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SPORT DE HAUT NIVEAU TENNIS RÔLE DE LA LATÉRALITÉ 0CUL0-MANUELLE PAR C. GARIPUY ET M. WOLFF En quoi la latéralisation d'un joueur de tennis influence-t-elle ses performances ? Y a-t-il des relations entre ses « points forts », ses « points faibles » et sa typologie de latéralisation ? Tel est l'objet de cette étude. On définit la latéralité, comme I asymétrie fonctionnelle dit corps entre la droite et la gauche ou de part et d'autre de l'axe longitu- dinal[1].La prévalence d'un segment sur son homologue symétrique est plus ou moins forte selon les sujets : elle va de la latéralité « franche » (le même segment, gauche ou droit, est sollicité de façon préférentielle) à l'équilatéralité (l'un et l'autre sont sollicités indifféremment). Elle est homogène (tous les segments sont latéralisés du même côté) ou hétérogène, variable d'un segment à l'autre : on peut être droitier manuel, gaucher visuel, gaucher podal. etc. La latéralisation, qu'elle soit d'origine génétique et environnementale, a des incidences plus ou moins fortes sur les conduites motrices de l'individu. Le sportif n'échappe pas à la règle. Ses gestes sont tributaires pour une certaine part de sa latéralisation. Mais il peut, sous l'effet de l'apprentissage et de l'entraînement, en com- penser les effets (et tendre vers l'équilatéra- lité) ou au contraire la renforcer. Il existe ainsi des va-et-vient subtils, des interactions plus ou moins opérantes entre la latéralité du sujet sportif cl l'activité motrice qu'il pratique. La plupart du temps, cependant, ces interactions ne sont pas clairement repérées et restent une notion floue. On sait que la latéralité existe, mais en dehors de la latéralité manuelle abon- damment étudiée, que sait-on des latéralités oculaire, podale. etc.. à moins d'être directe- ment confronté à elle comme c'est le cas pour le tir, les sauts, par exemple ? La latéralité est souvent une donnée abstraite, éloignée de la pratique du terrain. Le but de notre étude est de repérer en quoi la latéralisation d'un sujet sportif, ici. celle d'un joueur de tennis, influence ses performances. Pour tenter de trouver une solution, nous avons établi un questionnaire que nous avons soumis à des joueurs et joueuses de tennis (1). Ce questionnaire a fait l'objet d'un traitement statistique qui a mis en évidence un certain nombrederelations. PRÉSENTATION DU QUESTIONNAIRE Population étudiée 415 joueurs et 250 joueuses de tennis classés en 1 e . 2 e série (jusqu'à 2/6) d'une part, et d'autre part à 30 et en 4 e série, ont répondu au questionnaire sur la base du volontariat. Contenu Les questions portent : - sur la latéralité des segments qui jouent un rôle prépondérant au tennis, c'est-à-dire la main, l'oeil, le bassin, la jambe « dynamique » [2], le pied, - sur les caractéristiques du jeu du joueur (modalités tennistiques), ses coups forts, les coups lui posant problème que nous appelle- rons ses coups faibles, sa position d'attente au service et le rôle préférentiel de ses démar- rages. EPS N° 276 - MARS-AVRIL 1999 73 Revue EP.S n°276 Mars-Avril 1999 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

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SPORT DE HAUT NIVEAU

TENNIS R Ô L E D E

L A L A T É R A L I T É

0 C U L 0 - M A N U E L L E PAR C. GARIPUY ET M. WOLFF

En quoi la latéralisation d'un joueur de tennis

influence-t-elle ses performances ? Y a-t-il des relations entre ses

« points forts », ses « points faibles » et

sa typologie de latéralisation ?

Tel est l'objet de cette étude.

