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20 - RéAlités - N°1460 - du 19 au 25/12/2013 Actuel Il y a quelques jours le ton a monté et Ali Zeiden a déclaré dans une inter- view accordée à Euronews qu’en cas d’échec des pourparlers «le gouverne- ment sera dans l’obligation de prendre des mesures pour forcer l’ouverture des gise- ments pétroliers». En effet, le blocus a causé la chute de la production de pétrole en Libye de 1.5 mil- lion de barils par jour au sud-est du pays. Six milliards de dollars américains de perte découlent de cette situation, et le risque de perdre toute la région existe, puisque les combattants bloquant l’accès aux champs pétroliers, exigent de surcroît leur autonomie. Les opérateurs ont de- mandé la reprise des travaux sur le site en question, Ras Lanouf, qui est exportateur de 200.000 barils par jour et représente le deuxième terminal en Libye. Trois ports sont par ailleurs bloqués depuis des mois par le même groupe contrôlant Ras Lanouf et réclamant l’autonomie du territoire. Il exige aussi une part des revenus du pétrole pour lever le blocus. Le groupe réclame également la constitution de deux commis- sions, l'une pour enquêter sur les accusa- tions d'exportation illégale de pétrole et l’autre pour superviser la commercialisa- tion du brut. Le blocage maintenu continue à alimenter la crise politique libyenne et à fragiliser un État dont les institutions s’effondrent. Le contrôle des puits pétroliers constitue aussi un facteur de force en faveur de celui — milice ou gouvernement — qui mettrait la main dessus. Incidences sur le marché mondial En attendant la résolution de la crise en Libye, les prix du pétrole grimpent lors des échanges européens. Le baril de Brent de la mer du Nord a enregistré une hausse de 1.10 dollar par rapport à la clôture de ven- dredi dernier, atteignant 109.93 dollars sur l’intercontinental exchange ICE de Lon- dres, la Libye étant l’un des plus grands fournisseurs de brut léger de l’Europe. No- tons que les exportations libyennes de pé- trole et de gaz sont très centrées sur l’Europe. Quelques groupes européens, dont l’italien ENI, se retrouvent en chute nette de production à cause du blocus. En effet, 15% de la production d’ENI pro- viennent de Libye. Hajer Ajroudi Sous la politique, le pétrole ! Libye La guerre du pouvoir entre milices armées et forces gouvernementales se déroule également autour des puits de pétrole et pour leur contrôle. Les enjeux ne sont pas que nationaux, mais influencent aussi le marché international. Au début du mois de décembre, l’armée demandait aux combattants de libérer les champs et les terminaux pétroliers. Contrôler les puits de pétrole est un enjeu majeur de la lutte pour le pouvoir L'engagement de l'Otan contre Kadhafi était principalement une guerre pour le contrôle de l'or noir

Sous la politique, le pétrole

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20 - RéAlités - N°1460 - du 19 au 25/12/2013

Actuel

Ily a quelques jours le ton a monté etAli Zeiden a déclaré dans une inter-view accordée à Euronews qu’en

cas d’échec des pourparlers «le gouverne-ment sera dans l’obligation de prendre desmesures pour forcer l’ouverture des gise-ments pétroliers».En effet, le blocus a causé la chute de laproduction de pétrole en Libye de 1.5 mil-lion de barils par jour au sud-est du pays.Six milliards de dollars américains deperte découlent de cette situation, et lerisque de perdre toute la région existe,puisque les combattants bloquant l’accèsaux champs pétroliers, exigent de surcroîtleur autonomie. Les opérateurs ont de-

mandé la reprise des travaux sur le site enquestion, Ras Lanouf, qui est exportateurde 200.000 barils par jour et représente ledeuxième terminal en Libye. Trois portssont par ailleurs bloqués depuis des moispar le même groupe contrôlant Ras Lanoufet réclamant l’autonomie du territoire. Ilexige aussi une part des revenus du pétrolepour lever le blocus. Le groupe réclameégalement la constitution de deux commis-sions, l'une pour enquêter sur les accusa-

tions d'exportation illégale de pétrole etl’autre pour superviser la commercialisa-tion du brut.Le blocage maintenu continue à alimenterla crise politique libyenne et à fragiliser unÉtat dont les institutions s’effondrent. Lecontrôle des puits pétroliers constitue aussiun facteur de force en faveur de celui —milice ou gouvernement — qui mettrait lamain dessus.

