquetes-de-super-ouaf

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60

; la dimension narrative pourrait également s’ajouter, car les histoires des suspects sont plus

mises en valeur : il est nécessaire d’écouter les personnages pour trouver la solution. Suite à

cela, un mini-jeu est proposé, tel que Le puzzle de La Puce. Contrairement à l’enquête papier,

ce dernier jeu vient compléter la grande enquête et n’est pas la partie centrale.

Quant aux autres jeux proposés par le site web, certains pourraient être facilement

reproduits sur un magazine papier, comme Le jeu des 7 différences. Cependant, l’enjeu

stimulant est privilégié, puisque le système comptabilise le score ; au bout de 3 erreurs,

l’enfant doit recommencer la partie. De plus, une fois que les différences ont été trouvées,

l’enfant peut rejouer chaque fois avec une nouvelle variante, contrairement au magazine

papier où il devra attendre le prochain magazine. Le potentiel de rejouabilité est donc

augmenté.

En somme, les enquêtes interactives de Super-Ouaf renforcent la dimension ludo-éducative,

mais d’une différente façon que le magazine papier. En effet, Axel Planté-Bordeneuve cite

qu’il est important de proposer des contenus différents entre la version imprimée et le

numérique. Ainsi, Toboggan renforce l’expérience utilisateur en diversifiant son approche de

création. Pour un magazine dont l’ambition est de valoriser les enfants de 6 à 8 ans dans

leur parcours, c’est surtout par le jeu que le plaisir d’apprendre se développe. Axel Planté-

Bordeneuve explique la raison pour laquelle les contenus numériques ont été créés : l’enjeu

est aussi de proposer des contenus interactifs aux enfants plus jeunes, qui sont encore en

apprentissage de la lecture. En effet, nous voyons que les jeux interactifs n’ont pas forcément

une finalité de lecture, ce qui les rend accessibles à un public plus large d’enfants.

Ainsi, le magazine Toboggan démontre qu’il est possible d’intégrer des contenus aux mêmes

finalités, mais avec une conception d’expérience utilisateur différente. Dans le cas du papier

comme du web, l’enfant acquiert des compétences en réflexion et en logique tout en

s’amusant.

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3. Les QR codes de Touk Touk : de la lecture du magazine aux enrichissements

numériques et ludo-éducatifs

Le magazine Touk Touk intègre plusieurs QR codes au fil de ses pages. Le numéro 7

(Pyrénées-Orientales / Portugal) en contient 5. Le numéro 8 (Vendée / Cambodge) en a 4.

Par définition, le QR code est “un dispositif qui permet le passage de l’espace figé de l’écrit

à l’espace ouvert du numérique”71. C’est donc un outil de transition, ayant la capacité de relier

le magazine et la ressource web. L’usage peut renforcer la dimension éducative, selon l’étude

de Gaëtan Temperman, Stéphanie Montagne, Bruno de Lièvre et Karim Boumazguida :

en faisant une analyse sur les usages de QR codes dans un manuel scolaire augmenté, ils

ont conclu que les élèves ont surtout fait appel aux prompts pour les questions difficiles. Il y

aurait donc “un lien entre l’usage des prompts et le niveau de complexité des questions perçu

par les élèves”. Dans ce cas, les QR codes apportent une information supplémentaire, lorsque

le contenu papier ne le permet pas.

De plus, l’étude ajoute que les prompts ont permis “une meilleure contrôlabilité de la tâche”,

ce qui motive les apprenants à s’engager dans leur apprentissage. En effet, le choix est

important : certains enfants ont besoin de scanner le QR code, d’autres non. Cette liberté de

parcours laisse un sentiment d’autonomie recherché par l’utilisateur. Pour Touk Touk, il est

intéressant de comprendre comment les QR codes invitent l’enfant à obtenir des

informations supplémentaires, pour un enjeu ludo-éducatif.

Les Loisirs Créatifs : des activités sous le format d’articles web et de documents PDF

Touk Touk propose des activités sur la rubrique web Loisirs Créatifs. Ces contenus ont

souvent un lien avec le magazine, d’où le fait que ce dernier affiche des QR codes dans ses

pages : l’utilisateur doit les scanner pour parvenir à des articles web avec un document PDF

à télécharger. Toutefois, il est également possible de se rendre directement sur le site,

indépendamment du magazine.

Les recettes, les bricolages, les jeux et le yoga sont des activités relatives au divertissement,

au bien-être et à la créativité. En même temps, les valeurs de ces activités ont donc un lien

fort avec l’apprentissage des cultures de la France et du monde. De plus, nous voyons un

renforcement du savoir-faire manuel.

71 Temperman, G., Montagne, S., Lièvre, B. d., & Boumazguida, K. (2018). Analyse des usages d’aides par QR codes et de leurs effets dans un manuel scolaire augmenté. Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Éducation et la Formation, 25(1), 151–168. https://doi.org/10.3406/stice.2018.1759

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62

Dans mon stage chez Hippopo Éditions, j’ai travaillé sur les maquettes du magazine, mais

aussi sur les documents PDF publiés sur le site web. L’exemple ci-dessous montre une double-

page du numéro 7 (Portugal / Pyrénées-Orientales) sur le thème de la cerise :

Figure 22 : Double-page présentant la cerise pour le magazine Touk Touk

(nº7 : Pyrénées-Orientales / Portugal)

Le but de cette double-page était surtout de montrer le cycle de vie du cerisier, mais aussi

d’inclure un ou deux mini-jeux, une section d’information supplémentaire nommée “Le sais-tu

?”, et un quiz. Florie Deswaziere m’a dit qu’une recette de clafoutis serait à envisager pour

cette thématique : or, étant donné qu’elle prendrait beaucoup de place, il serait peut-être

plus adéquat de la présenter comme ressource supplémentaire. C’est pourquoi l’insertion d’un

QR code s’est avérée avantageuse : le message pédagogique et théorique sur la cerise n’a

pas eu besoin d’être rétrécie. Il n’y avait pas non plus besoin de réduire l’espace, qui aurait

rendu le design difficile à apprécier, avec une expérience plus difficile de lecture. Un QR

code a donc été inséré en bas de la double-page. Le texte incite à rejoindre le groupe

Facebook de Touk Touk, étant donné que le nouveau site n’était pas encore disponible lors

de la conception du numéro Pyrénées-Orientales / Portugal.

Dans la conception graphique, la place du QR code incite à des réflexions : où serait-il plus

convenable de le placer ? Comment le rendre assez visible, sans pour autant perturber la

lecture ? En effet, le fichier PDF n’est pas indispensable puisqu’il s’agit d’une ressource

supplémentaire. Cependant, il est important de le mettre en évidence pour le lecteur. J’ai

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63

donc placé le QR code en dessous de l’encadré rouge “La cerise sur le gâteau !”. Le quiz

demande à l’enfant ce que signifie cette expression, avec trois choix possibles. Il y aurait

donc une cohérence avec le terme gâteau, puisque le QR code donne accès à la recette du

clafoutis. Ainsi, nous pouvons faire une distinction entre le contenu ludo-éducatif du

magazine imprimé, qui incite à la lecture et aux jeux sur papier, et le document PDF du site

qui vise à l’action (en l'occurrence, l’élaboration de la recette du clafoutis).

Figure 23 : Le PDF de la recette du clafoutis se trouve dans les Loisirs Créatifs

du site de Touk Touk72

Sur les autres exemples de pages, nous pouvons voir comment les QR codes sont mis en

évidence. Dans le magazine imprimé, la rubrique des Bricolages nécessite souvent des liens

supplémentaires car des étapes complexes sont requises. Par exemple, dans le bricolage des

Sardines de Lisbonne, la première étape consiste à fabriquer la pâte à sel ; le QR code a

été mis à côté du texte pour accéder plus facilement à la recette sur le site. Pour le bricolage

du théâtre d’ombres Khmer, l’étape 3 nécessitait un QR code ; pour faciliter la construction

des marionnettes, Touk Touk a mis à disposition un fichier contenant les silhouettes des

danseurs et danseuses cambodgiens, ainsi que d’un éléphant et du buffle. L’objectif est

72 Les loisirs créatifs Touk Touk. Touk Touk. https://www.touk-touk.com/loisirs-creatifs/

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

64

d’imprimer le document pour ensuite dessiner les contours sur une feuille noire, avant de

découper les marionnettes.

Nous pourrions nous demander si les QR codes sont nécessaires pour renforcer l’expérience

utilisateur. Ils servent surtout à rendre les ressources plus accessibles : scanner le code avec

le téléphone permet d’entrer directement sur le contenu souhaité, sans la nécessité de devoir

entrer le nom du site web Touk Touk. Ensuite, il aurait été difficile d’inclure les figures de

silhouettes dans le magazine imprimé ; ce dernier a une délimitation de 42 pages et sa taille

est de 210 x 240 millimètres. En revanche, les ressources PDF des marionnettes font trois

pages avec un format A4. L’insertion des QR codes peut donc également faciliter l’approche

éditoriale, mais aussi donner plus de visibilité au site web, en tant que plateforme à part

entière : la rubrique des Loisirs Créatifs contient d’autres activités qui peuvent également

intéresser le lecteur.

Nous pourrions donc dire que cet espace numérique de Touk Touk incite plutôt aux activités

ludo-éducatives avec les rubriques suivantes : Bricolage / Expériences, Recettes, Jeux, Yoga

/ Pilates ; tandis que le magazine imprimé se focalise plutôt sur la lecture ludo-éducative.

En combinant ces deux offres, le lecteur aurait une expérience plus active, dans le cas où il

s’engage dans ces loisirs créatifs. De plus, nous remarquons que ces contenus servent de

suppléments au magazine imprimé : dû à la délimitation de ce dernier par le nombre restreint

de pages, le web se révèle être un moyen d’enrichir la dimension ludo-pédagogique en

incitant à l’action.

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

65

Les documentaires animaliers enrichis avec la dimension sonore

À chaque numéro de Touk Touk, un animal spécifique à la région ou au pays est présenté

sur une double-page, en respectant la charte graphique. En plus de la partie textuelle et

illustrée, l’enfant peut scanner un QR code pour écouter le cri de l’animal.

Figure 24 : Maquette de Touk Touk (nº8 : Vendée / Cambodge) sur le buffle d’eau

J’ai participé à la maquette et la rédaction pour le buffle d’eau, un animal répandu au

Cambodge et présenté dans le numéro 8 (Vendée / Cambodge). Sur la première page, un

QR code a été intégré avec l’instruction : “Pour écouter le cri du buffle d’eau, passe l’appareil

photo de ton téléphone sur le QR code”. Concernant le magazine imprimé, je constate qu’il

est important de mettre une consigne : premièrement, cela permet à l’utilisateur de savoir

sur quel contenu il va atterrir. Ensuite, même si la technique du QR code se popularise dans

la conception des éditions de presse, elle ne s’étend pas pour tous les magazines ; il est donc

pertinent de guider le lecteur dans sa démarche.

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

66

Figure 25 : Vidéo sur le cri du buffle d’eau, publiée par Touk Touk sur YouTube73

En utilisant le QR code, l’utilisateur découvre une vidéo sur YouTube ; comme mentionné sur

le magazine imprimé, le cri du buffle d’eau apparaît pendant une trentaine de secondes. Des

images et une vidéo apparaissent également pour montrer la vie de l’animal. Par conséquent,

l’enfant peut découvrir la biodiversité sous plusieurs angles ; écouter le cri de l’animal peut

être informatif et divertissant.

Avec Touk Touk, nous constatons que les ressources web sont complémentaires au magazine,

d’où la nécessité d’intégrer des QR codes. Dans la plupart des cas, comme le cri d’un animal

ou la recette du clafoutis, il n’est pas essentiel de scanner le code ; le magazine imprimé peut

se lire indépendamment du numérique. Or, pour la rubrique du bricolage, il est parfois

indispensable d’obtenir les ressources, comme pour le théâtre d’ombres Khmer, afin de

réaliser les étapes comme l’indiquent les consignes. Le QR code s’affirme donc comme un

outil à visée ergonomique pour mener à bien la destination vers les ressources ludo-

éducatives.

73 Touk Touk. (2021, 12 mai). Le cri du buffle d’eau. YouTube. https://www.youtube.com/watch?v=0mM2j8lVYio

Page 69: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

67

C. Les dimensions secondaires et leurs apports sur l’expérience

utilisateur

Dans mon corpus, j’ai constaté que les dimensions narratives et ludo-éducatives

étaient souvent les finalités principales des éditions ; celles-ci sont motivées à l’idée

d’apporter des ressources numériques pour enrichir l’expérience des enfants en plus de la

lecture sur papier.

Pourtant, j’ai également mentionné la dimension sociale, créative et ergonomique : dans

certains cas, elles se mettent au service de la narration ou de l’apprentissage ludique.

Cette partie vise à démontrer le renforcement de ces dimensions secondaires, toutes aussi

importantes pour la réflexion sur l’expérience utilisateur.

1. La dimension sociale et créative : une offre pour toute la famille

Suite à mes recherches, j’ai découvert que la dimension sociale serait renforcée dans

certains cas : la ressource numérique permettrait à l’enfant de faciliter ses contacts sociaux.

Tel est l’enjeu de certains éditeurs ayant pour défi de créer un produit convenant non

seulement aux enfants, mais aussi aux adultes. En outre, la dimension sociale s’intègre

souvent avec la dimension créative ; c’est pourquoi j’ai préféré les assimiler dans cette même

partie. En compagnie de ses proches, l’enfant s'engage dans des activités faisant appel à

l’imagination, l’ouverture d’esprit et le savoir-faire manuel.

L’utilisation des écrans à plusieurs pour favoriser la discussion

Dans une première réflexion, l’idée qu’un produit numérique puisse inciter à la sociabilité

n’est pas courante. Il reste la crainte d’isoler l’enfant devant l’écran, comme le précise Olivier

Jughon pour son magazine Mini-Schools : “On a eu une grande explication pédagogique à

faire, en expliquant aux parents qu’il ne s’agissait pas de les mettre devant des vidéos qui

vont durer des heures. Les vidéos qu’on a à l’intérieur du magazine durent entre 1 et 2

minutes.” En effet, une surexposition aux nouvelles technologies est néfaste, comme l’a

démontré Sherry Turkle dans son livre Alone Together : en partie parce qu’elle crée une

illusion de la connexion constante, ce qui affecte en retour nos relations dans le monde réel74.

Or, ce n’est pas forcément le cas quand un dispositif est utilisé par plusieurs personnes. C’est

l’observation que Sherry Turkle porte sur la télévision : elle peut isoler une famille, ou bien

74 Turkle, S. (2011). Alone Together: Why We Expect More from Technology and Less from Each Other. Basic Books.

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

68

la rapprocher lorsqu’elle est utilisée de manière avantageuse, afin d’établir des contacts

sociaux75.

Pour le magazine en réalité augmentée Mini-Schools, le parent est censé guider l’enfant

dans ses premières utilisations. La possibilité d’interaction sociale est possible et même

encouragée avec l’utilisation du dispositif : par exemple, l’enfant peut scanner le magazine

et montrer à ses proches les contenus audiovisuels sur l’écran.