On définit la latéralité, comme I asymétrie fonctionnelle dit corps entre la droite et la gauche ou de part et d'autre de l'axe longitu­dinal [1]. La prévalence d'un segment sur son homologue symétrique est plus ou moins forte selon les sujets : elle va de la latéralité « franche » (le même segment, gauche ou droit, est sollicité de façon préférentielle) à l'équilatéralité (l'un et l'autre sont sollicités indifféremment). Elle est homogène (tous les segments sont latéralisés du même côté) ou hétérogène, variable d'un segment à l'autre : on peut être droitier manuel, gaucher visuel, gaucher podal. etc. La latéralisation, qu'elle soit d'origine génétique et environnementale, a des incidences plus ou moins fortes sur les conduites motrices de l'individu. Le sportif n'échappe pas à la règle. Ses gestes sont tributaires pour une certaine part de sa latéralisation. Mais il peut, sous l'effet de l'apprentissage et de l'entraînement, en com­penser les effets (et tendre vers l'équilatéra­lité) ou au contraire la renforcer. Il existe ainsi des va-et-vient subtils, des interactions plus ou moins opérantes entre la latéralité du sujet sportif cl l'activité motrice qu'il pratique. La plupart du temps, cependant, ces interactions ne sont pas clairement repérées et restent une notion floue. On sait que la latéralité existe, mais en dehors de la latéralité manuelle abon­damment étudiée, que sait-on des latéralités oculaire, podale. etc.. à moins d'être directe­ment confronté à elle comme c'est le cas pour le tir, les sauts, par exemple ? La latéralité est souvent une donnée abstraite, éloignée de la pratique du terrain.

Le but de notre étude est de repérer en quoi la latéralisation d'un sujet sportif, ici. celle d'un joueur de tennis, influence ses performances. Pour tenter de trouver une solution, nous avons établi un questionnaire que nous avons soumis à des joueurs et joueuses de tennis (1). Ce questionnaire a fait l'objet d'un traitement statistique qui a mis en évidence un certain nombre de relations.

PRÉSENTATION DU QUESTIONNAIRE

Population étudiée 415 joueurs et 250 joueuses de tennis classés en 1 e. 2e série (jusqu'à 2/6) d'une part, et d'autre part à 30 et en 4e série, ont répondu au questionnaire sur la base du volontariat.

Contenu Les questions portent : - sur la latéralité des segments qui jouent un rôle prépondérant au tennis, c'est-à-dire la main, l'œil, le bassin, la jambe « dynamique » [2], le pied, - sur les caractéristiques du jeu du joueur (modalités tennistiques), ses coups forts, les coups lui posant problème que nous appelle­rons ses coups faibles, sa position d'attente au service et le rôle préférentiel de ses démar­rages.

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Méthodologie Le questionnaire a été rempli par les joueurs eux-mêmes. Les réponses relatives à leur laté­ralité ne nous semblent pas sujettes à caution, étant donné l'adhésion volontaire de chaque participant à cette étude (2). En ce qui concerne les modalités tennistiques. les données obtenues peuvent paraître arbi­traires puisque livrées à l'appréciation subjec­tive du joueur. C'est lui. en effet, qui désigne ses coups forts et ses coups faibles. Ce choix a été délibéré. Nous n'avons pas, pour des rai­sons pratiques et conceptuelles évidentes, voulu mesurer à partir d'une grille d'évalua­tion la qualité d'exécution technique et l'effi­cacité des coups de chaque joueur. Nous a\ ons posé comme préalable la fiabilité des informa­tions données par les joueurs étant donné leur vécu tennistique. Celle-ci a d'ailleurs été \ cri fiée par l'absence de contradictions dans les résultats.

