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Master M2 Sciences de la Matière – ENS de Lyon – 2016-2017 Transitions de phase et phénomènes critiques Séparation de phase d’un mélange de polymère : théorie de champ moyen, résultats expérimentaux et application Justin Péméja Résumé La transition liq/gaz (modèle de Van der Walls) et la transition ferro/para (modèle du champ de Weiss) sont des systèmes modèles d’étude dans une approche de champ moyen. La séparation de phase d’un mélange de polymères est une transition de phase pour laquelle la théorie de champ moyen est en bon accord avec l’expérience. Dans le présent essaie, je donne une présentation unifiée de l’approche de champ moyen de la transition de phase dans ces trois systèmes. Le diagramme de phase et les comportements critiques prévus par la théorie de Flory-Huggins y sont développés, et le bon accord avec l’expérience sera justifié par l’application du critère de Ghinzburg. Je présenterai ensuite une application de la séparation de phase d’un mélange de polymères à la physique des interface à travers l’expérience récente de Dirk et Aarts, qui ont prouvé la validité de la théorie des fluctuations thermique d’une interface liq/gaz.

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Master M2 Sciences de la Matière – ENS de Lyon – 2016-2017

Transitions de phase et phénomènes critiques

Séparation de phase d’un mélange de polymère :théorie de champ moyen, résultats expérimentaux et

application

Justin Péméja

Résumé

La transition liq/gaz (modèle de Van der Walls) et la transition ferro/para (modèle duchamp de Weiss) sont des systèmes modèles d’étude dans une approche de champ moyen.La séparation de phase d’un mélange de polymères est une transition de phase pour laquellela théorie de champ moyen est en bon accord avec l’expérience. Dans le présent essaie, jedonne une présentation unifiée de l’approche de champ moyen de la transition de phasedans ces trois systèmes. Le diagramme de phase et les comportements critiques prévus par lathéorie de Flory-Huggins y sont développés, et le bon accord avec l’expérience sera justifié parl’application du critère de Ghinzburg. Je présenterai ensuite une application de la séparationde phase d’un mélange de polymères à la physique des interface à travers l’expérience récentede Dirk et Aarts, qui ont prouvé la validité de la théorie des fluctuations thermique d’uneinterface liq/gaz.

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Table des matières1 Les transition liq/gaz et ferro/para en champ moyen 1

1.1 La transition liq/gaz à partir de l’équation de Van der Walls . . . . . . . . . . 21.2 La transition ferro/para en champ moyen . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2

2 Théorie de champ moyen de la séparation de phase d’un mélange de po-lymères 32.1 Modèle de Flory-Huggins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42.2 Comportements critiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72.3 Justification du succès de l’approche de champ moyen . . . . . . . . . . . . . 7

3 Application de la séparation de phase à l’étude d’un phénomène critique :ondes capillaires d’interface 83.1 Modélisation des fluctuations d’une interface . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83.2 L’expérience de Dirk et Aarts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

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IntroductionLes transitions de phase liquide/gaz et ferromagnétique/paramagnétique présentent une

étroite analogie souvent discutée en terme de comportements critiques. Les paramètresd’ordre sont respectivement l’aimantation et la différence de densité entre liquide et gaz,s’annulant au dessus de la température de transition Tc, et se comportant comme ' |T−Tc|βau voisinage de celle-ci. Ces deux systèmes sont modélisables dans une approche de champmoyen, dans laquelle le détail de toutes les interactions entre les particules est remplacépar l’intéraction entre une particule et un champ moyen indépendant de la particule créé parl’ensemble de ses congénères. Nous allons développer l’analogie de la théorie de champ moyende ces deux transitions de phase à plusieurs niveaux, pour dégager les ingrédients mathéma-tiques inhérents à ce genre de théorie, tels que l’équation d’état, l’énergie libre ou l’équationd’auto-cohérence. Les méthodes systématiques d’étude, et l’universalité des comportementscritiques qui en découlent, confère à ces systèmes une grande richesse pédagogique. La théoriede champ moyen est abondamment utilisé en pratique (ex : détente d’un gaz dans l’industrie,tracés d’Arrott-Belov en magnétisme expérimental), mais s’effondre complètement lorsqu’onse rapproche du point critique.