Pour la future application de Wow! News, Alastair Macdonald vise surtout une utilisation

partagée entre l’enfant et le parent. Selon lui, le magazine imprimé est édité de manière à

renforcer la lecture solitaire ; la publication numérique, par ses atouts d’interactivité, mise

sur la conversation. C’est pourquoi Alastair Macdonald souligne la finalité de partage :

“[L’application] est conçue pour être une expérience de 15 minutes environ [...] c’est un

moment partagé avec les parents”. Les quiz intégrés, à dimension ludo-éducative, sont

également “des moments de partage où on peut comparer les réactions du parent et de

l’enfant”. Ainsi, le parent peut mieux comprendre la relation de son enfant face à

l’actualité, et vice-versa.

Effectivement, il est primordial de constater l’influence que les médias ont sur notre

perception du monde : pour un enfant de sept ans qui commence à s'intéresser à l’actualité,

il peut parfois être décourageant de voir des publications constantes présentées sous un

angle négatif. Par les recherches d’enseignants et de pédopsychiatres, l’édition de WoW!

News a fait le constat d’une inquiétude croissante chez la jeune génération. Alastair

Macdonald justifie sa mission : “Et donc est né une volonté de rééquilibrer cette vision du

monde qui est très négative pour des enfants”, en clarifiant que les adultes ont également

ce rôle de transmission de nouvelles. En conséquence, si l’enjeu du parent est d’augmenter la

confiance de l’enfant sur l’apport de solutions aux problèmes , Wow! News correspond à ce

besoin ; les conversations peuvent se faciliter grâce à ce média informationnel.

L’application Bayam se destine également à être utilisée par plusieurs membres de la famille.

Premièrement, elle propose “jusqu’à 6 comptes enfant pour un usage en famille

(cousins/cousines, fratrie)”76. Cela se justifie par une tranche d’âge plus large (3 à 10 ans),

contrairement à un magazine imprimé tel que J’aime lire, destiné aux 7 à 10 ans (avec en

compagnie Mes premiers J’aime lire pour les 6-7 ans, et J’aime lire Max pour les 9-13 ans).

Mais aussi, l’expérience utilisateur peut se faire à plusieurs sur un seul écran, comme le cite

ce témoignage de Mamie Bea : ses petits-enfants de 2 à 7 ans se mettent “le plus souvent à

75 Turkle, S. (2015). Reclaiming Conversation: The Power of Talk in a Digital Age. Penguin Press. 76 Bayam. (s. d.). https://bayam.tv/fr/

Page 71: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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3 ou 4 autour de l’écran, ils choisissent chacun leur tour”77. Cela démontre alors un

enrichissement de la dimension sociale, alors que le magazine J’aime lire, même s’il peut aussi

être lu à plusieurs, renforce l’apprentissage et l’appréciation de la lecture en autonomie. Avec

un public plus large d’utilisateurs, Bayam souhaite rassembler les différents âges sur un seul

et même dispositif.

Plusieurs offres numériques souhaitent également apporter une expérience de créativité à

plusieurs. Par exemple, le site de Baïka met à disposition certaines pages du magazine à

télécharger, pour faire des recettes (Les tortillas du Guatemala78) ou jouer tout en

découvrant les cultures de pays différents (Masques du Gabon79). Touk Touk rassemble des

articles web contenant des fichiers PDF supplémentaires, pour favoriser le partage de loisirs

créatifs80 en famille. Parmi les jeux numériques de Toboggan, nous trouvons également des

activités créatives dont l’expérience pourrait également être renforcée en situation sociale ;

par exemple, l’activité Crée ton emploi du temps avec Avni se qualifie d’outil interactif

permettant à l’enfant de personnaliser ses horaires avec des étiquettes81 ; il peut ensuite le

télécharger et l’imprimer. L’enjeu est similaire pour Crée ton poisson d’avril avec Avni82 ; dans

un contexte social, l’enfant peut montrer sa création et inviter d’autres personnes à jouer

avec lui.

Un rapprochement à distance facilité par le web

En plus de favoriser la visibilité du magazine, les ressources web ont pour intention de

rapprocher l’édition de l’internaute. Par exemple, le Journal de Mickey propose des concours

sur son site ; cela permet aux internautes de participer de manière plus instantanée, en se

créant un compte au lieu d’envoyer une lettre par la poste.

Les dimensions sociales et créatives sont surtout renforcées dans la rubrique Participe à la

vie du journal. L’édition laisse 6 choix à l’internaute : “Pose une question”, “Poste une photo”,

“Poste une blague”, “Poste un dessin”, “Le pour ou contre”, et “Envoie une vidéo”.

77 Bayam. (s. d.). https://bayam.tv/fr/ 78 Monier, N. (s. d.). Les tortillas du Guatemala. Baïka. https://www.baika-magazine.com/2020/04/26/les-tortillas-du-guatemala/ 79 Monier, N. (s. d.). Masques du Gabon. Baïka. https://www.baika-magazine.com/2020/04/04/masques-du-gabon/ 80 Touk Touk. (s. d.). Les loisirs créatifs Touk Touk. Touk Touk. https://www.touk-touk.com/loisirs-creatifs/ 81 Crée ton emploi du temps avec Avni. Toboggan. https://www.toboggan-magazine.com/avni/emploi-du-temps-avni?cat_prov 82 Crée ton poisson d’avril avec Avni. Toboggan. https://www.toboggan-magazine.com/avni/poisson-avril-avni?cat_prov

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

70

Ainsi, l’enfant peut également avoir un rôle de contributeur, grâce au renforcement de la

dimension créative par l’incitation à envoyer des dessins, des vidéos ou des blagues. La

création de l’enfant a le potentiel d’être sélectionnée pour apparaître dans le prochain

numéro du magazine papier. Ce rapprochement implicite avec les rédacteurs lui donnerait

le rôle de spect’acteur (spectateur-acteur)83, une notion facilitée par l’ère des réseaux sociaux,

où l’on peut partager et consommer du contenu sur la même plateforme. La dimension

sociale est renforcée par cet échange, que ce soit par la créativité, le vote pour un sondage

pour ou contre, ou par l’envoi d’une question qui sera répondue par l’édition.

Le rassemblement de la dimension sociale et créative par Touk Touk

La dimension sociale est encouragée pour le magazine imprimé Touk Touk. En effet, la

tranche d’âge des 3 à 7 ans est encore dans l’apprentissage de la lecture. C’est pourquoi le

parent est souvent celui qui lit les pages, ou celui qui accompagne l’enfant dans sa

compréhension. Une interaction doit donc s’établir ; dans l’article de Raymond Hétier sur les

albums destinés à la petite enfance, on apprend que le décodage d’une histoire a besoin

d’être « extériorisé par le langage »84. Dans ce cas, le contact humain serait indispensable

pour le développement de l’enfant, y compris à travers les premières lectures. Il est également

supposé que le parent soit celui qui possède l’appareil pour accéder au lien numérique.

La rubrique du bricolage nécessite l’aide d’un parent dans plusieurs domaines :

premièrement, une étape peut requérir l’utilisation d’un four ou d’un découpage qui serait

dangereux sans la supervision d’un adulte. En l'occurrence, dans l’étape 3 des Sardines de

Lisbonne, il est demandé à un adulte de mettre les pâtes à sel au four. Bien que cette

dimension sociale soit essentielle, elle peut apporter un fort moment de partage entre

l’enfant et son parent. Par ses diverses rubriques comme les recettes, le yoga ou les

expériences scientifiques, le magazine imprimé Touk Touk vise à rapprocher la connexion

familiale.

Or pour l’utilisation du numérique, elle s’avère être un argument pour renforcer cette

dimension sociale déjà présente. L’enfant pourrait naviguer sur le site web en compagnie de

son parent pour réaliser ensemble des activités ludo-éducatives. En second lieu, le parent

peut aider l’enfant à diffuser ses créations, notamment lors des concours pour gagner un

83 Weissberg, J.-L. (1999). Retour sur interactivité. Revue des sciences de l’éducation, 25(1), 167-199. https://doi.org/10.7202/031997ar 84 Hétier, R. (2014). Albums destinés à la petite enfance et questionnement existentiel : herméneutique d’oeuvres formatrices. Revue des sciences de l’éducation, 39(1), 33–59. https://doi.org/10.7202/1024532ar

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

71

magazine Touk Touk. J’ai pu concevoir ces pages disponibles dans les numéros Pyrénées-

Orientales / Portugal et Vendée / Cambodge :

Figure 26 : Maquettes pour les concours de Touk Touk, publiés sur les magazines nº7 (Pyrénées-

Orientales / Portugal) et nº8 (Vendée / Cambodge)

Dès la première étape, la consigne est de colorier le dessin de la page. Pourtant, les étapes

suivantes nécessitent l’utilisation d’Internet, en l'occurrence le réseau social Instagram. Il est

donc supposé que ce soit l’adulte qui dispose d’un compte pour pouvoir publier le coloriage

de son enfant. Ensuite, la troisième étape demande d’identifier le compte

@touktoukmagazine, avec le hashtag #concourstouktoukmag dans la description. Cela

permet à Hippopo Éditions de mieux trouver les images qui lui sont destinées. Le partage

sur les réseaux sociaux peut donc se faire de manière plus rapide. Ainsi, en publiant le

coloriage avec l’accompagnement d’un adulte, l’enfant a l’occasion de s’initier à l’utilisation

numérique, de favoriser l’échange avec son parent, et de diffuser sa création sur une

plateforme sociale, pour un rapprochement avec l’édition.

En conclusion, les dimensions sociales et créatives peuvent être renforcées par les ressources

numériques, en plus du magazine imprimé. Si le magazine a pour finalité principale de

favoriser la lecture et / ou l’apprentissage ludique, l’expérience créative et sociale seraient

des compléments secondaires à l’expérience utilisateur. Cela ne fait pas baisser leur

importance ; au contraire, en se mettant au service de la dimension narrative et ludo-

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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éducative, elles enrichissent l’expérience utilisateur non seulement de l’enfant, mais aussi de

ses parents et de ses proches.

2. La dimension ergonomique : un usage plus adapté aux enfants et aux parents

L’ergonomie désigne l’étude de l’activité humaine et se met au service du bien-être

humain85. Pour les éditions de presse jeunesse, si certaines offres sont numériques, il est

important de réfléchir en quoi la dimension ergonomique est importante, et comment elle

permet aux dimensions principales (narrative et ludo-éducative) de donner une expérience

d’utilisation plus efficace.

Puisque le support est sur un écran (une interface modifiable), il convient de réfléchir aux

multiples possibilités d’interaction. De plus, il est essentiel de réfléchir sur l’utilisateur en

question. L’édition Actialuna fait part de cette réflexion : “Je conçois des œuvres à lire et il

s’agit de ne pas entrer dans la confusion : est-ce que mon utilisateur est un lecteur ? un

joueur ? un spectateur ? un auditeur ?”86. Cette réflexion est également importante pour les

magazines jeunesse, notamment ceux en réalité augmentée : comment assurer une utilisation

optimale en sachant que le lecteur va devenir un joueur ou un auditeur pendant quelques

minutes ? Dans ce cas, le magazine aurait fortement besoin de la dimension ergonomique

pour mener à bien sa finalité principale : en l'occurrence la narration, l’apprentissage ou le

divertissement.

L’identité de l’utilisateur est tout aussi importante. Un magazine imprimé se focalise sur

l’expérience de lecture : le texte est-il adapté à l’âge de l’enfant ? La typographie est-elle

facile à lire ? Y a-t-il une cohérence dans les images ? Pour les ressources numériques de

l’édition, il est important de voir les usages des interfaces écran. Dans son livre Design for

Kids: Digital Products for Playing and Learning, Debra Levin Gelman cite que les jeunes

sont désormais “natifs du numérique” : une étude en 2013 signale même que les enfants aux

États-Unis passent environ 8 heures par jour sur les écrans87. Il est donc fondamental

d’observer leurs usages pour qu’ils aient une expérience la plus adaptée à leurs besoins.

85 Usabilis. (2020, 1er avril). Qu’est-ce que l’ergonomie ?. Usabilis. https://www.usabilis.com/qu-est-ce-que-l-ergonomie/ 86 Tréhondart, N. (2013). Le livre numérique enrichi : un hypermédia en construction. Enquête sur les représentations des éditeurs. H2PTM. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01548478 87 Levin, G. (2014). Design for Kids: Digital Products for Playing and Learning. Rosenfeld Media.

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En effet, l’utilisation numérique d’un enfant diffère de celle d’un adulte. Voici un tableau

comparatif, en m’inspirant des résultats principaux exposées par Norman Nielsen Group88

et Debra Levin Gelman89 :

Différences principales sur l’expérience utilisateur (site web, application)

Enfant (3-12 ans)

Adulte

Intention

Se divertir

Communiquer ou réussir à

faire quelque chose

Comportement

Volonté d’explorer plusieurs

options sur l’interface

Volonté de rester sur le même

parcours

Son et animations

Appréciation pour les sons et

les éléments animés sur le site

ou l’application

Pas d’appréciation en général ;

les sons peuvent déranger

l’expérience.

Limitations physiques

Saisie lente sur le clavier et

faible contrôle de la souris

Pas de limitations physiques

en général

Tranche d’âge

Il est très important de

distinguer les tranches d’âges

entre les enfants pour le

design d’expérience utilisateur.

Le design par tranche d’âge

pour les adultes n’est pas très

important.

Figure 27 : Tableau présentant les différences principales sur l’enfant et l’adulte

quant à l’utilisation d’un site web ou d’une application

Malgré ces différences, Debra Levin Gelman rappelle qu’il y a également des similitudes

dans les besoins de l’enfant et du parent. Cette information est cruciale pour ne pas produire

un contenu qui soit trop éloigné des attentes globales. Par exemple, le design devrait être

cohérent et l’outil devrait fournir une raison pour être utilisé. Il vaudrait mieux ne pas rendre

88 Nielsen, J. (2019, 13 janvier). Children’s UX : Usability Issues in Designing for Young People. Nielsen Norman Group. https://www.nngroup.com/articles/childrens-websites-usability-issues/ 89 Levin, G. (2014). Design for Kids: Digital Products for Playing and Learning. Rosenfeld Media.

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74

l’utilisateur surpris (l’adulte et l’enfant ont des attentes sur un site / une application et une

expérience inattendue n’est pas désirable)90. Plus qu’un apport, la dimension ergonomique

est un critère à ne pas négliger ; elle devient une nécessité pour être mise au service de la

dimension narrative et ludo-éducative.

Or, comme vu précédemment pour la dimension sociale, certaines ressources produites par

les éditions de presse concernent aussi les parents. Ainsi, selon l’identité de l’utilisateur, il

convient de réfléchir à l’expérience attendue par ces deux types de profils.

Le niveau d’autonomie est aussi à prendre en compte. En créant un magazine en réalité

augmentée, l’édition de presse jeunesse suppose que le lecteur ou ses proches disposent d’un

outil apte à scanner les codes. De plus, sur quelle application peut-on accéder à ces

documents numériques ? Dans le cas de Mini-Schools et de Geek Junior, il faut tout d’abord

télécharger l’application ARGOplay, un lecteur de réalité augmentée91. Le degré d’autonomie

est réduit puisqu’une action préalable est nécessaire afin d’avoir l’expérience complète du

magazine. Avec cette réflexion, Christophe Coquis constate la difficulté d’utilisation de la

réalité augmentée : “ça ne marchait pas très bien, tout simplement parce qu’il fallait

télécharger l’application : c’était un frein”. Il souhaite donc intégrer des QR codes pour ses

prochains numéros ; la méthode serait plus simple et rapide étant donné que la caméra du

téléphone serait uniquement nécessaire.

