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STATÉCO · Co-rédacteurs en chef Emilie Laffiteau, ... Joseph Larmarange, Siriki Coulibaly, ... le fait que les INS n’ont pas les ressources

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STATÉCO N° 108, 2014

INSEE Département Coordination Statistique et Internationale Timbre L301 18, Boulevard Adolphe Pinard 75675 Paris Cedex 14

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Directeur de la publicationJean-Luc Tavernier

Co-rédacteurs en chefEmilie Laffiteau, AFRISTATAnne-Sophie Robilliard, IRD, DIALConstance Torelli, INSEE

Secrétaire de rédactionCoryne Ajavon Ecoué-Logereau

Comité de rédactionFrançois Coûté, INSEEEstelle Koussoube, UPD, DIALSandrine Mesplé-Somps, IRD, DIALJean-David Naudet, AFD Chrisptohe Jalil Nordman, IRD, DIALMireille Razafindrakoto, IRD, DIALFrançois Roubaud, IRD, DIALCamille Saint-Macary, IRD, DIAL

Tirage à 200 exemplaires

© INSEE 2006 ISSN 0224-098-X

Sommaire

Questions relatives au cadre macroéconomique à moyen terme dans les pays d’Afrique centrale ............................... 3 Aboubakar Adam, Abdoulaye Bahr Bachar, Carol Baker, Djoret Biaka Tedang, Maxime Bonkoungou, Luc Leruth, Guy de Monchy, Rolf Meier, Abdoulahi Mfombouot, Atsushi Oshima, Marc Raffinot, Nicolas Vincent

Les pays de la CEMAC convergent-ils ? ............................... 31 Emilie Laffiteau, Serge Jean Edi

Méthodologie d’enquête statistique par sondage probabiliste sur la pêche : cas du Burkina Faso ......................................... 45 Moussa Kabore, Dramane Bako, Richard Guissou

Analyse des inégalités scolaires au Maroc : apports de la régression quantile ...................................................................... 63 Aomar Ibourk

Appréhender la structure éco-démographique des ménages à partir d’enquêtes économiques : l’exemple des Enquêtes sur les Dépenses des Ménages 2008 .............................................. 75 Joseph Larmarange, Siriki Coulibaly, Ousman Koriko, Madior Fall

Tribune Joseph Tédou, Directeur Général, Institut National de la Statistique du Cameroun Poor numbers, how we are misled by African development statistics and what to do about it .................................................. 99 Morten Jerven

_____________________ 1Le corps de cet article a été préparé par une équipe du Centre d'Assistance Technique du FMI pour l'Afrique Centrale (AFRITAC Centre / FMI) composée de L. Leruth, A. Mfombouot et M. Bonkoungou. Les annexes ont été préparées par d’autres équipes : un groupe de hauts fonctionnaires tchadiens comprenant A. Adam, Chef, Direction de la Prévision, A. Bahr Bachar, Directeur de la Recherche et de la Prévision, et D. Biaka Tedang, expert en modèles macroéconomiques ; une équipe du FMI comprenant C. Baker, chef de mission pour la Guinée Equatoriale et A. Oshima, économiste au département Afrique; et N. Vincent de la Coopération française. G. de Monchy, R. Meier et M. Raffinot, experts auprès de l’AFRITAC Centre, ont produit les tableaux et encarts présentés dans les sections 3 et 4 dans le cadre de leurs travaux pour le Centre. Les auteurs tiennent à remercier E. Brintet, H. Gbossa, R. Ossa, O. Melhado, J. Mueller et la division M2 du Département des Finances Publiques du FMI ainsi que les participants au “Séminaire régional sur le cadrage macroéconomique et son utilisation pour l'élaboration du CBMT/CDMT” qui s’est tenu à Douala du 19 au 23 mars 2012 pour leurs remarques constructives. Les auteurs remercient également M. Andzembe pour son excellent travail d’édition. Enfin, les vues présentées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles du FMI ou de son Conseil d’Administration.

Questions relatives au cadre macroéconomique à moyen terme

dans les pays d’Afrique centrale A. Adam,

A. Bahr Bachar, C. Baker,

D. Biaka Tedang, M. Bonkoungou,

L. Leruth, G. de Monchy,

R. Meier, A. Mfombouot,

A. Oshima, M. Raffinot, N. Vincent 1

L’article concerne essentiellement les pays d’Afrique centrale. Il insiste sur la nécessité de mieux utiliser (et financer) les instituts de statistique nationaux et de privilégier, pour le cadrage budgétaire, les modèles simples, qui permettent aux services du Ministère des Finances (et d’autres dans certains cas) de plus facilement converger sur les hypothèses essentielles. Les modèles plus sophistiqués, qui permettent évidemment des analyses plus poussées, sont plus difficiles à mettre en place au niveau des services concernés, ce qui nuit à leur appropriation et conduit parfois à des récupérations de nature « politique ». L’analyse présentée dans le corps de l’article repose sur les travaux effectués par les services du FMI dans un pays d’Afrique centrale. Les trois annexes soutiennent les conclusions de trois points de vue différents (des services nationaux, une organisation internationale et un bailleur).

Introduction

Il est essentiel, dans les pays riches en ressources naturelles, d’adopter un cadre macroéconomique rationnel pour appuyer les décisions relatives à l’action publique. Bien que

cette remarque vaille pour tous les pays, l’existence d’importantes ressources naturelles est source de chocs et, de manière plus générale, elle intensifie les fluctuations des variables macroéconomiques. Cela est vrai pour les grands indicateurs (comme la croissance du PIB), mais aussi pour les recettes budgétaires, car celles-ci proviennent, pour

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l’essentiel, d'un petit nombre de sources (et souvent même d’une principale lorsque le pays est riche en hydrocarbures). Il est donc important que les autorités évaluent l’impact attendu de cette variabilité sur l’économie. Si les fluctuations des prix compliquent la prise de décisions de politique économique, les hypothèses relatives au prix des principaux produits de base ont heureusement fait l’objet d’importants travaux de recherche et leurs répercussions ont été étudiées de manière approfondie par les économistes, notamment dans le cadre de publications diverses (p. ex. les Perspectives de l’économie mondiale – ou World Economic Outlook - du Fonds Monétaire International [FMI]). Si la volatilité des recettes a pour effet d’accroître la complexité de la situation, de sorte qu’il est essentiel de baser les projections économiques sur des hypothèses rationnelles et prudentes, cette opération est facilitée par l’existence de chiffres exogènes bien établis. Comme nous l’expliquerons par la suite, des questions d’ordre institutionnel se greffent aux débats économiques dans les pays dont l’économie repose fondamentalement sur les ressources naturelles.

Un modèle macroéconomique ne doit pas nécessairement être très complexe pour être solide. Cet article prône l’emploi de modèles simples de préférence à des modèles complexes, en particulier dans les pays dotés de ressources humaines limitées, et ce pour de nombreuses raisons. Il est difficile de faire fonctionner un modèle très complexe et les services qui s’y emploient ne disposent pas toujours d’effectifs possédant les qualifications requises pour utiliser un tel instrument de manière efficace (et ceux qui possèdent ces qualifications sont généralement débordés). Un modèle complexe exige également le déploiement d’importants efforts pour estimer un nombre élevé de paramètres, ce qui détourne l’attention de l’examen, pourtant plus important, des hypothèses sous-jacentes, tout en accroissant la possibilité d’erreurs (dont nous avons effectivement recensé un grand nombre comme indiqué plus loin dans le texte). Enfin, l’expérience montre qu’un modèle simple produit – rapidement – des projections d’une qualité suffisante pour servir de base à des débats constructifs, ce que s’efforcent de montrer les trois études de cas présentées dans cet article.

Encadré 1

Travaux du FMI portant sur les cadres de la politique macroéconomique pour les pays riches en ressources naturelles

Au cours des quelques dernières années, le FMI a largement contribué au débat stratégique sur la manière dont les pays riches en ressources peuvent le mieux réaliser leur potentiel de croissance. En 2012, en particulier, le FMI a achevé une série d’études et de documents d’orientation examinant un certain nombre de difficultés rencontrées en ce domaine, notamment les conséquences du caractère exhaustif de ces ressources et la gestion de leur volatilité. Il est parvenu entre autres à la conclusion que, pour des raisons tenant aux contraintes inhérentes aux pays en développement, les instruments habituels consommation-épargne/investissement ne sont pas les meilleurs outils permettant d'analyser ces problèmes dans la région couverte par l’AFRITAC Centre (voir Akitoby et Coorey, 2012, pour un examen des problèmes particuliers rencontrés par les pays de la CEMAC). Le FMI a donc orienté ses travaux sur des instruments dérivés des outils existants dans le but de tirer des enseignements pour l’évaluation de la position extérieure et la politique budgétaire ; de concevoir des règles budgétaires adaptées et des moyens de gérer des fonds alimentés par les ressources ; et de manière générale, d’en tirer des leçons pour les politiques de l’institution (voir FMI 2012 a,b,c,d).

Le champ d'application de ces études, à savoir le cadre macrobudgétaire et les instruments d'analyse des politiques, est donc plus vaste que le cadre budgétaire qui fait l'objet du présent article. Il importe également de noter que les instruments examinés dans les documents du FMI (2012 a,b,c,d) ne seraient pas toujours facilement utilisables dans les pays membres de l’AFRITAC, comme l'explique le présent article : lorsque les ressources humaines sont insuffisantes, il vaut mieux adopter un modèle simple, que peuvent facilement comprendre toutes les parties en présence, plutôt qu'un outil complexe dont les hypothèses sont généralement moins claires.

Il ne faudrait toutefois pas négliger l'intérêt présenté par la poursuite d'une meilleure méthode d'analyse de l'évolution macroéconomique. Les pays doivent progressivement renforcer leurs ressources humaines de manière à se doter des ressources nécessaires pour pouvoir utiliser ces instruments. Il pourrait même déjà être possible à certains pays de prendre des mesures à cet effet. Il serait toutefois plus réaliste, comme nous le faisons valoir ultérieurement dans cet article, que la Commission de la CEMAC se charge de former un service capable de gérer ces modèles et de les utiliser au profit de toute la région.

Cet article recommande également que les départements des statistiques contribuent de manière plus concrète au processus de prise de décisions de politique économique. À l’heure actuelle, les instituts nationaux de la statistique (INS) ne participent généralement pas autant que

les autres départements à la prise de décisions de politique publique. Cela s’explique notamment par le fait que les INS n’ont pas les ressources nécessaires pour produire des analyses pertinentes et que les données qu’ils produisent sont jugées – souvent avec raison – peu utiles parce qu’elles se

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rapportent à des périodes trop anciennes. Ces deux facteurs conjuguent fréquemment leurs effets pour progressivement réduire le rôle des INS, bien que tous les modèles utilisés aient en principe besoin des données qu’ils produisent. Toutefois, pour autant que la disponibilité de ressources financières et humaines soit une condition nécessaire à la poursuite des travaux des INS, il importe aussi que ces derniers accroissent la pertinence de leurs efforts : en accroissant la fréquence à laquelle ils actualisent leurs statistiques ; en produisant des estimations basées sur des données plus récentes ; et – ce qui est essentiel – en acquérant les capacités requises pour produire des analyses sur la base d’estimations préalables qui peuvent réellement contribuer au processus de prise de décisions.

Dans cet article, nous nous intéressons à une question précise : comment améliorer le processus de cadrage macroéconomique à moyen terme pour la préparation du budget ? L’article est organisé comme suit. La deuxième section décrit le contexte de l’Afrique centrale. La troisième section expose la piètre qualité des statistiques établies dans la région et montre comment l’absence de statistiques fiables se traduit par la production de multiples estimations qui entravent le suivi du développement économique et affaiblissent les institutions. L’analyse montre que cette situation peu satisfaisante dans la plupart des pays moins avancés, est aggravée dans les pays riches en ressources. La quatrième section décrit la manière dont un pays membre du Centre Régional d'Assistance Technique du FMI pour l'Afrique du centre (AFRITAC Centre) (à l’instar d’autres pays situés dans, et hors de, la région) utilise un modèle économétrique complexe mis au point par des consultants internationaux et examine les avantages et les inconvénients de cette démarche. La cinquième section présente les conclusions, et notamment les recommandations techniques et les propositions concernant le rôle que les bailleurs de

fonds pourraient jouer. L’article se termine par des annexes consacrées à trois études de cas couvrant : i) une description du modèle statistique et macroéconomique utilisé par le Tchad, ii) les travaux réalisés par les consultants et les membres des services du FMI en Guinée équatoriale, qui témoignent des avantages au recours à un cadre macroéconomique simple mais fiable dans le domaine budgétaire et à d’autres fins macroéconomiques et iii) les travaux réalisés par un important bailleur de fonds (France) dans un certain nombre de pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), notamment une analyse de la manière dont ces travaux aident ce bailleur à poursuivre le dialogue sur l’action à mener avec les pays intéressés.

Le contexte des pays d’Afrique centrale Dans la sous-région couverte par l’AFRITAC Centre2, de nombreux pays comptent d’importantes ressources naturelles. Ce n’est cependant pas le cas de tous et plusieurs pays ne bénéficient de tels revenus que depuis récemment. La République centrafricaine n’enregistre pas de revenus importants au titre de ses ressources naturelles tandis que le Tchad ne tire de recettes notables de ses ressources pétrolières que depuis 20043. À l’inverse, le Gabon, la Guinée équatoriale et la République du Congo obtiennent plus de 60 % de leurs ressources budgétaires du pétrole depuis un certain nombre d’années bien que la pérennité de ces revenus ne soit pas garantie. De fait, certains de ces pays pourraient enregistrer une diminution des recettes générées par leurs ressources naturelles au cours des années à venir. Le tableau ci-dessous fait ressortir l’importance des recettes tirées du pétrole par différents pays (tableau 1).

Tableau 1 : 4

2010 Cameroun Gabon Guinée Équatoriale* Congo Tchad

Secteur pétrolier (a) (en pourcentage du PIB) 7,4 52,7 85,7 62,6 39,7 Recettes pétrolières (a) (en pourcentage des recettes totales) 26,5 55,3 90,7 83,2 66,8 Agriculture, Foresterie, pêche (b) (en pourcentage du PIB) 23,3 5,4 …. 5,0 20,7

* Gaz compris Source: (a) Service économique français pour l’Afrique centrale à partir de données des administrations nationales et de la BEAC ; (b) données pour 2009 tirées des Perspectives économiques régionales : Afrique (FMI, 2011).

__________________________ 2 AFRITAC Est a été ouvert en 2002 et l’AFRITAC Ouest en 2003 ; l'AFRITAC Centre a été constitué en janvier 2007 et désert les pays suivants: Burundi, Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale, République Centrafricaine, République du Congo, République démocratique du Congo et Tchad. 3 Pareillement, le Burundi, qui n'est pas membre de la CEMAC mais est membre de l'AFRITAC Centre, n’a guère de ressources naturelles, du moins si l'on se base sur les ressources recensées à ce jour. 4 Selon les estimations, la contribution des secteurs de l'agriculture, de la foresterie et de la pêche au PIB est de 43,9 % dans le cas du Burundi et de 47,4 % dans celui de la République démocratique du Congo (Perspectives économiques régionales : Afrique, 2011).

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Des travaux de recherche recensent un certain nombre de facteurs qui peuvent contribuer à prévenir les écueils associés à la richesse pétrolière (et aux autres ressources naturelles) ou contribuer à y remédier. Elles citent, notamment, la nécessité d’accroître l’efficacité des dépenses publiques en employant de meilleurs systèmes de gestion des finances publiques (GFP) (Daban et Helis, 2010), l’importance de solides institutions pour maîtriser la corruption et l’adoption d’un cadre macroéconomique rationnel reposant sur une série d’hypothèses transparentes utilisées (et acceptées) par les principaux acteurs économiques (les ministères concernés, le secteur privé, les bailleurs de fonds, etc.). L’un des grands avantages d’un solide cadre macroéconomique à moyen terme tient au fait qu’il permet de détecter rapidement les déséquilibres qui commencent à apparaître et, si nécessaire, de rétablir la viabilité. La priorité n’est malheureusement pas souvent accordée à ce type de démarche, car les autorités,

comme les marchés financiers, assimilent trop souvent l’abondance de ressources naturelles à la richesse économique qu’elles pourraient in fine procurer. Il n’est donc pas souvent remédié suffisamment tôt aux dérapages budgétaires qui, de ce fait, deviennent de plus en plus difficiles à corriger. Par contre, lorsqu’il est possible de s’entendre sur les hypothèses de base, il est possible d’établir des projections dans un cadre macroéconomique reconnu par toutes les parties en présence, et les importantes variables économiques, y compris l’évaluation de l’orientation budgétaire, ne peuvent plus être remises en question. C’est malheureusement rarement le cas, et la cacophonie qui résulte généralement de l’emploi de différentes séries d’hypothèses compromet la détection des déséquilibres et retarde l’adoption de mesures correctrices. Comme nous le ferons valoir ultérieurement, ces retards compromettent également l’aptitude des institutions nationales à s’acquitter efficacement de leurs fonctions.

Encadré 2 La gestion des recettes pétrolières

Les problèmes rencontrés par les économies d'Afrique centrale riches en ressources touchent également les pays producteurs de pétrole du monde entier, et ont fait l'objet d'importants travaux de recherche. Quels que soient les indicateurs employés, la plupart des études notent que les pays producteurs de pétrole affichent de piètres résultats au plan du développement : le PIB par habitant reste faible ; les indices de corruption sont élevés, l'activité économique, après avoir connu une impulsion initiale, se contracte souvent et la volatilité des prix du pétrole aggrave encore une situation budgétaire généralement difficile (Sala-i-Martin et Subramanian, 2004). Ces résultats s'expliquent notamment par le « syndrome hollandais » (l'appréciation du taux de change nuit à la compétitivité du secteur non pétrolier et réduit la diversité de l'économie intérieure), une expansion excessive du crédit, la poursuite d'investissements inefficaces, un endettement parfois important (et parfois même l’accumulation d'arriérés massifs au titre de cette dette), le tarissement des recettes fiscales non pétrolières (Bornhorst et al., 2008), et la corruption (Daban et Helis, 2010). Malheureusement, bien que les économistes spécialistes des questions relatives aux ressources naturelles aient clairement défini les problèmes, il reste difficile de leur trouver une solution. Nous noterons néanmoins, à titre de référence, les deux solutions extrêmes proposées par Sala-i-Martin et Subramanian (2003) : • Conformément à l'idéologie libertaire, les recettes pétrolières sont distribuées systématiquement et à parts

égales entre tous les citoyens au fur et à mesure qu'elles sont générées ; • la destruction des actifs : les champs pétroliers sont verrouillés et aucune activité d'extraction n'est

autorisée dans l'espoir que cette manière de procéder encouragera le pays à développer une économie saine et diversifiée.

Les titres des articles examinant ces questions témoignent fréquemment de cette triste situation. Nous citerons, par exemple : «Blessing or curse ?» (Manne ou malédiction ?) ou «Awash in oil, mired in poverty», (Baigné dans le pétrole, noyé dans la pauvreté). Certaines déclarations fréquemment citées ne sont guère plus optimistes, comme celle du ministre saoudien du pétrole qui observait qu’en fin de compte, il aurait mieux valu trouver de l'eau. Il existe un nombre considérable d'études portant sur ce domaine. Mentionnons en particulier Davis et al (2001), Gelb (1988) et Rosser (2006) qui traitent de questions proches de celles que nous étudions ici.

Source: AFRITAC Centre

Au niveau de la région, l’un des grands objectifs de la révision approfondie des directives de la CEMAC consiste à améliorer la gestion des dépenses publiques.5 Les bailleurs de fonds

5 La première version des directives de la CEMAC a été adoptée en 2008 malgré certaines insuffisances (incohérences, omissions, non-conformité de plusieurs dispositions aux pratiques et normes internationales, etc.) mais, en raison des graves difficultés soulevées par leur mise en œuvre, il a été décidé de procéder à des révisions approfondies. Ces dernières, qui se poursuivent actuellement, concernent la loi de finances, la

participant à des activités dans les domaines de la GFP, notamment le Département des Finances Publiques du FMI (FAD) et l'AFRITAC Centre, prêtent une grande attention à cette opération. Les directives de la CEMAC en matière de GFP visent

réglementation des comptes publics, la nomenclature budgétaire, le plan comptable et le Tableau des opérations financières de l'État. Une sixième directive, sur la transparence, viendra compléter les précédentes. Les révisions en cours visent donc à remédier à un certain nombre des carences observées dans les pays membres de la CEMAC.

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également à assurer la cohérence de ces directives avec les normes et les bonnes pratiques internationales.

Les révisions ne comprennent pas (encore) de dispositions concernant la formulation de directives couvrant de manière spécifique la gestion des ressources naturelles, bien qu’elles visent globalement à renforcer et à harmoniser l’évaluation de l’évolution de la situation macroéconomique. Il serait utile, aux fins d’une bonne gestion (projections, préparation du budget, etc.), de parvenir à une vue commune de l’évolution de la situation économique dans la région. Comme nous le verrons ultérieurement, cette absence de perspective harmonisée reste un point faible des modèles utilisés pour préparer un cadre à moyen terme dans plusieurs pays de la CEMAC malgré les efforts déployés dans certains pays par les autorités, le FMI ou les bailleurs de fonds. Il faudrait, dans le cas de plusieurs pays producteurs de pétrole, renforcer ces modèles en introduisant une composante pour le secteur pétrolier ou en établissant un lien avec un modèle couvrant de manière spécifique l’activité pétrolière. Pour d’autres pays, dont les échanges avec leurs voisins de la CEMAC (et d’autres pays de la région) riches en pétrole augmenteront probablement, il serait également avantageux de mieux évaluer l’évolution économique du secteur au niveau régional (comme on a pu le constater dans le cas de certains pays du Golfe). Par conséquent, bien que tous les pays de la CEMAC ne soient pas des producteurs de pétrole et que le pétrole ne soit pas une ressource permanente, il pourrait être nécessaire de préparer l’adoption à terme d’une directive supplémentaire consacrée uniquement à la gestion des ressources pétrolières6.

Le Burundi et la République démocratique du Congo (RDC) ont hérité leur système de GFP de la Belgique, mais ces pays se heurtent aux mêmes problèmes que les autres pays de la CEMAC. Il est intéressant de noter que les similarités entre les systèmes de GFP du Burundi et de la RDC, d’une part, et de la Belgique, d’autre part, sont plus ténues que celles qui existe entre les systèmes des pays de la CEMAC et de la France et que les réformes en cours assurent une convergence des différents systèmes. C’est tellement vrai qu’aujourd’hui les différences qui subsistent sont minimes et n’ont pas d’impact sur notre analyse.

6 Il importe de noter que les banques centrales (banque régionale dans le cas de la CEMAC, banque nationale dans le cas du Burundi et de la RDC) produisent régulièrement des analyses macroéconomiques, ainsi que des cadres macroéconomiques. Cet article vise toutefois les ministères des Finances, bien que les avantages procurés par la poursuite d'un dialogue soient également valables pour les banques centrales

Des lacunes au niveau des bases de données statistiques La collecte des données statistiques reste défaillante dans la région. Dans la plupart des pays membres de la CEMAC, le cadre statistique se caractérise par l’insuffisance de données de bonne qualité et le manque de mise à jour. Les grands secteurs de l’économie ne font pas l’objet d’enquêtes régulières, ce qui empêche les analystes d’obtenir en temps utile les données dont ils ont besoin pour leurs modèles. Point crucial, l’indice des prix à la consommation, qui est l’indicateur le plus régulièrement publié, ne couvre généralement que la capitale. Par ailleurs, les coefficients de pondération utilisés pour compiler l’indice ont été établis il y a déjà une vingtaine d’années et ont donc perdu pratiquement toute pertinence. Les données sur les comptes nationaux sont parfois publiées avec un décalage de cinq ans.

Les méthodes de traitement utilisées pour les données manquantes, bien que nécessaires, présentent également des carences. Les séries présentées dans les publications statistiques nationales (c’est-à-dire essentiellement les comptes nationaux et les agrégats macroéconomiques) sont trop souvent des estimations ou des extrapolations et non des données concrètes collectées sur le terrain. La plupart des pays ne procèdent à aucun suivi systématique de la situation économique (par exemple au moyen d’un tableau de bord) et ne publient des notes de conjoncture qu’après de longs délais, ce qui réduit leur intérêt. Celles qui sont publiées, par exemple par la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), restent peu détaillées, sont souvent incomplètes, et ne sont certainement pas conformes aux normes internationales.

L’un des problèmes majeurs tient à la dispersion des responsabilités pour la production des statistiques entre différentes administrations et à la fréquence insuffisante de leur révision. Plusieurs services participent à la collecte et au traitement de ces informations statistiques : les INS, les ministères de tutelle, les administrations décentralisées, les banques centrales, etc. Ces services coordonnent insuffisamment (sinon pas du tout) leurs travaux, de sorte que leurs efforts font double emploi et produisent des informations divergentes sur les mêmes variables tandis que les informations concernant d’autres variables importantes ne sont pas collectées. Des stratégies nationales pour le développement des statistiques (SNDS) visant à remédier à ces problèmes ont été mises en place dans la région, mais ne couvrent pas tous les pays, et les financements affectés à ces programmes sont, dans la plupart des cas, insuffisants. Pour cette même raison, le service de coordination statistique et le conseil national de la

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statistique qui ont été mis en place dans plusieurs pays ne s’acquittent pas de leurs fonctions de la manière prévue. Le manque de ressources financières n’est pas le seul problème. Même lorsque les données statistiques sont révisées et mises à jour, il faut beaucoup de temps aux INS pour procéder aux ajustements nécessaires et encore plus de temps aux services administratifs pour intégrer les changements effectués. On ne peut que déplorer cette situation, car les données révisées devraient contribuer de manière fondamentale au suivi de l’évolution de la situation macroéconomique et de l’exécution du budget.