ANALYSE DES RÉSULTATS

• Dans un premier temps, nous avons réalisé une analyse des réponses, analyse à deux variables (« bivariée ») à partir d'un tableau croisé [3], dans le but d'étudier la relation entre les différents groupes et les modalités de réponses observées à chaque question (et de conclure quant à leur relation globale sur le plan statistique). • Dans un second temps, afin d'étudier d'une manière plus approfondie les différents profils et groupements de modalités de réponses, nous avons réalisé une analyse des correspon­dances multiples (ACM) [4] et exploré les résultats à l'aide du logiciel EyeLid2 (3). Cette méthode a déjà été utilisée pour une étude concernant une enquête sur les origines sociales des émotions sportives [5]. Nous présenterons tout d'abord les niveaux qui ont été définis, quel que soit le sexe. Les résultats présentés sous le terme « joueurs » concerneront ainsi autant les hommes que les femmes. Dans cette étude, nous avons constaté une différence (statistiquement significative) entre les sexes pour l'étude concernant : - le sens de rotation du bassin qui est d'une façon générale préférentielle à gauche, mais avec un taux de rotation à droite supérieur chez les femmes. - le choix du revers à deux mains qui est plus souvent réalisé par les femmes. Nous analyserons ensuite la latéralité avant de la mettre en relation avec les modalités tennis-tiques.

Différenciation des niveaux Six niveaux ont été établis selon deux critères : le niveau tennistique (classement de 1997 ou meilleur classement obtenu) et la pré­sence ou pas d'une prise extrême en coup droit (4) (dessin 1) : • Niveau 1 : 140 joueurs et 94 joueuses clas­sés en 1er série et négatifs : les meilleurs de la 2e série (prises classiques). • Niveau 2 : 57 joueurs et 24 joueuses classés à 0 (prises classiques). • Niveau 3 : 75 joueurs et 37 joueuses classés à 1/6 et 2/6 (prises classiques).

• Niveau 4 : 40 joueurs et 34 joueuses classés en 1er série et négatifs (prise extrême). • Niveau 5 : 37 joueurs et 26 joueuses classés à 0. 1/6. 2/6 (prise extrême). • Niveau 6 : 66 joueurs et 35 joueuses classes à 30 ou en 4' série (prises classiques). • Sur le graphique (figure I). représentatif des deux premières dimensions issues de l'ACM, nous pouvons distinguer une différence de comportements entre les joueurs de tous les niveaux. Les meilleurs sont ceux du niveau 1 (prises classiques, joueurs classés 1re série et négatifs) et ceux du niveau 4 (prise extrême et de même classement que le niveau 1). Nous pouvons constater qu'ils sont opposés sur le graphique. Les niveaux 2 et 3 (prises clas­siques) ont un comportement presque iden­tique, mais différent des meilleurs : l'homogé­néité de ces deux groupes est due à leur classement pioche. Quant au niveau 5 (prise extrême), il se trouve logiquement oppose au niveau 4 à cause de son classement. Le niveau 6. dont le niv eau de performance est très nettement inférieur aux niveaux 1 et 4. est constitué des joueurs les moins bien classés : il se détache des aimes niveaux, comme prévu. Compte tenu de ces résultats, nous

considérons les niveaux 1, 4 et 6 comme groupe de référence (figure 1). Après avoir défini les tests de latéralité utilisés pour notre étude, nous présenterons pour ce qui concerne les latéralités, dans un premier temps le profil de l'ensemble des sujets, puis dans un second temps nous nous intéresserons aux spécificités des niveaux 1. 4 et 6.

Les tests de latéralité Pour évaluer les différentes latéralités, nous avons utilisé et/ou adapté les tests concernant la latéralité.