Ensuite, il est important de se demander quel serait le dispositif idéal pour consulter les

informations. Dans le cas de WoW! News, Alastair Macdonald envisage de sortir une

application mobile/tablette plutôt qu’un site web : “on n’a jamais pensé qu'un site pour des

enfants de cet âge-là pourrait être une proposition durable”. De plus, la recherche de

Norman Nielsen Group nous indique que les participants entre 3 à 12 ans étaient très

confortables avec les téléphones et les tablettes, contrairement à l’ordinateur : jusqu’à l’âge

de 9 ans, beaucoup ont préféré les supports tactiles plutôt que la souris et le clavier. Ensuite,

la majorité des utilisateurs de moins de 6 ans n’avaient jamais utilisé d’ordinateur. Même s’il

serait possible de naviguer sur un site web via un téléphone, l’application mobile WoW! News

se révèle être une solution plus pratique, correspondant aux usages actuels des enfants.

90 Levin, G. (2014). Design for Kids: Digital Products for Playing and Learning. Rosenfeld Media. 91 L’application mobile de réalité augmentée ARGOplay. Argo. https://ar-go.co/fr/produits/argoplay/application-native/

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Dans les ebooks de J’aime lire, l’application Bayam intègre la dimension ergonomique pour

renforcer la dimension narrative :

Figure 28 : Interfaces de l’application Bayam pour les ebooks de J’aime lire

Tout d’abord, l’interface montre un aperçu des histoires, avec une barre de navigation en

dessous. Une fois l’ebook sélectionné, il est possible de voir le nombre de pages . Le format

parait plus petit en version horizontale, mais on peut également mettre son téléphone ou sa

tablette en mode vertical. Contrairement au magazine imprimé, l’application a un menu où

il est possible de cliquer sur une page précise. Il est également possible de marquer des

pages avec le symbole du signet. De plus, en dessous de chaque page, un petit bouton orange

permet de lire l’histoire en version audio.

Cependant, avec la volonté de renforcer la dimension narrative grâce à l’intégration

d’éléments ergonomiques, se trouve aussi la finalité de garder l’identité de livre. Don

Norman parle du design skeuomorphique comme technique intégrant des idées familières

et anciennes dans les nouvelles technologies ; il précise qu’une manière d’affronter la peur

du nouveau est de le concevoir comme un ancien objet92. Dans le cas de Bayam, bien que les

92 Norman, D. A. (1990). The Design of Everyday Things. Basic Books.

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pages ressemblent à des diapositives, un son de page se déclenche dès que l’on défile l’écran

avec son doigt. Nolwenn Tréhondart fait allusion aux résonances mimétiques, en partant

du principe que les éditeurs imaginent sûrement la pratique de réception liées à leurs propres

visions de la lecture93. Le design centré sur l’utilisateur est donc une nécessité pour les

ressources numériques supplémentaires au magazine imprimé.

93 Tréhondart, N. (2013). Le livre numérique enrichi : un hypermédia en construction. Enquête sur les représentations des éditeurs. H2PTM. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01548478

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Le site web de Touk Touk : Concevoir un espace numérique pour les parents et les

enfants

Le site web de Touk Touk est à la fois une vitrine des produits et un répertoire pour les

podcasts et les articles web des loisirs créatifs. Il contient également un blog pour les parents,

sur les sujets de voyage, d’écologie, d’activités à faire avec les enfants et de parentalité.

Avant la refonte du site web, une réflexion a dû être établie : comment proposer un espace

numérique qui convienne à la fois aux enfants et aux parents ?

Cet enjeu est délicat. Après la réalisation du dossier de conception et les discussions avec

Florie Deswaziere, j’ai appris que les pages principales de Touk Touk (dont la page d’accueil

et la présentation du magazine) auraient plutôt pour finalité de montrer une vitrine de

produits. Dans ce cas, il devrait surtout être conçu pour le parent. De même, il serait probable

que ce soit le parent qui guide son enfant dans la navigation des loisirs créatifs ou pour

écouter les podcasts.

Voici les principales catégories de profils établies par Florie Deswaziere :

Groupe 1

Groupe 2

Les femmes de 24-45 ans (en France) avec un

enfant de 3-7 ans, qui ont une sensibilisation à

l’environnement.

Les femmes francophones expatriées de 24-45

ans, avec un enfant de 3-7 ans et qui ont une

sensibilisation à l’environnement.

Groupe 3

Groupe 4

Les grands-parents / les membres de la famille

ayant des enfants vivant à l’étranger. Leurs

petits-enfants ont 3-7 ans.

Les parents d’enfants de 3-7 ans qui voyagent

régulièrement, et qui souhaitent transmettre les

valeurs culturelles et écologiques.

Figure 29 : Présentation des groupes de profils des abonnés Touk Touk

Nous voyons que tous groupes ont des profils d’adultes ; en effet, les éditeurs de presse

jeunesse prennent surtout en compte cette tranche d’âge, et comme l’explique Jean-Marie

Charon : “En réalité, l’achat de la presse des jeunes est jusqu’à l’adolescence essentiellement

réalisé par les adultes, en priorité les parents et grands-parents, et, pour une moindre part,

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

78

les enseignants”94. Pour un magazine de voyage comme Touk Touk, j’ai également appris que

ce sont surtout les familles en France qui s’abonnent, même si nous trouvons aussi des

abonnés dans différents pays du monde.

Une autre réflexion se pose : comment ces personnes utiliseraient-elles le magazine pour

accéder aux ressources numériques avec leur enfant ? Pour réfléchir à l’utilisateur, la création

de personas peut s’avérer bénéfique. Un persona est un archétype de personnage fictif pour

représenter des groupes d’utilisateurs95.

Emmanuelle Tournier (exemple de persona du Groupe 3)

Profil : 68 ans. Grand-mère vivant en Savoie, elle est passionnée de randonnées. Elle s’intéresse à

la nature et possède un jardin. Ses petits-enfants viennent lui rendre visite pendant les vacances.

Son objectif : elle connaît Touk Touk. Elle s’est abonnée parce qu’elle partage les valeurs du

magazine et souhaite que ses petits-enfants apprennent à apprécier la planète, les animaux et la

nature.

Elle cherche une nouvelle activité ludique à leur proposer et se rend donc sur le site de Touk Touk

en quête d’idées.

Elle se sent plus à l’aise avec son téléphone portable ou sa tablette, plutôt que l’ordinateur.

Figure 30 : Fiche persona pour une abonnée de Touk Touk

94 Charon, J. (2003). Lire et grandir en s'amusant, ou la grande aventure de la presse des jeunes. Éla. Études de linguistique appliquée, nº130, 223-236. https://doi.org/10.3917/ela.130.0223 95 Esposito, N. (2020-2021). Concevoir des ouvrages numériques sous l'angle de l'expérience de l'utilisateur : exemple avec l'édition jeunesse. Le Mans Université.

Page 81: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

79

Scénario utilisateur imaginé pour Emmanuelle Tournier :

1. Lit le magazine en compagnie de ses

petits-enfants.

2. Scanne le QR code avec son téléphone

pour accéder à un podcast.

3. Atterrit sur le site Touk Touk, sur la

page individuelle du podcast.

4. Écoute le podcast avec les enfants.

5. Découvre que le menu du site a un

élément nommé : Kits d’activités.

6. Clique dessus.

7. Atterrit sur la page Kits d’activités.

8. Défile la page du téléphone.

9. Observe les différents kits.

10. Clique sur un kit spécial jeu.

11. Atterrit sur la page individuelle du kit,

directement sur le site Boutique.

12. Lit la description et l’aperçu du Kit.

13. Fait sa commande.

Figure 31 : Scénario utilisateur imaginé pour Emmanuelle Tournier

Dans ce scénario, Emmanuelle Tournier ne va pas sur la page d’accueil. Elle connaît déjà le

site, mais elle doit encore découvrir les nouveautés, comme les Kits d’activités. Son parcours

est plus rapide : elle choisit son kit, et passe directement à la Boutique pour lire la description.

Ce type de parcours déduit que ce serait plutôt l’adulte qui scannerait le code en compagnie

de son enfant. En observant les pages imprimées de Touk Touk, il serait également

envisageable que l’enfant fasse des bricolages en compagnie d’une grande personne. Par

exemple, voici une maquette du numéro 7 (Pyrénées-Orientales / Portugal) sur laquelle j’ai

pu travailler :

Page 82: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

80

Figure 32 : Double-page “Bricolage : Les sardines de Lisbonne” du magazine

Touk Touk (nº7 : Pyrénées-Orientales / Portugal).

L’étape 1 du bricolage s’intitule : “Fais ta pâte à sel”. Étant donné que cette étape avait elle-

aussi des instructions supplémentaires, un QR code a été mis pour inciter au téléchargement

du document PDF. Le parent sortirait donc son téléphone ou sa tablette, pour accompagner

son enfant dans le parcours web. Cela permettrait à l’enfant d’apprendre l’utilisation des

dispositifs ; scanner un QR code ou naviguer sur Internet pose également un enjeu

pédagogique, d’autant plus que la société actuelle s’est adaptée à ces usages.

Une fois sur l’article web, le parent peut accompagner l’enfant dans sa création de la pâte

à sel. Ainsi, la rubrique Loisirs créatifs sur le site de Touk Touk se présente comme un

répertoire d’activités à faire à plusieurs. D’une part, l’enfant s’instruit grâce aux activités

manuelles. D’autre part, l’entrée dans le monde numérique est une étape qu’il peut apprécier

de parcourir en compagnie de ses parents. Cette double-pédagogie lui permet d’avoir une

expérience sociale renforcée avec ses proches.

Enfin, nous remarquons que l’utilisation a été imaginée sur un téléphone. Or, elle pourrait

également se faire une tablette. De même, il serait possible pour l’adulte d’entrer sur le site

web de Touk Touk depuis son ordinateur. C’est pourquoi la conception responsive (adaptée

à tous types de support) est importante pour favoriser la dimension ergonomique.

Page 83: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

81

Figure 33 : Site web de Touk Touk sur le support d’ordinateur et de téléphone

La conception sur plusieurs supports a été facilitée grâce à Elementor, un constructeur de

page sur WordPress (le système de gestion de contenu pour créer le site web Touk Touk).

Enfin, les tests utilisateurs n’ont pas été faits avant la mise en ligne ; ceux-ci permettent

d’évaluer “l’adéquation entre un dispositif et les utilisateurs auxquels il est destiné”96.

Toutefois, cette pratique aurait été pertinente pour déterminer le parcours et les réactions

des internautes afin d’améliorer encore plus l’expérience utilisateur.

96 Esposito, N. (2020-2021). Concevoir des ouvrages numériques sous l'angle de l'expérience de l'utilisateur : exemple avec l'édition jeunesse. Le Mans Université.

Page 84: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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Partie 3 : Les réflexions supplémentaires autour des pratiques

éditoriales

Suite à l’analyse des dimensions renforcées sur l’expérience utilisateur, il serait

intéressant de traiter les potentielles pertes causées par les ressources numériques. Ensuite,

j’analyserai les implications de ces publications numériques sur l’identité du magazine et du

secteur de la presse jeunesse.

A. Les pertes des dimensions de l’expérience utilisateur causées par

les ressources numériques

La lecture et l’apprentissage ont souvent un enjeu de plaisir. Or, lorsque ces notions sont

associées au numérique, il peut parfois y avoir des pertes autour des dimensions sur

l’expérience utilisateur. La conception est donc délicate puisque nous sommes face à deux

supports bien différents : le papier avec sa qualité statique, et l’écran avec ses éléments

dynamiques.

1. Le manque de délimitation : une expérience de dispersion

Premièrement, le manque de délimitation est une caractéristique souvent marquée par

la ressource numérique. Cela a un impact direct sur le lecteur, puisqu’il risque de détourner

son attention du contenu principal. Si la publication se trouve dans l’espace web, il est

probable que l’internaute s’aventure dans d’autres onglets, clique sur des hyperliens et se

détourne alors de son objectif principal. Où serait donc l’expérience de lecture initiée par

l’édition du magazine ? Nolwenn Tréhondart précise que l’idée de clôture semble surtout

nécessaire pour les concepteurs de livres enrichis lorsque le support est sur une tablette. Par

sa polyvalence, celle-ci “tend à détourner l’attention du lecteur vers une multitude d’activités”.

Quant aux QR codes, bien qu’ils aient pour but d’enrichir le papier avec des éléments

supplémentaires, ils ont également le risque de perdre le sentiment d’immersion chez le

lecteur. La première raison est liée au fait que ce dernier doit interagir avec deux supports :

le magazine imprimé et le téléphone ou la tablette pour scanner le code. Par cette demande,

la lecture devient fragmentée : un temps d’arrêt de lecture se crée lorsque l’enfant ou l’adulte

prend le téléphone, entre dans l’application de réalité augmentée ou la caméra, avant de

scanner l’élément souhaité. Par conséquent, le lecteur doit passer au statut d’utilisateur

pendant quelques secondes ou minutes, ce qui pourrait le distraire de sa quête initiale, qui

est de lire le magazine. Noémie Monier a exprimé son intention de ne pas insérer de liens

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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numériques sur son magazine Baïka : “Personnellement, ce n'est pas une expérience de lecture

que j'aime”, confie-t-elle. Sauf si les retours d’enfants ou de professionnels le demandent, la

rédactrice en chef préfère ne pas combiner le papier à l’écran pour ne pas fragmenter ce

plaisir de lire.

De plus, l’action de scanner le document fait prendre conscience de la matérialité du

magazine. La dimension narrative risque donc d’être perdue, à cause de cet oubli

d’immersion : dans le cas de la réalité augmentée, la vision d’éléments virtuels superposés

dans le monde réel laisse supposer une constatation : le magazine en tant que support fait

partie de la réalité. Alors, cette publication est réduite à l’utilisation de sa forme, tandis que

son contenu est secondaire, voire remplacé par les éléments virtuels et dynamiques. Ainsi,

même si ces derniers visent à enrichir la narration, il se peut que le contenu imprimé soit

relégué au second plan au niveau narratif. Nolwenn Tréhondart cite que “l’interactivité

nuirait à la cohérence narrative”97. Justement, à cause de sa nature distractive, l’utilisation

d’un téléphone au-dessus du magazine imprimé aurait “un risque d’exploration jouissive des

formes au détriment de la réflexivité nécessaire à la lecture profonde du texte”. Cela nous

montre que le contenu imprimé, censé attirer vers la contemplation, la réflexion et

l’immersion, peut perturber l’expérience lorsqu’elle est intimement liée à l’écran.

Lors de ma pratique de stage pour le magazine Touk Touk, j’ai pu concevoir les maquettes

avec des QR codes à l’intérieur (et les liens intégrés par Florie Deswaziere). Les tests

utilisateurs n’ont pas eu lieu, mais il aurait été intéressant d’observer l’approche par les

enfants et leurs parents : une fois qu’ils ont scanné le code, auraient-ils plus tendance à

parcourir le site de Touk Touk, ou alors de revenir directement sur le magazine après la

consultation de la ressource numérique ? En effet, les articles web ont été conçus avec des

hyperliens menant généralement à d’autres pages du site Touk Touk. Or, il y a aussi la

possibilité que le lecteur soit amené à regarder une vidéo sur YouTube, puisque Touk Touk

a également sa propre chaîne. Bien que l’apport audiovisuel enrichisse l’expérience

utilisateur, il y a aussi le risque de vouloir se promener sur d’autres vidéos n’ayant pas

forcément de lien avec le magazine.