Il n’est donc guère surprenant que les services de l’Etat produisent une multitude d’estimations, qui réduisent leur aptitude à s’acquitter réellement de leurs fonctions. Dans la plupart des pays d’Afrique centrale, sinon dans tous, le nombre très limité de statistiques publiques fiables disponibles fait obstacle à l’emploi d’instruments pour assurer le suivi de l’évolution de la situation économique. Les INS n’étant pas en mesure de produire des données adéquates pour les périodes récentes, les services administratifs ont entrepris de collecter des données pour leur propre compte. Il est sans doute nécessaire que les grands ministères de tutelle procèdent de la sorte pour obtenir les données dont ils ont besoin quand ils en ont besoin, en particulier lorsque ces dernières peuvent sortir du champ des séries de données qui devraient être couramment collectées par un INS. Toutefois, la multitude d’estimations effectuées par de nombreux services de l’Etat est source de confusion, suscite une concurrence malsaine entre les services et réduit leur capacité à s’acquitter de leurs fonctions.

Malheureusement, même dans le cas des grands indicateurs, comme le PIB dont les estimations ne devraient pas être contestées, il existe des divergences entre les chiffres des différents services étatiques. Par exemple, il n’est pas rare que de grandes directions (comme la Direction générale en charge de l’économie) utilisent leurs anciennes estimations plutôt que les données mises à jour, ou qu’elles considèrent que leurs anciennes projections restent des estimations aussi pertinentes que les données officielles de l’INS. À titre d’illustration, une série d’estimations antérieures du PIB sont présentées pour l’un des pays examinés (Figure 1). On ne peut que conclure des différences présentées qu’il y aurait beaucoup à gagner d’une intensification du dialogue entre les grands ministères (la responsabilité des projections macroéconomiques peut être répartie entre les ministères des Finances, du Budget et de la Planification) et les grandes directions du ministère des Finances. Nous montrerons toutefois que cette absence de dialogue utile avec d’autres directions

se manifeste également au niveau des divisions d’une même direction et, ce qui est fondamental, même dans les domaines ayant trait à l’exécution du budget7.

Les divergences entre les récentes estimations de la croissance réelle du PIB établies par les INS et par les directions économiques sont importantes. Elles reflètent aussi les pressions politiques. La Figure 1 montre clairement l’ampleur des écarts entre les données officielles sur la croissance réelle du PIB, puisque ces valeurs ont parfois des signes opposés (comme en 2006). Bien que, comme indiqué précédemment, il faille s’attendre à certaines disparités parce que la direction économique doit parfois produire ses propres estimations avant de recevoir celles de l’INS, les écarts observés semblent excessifs. Ils tiennent : i) à l’absence de dialogue entre l’INS et la direction économique ii) à la faible priorité accordée par les services nationaux à la mise à jour de leurs propres chiffres sur la base des révisions apportées aux séries des comptes nationaux par l’INS et iii) au manque de clarté de la répartition des responsabilités entre les ministères, comme expliqué précédemment. Les entretiens informels tenus avec les agents de la Direction économique laissent malheureusement penser qu’un autre facteur pourrait entrer en ligne de compte, à savoir les pressions politiques exercées en vue de l’attribution de certaines valeurs aux paramètres pour influencer les résultats et obtenir des chiffres mieux « alignés » sur les vues politiques de certains décideurs.

Il est surprenant de constater que, même dans le cas de données correspondant à des périodes plus anciennes, il existe également d’importants écarts entre les chiffres provenant des différentes sources officielles. Ces écarts sont plus faibles que ceux observés pour les données relatives à des périodes plus récentes, mais ils restent préoccupants puisque, en principe, les chiffres de l’INS devraient être les données finales et incontestables. Toutefois, pour les raisons déjà évoquées ayant trait à un manque de communication et à une ingérence des pouvoirs politiques, nous ne pouvons que constater l’existence d’écarts entre les séries. L’explication selon laquelle ces écarts pourraient résulter de l’emploi de méthodes différentes n’est pas valable et ne fait que conforter l’argument plus général selon lequel l’INS et la Direction économique devraient s’efforcer d’uniformiser leurs outils de travail.

7 Les comparaisons sont fondées sur les données obtenues dans le contexte des travaux d'assistance technique poursuivis par l’AFRITAC Centre dans ce pays qui fait partie de l'échantillon.

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Figure 1 :

PIBvol-CN : PIB en volume, statistiques des Comptes nationaux Petvol-CN : contribution du pétrole au PIB, statistiques des Comptes nationaux PIBvol-DGE : PIB en volume, statistiques de la Direction économique Petvol-DGE : contribution du pétrole PIB, statistiques de la Direction économique

Lorsque l’importante contribution des ressources naturelles (dans ce cas le pétrole) est éliminée des données, les écarts se rétrécissent quelque peu tout en restant importants (Figure 2). Il serait possible de faire valoir que, par suite de l’existence d’un important (et légitime) ministère directement concerné autre que le ministère des Finances, il n’est guère surprenant que même les données de base puissent être

contaminées par les fermes convictions de cet autre ministère. Malheureusement, même lorsque l’on retire des données présentées dans le graphique précédent celles qui concernent le secteur pétrolier, les tendances persistent. Ce résultat indique également qu’il existe des problèmes de coordination au sein du ministère des Finances comme expliqué ci-après.

Figure 2 :

hpetvol-CN : PIB non pétrolier en volume, statistiques des Comptes nationaux hpetvol-DGE : PIB non pétrolier en volume, statistiques de la Direction économique Hpetval-DGE : PIB non pétrolier en valeur statistiques de la Direction économique Hpetval-CN : PIB non pétrolier en valeur statistiques des Comptes nationaux

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Les variations observées en interne au niveau de la Direction économique sont similaires à celles constatées entre les données de la Direction économique et celles de l’INS (tableau 2). Dans ce cas, le fait qu’un pays soit ou non doté de ressources naturelles ne devrait pas avoir d’impact sur les chiffres des résultats puisque les recettes passent par le ministère des Finances. Nous ne considérons pas ici les écarts observés entre la Loi de finance initiale (LFI) et la Loi de finance rectificative (LFR), de tels écarts étant normaux, en

particulier dans les pays producteurs de pétrole lorsque les cours du pétrole fluctuent. Nous noterons néanmoins que la sous-performance systématique des recettes non pétrolières (c’est-à-dire la surestimation de ces recettes dans la LFI) constitue certainement un symptôme des carences du cadre à moyen terme et un mépris total des chiffres des résultats (ici, des recettes), même en milieu d’exercice. Dans ce cas encore, le manque de communication est manifeste et l’ingérence des pouvoirs politiques palpable.

Tableau 2 :

2004 2005 2006 2007 2008 Moyenne Écart-type

Recettes -12,4 -1,3 -3,4 3,4 -0,3 -2,8 5,9

Pétrolières -3,1 12,4 1,4 6,1 5,6 4,5 5,8

Hors pétrole -24,0 -20,3 -12,5 -0,5 -11,3 -13,7 9,1

Source: AFRITAC Centre

Les écarts observés pour les données antérieures alimentent les divergences de vue entre les différents départements sur les réalisations, ils nuisent à la capacité de ces derniers d’établir des projections réalistes ou de converger au niveau des scénarios et facilitent les ingérences du politique. C’est d’autant plus regrettable que trois catégories d’impôts expliquent environ 90 % de la sous-performance des recettes non pétrolières : l’impôt sur le revenu des personnes physiques, les taxes sur les biens et services et les droits de douane. Or, il existe une étroite corrélation entre la plupart de ces impôts et le PIB (ou la consommation) et l’on ne peut que se demander comment leurs projections peuvent être entachées d’aussi fortes erreurs.8 Bien que le problème des divergences de vue interdépartementales soit relativement universel, il se pose de manière plus aiguë dans les pays riches en ressources naturelles par suite non seulement d’une plus forte volatilité (comme indiqué en introduction), mais aussi de problèmes d’ordre institutionnel sur lesquels il est important de s’attarder. De fait, comme nous l’avons déjà mentionné, un grand ministère (sinon plusieurs) autre que le ministère des Finances peut s’arroger le droit – et avoir dans une certaine mesure des raisons de le faire – d’établir ses propres projections parce qu’il est responsable d’un secteur important sur le plan macroéconomique. Dans les pays ne comptant pas de ressources naturelles, la concurrence qui s’exerce à ce niveau est généralement plus restreinte et se limite souvent à des discussions entre le ministère des Finances et

8 À l'exception sans doute des impôts sur le revenu, la relation entre la hausse des salaires et la croissance du PIB n'étant pas toujours directe en Afrique subsaharienne.

le ministère de la Planification, le cas échéant, ou plus généralement, à des querelles au sein du ministère des Finances. Dans certains pays d’Afrique centrale, la direction de la planification peut utiliser un modèle à des fins macroéconomiques, la direction de la programmation peut en utiliser un autre, différent du premier ; la direction du budget a également souvent son propre modèle de même, certainement, que le ministère du Pétrole. Néanmoins, étant donné la forte volatilité des cours mondiaux des produits de base et l’incertitude inévitable qui caractérise le niveau de leur production, il est très important pour le processus de budgétisation que toutes les parties concernées se fondent sur les mêmes hypothèses de travail.

Il est donc important de limiter l’ingérence des pouvoirs politiques, mais les incitations sont perverses et nombreuses. Il est possible, par exemple, que les chiffres du PIB soient falsifiés « à la hausse » pour justifier le maintien d’un niveau de dépenses élevé, ou « à la baisse » pour prévenir des dépenses trop importantes. Dans le cas des pays dotés d’un fonds de patrimoine souverain, la « fabrication » de chiffres macroéconomiques peut également être le moyen de justifier le retrait de ressources de ce fonds.

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Encadré 3 L’adoption d’ERETES

ERETES désigne le logiciel Équilibre ressources-emplois/Tableau Entrées-Sorties, mis au point par l’EUROSTAT et la Coopération française et utilisé par les pays d'Afrique subsaharienne francophones pour la compilation de leurs comptes nationaux. Il a été conçu pour aider les INS à mettre à jour les comptes nationaux et la production des tableaux du cadre central du SCN (tableau des ressources et des emplois et tableaux des comptes économiques) facilite également le dialogue avec les autres organismes. Le système aide les statisticiens à accroître la cohérence des données produites et peut également contribuer à accélérer le rythme de leur production bien que ne cela ne soit pas son principal objectif. ERETES cadre parfaitement avec le SCN 1993.

Source: AFRITAC Centre

Quelques écueils associés aux modèles macroéconomiques complexes L’adoption d’un même modèle économique par tous les services de l’Etat contribuerait à remédier à certains des problèmes rencontrés, mais pas nécessairement à tous. Nous illustrerons ce point en prenant l’exemple d’un pays de la région que nous ne nommerons pas. Le modèle qui y est utilisé n’a pas été conçu spécialement pour ce pays ; il s’agit d’un modèle général auquel des ajustements ont été apportés par des consultants internationaux (qui ont donc procédé à des travaux similaires non seulement pour ce pays, mais également dans toute la région et dans d’autres parties du monde) dans le but de l’adapter aux besoins locaux. Il s’agit d’un outil macroéconomique « endogène » complexe et ambitieux. Il produit en principe de meilleurs résultats que les modèles plus simples, en particulier lorsque différentes dispositions institutionnelles sont prises (certaines d’entre elles sont rapidement examinées ci-après). Considéré sous cet angle, il encourage en effet la poursuite de réformes administratives et bénéficie donc souvent de l’appui d’importants bailleurs de fonds. Dans l’exemple présenté ici, on a pu constater que l’adoption du modèle a effectivement contribué à rapprocher les vues sur les données antérieures, les méthodologies et les projections qui en résultent. Le recours à cet instrument a manifestement procuré certains avantages, mais nous verrons par la suite qu’il a aussi occasionné des inconvénients.

Les éléments du modèle concernant le secteur pétrolier sont normalement la responsabilité, dans le pays considéré ici, d’un service chargé du secteur pétrolier relevant du cabinet du ministère des Finances. Cette cellule est régulièrement en contact avec les autres services du ministère des Finances et avec le ministère du Pétrole qui traite, quant à lui, les aspects concernant la production. Les chiffres utilisés pour établir les projections des prix du pétrole et les taux de change

sont solides et, globalement, les données dont dispose la cellule sont donc acceptables. Ceci reflète en partie la récente décision du pays d’adhérer à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). La base de données utilisée pour le modèle est alignée sur les comptes nationaux, et le cadre à moyen terme est intégré dans le modèle macroéconomique. Il s’agit là d’un accomplissement majeur. Il serait néanmoins encore possible d’améliorer l’échange de données entre les parties intéressées (dans certains cas, les données produites par un service doivent être entrées manuellement dans les systèmes d’un autre service). Le système est relativement facile à utiliser bien que cela ne soit pas là son principal avantage.

En dépit de ces éléments positifs, les résultats obtenus au niveau des projections ne sont malheureusement pas toujours fiables du fait de la médiocrité de certaines statistiques et de l’absence des longues séries chronologiques qui sont nécessaires pour correctement estimer les paramètres et donc pleinement utiliser ce modèle économétrique. Les élasticités, en particulier, sont établies sur la base de moyennes de valeurs observées dans d’autres pays (qui sont censés être des environnements «similaires»), mais elles peuvent ne pas être pertinentes. Elles sont néanmoins utilisées pour effectuer les projections des recettes ou introduites dans les fonctions de production. Les comparaisons auxquelles nous avons nous-mêmes procédé entre les élasticités effectives (lorsqu’elles étaient disponibles) et les élasticités utilisées dans le modèle font ressortir certaines différences. Par ailleurs, bien que les partisans du modèle insistent sur sa capacité à générer des projections à court terme, les spécifications des équations du modèle sont, en fait, mieux adaptées à l’analyse des impacts à long terme. Il n’est, en outre, pas possible de modifier la valeur des élasticités dans le temps, ce qui peut introduire des distorsions au niveau des résultats lorsqu’il existe des «ruptures» dans les séries chronologiques. Enfin, lorsque les résultats ne correspondent pas aux attentes, des ajustements ponctuels sont souvent directement effectués dans

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les tableaux récapitulatifs (voir l’exemple présenté ci-après dans la Figure 3) ou au niveau des hypothèses.

Par conséquent, si le modèle contribue à la convergence de certaines hypothèses essentielles, d’autres sont oubliées ou ne sont pas analysées. Cela est malencontreux puisque les vues ne peuvent, de ce fait, converger que jusqu’à un

certain point. Par ailleurs, les utilisateurs du modèle ne sont pas toujours formés de manière adéquate et attendent souvent la visite du spécialiste qui utilisera le logiciel à leur place. Cela va totalement à l’encontre de l’objectif recherché qui consiste à donner aux agents économiques les moyens d’établir leurs propres projections.

Figure 3 : Affichage d’un tableau des projections des recettes

Note: les cases blanches indiquent les cas dans lesquels un ajustement ponctuel a été effectué dans le but d’obtenir un résultat en lien avec certaines attentes. DGE Département Général Economique.

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Bien qu’un cadre économique à moyen terme soit un outil indispensable, l’analyse présentée dans cette section montre qu’un certain nombre de facteurs ne permettent pas l’adoption d’un modèle complexe. Fort heureusement, des modèles simples suffisent à la grande majorité des besoins. L’analyse montre également qu’il importe de formuler avec le plus grand soin la marche à suivre dans l’adoption d’un cadre macroéconomique. Nous présentons en annexe trois études de cas pour montrer différentes manières de procéder :

• Les autorités tchadiennes ont pris les dispositions institutionnelles nécessaires lorsqu’elles ont adopté leur modèle macroéconomique (SIGNET) ;

• L’équipe du FMI travaillant dans un pays riche en pétrole de la région (Guinée équatoriale) utilise son modèle pour articuler son analyse économique et en tirer les conclusions sur l’action à mener ;

• Un important bailleur (la France) poursuivant diverses activités dans la région aborde la conception d’un modèle macroéconomique pour obtenir de rapides, mais utiles, estimations de l’évolution de la situation du secteur pétrolier en Afrique centrale.

Conclusion Des efforts ont été déployés dans plusieurs pays d’Afrique centrale par les autorités nationales et les bailleurs de fonds, y compris le FMI, pour assurer une plus grande visibilité aux cadres macroéconomiques à moyen terme. D’importants obstacles continuent toutefois d’exister, qui tiennent à la complexité et à l’inefficacité des instruments utilisés, au manque de cohérence des données statistiques et à l’insuffisance des capacités des services gouvernementaux. Nous avons montré que si ces difficultés existent dans beaucoup de pays du monde, elles sont aggravées dans les pays qui exploitent leurs ressources naturelles et où (abstraction faite de la volatilité accrue, de la malédiction du pétrole et d’autres problèmes discutés dans le texte) les données sur la production et sa fiscalité ne sont pas fiables, lorsqu’elles ne sont pas simplement classées «confidentielles» et donc sujettes à l’ingérence des pouvoirs politiques.

Dans cet article, nous mettons l’accent sur plusieurs domaines où il importe de remédier aux insuffisances :

• En amont, les INS doivent accroître leur capacité à produire des données fiables et à jour, en particulier pour les valeurs récentes des agrégats. Il s’agit là d’une importante condition nécessaire pour forcer les services de

l’Etat à utiliser les données des INS. Sans cela, les autres directions continueront de produire leurs propres estimations. Il est en outre essentiel d’améliorer la qualité des données puisque même un très bon modèle n’échappe pas à la règle « GIGO » selon laquelle «si vous entrez de mauvaises données vous obtiendrez de mauvais résultats». Les travaux menés, entre autres, par l’Observatoire économique et statistique d’Afrique subsaharienne (AFRISTAT) et l’AFRITAC Centre pour promouvoir ERETES contribuent à améliorer la situation en ce domaine. Dans le même temps, les INS doivent recruter et conserver des agents qualifiés en leur offrant des conditions de travail intéressantes, et notamment des rémunérations compétitives ;

• Les INS doivent également améliorer leur capacité d’analyse pour ajouter de la valeur à leurs produits et accroître ainsi la pertinence de leur contribution au processus de prise de décisions. À l’heure actuelle, il n’est pas systématiquement demandé aux INS de présenter une analyse des données, celle-ci étant souvent jugée sans intérêt lorsqu’il s’agit de procéder à des choix pressants dans le domaine de la politique publique. Si les INS disposaient de ressources financières plus importantes, ils pourraient affecter une plus grande partie de ces dernières à l’amélioration de leurs capacités et accroître leur pertinence (notamment en améliorant les compétences de leurs effectifs) ;

• Les responsables participant aux travaux requérant un cadre macroéconomique doivent mieux communiquer entre eux (au sein des administrations publiques), utiliser le même modèle, et opérer sur la base des mêmes hypothèses. Cette remarque s’applique également aux services d’une même direction. Il est certes essentiel d’éviter toute concurrence entre les différents services de l’Etat. S’il ne contribue pas à alourdir les procédures bureaucratiques, un service de coordination permanent pourrait aider toutes les parties intéressées à examiner et, il faut l’espérer, à accepter les principales hypothèses ainsi que la structure du modèle. L’établissement de relations plus étroites entre responsables contribuerait également à réduire les possibilités d’ingérence des pouvoirs politiques. Il est de surcroît essentiel de procéder à la formation des effectifs et il importe que les autorités trouvent les incitations requises pour conserver les personnes formées au sein de leurs services pendant au moins un certain temps. Enfin, il est nécessaire que les autorités publient les résultats ex post (par exemple en ce qui concerne l’exécution du budget) et utilisent ces résultats pour établir leurs projections. Trop souvent, les

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estimations préalables, qui se révèlent souvent erronées, sont utilisées à la place des résultats ;

• Si l’adoption d’un modèle macroéconomique peut promouvoir le dialogue, il faut néanmoins éviter certains écueils et, notamment, une complexité excessive. L’établissement d’un modèle macroéconomique axé sur le court terme n’est pas censé être une opération abstraite. Il doit faire partie intégrante du processus général de prise de décisions. Il doit, notamment, promouvoir la transparence des procédures de préparation et d’exécution du budget en renforçant la coopération inter-administrations. Il est nécessaire de rapidement tester le modèle en comparant les conclusions auxquelles il permet d’aboutir aux résultats enregistrés dans les comptes nationaux. Et comme en l’absence de statistiques fiables, les paramètres utilisés pour les projections sont douteux, il importe de décourager l’adoption de modèles complexes à l’utilisation desquels les responsables n’ont pas nécessairement été formés, et ce pour plusieurs raisons : i) ce type de modèle donne souvent lieu à l’adoption d’hypothèses peu réalistes pour d’importants coefficients ii) il est souvent demandé à des consultants d’appliquer le modèle, ce qui va à l’encontre de l’objectif, qui est d’habiliter les parties prenantes locales et fait obstacle au dialogue entre les responsables intéressés. Nous sommes d’avis qu’il est nettement préférable d’employer des outils simples, bien adaptés au contexte général de ces pays. Ces outils doivent toutefois idéalement inclure une composante pour les ressources naturelles ;

• Dans la perspective d’une intégration économique plus poussée, il pourrait être utile d’adopter un modèle général de référence pour la région. Un tel modèle pourrait être utilisé comme référence, à la fois pour sa structure et pour ses résultats qui deviendraient des jalons utiles aux services concernés des pays de la région. Il permettrait aussi, si les ressources humaines et financières peuvent être libérées au niveau de la région, d’envisager l’objectif plus ambitieux d’un sous-modèle plus sophistiqué dévolu à la question des ressources naturelles. La commission de la

CEMAC prévoit d’élaborer un cadre macroéconomique à moyen terme pour la région et pourrait renforcer cette initiative en se dotant des compétences nécessaires pour appliquer certains des outils analytiques plus complexes tels que ceux mis au point par le FMI (2012 a, b, c, d).

Un certain nombre de conclusions se dégagent également des trois annexes :

• L’installation de SIGNET au Tchad a entraîné la mise en place d’une nouvelle structure organisationnelle et une meilleure formation du personnel. Les autorités tchadiennes comme les bailleurs de fonds ont ainsi remarqué un approfondissement du dialogue sur les questions macroéconomiques. Bien que des difficultés persistent, les utilisateurs de SIGNET ont également adopté de meilleures hypothèses pour procéder aux évaluations diagnostiques ;

• La conception du modèle macroéconomique pour la Guinée équatoriale par l’équipe du FMI a largement prouvé qu’un modèle relativement simple donne des résultats qui contribuent à ancrer le dialogue sur l’action à mener avec les autorités et produit des scénarios de politiques publiques réalistes ;

• L’annexe 3, préparée par la Coopération française, montre comment un modèle simple peut être utilisé pour plusieurs pays sans ajustement majeur afin de produire rapidement des estimations comparables au niveau des différents pays.

Enfin, les bailleurs de fonds et les partenaires techniques (notamment l’AFRITAC Centre) ont un rôle important à jouer. Au-delà de la formation (qui revêt toujours une importance essentielle) leur rôle pourrait consister à :

• Accroître leur appui aux INS de la région, en particulier AFRISTAT ;

• Fournir un appui aux études macroéconomiques ;

• Continuer d’apporter leur soutien à la CEMAC en vue de la conception d’un modèle simple mais intégré pour la région.

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Annexes. Trois études de cas

Annexe-1 : Adoption de SIGNET par le Tchad7

Il était nécessaire d’adopter une nouvelle conception du cadre à moyen terme en raison de l’évolution du contexte : bien que le Tchad continue de souffrir d’une grande pauvreté et que ses indicateurs humains continuent d’afficher des résultats médiocres, il est possible que ses ressources pétrolières puissent améliorer les conditions économiques. Le Tchad est un pays enclavé d’une superficie de 1 284 000 km² qui compte 11 175 915 habitants. Son taux de croissance démographique moyen est de 3,6 % par an, selon le recensement général de 2009. L’indicateur du développement humain était de 0,295 en 2010, ce qui signifie que la situation n’est pas satisfaisante pour sept Tchadiens sur dix dans les domaines de l’espérance de vie, de la santé, du niveau d’éducation et du niveau de vie. Les indicateurs concernant la gestion du secteur public révèlent des carences institutionnelles et organisationnelles. En 2011, le Tchad se trouvait à la dernière place au classement de l’indice Ibrahim de la gouvernance africaine8. Le début des opérations d’exploitation du pétrole, en 2003, a entraîné des transformations structurelles et engendré d’importants problèmes dans le domaine de la gestion des finances publiques. La croissance économique hors pétrole a été relativement soutenue durant la période 2002-2010. L’année 2011 marque une transition à plusieurs égards. Un certain nombre de projets d’infrastructure (raffinerie, cimenterie, fibres optiques, projet Inde TEAM 9, etc.) seront menés à terme et assureront les conditions absolument nécessaires à une croissance économique diversifiée. Toutes les transformations de cette nature subie par l’économie doivent être prises en compte dans un modèle prévisionnel macroéconomique adapté.

Les modèles utilisés par les administrations publiques tchadiennes jusqu’en 2010 étaient obsolètes et trop anciens pour pouvoir prendre en compte la situation économique de plus en plus complexe du pays. Le système comptable simplifié (SCS), mis au point parce que le système des statistiques nationales présentait des carences et que les ressources humaines étaient insuffisantes, a été conçu de manière à répondre aux besoins des programmes de suivi conduits avec les partenaires et à produire des estimations synthétiques des agrégats comptables nationaux. Le SCS se composait d’environ huit fichiers Excel comprenant plus de 80 feuilles de travail. Il avait pour composante principale un tableau d’entrées-sorties (TES) préparé pour 1995, qui équilibrait les ressources et les emplois à partir des données sur les réalisations fondamentales (production, prix, finances publiques, etc.). Cette démarche était essentiellement axée sur la production (l’offre). Elle présentait en revanche de graves insuffisances au niveau de l’estimation des composantes de la demande et des recettes. Les prévisions macroéconomiques, initialement produites dans le cadre du système des comptes nationaux, ont néanmoins progressivement gagné en importance, et le SCS est, en fait, pratiquement devenu un outil de prévision macroéconomique. D’autres initiatives ont replacé l’établissement des projections macroéconomiques dans un cadre formel et élargi le nombre de leurs utilisateurs. L’on peut citer, à cet égard :

• la constitution du Comité pour le cadrage macroéconomique et budgétaire (CCMB) en 2004, à laquelle l’Institut national de la statistique, des études économiques et démographiques (INSEED) a largement contribué ;

• le lancement par l’INSEED de la Note de cadrage macroéconomique dans laquelle sont publiés deux fois par an les résultats des prévisions.