En dessous d’une certaine température, un mélange de polymères homogène présenteune séparation en deux phases de compositions différentes. Ce phénomène, tout d’abordintriguant d’un point de vue fondamental, est d’un intérêt pratique certain si l’on considèreles enjeux industriels liés au développement des plastiques et autres composites au cours dusiècle dernier. La modèle de Flory-Huggins est une théorie de champ moyen expliquant cettetransition de phase. Sa spécifité parmis d’autres théories, est sa remarquable concordanceavec l’expérience. De Gennes a en fait montré que le critère de Ghinzburg s’appliquait bien,sauf dans une zone très restreinte autour du point critique. Dans cet essai, je développeraile modèle de Flory-Huggins et sa prévision de la séparation de phase en faisant ressortirles analogies à plusieurs niveaux avec les transitions liq/gaz et ferro/para. Après quelquesobservations expérimentales de la séparation de phase d’un mélange de polymère bien préditespar la théorie de Flory-Huggins, je justifierai la validité du critère de Ghinzburg en me basantsur des arguments physiques.

La séparation de phase d’un mélange de polymère donne naissance à un état ordonnédans lequel les deux phases sont séparées par une interface. La définition d’une interfaceentre deux fluides fut bien amorcée par Gibbs, mais l’étude de sa dynamique du attendre lesdéveloppements de la physique statistique hors-équilibre. Même si l’interface est thermody-namiquement stable, l’agitation thermique tend à faire fluctuer sa position, et ceci d’autantplus que l’on se rapproche du point critique, puisqu’auront lieu le mélange et l’uniformisa-tion de la densité. La théorie des ondes capillaires modélise les fluctuations de l’interface,mais celles-ci sont tellement faibles dans les fluides usuelles que la vérification expérimentaleest difficile. En 2004, deux chercheurs d’Oxford, Dirk et Aarts réalisèrent une expériencepermettant une visualisation directe des ondes capillaires, et reposant sur la séparation dephase d’un mélange de polymères qu’ils avaient beaucoup étudié auparavant. Ainsi, la der-nière section de l’essai donnera quelques éléments de la théorie des ondes capillaires, puisexposera leurs résultats.

1 Les transition liq/gaz et ferro/para en champ moyenJe commencerai par rappeler le raisonnement de l’étude de la transition liquide/gaz dans

une approche champ moyen, qui revient à l’étude de l’équation de Van der Walls. Je dégageraiensuite certaines idées importantes du modèle d’Ising en champ moyen.

1

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1.1 La transition liq/gaz à partir de l’équation de Van der WallsLa recherche d’une équation d’état thermodynamqiue au voisinage de la température

critique est le point crucial. Pour un fluide, le fait que les déviations par rapport au com-portement idéal (le gaz parfait, limite infiniment dilué) soient faibles invitent à déveloper lapression en puissances de la densité particulaire, c’est l’expansion du Viriel. La troncatureau deuxieme ordre donne l’équation de Van der Waals, puisqu’on peut identifier les deuxexpressions

βP =1

v(1 +

B(T )

v+C(T )

v2) =

1

v − b− a

v2, (1)

où P est la pression, β = 1/kBT , v = V/N est le volume particulaire, et a et b sont lesparamètres phénoménologiques de l’équation de Van der Walls utilisés expérimentalementet justifiés en autres par une approximation champ-moyen dans le calcul de la fonction departition. La compatibilité des deux équations impose B(T ) = b− a/kBT , cette dépendanceen température du 1er coefficient du Viriel étant bien verifiée expérimentalement pour desgaz réels peu denses.

L’équation de Van der Walls permet de trouver les propriétés de la transition de phaseavec une remaquable concordance avec les mesures. Les courbes isothermes PT (v) sont descubiques admettant des extrema locaux sous réserve que T soit suffisamment faible. Latempérature Tc pour laquelle les deux maximums se confondent en un point d’inflexion estdéfinie par les deux conditions(

∂PT∂v

)Tc

= 0 et(∂2PT∂v2

)Tc

= 0 . (2)

L’énergie libre se déduit directement par intégration puisque P = −∂f∂v , et on obtient ainsi :

fT (v) = f0(T ) + kBT ln(1

v)︸ ︷︷ ︸

gaz parfait

+kBTB(T )

v(3)

Ces deux réseaux d’isotherme, représentées fig 1b fournissent deux points de vue différents del’étude d’une transition de phase par une approche champ moyen. La stabilité de l’équilibrethermodynamique impose à la compressibilité isotherme du fluide κ = −∂v/∂P > 0, cequi entraîne la décroissance de PT (v), équivalente à la convexité de fT (v). Pour T < Tc,on observe que la portion de courbe A-B-C ne respecte pas cette condition, et ne peutdonc pas représenter l’état réel du fluide. Le fluide se sépare alors en deux phases dont lescaractéristiques, vgaz, vliq, et Po(T ) la "pression de vapeur saturante" , sont données par lesconditions d’équilibre de phase : égalité des potentiels des potentiels chimiques (constructionde Maxwell) et/ou double-tangente de l’énergie libre. Dans le plan (T, v), ces grandeursforment une courbe appelée binodale. La courbe spinodale, située à l’intérieur de la binodale,contient le lieu des points ou κ diverge, soit