Avec la multitude de parcours possibles, le numérique permet une meilleure personnalisation,

aussi bien qu’il a des risques de rendre la lecture plus imprévisible.

Ensuite, le manque de compréhension peut être une conséquence de la pseudo-lecture. Cette

notion traitée par Pierre Barbagelata, Aude Inaudi et Maud Pelissier se caractérise par

97 Tréhondart, N. (2018). Pratiques de conception du livre numérique enrichi : enjeux idéologiques et créatifs. Interfaces numériques, 7. https://www.unilim.fr/interfaces-numeriques/3619

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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une “lecture fragmentaire”98, à l’opposé du livre papier dont l’enjeu est de développer une

lecture attentive et savante. Puisque le multimédia incite à l’interaction avec les éléments

dynamiques, le texte aurait tendance à être lu par morceaux. Il aura donc perdu de sa

fluidité. Si cet effet est constaté dans les livres enrichis, il aurait également une influence

pour les magazines jeunesse à forte dimension narrative. La lecture de survol est à l’inverse

de la lecture approfondie, qui permet justement d’avoir une plus ample compréhension de

l’histoire. Selon le livre The Shallows de Nicholas Carr, les apports dynamiques du support

numérique et du web peuvent réduire la concentration, un trait désirable pour une expérience

de lecture99.

Certes, la lecture sur Internet est facilitée par les hyperliens, nous permettant d’accéder à

une multitude d’informations. Or, si le but est de favoriser une lecture réfléchie, elle peut

causer des pertes à l’expérience utilisateur. Nicholas Carr nous fait part d’une étude

scientifique où deux groupes d’étudiants devaient lire une histoire100. Le premier groupe avait

un texte sans lien, et le deuxième groupe en avait. Il s’est révélé que ce dernier avait plus de

mal à comprendre l’histoire. En effet, pendant que ces étudiants lisaient, leur cortex

préfrontal était en train d’hésiter à cliquer sur les liens. La distraction aurait donc des

conséquences négatives sur notre mémoire. En somme, en plus de la dimension narrative, il

se pourrait que la dimension pédagogique soit affectée.

2. Lorsque la dimension ludique surpasse la dimension narrative ou éducative

Le texte est une composante majeure des histoires imprimées pour les enfants. Or, avec

l’intégration de ressources numériques, il pourrait perdre de sa valeur comme le cite

Alexandra Saemmer dans l’article de Nolwenn Tréhondart : le “rapport entre observation,

écoute, lecture et interaction [,,,] peut mettre en danger le texte comme signifiant potentiel”.

En effet, si l'objectif est d’enrichir le contenu textuel par les images animées, les sons et les

vidéos, nous faisons face à une réflexion majeure : le texte ne se suffirait-il pas à lui-même ?

Dans certains cas, il peut même y avoir une confusion lorsque les autres médias interactifs

surpassent le texte. De ce fait, la dimension ludique et distractive serait renforcée au

détriment de la dimension narrative.

Cette problématique a été constatée par Nicolas Esposito lors des tests utilisateurs pour

l’adaptation enrichie du livre Mon voisin. L’objectif était de faire une comparaison entre

98 Barbagelata, P., Inaudi, A., & Pelissier, M. (2014). Le numérique vecteur d’un renouveau des pratiques de lecture : leurre ou opportunité ? Études de communication, (43), 17–38. https://doi.org/10.4000/edc.5965 99 Carr, N. (2010). The Shallows: What the Internet is Doing to Our Brains. W. W. Norton. 100 Carr, N. (2010). The Shallows: What the Internet is Doing to Our Brains. W. W. Norton.

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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l’utilisation du livre imprimé avec un CD audio, et la version numérique. Les résultats ont

montré l’importance de bien réfléchir à la finalité du produit : alors que certains enfants ont

préféré la version papier, ceux qui se sont intéressés n’ont pas fait attention à l’histoire. En

effet, les illustrations et les enrichissements ont pris le dessus. “Certains d’entre eux sont

même passés à la page suivante sans attendre la fin de la lecture de la page”, a écrit Nicolas

Esposito101. De plus, les enfants ayant interagi avec les enrichissements ont avoué qu’ils

auraient préféré un jeu vidéo. Cela prouve que la narration n’a pas été perçue comme la

dimension principale ; or, puisque que l’adaptation ne visait pas non plus à être un jeu, la

dimension ludique n’a pas été aussi forte pour susciter de l’intérêt chez les “joueurs”.

Un autre risque est de produire un contenu numérique qui n’apporte pas de renforcement

particulier sur les dimensions. Par exemple, la réalité augmentée peut susciter de

l’émerveillement dans ses premières utilisations ; cette ingénierie de l’enchantement peut

faire oublier les dimensions trop techniques et enrichir la narration102. Or, si la ressource

numérique est associée au magazine imprimé, la fascination devrait avoir un sens quant au

contenu textuel et illustré de ce magazine. Une logique purement distractive ou ayant

simplement pour but de retenir l’attention risquerait de confondre l’utilisateur dans son

expérience.

Selon Nolwenn Tréhondart, il se peut que l’interactivité soit perçue comme un gadget103.

Alors que les plus produits et les cadeaux ont été courants pour la vente de magazines dans

les kiosques104, il y aurait un risque de voir émerger des publications numériques à forte

finalité de marketing plutôt que pour l’enrichissement narratif ou ludo-éducatif de l’enfant.

Nolwenn Tréhondart prévient qu’il pourrait y avoir une pression des tendances dans

l’édition du livre enrichi à “intégrer la course à la vitesse, l’hyperconsommation d’expériences

éphémères, les idéologies du jeu et du gratuit”105.

Ainsi, les éditeurs laissent souvent le choix à l’utilisateur : les QR codes viennent

complémenter l’expérience utilisateur, mais ils ne sont généralement pas une nécessité. Cela

nous démontre que dans la plupart des cas, le magazine imprimé reste le produit principal ;

quant à la ressource numérique, elle se présente souvent comme un supplément enrichissant.

101 Esposito, N. (2019). Comparaison de l’activité de lecture entre un livre imprimé et son adaptation numérique enrichie, expérimentation et analyse des dimensions de l’expérience utilisateur. Publije, no 1. http://revues.univ-lemans.fr/index.php/publije/article/view/140/134 102 Tréhondart, N. (2018). Pratiques de conception du livre numérique enrichi : enjeux idéologiques et créatifs. Interfaces numériques, 7. https://www.unilim.fr/interfaces-numeriques/3619 103 Tréhondart, N. (2013). Le livre numérique enrichi : un hypermédia en construction. Enquête sur les représentations des éditeurs. H2PTM. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01548478 104 Charon, J. (2002). La presse des jeunes. Paris: La Découverte. https://doi.org/10.3917/dec.charo.2002.01 105 Tréhondart, N. (2018). Pratiques de conception du livre numérique enrichi : enjeux idéologiques et créatifs. Interfaces numériques, 7. https://www.unilim.fr/interfaces-numeriques/3619

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B. La nouvelle identité de la presse jeunesse

En marketing, le positionnement fait référence à la position qu’occupe un produit ou une

marque. Étant donné que de nombreuses éditions se sont mises à la publication d’offres

numériques, il est intéressant de voir comment la place et l’identité du magazine jeunesse

est perçue. Cette analyse va nous permettre de comprendre à quel degré les pratiques

éditoriales se transforment pour se centrer davantage sur la conception centrée utilisateur

pour les écrans.

1. Dans quels cas le magazine imprimé reste-il le produit principal ?

Avec la popularisation d’Internet et des réseaux sociaux dans les années 2000, le secteur

de l’édition presse s’est retrouvé avec un potentiel de numérisation complète. Or, avec la

baisse des abonnements, des réflexions ont été faites sur les pratiques éditoriales. Pour suivre

les usages actuels, Daniel Nylén, Jonny Holmström et Kalle Lyytinen citent que les éditeurs

se sont mis à intégrer le design industriel et interactif en plus du design graphique 106.

Il y aurait non seulement une motivation de satisfaire l’expérience utilisateur avec les qualités

de l’interface écran, mais aussi de promouvoir la marque du magazine. Les offres numériques

sont aussi un enjeu marketing. Frédéric Gargaud, responsable du projet pour Pif le Mag,

révèle sa vision du magazine : “La bataille de l’attention ne se joue pas avec Okapi ou Le

Journal de Mickey, mais avec YouTube”107. En effet, des préoccupations quant au devenir du

magazine ont surgi : si l’on peut consulter un article sur Internet, quelle est la place du

support papier ? Pourtant, suite à l’étude de mon corpus, il se trouve que le magazine

imprimé reste souvent le produit principal.

106 Nylén, D., Holmström, J., & Lyytinen, K. (2014). Oscillating Between Four Orders of Design : The Case of Digital Magazines. Design Issues, 30(3), 53–68. https://doi.org/10.1162/desi_a_00278 107 Bougon, F. (2018). “Pif” prépare son retour, sans gadget. Le Monde. https://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2018/06/23/pif-prepare-son-retour-sans-gadget_5320023_3236.html?xtor=RSS-3208

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La ressource numérique : un bonus au magazine papier

Lors des interviews aux professionnels de l’édition, j’ai appris que les contenus numériques

de Toboggan, Baïka et Mini-Schools étaient considérés comme des offres supplémentaires

au magazine. Ainsi, ce dernier est le produit principal : celui sur lequel l’édition se focalise le

plus.

Dans le cas de Toboggan, Axel Planté-Bordeneuve précise que les jeux interactifs et les

activités créatives du site web sont surtout un cadeau, une offre pour les personnes

souhaitant découvrir l’univers et les personnages plus en détail. Pour Mini-Schools, Olivier

Jughon cite que “ce n’est pas un magazine à visée numérique”, puisque l’objectif principal

est de donner un magazine papier sans que les enfants soient obligés de passer par la réalité

augmentée. Enfin, pour Baïka, les ressources numériques sont tirées du magazine papier.

Noémie Monier ajoute également la volonté de donner plus de visibilité grâce au web. En

effet, les qualités des réseaux sociaux tels que YouTube et WhatsApp lui ont permis de

diffuser les histoires audiovisuelles aux enseignants et à ses amis : “L’idée était aussi de

maintenir une présence, de proposer du contenu sympa gratuitement et éventuellement de

réussir à avoir de nouveaux abonnés”, ajoute-t-elle.

Nous constatons alors que les publications numériques ont un double objectif : le premier est

d’enrichir l’expérience utilisateur des personnes sur les aspects ludo-éducatifs, narratifs,

sociaux ou créatifs. Le deuxième est d’avoir une meilleure visibilité sur le magazine imprimé.

En effet, puisque les ressources web sont faciles d’accès, de nouveaux visiteurs peuvent les

utiliser et peut-être s’intéresser au magazine imprimé, qui offre une expérience plus complète

sur les différentes dimensions. De plus, ceux qui sont déjà abonnés au magazine auraient

également l’intérêt de découvrir d’autres offres, comme le précise Axel Planté Bordeneuve.

Par exemple, l’enfant étant déjà familiarisé aux jeux papier du chien Super-Ouaf pourra

également jouer la version interactive sur le site de Toboggan.

Lorsque la première finalité concerne le numérique

Suite aux interviews avec Christophe Coquis (Geek Junior) et Alastair Macdonald (WoW!

News), j’ai appris que les ressources numériques avaient une place aussi importante que le

magazine papier. Cela pourrait s’expliquer par leur intention initiale : celle de créer un média

numérique.

À l’inverse des magazines Baïka, Mini-Schools et Toboggan, le magazine papier de Geek

Junior et de WoW! News a été un projet décidé suite à la diffusion des articles web. Il est

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donc intéressant de comprendre la raison de cette nouvelle offre : Alastair Macdonald

explique la volonté des familles et des enseignants de recevoir les informations de WoW!

News sur papier. Pour Christophe Coquis, après cinq ans de publications sur le site web, son

objectif était d’enrichir Geek Junior en tant que média d’information. De plus, les retours

positifs des internautes lecteurs et des professionnels sur la création du magazine l’ont

motivé à intégrer cette voie éditoriale.

Cette constatation nous prouve que la demande est forte pour le magazine imprimé, même

lorsque des publications numériques sont déjà accessibles. Cela voudrait dire que le support

imprimé reste une valeur essentielle qui séduit l’audience. La perception du public sur Geek

Junior et WoW! News se pose alors : pensent-ils plutôt au magazine imprimé comme étant

le produit principal de ces marques ?

Selon Christophe Coquis, le positionnement n’est pas encore établi parce que Geek Junior

est constamment en évolution. En effet, le numéro de septembre 2021 change de formule

avec l’intégration des QR codes pour faciliter l’utilisation. Il cite que le magazine est

considéré comme produit principal, tandis que le site web donne une exposition de Geek

Junior : c’est grâce à lui que de nouveaux internautes peuvent s’intéresser au magazine

papier et s’abonner. Pour Alastair Macdonald, lorsqu’il mentionne les produits qui seront

exposés sur le site web, il cite l’application WoW! News, et le magazine comme élément

accessoire. Même si l’application reste le produit principal depuis la diffusion du projet,

Alastair Macdonald évoque l’idée de combiner les deux produits : “L’idée pour l’instant, c’est

de proposer un abonnement à l’application ; les infos hebdomadaires seraient plus ou moins

liées à un abonnement annuel qui serait accompagné par l’envoi du magazine”. Ainsi, cette

offre bimédia peut permettre au papier et au numérique de cohabiter mutuellement dans la

vie du lecteur. Nous pouvons donc supposer que le magazine imprimé et la ressource web

ont un positionnement égal grâce à leur complémentarité.

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Touk Touk, un univers de contenus ludo-éducatifs : la conception du site pour présenter

les différents produits

Le produit principal de Touk Touk est son magazine. Or, l’enjeu du nouveau site web est de

présenter une multitude de produits : les carnets d’expédition, les kits d’activités, mais aussi

le podcast d’histoires et les activités sous formes d’articles web et de documents PDF (dans

la rubrique nommée Loisirs créatifs). L’objectif de Florie Deswaziere est de présenter un

ensemble de produits ludo-éducatifs sur le voyage, les cultures du monde et l’environnement.

Dans ce cas, comment réunir tous ces éléments dans le même espace, en soulignant à la fois

l’importance du magazine papier ? Lors de la conception du dossier de conception, en

m’informant sur les avis de Florie Deswaziere pour la refonte du site, j’ai appris que deux

objectifs étaient à prévoir :

● Objectif principal : Présenter Touk Touk pour inciter les parents à abonner leurs

enfants à un magazine centré sur le voyage et l’écologie.

● Objectif secondaire : Proposer des médias pour les abonnés (podcasts, articles,

activités) qui enrichissent l’identité de Touk Touk. En effet, le magazine intègre divers

types d’interactions pour une expérience encore plus ludique.

Alors que l’ancien site était surtout focalisé sur le premier objectif, la refonte devrait

renforcer l’objectif secondaire : mettre en visibilité les ressources web au grand public. Florie

Deswaziere a également utilisé la notion d’univers pour représenter cet ensemble ludo-

éducatif. C’est pourquoi le titre du site conçu par la responsable SEO Inga Penverne est

devenu : L’Univers Touk Touk | Voyage et Écologie pour les Enfants. Nous constatons que le

mot magazine n’y est pas inclus ; Touk Touk vise une image plus large, puisque le magazine

est un produit parmi d’autres, même si c’est celui qui est le plus visible.