LA Latéralité manuelle : nous avons proposé plusieurs épreuves adaptées (questionnaire sur la latéralité individuelle en sport de G. A/.émar) : quelle main écrit, dessine, donne un coup de poing. lance une balle, tient la raquette ? Pour notre étude, nous avons retenu comme main de référence la main conductrice qui tient la raquette (et pour les coups à deux mains, celle qui est le plus bas sur le manche). À titre d'exemple. 87 % des sujets testés tien­nent leur raquette de la main droite : parmi ces joueurs, 2 % écrivent et dessinent de la main gauche ; parmi les 14 % qui tiennent leur raquette de la main gauche. 11 % écrivent et dessinent de la main droite. Ces premiers résultats montrent que les joueurs ont au ten­nis une main conductrice qui n'est pas tou­jours la main d'écriture. Pour le revers, on a pu constater que 46 % des joueurs ont un revers à deux mains. 52 % un revers à une main et 2 % utilisent un revers à une main pour slieer et à deux mains pour lif­ter. Le choix du revers à deux mains n'est pas dû au hasard, car il existe une relation entre le choix d'un revers à deux mains et une latéra­lité manuelle pus entièrement homogène : test du X2 (Khi-deux, visant à généraliser les conclusions avancées) significatif au seuil 01. Dans ce cas le sujet effectue au moins une épreuve (écrire, dessiner, lancer, etc.) de sa main controlatérale.

La latéralité oculaire : nous avons retenu l'épreuve de « sighting » de R. Zazzo qui a l'avantage de ne pas être trop influencée par les problèmes de convergence oculaire. Il s'agit de viser un objet à travers le trou effec­tué dans une feuille (diamètre d'environ 1,5 cm) bras tendus. Rapprocher alors la feuille du visage tout en visant l'objet et noter quel œil vise.

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IM latéralité du bassin : nous avons choisi de nous intéresser au sens de rotation préférentiel du sujet. Ce dernier doit sauter en tournant les veux fermés (5) |6|. 53 7%des sujets montrent une préférence pour la rotation gauche. 45 % pour la rotation droite. IM latéralité de la jambe « dynamique » : la notion de jambe « dynamique » a été évoquée pour le saut de haies [2]. Pour ce qui nous concerne, nous avons opté pour le repérage de la jambe qui se lève en premier lorsque le sujet effectue un saut en « ciseaux ». IM latéralitépodale : la modalité qui a servi de référence ici est le pied de shoot des joueurs. Afin d'étudier de manière pertinente la latéra­lité du joueur de tennis, nous avons choisi de mettre systématiquement en rapport la latéra­lité manuelle avec chacune des autres latérali­tés testées. Quelle que soit la combinaison, nous considérons que la latéralité est homo­gène si le joueur utilise le même côté préfé­rentiel pour les deux modalités observées soit gauche-gauche ou droit(e)-droit(e) : nous l'appellerons croisée dans le cas contraire. En effectuant ce choix de classification qui englobe droitiers et gauchers manuels, nous avons volontairement ignoré la suprémalic supposée des gauchers pour le tennis. On remarque que pour l'ensemble des sujets. 64 % ont une latéralité oculo-manuelle homo­gène. 36 7c ont une latéralité croisée. Nous pouvons observer que cette latéralité croisée est en proportion légèrement supérieure par rapport à la population générale (qui est de 30 % environ) |7|. Par ailleurs, nous pouvons constater que la combinaison main/sens de rotation préférentiel est plus souvent croisée (56 7c) qu'homogène (41 %).

Spécificités des niveaux 1,4 et 6 en fonction de la latéralité Nous présentons ici les modalités de la latéra­lité en fonction de quatre paramètres : la latéra­lité main/œil. main/sens de rotation préféren­tiel, main/jambe et main/pied shoot. Le tableau ci-contre ne tient pas compte des bilatéralisa-tions (homogène : droite-droite ou gauche-gauche : croisée : droite-gauche ou gauche-droite). Nous pouvons constater que le niveau 6 a le plus fort pourcentage de latéralité oculo-manuelle homogène (72 %). Pour ce qui

concerne la latéralité main/sens de rotation pré­férentiel, c'est le niveau I (43 %) qui rassemble le plus de personnes en latéralité homogène. Par contre, pour ce même niveau, la latéralité main/jambe croisée est la plus fréquente (35 % ). Quant à la latéralité main/pied, nous pouvons observer que les trois niveaux sont à peu près homogènes de la même manière.