(∂2f∂v2

)= 0, ou de façon équivalente, les extrema

de PT (v).1.2 La transition ferro/para en champ moyen

Ce paragraphe donne quelques rappels sur ce sujet qui aideront dans la suite. Rappelonsque l’approche champ moyen du modèle d’Ising consiste à dire qu’un spin donné ressentun champ magnétique contenant la contribution du champ extérieur, plus un champ moyenrésultant de l’intéraction avec ses congénères. La thermodynamique d’un matériau parama-gnétique s’applique alors, mais en considérant un hamiltonien effectif :

H(Si) = −∑

SiHeff , avec Heff = Hext + 2dJM , (4)

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(a) (b)

Figure 1 – (a) Isothermes de Van der Walls. La courbe rouge est l’isotherme critique tracéepour T = Tc. L’aire verte (construction de Maxwell), traduit l’égalité des potentiel chimiquesdans les deux phases et permet de trouver Po(T ). (b) Superposition de l’énergie libre volumiquefT (v) de champ moyen permettant d’obtenir les mêmes informations.

dans lequel d est la dimensionnalité et J la constante de couplage entre deux spins voisins.En se plaçant en champ nul, H = 0, la thermodynamique d’un permet d’exprimerM à partirde H, et donne l’équation d’auto-cohérence

M = tanh(2βdJM) , (5)

où β = 1/kBT . Nous en tirons la température critique Tc = 2dJ/kB , en dessous de laquelleil existe une solution non triviale pour M . En introduisant t = T/Tc, l’équation d’auto-cohérence en champ non nul devient

M = tanh(βH +Mt) . (6)

Pour t proche de 1, un développement limité pour H et M petits donne l’équation d’étatentre les variables thermodynamiques du système

βH ≈M(1− t) +M3(t− t2 +t3

3...) , (7)

analogue à l’équation de Van der Walls. Reprenons dans cette équation H = 0, pour aboutirà M2 ∝ 3(1− t), qui montre que l’exposant critique régssant le comportement du paramètred’ordre est β = 1/2.

2 Théorie de champ moyen de la séparation de phased’un mélange de polymères

La thermodynamique des mélanges de polymère a connu d’importants développements àpartir des années 50, alors que la théorie de Landau des transitions de phase s’imposaientcomme une référence, mise en échec au niveau des points critiques. La théorie de Flory-Huggins est théorie de champ moyen modélisant un mélange de polymère, et présentant uneétroite analogie avec les systèmes modèles présentées dans la section 1.

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2.1 Modèle de Flory-HugginsMélange de polymères

Considérons un mélange binaire de deux polymères A et B, de nature chimique différente.Supposons que la température soit suffisante pour assurer une bonne miscibilité entre les deuxpolymères. Désignons par NA et NB les degrés de polymérisation (ou nombre de monomèrepar chaîne) respectifs des polymères A et B, et par φA et φB les fractions en monomèrecorrespondantes, définies par

φA =nANA

nANA + nBNBet φB =

nBNBnANA + nBNB

, (8)

où nA et nB sont, respectivement, les nombres de chaînes A et B par unité de volume, i.eles concentrations. Notons que la description réalisée s’applique au cas où l’un des polymèresserait en fait une molécule de solvant, constitué alors de un monomère. Le raisonnementpeut s’étendre facilement à un mélange triphasique (par exemple solvant et deux polymères,qui serait plus réaliste), mais au prix d’un formalisme plus lourd. Le mélange est considéré"incompressible", c’est à dire que tout l’espace disponible est occupé par des monomèresA ou B, ce qui se traduit par la condition φA + φB = 1. Nous posons φA = φ , doncφB = 1− φ. Si l’on fixe les degrés de polymérisation, les variables d’état thermodynamiquese réduisent à (φ, T ). Le potentiel thermodynamique permettant d’étudier les états d’équilibredu système, naturellement fonction de ces deux variables, est l’énergie libre de mélange définiecomme l’énergie libre totale à laquelle soustrait celle des deux polymères séparés. Le calculet l’analyse des propriétés de cette grandeur est l’objet de la théorie de Flory-Huggins, dontnous allons dégager les principaux résultats nécessaires à l’étude de la transition de phase.