Ainsi, il était important de réfléchir à l’arborescence du site web. Par définition,

l’arborescence est une organisation hiérarchique des informations. La conception d’un site

web fait généralement appel à une représentation par branches, pour bien situer la

hiérarchie. Cette conception m’a permis de mieux comprendre le positionnement des produits.

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Figure 34 : Arborescence initiale pour le site web Touk Touk

En sachant que le magazine serait le plus mis en avant, il était essentiel de le mettre en

première position.

La page d’accueil a également été conçue comme une vitrine des contenus Touk Touk. En

premier lieu, lorsque l’utilisateur atterrit pour la première fois sur le site web, il observe une

série de magazines. Cet aperçu lui donne directement l’information de l’identité principale

de Touk Touk : un magazine jeunesse. Or, le slogan affiché en grand est : “Faites découvrir

la France, le monde et la nature à vos enfants !”. Ici non plus, le mot magazine n’est pas

inclus. Il y a donc une forte volonté de montrer les valeurs de Touk Touk, qui sont tout aussi

importantes pour se démarquer des autres produits éditoriaux.

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Figure 35 : Page d’accueil de Touk Touk

Figure 36 : Présentation des produits sur la page d’accueil de Touk Touk

En défilant la page d’accueil, nous découvrons les quatre produits principaux ; cela montre

au visiteur que Touk Touk propose non seulement son magazine imprimé, mais aussi d’autres

produits ludo-éducatifs avec les mêmes thématiques du voyage, des cultures et de l’écologie.

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C’est donc par le site de Touk Touk que son positionnement est affiché. Puisque les

internautes découvrent souvent les produits des éditions par les réseaux sociaux ou les sites

web, il est important de montrer la relation entre le magazine imprimé et les ressources

numériques pour bien clarifier les offres de l’édition.

2. Les hypothèses sur le futur du magazine jeunesse

À quoi ressemblera le magazine du futur ? Malgré la quête d’innovation des éditions de

presse jeunesse, il est difficile d’avoir une réponse bien définie. Comme l’explique l’article du

MIT Press Direct, le numérique présente aux concepteurs du magazine un nouveau monde,

où il n’y a pas de chemin singulier en termes de design108. Toutefois, il est intéressant

d’explorer quelques hypothèses en prenant en compte les méthodes actuelles et les avis des

éditeurs.

En premier lieu, plusieurs professionnels s’accordent sur une vision précise : le magazine

papier continuera à survivre. En effet, selon Axel Planté-Bordeneuve (Toboggan), la

publication imprimée aura toujours un intérêt. L’expérience de recevoir tous les mois son

magazine dans la boîte aux lettres est un plaisir difficilement réplicable par le numérique.

Dans l’interview pour France Culture, Patrick Eveno donne l’argument que les magazines

sont plus agréables à lire sur papier que sur écran109. Christophe Coquis (Geek Junior) cite

que c’est “un élément physique de culture” qui reste apprécié par les jeunes. Il précise

cependant une nécessité d’avoir de nouvelles approches, avec des contenus s’adressant au

quotidien du lecteur : “Le papier n’est pas mort, il faut juste le dynamiser un peu”.

Or, nous pouvons cerner quelques doutes sur la distribution chez les marchands de journaux.

Christophe Coquis fait part de son hésitation à faire distribuer son magazine Geek Junior

en kiosque, car la vente chez les marchands de journaux s’avère compliquée, surtout depuis

la crise du Covid-19. En effet, même si le magazine jeunesse a beaucoup mieux résisté que

les autres types de presse, l’épidémie a grandement modifié les pratiques, autant chez les

éditions que chez les lecteurs. Par exemple, Marie-Anne Denis (Milan Presse) mentionne un

fort accroissement de visites sur le site 1jour1actu.com : anciennement à 250 000 visites par

mois, la fréquentation est passée à un million depuis le confinement. Cela s’explique aussi

par le fait que les enseignants ont utilisé le site comme moyen éducatif, notamment “pour

108 Nylén, D., Holmström, J., & Lyytinen, K. (2014). Oscillating Between Four Orders of Design : The Case of Digital Magazines. Design Issues, 30(3), 53–68. https://doi.org/10.1162/desi_a_00278 109 Moghaddam, F. (2020, 5 mai). Presse en confinement : "La victoire définitive du numérique sur le papier". France Culture. https://www.franceculture.fr/medias/presse-en-confinement-la-victoire-definitive-du-numerique-sur-le-papier

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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expliquer la crise à leurs élèves”110. Nous voyons donc à quel point un événement inattendu

tel que la crise sanitaire peut impacter les futurs usages.

Justement, depuis mars 2020 où a été imposé le premier confinement, l’utilisation massive

des visioconférences a été constatée dans la société, pour compenser le manque de distance

physique. Cette pratique influencera-t-elle les éditions de presse ? Bayard Jeunesse s’est mis

au jeu en organisant des ateliers de cuisine et de bricolage, sur des vidéos en direct suivis

par plus de 10 000 enfants en live, comme le confirme Nathalie Becht111. Cette utilisation

des réseaux sociaux incite à la réflexion : en quoi les vidéos en livestream auraient un lien

avec le magazine ? Les dimensions sociales et créatives, valeurs déjà promues par les

publications jeunesse, pourraient renforcer l’expérience de l’enfant. D’un autre côté, il

semblerait que ce soit la marque de l’édition qui soit mise en avant, plutôt que le magazine.

À l’avenir, il se pourrait donc que les éditeurs établissent un lien plus rapproché avec leurs

abonnés, dans le cas où ils se diffuseraient en direct pour interagir avec le public.

Si les éditions cherchent à innover constamment, c’est aussi parce qu'elles prédisent une

concurrence de plus en plus rude face aux écrans. Il y a un enjeu de survie, comme le constate

Patrick Eveno, en conseillant de produire d’autres supports que le papier112. En tant que

média, le magazine imprimé est confronté à d’autres techniques de diffusion plus

instantanées. Les réseaux sociaux sont un parfait exemple d’utilisation par la jeune

génération. Les éditions de presse se servent de ces outils pour communiquer à leur audience

et promouvoir leurs magazines. Serait-il possible de voir une émergence de format instantané

présenté comme un magazine ? Christophe Coquis envisage de collaborer avec la startup

Zmooz113, pour diffuser des stories de Geek Junior. Le mot anglais story signifie “histoire” et

est largement employé dans l’univers des réseaux sociaux tels qu’Instagram ou Snapchat :

présentées comme une collection de contenus photos et vidéos, les stories sont rapides et

interactives ; elles se consultent souvent en mode vertical adapté au téléphone.

La question de visibilité s’applique aussi, surtout pour les petites éditions. Avec cette

contrainte, Alastair Macdonald mentionne la volonté de créer un produit durable avant

tout, comme l’application Wow! News. Il y aurait donc une motivation de se démarquer, de

110 Rodier, J. (2020, 23 octobre). Forte de ses abonnements, la presse jeunesse peu touchée par la crise sanitaire. La Revue des Médias. https://larevuedesmedias.ina.fr/abonnements-presse-jeunesse-peu-touchee-par-la-crise-sanitaire 111 Rodier, J. (2020, 23 octobre). Forte de ses abonnements, la presse jeunesse peu touchée par la crise sanitaire. La Revue des Médias. https://larevuedesmedias.ina.fr/abonnements-presse-jeunesse-peu-touchee-par-la-crise-sanitaire 112 Moghaddam, F. (2020, 5 mai). Presse en confinement : "La victoire définitive du numérique sur le papier". France Culture. https://www.franceculture.fr/medias/presse-en-confinement-la-victoire-definitive-du-numerique-sur-le-papier 113 Zmooz. https://www.zmooz.com/francais-france

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Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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proposer des offres innovantes en accord avec les besoins de l’enfant. Il est intéressant de

constater que chaque édition de presse envisage un produit différent : cela montre la

diversité de la presse. Tout comme les magazines qui ciblent désormais un secteur de niche,

il serait également possible d’envisager des contenus uniques, d’où l’importance d’explorer

ces futurs contenus au cas par cas.

Lors de ma conversation avec Florie Deswaziere au cours de mon stage, j’ai appris que

Hippopo Éditions avait pour intention de développer une application Touk Touk. Elle

mettrait en scène les héros Tim, Gaïa et Touk dans différents pays du monde, pour résoudre

des enquêtes. Présenté sous forme de jeu vidéo pour la tablette ou le smartphone, l’enfant

pourrait à la fois se divertir et développer ses capacités de réflexion. Cela montre une volonté

de renforcer la dimension ludo-éducative, mais aussi de fortifier le manifeste de Touk Touk

comme univers de contenus aux valeurs de l’environnement et du voyage.

Avec l’accumulation de produits numériques, il serait intéressant de se demander si le

magazine passerait en second plan, dans le long terme, ou au même rang que le restant des

ressources. Cette question se pose aussi pour les éditions concevant des livres enrichis :

l’identité éditoriale changerait-elle pour se rapprocher du studio d’animation ? En voyant

que les albums jeunesse numériques se déploient sous forme d’application, cela nous fait

repenser à l’identité même de l’album. Quant aux ressources humaines, les éditions de presse

jeunesse intégreraient plus de développeurs et de designers d’expérience utilisateur (ou UX

Designers).

De nouvelles formes de lecture et d’usages

Le numérique a bouleversé nos pratiques quotidiennes. Alors, l’idée que de nouvelles lectures

puissent émerger n’est pas à négliger. Selon Nolwenn Tréhondart, il y a un intérêt de

commencer à enquêter sur les expériences de lectures, pour permettre éventuellement aux

éditeurs d’envisager “un modèle de lecteur plus libre et audacieux”.

Nous pouvons du moins prédire que les éditions de presse jeunesse accorderont toujours une

grande importance aux usages de la société, car elles évoluent en même temps qu'elles. Le

magazine étant une publication périodique, il y a le grand enjeu de prendre part à l’actualité.

Axel Planté-Bordeneuve cite qu’il s’agit plus de suivre les évolutions de la société plutôt que

de la devancer. En observant les futurs projets envisagés par les éditions, nous constatons

qu’ils correspondent aux usages actuels de la jeunesse : le futur jeu numérique de Touk Touk,

l’application informative de WoW! News et le passage aux QR code pour Geek Junior,

prouvent l’envie d’innover tout en répondant aux besoins du présent.

Page 97: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

95

Cela implique un parcours riche en expérimentations. De même que le livre est un format

qui exploite les potentialités de l’écriture numérique114, le magazine serait lui aussi en cours

de nouvelles explorations grâce à sa qualité de média. Comme le décrit Christophe Coquis,

“il faut expérimenter beaucoup”, en précisant qu’il est lui-même passé par ce processus avec

Geek Junior. C’est donc avec optimisme que les éditions de presse perçoivent le futur du

magazine jeunesse, véritable média d’accompagnement pour la jeune génération.

114 Tréhondart, N. (2014). Le livre numérique « augmenté » au regard du livre imprimé : positions d’acteurs et modélisations de pratiques. Les Enjeux de l'information et de la communication, 15/2(2), 23. https://doi.org/10.3917/enic.017.0023

Page 98: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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Conclusion

L’objectif de ce mémoire est d’analyser en quoi le magazine jeunesse aurait besoin

de ressources numériques et interactives pour renforcer ses dimensions de l’expérience

utilisateur. Pour ma recherche qualitative, j’ai analysé un corpus de 8 magazines jeunesse et

leurs ressources numériques. Parmi ces magazines, j’ai pu en savoir plus sur les finalités

éditoriales grâce à 5 interviews avec les professionnels de l’édition. Enfin, mon stage à

Hippopo Éditions pour le magazine Touk Touk a également servi à réfléchir sur la

conception des pages intégrant des QR codes et du site web servant à la fois de vitrine et

de répertoire de documents numériques.

D’après l’étude du corpus, il est nécessaire de connaître les finalités de l’édition pour

déterminer en quoi les ressources numériques vont renforcer les dimensions de l’expérience

utilisateur en plus du magazine imprimé. Dans la plupart des cas, les dimensions principales

sont narratives et ludo-éducatives, et sont supportées par les dimensions sociales, créatives

et ergonomiques ; par leurs apports audiovisuels et interactifs, les ressources numériques ont

souvent pour but d’enrichir l’expérience utilisateur, soit sur le magazine imprimé par les QR

codes ou les applications de réalité augmentée, soit par d’autres produits externes ayant un

lien avec la ligne éditoriale.

Par conséquent, la publication imprimée et la ressource numérique sont souvent dans la

complémentarité. Pourtant, tous les magazines étudiés dans le corpus peuvent se lire

indépendamment des ressources numériques, ce qui laisse une liberté de contrôle. Dans

plusieurs cas, le magazine imprimé est le produit principal, tandis que le contenu numérique

est un bonus ; ce dernier peut offrir des informations supplémentaires alors que la version

imprimée est limitée par ses couvertures. Dans ce cas, le magazine papier n’a pas forcément

besoin du numérique, mais ce dernier vise à enrichir l’expérience pour ceux qui le désirent.

Dans d’autres cas, les ressources numériques font partie des produits principaux de l’édition

et sont donc essentielles. Le magazine imprimé serait alors un objet avec pour finalité

d’apporter une expérience autre que celle des écrans : une expérience de lecture plus

autonome, sans l’intervention d’un autre dispositif. Grâce à sa qualité intemporelle, plusieurs

éditions sont confiantes sur le fait que la publication papier continuera à survivre. De ce fait,

le magazine jeunesse ne change pas d’identité, mais il se dynamise à la fois pour répondre

aux usages de la jeune génération et augmenter sa visibilité. L’enjeu de l’impératif créatif

est d’autant plus important face à la concurrence des plateformes sur écran. Or, plusieurs

éditions de presse utilisent les médias tels que YouTube pour offrir leurs ressources.

Page 99: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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Cette recherche s’est focalisée sur les intentions des éditions. Or, pour vraiment compléter

l’analyse de la problématique, il serait intéressant de connaître le point de vue du lecteur et

de l’utilisateur. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour évaluer son expérience

sur le magazine et sa relation avec la ressource numérique. Par exemple, un utilisateur

pourrait penser qu’un QR code est indispensable tandis que l’édition voit cela comme un

supplément, et vice-versa. Des tests utilisateurs seraient donc nécessaires afin de mieux

connaître leurs parcours.

Enfin, avec l’inclusion progressive d’offres numériques par les éditions de presse jeunesse, il

devient important de réfléchir à la conception centrée utilisateur sur les enfants. Ceux-ci

grandissent avec l’usage des écrans et ont des attentes qui correspondent à leur tranche

d’âge. Le design d’expérience utilisateur centré sur les enfants est donc une pratique qui

pourrait bientôt s’accroître chez les éditions. Avec cette perspective, le secteur jeunesse a de

grandes opportunités d’innovation pour enrichir le parcours de la nouvelle génération.

Page 100: Sous la direction de Nicolas Esposito MÉMOIRE DE MASTER 2

Emilie Tran Master 2 LIJE – Université Le Mans

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Bibliographie

La presse magazine

La presse jeunesse

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Charon, J. (2002). La presse des jeunes. Paris: La Découverte.