Une première tentative sérieuse d’établissement de projections à moyen et long terme à partir d’un modèle macroéconomique a été menée en 2004 (un an après le début des opérations de production de pétrole au Tchad), mais ces efforts ont été entravés par différents facteurs. L’objectif consistait à concevoir un modèle pour effectuer des projections macroéconomiques à moyen/long terme dans le but de fournir un cadre à la Stratégie nationale de réduction de la pauvreté (SNRP). Le modèle de prévision à moyen/long terme est un fichier Excel composé de neuf feuilles de travail basé sur le TES de 1995. Il comprend trois modules interdépendants : i) un module pour le secteur réel qui établit simultanément des projections pour l’offre et pour la demande de biens et services ; ii) un module pour le secteur pétrolier ; iii) un module pour les projections du Tableau des opérations financières de l’État (TOFE). Cette initiative a toutefois été entravée par l’absence d’un

7 L’annexe 1 a été préparée par des représentants de l’État tchadien, notamment Aboubakar Adam, Chef de la division de la prévision et de la modélisation, Abdoulaye Bahr Bachar, Directeur des études et de la prévision, et Djoret Biaka Tedang, spécialiste en macrocéconomie, projet de renforcement des capacités en gestion des finances publiques (PARCAFIP). 8 L’IIAG mesure les progrès accomplis par un pays dans le domaine de la gouvernance. Le Tchad est également classé parmi les pays dotés des politiques et des institutions nationales les plus déficientes par l’Évaluation de la politique et des institutions nationales de la Banque mondiale.

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récent tableau des ressources et emplois (TRE) reflétant la nouvelle structure économique. Par ailleurs, l’attribution de la responsabilité institutionnelle du modèle à la Direction des études et de la prévision (DEP) qui, à l’époque, n’avait ni le nombre d’agents nécessaire ni les compétences requises, n’a pas permis d’obtenir l’adhésion des responsables nationaux et de promouvoir un bon emploi du modèle. Le modèle n’a en fin de compte jamais été utilisé.

Les données statistiques continuent, au Tchad, de présenter des carences et les différents systèmes utilisés dans les administrations ne sont pas cohérents. En ce qui concerne les comptes nationaux, par exemple, la mise en œuvre du SCN 93 n’est pas encore achevée et aucun compte définitif n’est publié depuis de nombreuses années. En 2005, l’INSEED a entrepris d’établir les comptes conformément à la méthodologie du SCN 93, en utilisant ERETES, mais l’année 2005 est la seule pour laquelle cette opération a été achevée. Le tableau des ressources et emplois (TRE) et le tableau des comptes économiques intégrés (TCEI) ont été finalisés en 2010. Aucune enquête ni aucun recensement ne sont menés auprès des entreprises pour obtenir des informations détaillées sur la nature du secteur industriel et commercial ou sur certaines variables concernant les investissements, l’emploi et autres variables importantes de ce type. La BEAC est chargée de préparer les statistiques de la balance des paiements ; les chiffres définitifs les plus récents disponibles se rapportent à 20079. Les statistiques de finances publiques sont préparées par plusieurs services techniques du ministère des Finances et du Budget et sont regroupées dans un solde de trésorerie consolidé par le Directeur général du Trésor. La Direction des études et de la prévision prépare le TOFE. Il importe de noter que les méthodes utilisées dans le cadre de ces différents systèmes ne sont pas cohérentes parce que les méthodologies et les concepts ne sont pas harmonisés au niveau national et que l’application de cadres internationaux comme le SCN 93, le Manuel de statistiques des finances publiques du FMI, et d’autres systèmes a pris du retard.

Les statistiques souffrent non seulement du manque de cohérence des différents instruments utilisés pour procéder aux projections des agrégats économiques, mais aussi également de l’insuffisance des ressources humaines. L’administration a notamment besoin, en ce domaine :

• de prévisions se rapportant, au minimum, aux travaux menés par les bailleurs de fonds, c’est-à-dire : une description relativement détaillée et cohérente des ressources et des emplois des fonds pour l’économie nationale indiquant, entre autres, les caractéristiques locales, couvrant la même période de prévision (trois ans), intégrée dans le processus de préparation du budget ;

• d’un compte faisant état des prévisions des recettes et des dépenses fiscales (réparties entre traitements et salaires, dépenses d’exploitation, service de la dette, contributions aux organisations et aux institutions chargées des investissements publics), et des besoins de financement de l’État.

Les prévisions relatives aux recettes pétrolières sont établies à partir d’un modèle différent10 mis au point à cette fin avec l’appui technique du FMI. Les résultats produits par ce modèle sont saisis et entrés dans le TOFE, qui est lui-même intégré dans le modèle de projections macroéconomiques. L’utilisation du modèle SIGNET pour le secteur pétrolier devrait donc se limiter aux éléments du système des comptes nationaux. Il s’est toutefois révélé nécessaire de remédier aux graves problèmes posés par l’insuffisance des ressources humaines affectées aux opérations de modélisation et de prévisions macroéconomiques. Par ailleurs, la forte mobilité du personnel qualifié continue de poser un risque pour le processus mené en vue d’obtenir l’adhésion des parties prenantes et assurer la qualité des activités de production des données et des analyses.

Plusieurs éléments des bonnes pratiques en matière de prévisions doivent être intégrés dans le modèle. Un grand nombre d’entre eux ont déjà été examinés précédemment (comme la nécessité d’établir une distinction entre l’objectif de croissance attendu, qui est souvent basé sur une extrapolation des tendances antérieures, et les prévisions, qui donnent lieu à un examen détaillé des conditions économiques en vigueur ; ou entre les

9 La BEAC prépare également des statistiques monétaires pour le compte de ses États membres. Les statistiques monétaires sont préparées sur une base mensuelle à partir des données comptables tirées des états mensuels de la BEAC et des établissements de crédit. 10 Le modèle, mis en place en 2010 avec l'appui du Département des finances publiques du FMI, a pour objet de : - regrouper tous les calculs et prévisions dans un même modèle doté d'une structure interne harmonisée ; - constituer un cadre pouvant être utilisé par la DEP et par le département régional du FMI dans le cadre des

programmes de suivi et dans le cadre de la surveillance multilatérale du FMI prévue à l'Article IV des Statuts du FMI ; - servir de base à l'analyse de différents scénarios, et notamment de différentes hypothèses budgétaires, et fournir une piste

d'audit des résultats, lorsque cela est nécessaire ; - fournir un appui aux analyses de sensibilité des principales hypothèses relatives à la production, aux prix, aux taux de

change, à la qualité, aux transports et aux coûts.

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prévisions ex ante et les estimations ex post qui sont, quant à elles, basées sur les résultats observés pour l’exercice).

La nécessité de faire une distinction entre le raisonnement sur lequel reposent les projections à court terme et le raisonnement sur lequel sont fondées les projections à moyen long terme est un élément essentiel de l’établissement de prévisions pour les économies africaines, qui a été soigneusement intégré dans la démarche utilisée au Tchad. À court terme, l’investissement est une composante de la demande. Le moteur réel de l’économie est d’origine extérieure et a un caractère conditionnel (niveau des pluies, prix des produits de base, mais aussi aide internationale). À moyen terme, l’investissement est une composante de l’offre et un facteur essentiel de la croissance. À long terme, les facteurs humains (démographie, niveau d’instruction, etc.) et les facteurs environnementaux jouent un rôle prédominant dans tous les domaines de l’évolution macroéconomique. Dans le domaine de la dette, ces différences soulèvent d’autres questions : à court terme, l’attention se porte sur les dates d’exigibilité : les ressources budgétaires seront-elles suffisantes pour pouvoir honorer les engagements aux dates prévues ? À moyen terme, les problèmes concernent la viabilité : le volume des ressources budgétaires affectées au service de la dette peut-il compromettre le processus de développement ? Dans tous les cas, cela a des implications pour les bonnes pratiques en matière de prévisions, dans les pays africains :

• Dans le cas prévisions à court terme, il faut prendre en compte l’influence prédominante des variables extérieures. À cette fin, il convient de procéder à une analyse plurisectorielle, en faisant une distinction entre les secteurs d’exportation et les secteurs axés sur la satisfaction des besoins intérieurs, d’une part, et entre les secteurs de l’offre et de la demande d’autre part. En corollaire, il est possible de poser en hypothèse que l’appareil de production est rigide. L’influence de l’évolution de l’économie réelle sur les prix du marché doit être prise en compte, sans attacher trop d’importance aux effets de réciprocité.

• Dans le cas des prévisions à moyen terme, les fluctuations économiques extérieures revêtent moins d’importance, soit parce que nous supposons qu’elles se neutralisent sur l’ensemble de la période soit parce que nous stipulons une variation moyenne comme hypothèse parce que nous ne sommes pas en mesure de prévoir ces variations à moyen terme. L’évolution des investissements est le moteur de la croissance. Nous devons donc prendre en compte les changements intervenant dans l’appareil productif et le rôle des prix relatifs dans la réallocation des ressources et des facteurs. Il devient moins essentiel de procéder à une analyse plurisectorielle, car les relations dynamiques convergent de manière générale.

Les conclusions à tirer de ce qui précède pour le choix des instruments et des modèles qu’il importe d’utiliser se présentent comme suit :

• À court terme, le modèle le mieux adapté, étant donné l’état actuel des statistiques et les ressources humaines disponibles, est un modèle de type Leontief qui, fondamentalement, nécessite un TRE et un Tableau économique d’ensemble (TEE) (ou un compte pour les ménages, un compte pour les entreprises et un compte pour les administrations publiques (TOFE))11. Il exige en outre des informations structurelles relativement complètes et récentes, qui, en pratique, pourraient reposer sur une analyse discrète portant sur une seule année ;

• À moyen terme, il conviendrait de déterminer le PIB (ou au moins, le PIB potentiel) au moyen d’une (ou de plusieurs) fonction(s) de production en considérant deux options : i) accorder la priorité aux résultats généraux, au risque de masquer les réallocations intersectorielles et, par conséquent, retenir un modèle comportant un seul secteur ; ii) prendre en compte les réallocations et choisir un modèle d’équilibre général calculable (EGC).

SIGNET (Système intégré de gestion nationale de l'économie tchadienne) est un modèle macroéconomique de court terme quasi-comptable de la famille TABLO12 (voir l’encadré 4 pour de plus amples détails). Il a été conçu de manière à relier les principaux comptes économiques (PIB, finances publiques, balance des paiements, etc.) et assurer leur compatibilité sur le plan comptable et financier. Sa principale composante est le module Équilibre ressources-emplois, qui est utilisé pour assurer la cohérence et établir les projections des valeurs ajoutées des segments et du revenu primaire des ménages. SIGNET prépare, pour chaque année couverte par les projections, un TRE décomposé en prévisions en volume et en prévisions en valeur. Le système permet d’effectuer des simulations pour évaluer l’impact des mesures de politiques macroéconomiques sur les principaux indicateurs.

11 En pratique, il est possible d'envisager d'apporter des modifications prévisibles aux coefficients techniques lorsque les informations nécessaires sont disponibles. 12 Cet intitulé a été créé à partir du nom des personnes qui ont conçu ou inspiré la conception du modèle : Daniel Tommasi, Jean-Joël Aerts, Blaise Leenhardt et Gaston Olive.

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Durant la conception du modèle SIGNET, les modifications nécessaires ont été apportées au niveau institutionnel, en particulier au Comité de cadrage macroéconomique et budgétaire (CCMB), qui était devenu obsolète. Ces modifications ont donné lieu à :

• l’élargissement des fonctions du CCMB : introduction de l’aspect modélisation et harmonisation des prévisions officielles ;

• la révision de la composition du CCMB : des représentants de certains organismes (comme l’Observatoire de la pauvreté) ont été inclus dans les membres du comité ;

• la révision de l’architecture du CCMB et la création des organes suivants : i) un secrétariat permanent, chargé essentiellement de préparer les travaux du comité, de rédiger des projets de rapport et des procès-verbaux, de tenir les dossiers et de diffuser les travaux du comité ; ii) une équipe technique chargée d’apporter au comité un appui aux fins de l’application de ses directives, de lui fournir des conseils techniques et d’évaluer les instruments utilisés.

La coordination entre les organes du comité a également été simplifiée comme suit:

• le comité (qui se compose essentiellement de directeurs généraux) procède à une évaluation diagnostique de la situation macroéconomique puis définit les grandes stratégies et les principaux objectifs de la politique économique. Il lance les opérations en formulant le cadre macroéconomique et les principales hypothèses sur lesquelles reposeront les projections ;

• l’équipe technique prépare les informations requises par le comité, exécute ses directives, et présente les résultats de ses recommandations ;

• le secrétariat permanent assure une fonction de facilitateur (en préparant les réunions et les projets), de rapporteur et d’agent de liaison entre le comité et le secrétariat technique. Il prépare également les travaux de prévision et les présente aux différentes entités13.

Des dispositions particulières ont également été prises dans le but d’organiser les activités en fonction du modèle. Le calendrier des travaux du CCMB est établi de manière à cadrer avec le calendrier de la préparation du budget des administrations publiques. Le comité se réunit donc chaque trimestre pour examiner l’évolution de la situation économique nationale et proposer les mesures de politique économique qui peuvent être nécessaires. Il récapitule ces travaux deux fois par an dans un mémorandum de cadrage macroéconomique et établit, à cette occasion, un rapport technique qu’il soumet au ministre. Outre l’évolution de la situation économique nationale, il présente dans ce rapport une évaluation macroéconomique et des recommandations en matière de politique économique et budgétaire. Dans le courant du premier semestre de l’année, les résultats des travaux du comité sont présentés dans la circulaire du premier ministre sur le budget des administrations publiques. Au deuxième semestre, ils sont inclus dans le rapport économique, financier et social préparé par la Direction des Etudes et de la Prévision, qui est soumis à l’Assemblée nationale en même temps que le projet de loi de finances.

SIGNET a également pour objet de renforcer les capacités de la Direction des études et de la prévision (DEP). La DEP a entrepris de concevoir un modèle de prévisions macroéconomiques en 2008, au départ avec l’appui du programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans le contexte du projet exécuté par l’Observatoire de la pauvreté pour renforcer les capacités nationales afin d’atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement. Il est intéressant de noter que la préparation du manuel du modèle a également été confiée à l’équipe chargée du modèle au sein de la DEP, notamment dans le but de renforcer l’adhésion de l’équipe. Le manuel devait pouvoir être systématiquement consulté par le personnel de la DEP et l’équipe technique du CCMB. Il a été conçu de manière à pouvoir servir d’outil d’appui et de référence à tous les membres du personnel dans le cadre de leurs activités. Il permet également de documenter les améliorations qui pourront être ultérieurement apportées au modèle et doit donc demeurer sous forme électronique. Il doit aussi être maintenu et mis à jour conformément aux procédures appropriées de manière à permettre de retracer facilement toutes les modifications qui ont pu lui être apportées.

Le modèle SIGNET a été mis en place dans le cadre d’actions menées en étroite coordination avec les partenaires techniques et financiers du Tchad. Quatre partenaires techniques et financiers en particulier — le PNUD, la Banque mondiale, l’Agence française de développement (AFD) et le FMI — ont fermement appuyé les efforts déployés par l’État durant cette période. Les autorités tchadiennes ont, quant à elles, imposé des

13 Des dispositions ont également été prises en ce qui concerne les opérations du comité. Le comité rend compte de ses travaux au ministre des Finances et du Budget en lui soumettant un rapport technique préparé à l'issue de chaque session de cadrage. Le comité de cadrage macroéconomique adapte son programme de travail conformément aux textes applicables régissant la préparation du budget. À titre d’exemple, le programme de travail du comité a été préparé pour l'exercice 11 et adopté durant la réunion du comité en février 2011.

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quotas de recrutement de statisticiens et d’économistes pour les exercices 10, 11 et 12 afin d’atteindre une masse critique. Le budget des opérations de la Direction a été accru en conséquence. Les synergies entre les actions des partenaires techniques et financiers et celles de l’État ont largement contribué à la mise en œuvre des changements ainsi qu’à l’acceptation du modèle par le personnel de direction. Les résultats obtenus ont également eu un fort impact au niveau du ministère des Finances et du Budget. Les différents rapports d’évaluation notent une amélioration de la préparation technique du budget de l’État et de la qualité des documents soumis. Il est désormais possible d’entreprendre d’autres réformes concernant, notamment, la préparation d’un cadre budgétaire à moyen terme, la gestion des flux de trésorerie et l’établissement d’un modèle d’équilibre général calculable.

L’adoption du modèle SIGNET a engendré des modifications relativement importantes, mais d’importants problèmes persistent. Durant la période 2005-2010, le PIB et sa structure se sont nettement modifiés, de sorte que les utilisateurs de cet agrégat ont adopté de nouvelles références pour procéder aux évaluations diagnostiques. Les périodes de transition sont souvent difficiles pour les utilisateurs, mais la DEP est déterminée à leur faciliter la tâche en produisant toutes les informations pertinentes. D’importants problèmes continuent toutefois de se poser. Il importe notamment de trouver le moyen de maintenir en place une équipe dotée de l’expérience nécessaire, pouvant assurer les opérations quotidiennes et capable d’utiliser le modèle, et aussi d’orienter les travaux du CCMB pour s’assurer qu’il produit des indicateurs et une évaluation diagnostique ayant l’aval de toutes les parties. Le Tchad continue d’avoir besoin de l’appui de ses partenaires techniques et financiers pour renforcer les progrès accomplis à ce jour dans le cadre des activités de formation et pour fournir le soutien que peut solliciter la Direction pour certains projets.

Encadré 4 Tchad : brève description de SIGNET

Le TRE comprend 23 segments représentant l'activité économique (y compris les services d'intermédiation financière, FISIM, qui sont mesurés de manière indirecte) qui génèrent 18 produits. Les segments de l'activité économique sont identifiés de manière à représenter et à interpréter de la meilleure manière possible les principales relations macroéconomiques et à prendre en compte l'évolution des conditions économiques nationales prévisibles à moyen terme.

Le modèle SIGNET se présente sous la forme d'une feuille de calcul Excel composée de quatre groupes de classeurs :

- Groupe 1: classeurs de modules spécialisés conçus pour procéder au traitement de certains secteurs avant l’introduction des résultats (sous la forme de modifications de la production, des prix et des exportations) dans le modèle :

- Groupe 2: classeurs des modules du TOFE et de la balance des paiements, dont les interactions avec le modèle s’effectuent par le biais de la saisie des résultats des prévisions et par l'entrée d'autres données (telles que les traitements et salaires, la FBCF des administrations publiques, etc.) ;

- Groupe 3: classeurs fondamentaux du modèle : - hypothèses utilisées pour assurer le fonctionnement du modèle en regroupant toutes les hypothèses sur

lesquelles reposent les prévisions ; - fichiers du TRE pour l'année «n» pour assurer la cohérence entre les indicateurs et équilibrer les

ressources et les emplois ;

- Groupe 4: classeurs des résultats finaux du modèle et du contrôle de ces résultats : principaux indicateurs, PIB, contrôle de l'évolution de la consommation finale, etc.

Le modèle SIGNET se compose de deux catégories de segments : les segments relatifs à l'offre et les segments relatifs à la demande. Les projections de tous les segments sont effectuées sur la base des coefficients techniques ou budgétaires.

Deux méthodes de calcul sont utilisées pour assurer l'équilibre: MODCAL1 et MODCAL2.

MODCAL1 équilibre les emplois et les ressources en calculant la consommation finale des ménages pour chaque produit. Dans le cadre de cette méthode, tous les segments, à l'exception du commerce, concernent l'offre, et les données sur les emplois finaux (à l'exception de la consommation finale des ménages) sont fournies. En d'autres termes, les hypothèses relatives à la modification de la production des segments devraient être fixes pour que le modèle calcule les valeurs ajoutées et autres emplois sur la base des coefficients techniques et budgétaires.

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Encadré 4 (fin) Tchad : brève description de SIGNET

Dans le cas de MODCAL2, le modèle fait une distinction entre les segments relatifs à l'offre et les segments relatifs à la demande. Il est nécessaire d’obtenir les hypothèses relatives aux changements de la production et des prix pour les segments du côté de l'offre. Les changements des composantes de la demande ainsi que les projections des changements du taux de consommation finale nette de l'autoconsommation des producteurs sont également fournis. Le modèle calcule alors les niveaux de production nécessaires pour répondre à la demande globale et les valeurs ajoutées qui sont générées.

Le diagramme ci-après décrit le fonctionnement général du modèle :

Diagramme de l’architecture du modèle de prévisions SIGNET

Les autres modules du modèle utilisent comme données d'entrée les résultats des prévisions macroéconomiques :

- la section des recettes fiscales hors pétrole du TOFE utilise comme intrant l'évolution des différentes recettes fiscales ;

- la balance des paiements utilise les données sur les importations et les exportations de biens et de services autres que ceux des facteurs provenant du module du TRE.

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Annexe-2 : Cadre macroéconomique du FMI pour la Guinée équatoriale14

Étant donné la forte dépendance de la Guinée équatoriale à l’égard du pétrole et la diminution de ses réserves pétrolières, les principaux points d’ancrage de la politique publique sont la viabilité extérieure et celle des finances publiques. Il importe toutefois de prendre en compte les vastes besoins de développement qui persistent malgré les importants investissements publics réalisés au cours des dernières années. La forte dépendance du pays par rapport au pétrole et l’essor du secteur privé, font que la viabilité extérieure et la viabilité des finances publiques se recoupent dans un plusieurs domaines. Bien qu’il existe un certain nombre de méthodes d’évaluation, aucune d’entre elles n’est réellement adaptée à la situation d’un pays possédant des ressources pétrolières importantes, mais en baisse, et ayant d’importants besoins de développement. Les carences des données sont source de difficultés supplémentaires. Nous commençons donc par appliquer un modèle fondé sur l’hypothèse du revenu permanent et les approches de la viabilité extérieure d’une part au secteur des finances publiques et, d’autre part, au secteur extérieur de la Guinée équatoriale, avant d’ajuster les spécifications de ces modèles pour prendre en compte tout investissement public ayant pour effet de renforcer la croissance. Malgré les importantes limites de ces modèles et le manque de précision des ajustements ponctuels apportés au titre des besoins de développement, les résultats obtenus montrent clairement qu’il sera essentiel d’utiliser de manière rationnelle les ressources en hydrocarbures pour pouvoir simultanément atteindre les objectifs de développement et renforcer la marge de manœuvre disponible pour faire face à des chocs. La Guinée équatoriale doit sans tarder prendre des mesures pour renforcer la gestion des finances publiques (GFP), améliorer le climat des affaires et renforcer le capital humain pour replacer le déficit primaire hors pétrole et le compte courant sur des trajectoires viables.

Les modèles

En raison, notamment, des graves carences présentées par les données, l’équipe du FMI chargée de la Guinée équatoriale considère la viabilité à long terme sous deux angles — celui des finances publiques et celui de la situation extérieure — en utilisant deux modèles distincts. Les deux modèles prennent en compte les facteurs particuliers à la Guinée équatoriale, et notamment la richesse pétrolière importante, mais en baisse de ce pays et l’ampleur de ses besoins de développement, ainsi que l’importance du rôle joué par l’État dans l’activité économique. Ces modèles fournissent une évaluation initiale, que l’équipe ajuste sur la base des objectifs de développement identifiés par les autorités.

L’évaluation de la viabilité budgétaire repose sur un modèle basé sur l’hypothèse du revenu permanent. Une trajectoire de référence viable pour le déficit budgétaire est calculée au moyen de ce modèle pour déterminer l’allocation des ressources optimales entre les différentes périodes afin d’assurer une croissance à long terme durable et un solde budgétaire viable. Le modèle utilisé pour la Guinée équatoriale est simple. L’État est un agent économique unique, qui s’efforce de lisser ses dépenses futures sous les contraintes suivantes : un sentier de croissance durable à long terme, une position budgétaire déterminée, la valeur des actifs actuellement disponibles et les flux de revenus futurs.

Le taux de croissance à long terme et la position budgétaire viable sont exogènes au modèle, et sont fondés sur les opinions et les estimations des services du FMI. Toute accélération supposée de la croissance future par suite de la réalisation d’investissements publics productifs est traitée comme une augmentation de la croissance hors pétrole. Les actifs actuellement disponibles correspondent au volume total des dépôts de l’État (détenus auprès ou en dehors de la BEAC), et les flux de revenus futurs sont des projections des services du FMI, reflétant les projections de la production du secteur pétrolier et du secteur non pétrolier, qui sont établies dans le cadre d’une programmation financière de type standard.

Si l’on considère le niveau de développement de la Guinée équatoriale, il est naturel de supposer que l’État devra investir (peut-être même dans une large mesure) à moyen terme dans de nombreux domaines, notamment l’infrastructure, tout en lissant les dépenses publiques pour se doter des actifs qui lui assureront une rente réelle constante au terme de la période de production. Le modèle s’efforce donc de parvenir à retrouver à long terme une position budgétaire viable à la fin de cette période. Dans ce contexte, l’indicateur privilégié est le déficit primaire hors pétrole. Plus le déficit primaire hors pétrole s’écarte de la trajectoire viable, plus l’ajustement qui devra être effectué à l’avenir sera important. Il est généralement possible de procéder à un tel ajustement en réduisant et en réorganisant le calendrier des dépenses d’investissement en accordant la priorité aux projets ayant un rendement élevé et en accroissant l’efficacité des investissements.

14 L’Annexe 2 a été préparée par Carol Baker, chef de mission pour la Guinée équatoriale, et Atsushi Oshima, économiste au Département Afrique.