Calcul de l’énergie libreCette théorie consiste à représenter les chaînes de polymère par des chemins aléatoires sur

un réseau régulier tridimensionnel 1, tel que chacun des N sites soit occupé par un monomèreA et B. L’énergie libre de Flory-Huggins par site, f , est une somme de deux contributions,

f = u− Ts (9)

où le terme énergétique u décrit les interactions entre monomères adjacents, et le termeentropique s décrit le nombre d’arrangement des chaînes A et B dans le réseau pour φ donné.L’entropie, proportionnelle au logarithme du nombre d’états possibles, se calcule simplementde façon combinatoire avec pour seule hypothèse N > 1, conduisant grâce à la formule deStirling à

− s

kB=

φ

NAlnφ+

1− φNB

ln(1− φ) . (10)

Si l’on se limite aux seules interactions à deux corps, l’énergie interne contient trois termes,qui décrivent les interactions entre deux monomères de même type, kBTχiiφ2i /2 (i = A,B),ou de nature différente kBTχABφAφB , ce qui donne

u

kBT=

1

2χAAφ

2 +1

2χBB(1− φ)2 + χABφ(1− φ) . (11)

1. Généralement, les travaux théoriques travaillent en dimension d quelconque, insistant sur le rôle particulierde la dimensionalité en théorie des transitions de phase, et pour bien faire ressortir l’ismorphisme de ce problèmeavec celui du modèle d’Ising. Je choisis de travailler dans le cas concret d = 3, et nous verrons par la suite quel’approche champ moyen est justifiée dans une telle dimension.

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En ignorant les termes linéaires et constants (qui disparaissent quand on soustrait l’énergieinterne des constituants séparés), on obtient l’énergie interne par site

u

kBT= χφ(1− φ) , (12)

où χ est le parmètre d’interaction de Flory quantifiant la compétition entre les différentesénergies, χ = χAB − 1/2(χAA + χBB). Si les interactions sont de type Van der Walls, alorsχij = −Kαiαj , où αi est la polarisabilité du monomère i et K une constante positive. Onobtient alors χ = K/2(αA − αB)2, qui montre que χ > 0. Le contact entre deux monomèresde nature différente est défavorisé. Notons en outre que χ est une fonction de la tempéra-ture, via les polarisabilité, difficile à exprimer. Des analyses en loi d’échelle théoriques etexpérimentales montrent que l’expression

χ = C +D

T, (13)

où C et D sont des constantes à ajuster selon les espèces chimiques, est souvent valablesur une large gamme de température. Il est ainsi possible d’utiliser la variable χ plutôt queT . A ce stade de l’étude, nous comprenons que nous avons affaire à un système pouvantexhiber une transition de phase à une certaine température : l’état du système est celuiqui minimise le potentiel thermodynamique, résultant de la compétition entre un termeénergétique favorisant la ségrégation des polymères, et un terme entropique favorisant lemélange. En sommant (10) et (12), on obtient l’énergie libre de Flory-Huggins par site :

βf =φ

NAlnφ+

1− φNB

ln(1− φ) + χφ(1− φ) . (14)

Comme illustré sur la figure 2a, cette fonction présente des portions concaves et donc desminimas locaux φmin différents de 1/2 pourvu que T soit suffisamment basse (T < Tc ⇔χ > χc). En effet, pour une certaine composition φ comprise entre ces deux minima, lesystème peut abaisser son énergie libre en se séparant en deux phases plus ou moins richesen l’un ou l’autre des polymères. Nous pouvons définir et caractériser le point critique et lescomportements associés à partir de cette fonction, mais des analogies avec des systèmes plusclassiques méritent d’être mentionnés pour unifier l’approche de champ moyen.

Equation d’état et équation d’auto-cohérenceDe la définition des potentiels chimiques µA et µB des polymères A et B, on tire la

différentielle df = −sdT+µdφ, dans laquelle µ = µA−µB est le potentiel chimique d’échange.L’équation

µ =∂f

∂φ(15)

fournit une equation auto-cohérente pour φ, qui devient familière dans le cas où la séparationde phase des polymères a eu lieu et que la stabilité thermodynamique impose µ = 0. En effet,en définissant x = φ− 1/2, l’équation (15) devient

x =1

2tanh(βχx) , (16)

formellement analogue à l’équation d’auto-cohérence déduite du modèle d’Ising d’un corpsferromagnétique dans lequel on néglige les corrélations entre spins. Une solution non-trivialeà (16) existe à condition que la pente à l’origine du membre de droite soit supérieure à 1,

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c’est à dire T < Tc = χ/2kB . La température critique Tc délimite le domaine de températureoù f présente une concavité centrée sur φ = 1/2 entraînant la demixion.

Ce que nous appellerons l’équation d’état du mélange s’obtient en s’intéressant à la pres-sion osmotique Π = φA

∂f∂φA− f(φA) + f(φA = 0) (voir [1]). A partir de (14),

βΠv =φANA− ln(φB)− φA − χφ2A . (17)

Pour rendre cette équation d’état plus parlante, on peut s’intéresser au régime φA � 1,simulant le rôle de A comme un polymère dilué dans un solvant B. Le développement tronquéà l’ordre deux s’écrit

βΠv =φANA

+1

2(1− 2χ(T ))φ2A, ou bien Πv = nA +B2(T )n2A , (18)

où l’on reconnaît un développement du Viriel strictement analogue à celui de l’équation deVan der Walls, avec B2(T ) = N2

Av/2(1 − 2χ(T )). La dépendance en T de χ de l’eq. 13 estalors justifiée par analogie avec les mesures réalisées sur des gazs réels dilués. L’étude de laséparation de phase peut tout à fait ce faire en prenant ce point de vue de l’équation d’état,comme pour la transition liq/gaz, avec pour simple condition de stabilité ∂Π/∂φ > 0.