Incidences sur le marché

mondialEn attendant la résolution de la crise enLibye, les prix du pétrole grimpent lors deséchanges européens. Le baril de Brent dela mer du Nord a enregistré une hausse de1.10 dollar par rapport à la clôture de ven-dredi dernier, atteignant 109.93 dollars surl’intercontinental exchange ICE de Lon-dres, la Libye étant l’un des plus grandsfournisseurs de brut léger de l’Europe. No-tons que les exportations libyennes de pé-trole et de gaz sont très centrées surl’Europe. Quelques groupes européens,dont l’italien ENI, se retrouvent en chutenette de production à cause du blocus. Eneffet, 15% de la production d’ENI pro-viennent de Libye.

Hajer Ajroudi

Sous la politique, le pétrole !

Libye

La guerre du pouvoir entremilices armées et forcesgouvernementales se dérouleégalement autour des puits depétrole et pour leur contrôle.Les enjeux ne sont pas quenationaux, mais influencentaussi le marché international.Au début du mois dedécembre, l’armée demandaitaux combattants de libérer leschamps et les terminauxpétroliers.

Contrôler les puits de pétrole est unenjeu majeur de la lutte pour le pouvoir

L'engagement de l'Otan contre Kadhafi était principalementune guerre pour le contrôle de l'or noir

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du 19 au25/12/2013 - N°1460 - RéAlités - 21

MAGHREB Actuel

Le rapport a par ailleurs apporté uneréponse imputant la raison à des la-cunes dans les procédures de recou-

vrement amiable et forcé par rapport aucadre légal et réglementaire. Elle seraitcausée par les insuffisances en matière depoursuites. L’économiste et ancien magistrat à la Courdes comptes, Abderrahmane Mebtoul, aexpliqué, quant à lui, que ce montant éton-nant ne prenait pas en compte la dimensioninformelle et que «l'économie informellebrasserait 50 % de la masse monétaire encirculation (ce qui donnerait) une massemonétaire de 62,5 milliards de dollars.»Le secteur pétrolier manquerait de contrô-leurs selon la Direction générale des im-pôts – DGI – relevant du ministère des

Finances ce qui a engendré le non-recou-vrement. La Cour des comptes a soulignéque l’administration fiscale ne disposaitpas des moyens appropriés pour vérifier lesdéclarations fiscales. En effet, trois contrô-leurs seulement travaillent dans la fiscalitépétrolière, dans la gestion et le suivi desdossiers fiscaux. Elle a relevé égalementque l’administration fiscale ne disposaitpas non plus d’une structure centrale pourcontrôler et suivre les flux des produits pé-troliers. La Cour des comptes s’est alors interrogéedans son rapport sur la possibilité d’exis-tence de fraude fiscale dans la société na-tionale des hydrocarbures, Sonatrach.L’entreprise fait par ailleurs face à des ac-cusations de détournements de fonds et de

corruption. Elle a alors appelé à la généralisation dessystèmes de compte sur les gisementsd’hydrocarbures en exploitation pourcontrer toute possibilité de fraude fiscalesur le chiffre d’affaires de Sonatrach. Un scandale pointe alors et risque de frap-per la compagnie d’hydrocarbures, suite aurapport de non-recouvrement.La Direction générale des impôts a ré-pondu en soulignant qu’il n’existait aucunrisque de fraude dans le secteur pétrolierpuisque les chiffres sur la production sontconsolidés par certaines institutions del’État impliquées dans le contrôle fiscal. La source de DGI a déclaré à ce sujet «Les chiffres de production déclarés parSonatrach et ses partenaires étrangers sontconsolidés par plusieurs institutions inter-venant, chacune selon ses attributions, dansle contrôle fiscal» et elle a précisé que 70%du contrôle de la direction des grandes en-treprises (DGE) est orienté vers les décla-rations de la fiscalité ordinaire descompagnies intervenant dans l’activité pé-trolière. «Pour le moment, on se fie aucontrôle des déclarations de la productionet du revenu imposable qui est assuré parplusieurs institutions, en vertu de la loi surles hydrocarbures et ses textes d’applica-tion.»