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par la crise sanitaire. La Revue des Médias. https://larevuedesmedias.ina.fr/abonnements-

presse-jeunesse-peu-touchee-par-la-crise-sanitaire

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Les réflexions sur la notion de magazine

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https://books.google.es/books?hl=fr&lr=&id=Rw0YYhXpxcgC&oi=fnd&pg=PP1&dq=magaz

ine&ots=HGzb0bO_Xx&sig=XJM7mgsC97koDuHVJl-

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Les magazines et le numérique

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Silletti, A. M. (2016). Le discours hypertextualisé des magazines de vulgarisation

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Jeantet, C. (2015). La littérature adaptée en livres numériques enrichis : du livre-objet à

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http://www.costech.utc.fr/IMG/pdf/jeantet_me_moire_candide.pdf

Tréhondart, N. (2019). Le livre numérique enrichi : quels enjeux de littératie en contexte

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Tréhondart, N. (2014). Le livre numérique « augmenté » au regard du livre imprimé :

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La lecture et l’utilisation des plateformes sur Internet

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Temperman, G., Montagne, S., Lièvre, B. d., & Boumazguida, K. (2018). Analyse des usages

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Les cours de Master 2 Littérature de jeunesse

Esposito, N. (2020-2021). Concevoir des ouvrages numériques sous l'angle de l'expérience

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Gaumer, P. (2020-2021). La Bande dessinée sur le territoire francophone européen. Le

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Lacroix, F. (2020-2021). Lecture et développement psychologique de l’enfant. Le Mans

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Mans Université.

Ouvry-Vial, B. (2020-2021). L'album de littérature de jeunesse, point de vue graphique et

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Le corpus

Sites web des éditions de presse jeunesse

Hippopo Éditions. https://hippopoeditions.com/

Bayard Jeunesse. https://www.bayard-jeunesse.com/

Milan presse: Abonnements magazines pour enfants, presse Jeunesse, livres et revues.

https://www.milanpresse.com/

Magazines et chansons en anglais pour enfants - Mini-Schools. https://mini-

schools.com/boutique/

Unique Heritage Media - Des médias pour les nouvelles tribus.

http://www.uniqueheritage.fr/fr/

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Sites web des magazines jeunesse et des produits numériques

Univers Touk Touk | Voyage et Écologie pour les Enfants. https://www.touk-touk.com/

Geek Junior - Le webmag des ados connectés. Apps, jeux vidéos... https://www.geekjunior.fr/

Toboggan, Abonnement Magazine enfant, Magazine 5 à 8 ans. https://www.toboggan-

magazine.com/

J’aime lire : Abonnement magazine enfant de 6 à 13 ans. https://www.jaimelire.com/

National Geographic Kids. https://kids.nationalgeographic.com/

Accueil - Wow! News. https://wow-news.eu

Le Journal de Mickey: Home. https://www.journaldemickey.com/

Bayam - L’appli ludo-éducative des 3-10 ans. https://bayam.tv/fr/

Baïka Magazine Du voyage à chaque page. https://baika-magazine.com

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Annexes

Annexe 1 : Tableau récapitulatif des dimensions sur l’expérience utilisateur

1) Le magazine imprimé et ses dimensions principales sur l’expérience utilisateur :

Dimension narrative

Dimension ludo-éducative

Touk Touk

Histoires du magazine : La Famille

Nomade, Pépino et Pomme de pin,

la BD de Tim, Gaïa et Touk, La

Grande Histoire...

Reportages animaliers, Us et Coutumes,

Documentaires sur la nature et la

biodiversité, cartes des pays.

Ces pages sont accompagnées de mini-

jeux et de quiz.

Baïka

Mythes et légendes d’ailleurs, BD

(Les voyages de Max et Némo,

Les Krobs)...

Interviews d’enfants (Les Aventuriers du

Mappemonde), documentaires,

reportages ludiques, jeux, recettes de

cuisine.

Geek Junior

Il n’y a pas d’histoires fictives ;

l’aspect narratif se déroule sur des

faits réels et l’actualité,

notamment dans la rubrique La

photo du mois.

Pages d’articles sur la Génération Geek :

l’actualité, les recommandations de livres,

le dossier spécial, des conseils numériques

pour le collège, plus un cahier pour les

parents. Une diversité de tutoriels (Les

Tutos) sur le numérique, un quiz et des

jeux.

Mini-Schools

Histoires, comptines et bandes

dessinées en anglais.

Des rubriques en anglais sur la culture

générale et des jeux : des documentaires

sur les animaux, la nature, les pays...

Toboggan

Histoires et bandes dessinées

(Super-Ouaf raconte, La Planète

des Grouillons, Avni, La famille

Excalibrius)...Un roman de 16

pages est inclus sous forme de

livret.

Documentaires (Le docu dessiné),

l’actualité (L’agenda Super-Ouah), les

jeux et les blagues, et Les Enquêtes de

Super-Ouaf et La puce pour exercer son

sens de la déduction.

Wow! News

Narration optimiste de faits réels

avec des solutions, sur l’actualité

et les personnes inspirantes.

Documentaires, reportages et interviews

sur l’environnement, les sports, la science,

la santé, et des héros / héroïnes qui

inspirent au changement. Jeux et quiz.

J’aime lire

Un roman, des bandes dessinées

(Ariol, Anatole Latuile, La

cantoche).

Jeux (Les jeux de Bonnemine), des pages

d’information sur l’actualité (Bonnemine

Mag).

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Le Journal de

Mickey

Bandes dessinées des personnages

Disney, ainsi que Ducobu, Les

Profs, Les P’tits Diables, Titeuf,

Boule et Bill...

Reportages sur l’actualité, dossiers et

fiches d’encyclopédies, jeux.

National

Geographic Kids

Bande dessinée sur un explorateur. Grand dossier sur la vie des animaux,

rubriques ludiques (Guinness Book des

records, Incroyable mais

vrai)...Documentaires sur l’histoire et la

nature.

2) Les ressources numériques et leurs dimensions principales sur l’expérience

utilisateur :

Dimension narrative

Dimension ludo-éducative

Touk Touk

Podcast Touk Touk d’histoires

audio sur le site web, YouTube et

les plateformes audio (Spotify,

Acast)

Rubrique du site web des Loisirs Créatifs :

articles et PDFs à télécharger sur le

bricolage, les expériences, le yoga, les

recettes et les jeux.

Baïka

Histoires racontées des Mythes et

légendes d’ailleurs sur le site web

et YouTube. Vidéos illustrées.

Activités à télécharger sur le site web :

pages du magazine imprimé sur les jeux,

les recettes et le bricolage.

Geek Junior

Le site web n’a pas vraiment de

dimension narrative car il a une

intention plutôt centrée sur

l’information (découverte de livres,

de jeux vidéo et d’applications)

avec un enjeu plus descriptif et

explicatif.

Articles sur l’actualité du numérique (les

sorties de mangas, les jeux vidéos), mais

aussi des tutoriels et articles

pédagogiques (rubriques Éducation et

Coding).

Mini-Schools

Magazine en réalité augmentée

pour accéder aux ressources

audiovisuelles (dans le but

d’écouter le texte écrit sur la

publication imprimée).

Pas de finalité ludo-éducative, car la

réalité augmentée vise surtout à faciliter

l’écoute audio, avec des éléments vidéo.

Toboggan

Outil de création de BD (Crée ta

BD avec Avni) : l’enfant conçoit sa

propre narration avec le

personnage de Toboggan. Quant

aux enquêtes interactives de

Super-Ouaf, une histoire est

Les enquêtes interactives de Super-Ouaf

ont la même finalité que le magazine

papier : renforcer le sens de l’observation

et de la déduction tout en s’amusant. Les

jeux d’Avni sont variés (puzzles, Le duo

rapido Avni, Les 7 erreurs, etc) et ont une

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contée par les personnages

suspects ; la narration entre au

service de la dimension ludo-

éducative.

stimulation mentale. La dimension

créative vient également supporter

l’aspect ludique (Crée ton emploi du

temps, Crée ton poisson d’avril).

Wow! News

Les articles web de WoW! News

ont une visée informative. La

narration de faits réels s’établit,

par exemple, pour les histoires de

personnes inspirantes (Héro·ïnes).

En lisant les articles, en écoutant les

podcasts et en regardant les vidéos,

l’enfant s’informe et développe ses

connaissances sur l’actualité, la nature ou

les sciences. Des solutions aux problèmes

lui sont proposées. La future application

comprendra des quiz et des jeux

interactifs.

J’aime lire

Les ebooks sur Bayam peuvent

s’écouter avec un bouton Play. On

retrouve également des podcasts.

Des jeux dans lesquels on trouve les

personnages Ariol et Anatole sont

présents. Il y a également des vidéos sur

les expériences scientifiques, des recettes

et des activités créatives.

Le Journal de

Mickey

Des bandes dessinées se trouvent

sur le site web.

Un répertoire de Disney se trouve sur le

site web (rubrique Dico Disney).

National

Geographic Kids

Les jeux Funny fill-in permettent à

l’enfant de personnaliser une

histoire en intégrant ses propres

mots dans des textes à trous.

Une encyclopédie numérique sert de site

web, avec des vidéos, des jeux et des

articles informatifs.

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Annexe 2 : Retranscription des entretiens

Geek Junior - Entretien avec Christophe Coquis

Question 1 : Intéressée par vos contenus, je voudrais m’assurer que le magazine est

venu après la création du site Web, c’est bien cela ?

Christophe Coquis : Oui, tout à fait. Le site web a été créé en 2015 et c'était un projet

parallèle à mes activités professionnelles. J'ai deux adolescents qui sont en train de

commencer à être de jeunes adultes et il me semblait intéressant de proposer un contenu à

leur destination pour développer leur culture numérique et enrichir leur pratique. Alors, j'ai

continué ce site web pendant cinq ans, et ensuite j'ai voulu passer à une étape supérieure et

en faire un vrai média d'information avec la création d’une entreprise derrière et la

publication d'un magazine.

Le premier numéro est sorti au mois de mai de l'année dernière. On en est au numéro 14

actuellement. On est en train de finaliser le numéro 15 de la rentrée.

Question 2 : J'aimerais savoir quelles seraient les finalités principales du web magazine

(site web). Quelles sont ses dimensions principales ?

À la fois, on a le site web et le magazine. Le site web cible une population un peu plus large

que des collégiens, alors que le magazine est vraiment pour les collégiens (10-15 ans). Le site

web va être un peu plus large aussi, pour les jeunes adultes, les parents, et ceux qui veulent

faire une veille. L'objectif, c'est vraiment de développer la culture numérique des adolescents,

que ce soit sur le site web ou le magazine : on s'est aperçus que les adolescents avaient

souvent une pratique finalement assez pauvre du numérique, où ils vont seulement utiliser

3-4 applications sociales.

L'idée est de montrer qu'il y a d'autres alternatives, qu’il existe aussi énormément d'outils

pour développer la créativité et l'esprit critique des ados par rapport à leur propre pratique

numérique. Tout cela dans un emballage qui soit attractif, pour qu’ils n’aient pas l'impression

que ce soit un contenu trop éducatif, fait par des adultes pour expliquer aux ados comment

faire pour bien utiliser son smartphone.

Il faut trouver un équilibre entre des contenus qui soient intéressants pour développer leur

pratique numérique et des contenus plus légers. Par exemple, sur le site web, on va parler

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parfois de mangas, de séries télé, ce qui n'est pas forcément le cas sur le magazine. Là, on

est un peu plus centrés sur l'aspect numérique.

Question 3 : Je voudrais savoir quels sont les avis des lecteurs sur le site web. Comment

se passe leur utilisation par rapport au magazine imprimé, et s’il y a eu des retours.

Est-ce qu'ils considèrent le site web comme un magazine?

Non, ils le considèrent comme un site web classique, où ils vont trouver des informations.

C’est un peu difficile de savoir quels sont nos lecteurs. Geek Junior, c’est une petite structure

: on est 4 à y travailler, et on n’y travaille pas en plus à plein temps, mais ça se développe.

On n'avait pas forcément de retour sur le site web. Le meilleur retour qu’on a eu, c'est quand

on a fait la campagne de financement participatif pour le lancement du magazine.

C'était une campagne sur Ulule, trois jours avant le premier confinement. C'était plutôt un

succès. On a eu avant tout des retours de personnes qui nous connaissaient déjà à travers

le site web. La plupart me disaient qu'ils étaient super contents que le site web, on en fasse

aussi un magazine, pour leurs enfants, ou des professionnels d’éducation. Le site web était

déjà une source d'information de qualité pour les ados, et offrait justement une veille

intéressante.

On a eu beaucoup de retours avec la campagne de financement participatif. Ça nous a

confirmé que ce qu'on faisait pendant cinq ans avait un intérêt. On nous disait : “Vous êtes

les seuls à proposer un contenu comme ça”.

Question 4 : Je voudrais savoir quelle place ont ces deux contenus. Est ce que, par

exemple, vous considérez que le magazine est le produit principal et le site web est une

autre source supplémentaire pour que les abonnés aient plus d'informations ? Comment

voyez-vous le positionnement?

On a un positionnement qui n’est pas encore fixe, parce que ça reste un projet évolutif : dans

le numéro de septembre, on va encore améliorer la formule du magazine. Le produit

principal, c'est le magazine d'un point de vue des ressources financières. Mais le site web est

stratégique parce que c'est lui qui nous donne aussi une exposition sur le web, de ce que l'on

fait. C’est aussi à travers le magazine qu'on va capter de nouveaux abonnés.

Au niveau éditorial, ce sont les articles sur le site web qui sont plus sur l'actualité, alors que

pour le magazine, on va avoir des contenus plus construits, plus intemporels aussi. Parfois, il

y a des news qu'on va publier dans un premier temps sur le site web, tout de suite. On va les

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retrouver aussi sur le magazine parce qu'on considère que les adolescents ne sont pas tout

le temps le nez à regarder l'information technologique.

Ensuite, il y a des contenus des anciens numéros du magazine qu'on va petit à petit republier

sur le site web de manière régulière. Mais il y a des articles qu’on publie sur le site web qui

ne seront jamais sur le magazine, et inversement. Ça dépend du contexte et de l'objectif du

contenu en lui-même.

Question 5 : Au niveau de l’édition, j’aimerais savoir quelles sont les différences entre

le magazine imprimé Geek Junior et l’édition des articles web sur le site ?

Sur le site web, on est vraiment plus sur le moment ; des contenus qui sont par rapport à

l’actualité. Les articles sont souvent plus courts, mais ça dépend de l’article. On va forcément

mettre beaucoup plus d'objets multimédias : une vidéo, des images, des sons... C'est beaucoup

plus enrichissant.

L’intérêt du magazine est que c’est un contenu qui est beaucoup plus structuré ; on a aussi

un manque d'espace évident du magazine. Si on peut mettre 700 signes sur une page, ou

1500 signes, on ne peut pas en mettre 1700. C'est un travail d'écriture différent, beaucoup

plus structuré, un peu plus formel aussi que sur la version web, qui est plus directe et où on

peut aussi ajouter plus de détails. Pour moi c'est complémentaire, sachant qu’on peut aussi

faire passer du magazine à des contenus sur Internet.

On avait mis en place avec la startup ArgoPlay, des contenus en réalité augmentée depuis

notre site web. Il fallait télécharger l'application et après, en scannant une page, on prévenait

le lecteur qu’il y avait un contenu augmenté. Ça pouvait être une vidéo, par exemple. C’est

un procédé qu'on va continuer à partir de septembre. Mais ça va être encore plus simple,

avec juste un QR code.

Pour le site web, c'est intéressant si on peut développer les contenus de manière différente,

notamment par rapport aux réseaux sociaux. C’est ce qu'on va faire avec la startup Zmooz

à partir de la rentrée. La plupart de nos articles vont être transformés en story : c'est un

format que les ados apprécient particulièrement. On va pouvoir automatiser nos contenus

pour créer des stories qu'on publiera après sur nos réseaux.