(a) (b)

Figure 2 – Etude de la séparation de phase de polymères d’après la théorie de champ moyen deFlory-Huggins. (a) L’énergie libre du mélange, donnée par l’eq. 14. (b) Diagramme de phase d’unbinaire de polymère. La courbe en trait plein est la binodale, celle en pointillés est la spinodale.Les deux courbes sont tangentes au point critique de démixion K.

Diagramme de phaseTous les éléments sont réunis pour construire de diagramme de phase du mélange de polymèredans le plan (φ, T ). Il est représenté dans le cas d’un mélange symétrique (NA = NB = N)sur la figure 2b.

La courbe de coexistence, nommée binodale, peut se déduire comme dans le problèmedu fluide de Van der Walls selon plusieurs points de vue équivalent traduisant la conditiond’équilibre µA = µB . En annulant µ donné par 15, on obtient l’équation de la binodale :

χ =1

1− 2φ(

1

NB− 1

NA− 1

NAlnφ+

1

NBln(1− φ) . (19)

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En dessous de cette courbe, le mélange est métastable. La spinodale correspond toujoursà la divergence de la compressibilité, et s’obtient par exemple en écrivant ∂µ/∂φ = 0, soit

χ =1

2(

1

NAφ+

1

NB(1− φ). (20)

La spinodale est la limite de métastabilité du mélange. Les relations 19 et 20 permettentfacilement de déduire les coordonnées du point critique puisque les deux courbes y ont unetangente commune. Dans le cas particulier du mélange symétrique, on obtient φc = 1/2 etχc = 2/N . Notons que χc est d’autant plus petit que les chaînes de polymères sont longues.

2.2 Comportements critiquesLa recherche des exposants critiques se fait naturellement en développant les équations

au voisinage du point critique déterminé précédemment. Ayant mis en avant les analogiesavec la chaîne de spins et le gaz de Van der Walls, nous allons retrouver sans surprise lesexposants de champ moyen de Landau. L’analogie peut ainsi être pleinement développée. Leparamètre d’odre de cette transition de phase est la différence de concentration le long de lacourbe de coexistence φcoex

B − φcoexA qui décroît et s’effondre au voisinage du point critique

selon la loi de puissance

m ≡ φcoexB − φcoex

A ∝ |(1− T

Tc|β , (21)

avec β = 1/2.La fonction de corrélation de la composition Gij(~ri − ~rj), avec (i, j = A,B) permet de

faire le lien avec l’expérience. La condition d’incompréssibilité impose en fait qu’il n’y aqu’une seule fonction de corrélation indépendante : Gij ≡ G, soit

G(~r) = 〈φ(~r)φ(~0)〉 − 〈φ(~r)〉〈φ(~0)〉 . (22)

Une expérience de diffraction donne accès au facteur de structure, S(~q) qui est la transfor-mée de Fourier de G(~r) pour le vecteur d’onde de transfert ~q. En considérant l’écart de lacomposition à sa valeur critique, Ψ(~r) = φ(~r) − φc, de transformée de Fourier Ψ(~q), on aS(~q) = 〈|Ψ(~q)|2〉. On montre alors alors, à l’aide d’une réexpression de l’énergie de Flory-Huggins développée dans [2], que

S(q) =1

χc − χ+ a2q2. (23)

S(q) est une lorentzienne. Pour q = 0, il donne la compressibilité κT :

kBTκT = S(0) ∼ (χc − χ)−γt . (24)

La compressibilité diverge au point critique avec l’exposant critique γt = 1. L’inverse dela largeur à mi-hauteur du facteur de structure (dans la limite q → 0) est la longueur decorrélation, ζ. Elle diverge avec l’exposant critique ν = 1/2, comme expliqué très clairementdans [2]. La référence [3] présente quelques résultats d’expérience de diffraction en très bonaccord avec la théorie de Flory-Huggins.

2.3 Justification du succès de l’approche de champ moyenLe critère de Ghinzburg énonce que la théorie de champ moyen est valable dans une

région de l’espace des phases telle que la variance du paramètre d’odre soit faible devant le

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carré du paramètre d’odre lui-même.