Relations entre latéralité et modalités ten-nistiques L'analyse des données nous a permis de mettre en évidence un certain nombre de rela­tions entre la typologie de latéralisation du joueur et ses caractéristiques gestuelles. Dans le cadre de cet article, nous nous focaliserons sur la latéralité oculo-manuelle. pour deux rai­sons : - depuis longtemps, la latéralité oculo-manuelle a été pour nous un sujet d'intérêt et d'observations jusque-là empiriques |8|. - elle n'est pas susceptible de se modifier sous l'effet de l'apprentissage et de l'entraînement. Ci-après sont indiqués les principaux résultats issus d'analyses » bivariées » concernant les niveaux 1. 4 et 6. Nous présenterons tout d'abord les résultats concernant la relation entre la latéralité oculo-manuelle et le coup droit fort puis ceux concernant le revers fort, le service fort, le smash fort et la volée.

Le coup droit fort En coup droit, lorsque la latéralité oculo manuelle est homogène, l'œil directeur est du même côté que le mouvement de frappe. Lors­qu'elle est croisée, l'œil directeur est du côté opposé (dessin 2). • Niveau 1 : il existe pour ce niveau une rela­tion forte entre le fait d'avoir un coup droit fort ou non et le type de latéralité oculo-manuelle (lest du X2 significatif au seuil 02) (figure 2). Ainsi, nous constatons que la latéralité oculo-manuelle croisée est plus favorable à la réalisa­tion de coups droits forts (59 7c) que la latéra­lité homogène (44 7c). Comment l'expliquer ? Sous réserve de vérifications biomécaniques (qui ne sont pas de notre ressort), il pourrait y avoir dans le premier cas. un gain d'amplitude gestuelle pour le haut du corps. En effet, si la fixation de la balle par l'œil directeur ...entraîne la rotation du cou qui influe tout à la fois sur te mouvement des épaules et le plan de frappe de la balle [1]. cette rotation (côté coup droit) pourrait être, pour un plan de frappe « moyen » (6) plus importante avec un œil directeur controlatéral qu'avec un œil directeur homolatéral. • Niveaux 4 et 6 : pour ces niveaux nous ne trouvons pas de liaison (figures 3 et 4).

Pourcentages relatifs aux latéralités en fonction du niveau de jeu des joueurs

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Ce constat pourrait être expliqué par : - la présence, pour le niveau 4. d'une prise extrême en coup droit qui exige un plan de frappe très avancé, ce qui entraînerait une organisation gestuelle différente, - la non adaptation, pour le niveau 6. à la laté­ralité oculo-manuelle. Le revers fort En revers, lorsque la latéralité oculo-manuelle est homogène, l'œil directeur est du côté opposé au mouvement de frappe. Lorsqu'elle est croisée, l'œil directeur est du même côté que le mouvement de frappe (dessin 3). Contrairement au coup droit fort, le revers fort n'a pas. quel que soit le niveau, de liaison significative avec la latéralité oculo-manuelle : le revers, en effet, fait naturelle­ment s'orienter les épaules et le joueur ne bénéficie pas particulièrement d'un gain éven­tuel (7) d'amplitude gestuelle du haut du corps, qui pour ce coup serait dû à une latéra­lité oculo-manuelle homogène.

Le service fort Au service, lorsque la latéralité oculo-manuelle est homogène, l'œil directeur est du même côté que le mouvement de frappe. Lors­qu'elle est croisée, l'œil directeur est du côté opposé au mouvement de frappe (dessin 4). On ne constate pas de liaison notable entre la latéralité oculo-manuelle et le service fort. Pourtant, une latéralité croisée devrait être un

avantage pour le serveur, si l'on admet qu elle augmente l'amplitude gestuelle du haut du corps. Mais pour la plupart des joueurs ayant celte typologie (et davantage que pour les autres), un des paramètres biomécaniques les plus difficiles à négocier au service est la coordination « plan de frappe/œil directeur ». On le volt d'ailleurs à certains « comporte­ments moteurs » le plus souvent observés au service chez ces joueurs : - un pied avant qui se tourne vers l'intérieur en début de service ce qui pourrait faciliter l'orientation de la tête, - une rotation importante du haut du corps, avec effacement de l'épaule droite (ou du corps tout entier), - des pieds très décalés. - un lancer de balle pas classique. Quant à la latéralité oculo-manuelle homo­gène, on peut la trouver à haut niveau chez de très grands serveurs qui atteignent une vitesse de balle de 200 km/heure et plus.