Question 6 : Le fait de voir la conception en réalité augmentée, je trouve que c'est très

intéressant et je me demande quels sont les apports, par exemple, de faire un magazine

imprimé en réalité augmentée vs un magazine enrichi, ou directement sur une tablette,

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avec des sons, des animations intégrées. Quelles seraient les apports sur cette

expérience?

Le fait est qu’il s’agit d’un magazine papier. Ça se conserve mieux. Le magazine papier peut

vivre sans la dimension augmentée. Ensuite, pour en faire un véritable magazine augmenté

sur une tablette, il y a un frein économique et technique pour nous.

Ça va coûter beaucoup plus cher et il faut des moyens supplémentaires. Il y a un problème

de distribution parce qu'il faut créer l'application. Il faut qu'elle soit téléchargée. Les ados

téléchargent très peu d'applications, contrairement à ce qu'on peut imaginer. On préfère

vraiment la version magazine parce qu'il y a un public d'adolescents qui y restent attachés.

On a des très bons retours par rapport au magazine papier ; notamment, plein de

professeurs documentalistes nous ont dit que c'est devenu l'un des magazines préférés des

ados au collège.

C'est plutôt bon signe parce que c'est un magazine qui traite de leur quotidien. La réalité

augmentée, c'est un plus pour nous. Pour l'instant, ça ne marchait pas très bien, tout

simplement parce qu'il fallait télécharger l'application : c'était un frein. Alors, j'allais dire une

bonne chose de cette histoire d'épidémie, c’est que tout le monde sait que c'est qu’un QR

code maintenant (rires). À partir de là, ça va être beaucoup plus simple et je pense qu'on

aura beaucoup plus d'interactivité.

On pourrait imaginer beaucoup plus de contenus comme ça : un édito sous la forme d'une

vidéo ; une critique de bouquin qu'on a mis sur le magazine. Ça permet de mettre en vidéo

pas mal de contenus : présenter un produit, un test... On va pouvoir faire beaucoup plus de

choses très sympa ; ce qu’on ne pouvait pas trop faire avant, même si ça demande du temps.

C'est une question de moyens techniques, financiers, et de distribution. Parce que même si

on met ça sur un store, je ne suis pas sûr que beaucoup téléchargent.

Question 7 : Comment pensez-vous que le magazine évoluera dans le futur ? Pensez-

vous qu’il y aura plus d'offres numériques ou est-ce que ça restera un magazine papier

?

Le magazine papier, comme tout élément physique de culture, reste un objet qui est apprécié,

contrairement à ce que l’on peut penser, par les jeunes et les ados. C’est souvent qu'on ne

leur met pas dans les mains, ou pas suffisamment. Après, on est en concurrence avec les

écrans. Néanmoins, on est sur une thématique qui est intéressante pour eux, qui traite de

leur quotidien et de problématiques concrètes qu’ils ont avec leurs appareils.

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Au niveau de l’évolution, je vois avec Geek Junior qu’on va développer des outils pour faire

des liens entre le site web, le magazine et que les deux fonctionnent ensemble. Je pense qu’il

ne faut pas opposer l’un à l’autre. Ça peut être très complémentaire, il faut expérimenter

beaucoup : on a commencé des choses, ça ne marchait pas. On a laissé tomber, on en refait

d’autres, on expérimente (rires) !

La difficulté, c’est surtout pour des éditeurs indépendants. On ne fait pas partie d'un groupe

; il faut trouver la visibilité parce qu’on est face à des grands groupes mainstream qui ont

des moyens infiniment plus importants que les nôtres et qui ont des canaux de promotion

qui leur sont facilement ouverts.

On a eu des retours presse, mais c’était limité alors qu'on est un magazine novateur. On a

un problème de visibilité, et c'est souvent le problème des petits éditeurs. Après, il y a aussi

la distribution chez les marchands de journaux qui, à mon avis pour la presse magazine, va

être de plus en plus compliquée. On hésite à distribuer le magazine chez les marchands de

journaux. On est en train de réfléchir à ça.

C'est compliqué, outre le fait qu’il y a une épidémie en ce moment. Je pense qu’il y aura

toujours un public comme la presse en général, mais il peut être de plus en plus restreint sur

le long terme. Pour Geek Junior, on sait qu’on va s'adresser à un certain public déjà averti

qui a déjà probablement un ou deux magazines sur lequel ils sont abonnés, qui a une culture

du papier dans la maison, que ce soit des livres ou des magazines.

Cette culture du papier a tendance à disparaître de plus en plus, même si la presse jeunesse

est une des presses qui résiste le mieux, notamment par rapport à la crise actuelle. On essaye

de proposer un produit mixte et bimédia, parce que c'est avec le site web qu'on fait découvrir.

Pour les plus curieux, on essaye de leur proposer quelque chose qui soit pérenne dans le

temps.

Je me rappelle quand j'étais gamin, j’achetais GEO. J'adorais les collectionner, parce qu’on

pouvait les garder et revenir sur un magazine deux ans après. C’était toujours aussi

intéressant. Le papier n’est pas mort, il faut juste le dynamiser un peu, comme on le fait avec

une approche un peu plus multimédia, et surtout proposer des contenus qui s'adressent au

quotidien du lecteur.

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Baïka - Entretien avec Noémie Monier

Question 1 : Comment est née l'idée de concevoir les ressources sonores et audiovisuelles

du magazine Baïka et quelles sont leurs finalités principales pour les enfants?

Noémie Monier : L'idée est venue pendant le premier confinement ; on s'est retrouvés avec

tous nos ateliers pour enfants annulés. Les librairies et les écoles étaient fermées. Donc, on

a développé ça d'abord pour essayer de proposer des choses sur nos réseaux sociaux et

maintenir une présence, et pour se joindre à l'effort collectif, de plein de gens qui visaient à

proposer des activités pour les enfants. Nous-même on était bloqués chez nous avec nos

enfants et on savait à quel point ce n'était pas évident de les occuper pendant qu'on essayait

tant bien que mal de travailler.

On a vu un peu tout ce qui tournait sur le web à ce moment-là. On a voulu participer à cet

élan collectif ; on s’est dit qu’on avait certaines choses qu'on pouvait valoriser. Les histoires

racontées sont venues parce qu’on avait autour de nous un vivier de gens, d’amis, qui étaient

intéressés, ou qui s'ennuyaient parce qu'ils ne pouvaient plus travailler. On a un copain

réalisateur qui nous a proposé de réaliser les vidéos parce que ça l'intéressait. Au fur et à

mesure, il y a d’autres amis qui nous ont proposé de poser leurs voix : de jeunes comédiennes

et comédiens. Et donc, on a fait quatre vidéos.

Question 2 : Comment se passe l’utilisation des abonnés sur les vidéos, par rapport aux

magazines imprimés? Dans quelle mesure font-ils partie du magazine? Est ce qu'il y a

un rapprochement ?

Ce sont les histoires tirées du magazine. Je n’ai pas eu de retours de nos abonnés là-dessus.

On a fait tourner les vidéos à tous les enseignants qu'on connaissait, sur WhatsApp. L'idée,

c'était plutôt que ce soit viral. Pour le coup, on ne s’adressait pas du tout à nos abonnés.

C'était bien au-delà de ce cadre-là. L'idée était aussi de maintenir une présence, de proposer

du contenu sympa gratuitement et éventuellement de réussir à avoir de nouveaux abonnés,

dans un moment où on ne pouvait plus vendre d'animation ni de magazines en librairie.

Question 3 : Je suis assez intéressée par la dimension sociale vis-à-vis de ces contenus-

là. Les personnes qui écoutent les histoires auraient-elles plus tendance à les écouter

en autonomie ou bien avec leurs parents / d’autres enfants?

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Je n’en ai aucune idée. L'idée de ces histoires audio, c'est que les enfants puissent les écouter

en autonomie. Quand je propose des histoires audio à mes enfants, c’est pour qu'ils aient un

moment calme, tout seul ou avec la fratrie, mais effectivement sans les parents.

Je sais que dans le cadre privé, chez tous mes amis qui ont des enfants de cet âge là, l’histoire

audio est écoutée en autonomie. Le but aussi, c'est de se dégager des plages de temps, tout

en occupant les enceintes d'une manière sympathique.

Question 4 : À votre avis, dans quelle mesure la proposition d'offres numériques peut-

elle changer l'identité du magazine imprimé?

Je le vois plutôt dans l'autre sens. Notre cœur de métier, c'est vraiment le print. On n'a pas

pour projet de développer une connexion en parallèle avec le numérique. À l'avenir, j'aimerais

bien qu'on rende disponible à nouveau les anciens numéros qui sont épuisés en numérique.

Tous les supports numériques qu'on a développés jusqu'à présent, ce sont plutôt des

déclinaisons du magazine plutôt que l'inverse. Il y a les histoires, mais aussi des recettes de

cuisine, quelques jeux qu'on a tirés de différents numéros et qu'on a mis à disposition

gratuitement. Pour l'instant, ce n'est pas le numérique qui influe sur le magazine print, et ce

ne sera jamais le cas.

Question 5 : Que pensez-vous de la place qu'aura le magazine papier dans le futur?

Est ce que vous voyez qu'il y aura peut être une évolution? (Que pensez-vous du format

enrichi avec l’intégration de sons, d’animations ou de jeux numériques directement sur

le magazine ?)

Le contenu du magazine va toujours évoluer ; c'est le cas depuis le début. Il y a des évolutions

graphiques, notamment dans la maquette, des restructurations, etc.

Pour être honnête, je n'aime pas [l’intégration de contenus numériques] en tant qu'utilisatrice

pour les autres magazines. Je ne vais jamais flasher un flashcode dans un magazine ou

regarder un bonus numérique quand je lis un magazine papier. Personnellement, ce n'est pas

une expérience de lecture que j'aime et c'est quelque chose que je n’utilise jamais sur aucun

des supports de lecture que j'ai.

Par contre, si on avait plein de retours d’enfants et de professionnels qui nous demandaient

ça, pourquoi pas? Ce n'est pas une direction qui m'intéresse, sauf si ça nous est vraiment

demandé par notre communauté et par les enseignants avec qui on travaille, les

bibliothécaires, etc. Mais pour l’instant ce n’est absolument pas le cas. Si ça nous était

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demandé, on y réfléchirait. Mais moi, je préfère développer des contenus numériques qui ne

soient pas intégrés au print.

Ça peut être complémentaire. Par exemple, ceux qui ont repéré qu’on proposait quelques

vidéos avec les histoires et qui veulent [regarder la vidéo] après avoir lu le magazine, ils

peuvent déjà le faire. Mais je ne vais pas intégrer dans le magazine des flashcodes, des liens.

Parce que je n’aime pas tout ce qui sort de la lecture.

On est assez à l'écoute des retours qu'on peut avoir des enfants, des enseignants et des

bibliothécaires. On a déjà fait évoluer le magazine en fonction des retours qu'on avait. Donc,

ça pourrait être le cas à l'avenir, mais ce n'est pas une direction qu'on explore.

Question 6 : J'aimerais savoir quelles sont les différences entre le travail de l'édition du

magazine imprimé Baïka et l'édition des contenus web (au niveau du temps, de la

conception etc.) ?

Il y a les fichiers audio et les vidéos de quelques histoires. Le reste, ce ne sont que des pages

tirées du magazine : tout ce qui est activités à télécharger, ce sont des pages entières du

magazine à télécharger. Il n'y a pas d'édition de contenus numérique à proprement parler.

Question 7 : Je m’intéresse aux dimensions et aux apports des ressources audiovisuelles

vs. du magazine. Je voudrais savoir si la narration est bien la finalité principale pour

les enfants ?

(Pour le magazine papier) La dimension narrative n'est pas du tout la plus importante du

magazine. Le but est d'ouvrir les enfants sur les cultures étrangères et leur diversité. Dans

chaque numéro, on présente un pays différent. Il y a de la narration, mais c'est une petite

partie. La base de notre ligne éditoriale est de donner la parole à un enfant qui est né dans

un pays étranger et qui a immigré en France. Par exemple, le dernier numéro est sur le

Sénégal : je vais à la rencontre d'un enfant qui vient de là bas. Le magazine est construit

autour du personnage de cet enfant qui est interviewé dans le magazine et qui va intervenir

dans toutes les rubriques. Il y a une dizaine de rubriques : une rubrique fiction, où

effectivement, on présente un conte, une légende du pays d'origine ; un dossier pédagogique

et ludique pour creuser un peu l'univers des contes et légendes de ce pays-là ; une rubrique

sur la cuisine, la géographie, l'histoire, la faune, la flore et les différentes langues qui sont

parlées dans le pays ; une rubrique reportage où on va aborder le pays sous un autre angle.

Ça dépend des pays dont il est question.

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La finalité du magazine, c'est de présenter les cultures étrangères sous un angle pluriel pour

montrer la diversité. C'est pour ça qu'on s'applique à proposer des rubriques différentes pour

aborder le plus d'angles possibles, pour montrer plein de facettes d'un même pays. L’angle

narratif, ce n'est pas du tout le plus important pour moi. C'est une des composantes du

magazine. Mais pour moi, le fer de lance du projet, c'est donner la parole aux enfants qui

sont issus de multiples cultures.

On a utilisé les histoires pour créer les contenus audiovisuels parce que c’était une matière

disponible et valorisable sous ce format-là. Mais pour les interviews d’enfants, on ne peut

pas mettre en scène sous forme de vidéo tous les contenus de notre magazine. Les histoires,

ça s'y prêtait très bien ; mais c'est juste la première rubrique du magazine. Il y a 50 pages,

ce sont les huit premières. L’idée, c'était de proposer des contenus qui permettent d'occuper

les enfants et leur apprendre des choses, les occuper de façon ludique.

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WoW! News - Entretien avec Alastair Macdonald

Question 1 : Comment est née l'idée de concevoir les articles en plus des magazines

imprimés? Quels sont les apports principaux sur l’expérience utilisateur, pour mettre en

ligne ces contenus ?

Alastair Macdonald : L’idée fondamentale, c’est Catherine (cofondatrice de WoW! News)

qui a fait le constat qu’il y a un biais négatif dans les médias en général. J’étais dans le

journalisme de crise et de conflit, et Catherine me posait des questions : Pourquoi est ce

qu'on ne lit que des mauvaises nouvelles? J’avais une explication : quelque part, le journalisme

est là en tant que lanceur d'alerte. Une fonction des médias est de prévenir d'autres citoyens

des choses qui ne vont pas. Ça joue avec la psychologie humaine car nous avons évolué en

mettant notre attention plus sur les dangers que sur des choses positives.

On s'est rendu compte que ces informations deviennent plus présentes, quasiment

omniprésentes pour les plus jeunes. Ça a un effet négatif sur ces enfants. On fait des

recherches autour de nous - enseignants, pédopsychiatres et autres - pour faire le constat

qu'effectivement, nous avons une génération de jeunes enfants inquiets sur l'état du monde

et que ça commence chez les adultes. Cette négativité peut mener à une sorte de sentiment

d'impuissance, d'inquiétude (“le monde va très mal”, “il n'y a plus rien à faire”). Et donc est

né une volonté de rééquilibrer cette vision du monde très négative pour des enfants, mais il

y a des gens qui cherchent et trouvent des solutions. Nous sommes persuadés que, en

montrant une partie des solutions et pas simplement des problèmes, ça aide les enfants à

avoir confiance en eux.