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En ce qui concerne la viabilité extérieure, l’équipe a adopté une variante des méthodologies de balances des paiements utilisées pour évaluer le taux de change. Elle permet d’établir le profil futur du compte courant, compte tenu de l’objectif qui consiste à stabiliser les avoirs extérieurs nets à un certain niveau, par exemple celui de l’année pour laquelle on dispose des données les plus récentes. Dans le cas de la Guinée équatoriale, en 2011, les services du FMI ont employé la méthode de l’équilibre extérieur adaptée aux pays exportateurs de pétrole décrite par Bems et Carvalho Filho (2009). Si l’on pose en hypothèse que le niveau des revenus temporaires (revenus de sources non conventionnelles) est élevé, ce qui est le cas des recettes du pétrole et du gaz en Guinée équatoriale, le calcul de l’écart, à chaque période, entre le revenu temporaire et le paiement de l’annuité, qui dépend de la règle d’allocation intertemporelle et de la valeur actualisée du revenu temporaire, permet d’établir le profil futur du compte courant. Lorsque le revenu temporaire sera épuisé, les avoirs extérieurs nets convergeront vers le niveau de référence.

Cette règle d’allocation reflète donc l’optimisation de l’utilité actualisée dans un modèle de compte courant intertemporel. En pratique, trois règles sont couramment employées : la règle de l’annuité réelle constante, la règle de l’annuité réelle constante par habitant et le ratio annuité réelle constante -produit conventionnel. En 2011, les services du FMI ont appliqué la règle de l’annuité réelle constante au cas de la Guinée équatoriale. Le montant du revenu temporaire, le taux de rendement réel, le taux d’inflation et le niveau initial des avoirs extérieurs nets sont des données exogènes au modèle. Dans le cas de la Guinée équatoriale, ces variables ont été calculées par les services du FMI à partir des données officielles, des hypothèses des Perspectives de l’économie mondiale et des projections des services du FMI dans le cadre de la programmation financière. L’évaluation de la viabilité extérieure a été réalisée sur la base de comparaisons entre les trajectoires du compte courant a) générées par le modèle et b) produites par les projections basées sur la politique actuelle de l’État. L’ajustement nécessaire correspond à la différence entre ces trajectoires et peut être réalisé par le biais d’une modification du taux de change et/ou de l’adoption de mesures de politique économique.

Résultats15

Pour assurer la viabilité de ses finances publiques, la Guinée équatoriale devra faire plus pour obtenir une croissance robuste hors pétrole, malgré les progrès réalisés à ce jour. La Guinée équatoriale doit déployer d’importants efforts pour construire et améliorer ses infrastructures de base, renforcer son capital humain et créer un cadre propice à l’activité économique. Le taux de croissance à long terme retenu comme hypothèse est de 4 % – soit le taux minimum requis pour réduire la vulnérabilité au pétrole et réduire la pauvreté, bien qu’un taux même aussi faible que celui-ci implique une réduction des dépenses de développement au cours des 10 prochaines années (ou plus).

La situation dans le secteur pétrolier est également préoccupante. Le profil des revenus futurs de l’État est établi sur la base des hypothèses relatives aux prix et à la production au cours des périodes à venir. Selon les hypothèses (prudentes) retenues, les champs de pétrole actuels devraient être épuisés dans dix ans (contre 30 ans pour les réserves de pétrole selon les projections officielles). Les prix sont ceux qui figurent dans les Perspectives de l’économie mondiale. Compte tenu de l’épuisement des réserves de pétrole, de la diminution des recettes pétrolières, du stock des actifs actuellement détenus (aussi bien à la BEAC qu’à l’étranger) et des dépenses de développement requises, selon les estimations des services du FMI, le déficit primaire hors pétrole viable représente un pourcentage du PIB peu élevé et, dans tous les cas, inférieur à 10 %, du PIB non pétrolier. Replacer le déficit sur un sentier permettant d’obtenir un tel déficit primaire hors pétrole donnerait lieu, à terme, à l’accumulation d’un volume important d’actifs qui, non seulement fourniraient une marge de manœuvre budgétaire face aux chocs, mais procureraient également des flux de revenus sous forme d’intérêts après l’épuisement des réserves pétrolières.

Les autorités affichent actuellement un déficit primaire (hors pétrole) de l’ordre de 75 % du PIB (également hors pétrole) et les politiques en vigueur devraient donc épuiser l’épargne publique à moyen terme (Figure 4). En d’autres termes, les politiques en vigueur compromettent la viabilité des finances publiques et un important ajustement s’impose. Bien que certains écarts des dépenses publiques par rapport à la trajectoire viable puissent être justifiés à court terme pour faire face aux besoins de développement et à l’amélioration de l’infrastructure, les défaillances qui caractérisent la mise en œuvre des politiques nécessitent de concentrer dans une période initiale les mesures de rééquilibrage des finances publiques pour replacer ces dernières sur un sentier viable. À cet égard, le renforcement de la GFP sera essentiel à la réalisation des objectifs de développement tout en réduisant les dépenses.

15 Basés sur le rapport de mission 2011 au titre de l’Article IV disponible sur le site web du FMI.

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Figure 4 : Trajectoire recommandée pour assurer la viabilité des finances publiques, 2010-2016

Bien que la méthode de la viabilité extérieure indique l’existence d’un important solde positif pour le compte courant, les projections sont systématiquement négatives (figure 5). Il est posé en hypothèse, dans le cadre de l’analyse, que la production de pétrole commence à diminuer à partir de 2014 et celle de gaz à partir de 2015. La règle d’allocation du revenu temporaire est basée sur une annuité réelle constante. Conformément à cette règle, l’absorption intérieure à toutes les périodes est supérieure à la production des produits conventionnels du même montant réel constant. Une partie du revenu temporaire est épargnée et réaffectée en vue de son absorption à des périodes futures. Un excédent du compte courant (c’est-à-dire une accumulation d’avoirs extérieurs nets) devrait donc être observé pour toutes les périodes durant lesquelles un revenu temporaire est généré. Les autres variables nécessaires sont tirées du cadre de programmation financière de l’équipe du FMI et des hypothèses des Perspectives de l’économie mondiale. Le taux de rendement réel est fixé, par hypothèse, au taux constant de 3,9 %, comme pour le Gabon. Le taux d’inflation des États-Unis est tiré des Perspectives de l’économie mondiale (la méthode de la viabilité extérieure utilise des données en dollars). Le montant des avoirs extérieurs nets à la fin de 2010 est utilisé comme position des avoirs extérieurs nets initiale. La croissance du PIB réel a été établie à partir des projections de l’équipe chargée de la Guinée équatoriale des activités hors pétrole et de la production d’hydrocarbures dans le cadre de la programmation financière.

L’important écart observé au niveau du compte courant signifie que le taux de change effectif réel est nettement surévalué, par suite de la persistance de dépenses excessives alimentées par la richesse pétrolière. En fait, ce désalignement est encore plus marqué que ne l’indique la Figure 5 étant donné que, pour assurer la viabilité, l’État doit accumuler des dépôts pour pouvoir faire face à l’épuisement attendu de la richesse pétrolière. À cet égard, les politiques actuellement suivies par la Guinée équatoriale sont non seulement insoutenables, mais aussi incompatibles avec le régime de taux de change.

Figure 5 : Guinée équatoriale: évaluation de la stabilité extérieure, 2010-2020

-75

-65

-55

-45

-35

-25

-152010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

Panel A: solde primaire non pétrolier (% du PIB )

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

70,0

2010 2016

Panel B: dépots du gouvernement (% du PIB)

-25

-20

-15

-10

-5

0

5

10

15

20

2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

Solde du compte courant(% du PIB)

Méthodologie Bems et Filho, approche ES

solde ajusté sans 'output gap' (écart de production) dans le pays et chezles partenaires commerciaux.

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Selon l’évaluation effectuée par l’équipe du FMI sur la base des deux modèles utilisés, la Guinée équatoriale dispose de ressources suffisamment importantes pour pouvoir non seulement atteindre ses objectifs de développement, mais aussi avoir une marge de manœuvre pour faire face aux chocs si elle utilise ses ressources de manière efficace. Les importantes dépenses auxquelles la Guinée équatoriale a procédé n’ont toutefois pas permis de stimuler la croissance hors pétrole en raison des importantes carences de la GFP. Il importe par conséquent d’entreprendre immédiatement un ajustement budgétaire en améliorant l’établissement des priorités et l’évaluation des projets tout en procédant au renforcement de la GFP. La concentration des mesures de rééquilibrage des finances publiques devrait se poursuivre à moyen terme de manière à replacer l’évolution du déficit primaire hors pétrole sur une trajectoire viable. Par ailleurs, étant donné les infrastructures dont elle dispose maintenant, la Guinée équatoriale devrait de plus en plus s’employer à soutenir les facteurs intérieurs de la croissance en renforçant le capital humain et en améliorant le climat de l’activité économique pour promouvoir la croissance à long terme en l’absence de pétrole. Dans ces conditions, le compte courant retrouvera une trajectoire permettant d’atteindre la viabilité extérieure.

Annexe 3. Outils économiques employés par le service économique français en Afrique centrale16

Cette section est plus technique que les deux précédentes et a pour objet de fournir des détails concernant la conception d’un modèle de prévisions simple. Le Service économique régional français basé à Yaoundé a mis au point un modèle de ce type pour procéder à des projections des recettes publiques pétrolières au moyen d’un très petit nombre de variables (production de pétrole, prix mondiaux et taux de change) pour quatre grands pays de la région (Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale et Congo). Ce modèle permet également de procéder à des comparaisons entre ces pays. Il faut toutefois bien comprendre ses limites. Le modèle ne comporte qu’une seule équation, estimée sur la base d’un échantillon de taille réduite. Il peut aider les analystes à procéder à des estimations rapides des recettes pétrolières (et à comparer ces dernières), à anticiper les situations négatives (ou positives) qui pourraient se manifester au niveau du budget national durant l’exercice, ou les aider à évaluer l’impact probable des recettes pétrolières sur les réserves de change ; mais il est ensuite nécessaire de comparer ces résultats à ceux d’autres modèles et à d’autres sources d’information (en particulier après avoir procédé à un examen détaillé des contrats pétroliers).

Le modèle met naturellement l’accent sur le secteur pétrolier, qui est la principale source de recettes publiques dans les quatre pays. L’État tire ses revenus pétroliers des contrats signés avec plusieurs sociétés pétrolières, qui lui versent diverses contributions fiscales et recettes (bonus, primes, redevances, impôt sur les sociétés …). Il est difficile d’obtenir des informations sur toutes ces entrées de fonds et d’établir des prévisions à leur titre. Il est néanmoins possible de regrouper les recettes pétrolières en deux catégories : les droits, qui dépendent du volume produit et du prix en vigueur durant l’exercice ; et l’impôt sur les bénéfices qui frappe les bénéfices de l’exercice précédent. Ces relations peuvent être exprimées sous la forme suivante :

ORt = FEEt + TPt (1) où ORt: recettes pétrolières (en milliards de XAF)

FEEt: droits (en milliards de XAF) TPt: impôt sur les bénéfices (en milliards de XAF)

Nous définissons le chiffre d’affaires pétrolier national (Not) comme suit :

Nott = Prodt x (Pricet-Disct) x Ert (2) où Prodt: production de pétrole (en barils)

Pricet: prix du brut (Brent) (en USD) Disct: décote du prix du pétrole local par rapport au Brent (en USD le baril) Ert : taux de change (nombre d’unités de XAF pour un USD).

Nous posons en hypothèse que la relation entre les droits et le chiffre d’affaires pétrolier à la période en cours est linéaire :

FEEt= Nott + a1 (a1 est une constante) (3)

16 L’Annexe 3 a été préparée par Nicolas Vincent, de la Coopération française au Cameroun.

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Nous posons également en hypothèse que l’impôt sur les bénéfices à la période t est une fonction linéaire des bénéfices de la période t-1, et que le chiffre d’affaires pétrolier de la période t-1 est la principale variable explicative :

TPt = Nott-1 + a2 (a2 est une constante) (4)

Il s’ensuit que les recettes pétrolières portées dans le budget de l’État dépendent du chiffre d’affaires pétrolier national de l’année et de celui de l’année précédente, et peuvent être spécifiées comme indiqué dans l’équation suivante :

ORt = FEEt + TPt

= a0 + Nott + Nott-1 + µ t (a0 = a1 + a2) (5)

Il est alors possible de procéder à des estimations au moyen du modèle en suivant une méthode simple. Les séries de données sur la production et les recettes pétrolières proviennent de la BEAC, sauf dans le cas du Cameroun pour lequel il a été jugé préférable d’utiliser des données d’origine nationale. Le prix du pétrole est le prix d’un baril de Brent (mer du Nord) coté à Rotterdam et le taux de change (XAF/USD) est calculé à partir de la parité flottante €/USD et la parité fixe XAF/€ (=656)17. L’échantillon de données est de taille limitée (14 ans) et couvre la période allant de 1997 à 2010. Il est difficile d’interpréter les résultats des estimations à partir d’un échantillon aussi restreint parce que les propriétés statistiques des estimateurs sont incertaines (les tests ne sont pas fiables). Conscients des limites que présente l’application d’une méthode économétrique à un échantillon aussi réduit, nous estimons l’équation (5) par la méthode des Moindres carrés ordinaires (MCO) et mettant davantage l’accent sur la capacité du modèle à reproduire les résultats antérieurs que sur sa robustesse statistique. Le modèle a donné lieu à des estimations pour quatre pays : le Cameroun, le Gabon, la Guinée équatoriale et le Congo (le Tchad ne produit du pétrole que depuis 2004, et un échantillon composé de sept observations n’est vraiment pas suffisant).

Le tableau ci-après présente les résultats de l’estimation par la méthode MCO :

17 En Guinée équatoriale, la production de gaz, qui a atteint un niveau important en 2007, représente actuellement un quart de la production d'hydrocarbures, mais il n'est pas possible de faire la distinction entre les recettes provenant du pétrole et celles provenant du gaz au niveau du budget. Le chiffre d'affaires national est donc la somme du chiffre d'affaires provenant du pétrole et du chiffre d'affaires provenant du gaz (production nationale évaluée sur la base du prix au comptant du Henry Hub aux États-Unis pour le gaz de Guinée équatoriale).

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Une fois le modèle estimé, il est assujetti à un premier test qui consiste à effectuer des prévisions pour les périodes récentes. Les résultats de ce test sont présentés dans les graphiques ci-après pour les recettes pétrolières exprimées en fonction du niveau annuel de la production, du prix du pétrole et du taux de change (Figure 6) :

Figure 6 : Diagrammes des projections des recettes pétrolières les pays considérés

Ces prévisions rétrospectives donnent de bons résultats dans le cas du Cameroun, puisque l’erreur moyenne de prévision est de 1,8 % sur les six dernières années. L’erreur moyenne des prévisions rétrospectives est de 5 à 6 % pour le Gabon et la Guinée équatoriale. En revanche, dans le cas du Congo, où les recettes pétrolières fluctuent dans une plus large mesure, les prévisions rétrospectives sont moins satisfaisantes, car l’erreur moyenne est de 10 %.

Maintenant que la capacité du modèle à calculer les recettes pétrolières à partir des données sur la production, les prix du pétrole et les taux de change des périodes antérieures est établie, ce dernier peut être utilisé pour procéder à des simulations de scénarios. Dans le cas présent, le modèle a été utilisé pour simuler deux scénarios pour 2011 :

• Le «scénario du budget» qui repose sur les hypothèses utilisées par les autorités pour établir le budget de l’État pour 2011 ;

• le «scénario révisé» qui prend en compte le niveau élevé des prix du pétrole et la faiblesse du dollar par rapport à l’euro (et par conséquent par rapport au XAF) durant les quatre premiers mois de 2011 (le prix du pétrole a atteint 109,5 USD le baril de Brent, et la parité moyenne du dollar par rapport au XAF s’est établie à 473). Nous avons posé en hypothèse que, sur l’ensemble de l’année, le prix moyen du pétrole brut était de 100 USD et le taux de change de 480 XAF pour un USD (c’est-à-dire 1,37 USD pour un euro)18.

18 Dans le cas du gaz, nous avons retenu les mêmes hypothèses pour les deux scénarios: une production de 5,5 millions de tonnes en 2011 (source BEAC) et un prix de 5,2 USD par millions d'unités thermiques britanniques pour le cours au comptant du Henry Hub, soit +18 % par rapport à 2010. Cette hypothèse n'a qu'un impact très limité sur les recettes provenant des hydrocarbures parce que le gaz ne génère pas autant de revenus que le pétrole.

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Les prévisions établies à partir du modèle sont indiquées ci-dessous :

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Les prévisions établies pour 2011 sur la base de l’hypothèse utilisée pour le budget de l’État (dit scénario du budget) correspondent aux recettes pétrolières portées dans le budget de 2011, sauf dans le cas du Cameroun où le montant inscrit au budget semble sous-évalué d’environ 20 % (93 milliards de XAF). Le scénario révisé (100 USD le baril de Brent) produit des recettes pétrolières supplémentaires allant de 5 % (Guinée équatoriale) à

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49 % (Congo) des recettes pétrolières initialement prévues. Le bonus le plus important reviendra au Congo (1 000 milliards de XAF).

Malgré ses limites, le modèle décrit19 présente donc plusieurs avantages. Le modèle se prête facilement à des estimations et les données nécessaires sont aisément disponibles. Il peut être appliqué à d’autres pays (si ceux-ci disposent de séries statistiques suffisamment longues), ce qui facilite les comparaisons internationales. Il permet, ce qui est très utile, de vérifier durant le processus d’élaboration du budget la cohérence des hypothèses concernant la production et les prix du pétrole ainsi que le taux de change avec le niveau des recettes pétrolières attendues par l’État. Enfin, il permet d’établir des prévisions des recettes pétrolières dans le cadre de différents scénarios de prix pétroliers, de niveaux de production pétrolière et de taux de change.

19 De forme générale: ORt = a0 + Nott + Nott-1 + µ t

_____________________ 1. Emilie Laffiteau, Docteur en Economie, AFRISTAT, [email protected] ; Serge Jean Edi, Ingénieur Statisticien Economiste, AFRISTAT, [email protected]. Les auteurs remercient Monsieur Cosme Vodounou, PhD, Directeur Général d’AFRISTAT, pour son appui scientifique ainsi que les experts d’AFRISTAT pour leurs commentaires et contributions. 2. Le traité a été signé en 1994 mais il est entré en vigueur en 1999.

Les pays de la CEMAC convergent-ils ? E. Laffiteau

S. J. Edi 1

Cet article se propose de mesurer la convergence des économies de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC) au niveau nominal et au niveau réel. La méthode utilisée est la mesure de la sigma-convergence et de la béta-convergence pour les critères de premier rang du dispositif multilatéral du Pacte de convergence et de stabilité pour la période 1990-2012 ainsi que pour les niveaux de vie. Les résultats des estimations économétriques montrent une convergence en ce qui concerne les critères nominaux (inflation, solde budgétaire de base, taux d’endettement public). Au niveau réel une tendance à la divergence des économies de la CEMAC est observée notamment depuis 2001.

Introduction Un processus d’intégration régionale repose en général sur de nombreux objectifs, à la fois politiques, économiques et sociaux. Parmi ceux-ci, l’objectif intermédiaire de convergence des économies d’une union monétaire est régulièrement mis en avant afin de bénéficier des avantages d’une zone monétaire optimale sans en subir les inconvénients. En effet une trop grande hétérogénéité des économies voulant se regrouper créée des rigidités non désirées. La crise européenne est à cet égard une illustration manifeste venant appuyer la nécessité de convergence.

Le cas des pays de l’Afrique centrale est singulier à plusieurs égards. Appartenant à la Zone franc au même titre que les économies d’Afrique de l’ouest, le processus d’intégration économique des pays de la zone est postérieur à leur intégration monétaire. En 1994 la crise a mis en avant la nécessité de renforcer l’assainissement du cadre macroéconomique et d’approfondir le processus d’intégration. Ceci s’est d’abord traduit par l’ajustement de la parité du franc CFA à travers sa dévaluation de 50 % puis par la création d’un espace économique unifié : la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (CEMAC). L’union économique est ainsi conçue

comme un complément de l’union monétaire et l’intégration est renforcée par de nouvelles formes de coopération commerciale (création d’un marché commun) et économique (coordination et surveillance des politiques macroéconomiques). En 19992, le Pacte de convergence et de stabilité, fixant des critères de convergence budgétaire qui doivent permettre de mieux assurer la compatibilité des politiques budgétaires avec les objectifs monétaires de l’union, est adopté. Il vise principalement la maîtrise des finances publiques des pays membres et la convergence de leurs politiques budgétaires.

Dans ce contexte l’objectif de cet article est d’évaluer la contribution du dispositif de surveillance multilatérale du Pacte sur la convergence des économies de la zone CEMAC. Pour cela, après avoir présenté le contexte économique des pays de la zone, un bilan du dispositif sera entrepris à travers le suivi des critères et des indicateurs de convergence. L’analyse de la convergence des pays de la CEMAC sera ensuite réalisée à travers l’estimation des beta-convergence et des sigma-convergence à la fois au niveau des critères de 1er rang du dispositif (dimension nominale) et également au regard des niveaux de vie (dimension réelle).

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Le contexte économique en zone CEMAC

Historique de la construction de la CEMAC

La CEMAC est un espace d’environ 45 millions d’habitants, situé en Afrique centrale et regroupant actuellement six pays : Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée Equatoriale et Tchad. L’intégration dans cette zone remonte à la Zone franc, les pays partageant historiquement une monnaie commune selon les principes habituels inhérents aux unions monétaires auxquels s’ajoutent des particularités issues de la coopération monétaire entre la France et les pays concernés (mécanismes du compte d’opérations). Lors de leur accession à l’indépendance au début des années soixante, la plupart des nouveaux Etats d’Afrique centrale choisissent de poursuivre l’intégration tout en rénovant le cadre institutionnel autour d’un système de change commun. Il se caractérise par la reconnaissance d’une même unité monétaire, le franc CFA (franc de la Coopération Financière en Afrique centrale, XAF), dont l’émission est confiée à la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC). L’émission monétaire est régie selon quatre principes fondamentaux à savoir (i) la garantie du Trésor français (ii) la fixité de la parité avec le franc français3 (iii) la libre transférabilité (iv) la centralisation des réserves de change.

Si ce nouveau cadre se révèle d’abord une source de stabilité, à partir de 1985 les pays subissent une détérioration des termes de l’échange suite à l’appréciation du franc français par rapport au dollar. Les mauvaises performances macroéconomiques qui s’en suivent (diminution de la croissance du PIB réel, augmentation des déficits et de la dette externe) poussent les pays membres à dévaluer leur monnaie de 50 % en 1994. La nécessité de renforcer l’assainissement du cadre macroéconomique et d’approfondir le processus d’intégration se pose dès lors avec acuité. Outre l’ajustement de la parité du franc CFA, les économies de la région décident de la création d’un espace économique unifié : la CEMAC. L’Union économique est conçue comme un complément de l’union monétaire et l’intégration est renforcée par de nouvelles formes de coopération commerciale (création d’un marché commun) et économique (coordination et surveillance des politiques macroéconomiques). Sur ce dernier point, les pays prennent conscience de l’importance de la

3 L’ancrage au franc français évolue lors du passage à la monnaie unique européenne en 1999 et actuellement la parité est fixe avec l’euro.

coordination des politiques fiscales qui s’est révélée une des causes de la crise. La politique économique au sein de la CEMAC est largement déterminée par l’engagement de parité fixe et par les mécanismes institutionnels visant notamment à encadrer strictement le financement direct des déficits budgétaires par la BEAC. La nécessité d’un renforcement de la coordination se pose donc afin d’assurer la compatibilité entre le maintien de politiques économiques décentralisées et les exigences nées de la politique monétaire commune.

En 1999, le Pacte de convergence et de stabilité, fixant des critères de convergence budgétaire qui doivent permettre de mieux assurer la compatibilité des politiques budgétaires avec les objectifs monétaires de l’Union, est adopté. Il s’apparente à la logique économique et à l’architecture du dispositif de Maastrich et du Pacte de stabilité et de croissance européen. Il vise principalement la maîtrise des finances publiques des pays membres et la convergence de leurs politiques budgétaires. A cet effet, est créée la Commission de la CEMAC, organe supranational chargé de la surveillance multilatérale des politiques macroéconomiques au sein de la zone. Des sanctions sont prévues en cas de non-respect des critères mais celles-ci restent exceptionnelles et prennent plutôt la forme de recommandations et/ou de négociations au cas par cas.

Situation économique et financière récente

L’analyse des performances récentes de la CEMAC montre que la zone connait une réelle dynamique de croissance depuis le début des années 1990, mais que celle-ci est inégale et repose sur des bases fragiles. Selon les données de la Banque mondiale, le Cameroun réalise ainsi la moitié du produit intérieur de la zone et le produit intérieur brut (PIB) par habitant recouvre de fortes disparités dans la région (24 035 US$ en Guinée Equatoriale contre 482 US$ en Centrafrique en 2012).

L’évolution du PIB réel de la CEMAC depuis 1960, montre trois grandes phases distinctes : une phase de progression linéaire entre 1960 et 1983, une phase de stagnation entre 1984 et 1995 et une phase de forte progression depuis 1995. Ces performances sont liées notamment à la découverte et à la mise en exploitation de gisements de matières premières, notamment pétroliers4, dans la plupart des pays de la zone. Ainsi le Congo a connu une croissance exceptionnelle sur la décennie 1985-1994 et la

4 L’année 1984 est notamment marquée au niveau international par le contre choc pétrolier et ses conséquences en terme d’endettement externe.

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Guinée Equatoriale à partir de 1997 (exploitation de sa production pétrolière).

Les économies sont faiblement diversifiées car plusieurs pays de la zone n’exportent quasiment que leur production pétrolière. En 2006 celle-ci représentait 91 % des exportations de la Guinée Equatoriale, 84 % de celles du Tchad, 83 % du Gabon, 82 % du Congo et 48% du Cameroun. Le secteur industriel reste relativement faible ne représentant que 11% du PIB si on exclut le secteur pétrolier. La croissance des pays est entièrement dépendante des cours des matières premières et reste donc volatile. Une analyse des sources de la croissance (CEMAC, 2013) montre la vulnérabilité de celle-ci, les performances économiques provenant d’une accumulation de facteurs de production (capital et main d’œuvre) et non d’une augmentation de la productivité.