H.A

Le compte n’est pas bon !

Algérie

La Cour des comptes algérienne a publié un rapport fixant à 100milliards de dollars le montant des impôts non recouvré jusqu’enfin 2011. La somme représente plus de deux fois les recettesgénérales de l'État algérien pour 2011 fixées à près de 43,5milliards de dollars et cinq fois les recettes fiscales d’un montantde plus de 18 milliards de dollars. Le secteur le plus touchéserait le secteur pétrolier, principale source de revenus de l’Étatalgérien. Fraude fiscale ou défaillance dans la collecte, ou les deux ? Laquestion a vite été posée en Algérie…

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22 - RéAlités - N°1460 - du 19 au 25/12/2013

Actuel

Le Front islamique, constitué récem-ment par six milices extrémistessunnites, s’est emparé de plusieurs

entrepôts dans le bâtiment attaqué et ontmis la main sur du matériel militaire, desoutils de communication et des véhiculestout terrain, accordés par les États-Unis etla Grande-Bretagne. Le général de l’ASL,Salim Idris a déserté, prenant la fuite versla Turquie puis le Qatar, tandis que ses sol-dats se rendaient ou fuyaient la bataille.Accueillis au sein de l’enclave par l’ASL,les combattants du Front islamique ontprofité de leur positionnement et ont menéleur bataille de l’intérieur.

Les anciens alliés de l’ASL ont égalementpris le contrôle du poste douanier Bab alHawa, toujours aux frontières turques.Les pertes successives, la dernière en dateayant causé la perte de matériel offert parWashington et Londres , expliquent lesréactions américaine et britannique. À celas’ajoute le fait que jusqu’ici l’oppositionsyrienne, armée ou politique, s’est mon-trée incapable de faire chuter le régime.Pis encore, le peuple syrien compte au-jourd’hui 7 millions de réfugiés et le nom-bre de personnes tuées a dépassé les100.000 victimes. Ayant débuté commeréaction populaire et civile à l’encontre du

régime de Bachar al Assad, aujourd’hui lesbatailles en Syrie ne sont plus de l’ordredu différend politique, mais tombent dansle terrorisme djihadiste et alimentent lesfrictions – voire les massacres – d’ordreconfessionnel et relèvent de l’épurationethnique. Le conflit armé entre oppositionet régime a ouvert grand la porte aux cel-lules terroristes, aux combattants étrangerset à Al-Qaïda pour s’introduire et s’enra-ciner en Syrie. Forte de dizaines de mil-liers d’hommes, elle risque de bouleverserl’ordre régional et menacer les intérêts vi-taux de l’Occident. Le bureau ovale se retrouve hésitant sur lapolitique à entreprendre, l’ensemble desresponsables militaires et de renseigne-ments et les politiques américains sont di-visés quant à la position à prendre enversla Syrie.Après avoir déclaré la suspension de leuraide aux insurgés, les États-Unis ont réi-téré,par le biais du Secrétaire américain à

Après les défaites essuyées par l’Armée syrienne libre – ASL –

face aux extrémistes islamistes, celle-ci se retrouve privée de

l’appui américano-britannique. En effet, Washington et Londres

ont suspendu mercredi dernier leur soutien à l’ASL après la

perte, le 6 décembre, de son quartier général situé aux frontières

turques, tombé dans les mains du Front islamique.

Revirement de la politique

occidentale?

Guerre incivile en Syrie

Guerre en Syrie, silence on tue !