Il y a deux ans, nous avons commencé à faire des expériences en écrivant des articles. Nous

les avons postés en ligne, sous forme de blog. Un peu plus d'un an, on a commencé à refaire

le site, mais c'est vraiment une plateforme de test pour nous. C'était gratuit et ça nous a

permis d'avoir des retours des enfants, des parents et enseignants, et de tester différentes

formes d'articles, des podcasts, des vidéos. A l'automne dernier, l'idée a toujours été d'être

dans le numérique, mais on n’a jamais pensé qu'un site pour des enfants de cet âge-là

pourrait être une proposition durable. Nous avons depuis le début l'idée de créer une

application qui serait plus à même d'offrir aux familles la sécurité autour de l’accès à

l’information numérique. Et entre-temps, à la fin de l'année dernière, nous avons lancé le

magazine parce qu’on a eu beaucoup de retours des familles et des enseignants, sur le fait

que les enfants aimeraient aussi avoir quelque chose sur papier. C'est pourquoi nous avons

lancé le magazine. Mais nous sommes sur le point de lancer l’application ; le magazine et

l’application sont combinés.

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Question 2 : Comment voyez-vous le positionnement de ces contenus ? En quoi

considérez-vous qu’il y a un produit principal et après d'autres contenus

supplémentaires? Est ce qu'il y a un rapprochement vis à vis de ces ressources?

Le site va être transformé plutôt comme une vitrine, pour montrer nos produits et encourager

à ce que les gens viennent les découvrir. Ce sont des produits d’infos centrales ; il y a

l’application Wow! News que nous allons lancer en automne, et accessoirement, nous avons

le magazine. On a des publics un peu différents, mais nous voyons une complémentarité. Le

magazine, c'est vraiment quelque chose que l'on peut prendre et lire tranquillement dans sa

chambre, pour recevoir des vraies infos d'une manière très différente d'autres produits. Pour

l’application, elle comporte des infos hebdomadaires sur smartphone ou tablette ; c’est un

moment qui sera partagé avec un parent ou un adulte. À cet âge là, c'est plus pratique pour

découvrir le monde numérique, d'être accompagné par un adulte et découvrir des infos de

solutions aux problèmes du monde.

Question 3 : Donc, avec l’application, la dimension sociale serait renforcée, étant donné

que l’adulte partage l’application avec l’enfant ? Que voyez-vous comme apports sur

l'application, par rapport au magazine imprimé ?

L’application est conçue pour être une expérience de 15 minutes environ. C'est un moment

partagé avec les parents. Les infos sont publiées toutes les semaines, tandis que le magazine

est trimestriel. Donc ce sera un peu plus dans l’actualité.

On est beaucoup dans le format audiovisuel ; le problème et la solution sont racontés en

vidéo et il y a des éléments ludiques et interactifs : des quiz, des moments de partage où on

peut comparer les réactions du parent et de l’enfant pour stimuler la discussion. Ça permet

aux parents de mieux comprendre la relation de l’enfant à l’actualité. Ça permet aussi à

l’enfant de voir ses parents aussi s'informer en même temps. C’est quelque chose pour nous

qui est assez nouveau. Nous ne voyons pas vraiment d’équivalent en ce moment.

Question 4 : Selon vous, dans quelle mesure la proposition d'offre numérique peut-elle

changer l'identité du magazine papier ? En quoi ces deux contenus sont liés : L'enfant

pourrait par exemple juste lire l'application, mais ne pas consulter le magazine.

Je ne vois pas le changer parce que la conception du numérique et de l'application est un

antécédent au magazine. Même si on n'a pas lancé l'application, elle était dans notre projet

depuis deux ans. Le magazine, on l’avait lancé à la fin de l'année dernière : il a été lancé

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avec l'idée de montrer aux enfants que le monde est plein de solutions aux problèmes. C'est

un support différent, plus classique pour montrer nos idées.

Mais dans le magazine, on a pris soin d'avoir des liens sur les contenus numériques : on a

des codes QR pour regarder des vidéos, écouter des podcasts, voir du contenu très vivant

sur notre site, dans le magazine. Aussi, ce serait une manière d'attirer l'attention sur ce que

nous faisons dans l'application. Ce sont deux produits assez différents mais nous les utilisons

essentiellement pour les renforcer. L’idée pour l’instant, c’est de proposer un abonnement à

l’application ; les infos hebdomadaires seraient plus ou moins liées à un abonnement annuel

qui serait accompagné par l’envoi du magazine.

On vise aussi des publics un peu différents. Ce que nous avons vu, c’est que la possibilité

d'offrir le magazine plaît beaucoup aux grands parents. Ils ont envie de partager le

magazine papier avec les enfants, tandis que les parents vivent beaucoup plus dans le

monde numérique. Nous proposons une solution adaptée pour le parent qui voit que son

enfant peut être inquiété par le monde de l’actualité, et qui cherche des outils pour discuter,

pour trouver les moyens de montrer à l’enfant que ce n’est pas juste que des catastrophes.

Question 5 : Vous avez mentionné les retours des abonnés sur le site web, sur les articles.

J'aimerais savoir un peu comment se passe leur expérience d’utilisation, comment cela

s'est passé pour eux.

Le site, c’est une plateforme d'expérimentation : on n'a jamais pensé qu'un enfant de 8 ans

va aller sur un site Internet et naviguer. Les gens ont constaté la richesse et le choix des

contenus ; de pouvoir lire et en même temps, écouter des podcasts. Nous avons compris qu’à

cet âge-là, il y a beaucoup d'enfants qui ont du mal à lire ou qui peuvent trouver pénible de

lire un article de quelques minutes. Ils aiment bien écouter la lecture des podcasts. On a

compris qu'effectivement, l’interactivité, la possibilité de voir des vidéos, de cliquer, donne

une richesse à l’information.

Quant aux parents, ils ont apprécié le fait que nous donnions déjà nos sources ; il y a la

possibilité d’aller regarder les articles d’autres médias, des sites web des personnes

concernées. Donc il y a plus de profondeur sur les sujets. C’est quelque chose qu’on essaie de

garder. L’utilisation même du site nous a donné des tuyaux sur la manière de se référencer.

Question 6 : Que pensez-vous de la place qu'aura le magazine papier dans le futur? Et

aussi, vous avez parlé des QR codes et cela m'intéresse. Je voudrais savoir si vous

envisagez la conception d'un magazine enrichi, par exemple un magazine sur une

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tablette, intégré à des sons, des animations ou des jeux numériques. Est ce que cela

serait envisageable?

Peut-être, mais nous sommes une start-up. Nous nous battons pour notre survie et il faut des

revenus pour un produit durable, avant de faire autre chose. On n’est pas convaincus que

faire revivre des magazines soit facile en ce moment.

D’ailleurs, il faut noter que notre site est bilingue : quasiment tout est en anglais. Pour

l'instant, on se concentre sur le marché français, pas autant en anglais qu’avant. L’idée avec

l’application, c’est de le faire en plusieurs langues, notamment en anglais et de couvrir

l’actualité globale. Le magazine reste pour l’instant quelque chose que nous faisons en

français. Les marchés de magazines en France sont assez nationaux tandis que pour nous,

notre vision est vraiment globale ; nous avons des abonnés un peu partout dans le monde.

Pour l’instant, il faut chercher une manière de survivre, et pour nous, c’est en lançant

l’application.

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Mini-Schools - Entretien avec Olivier Jughon

Question 1 : Comment est née l’idée de concevoir ce magazine Mini-Schools en réalité

augmentée ?

Olivier Jughon : Mini-Schools Magazine existe depuis 1971, donc il n’y avait pas la réalité

augmentée à l’époque. En revanche, depuis une vingtaine d’années, on a mis en place des

supports audio qui viennent compléter la partie papier, parce qu’on s’adresse à des enfants

qui apprennent l’anglais. D’abord ça a été des cassettes, des CD. C’est un peu par hasard

qu’on est arrivés sur la réalité augmentée parce qu’on a vu une pub sur ce type de contenu,

et qu’on s’est dit que c’était la possibilité non seulement d’ajouter des contenus audio, mais

également des vidéos à notre magazine, sans avoir besoin d’un support physique différent

de celui du support papier. L’édition de CD, c’est sympathique. Mais d’une part, il y a de

moins en moins de lecteurs de CD chez les enfants qui écoutent de la musique sur des

tablettes. D’autre part, ça avait un coût carbone qui est négligeable, et pour nous un coût

pratique de faire imprimer les CDs. On s’est dit que l’idée de la réalité augmentée

permettait d’avoir un accès facile à des contenus sans avoir un support physique

supplémentaire.

Question 2 : Avec l’arrivée de la réalité augmentée sur le magazine, quels ont été les

changements avec ce magazine ? En quoi pensez-vous que ça fait changer la nature

du magazine ?

Pas énormément, parce que la ligne éditoriale reste la même. Il a fallu qu’on définisse les

pages qui étaient en réalité augmentée, le contenu qu’on voulait mettre dedans, mais étant

donné qu’on avait déjà un support d’audio attaché au magazine (qu’on utilisait depuis au

moins une vingtaine d’années), ça n’a pas changé de façon très importante la structure du

magazine.

Question 3 : Est-ce que vous pensez que la réalité augmentée facilite l’apprentissage

de l’anglais, étant donné que le magazine Mini-Schools vise un apprentissage de

cette langue ?

Oui, ça facilite certainement, puisque ça permet d’avoir en plus du support papier, un

support audio, voire un support vidéo. Cependant la vidéo est un peu accessoire ; elle est là

pour retenir l’attention des enfants et les amuser, mais le support audio est très important.

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Question 4 : Quels ont été les avis des enfants à l’arrivée du magazine en réalité

augmentée ? Est-ce qu’ils ont eu des avis ?

Oui. Les enfants auxquels on s'adresse sont toujours très enthousiastes quand on leur

propose des choses qui sont innovantes et amusantes. Plein de parents ont trouvé cela très

sympa, dans l’air du temps ; ils ont trouvé que c’était une très bonne idée. En revanche,

certains parents nous ont dit que ça les mettait devant les écrans. On a eu une grande

explication pédagogique à faire, en expliquant aux parents qu’il ne s’agissait pas de les

mettre devant des vidéos qui vont durer des heures. Les vidéos qu’on a à l’intérieur du

magazine durent entre 1 et 2 minutes. C’est très court. L’intérêt de ces vidéos est d’avoir la

partie sonore. Le magazine a été bien accueilli dans l’ensemble, mais avec quelques

restrictions, car ça nécessitait de passer par un écran.

Question 5 : Est-ce que les enfants ont trouvé la réalité augmentée facile dans leur

première utilisation ? Est-ce qu’il fallait d’abord les guider pour qu’ils utilisent le

dispositif ?

Il faut les guider. C’est très simple mais il faut quand même télécharger l’application, donc

cela nécessite la présence d’un adulte.

Question 6 : Mini-Schools est un magazine qui est bien physique, mais est-ce qu’on

pourrait lire ce magazine sans avoir recours à la réalité augmentée ? Est-ce que cela

peut être indépendant du numérique ?

Absolument, oui. On peut tout à fait lire sans avoir recours à la réalité augmentée. Elle

n’est pas une obligation pour accéder au magazine. On peut tout à fait lire sans réalité

augmentée.

Donc le contenu numérique serait comme un plus, un contenu supplémentaire mais le

contenu principal reste bien le magazine imprimé.

Absolument. Il n’y a pas d'éléments supplémentaires dans le contenu en réalité augmentée

par rapport à ce qu’il y a sur le papier. Il y a juste une version sonore. On n’apporte pas

plus d’information comme il y a dans certains livres et notamment des livres scolaires. On a

une image avec un peu de texte, qui est mis en audio.

Question 7 : Quelles sont les différences entre l’édition de Mini-Schools en réalité

augmentée, par rapport à l’édition d’un magazine traditionnel ?

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Il n’y a pas de différences. Il faut juste décider des pages qui sont faites en réalité

augmentée, les identifier pour les lecteurs, et donner le mode d’emploi dans le magazine.

En revanche, cela reste un magazine papier de base ; il faut que les enfants puissent le lire

sans être obligés de passer par la réalité augmentée. Ce n’est pas une obligation, car ce

n’est pas un magazine à visée numérique.

Question 8 : Dans quelle mesure cet enrichissement numérique peut-il changer

l'identité du magazine papier, à votre avis ?

Je trouve que ça apporte un plus, sans que ce soit compliqué, puisque ça ne nécessite pas

d’avoir recours à un lecteur. Il est évident que ça nécessite d’avoir une tablette ou un

téléphone, mais à priori, cela fait partie de ce que les gens ont chez eux. Ça nécessite un

support qui est tellement répandu à l’heure actuelle que c’est plutôt simple d’utilisation.

Question 9 : Dans quelles mesures pourrait-on appeler le magazine Mini-Schools, un

magazine interactif ?

Le magazine Mini-Schools n’est pas complètement interactif, puisque l’enfant n’a pas la

possibilité d’interagir. Il peut prendre des informations soit par la lecture, soit par l’audio,

mais il ne peut pas interagir sur le magazine.

C’est vrai qu’on ne lui propose pas de jeu à partir de la réalité augmentée. Il est interactif

comme tout magazine pour enfants, dans le sens où ils ont des jeux imprimés. En revanche,

la réalité augmentée ne leur apporte pas de possibilité d’interactivité supplémentaire.

Question 10 : Concernant le futur du magazine, dans quelle mesure l’édition de Mini-

Schools va-t-elle diffuser possiblement ses offres numériques dans le futur, et

pourquoi ?

Pour l’instant, l’offre numérique est de mettre ce magazine en ligne pour nos adhérents,

surtout en ces temps compliqués, parce qu’on travaille beaucoup avec les écoles et ça a été

compliqué de l’acheminer, de le distribuer, etc. Donc, on l’a mis en ligne. En revanche, notre

but n’est pas d’en faire un magazine numérique.

Question 11 : Que pensez-vous de la place qu’aura le magazine papier dans le futur ?

Est-ce que vous pensez que plus tard, il y aura plus d’enrichissements qu’avant ?

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Probablement oui. Mais je suis un petit peu surpris du fait que ça ne mette pas plus

d’efforts parce que je trouve que c’est un moyen facile d’accéder à des informations

supplémentaires. Visiblement, ça n’a pas l’air pour l’instant de se développer énormément,

alors que le support audio en presse jeunesse existe de façon assez habituelle. Je trouve

que la réalité augmentée ne décolle pas beaucoup.

Précisions à la fin :

On a une activité qui est de faire des cours d’anglais et des animations pour les enfants, et

de leur apprendre l’anglais avec un prof, des jeux, et des méthodes pédagogiques. On a

également l’édition de ce magazine, mais ce n’est pas une méthode pédagogique du tout.

L’application pour utiliser le magazine s’appelle ArgoPlay. Il faut cette application pour

accéder au contenu en réalité augmentée, mais ce n’est pas une finalité pour nous. C’est

juste un moyen d’apporter des contenus supplémentaires pour les enfants.

Le magazine va être écrit en anglais à des enfants. Un certain nombre ne savent pas lire

dans cette langue, donc s’ils veulent avoir un accès à la lecture, cela passe par un adulte.

Cela permet d’avoir l’accès à l’écoute de l’anglais, à la prononciation, etc. Avec la réalité

augmentée, on n’a pas forcément besoin d’avoir un adulte à côté puisqu’une fois qu’on a

téléchargé la vidéo, on peut l’écouter comme on veut.