〈(δφ(~r)2)〉T,L � m2 (25)

En calculant les deux membres avec la théorie de Flory-Huggins, et la méthode de traitementdu facteur de structure suivant l’approximation de la phase aléatoire (voir [1] et [2]), ce critèrese reformule en la condition

ζ < Rgyr√N , (26)

où Rgyr est le rayon de giration moyen des deux polymères (∝√N) A et B, et N le degré

de polymérisation moyen. Pour de longs polymères (N grands), 26 est vérifié sauf dans unerégion très restreinte autour du point critique puisque ζ diverge. Justifions qualitativementce résultat. Une chaîne de polymère est une marche aléatoire, et occupe un volume a3N3/2.La densité en monomère de cette chaîne seulement est donc N/(a3N3/2) = a−3N1/2, alorsque la densité de monomère globale est simplement a−3. Puisque chaque cellule de dimensiona contient un monomère, cette intéragit avec des monomères de N1/2 autres chaînes. Toutse passe comme dans le modèle d’Ising, mais avec

√N � 1 premiers voisins !

3 Application de la séparation de phase à l’étude d’unphénomène critique : ondes capillaires d’interface

Je présente dans cette section les résultats d’une très belle expérience réalisée récemmentpar l’équipe de Dirk et Aarts [5]. Ils ont beaucoup travaillé sur la transition de phase d’unmélange polymère-colloide, dont l’étude théorique est tout à fait similaire à celle présentéedans l’essai. Je synthétiserai quelques éléments de physique statistique des interfaces, puisj’exposerai leurs résultats.

3.1 Modélisation des fluctuations d’une interfaceLa tension de surface γ d’une interface représente l’excès énergétique par unité de surface.

Une première estimation de γ est donnée par l’énergie de cohésion de la solution, de l’ordrede kBTfusion, soit 10−21J, divisée par a2, où a est la taille des molécule. Le fait d’utiliser desliquides particulaires (a ' 100 nm), permet une diminution drastique de γ, la valeur exacteétant controlée par la distance au point critique de séparation de phase. L’intérêt d’atteindredes valeurs γ faibles réside dans les techniques d’observation des fluctuations de l’interface.En effet l’ordre de grandeur de l’amplitude de ces fluctuations est 〈u〉1/2 ∼

√kBT/γ, soit

u ∼ 10−6 m dans les conditions normales pour un liquide particulaire. Nous voyons ainsique les fluctuations deviennent suffisamment importantes pour pouvoir être observées pardes techniques de microscopie visible. C’est ce qu’on fait Dirk et Aarts dans leur expériencesur un mélange colloide/polymère. La séparation de phase donne naissance à un "liquidecolloidal" (riche en colloide et pauvre en polymères), et un "gaz colloidal", séparées parl’interface à étudier.

Abordons quelques idées de la physique statistique d’une telle interface. L’écart en densitédes deux phases est noté ∆ρ, et l’indice de pesanteur g. Les fluides sont dans une cuve carréede côté L, valant quelques dizaines de cm. L’axe z est l’axe de la verticale, et on étudieles fluctuations de l’interface selon cet axe u(x, y. Les fluctuations représentent un coupénergétique pour l’interface, la variation d’énergie libre induite, intégrée sur toute la surfacede la cuve est

δF =

∫ ∫d~r[

∆ρg

2u2 +

γ

2(∇u)2] , (27)

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où l’on identifie un terme due à la pesanteur et un lié à la tension de surface. On décomposealors u en série de Fourier, les modes étant indexés par le vecteur d’onde ~q auquel on imposedes C.L périodiques : ~q = (nx2π/L, ny2π/L). Avec u(~r) =

∑q uq exp(i~q.~r), 27 devient

δF = L2∑q

(∆ρg

2+γq2

2)|uq|2 . (28)

Nou pouvons alors invoquer le théorème d’équipartition de l’énergie : chaque mode ~q contri-bue à kBT/2 de δF . On obtient alors le spectre des ondes capillaires

|uq|2 =kBT

γL2

1

q2 + l−2c, (29)

où l’on a introduit la longueur capillaire lc =√γ/∆ρg ∼ 10−6 m. Nous pouvons calculer

l’amplitude moyenne des fluctuations en passant à la limite continue et en intégrant sur tousles modes. Il faut définir des bornes pour q : nous prenons qmin = 2π/L et qmax = 2π/a �l−1c .