La CEMAC a une croissance économique forte qui a peu d’impact sur la pauvreté et les indicateurs sociaux. Ainsi, avec un rang de plus en plus favorable en termes de PIB par habitant, les pays affichent un IDH très faible (entre 0,3 et 0,6) et qui a peu progressé durant ces dernières décennies excepté pour la Guinée Equatoriale. Ceci résulte d’abord du niveau de croissance qui reste inférieur au taux de référence moyen de 7 % nécessaire pour réduire la pauvreté de moitié d’ici 2015 (Objectifs du Millénaire pour le Développement 2015, PNUD), surtout avec un taux d’accroissement démographique qui demeure assez élevé (situé entre 1,5 % et 3,5 %).

L’intégration dans la CEMAC est peu avancée. Le commerce intracommunautaire constitue une part infime du commerce total des Etats membres de la CEMAC (moins de 2 %). La création de l’union douanière a conduit à une simplification et à un abaissement significatif des droits de douane sur les produits importés au niveau de la sous-région et à la mise en place d’un tarif extérieur commun (TEC). Ceci n’a cependant pas permis de modifier la totale extraversion des économies ; la part relative du commerce intra-communautaire a même diminué entre le milieu des années 1990 et 2005, période de mise en place de l’union douanière. L’application des TEC par les Etats membres reste imparfaite en raison des changements introduits dans les tarifs douaniers à leur initiative individuelle (FERDI, 2012). La persistance d’obstacles formels restreint la mobilité de la main d’œuvre d’un pays à l’autre et explique l’absence d’intégration du marché du travail. Enfin, les mouvements de capitaux entre les pays de la CEMAC sont limités, mais devraient se renforcer avec la création de nouveaux instruments financiers, l’harmonisation des réglementations bancaires et l’internationalisation des systèmes bancaires.

Les économies de la CEMAC demeurent peu compétitives. Elles se positionnent en queue de peloton sur les principaux indices mesurant la compétitivité globale (cf. l’indice du World Economic Forum5) ou la qualité de l’environnement des affaires (cf. le classement Doing Business de la Banque Mondiale6). Par ailleurs, le coût des facteurs y est particulièrement élevé. Ceci se traduit par un flux d’investissements directs étrangers très faible et par le risque d’un cercle vicieux du « syndrome hollandais ».

Ainsi l’intégration reste un enjeu majeur des économies de la CEMAC comme moyen de donner la taille critique requise à plusieurs investissements qui ne peuvent être rentabilisés sur des marchés nationaux trop étroits. D’où la tendance vers le renforcement de cette intégration et la convergence des économies de la région et qui sont perçus comme des facteurs de performance macroéconomique, de stabilisation de la paix et de la sécurité mais également comme un moyen d’éviter la marginalisation dans une économie mondiale globalisée.

Le processus de convergence en zone CEMAC Afin de tirer toutes les conséquences de l’union économique et monétaire et de l’ancrage à l’euro, la CEMAC s’est dotée à partir de 1994 de mécanismes de surveillance multilatérale. Les Etats membres sont alors tenus à la réalisation d’objectifs de convergence portant sur la politique économique et budgétaire. Les critères de convergence doivent permettre non seulement de promouvoir les pratiques de bonne gouvernance en matière de gestion financière mais également faciliter l’intégration économique régionale.

Présentation du dispositif de surveillance multilatérale

Les États membres de la CEMAC ont instauré un système de surveillance multilatérale visant à accentuer le processus d’intégration régionale. Il s’est accompagné d’un suivi collégial des politiques macroéconomiques, assuré par le Conseil des ministres. En vertu du titre III de la Convention régissant l’Union économique de l’Afrique centrale (UEAC) de 1994, ratifiée en 1999, ce suivi a été transféré au secrétariat exécutif de la CEMAC en 2001, transformé en Commission de la CEMAC depuis 2007. La directive du 3 août 2001 a fixé les 5 Seuls le Cameroun et le Tchad sont inclus dans le classement : le Cameroun occupe le 115ème rang et le Tchad se classe dernier (144ème). 6 Le Tchad et le Centrafrique sont les deux derniers du classement.

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critères et les indicateurs macroéconomiques de convergence, qui sont identiques aux critères de premier rang de l’UEMOA.

Quatre critères de 1er rang ont été définis par le Pacte de convergence : trois critères de finances publiques (le solde budgétaire de base, l’encours de la dette publique et l’accumulation des arriérés) et le critère de l’inflation. Ils sont complétés en zone

CEMAC par des indicateurs de second rang : le taux de couverture extérieure de la monnaie, la masse salariale, les investissements financés sur ressources intérieures, le taux de pression fiscale, le solde extérieur commun. Il faut noter qu’en zone CEMAC, il n’existe pas de hiérarchie parmi les critères, comme dans l’UEMOA.

Tableau 1 : Critères de convergence de la zone CEMAC

Afin de renforcer la coordination du processus de convergence dans les deux sous-zones, il a été institué en septembre 1999 un Comité de convergence de la Zone franc, instance technique de coordination entre les institutions de l’UEMOA, de la CEMAC, des Comores et de la France. Ce Comité poursuit un double objectif : (i) en tant qu’instance de concertation, il est chargé de préparer un rapport aux ministres des Finances de la Zone franc sur toute question relative à l’organisation de la convergence dès lors qu’elle présente un intérêt pour l’ensemble des pays africains membres de l’une des deux unions monétaires ; (ii) il est également chargé d’informer les ministres des finances de la Zone franc des résultats de la surveillance multilatérale dans chaque zone, de l’évolution récente de la convergence et des programmes mis en œuvre pour s’y conformer au regard notamment de la préservation des mécanismes de la Zone franc.

Les critères de convergence ainsi définis doivent être respectés par les États de la CEMAC à un horizon initialement fixé au 31 décembre 2007 puis reporté, hormis le critère d’inflation qui est d’application immédiate. En cas de non-respect des critères, le dispositif prévoit l’adoption d’une directive à l’adresse de l’État concerné. Chaque État destinataire d’une directive doit élaborer en concertation avec la Commission de la CEMAC un programme pluriannuel d’ajustement, susceptible

de le conduire au respect des critères de convergence. Le non-respect du programme ainsi défini peut donner lieu à des sanctions7.

Etat des lieux de la surveillance multilatérale

En tant qu’élément d’appui à la stabilisation budgétaire et à la prévention des risques d’illiquidité et d’insolvabilité, le dispositif de surveillance multilatérale de la CEMAC joue un rôle de premier plan dans l’instauration d’une discipline monétaire et dans le mouvement de convergence économique au sein de cette zone.

Le bilan de la surveillance multilatérale relevant pour l’essentiel de la convergence nominale, il s’apprécie selon l’évolution des critères imposés. Le dispositif sera évalué ici uniquement au regard des critères de 1er rang pour des raisons de disponibilité des données et parce que les sanctions actuellement applicables concernent exclusivement ces indicateurs.

Suivi des critères et indicateurs

Les tableaux ci-dessous retracent l’évolution des critères depuis la mise en place du dispositif de surveillance multilatérale.

7 En pratique aucune sanction n’a pour l’instant été mise en œuvre lorsqu’un pays ne respecte pas le dispositif de surveillance multilatérale.

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On observe, malgré une fluctuation des tendances, des progrès notables dans le respect des indicateurs de 1er rang, notamment le taux d’endettement public

(voir en annexe pour l’ensemble des données compilées).

Graphique 1 : Evolution des critères de convergence, CEMAC

Source : rapports semestriels du Comité de convergence.

En outre, au regard du taux de réalisation global des critères de 1er rang, on observe une tendance continue à la hausse de cet indicateur depuis 2001,

confortant le bilan positif de la mise en place du dispositif de surveillance.

Graphique 2 : Taux* de réalisation global des critères de 1er rang, CEMAC

Source : calculs propres à partir des données de la BEAC. * Taux calculé à partir du nombre de pays ayant respecté les critères.

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Eléments du dispositif de surveillance à renforcer

Malgré les résultats encourageants au vu du suivi des critères de 1er rang, la politique de surveillance multilatérale en zone CEMAC n’a pas été pleinement effective et le dispositif a subi d’importantes inflexions et a enregistré des changements et des retards importants dans l’élaboration des programmes triennaux de convergence économique des différents états membres (CEMAC 2004, 2005; Banque de France, 2009).

Certains éléments du dispositif de surveillance nécessitent aujourd’hui un renforcement eu égard aux faiblesses enregistrées. En effet, la crédibilité du dispositif est affectée d’une part par la remise en question du choix des indicateurs fixés et d’autre part par l’efficacité relative du dispositif de suivi, de contrôle et de sanction.

Amélioration de la fiabilité des instruments d’appréciation

Parmi les critiques formulées dans la littérature, on retrouve régulièrement l’argument du caractère absolu des seuils et on souligne que les plafonds fixés ont été arrêtés de manière parfois arbitraire (Fouda Owoundi, 2009; Gupta, Powell et Yang, 2005).

Concernant le solde budgétaire, de nombreux efforts ont été réalisés. L’objectif final étant d’apprécier sa stabilité, la prise en compte du solde budgétaire de base plutôt que du solde primaire atteste de cet effort. Il en est de même pour la prise en compte des recettes pétrolières, bien que cet indicateur ne puisse pas être comparé avec l’UEMOA.

Toutefois des améliorations peuvent encore être envisagées pour ce critère, notamment afin de mieux prendre en compte les différents objectifs de la politique budgétaire (convergence, régulation face aux chocs asymétriques, lutte contre la pauvreté). En effet, la fréquence et l’ampleur des fluctuations cycliques et l’action contra-cyclique n’ont pas été bien pris en compte dans le dispositif (Fouda Owoundi, 2009). Le strict respect du critère de solde budgétaire de base peut engendrer le ralentissement de l’action stabilisatrice des politiques de relance et renforcer l’effet pro-cyclique du Pacte dans la zone. Il se révèle alors contre-productif. Toutefois, dans les pays de la CEMAC, l’effet multiplicateur reste faible et les dépenses sont généralement pro-cycliques. Par ailleurs, certaines initiatives en matière de développement à travers l’élaboration des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté et la réalisation des OMD conduisent les pays de la CEMAC à adopter un positionnement dont la

nature peut entrer en conflit avec la logique de leur dispositif de surveillance. Ces initiatives tendent à modifier l’orientation générale du Pacte car ils plébiscitent une forme de convergence structurelle au détriment d’une convergence nominale. Le respect des critères de convergence (notamment budgétaires) pourrait ainsi remettre en cause les programmes pluriannuels de développement et ne pas concourir au renforcement de la convergence réelle dont la CEMAC a besoin en raison du caractère non optimal de la zone monétaire (AFD, 2004).

Afin de mieux prendre en compte ces différents objectifs, l’étude de la FERDI propose de conserver un indicateur simple et unique mais n’excluant pas la possibilité de financer une part des investissements par des emprunts sur le marché local et incitant les Etats à pratiquer une politique contra-cyclique (ce dernier argument est surtout développé pour le cas de l’UEMOA). L’étude souligne que le critère du solde budgétaire exclut les investissements publics financés sur recettes extérieures encourageant les Etats à recourir aux financements extérieurs. Ceci est également en contradiction avec l’objectif de favoriser le développement du marché financier régional et le taux d’investissement public. L’étude propose donc de remplacer le solde budgétaire de base par le solde courant ou bien d’exclure du critère les investissements financés sur ressources internes et les contributions aux fonds régionaux. Le solde primaire est déplacé comme critère de second rang.

N’kodia (2011) et Cohen (2002) proposent quant à eux un ciblage du solde budgétaire de base corrigé des variables conjoncturelles rendant ainsi tout ajustement macroéconomique indépendant de l’évolution de la conjoncture ou du moins tenant compte des stabilisateurs automatiques. Pour cela il faut évaluer la composante conjoncturelle et déterminer l’output-gap c'est-à-dire la différence entre le PIB effectif et le PIB potentiel. Cette proposition si elle est intéressante pose cependant le problème de la production et du suivi de cet indicateur potentiel.

Pour le critère de l’endettement public, l’étude de la FERDI pointe les incohérences entre les cibles de solde budgétaire et de dette publique, la cible de dette étant jugée trop élevée au vu des analyses sur la soutenabilité de la dette à long terme. Ceci peut être expliqué par le fait que la détermination du seuil de référence s’est faite en période de surendettement. Par ailleurs l’indicateur d’endettement ne renseigne pas véritablement sur le caractère soutenable de la dette (Plane et Tanimoune, 2005), la référence à la limite de 70 % ne constituant pas une garantie contre les problèmes d’insolvabilité et d’illiquidité. En effet, le risque de

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voir les Etats se ré-endetter de manière progressive sans être inquiétés s’accroît dangereusement. Une modification de ce calibrage ou un indicateur de la dynamique de l’endettement pourrait ainsi être envisagée.

Concernant le critère des arriérés de paiements, l’objectif d’une résorption en fonction de leur montant semblerait plus pertinent que l’absence d’accumulation dans la période courante. Elle souligne également la nécessité de remonter l’information pour ce critère (Avom, 2007 ; N’Kodia, 2011).

Enfin pour le plafond d’inflation, de nombreuses études s’interrogent sur le seuil de 3% dont la définition numérique semble trop basse (Avom, 2007; Nkodia et Sarr, 2007; Plane et Tanimoune, 2005). Ce seuil peut en effet induire des coûts potentiels en termes d’activité économique et d’emploi, et conduire vraisemblablement à une exposition au risque déflationniste. L’étude de la FERDI propose de déplacer ce critère au second rang expliquant que ce déplacement ne modifierait pas l’objectif de stabilité monétaire des banques centrales régionales. Cette proposition peut également être justifiée par le fait qu’historiquement l’inflation n’a jamais constitué une menace pour les pays membres de la CEMAC et qu’elle est essentiellement importée.

Amélioration de l’efficacité du dispositif de contrôle et de sanction

Les faiblesses du dispositif de contrôle et de sanction se situent à différents niveaux. On peut retenir par exemple les retards pris dans la mise en place des mesures de surveillance8 (horizon 2004, puis 2007, puis 2013) et le report de la décision de supprimer les avances consenties aux trésors nationaux9. Par ailleurs, Avom (2007) souligne la difficulté d’imposer des sanctions. En effet, lorsqu’un Etat n’a pas pu élaborer un programme d’ajustement à la suite du non-respect des critères, il s’expose plutôt à des effets de réputation plutôt que de véritables sanctions (le Conseil des ministres publie un communiqué sur la situation de l’Etat membre dont le programme d’ajustement n’a pas été reconnu conforme). Il faut enfin souligner que le Conseil des ministres peut exempter un Etat du respect de tout ou partie des critères de surveillance

8 Il avait été prévu que le respect de l’ensemble des critères de 1er rang, à l’exception de celui relatif au taux d’inflation, qui était d’application immédiate, devait être obtenu à l’horizon 2007. Cette échéance a plusieurs fois été reportée. Retards également dans la transmission du programme triennal de convergence. 9 La décision de supprimer les avances consenties aux trésors nationaux par les banques centrales sous-régionales est devenue effective en UEMOA mais a été reportée à une date à déterminer en zone CEMAC.

multilatérale en cas de difficultés liées à des évènements exceptionnels, mais ces situations ne sont pas clairement définies.

L’étude de la FERDI souligne en outre que c’est par un travail d’analyse objectif et de persuasion que la surveillance multilatérale des budgets (surveillance par les pairs) pourra devenir réalité. Un préalable à l’effectivité des sanctions passe ainsi par la régularité et la fiabilité des données budgétaires transmises à la Commission. Les pays nécessitent pour cela d’améliorer la comptabilisation de leurs opérations budgétaires et les Commissions doivent disposer d’un pouvoir d’investigation sur la construction des données transmises par les autorités nationales. On peut noter, par exemple, que les diagnostics établis et les décisions prises annuellement par le Conseil des ministres de la Zone franc se font à partir de données généralement estimées qui font par la suite objet de révisions parfois conséquentes. L’assurance de la fiabilité et de la qualité des données compilées, qui feront par la suite l’objet de rapports de convergence, doit donc être renforcée.

Mesure de la convergence en CEMAC Au cours de la décennie quatre-vingt-dix la CEMAC s’est dotée d’un dispositif de surveillance multilatérale visant à réaliser des objectifs de convergence nécessaires au bon fonctionnement de l’union économique et monétaire. Outre le respect des critères imposés par le Pacte de convergence et de stabilité, la question est dès lors de savoir si ce dispositif encourage la convergence économique des pays de la zone.

Méthode d’analyse et indicateurs de convergence

La convergence économique peut être définie comme la diminution des écarts entre des ensembles d’indicateurs relatifs à plusieurs pays (Nguyen, 1996). Elle peut revêtir plusieurs formes dont les principales sont : la convergence nominale, la convergence réelle et la convergence structurelle. La convergence nominale est définie comme étant le processus de rapprochement dans le temps des variables nominales indicatives de la stabilité macroéconomique (Martin et Velasquez, 2001) : les taux d’inflation, les ratios de dette ou de déficit publics par rapport au produit intérieur brut, les taux d’intérêt, etc. Il y a également une convergence nominale lorsque ces variables tendent vers une valeur de référence. La convergence réelle est la relative amélioration des niveaux de vie au sein d’un groupe de pays. Elle y établit une homogénéisation des conditions de vie qui entraîne

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une cohésion économique et sociale. De manière pratique, elle se traduit par la réduction de la dispersion des niveaux de revenu par tête de ces pays au cours du temps. La notion de convergence structurelle est moins rigoureusement définie, et fait référence à la convergence des niveaux de vie, des niveaux de productivité et des structures économiques.

Dans le cadre d’une union économique et monétaire telle que la CEMAC, il est d’abord fait référence à une convergence nominale (une convergence au regard des critères portant sur les performances macroéconomiques : critères de 1er et de 2ème rang). Actuellement une réflexion est également engagée au niveau du Comité de convergence de la Zone franc afin d’intégrer de nouveaux critères en rapport avec la convergence réelle des économies.

Il convient généralement de mesurer la convergence à deux niveaux. D’une part, il s’agit de savoir si une économie tend vers une valeur de référence ou un état stationnaire. C’est la béta-convergence. Il y a convergence s’il existe un mécanisme de correction des écarts par rapport à la valeur de référence. Dans le cas de la surveillance multilatérale, il s’agit de vérifier si l’indicateur considéré converge vers la norme fixée (le critère de convergence correspond à la norme communautaire définie par le Pacte) qui représente l’équilibre. D’autre part, il convient de préciser si les économies d’une zone convergent entre elles. C’est la sigma-convergence. Elle mesure le degré de rapprochement dans le temps entre plusieurs économies. Son analyse repose sur l’étude de l’évolution temporelle de la dispersion des séries d’indicateurs (nominaux ou réels) considérés. Une mesure classique consiste à calculer la variance ou l’écart-type de la série ; si l’indicateur de dispersion diminue, cela signifie que les pays se rapprochent. Toutefois cette convergence peut revêtir un caractère dit « pervers ». Par exemple, les économies des pays les plus riches convergent vers les plus pauvres. D’où la nécessité de coupler les deux mesures de convergence.

Deux principales publications traitent de la convergence dans les pays de la CEMAC.

L’étude de Fouda Owoundi (2009) analyse la sigma-convergence associée à la réalisation d’un critère c, à l’année t, pour les n pays i à travers l’écart type :

(1)

Avec = moyenne annuelle des réalisations des pays10.

A partir des calculs de sigma-convergence, un test de Wilconson (test non paramétrique de rang unilatéral) est réalisé afin de savoir s’il y a ou non un resserrement des écarts par rapport à l’état normatif défini par les critères de convergence. Il consiste en fait à tester la significativité de la différence des rangs entre deux sous périodes (avant union économique, après).

L’étude intègre quatre critères pour la période 1987-2006 : les soldes budgétaires (primaire et de base), le taux d’inflation et le taux de couverture extérieure de la monnaie.

Les résultats montrent une évolution mitigée. Les courbes sur l’évolution de la dispersion des soldes budgétaires fluctuent fortement. Elles ont cependant tendance à se stabiliser à partir de l’année 2000 (stabilisation progressive de l’indicateur de convergence des politiques budgétaires depuis 2000). Les fluctuations de la dispersion du taux d’inflation et du taux de couverture extérieure de la monnaie ont une amplitude beaucoup plus faible. Cependant cette tendance existe avant la mise en place du Pacte de convergence et de stabilité et s’explique donc davantage par les mécanismes qui encadrent la création monétaire dans la zone CEMAC.

L’étude de N’Kodia (2011) évalue la sigma-convergence portant sur les valeurs ciblées par le dispositif de surveillance sur la période 1989-2009. Il intègre trois critères de premier rang (solde budgétaire de base, taux d’inflation et taux d’endettement) et trois indicateurs de second rang (solde primaire, taux d’investissement, taux de croissance). L’indicateur de dispersion choisi est la variance en coupe transversale calculé comme suit :

(2)

La moyenne est pondérée par le PIB de chaque pays pour tenir compte de son poids économique .

La décroissance dans le temps met en évidence une tendance au rapprochement vers la moyenne sans garantir son caractère significatif. Ainsi, le test portant sur l’hypothèse de convergence de Carree et Klomp (1997) est réalisé. Il permet d’apprécier la

10 La moyenne annuelle tient mieux compte du fait que les structures économiques des pays ne sont pas identiques. On peut également considérer la meilleure performance des réalisations dans l’année, ou encore la norme fixée dans le cadre de la surveillance multilatérale.

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significativité d’un tel processus en comparant la valeur de la variance de début et de fin de période.

Les résultats attestent d’un processus de convergence mais ce mouvement est caractérisé par son irrégularité et sa discontinuité faisant ainsi apparaître des épisodes de divergence ou de convergence sur la période d’estimation. La tendance à la convergence est plus affirmée pour les taux d’inflation et d’endettement que pour le solde budgétaire. Après 2000, deux facteurs ont affecté le mouvement de convergence en zone CEMAC : d’une part l’appréciation du prix du pétrole, permettant aux pays de desserrer la contrainte budgétaire et d’autre part les décalages conjoncturels (chocs asymétriques) qui ont affecté les mouvements de convergence notamment des dépenses et des recettes publiques.

Dans notre étude il s’agit d’approfondir ces résultats en mesurant à la fois la sigma convergence et la beta convergence pour les critères nominaux ainsi que pour les critères réels du dispositif de surveillance multilatérale. La période couverte s’étend de 1990 à 2012, période pour laquelle les données sont disponibles : de 1990 à 2001 la Banque des Etats d’Afrique Centrale (BEAC) publie les statistiques sur les critères nominaux ; à partir de la mise en place du Pacte de convergence et de stabilité c’est la Commission de la CEMAC qui prend le relais (2001-2012).

L’indicateur de dispersion retenu pour mesurer la sigma-convergence est l’écart type (équation 1), qui permet de mesurer le degré de rapprochement dans le temps entre les six économies de la CEMAC. Pour la béta-convergence qui mesure le processus d’ajustement dans le temps des économies au regard d’une valeur de référence (norme communautaire) la formule suivante est utilisée :

= *( (3)

Il y a convergence s’il existe un mécanisme de correction des écarts par rapport à la valeur de référence c'est-à-dire si est négatif et statistiquement significatif.

Convergence nominale en CEMAC

Pour étudier l’état de la convergence nominale en zone CEMAC, trois des quatre critères nominaux du dispositif de surveillance multilatérale sont retenus à savoir le taux d’inflation, le taux d’endettement public et le solde budgétaire de base. Le critère sur les arriérés de paiement ainsi que les critères de second rang sont omis compte tenu de l’insuffisance d’information.

Pour chacun de ces critères, la sigma-convergence sur l’ensemble des pays de la zone est calculée afin de vérifier l’état de rapprochement des économies de la CEMAC. Par ailleurs, pour chaque pays, la béta-convergence a été calculée sur chacun des trois critères (équation 3).

Graphique 3 : Sigma-convergence des critères nominaux en CEMAC

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Tableau 2 : Sigma-convergence appliquée aux indicateurs nominaux

Sigma-convergence 1990 2001* 2012

Inflation 3,71 4,47 1,62

Solde budgétaire de base 2,11 6,64 3,80

Taux d’endettement public 55,64 68,69 7,24

En ce qui concerne l’inflation et le taux d’endettement public, on constate une tendance à la diminution de la dispersion entre les économies de la CEMAC (graphique 3). Pour le solde budgétaire

de base, les résultats n’attestent pas d’une amélioration de la convergence sur l’ensemble de la période même si on peut noter une tendance à la baisse depuis 2010.

Tableau 3 : Calculs des beta-convergence appliquée aux indicateurs nominaux

BETA Solde budgétaire de base

Taux d’inflation Taux d’endettement public

Cameroun -0,22

(-1.59)* -1,02

(-4.33)** -0,17

(-1.35)

République Centrafricaine -0,21

(-1.52)* -0,69

(-3.26)** -0,15

(-0.97)

Congo -0,23

(-1.63)* -0,86

(-3.90)** -0,08

(-0.98)

Gabon -0,46

(-2.46)** -1,03

(-4.53)** -0,14

(-1.05)

Guinée Equatoriale -0,24

(-1.68)* -0,81

(-3.71)** -0,10

(-1.04)

Tchad -0,49

(-2.52)** -1,07

(-4.87)** -0,30

(-1.82)*

**significatif à 5%, * significatif à 10%, les autres sont significatifs entre 20 et 30%. [1990–2012]. La série des taux d’inflation est stationnaire ; les 2 autres séries sont intégrées d’ordre 1 (cf. Annexe).

Au niveau de la béta-convergence, on observe que pour le critère de l’inflation, les pays de la zone CEMAC convergent vers la norme communautaire. Pour les deux autres critères les coefficients sont également négatifs mais les seuils de significativité sont moins satisfaisants, notamment pour l’endettement public.

Ainsi les résultats ci-dessus attestent d’une relative tendance à la convergence des économies de la

CEMAC en ce qui concerne les critères du dispositif de surveillance multilatérale.