Le smash fort Nous retrouvons une relation entre la latéralité oculo-manuelle et le smash fort (x2 significa­tif au seuil 02) au bénéfice de la latéralité croi­sée qui influence la réussite de ce coup. Cette liaison s'explique naturellement (8) car le smash fait intervenir, pour une bonne part, le haut du corps. De plus, l'œil directeur croisé

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s'aligne plus facilement sur la main qui vise et qui se trouve être la main controlatérale. IM volée (coup droit et revers) Bien que nous n'ayons pas obtenu de liaison globale entre la latéralité et la volée de coup droit, nous pouvons néanmoins observer, pour les joueurs de niveau 1. une forte attrac­tion entre volée de coup droit forte et latéra­lité croisée. Quant à la volée de revers, nous ne trouvons, comme pour le revers, aucune relation.

CONCLUSION

Nous avons essayé de montrer dans cette étude, l'influence de la latéralité oculo-manuelle sur le geste tennistique. Nous avons vu les avantages dont pourraient bénéficier les joueurs de latéralité oculo-manuelle croisée. Il ne serait d'ailleurs pas surprenant de trouver chez les joueurs de haut niveau (dont le jeu s'appuie souvent sur un coup droit fort) un pourcentage de latéralité oculo-manuelle croi­sée supérieur à la moyenne : 30 % environ. Déjà, pour notre étude, les niveaux I et 4 com­portent 38 % de joueurs dans ce cas. alors que le niveau 6 n'en a que 28 %. On devrait d'ailleurs également la rencontrer à haut niveau dans d'autres sports de balle simi­laires et notamment au tennis de table. Mais cette typologie est une arme à double tran­chant : elle peut être aussi à l'origine de réelles difficultés lorsque le joueur ne parvient pas à s'organiser en conséquence : apprentis­sage défectueux, raideurs, etc. ou que le geste à effectuer est complexe comme le service.

Perspectives pour l'entraînement La latéralité oculo-manuelle doit donc être prise en compte pour l'entraînement. Elle n'est cependant pas la seule à jouer un rôle au tennis. Les autres latéralités (celle de la jambe dynamique, du pied et le sens préférentiel de rotation du sujet) qui ont fait l'objet d'études similaires (9) se sont également révélées opé­rantes. Aussi nous paraît-il utile pour les joueurs et joueuses de connaître de façon plus approfondie leur typologie de latéralisation et ses interactions avec leur jeu. L'entraîneur, lui aussi, peut tirer bénéfice de cette étude.

• Comprendre mieux leurs caractéristiques gestuelles (points forts et faibles par exemple). • Adapter de façon plus personnalisée ces consignes : - favoriser chez un élève de latéralité oculo-manuelle croisée, la rotation du haut du corps du côté coup droit, si elle est insuffisante, - ne pas corriger certaines bizarreries ges­tuelles, lorsqu'elles ne nuisent pas à la perfor­mance (elles ne sont souvent que l'adaptation du joueur à sa latéralité). • Renforcer les segments non dominants res­ponsables de difficultés spécifiques et tendre vers l'équilatéralisation : en coup droit par exemple, un pied latéralisé du mauvais côté (oppose à la main conductrice) entraîne sou­vent des difficultés. 11 faudra alors pour amé­

liorer ce coup, renforcer le pied non domi­nant. Nous espérons avoir pu montrer dans cette étude que la latéralité au tennis n'est pas une donnée abstraite sans aucune relation avec l'apprentissage ou le perfectionnement, mais un paramètre à découvrir et à utiliser pour optimiser les performances.