〈u(~r)2〉 =∑|uq|2 =

L2

4π2

∫∫d~q|uq|2 =

L2

4π2

∫dq(2π)|uq|2 =

∫ qmax

qmin

kBT

2πγL2

qdq

q2 + l−2c(30)

Dans le cas présent où L� lc, et qmax � l−1c , on obtient

〈u(~r)2〉 ≈ kBT

2πγln(

2πlca

) . (31)

L’odre de grandeur des fluctuations est de√kBT/γ, et la correction apportée par la pesanteur

n’est pas cruciale pour une solution de polymère puisque lc/a ∼ 10.Intéressons-nous à présent aux corrélations entre les fluctuations de l’interface. Utilisons

l’expression plus générale

〈u(~q)u(~q′)〉 =4π2

γ

kBT

q2 + l−2cδ(~q + ~q′ , (32)

qui s’obtient de façon analogue. La façon de corrélation spatiale, < u(~r)u(0)〉 se déduit partransformée de Fourier inverse de 32 :

〈u(~r)u(0)〉 =kBT

2πγK0(

r

lc) , (33)

où K0 désigne la fonction de Bessel modifiée de deuxième espèce d’ordre 0 représentéeci-dessus. Remarquons que 〈u(~r)u(0)〉 diverge logarithmiquement pour r → 0, et diminueexponentiellement aux grands r sur la longueur caractéristique lc. La longueur capillairejoue en rôle le rôle de longueur de corrélation des fluctuations dans ce problème.

Terminons ce paragraphe sur les aspects dynamiques des fluctuations d’interface. Il s’agitde déterminer le temps caractéristique de relaxation d’une fluctuation afin de construire unefonction de corrélation temporelle. Le calcul est présenté dans la référence [4], donnons-en

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les principaux résultats. Qualitativement, la relaxation d’une fluctuation est conduite parla tension de surface, et freinée par la viscosité. Elle doit être liée à temps capillaire quel’on construit dimensionnellement comme τ = lcη/γ, où η est la viscosité moyenne des deuxphases. La résolution des équations de Stokes montre bien qu’un déformation sinusoidale del’interface, caractérisé par son vecteur d’onde q, décroît avec une durée τq ∝ τ , le facteurproportionnalité faisant intervenir seulement q et lc. On peut alors postuler que le profil del’interface u(q, t) vérifie une équation de type Langevin :

∂u

∂t= − u

τq+ φ(q, t) , (34)

où φ est un bruit blanc gaussien. Cette équation permet de trouver sans surprise une équationanalogue à 33 pour la fonction de corrélation temporelle

〈u(~r, t)u(~r, 0)〉 =kBT

2πγK0(

t

τc) , (35)

où l’on que τc est le temps de corrélation des fluctuations d’interface. Une autre spécifité dessolutions de polymères proches du point critique est d’accéder à des temps capillaires longs,de l’ordre de plusieurs secondes.

3.2 L’expérience de Dirk et AartsLe but de l’expérience, décrite dans [5] est d’observer des fluctuations thermique d’une

interface dans des conditions telles qu’elles soient accessibles par simple microscopie optique.Le point critique de séparation de phase d’un mélange, caractérisé par une tension de surfacetrès faible, permet de réaliser cela.

Les colloides sont des sphères de PMMA, de rayon bien controllé, Rc = 71 nm. Lepolymère utilisé provient d’une solution commerciale de Fluka (une sorte de polystyrène),et le rayon de gyration estimé par diffraction de rayon X vaut Rg ∼ 44 nm. La séparationde phase obtenue s’avère très stable lorsque le ration Rg/Rc est assez proche de 1 ce quiétait le but recherché ici. Le protocole de mélange demande une grande précaution, et unjour d’attente est nécessaire pour atteindre un parfait équilibre de démixion. Le diagrammede phase dans le plan (φp, φc) est représenté fig. 3. Six différentes lignes de dilution ont étésuivies, et ont permis d’estimer la courbe binodale, tracée en noir sur le diagramme.

Figure 3 – Diagramme de phase du mélange polymère/colloide estimé à partir de plusieurslignes de dilution. Les cercles sont dans le domaine où la séparation de phase a lieu. Les cerclesnoirs correspondent à la ligne de dilution suivie dans les résultats qui suivent.

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La technique d’imagerie utilisée est la microscopie confocale. Les colloides sont rendusfluorescents et excité par laser (LSCM). Le microscope confocal a une profondeur de champtrès faible et analyse donc l’intensité émise par fluorescence dans un plan représenté figure ?.Le signal enregistré est I(x, z, t). Pour pouvoir déduire de cette grandeur la position del’interface, Dirk et Aarts divisent l’image dans l’esprit de la défintion d’une interface donnéepar Gibbs : ∫ Lz

0

dzI(x, z, t) = Iliq(x)u(x, t) + Igaz(x)[Lz − u(x, t)] , (36)

où Iliq(x) et Igaz(x) sont respectivement les intensités moyennes dans les phases liquides etgaz. La dépendance en x, tenant compte des propriétés du microscope, étant connue. Lafonction u(x) résultant de l’expression 36 est représentée sur la figure 4a, elle semble biensuivre la position de l’interface. De haut-en bas, on se rapporche du point critique, ce qui semanifeste par une augmentation des fluctuations.