Convergence réelle en CEMAC

La convergence réelle des économies est généralement appréciée à partir de la convergence des niveaux de vie. On utilisera ici deux mesures du niveau de vie à travers le Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant et le Revenu National Brut (RNB) par habitant.

Tableau 4 : Sigma-convergence appliquée aux indicateurs réels

Sigma-convergence 1990 2001* 2012

PIB/habitant 2326 1588 9367

RNB/habitant 2077 1181 6102

*Date de mise en place du dispositif de surveillance multilatérale.

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Graphique 4 : Sigma-convergence des niveaux de vie en CEMAC

Les résultats concernant la convergence réelle indiquent une amélioration de la situation au cours de la décennie quatre-vingt-dix mais à partir des années deux-mille la tendance s’inverse et les pays de la CEMAC divergent fortement.

Ainsi, l’ensemble des résultats montre que la mise en place du Pacte de convergence et de stabilité en zone CEMAC a engendré des résultats significatifs au niveau des critères budgétaires participant à l’assainissement des finances publiques mais n’a pas d’impact en terme réel sur la convergence des économies.

Conclusion L’objectif de cet article était d’évaluer la contribution du dispositif de surveillance multilatérale de la CEMAC sur la convergence des économies. Dans un premier temps l’état des lieux du dispositif et le suivi des indicateurs de convergence ont montré des progrès notables dans

le respect des critères de premier rang, notamment au niveau de l’endettement public. Le dispositif doit cependant être encore renforcé principalement au niveau de la crédibilité de l’autorité qui gère les seuils des indicateurs fixés et des processus de contrôle et de sanctions. Dans un second temps la mesure des beta-convergence et des sigma-convergence a attesté d’une tendance à la convergence en ce qui concerne les indicateurs de finances publiques (inflation, solde budgétaire de base et taux d’endettement public) et à la divergence tendancielle au niveau réel depuis les années 2000 (date de mise en place du dispositif). Le niveau du revenu par tête semble donc actuellement peu lié aux mesures de politiques économiques prises dans ces pays.

Ainsi le dispositif de surveillance multilatérale du Pacte de convergence et de stabilité des pays de la CEMAC participe à l’assainissement des finances publiques et à la coordination des politiques macroéconomiques mais n’a pas d’influence sur la convergence réelle des économies de la zone.

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Annexes

CRITERES DE CONVERGENCE 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012

Taux d'inflation CEMAC 4,4 3 1,3 0,5 2,9 5,2 1,6 5,9 4,3 1,5 2,7 3,7 Cameroun 4,5 2,8 0,6 0,4 1,3 5,1 1,1 5,3 3 1,3 2,9 3 République centrafricaine 3,8 2,3 4,2 -2,2 2,1 6,6 1 9,3 3,5 1,5 1,2 5 Congo 0,4 3,8 -1,3 3,6 2,3 4,7 2,5 5,3 4,4 0,7 1,9 3,7 Gabon 2,1 0,2 2,3 0,4 0,4 4 4,8 5,3 1,9 1,5 1,2 2,5 Guinée Equatoriale 8,8 7,6 7,3 4,2 5,9 5 5,5 6 6 5 4,8 4 Tchad 12,4 5,2 -1,8 -5,4 8,4 8,1 -9 8,3 10 -2,1 2 7 Nbre de pays qui respectent le critère 2 3 4 4 4 0 4 0 2 5 5 3

Solde budgétaire de base CEMAC 2,9 2,1 4,4 4,7 7,3 11,1 9,2 12 -0,5 2,3 5,6 4,8 Cameroun 2,4 3,7 4 2,5 3 5,7 5,3 4,7 -0,2 -0,4 0,5 2,2 République centrafricaine -0,8 -0,5 -3,3 -3,4 -1,1 -1,1 -0,7 -1,8 -0,3 -1,3 -2 -0,4 Congo -0,7 -7,2 1 5,2 17,7 17,8 10,1 27,2 5,6 19,3 20,3 7,1 Gabon 4,2 2,6 7,5 8 10,5 10,2 9,5 12,5 8,5 3,6 8,6 7,3 Guinée Equatoriale 15,8 12,9 13 11,7 11,1 25,7 20,9 17,6 -8,7 -4,3 1 7,6

Tchad -2,2 -3,3 -2 1,4 0,7 3,8 3,8 5 -

10,1 -2,6 4,2 0 Nbre de pays qui respectent le critère 3 3 4 5 5 5 5 5 2 2 5 5

Taux d'endettement public CEMAC 75,9 81,7 71,2 61,9 48,1 32,4 32,3 21,3 22 13,9 14,2 15 Cameroun 61,9 70 51,9 59,4 53,1 20,2 16,9 18,5 17,2 11,8 15,6 15,4 République centrafricaine 74,4 94,6 101,7 103,9 84,5 90,9 85,6 69,7 36 24,1 20,3 18,3 Congo 208,5 210,8 213,2 156,9 110,8 89,3 107,5 61,7 59 19,8 18,1 22,9 Gabon 61,8 70,1 63,7 53,3 40,7 31,9 32,8 11,9 13,9 13 10,9 9,9 Guinée Equatoriale 7,5 6,1 6,6 4,2 2,6 1,9 1,5 0,8 5,6 5,2 5,7 7,4 Tchad 45,3 50,7 49,9 37,7 30,1 27,1 27,7 23,7 27,6 24,4 25,2 26 Nbre de pays qui respectent le critère 4 4 4 4 4 4 4 6 6 6 6 6

Arriérés de paiement (intérieurs et extérieurs) CEMAC 264,3 495,4 340 76 10 72,1 16,6 39,2 nc nc 24,8 nc Cameroun 0 0 0 15,3 0 0 0 0 nc nc 0 0 République centrafricaine 16,7 26,4 23,3 22,5 4,4 24,5 6 30,9 nc nc 6,3 nc Congo 178,1 211,3 171,2 33,1 nd 28 3,4 8,3 nc nc 10 nc Gabon 61,3 246,9 143,7 1,4 0 0 0 0 0 0 5 0 Guinée Equatoriale 5,2 4,5 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 Tchad 2,9 6,4 1,8 3,6 5,7 19,6 7,1 0 nc nc 3,5 0 Nbre de pays qui respectent le critère 1 1 2 1 3 3 3 4 2 2 2 4 Taux de réalisation des critères 41,667 45,833 58,333 58,333 66,667 50 66,667 62,5 50 62,5 75 75

Tests Dickey Fuller Augmenté (ADF)

t proba stationnarité Taux d'inflation Cameroun -4,33 0,003 ok Rep. Cent. -3,53 0,017 ok Congo -7,23 0,00 ordre 1 Gabon -4,53 0,021 ok Guinée E. -7,29 0,000 ok Tchad -4,87 0,001 ok Solde budgétaire de base Cameroun -8,83 0,000 ordre 1 Rep. Cent. -6,35 0,000 ordre 1 Congo -7,63 0,000 ordre 1 Gabon -6,13 0,000 ordre 1 Guinée E. -4,69 0,001 ordre 1 Tchad -5,49 0,001 ordre 1 Taux d'endettement public Cameroun -8,99 0,000 ordre 1 Rep. Cent. -5,45 0,001 ordre 1 Congo -4,51 0,002 ordre 1 Gabon -10,08 0,000 ordre 1 Guinée E. -8,33 0,000 ordre 1 Tchad -5,75 0,000 ordre 1

_____________________ 1 Moussa Kabore, Expert statisticien, Ministère de l’Agriculture et de la Sécurité Alimentaire, Directeur Technique National du Recensement Général de l’Agriculture 2006-2010 (Burkina Faso), [email protected] ; Dramane Bako, Ingénieur statisticien économiste, Premier Ministère/ Millennium Challenge Account (Burkina Faso), [email protected] ; Richard Guissou, Ingénieur statisticien, Ministère de l’Agriculture et de l’hydraulique (Burkina Faso), [email protected].

Méthodologie d’enquête statistique par sondage probabiliste sur la

pêche : cas du Burkina Faso M. Kabore,

D. Bako, R. Guissou 1

Bien que l’activité de pêche ne constitue pas un secteur d’activité majeur au Burkina Faso, elle ne peut pas être négligée et il est donc nécessaire d’en évaluer l’importance et la production. Une revue des méthodes utilisées en Afrique de l’Ouest pour évaluer la pêche artisanale continentale montre que l’on y rencontre surtout des estimations à partir d’échantillons raisonnés restreints ou bien des évaluations grossières basées sur les connaissances d’experts, ce qui entraîne un déficit de qualité des indicateurs de ce secteur d’activité en comparaison des autres secteurs. Pour remédier à cette situation, le Burkina a fait un effort particulier dans le cadre du Recensement Général de l’Agriculture de 2006-2010. Il a développé une méthode et a réalisé sa première enquête cadre d’envergure nationale sur la pêche artisanale complétée par une enquête de suivi pour prendre en compte la dynamique de l’activité et de la production au cours des saisons. Il a fallu également tenir compte des contraintes budgétaires et de la nature très dispersée de l’activité, puisqu’elle est répartie dans tout le pays. La méthodologie développée ainsi que le dispositif mis en place peuvent être considérés comme les premières expériences du genre menées dans le pays pour ce secteur d’activité économique. L’opération a permis d’obtenir une estimation de production nationale totale de 10 489 tonnes de poisson, autour de laquelle des intervalles de confiance sont définissables selon différentes hypothèses. Des indicateurs de comptes économiques sont également produits à partir des données collectées.

Introduction

La pêche artisanale constitue l’une des activités non agricoles génératrices de revenu chez les ménages au Burkina Faso. Elle est assez peu pratiquée mais existe dans toutes les régions du pays. Les résultats du Recensement Général de l’Agriculture de 2006-2010 montrent que plus de 2,1 % des ménages agricoles au niveau national ont au moins un membre pratiquant l’activité de pêche en tant qu’occasionnel ou professionnel (phase de dénombre intégral, décembre 2006). Elle est donc un maillon non négligeable dans la lutte contre la

pauvreté rurale. La complexité de l’activité impose plusieurs défis méthodologiques dans la collecte des données.

L’objectif du présent travail est de décrire la méthodologie utilisée pour l’enquête cadre et l’enquête de suivi de la pêche artisanale au Burkina en vue de contribuer à l’amélioration des méthodes d’enquête sur la pêche artisanale dans la sous région. Cette méthodologie inclut un questionnaire qui permet l’estimation des coûts de production et l’établissement de comptes économiques à l’échelle de l’exploitation et au niveau national du secteur de la pêche.

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Le Recensement Général de l’Agriculture (RGA) du Burkina Faso et sa composante pêche

Le Recensement Général de l’Agriculture (RGA) est une opération d’envergure nationale prévue pour être organisée tous les dix (10 ans) selon les recommandations de la FAO. C’est une vaste opération statistique destinée à recueillir des informations quantitatives sur la structure de l’agriculture, et qui doit s’inscrire dans le cadre d’une approche intégrée de développement des statistiques de l’alimentation et de l’agriculture d’un pays.

Le Burkina a réalisé en 1993 son premier recensement agricole dénommé « Enquête Nationale de Statistiques Agricoles (ENSA) » qui s’est focalisé essentiellement sur la production végétale des cultures temporaires. Le second recensement, duquel proviennent les résultats du présent travail, a été réalisé sur la période 2006-2010, en trois (3) phases, dont la première phase en tandem avec le Recensement Général de la Population et de l’Habitation (RGPH) pour la constitution des bases de sondage comportant l’ensemble des ménages ruraux du pays. Le RGA 2006-2010 a couvert toutes les dimensions de l’économie rurale avec un module de base (cultures pluviales, élevage et arboriculture fruitière) ayant comme unité statistique le ménage agricole, un module cultures irriguées et un module pêche. L’objectif global du recensement général de l’agriculture était d’actualiser les données structurelles sur le monde rural et principalement agricole du pays, en liaison étroite avec les questions du genre, de pauvreté et de sécurité alimentaire, et de rendre disponible des statistiques de base pour plusieurs autres sous secteurs de l’agriculture du pays à l’aide de méthodologies statistiques fiables.

L’un des objectifs fondamentaux du RGA 2006-2010, à travers sa troisième phase, était la mise en place d’un Système Permanent de Statistique Agro-sylvo-pastorale (SPSA) basé sur l’exécution des enquêtes spécifiques suivantes : une Enquête Permanente Agricole (productions végétales des cultures temporaires pluviales et cultures pérennes), une Enquête Permanente de cultures irriguées, une Enquête de suivi de la pêche et un Système d’informations sur les marchés. Il était donc nécessaire d’élaborer une méthodologie efficace pour l’Enquête de suivi de la pêche.

Le RGA était notamment doté d’une composante pêche qui poursuivait les objectifs suivants : i) cerner le niveau d’intensification des captures à travers l’utilisation des équipements, ii) évaluer la production des plans d’eau en poissons, iii) évaluer les revenus et les dépenses des pêcheurs afin de

cerner les stratégies utilisées pour assurer leur sécurité alimentaire, iv) cerner l’utilisation des captures, v) évaluer les entraves à la production et à la commercialisation. Ces mêmes objectifs devaient ensuite être poursuivis à travers le Système Permanent de Statistique Agro-sylvo-pastorale.

Au cours des trois phases du RGA 2006-2010 les opérations suivantes ont été réalisées pour ce qui concerne la composante pêche :

i) L’énumération intégrale des ménages pêcheurs, en décembre 2006, à travers un module agricole arrimé au questionnaire du Recensement Général de la Population et de l’Habitation, 2006 ;

ii) L’inventaire intégral des sites de pêche de capture et le recensement des fermes aquacoles (mars à juin 2007) ;

iii) L’enquête de suivi des captures, d’estimation des coûts de production et de revenus (février 2008 à Janvier 2009) appelée également « enquête modulaire pêche » selon la définition du programme mondial 2010 des recensements agricoles de la FAO.

La mise en œuvre de la composante pêche du RGA a impliqué au total 311 enquêteurs, 100 contrôleurs, 45 superviseurs provinciaux et 13 superviseurs régionaux. Au niveau décentralisé, le dispositif était supervisé par les cadres des services en charge des statistiques agricoles et des ressources halieutiques. Les enquêteurs et les contrôleurs ont été recrutés au niveau local. Les superviseurs régionaux et provinciaux sont les techniciens des directions régionales et provinciales du ministère en charge de l’agriculture et des ressources halieutiques. Les différents types de questionnaires, rassemblés en cahiers, sont présentés en annexe avec quelques types de statistiques qui en découlent.

Les statistiques en pêche artisanale : état des lieux et état de l’art

Déjà en 2007, la Commission de l’UEMOA notait, dans son programme d’actions du plan d'aménagement concerté des pêches et d’aquaculture au sein de l’UEMOA, que les données statistiques du secteur de la pêche sont incomplètes dans la plupart des pays membres si bien que la contribution du secteur dans la richesse nationale est souvent sous estimée faute de système d’évaluation et de calcul fiable.

L’obsolescence des statistiques de pêche et l’inadaptation des dispositifs de collecte n’est pas l’apanage des seuls pays de l’UEMOA. Wongsanga (2005) note que les systèmes nationaux de statistique de pêche des pays membres de

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l’ASEAN ne sont pas encore efficacement développés. Elle note notamment des problèmes liés à l’identification des espèces et des équipements, au choix des unités de mesures, à la mauvaise application des méthodologies de collecte de données faute de moyens financiers et humains ou encore la non application des techniques de sondage appropriées. Chevaillier et al. (1987) notent dans leur enquête sur la pêche artisanale en Martinique que l’application des techniques d’échantillonnage à des situations aussi complexes que les pêcheries artisanales est parfois considérée comme un luxe incompatible avec les nombreux besoins matériels et financiers rencontrés sur le terrain, mais elle est nécessaire pour des données de qualité. Enfin globalement sur le plan mondial, la FAO note une sous-estimation de la production aquacole de la pêche artisanale due à l’absence de statistiques fiables (de Graaf et al., 2011).

Cette faiblesse de l’existant en matière de statistique de pêche artisanale s’explique par des causes bien réelles, car de nombreux défis méthodologiques sont à surmonter (Laë et al. (1994) : répartition spatiale irrégulière de la pêche artisanale, forte mobilité des pêcheurs, grande diversité des communautés de pêcheurs, des milieux de pêches, des espèces de poissons ainsi que des engins et des techniques de pêche et enfin, une diffusion extrême des points de débarquement et de commercialisation du poisson.

Face à ces difficultés, les méthodes utilisées peuvent se repartir en deux catégories.

D’une part, il y a les méthodes basées sur la mise en œuvre du suivi par échantillonnage des débarquements (bases statistiques et opérationnalisation) qui se caractérisent par leur rigueur dans l’approche méthodologique et l’utilisation de mesures objectives. Le type d’échantillonnage varie suivant les auteurs et la structure de l’activité de pêche artisanale. Ainsi Mahon (1987) utilise une stratification basée sur les types de plan d’eau, le type d’équipements et les périodes mensuelles de pêche tandis que Chevaillier et al. (1987) s’intéressent à la taille des sites et aux périodes journalières de pêche pour la stratification. Laë et al. (1994) procèdent à un échantillonnage complexe de ménages pêcheurs, d’activité de pêche et de débarquements de poisson.

D’autre part, il y a les méthodes alternatives qui se distinguent par leurs recours aux approches déclaratives avec parfois un risque plus grand de biais ou de subjectivité. On citera entre autres :

- les méthodes « indirectes » basées sur l’évaluation de la consommation de poisson par les habitants d’une région,

- les méthodes rapides par enquêtes déclaratives et focus-groupes,

- les méthodes « à dire d’experts ».

A l’exception du Burkina, les méthodologies utilisées habituellement dans les pays de l’UEMOA sont basés sur les méthodes de ce second groupe, avec une collecte de données réalisée en quelques jours ou sur deux ou trois mois (voir tableau ci-dessous). Ainsi au Bénin, la phase terrain de l’enquête cadre sur la pêche artisanale de 2009 s’est déroulée en cinq jours avec des méthodes déclaratives qui faisaient recours à la mémoire des acteurs de la pêche pour évaluer souvent sur plusieurs années des quantités (Direction des pêches du Benin, 2009). Ces méthodes basées sur les déclarations peuvent offrir davantage de place à la subjectivité, ce qui peut compromettre la fiabilité et la crédibilité des données. Ainsi, l’atelier régional de formation et d’harmonisation des méthodes de collecte des données statistiques des pêches dans les Etats membres de l’UEMOA tenu en Juin 2011 à Cotonou2 reconnait que les contraintes dans le suivi de la pêche artisanale obligent à faire preuve d’inventivité dans la conception des protocoles d’échantillonnage et d’observation, de façon à mettre en place des solutions de systèmes de suivi adaptés à chaque cas tout en restant dans un cadre statistique acceptable. A la suite de cette rencontre, des enquêtes cadre sur la pêche artisanale ont été organisées dans les pays de l’UEMOA à travers des enquêtes déclaratives3. Mais concernant les évaluations de captures totales, l’analyse des données a révélé pour certains pays de probables biais de surestimation. La mise en place ultérieure de systèmes de suivi comportant des observations plus directes a donc été recommandée aux Etats.

2 Organisée par la Commission de l’UEMOA dans le cadre du Programme régional de renforcement de la collecte des données statistiques des pêches dans les Etats membres et création d'une base de données régionale, cette rencontre avait pour objectif d’assurer une formation sur les méthodes et bonnes pratiques en matière de statistiques des pêches et de faire un état des lieux des données statistiques et systèmes de collecte des Etats membres en vue de mettre en place une base de données régionale de pêche. 3 Les résultats détaillés de ces enquêtes sont disponibles sur le site internet http://atlas.statpeche-uemoa.org/

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Tableau 1 : Revue des enquêtes sur la pêche continentale dans les pays de l’UEMOA

Pays Méthodes de collecte de données sur les

captures Type de sondage Durée

Benin Déclaration de la capture annuelle par le pêcheur Sondage empirique 5 jours Burkina Faso Pesée de la capture des pêcheurs échantillon Sondage aléatoire spatial et temporel annuelle Guinée Bissau

Déclaration de la capture annuelle par le pêcheur Sondage empirique/absence de base de sondage

30 jours

Mali Pas de collecte d’information sur les quantités de capture

Enquête focalisée uniquement sur le Lac de Sélingué

2 jours

Niger Déclaration de la capture annuelle par site Recensement -

Sénégal Déclaration de la capture par le pêcheur Sondage empirique/enquête localisée dans une région

5 jours

Togo Pas de collecte d’information sur les quantités de capture

Sondage empirique 15 jours

Source : Les auteurs à partir des informations de la Commission de l’UEMOA, 2011

Méthodologie de l’enquête cadre réalisée dans le cadre de la composante pêche du RGA

Le module d’observation relatif à la pêche concerne exclusivement les activités de la pêche de capture et non les activités aquacoles. Ce module concerne tous les plans d’eau (rivières, fleuves, lacs naturels, retenues d’eau pérennes ou non, etc.). Il a été mis en œuvre à travers l’observation des sites de pêche qui sont les bases des activités de pêche.

L’enquête cadre a consisté à la réalisation d’un inventaire spécifique des sites de pêche et d’un recueil d’une série de données de base (communautaire, caractéristique du site, population de pêche présente, période de pêche, etc.). Cet inventaire a été conduit de mars à juin 2007.

Pour ce faire, le site de pêche a été défini comme étant une aire géographique à l’intérieur de laquelle se trouve une pêcherie ou une partie d’une pêcherie ainsi que les installations connexes des activités en amont et en aval de la capture (fournisseurs d’intrants et de matériel de pêche, débarcadère, centre de pesée, mareyeurs, revendeurs, etc.).

Dans le format d’information mis en place pour recenser les sites de pêche, chaque site de pêche se voit attribué un rattachement à un plan d’eau et chaque site de pêche est par ailleurs rattaché à un territoire de village.

L’approche par le site de pêche comme unité statistique se justifie pour plusieurs raisons :

- La prévalence de l’activité est faible sur le territoire national et au sein des communautés (villages administratifs) de sorte qu’une approche village présente un risque d’éviction / effet démographique ;

- Les pêcheurs se déplacent d’un site à l’autre au gré de la disponibilité de la ressource ;

- Des pêcheurs pratiquent l’activité sur un site rattaché à un village administratif mais résident dans un autre village administratif ;

- Un site de pêche peut être partagé par plusieurs villages environnants ;

- Les membres de deux ménages différents se mettent ensemble pour constituer une équipe de pêche, mettent en commun les ressources et se partagent le produit de la pêche.

Pour toutes ces raisons, il est ici préconisé une approche par les sites de pêche en lieu et place des villages de pêche comme unité statistique.

Du point de vue pratique, l’enquête cadre procède d’abord par recensement des plans d’eau, puis elle liste les villages qui en sont riverains, et enfin visitent les villages pour s’informer sur les sites de pêche qui se situent sur leur territoire.

Méthodologie de l’enquête de suivi réalisée dans le cadre de la composante pêche du RGA

Domaines d’étude et base de sondage

Un domaine d’étude concerne une population ou un sous-groupe spécifique pour lequel on souhaite obtenir des estimations propres. Pour le RGA, les domaines correspondent aux divisions administratives. Les 45 domaines d’étude correspondent ainsi aux 45 provinces qui seront ici considérées comme univers statistique. Les estimations des agrégats statistiques peuvent être réalisées au niveau de chacun des domaines d’étude.

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STATECO N°108, 2014

Ces provinces sont regroupées en 13 régions. Ainsi, les résultats sur la production de la pêche seront publiés pour chacune des 45 provinces, pour chacune des 13 régions et pour le niveau national.

La base de sondage de l’enquête de suivi a été définie sur la base des données de l’enquête cadre qui comportait la liste exhaustive des sites de pêche au niveau national.

La constitution de la base de sondage a consisté à établir, pour chaque province, la liste des villages riverains de plans d’eau ainsi que des sites de pêche rattachés à ces villages. Parmi les variables associées à cette liste figurent, pour chaque site de pêche, l’effectif des pêcheurs, l’effectif des pirogues et le nombre de débarcadères L’effectif des pêcheurs du site a joué le rôle de variable de taille.

On dénombre au total 689 sites de pêche au niveau national. Parmi ceux-ci, 345 sites ont un effectif d’au moins 7 pêcheurs non occasionnels. Dans leur ensemble, ces 345 sites représentent 80 % de l’effectif total des pêcheurs. Ces 345 sites sont rattachés à 290 villages administratifs. Ce sont ces 345 sites qui ont fait l’objet de l’enquête de suivi.

Plan de sondage

Le plan de sondage est à deux degrés. Au premier niveau, l’unité est le site de pêche et au second degré la sortie de pêche est considérée comme unité secondaire.

Unités primaires

On pourrait penser tout naturellement que le plan d’eau, qui est la première unité de rattachement des sites de pêche, pourrait jouer le rôle d’unité primaire.

Cela serait tout à fait possible pour une enquête à vocation uniquement nationale sans l’objectif de fournir des résultats au niveau de la région et de la province. Or l’enquête de suivi doit fournir des résultats significatifs au niveau de la province (domaine d’étude) alors que des plans d’eau utilisés pour la pêche desservent souvent plus d’une province et même plus d’une région. En outre, une province peut ne pas posséder suffisamment de plans d’eau utilisés à des fins de pêche pour constituer un univers crédible d’unités primaires.

En conclusion, le site de pêche a été choisi comme l’unité d’échantillonnage au premier degré.

La taille de l’échantillon au premier degré par province a été déterminée en fonction du nombre de villages incluant au moins 7 pêcheurs non occasionnels. L’exclusion des sites secondaires où l’activité est faiblement pratiquée, s’est avérée nécessaire compte tenu des contraintes budgétaires et le type d’information recherchée qui nécessitait

un plan de sondage complexe. Il s’agit donc d’une enquête exhaustive au premier degré qui couvre la presque totalité du potentiel de la pêche du pays.