Catherine Garipuy Psychologue clinicienne.

Monitrice de tennis. Entraîneur à la ligue de tennis des Yvelines.

Marion Wolff Maître de conférences

UFR de psychologie - Paris V. Ex enseignant-chercheur

Département des Sciences du Sport. 1NSEP.

(1) Sur la suggestion judi­cieuse de Yves Guiard. CNRS et Université de la Méditerranée - Mouvement et Perception - Faculté des Sciences du Sport -Marseille.

(2) Nous les remercions d'ailleurs vivement pour leur collaboration. (3) Logiciel EycLid2 (ver­sion 2.(11 - 1993). Auteurs : J.-M. Bernard. H. Rouanet et R. Baldy. Groupe Mathé­matique et Psychologie (CNRS.URA 1201) et Uni­versité René Descartes. UFR Mathématique et Informatique. 45 rue des Saints-Pères. 75006 Paris. (4) La prise se définit par le placement de l'éminence hypothénar sur le manche de la raquette. Nous appel­lerons prise extrême, celle pour laquelle l'éminence hypothénar est placée sur le chanfrein inférieur (et au-delà, sur le méplat) du manche de la raquette (dessin 1). (5) Il serait cependant inté­ressant de se pencher lors d'une prochaine étude sur la latéralité du bassin elle-même. Pour la déterminer, il faut effectuer le même mouvement les yeux

ouverts. Le sujet droitier du bassin tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre et le sujet gaucher du bassin tourne dans le sens des aiguilles d'une montre [6]. (b) Ce qui induit des prises classiques. (7) A confirmer, rappelons-le. (8) Toujours dans l'hypo­thèse d'une orientation des épaules facilitée. (9) Mais elles n'ont pas été présentées dans le cadre de cet article.

Bibliographie 11 ] Solin (J). « Latéralité et tennis chez l'enfant ». Sport et Médecine. 29, p. 6-10. I98S. |21 Chanon (R). Étude de cas de latéralisations para­doxales et de leurs effets chez des coureurs de haies ». Médecine du Sport. T65, n° 4. p. 185-191. 1991.

(3) Rouanet (H). Le Roux (B). Bert (M.-C). Statis­tiques en Sciences Humaines : procédures naturelles. Paris. Dunod. 1987. |4| Rouanet (H). Le Roux (B). L'analyse des données mullidimen sionnelles. Paris. Dunod. 1993. |51 Durel (P), Wolff (M). « Les origines sociales des émotions sportives ». Science et Motricité. 26. 43-49. 1995. [6] Solin (J). « La latérali­sation du schéma corporel de l'enfant sportif ». Méde­cine du Sport. T58, n° 2, p. 36-100. 1994. [7] Lerbet (G). La latéralité chez l'enfant et l'adoles­cent. Paris. Éditions Uni­versitaires. 1969. [8] De Roubin (O), Ger-baud-Garipuy (C). Guide pratique du tennis naturel. Paris Calmann-Lévy. 1985.

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Quoi de neuf sur le baseball ?

Une réédition du Baseball de Frédéric Le Mercier ? Non, c'est bien plutôt d'un nouveau livre qu'il s'agit là : une nouvelle maquette deux nouvelles parties (l'une sur les jeux de

thèque. l'autre sur les jeux dérivés du base­ball), trois planches de b a n d e d e s s i n é e , de nouvelles illustra

tions grand format, un lexique, la liste des sites Internet consa­

crés au baseball... Voilà de quoi fournir à tous - professeurs d'EPS, animateurs de centres de vacances, etc. - un outil indis­pensable pour partager leur passion du baseball avec les enfants placés sous leur responsabilité et les mettre en situation d'apprentissage immédiat.

Alors ? Une édition revue et... largement augmentée ! A vous de voir...

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