Page 4: Sous la politique, le pétrole

du 19 au25/12/2013 - N°1460 - RéAlités - 23

MONDE Actuel

la Défense, Chuck Haget, leur soutien àl’ASL, au général Salim Idriss et à l’oppo-sition modérée. Haget a déclaré lors d’uneconférence de presse tenue au Pentagoneque les États-Unis continueraient à travail-ler avec l’opposition modérée et avec leursalliés dans la région. Il a également souli-gné l’inquiétude de Washington quant à laperte d’armes au profit d’Al-Qaïda et il aprécisé : «Ce qui s'est passé là-bas ces der-niers jours montre à quel point la situationest compliquée et dangereuse et aussi im-prévisible». L’Iran et le Hezbollah continuent de leurcôté à soutenir le régime de Bachar alAssad et à s’impliquer militairement dansles combats aux côtés de l’armée sy-rienne.L’Arabie saoudite qui soutient lesinsurgés n’a pas tardé à critiquer la posi-tion occidentale. Le prince Turki Ben Fay-çal, ancien chef des services derenseignement saoudiens et membre de lafamille royale, a martelé en réaction à ladécision occidentale «Les opposants deBachar al Assad manquent de matériel de-puis le début du conflit» et d’ajouter«Nous sommes dans une situation où uncamp, celui du régime d'Assad, dispose àvolonté d'armes telles que chars et mis-siles, alors que l'autre pleure pour obtenirdes armes défensives afin de se protégerdes armes offensives qu'Assad possède.Pourquoi cesserait-il de tuer ?» Il est allé jusqu’à expliquer que les Occi-dentaux n’ont jamais vraiment aidé l’ASLet il a souligné «Depuis le début du conflit,depuis que l'Armée syrienne libre est ap-parue comme une réponse aux attaques durégime d'Assad contre sa propre popula-

tion, les Britanniques et les Américainsn'ont pas répondu à l'appe, ni fourni l'aidenécessaire à l'ASL pour se défendre (…).L'Armée syrienne libre n'est pas dans laposition où elle devrait être aujourd'hui enraison du manque de soutien international(...). S'il y avait un rééquilibrage des forcessur le terrain, il y aurait eu plus de chancesd'obtenir un cessez-le-feu.»

Entre guerre et diplmomatieRappelons que les États-Unis ont voulu in-tervenir en août dernier et planifier unefrappe contre la Syrie après une attaquesupposée à l’arme chimique exécutée parl’armée syrienne à l’encontre de civilsayant entrainé la mort de 1400 personnes.Seymour Hersh, journaliste d’investiga-tion américain, vient d’accuser Washing-ton d’avoir joué de la manipulation etd’avoir tu des informations importantes,comme l’accès des rebelles à du gaz sarinutilisé pour perpétrer l’attaque survenue le21 août à Ghouta près de Damas.Le changement aussi net dans la politiqueaméricaine, de la planification d’unefrappe au retrait du soutien militaire desinsurgés, viendrait aussi de l’enracinementd’Al-Qaïda en Syrie rassemblant quelques45.000 combattants, le double du nombredes combattants talibans en Afghanistan. Les États-Unis, dans leur revirement, ne sesont pas seulement abstenus d’interveniren Syrie et de suspendre leur aide aux in-surgés, mais ils ont entamé depuis le moisdernier des négociations avec l’Iran dansle cadre du sommet de Genève entre sixpuissances occidentales et les Iraniens à

propos du dossier nucléaire. Après des années de sanctions écono-miques et de menaces de frappes, les Oc-cidentaux ont choisi les voiesdiplomatiques avec le premier allié du ré-gime syrien. Notons que la bourgeoisieiranienne, dans sa disposition à une al-liance avec les États-Unis, promet de don-ner l’accès au pays de l’oncle Sam au gazet au pétrole iraniens et l’aider à stabiliserle Moyen-Orient. Ainsi, la guerre en Syrie ne sera plus une«affaire de terrain», mais sera déplacéedans les coulisses de la diplomatie. Le bu-reau ovale a appelé Téhéran à participer àla conférence États-Unis / Russie pourtrouver un accord politique à la guerre enSyrie, consistant en un gouvernement detransition dont la moitié des sièges revien-drait aux rebelles. Seulement la suspension de Téhéran desnégociations de Genève autour de son pro-gramme nucléaire risque, peut-être, de sa-boter un rôle que l’Iran pourrait jouer auxcôtés des Occidentaux dans le conflit sy-rien. En effet, une collaboration améri-cano-iranienne dans le dossier Syriensemble difficile quand on sait que Téhérans’est retiré à cause de la décision améri-caine d’allonger sa liste noire des entre-prises soupçonnées de désobéir auxsanctions contre Téhéran. En attendant, lesSyriens continuent à faire les frais d’uneguerre régionale et internatioinale qui sejoue dans leur pays. La photo d’un enfantgelé à cause du froid a dernièrement fait letour du Net et a profondément choquél’opinion mondiale.

Hajer Ajroudi

La Syrie, nouvelle terre d'élection du terrorisme international,ici des djihadistes d'origine tchetchène