Unités secondaires

De façon générale, les sites de débarquement et les sorties de pêche sont les unités statistiques utilisées par les experts pour l’estimation des captures (Stomatopoulos, 2002). C’est le cas des auteurs comme Chevaillier et al. (1987), Laë et al. (1994), Laë (1995), Morand et Ferraris (1998) qui ont adopté la sortie de pêche comme unité statistique. Chevaillier et al. (1987) estiment même que, compte tenu de la structure et de la répartition de l’activité de pêche artisanale, l’échantillonnage des sorties dans les points de débarquements est la seule méthode envisageable. Pour la présente enquête de suivi, nous avons également choisi la sortie de pêche comme unité secondaire.

Echantillonnage

L’activité de pêche touche l’ensemble des provinces du Burkina. Sur chaque site, la pêche estpratiquée sur toute la période où la disponibilité de l’eau est effective. C’est donc une activité qui couvre non seulement tout le territoire national mais se déroule aussi durant toute l’année. Pour des raisons d’efficacité et de budget, il était nécessaire de procéder à un échantillonnage dans l’espace et dans le temps qui tiennent compte de la structure de l’activité.

Echantillonnage des unités statistiques

La collecte des données sur la pêche se fait sur les 345 sites qui ont sélectionnés pour leur taille (ayant un effectif supérieur à 7 pêcheurs). Ces sites retenus ont été rattachés, pour des raisons opérationnelles d’organisation de la collecte, à 290 villages administratifs qui seront tous couverts par l’enquête. Il est important ici de noter que tous les pêcheurs dénombrés sur un site de pêche sont comptabilisés parmi les pêcheurs du village de rattachement choisi pour le site. Dans chaque village, on recrutera alors un enquêteur qui aura à charge la collecte dans les sites qui sont rattachés.

Sur chaque site un échantillonnage de 3 sorties de pêche a été pratiqué parmi les sorties de pêche réalisées le jour de passage de l’enquêteur (voir plus loin). Le choix des trois sorties de pêche de l’échantillon se fait de manière pseudo-aléatoire de la manière suivante : l’enquêteur choisit « au hasard » un premier pêcheur à son retour de sortie de pêche ; tandis qu’il est en entretien avec celui-ci, il dénombre tous les pêcheurs qui sont de retour de sortie. Lorsqu’il finit l’entretien avec le premier pêcheur, il choisit un second pêcheur qui vient de sortir pour subir l’entretien d’enquête tout en poursuivant d’un autre œil le dénombrement de la totalité des pêcheurs terminant leur sortie de pêche.

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STATECO N°108, 2014

A la fin de l’entretien avec le second, il choisit celui qui vient de sortir comme troisième cas à enquêter. Pour chacun des trois retours de sortie ainsi enquêtés, la quantité de poisson capturée est pesée par l’enquêteur avec une distinction des espèces de poissons. Cette mesure directe est la méthode recommandée pour obtenir des données fiables (de Graaf et al. 2011). Par ailleurs, l’enquête produit également un nombre total de pêcheurs dénombrés comme ayant effectué une sortie sur le site pour le jour donné.

Echantillonnage dans le temps : tirage de deux jours dans le mois

L’expérience du terrain montre que la structure de l’activité de pêche varie considérablement tout au long de l’année. Globalement, on peut noter trois grandes périodes : la saison pluvieuse (Juin à Octobre), la saison froide (Novembre à Février), la saison chaude (Mars à Mai). On remarque par exemple que les quantités de captures varient selon les périodes et qu’on ne retrouve pas toujours les mêmes espèces de poisson pour toutes les périodes. L’estimation de la production de pêche exige donc une couverture annuelle. Cependant les contraintes budgétaires ne permettent pas d’envoyer les enquêteurs sur le terrain tous les jours. Chaque site est donc visité deux fois par mois. Il subit un passage dans les 15 premiers jours du mois et un autre passage dans les 15 derniers jours du mois. On peut ainsi considérer que l’enquêteur choisit aléatoirement un jour parmi les 15 premiers jours du mois et un jour parmi les 15 derniers jours pour effectuer la collecte d’information sur un site donné.

Les estimateurs

L’un des indicateurs intéressant à estimer est la quantité de capture appelée aussi production de poissons P. Il servira d’exemple pour le calcul de tous les estimateurs.

Les paramètres d’expansion : estimation du total (Quantité de capture)

Supposons que l’on utilise le plan de sondage ci-dessus avec un échantillonnage spatial à deux degrés. Considérons un site de pêche i sur lequel la sortie de pêche k d’un pêcheur donné a été réalisée un jour de passage j donné. La probabilité que la sortie de pêche k soit échantillonnée est :

1 2 1* * ijijk i ijk i

ij

mP P P P

M= = (1)

Avec

1iP la probabilité du 1er degré (probabilité de tirage

du site)

2 ijkP la probabilité de tirage de la sortie de pêche k

sur le site i le jour j

ijM le nombre total de sorties de pêche au passage

j sur le site i

ijm le nombre de sorties de pêche échantillonnées

au passage j sur le site i. Cependant compte tenu de l’échantillonnage dans le temps, les enquêteurs ne passent pas tous les jours

sur le site enquêté. Soient ijP la période

d’observation du site i à travers le passage j (période en jours représentée par un passage j sur

le site i), ijT le nombre de jours de la période ijP et

ijS le jour de passage de l’enquêteur sur le site i au

cours de la période ijP . On a donc ijP = {1,2,…,

ijS ,…, ijT }.

Choisir de sortir un jour particulier sur le site i pour le passage j est une combinaison de 1 jour parmi

ijT soit 1

i jTCLa probabilité de passage de l’enquêteur pour un

jour s dans la période ijP est alors :

1

1 1( )

ij

ijT ij

P S sC T

= = = (2)

La probabilité totale de tirer un pêcheur pour un passage j correspondant à un jour s dans la période

ijP est donc :

1 2 1

1* * ( ) * *

ij

ijijkP i ijk ij i

ij ij

mP P P P S s P

M T= = = (3)

Le coefficient de pondération est l’inverse de la probabilité d’inclusion. Pour chaque site i et pour

chaque période ijT , le coefficient de pondération

est :

(4) 1

1* *

ij

ijijP ij

i ij

MW T

P m=

51

STATECO N°108, 2014

Cependant cette pondération ne prend pas en compte les sites non enquêtés pour des raisons pratiques sur le terrain. Lors de l’inventaire dans le premier passage, des sites ont été recensés mais n’ont pas pu être enquêtés pour la suite. L’objectif de l’enquête étant l’estimation de la production de pêche, si on ignore ces sites dans la pondération alors que l’activité de pêche s’y réalise, l’on introduit un biais dans l’extrapolation. Afin de résoudre ce problème un coefficient correcteur r a été calculé. On a :

'Nr

N= (4)

Avec 'N est le nombre de sites recensés et N le nombre de sites enquêtés.

Ce coefficient permet de corriger le coefficient de premier degré.

On a donc

(5)

Redressement des coefficients d’expansion

Un autre problème qui reste à résoudre est qu’il arrive fréquemment que dans l’année l’enquêteur ne fait pas tous les passages requis sur le site. Plusieurs raisons expliquent ce cas. D’abord, l’enquête a commencé en février ; ce qui fait que l’on perd déjà deux passages. Mais chaque enquêteur devrait couvrir tous les passages en allant jusqu’au mois de janvier de l’année suivante. Dans le cas où un passage est non renseigné sachant que l’activité de pêche s’est réalisée, il est nécessaire de trouver un

coefficient de redressement ijw au coefficient de pondération du passage j sur le site i. Pour ce faire on procède à une interpolation linéaire.

Exemples :1. Si pour un passage n l’enquêteur ne passe pas

et que les passages n-1 et n+1 sont renseignés, le coefficient du passage manquant n est pris en compte par la grandeur

( ) ( )( )1 11 1

1

2 in ini n P i n PW W− +− +

+ et les coefficients des

passages n-1 et n+1 sont redressés

respectivement par ( )1

3

2i nw−

= et ( )1

3

2i nw+

=

2. Si pour deux passages consécutifs n et n+1 l’enquêteur ne passe pas et que les passages n-2, n-1, n+2 et n+3 sont renseignés, les

coefficients de chaque passage manquant est pris en compte par la grandeur

( ) ( ) ( ) ( )( )2 1 1 22 1 1 2

1

4 in in in ini n P i n P i n P i n PW W W W− − + +− − + +

+ + +

en corrigeant les coefficients des passages n-2, n-1, n+2 et n+3 par

1 1 31 ; 2, 1, 2, 3

4 4 2ijw j n n n n= + + = = − − + +

En définitif, la formule retenue pour l’estimation des coefficients d’extrapolation est donc :

1

1* * * *

ij

ijijP ij ij

i ij

MW r w T

P m=

(6)

Avec :

'Nr

N=

(Où 'N est le nombre de sites recensés et N le nombre de sites enquêtés)

ijw le coefficient de redressement

1 1iP = le coefficient du premier degré

ijM le nombre de pêcheurs sortis au passage j sur

le site i

ijm le nombre de pêcheurs échantillons au passage

j sur le site i

ijT=15 la période en jours représentée par un

passage

Calcul des coefficients de redressement

Les coefficients de redressement sont calculés pour tenir compte des passages manquants liés au non passage de l’enquêteur sur le site. Dans ce cas on augmente le poids des passages voisins s’ils existent.

Le problème qui se pose est de savoir si un passage manquant donné est lié au fonctionnement du site ou au non passage de l’enquêteur sur le site. Dans ce travail nous avons fixé un seuil de passage avec comme hypothèses :

• Si le nombre de passages manquants d’un site est inférieur à alors ces passages manquants sont considérés comme liés au non passage de l’enquêteur et les coefficients de redressement sont calculés pour augmenter le poids des passages voisins s’ils existent.

11

1* * * *

1ij

ij ijijP ij ij

ij l iji

M MrW T T

m P mPr

= =

52

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• Si le nombre de passages manquants d’un site est supérieur à alors ces passages manquants sont considérés comme liés au non fonctionnement du site. Aucun coefficient de redressement n’est calculé dans ce cas.

• Cependant nous supposons qu’un passage manquant qui a plus de deux passages précédents manquants et plus de deux passages antécédents manquants est lié au non fonctionnement du site ; cela pour ne pas augmenter le poids d’un passage d’une période lointaine à cause de l’absence de ce passage.

Estimation de la précision de la production aquacole en fonction du seuil fixé

La précision4 de la production est acceptable pour tous les seuils fixés. Cependant, vue la faible variation de la valeur et de la précision de la production entre et , nous pouvons retenir .

Tableau 2 : Estimation de la production en fonction du seuil

Sources : nos calculs

La quantité totale des captures en 2008 au niveau national est donc estimée à travers l’algorithme disponible en annexe 2. Une implémentation de cet algorithme a été faite avec le langage Visual Basic appliqué à MS Excel.

Production de poisson

Auprès des pêcheurs échantillons, l’enquêteur recueille un certain nombre d’informations dont la capture par espèce qui a servi, avec le coefficient d’extrapolation sus mentionné, à estimer la production nationale de poisson. La production est directement estimée par la formule :

ijtotale ijP ijij

prod W Y=

(7)

Estimation des ventes par espèce

Dans la suite de la méthode de collecte de l’information sur la production, parmi la quantité de poisson obtenue, chaque pêcheur échantillon devrait préciser la quantité qui sera vendue. Cette méthode à permis d’estimer la quantité vendue :

ijtotale ijP ijij

vente W V= (8)

Estimation des statistiques de coûts de production et élaboration des comptes économiques dans l’enquête permanente de pêche

La démarche d’élaboration du compte d’exploitation de la pêche est présentée dans cette partie. Le compte d’exploitation est disponible en annexe.

Production de poisson

La production nationale est de 10 042 tonnes. Les poissons de la famille des cichlidés appelés localement « carpes » (4 039 tonnes), les silures (2 327 tonnes) et les petites espèces de characidés appelées localement « sardines » (776 tonnes) sont les trois (3) principales espèces ou groupes d’espèces capturés soit respectivement 40 %, 23 % et 8 % de la production nationale.

Seuil Production

totale en tonneErreur

standard

Intervalle de confiance 95 % Coefficient de variation

Effectif non pondéré Inférieur Supérieur

10 289 398 9 508 11 070 3,87 % 31 386

10 489 402 9 701 11 277 3,83 % 31 386

10 573 402 9 784 11 362 3,81 % 31 386

____________________________4 Il est évident que le sondage réalisé ici n’est pas rigoureusement aléatoire (par exemple le choix du jour de passage est défini en pratique selon les contraintes de disponibilité de l’enquêteur). Les précisions fournies ici doivent être considérées comme des proxy de la précision réelle.

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Détermination des ventes par espèce

La quantité vendue est estimée à 7 959 tonnes.

Les carpes (3 288 tonnes), les silures (1 764 tonnes) et la sardine (616 tonnes) sont les trois principales espèces mises sur le marché avec respectivement 41 %, 22 % et 8 % des quantités vendues. Ces trois espèces représentent à elles seules 71 % de la quantité de poisson mise sur le marché.

Autoconsommation et pertes

L’autoconsommation et les pertes ont été directement collectées. Il s’agit de la part de la capture destinée à l’autoconsommation ou perdue pour toutes espèces confondues. Afin de disposer des taux d’autoconsommation et de pertes on rapporte la quantité autoconsommée ou perdue à la production brute. Le taux global d’autoconsommation et le taux global de perte sont respectivement de 35 % (soit 3526,7 tonnes) et de 1 % (soit 127,3 tonnes). Pour obtenir les quantités autoconsommées et perdues par espèce nous supposons la part autoconsommée ou perdue constante pour toute espèce et on fait le produit de la production par espèce et le taux global d’autoconsommation ou de perte. Cependant pour une amélioration des outils de collecte des années prochaines, ces informations pourraient être collectées par espèce.

Valorisation de la production, perte et autoconsommation

Le prix moyen au producteur par espèce a été obtenu en calculant les recettes de la vente et la quantité destinée à cette vente. Le ratio valeur sur quantité donne le prix qui sera utilisé pour valoriser la production l’autoconsommation et les pertes.

Consommation intermédiaire

La consommation intermédiaire concerne le carburant, les appâts, les charges de réparation et de location des engins. Pour estimer la consommation intermédiaire, l’information a été collectée sur les charges supportées par le pêcheur échantillon au cours des sept derniers jours (une semaine). Ainsi la charge annuelle est obtenue en divisant la charge pondérée par 7 puis en appliquant la méthode d’extrapolation décrite plus haut.

Sont également considérés comme consommation intermédiaire les équipements dont la durée de vie est inférieure à une année. L’enquête donne des informations sur le coût total d’achat de ces équipements en début d’année. Pour estimer pendant une année la consommation intermédiaire en termes de petits matériels de pêche, on dégage une moyenne de prix d’acquisition que l’on multiplie par le nombre de ces petits matériels.

Consommation de capital fixe

Sur les sites de pêche, les composantes du capital fixe sont les équipements collectifs et les équipements individuels. L’enquête donne des informations sur les prix unitaires moyens des équipements, la durée de vie et le nombre des équipements par site. La durée de vie a été obtenue en convertissant la périodicité de vie en année et en multipliant par le nombre de périodes (ces variables ont été collectées). Cet amortissement par équipement servira à calculer l’amortissement total des équipements en multipliant par le nombre d’équipements. L’amortissement total est ainsi estimé par la somme de l’amortissement des équipements individuels et celui des équipements collectifs.

La main d’œuvre

Il s’agit dans cette partie d’estimer le coût de la main d’œuvre ; pour cela on estime d’abord la prise en charge journalière de chaque employé. A partir de la périodicité de la rémunération collectée nous calculons un coefficient pour ramener l’ensemble des périodicités de la rémunération (heure, semaine, mois) en jour. Le coefficient ainsi défini permet d’avoir la rémunération journalière de chaque ouvrier en le multipliant par la rémunération de la période collectée sur le terrain. En supposant que l’employé travaille chaque jour le coefficient de pondération calculé plus haut nous permet d’estimer le coût total de la main d’œuvre.

Enseignements et Conclusion

L’importance de l’activité de pêche dans l’économie rurale ainsi que sa contribution évidente dans l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle exigent la disponibilité de données structurelles et fiables sur ce secteur pour mieux apprécier ses forces et faiblesses en vue de permettre des interventions publiques efficaces pour un meilleur développement de cette activité.

Cependant la complexité de l’activité impose plusieurs défis méthodologiques dans la collecte des données. Le Recensement Général de l’Agriculture de 2006-2010 a permis au Burkina Faso de développer une méthodologie de collecte et d’estimation des indicateurs clés du secteur de la pêche. Ainsi le pays a réalisé sa première enquête cadre d’envergure nationale sur la pêche artisanale complétée par une enquête de suivi pour prendre en compte la dynamique de l’activité et de la production au cours des saisons. Cela a favorisé la mise en place d’un dispositif permanent de collecte de données sur la pêche et une meilleure appréciation du poids du secteur dans l’économie.

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Aussi les données collectées ont permis l’estimation des coûts de production de l’activité ainsi que

l’élaboration d’un compte d’exploitation du secteur au niveau national.

Références bibliographiques Abohweyere P. O. (2011), Fisheries innovative data collection strategy: the case of self sampling in artisanal fisheries of Bonny, Nigeria. Int. J. Biol. Chem. Sci, 5(5), pp. 2014-2021, October.

Chevaillier et al. (1987), « Recueil de données halieutiques dans un contexte artisanal peu structuré », Gulf and Caribbean Fisheries Institute, proceedings of the 40th.

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Commission de l’UEMOA (2011), « Rapport final de l’atelier régional de formation et d’harmonisation des méthodes de collecte des données statistiques des pêches dans les Etats membres de l’UEMOA », juin, Cotonou, République du Bénin.

DGPSA (2007a), « Plan de sondage du Recensement Général de l’Agriculture », Ouagadougou, Burkina Faso.

DGPSA (2007b), « Manuel de l’enquêteur du module pêche du Recensement Général de l’Agriculture », Ouagadougou, Burkina Faso.

Direction des pêches du Bénin (2009), « Rapport de l’enquête-cadre dans le sous-secteur pêche maritime artisanale au Bénin année 2009 », Cotonou, République du Bénin.

FAO (1998), Guidelines for the Routine Collection of Capture Fishery Data. Prepared at the FAO / DANIDA Expert Consultation Bangkok, Thailand, 18–30 May, FAO, Fisheries Technical Paper 38, 113p.

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Laë R., Morand P., Herry C. et Weigel J.Y. (1994), Méthodes quantitatives : échantillonnage et traitement des données. pp. 449-477 In J. Quensière ed., La Pêche dans le Delta Central du Niger,. sc., IER-ORSTOM-Karthala, 495 p.

Laé R. (1995), « Utilisation du ménage comme unité d'observation pour I'évaluation quantitative des captures et I'étude des stratégies de production », In Questions sur la dynamique de l'exploitation halieutique, ORSTOM Éditions, Collection COLLOQUES et SÉMINAIRES, Paris.

Mahon, R. (1987), « Developping fisheries data collection systems for Eastern Caribbean Islands, Gulf and Caribbean Fisheries Institute, proceedings of the 40th.

Morand P. et Ferraris J. (1998), « L’évolution des systèmes d’enquête des pêches artisanales en Afrique de l’Ouest, entre questions halieutiques et solutions méthodologiques ». In F. Laloë, X. Perrier (éds. scientifiques), « De l’observation à l’analyse, implication de la biométrie dans les pays en développement », Société Française de Biométrie, n° 15, pp. 43-60.

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ANNEXES

Annexe 1 : Eléments du questionnaire du module pêche du RGA

Cahiers Sections Quelques statistiques par cahier Périodes de

passage

Cahier 1 Section E1.0 : éléments d’identification

Section E1.1 : recensement et caractéristiques socio- économiques des sites de pêche des villages échantillons

• Effectif de débarcadères par site • Nombre d'années d'exploitation des sites • Effectif des sites permanents ou non • Nombre de centres de pesée • Nombre d’agents de pesée selon le sexe • Nombre de magasins d’intrants de pêche sur le site• Nombre d’usines de fabrique de glace sur le site • Nombre de magasins de stockage de poisson

transformé sur le site • Nombre de conteneurs isothermes sur le site • Nombre de chambres froides sur le site • Nombre de groupements sur le site • Nombre de coopératives sur le site • Nombre d’unions de groupements représentés sur

le site • Nombre d’unions de coopératives représentées sur

le site • Effectif des organisations selon le type (homme,

femme, mixte) • Nombre d’ateliers de fabrique et de réparation de

pirogues sur le site • Effectif des Comités de gestion de la pêcherie

fonctionnels ou non • Effectif des sites selon l'existence de couloir

d’accès des animaux au plan d’eau • Effectif des sites selon l'avènement de mort de

poisson à cause d’une pollution • Nombre de foires/journées de poisson organisées

dans l’année • Effectif des sites selon l'existence de marché de

poisson

Janvier 2008

cahier 2 Section E2.0 : éléments d’identificationSection E2.1 : estimation du nombre des mareyeurs sur le siteSection E2.2 : estimation du nombre des transformateurs sur le site Section E2.3 : estimation du nombre de matériel des transformateurs sur le site Section E2.4 : type de poissons présents sur le siteSection E2.5 : recensement des organisations des pêcheursSection E2.6 : équipements collectifs sur le site

• Effectif des mareyeurs selon le sexe et l'appartenance à une organisation

• Effectif des mareyeurs membres des organes dirigeants d’organisations de mareyeurs selon le sexe

• Effectif des transformateurs selon le sexe et l'appartenance à une organisation

• Effectif des transformateurs membres des organes dirigeants d’organisations de mareyeurs selon le sexe

• Nombre de fumoirs par site et selon le type • Nombre de séchoirs par site et selon le type • Effectif des sites selon l'existence des espèces de

poissons (existe actuellement, n'existe plus, n'a jamais existé)

Janvier 2008

56

STATECO N°108, 2014

Cahiers Sections Quelques statistiques par cahier Périodes de

passage

Cahier 3 Section E3.0 : éléments d’identificationSection E3.1 : recensement et caractéristiques socio- économiques des pêcheurs

Effectifs des pêcheurs selon les caractéristiques socio-économiques suivantes :

• Sexe • Age • Situation matrimoniale • Chef de ménage • Nationalité • Niveau d’instruction • Période de pêche • Type de pêcheur • Membre d’un groupement • Membre des organes dirigeants d’un groupement• Durée de l’activité de pêche dans l’année en

mois • Occupation principale • Occupation secondaire • Lieu de résidence habituel • Nombre d’années d’expérience dans l’activité de

pêche • Formation reçue en techniques de pêche

Janvier ; avril ; août 2008

Cahier 4 SectionE4. 0 : élément d’identificationSection E4.1 : équipements SectionE4. 2 : opinion du pêcheur

• Quantité des différents équipements par site • Valeur unitaire des équipements par type • Effectif des équipements par type selon :

o l'année d'acquisition o le mode d'acquisition o le mode de financement

• Durée de vie des équipements par type • Effectif des pêcheurs selon leur :

o appréciation de la procédure de constitution d’un groupement de pêche pêcheurs

o appréciation du coût du permis possédéo appréciation de la procédure

d’obtention du permis o besoin en formation o opinion sur l'ensablement du plan d’eauo opinion sur la pollution du plan d’eau o appréciation de l'évolution des captures

par rapport à l’année passée o contribution à l’aménagement de la

pêcherie o avis pour ou contre un

empoissonnement du plan d’eau o principale contrainte de l’activité de

pêche o opinion sur la fermeture temporaire des

activités de pêche o proposition du début de période de

fermeture o proposition de la fin de période de

fermeture

Janvier 2008

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Cahiers Sections Quelques statistiques par cahier Périodes de

passage

Cahier 5 Section E5. 0 : éléments d’identificationSection E5.1 : caractéristiques du pêcheur échantillonnéSection E5.2 : relevé des captures Section E5. 3: utilisation des captures de la sortie précédenteSection E5.4 : utilisation des captures de la dernière semaineSection E5.5 : main d’œuvre Section E5.6 : utilisation des engins de pêche du jour d’observationSection E5.7 : dénombrement des pêcheurs sortis

• Quantité totale des captures • Recette totale espérée de la vente des captures • Durée de la pêche en heure • Effectif des pêcheurs selon le mode de pêche

• Nombre d’hommes dans la pirogue • Nombre de femmes dans la pirogue • Nombre de sorties au cours des 7 derniers jours • Coût d’achat de matériel de pêche durant les

7 derniers jours • Coût de réparation de matériel de pêche durant

les 7 derniers jours • Coût de location de matériel de pêche durant les

7 derniers jours • Effectif des pêcheurs selon le lieu de vente • Effectif des pêcheurs selon le type d'acheteur • Quantité des captures selon la destination:

o Mareyeur (se) o Transformateurs o Restaurateur (rice) o Autoconsommation o Consommateur o Dons o Pertes o Recette totale issue de la vente

• Effectif de la main d’œuvre selon les caractéristiques socio démographiques suivantes:

o Etat matrimonial o Sexe o Age o Niveau d’instruction o Statut dans l’emploi o Nombre de journées de pêche des 7

derniers jours o Périodicité de la rémunération o Rémunération par période

Deux fois dans le mois (une fois tous les 15 jours) de janvier 2008 à décembre 2008

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Annexe 2 : Algorithme de calcul des coefficients de redressement

Soit S le nombre de sites échantillons Posons :

si le passage j du site i est manquant et sinon : le poids du passage j du site i

Faire tant que Si Pi1=0 et (Pi2>0 ou Pi3>0) alors Si Pi2>0 alors Si Pi24>0, Wi24=1,5* Wi24 et Wi2=1,5* Wi2 Sinon si Pi23>0, Wi23=1,5* Wi23 et Wi2=1,5* Wi2 Fin si Sinon si Pi3>0 alors Si Pi24>0, Wi24=1,5* Wi24 et Wi3=1,5* Wi3 Sinon si Pi23>0, Wi23=1,5* Wi23 et Wi3=1,5* Wi3 Fin si Fin si Fin si Si Pi2=0 et (Pi3>0 ou Pi4>0) alors Si Pi3>0 alors Si Pi1>0, Wi1=1,5* Wi1 et Wi3=1,5* Wi3 Sinon si Pi24>0, Wi24=1,5* Wi24 et Wi3=1,5* Wi3 Fin si Sinon si Pi4>0 alors Si Pi1>0, Wi1=1,5* Wi1 et Wi4=1,5* Wi4 Sinon si Pi24>0, Wi24=1,5* Wi24 et Wi4=1,5* Wi4 Fin si Fin si Fin si Pour