La théorie présentée dans le paragraphe 3.1 peut être confrontée à cette expérience.Une fonction de corrélation dépendante du temps est construite en introduisant la moyenneu(t) ≡ 〈u(x′, t)〉 :

gu(x, t) = 〈[u(x′, t′)− u(t′)][u(x′ + x, t′ + t)− u(t′ + t)]〉 . (37)

Cette fonction permet d’accéder à la fonction de corrélation statique, gu(x) ≡ gu(x, t = 0),qu’il faut comparer à celle donnée par l’éq. 33 et la fonction de corrélation dynamique,gu(t) ≡ gu(x = 0, t), qu’il faut comparer à l’éq. 35.Les figures 4b.A et 4b.B présentent ces comparaisons. Les courbes en traits pleins sontdonnées par la théorie sur les ondes capillaires. Les points expérimentaux suivent remarqua-blement bien la théorie, même lorsque x et t deviennent du importants. De bas en haut,les quatre séries de points correspondent aux états I, II, III et IV représentés par les pointsnoirs sur la figure 3. La théorie étant validée, Dirk et Aarts ont pu calculer les paramètresγ, lc et τ à partir des fonctions de corrélations expérimentales. Les résultats sont consignéssur les figures 4b.C et 4b.D. Différentes méthodes sont utilisées pour le calcul, et donnentdes valeurs compatibles aux incertitudes près. La diminution de φc correspond à l’approchedu point critique suivant la suite d’états I→V. Les ordres de grandeurs sont remarquables,car diffèrent de 6 ordres de grandeur par rapport à ce qui est usuellement observé pour lesliquides moléculaires : γ devient de l’ordre de quelques nN/m, lc de quelques µm, et τ deplusieurs dizaines de secondes.

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(a) (b)

Figure 4 – Résultats de l’expérience de Dirk et Aarts. (a) Visualisation des fluctuations del’interface. La ligne jaune est la fonction u(x) déduite de l’eq. 36. (b) Confrontation avec lathéorie des ondes capillaires. En A,B : fonctions de corrélation spatiales et temporelles. EnC,D,E : grandeurs γ, lc (notée ξ sur la figure), et τ déduites de gu(t) (cercles) et de gu(x) pourdifférents paramètres d’acquisition (croix et pluses).

ConclusionEn plus d’aboutir à une universalité en termes de comportements critiques, les études

de champ moyen des transitions de phase passent par certaines étapes cruciales caractéris-tiques : chercher une équation d’état simplifiant les intéractions, observer que cette équationet l’énergie libre qui en découle présentent des portions thermodynamiquement instables en-trainant la séparation en phases ordonnées, exhiber une équation auto-cohérente régissantcette phase ordonnée. A travers les systèmes modèles de la transition liq/gaz et la transitionferro/para, nous avons mis ces caractéristiques en évidence, et les avons retrouvées dans lathéorie de Flory-Huggins d’un mélange de polymères. Nous avons vu comment obtenir lediagramme de phase et le point critique d’un tel système.

Les comportements critiques prévus par les théories de champ moyen ont tendance às’effondrer tant que l’on n’est pas loin du point critique, puisque les fluctuations divergenten ce point. Cependant, le cas du mélange de polymères joue un rôle particulier, puisquel’étude par diffraction de la démixion des mélanges sont en bon accord avec la théorie deFlory-Huggins. Le critère de Ghinzburg permet de justifier ce succès. L’état enchevêtré despolymères fait que c’est un système avec interaction à très longue portée dans lequel lesfluctuations restent limitées.

Enfin, par une très belle expérience, Dirk et Aarts sont venus cottoyer de façon quan-titative le phénomène critique associé à la séparation de phase d’une solution binaire col-loide/polymère, et ont prouvé la validité de la théorie sur l’excitation thermique des ondescapillaires.

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Références[1] J.-L. Barrat, J.-Pierre. Hansen, Basic concepts for simple and complex liquids, Cam-

bridge University Press, Cambridge, UK, 2003.[2] P.-G. de Gennes, Scaling concepts in polymer physics, Cornell University Press, Ithaca,

New York, 1979.[3] K. Binder, Dynamics of phase separation and critical phenomena in polymer mixtures ,

Colloid and Polymer Sci, 265 :273, 288, 1987.[4] V.W.A. de Villeneuve, J.N.J. van Leeuwen, W. van Saarloos, and H.N.W. Lekkerkerker

Statistics of fluctuating colloidal fluid-fluid interfaces., Arxiv, 2008.[5] G. A. Dirk, L. Aarts, Direct Visual Observation of Thermal Capillary Waves , Science

304, 847, 2004.

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