Si Pij=0 et (Pi(j+1)>0 ou Pi(j+2)>0) alors Si Pi(j+1)>0 alors Si Pi(j-1)>0, Wi(j-1)=1,5* Wi(j-1) et Wi(j+1)=1,5* Wi(j+1) Sinon si Pi(j-2)>0, Wi(j-2)=1,5* Wi(j-2) et Wi(j+1)=1,5* Wi(j+1) Fin si Sinon si Pi(j+2)>0 alors Si Pi(j-1)>0, Wi(j-1)=1,5* Wi(j-1) et Wi(j+2)=1,5* Wi(j+2) Sinon si Pi(j-2)>0, Wi(j-2)=1,5* Wi(j-2) et Wi(j+2)=1,5* Wi(j+2) Fin si Fin si Fin si

Fin pour Si Pi23=0 et (Pi24>0 ou Pi1>0) alors Si Pi24>0 alors Si Pi22>0, Wi24=1,5* Wi24 et Wi22=1,5* Wi22 Sinon si Pi21>0, Wi21=1,5* Wi21 et Wi22=1,5* Wi22 Fin si Sinon si Pi1>0 alors Si Pi22>0, Wi22=1,5* Wi22 et Wi1=1,5* Wi1 Sinon si Pi21>0, Wi21=1,5* Wi21 et Wi1=1,5* Wi1 Fin si Fin si Fin si Si Pi24=0 et (Pi1>0 ou Pi2>0) alors Si Pi1>0 alors Si Pi23>0, Wi23=1,5* Wi23 et Wi1=1,5* Wi1 Sinon si Pi22>0, Wi21=1,5* Wi21 et Wi1=1,5* Wi1 Fin si Sinon si Pi2>0 alors Si Pi23>0, Wi23=1,5* Wi23 et Wi2=1,5* Wi2 Sinon si Pi22>0, Wi22=1,5* Wi22 et Wi2=1,5* Wi2 Fin si Fin si Fin si Fin tant que

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Annexe 3 : Compte d’exploitation de la pêche

Code Indicateurs Quantité en kg Prix en FCFA

Valeur en FCFA

CA

PT

UR

ES

Captures totales 10 041 504 4 603 903 270Auchenoglanis 534 765 424 226 495 332Bagrus 314 363 516 162 240 006Capitaine 357 980 877 313 837 758Sardine 776 146 397 308 386 617Poisson chien 111 755 548 61 186 130Carpe 4 039 119 408 1 649 398 524Silure 2 327 490 505 1 176 218 188Poisson cheval 146 568 638 93 468 138Poisson électrique 33 201 385 12 771 559Synodontis 265 344 402 106 612 854Anguille 131 967 493 65 065 669Heterotis 482 664 396 190 928 301Docteurs/schilbé 187 366 409 76 647 867Labeo 103 309 427 44 139 459Mormyrus 122 027 428 52 232 542Autre principal poisson (à préciser) 51 207 464 23 738 622Crevette 56 234 721 40 535 707

PE

RT

ES

Pertes 127 286 58 359 120Auchenoglanis 6 779 424 2 871 057Bagrus 3 985 516 2 056 556Capitaine 4 538 877 3 978 210Sardine 9 838 397 3 909 112Poisson chien 1 417 548 775 596Carpe 51 200 408 20 907 791Silure 29 503 505 14 909 752Poisson cheval 1 858 638 1 184 803Poisson électrique 421 385 161 892Synodontis 3364 402 1 351 426Anguille 1 673 493 824 773Heterotis 6 118 396 2 420 209Docteurs/schilbé 2 375 409 971 589Labeo 1 310 427 559 512Mormyrus 1 547 428 662 100Autre principal poisson (à préciser) 649 464 300 911Crevette 713 721 513 831

PR

OD

UC

TIO

N S

AN

S P

ER

TE

Production totale 9 914 218 4 545 544 151Auchenoglanis 527 986 424 223 624 275Bagrus 310 378 516 160 183 450Capitaine 353 442 877 309 859 548Sardine 766 308 397 304 477 505Poisson chien 110 339 548 60 410 534Carpe 3 987 919 408 1 628 490 733Silure 2 297 987 505 1 161 308 435Poisson cheval 144 710 638 92 283 335Poisson électrique 32 780 385 12 609 666Synodontis 261 981 402 105 261 428Anguille 130 294 493 64 240 896Heterotis 476 545 396 188 508 092Docteurs/schilbé 184 991 409 75 676 278Labeo 102 000 427 43 579 946Mormyrus 120 480 428 51 570 442Autre principal poisson (à préciser) 50 558 464 23 437 711Crevette 55 521 721 40 021 876

VE

NT

ES Production commercialisée 7 959 461 3 638 996 591Auchenoglanis 433 951 424 183 796 440Bagrus 257 929 516 133 114 879

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Code Indicateurs Quantité en kg Prix en FCFA

Valeur en FCFA

Capitaine 278 064 877 243 776 646Sardine 615 564 397 244 582 492Poisson chien 79 683 548 43 626 692Carpe 3 287 839 408 1 342 608 929Silure 1 764 094 505 891 500 607Poisson cheval 120 105 638 76 592 839Poisson électrique 20 923 385 8 048 695Synodontis 225 227 402 90 494 157Anguille 82 615 493 40 732 871Heterotis 368 534 396 145 781 654Docteurs/schilbé 147 348 409 60 277 100Labeo 88 495 427 37 810 220Mormyrus 100 801 428 43 146 852Autre principal poisson (à préciser) 40 958 464 18 987 284Crevette 47 331 721 34 118 236

AU

TO

CO

NS

OM

MA

TIO

N

Production auto consommée 3 526 526 1 616 867 936Auchenoglanis 187 807 424 79 544 034Bagrus 110 403 516 56 977 883Capitaine 125 721 877 110 218 260Sardine 272 579 397 108 303 846Poisson chien 39 248 548 21 488 265Carpe 1 418 518 408 579 260 560Silure 817 403 505 413 081 979Poisson cheval 51 474 638 32 825 545Poisson électrique 11 660 385 4 485 308Synodontis 93 188 402 37 441 904Anguille 46 346 493 22 850 740Heterotis 169 509 396 67 053 070Docteurs/schilbé 65 802 409 26 918 350Labeo 36 282 427 15 501 558Mormyrus 42 855 428 18 343 809Autre principal poisson (à préciser) 17 984 464 8 336 886Crevette 19 749 721 14 235 939

P2 Consommation intermédiaire 526 837 441P21 Carburant 6 976 753P22 Appâts 36 993 134P23 Réparation des engins de pêche 46 100 233P24 Location des engins de pêche 5 412 145 Filet maillant<35mm et de chute<2m 209 009 801 Filet maillant<35mm et de chute[2-4m] 63 642 833 Filet maillant<35mm et de chute>4m 16 588 712 Filet maillant[35-50mm] et de chute<2m 45 123 496 Filet maillant[35-50mm] et de chute[2-4m] 96 990 333VAB Valeur ajoutée brute 3 112 159 151 CCF Consommation de capital fixe 1 006 775 836 Pirogues motorisées 92 466 Pirogues non motorisées 23 683 161 Nasses 20 754 735 Palangres 65 559 485 Hameçons 322 170 450 Filets éperviers 512 514 481 Filets maillants 61 812 389 Canne moderne 136 703 Canne traditionnelle 51 964 VAN Valeur ajoutée nette 2 105 383 315

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Code Indicateurs Quantité en kg Prix en FCFA

Valeur en FCFA

0D1 Salaires 207 447 9090D1A-1 Espèce 192 550 0290D1A-2 Nature 14 897 880 BA Revenu Net d'exploitation 1 897 935 405

Revenu Net d'exploitation Pêcheur 61 418 Nombre de pêcheurs 30 902

_____________________ 1 Enseignant chercheur, Université Cadi Ayyad Marrakech, Directeur du GRES : Groupe de Recherche en Economie Sociale, [email protected]

Analyse des inégalités scolaires au Maroc : apports de la régression

quantile A. Ibourk 1

L'objectif de ce papier est d'analyser les déterminants des réalisations du Maroc en termes d’acquis scolaires. Basés sur les données de TIMSS (2003 et 2007) et sur les régressions quantiles, les résultats montrent la faiblesse de la qualité des apprentissages. Les traits majeurs de notre recherche montrent d’une part un clivage énorme entre les zones rurales et urbaines et d’autre part un gouffre encore plus béant entre le système public et privé d’autant plus que ces différences ne sont pas ressenties de la même manière chez les élèves. Cette double dualité illustre clairement que le système éducatif marocain est une juxtaposition d'un marché « catégoriel » plutôt qu'un marché « unifié ». Les résultats du modèle montrent que les caractéristiques des élèves, leur environnement familial et le contexte scolaire sont des déterminants clés de ces performances.

Introduction

La problématique de l’éducation et de la formation au Maroc se pose à trois niveaux complémentaires et interdépendants : l’accès, la rétention et la qualité de l’apprentissage. La qualité de l’apprentissage dépend de ce qui se passe à l’intérieur de la classe mais également de l’environnement externe. Elle est devenue un axe prioritaire des décideurs. Certaines théories attribuent la performance scolaire à des caractéristiques intrinsèques à l’élève lui-même, certains l’attribuent à l’environnement familial et d’autres l’attribuent au contexte scolaire. A ce niveau, la sociologie de l’éducation a été marquée par la dominance de trois grands courants : le premier courant fondé par Durkheim considère que l’école a pour mission de préparer les élèves aux fonctions qu’ils seront appelés à assumer dans le futur et de maintenir l’homogénéité de la société et les liens entre les générations à travers l’inculcation des règles, des valeurs et des normes sociales (Durkheim, 1992). Par conséquent, la survie de la société ne peut persister que « s’il existe entre ses membres une suffisante homogénéité : l’éducation perpétue et renforce cette homogénéité en fixant d’avance dans l’âme de

l’enfant les similitudes essentielles que réclame la vie collective » (Durkheim, 1992). Le second courant appelé « conflictualiste » introduit une nouvelle dimension qui est la reproduction sociale, ce courant analyse l’école en tant qu’agent de reproduction des rapports de domination. Selon ses fondateurs, l’école a une fonction d’imposition idéologique et de reproduction des rapports sociaux de production (Bourdieu et Passeron, 1970). Ainsi, Bourdieu et Passeron soulignent l’imposition de l’arbitrage culturel de la classe dominante par l’inculcation d’une idéologie méritocratique propre à la bourgeoisie et la sélection scolaire sur la base de l’idéologie du don. Le troisième courant quant à lui, introduit la notion de stratégie des acteurs dans la sociologie de l'éducation. Boudon (1973) lui a offert une autre grille de lecture que celle qu'avait imposée la théorie de la reproduction. Pour Raymond Boudon, la sélection scolaire est un effet pervers de la démocratisation du système de l’enseignement et les inégalités de réussite scolaire sont le résultat de stratégies familiales différentes. Il considère que les individus sont rationnels (Boudon, 1973) et que leurs choix de carrière sont dictés par leur origine sociale. En effet, Boudon montre que les familles peuvent avoir des stratégies qui expliquent les différences d'orientation et de

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réussite scolaire. Raymond Boudon va comparer la famille ouvrière et la famille aisée. Par exemple, une famille ouvrière peut « se contenter » de souhaiter pour ses enfants des études à bac + 2 dans la mesure où le diplôme obtenu par les enfants sera supérieur à celui obtenu par les parents. D’un autre côté, Boudon avance que lorsque le diplôme du diplômé est identique à celui de ses parents, il donne accès à des positions sociales moins élevées que celles des parents à cause, d’une part, de la dévalorisation des diplômes et, d’autre part, du manque de ressources relationnelles des classes inférieures - excepté pour les diplômes se situant en haut de la hiérarchie qui, si cette hiérarchie reste inchangée, ne peuvent être surclassés (cf. le paradoxe d’Anderson)2.

Ce travail sur l’analyse des acquis scolaires s’inscrit parfaitement dans la suite logique du plan d’action du Ministère et de la nouvelle approche holistique de la qualité qui lui est sous-jacente. Il présente un double intérêt. Sur le plan méthodologique, cette contribution constitue, à notre connaissance, la première application de l’approche microéconométrique à l’analyse des acquis scolaires au Maroc. Sur le plan analytique, les résultats de ce travail viennent compléter ceux des rares travaux qui ont porté sur le cas marocain (Amaghouss et Ibourk, 2013a, 2013b, 2014); Altinok, 2007). Les éléments de cadrage montrent que le système éducatif marocain est segmenté. Cette segmentation se décline sous forme de deux principales dualités (Urbain/rural et public/privé) qui font apparaître le marché de l’éducation comme une juxtaposition de marchés catégoriels plutôt que d’un marché « unifié ». Notre objectif est d’analyser l’école comme un établissement qui

2 Le paradoxe d’Anderson est un paradoxe empirique selon lequel l’acquisition par un étudiant d’un diplôme supérieur à celui de son père ne lui assure pas une position sociale plus élevée. Ce paradoxe a été mis en évidence par Charles Anderson en 1961. Pour lui, « le statut social relatif des fils apparaît comme pratiquement indépendant de leur niveau d'instruction relatif ». Autrement dit, le diplôme est comme une monnaie : il connaît aussi une inflation qui entraîne une baisse de la valeur des diplômes. Le lien entre le diplôme et le statut social se relâche. Plusieurs sociologues, comme Raymond Boudon, ont tenté d’apporter une réponse à ce paradoxe. Le paradoxe indique que la rentabilité sociale et économique des diplômes a baissé : le même diplôme, à une génération d'écart, ne permet plus d'accéder aux mêmes types de positions socioprofessionnelles. Cette dévalorisation du diplôme sur le marché du travail est explicable à partir du décalage entre la forte croissance du nombre de diplômés (massification scolaire) et l'augmentation plus faible du nombre de positions sociales correspondant à ce niveau de qualification. Il n'existe pas de lien automatique de cause à effet entre l'amélioration du niveau de qualification d'un individu et son ascension sociale.

subit certains phénomènes sociaux et qui les reproduit au sein de ses classes.

Cet article cherche donc à analyser comment la performance de l’élève est affectée par certains facteurs. Plusieurs actions sont engagées : réforme des curricula, réforme du système des examens, rénovations des infrastructures, motivations des enseignants, implications des parents, soutien à l’accès et à la rétention. Ces derniers ont trait à sa propre perception de l’éducation, son background familial ainsi que de l’école où il étudie. Plus encore, il vise à relever quels sont les effets de ces facteurs sur les élèves performants, moyens et faibles.

La suite est structurée en quatre sections. La première fournit une revue de littérature sur les déterminants de la réussite scolaire. La deuxième rappelle les principaux résultats descriptifs. La troisième présente les données utilisées et la méthodologie. Les estimations économétriques et leurs commentaires font l’objet de la quatrième section. Les implications politiques feront l’objet de remarques de conclusion.

Les déterminants de la réussite scolaire : une revue de littérature

Cette section dresse une revue de littérature sur les déterminants de la réussite scolaire, nous focalisons notre attention sur les déterminants liés au contexte familial et au contexte scolaire.

Contexte familial

Les facteurs familiaux jouent un rôle crucial dans l’explication du niveau de la réussite scolaire des élèves. Plusieurs théories entrent dans le rang des facteurs familiaux. En effet, la théorie de l’origine sociale montre que l’ensemble du backgroundsocioculturel accumulé par un individu peut influencer son niveau d’acquisition scolaire. Les adeptes de cette théorie (Bourdieu et Passeron, 1970, Beaudelot et Establet, 1979) ont montré que le résultat scolaire est le produit d’une bonne planification qui dépend du mode de fonctionnement de la société. Selon cette théorie, un groupe d’individu est destiné à devenir des cadres, un autre des ouvriers etc. Il en ressort que les systèmes éducatifs est à l’avantage des personnes issues des catégories sociales économiquement plus riches.

Néanmoins, Duru-Bellat (2003) remet en cause cette idéologie. Pour elle, les individus les plus démunis de certains systèmes éducatifs enregistrent des résultats scolaires plus importants que ceux d’autres systèmes éducatifs.

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Le contexte scolaire

Nous distinguons généralement trois types de facteurs liés au contexte scolaire qu’on peut décliner en trois théories. La théorie de l’effet-établissement, l’effet-enseignant et l’effet-classe.

Effet école

Selon cette théorie, la performance scolaire dépend du type de l’école fréquenté. En effet, Bec et Murphy (1998) ont cherché à étudier les caractéristiques des écoles les plus performantes. De son côté, Grisay (2007) a stipulé que les écoles les plus performantes ont adopté une politique éducative basée sur des objectifs clair avec un système d’évaluation régulé. Selon cette théorie, les établissements scolaires sont assimilés à des unités productives qui utilisent des ressources appelées ‘input’ (administration, enseignant, pédagogie, infrastructure). Plus récemment, François et Poupeau (2008) ont affirmé que les établissements scolaires sont influencés par leur environnement social, économique, technologique, culturel et politique tout en mettant l’accent sur la localisation spatiale comme principal déterminant de la différence de la performance scolaire. Bressoux (1995) a montré que non seulement le contexte familial peut influencer la performance scolaire des élèves mais également le contexte scolaire et le climat des écoles sont prépondérants. Ainsi, Grisay (1997) souligne que les caractéristiques intrinsèques au personnel des établissements peuvent influencer la performance des établissements.

Effet enseignant

Selon cette théorie, les performances scolaires des élèves dépendent des caractéristiques des enseignants c'est-à-dire de leurs niveaux de compétence, de leurs expériences professionnelles, des méthodes d’enseignements. Sur la base de ces critères, Bressoux (2007) a identifié deux groupes d’enseignants : le groupe des enseignants efficaces et le groupe des enseignants non efficaces. Les enseignants efficaces sont ceux ayant reçu des formations initiales et continues appropriées, ont accumulé une large expérience, et qui planifient les enseignements en fonction du temps disponible mais également en fonction des différences qui existent entre les élèves.

Effet classe

Cette théorie stipule que la réussite scolaire dépend de la structure sociale. L’essor de cette théorie trouve son origine dans les travaux pionniers de Hanushek (1992). Ce dernier observe lors de ses premiers travaux que la performance scolaire s’explique par la nature de la classe sociale à laquelle appartient l’apprenant. Plus récemment,

Robin (2009) démontre que la réussite scolaire est d’autant plus élevée que le niveau initial est élevé. Il s’ensuit que les élèves issus d’un groupe homogène évoluent plus que les élèves issus d’un groupe hétérogène. Par contre Duru-Bellat et Mingat (1988) trouvent des résultats différents.

De façon synthétique, nous pouvons conclure à l’instar de Duru-Bellat (2003) que l’école noue des liens avec son contexte soit en profitant de ses avantages soit en subissant son impact négatif.

Les performances du système éducatif marocain à travers l’enquête internationale TIMSS

L’enquête TIMSS a pour but l’évaluation de la performance des élèves en mathématiques et en sciences pour la quatrième année et la huitième année. Concernant le contenu du test, un large éventail de sujets a été proposé dont le mode de réponse était sous forme de questions ouvertes ou bien à choix multiples. Les écoles choisies devaient être représentatives au plan national bien que certaines écoles éloignées ou comportant des élèves à besoins spécifiques ont été occultées. Une classe par école a été choisie, aléatoirement, pour passer le test. Dans l’idéal, l’échantillon devait être constitué par 150 écoles. Or, pour le cas du Maroc, 131 écoles ont été choisies. En plus des résultats du test, plusieurs informations ont été collectées, à partir d’un certain nombre de questionnaires remplis par l’élève, l’enseignant et le directeur, relatant aussi bien le climat de l’école que le background familial de l’élève3.

Les résultats obtenus par les apprenants marocains à TIMSS 2007 grade 4 sont faibles aussi bien en mathématiques qu’en sciences. Pire encore, le Maroc est classé parmi les derniers en sciences (34ème sur 36 participants) et en mathématiques (31ème sur 36 participants) avec un score de 297 points en sciences (7 points de moins qu’en 2003) et 341 points en mathématiques (6 points de moins qu’en 2003). Toutefois, cette baisse n’est pas statiquement significative (Graphique 1). Comparativement à d’autres pays de la région MENA, le Maroc obtient le troisième score le plus élevé en mathématiques après l’Iran (402 points) et l’Algérie (378 points). Ainsi, il est mieux placé que la Tunisie, le Kuwait, le Qatar et le Yémen. Par contre, les performances en sciences sont légèrement inférieures à celles de la Tunisie, l’Algérie, l’Iran et le Kuwait. Il devance légèrement le Qatar et largement le Yémen. Plus précisément, le Maroc réalise un score supérieur à la moyenne de la région MENA (326 points) en mathématiques et

3 Pour plus de détail sur le contenu et le déroulement de TIMSS, le lecteur intéressé peut se référer à http://timss.bc.edu/timss2007/

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un score inférieur à la moyenne de la région MENA (320 points) en sciences. L’Iran est le pays le plus performant dans la région MENA aussi bien en mathématique qu’en sciences. Le Yémen est le moins performant en mathématiques non seulement

dans la région MENA mais sur l’ensemble de l’échantillon de l’étude. Il est l’avant dernier en sciences sur l’ensemble de l’échantillon (Graphique 2).

Graphique 1 : Résultats TIMSS sciences grade 4

Graphique 2 :Résultats TIMSS mathématiques grade 4

Le nombre de pays qui ont participé à TIMSS 2007 8ème grade s’élève à 48 parmi lesquels figurent le Maroc et 14 autres pays de la région MENA. Tous les pays de cette région ont eu des scores inférieurs à la moyenne internationale (Graphique 3). Le Maroc obtient un score de 381 points en mathématiques (40ème sur un total de 48 pays) et un score de 402 en sciences (45ème sur 48 pays). La participation de la Turquie à TIMSS 2007 grade 8 (432 points en mathématiques et 454 points en sciences) a fait que le Maroc enregistre des résultats inférieurs à la moyenne de la région MENA en mathématiques et en sciences. Si l’on o b se r ve d es p ays a ya n t un n i veau d e

développement économique comparable à celui du Maroc, la Tunisie et l’Algérie ont une performance légèrement supérieure à celle du Maroc aussi bien en mathématiques qu’en sciences. Les scores pour la Tunisie et l’Algérie sont respectivement de 420 points et 387 points en mathématiques et 445 points et 408 points en sciences. Le pays le plus performant en mathématiques dans la région MENA est le Liban. Par ailleurs, la Jordanie est le pays le plus performant en sciences (482 points, elle est classée 20ème sur 48). Le score le plus bas dans la région MENA est réalisé par le Qatar aussi bien en sciences qu’en mathématiques (Graphique 4).

561.0

414.0

344.0

314.0

304.0

0 200 400 600scores

Top pays

Iran

Moyenne (MENA)

Tunisie

Maroc

Source: TIMSS 2003

2003

587.0

500.0

435.0

354.0

348.0

320.0

318.0

297.0

294.0

197.0

0 200 400 600scores

Top pays

Moyenne internationale

Iran

Algérie

Kuwait

Moyenne (MENA)

Tunisie

Maroc

Qatar

Yémen

Source: TIMSS 2007

2007

594.0

389.0

358.0

347.0

339.0

0 200 400 600scores

top pays

Iran

Moyenne MENA

Maroc

Tunisie

Source: TIMSS 2003

2003

607.0

500.0

402.0

378.0

341.0

327.0

326.0

316.0

296.0

224.0

0 200 400 600scores

top pays

Moyenne internationale

Iran

Algérie

Maroc

Tunisie

Moyenne MENA

Kuwait

Qatar

Yémen

Source: TIMSS 2007

2007

67

STATECO N°108, 2014

Graphique 3 :Résultats TIMSS sciences grade 8

Note :Qat :Qatar ;Mar :Maroc ;ArSa :ArabieSaoudite ;Pal :Palestine ;Alg :Algérie ;Egy :Egypte ;Lib :Liban ; Kuw :Kuwait ;Oma :Oman ;Tun :Tunisie ;Syr :Syrie ;Tur :Turquie ;Ira :Iran ;Bah :Bahreine ;Jor :Jordanie.

Graphique 4 :Résultats TIMSS mathématiques grade 8

Les graphiques 1, 2, 3 et 4 montrent également que les pays les plus performants en sciences et mathématiques sont des pays asiatiques aussi bien à la quatrième qu’à la huitième année. Ils enregistrent des scores significativement supérieurs à ceux des autres pays (notamment les pays de l’Europe et les Etats-Unis). Ce résultat est le fruit d’un important investissement dans l’éducation. Pour ces pays, l’éducation est un levier de développement incontournable.

Analyse microéconométrique des déterminants de la performance des acquis scolaires

Données et méthodologie

Données

Le travail empirique mené mobilise les données individuelles de l’enquête TIMSS 2007. Chaque élève (observation) est décrit par les variables suivantes :

• Les caractéristiques intrinsèques à l’élève

Certains théoriciens expliquent les différences de rendement scolaire par les différences individuelles entre les élèves. Ils considèrent que la performance scolaire est positivement corrélée au Quotient Intellectuel (QI). Le

569.0

488.0

450.0

448.0

430.0

413.0

323.0

0 200 400 600scores

Top pays

Moyenne internationale

Jor

Ira

Tun

Moyenne MENA

Mar

Source: TIMSS 1999

1999

578.0

475.0

474.0

453.0

438.0

435.0

424.0

421.0

404.0

398.0

396.0

393.0

0 200 400 600scores

Top pays

Jor

Moyenne internationale

Ira

Bah

Pal

Moyenne MENA

Egy

Tun

Ar Sa

Mar

Lib

Source: TIMSS 2003

2003

567.0

500.0

482.0

467.0

458.0

454.0

452.0

445.0

423.0

422.0

418.0

414.0

408.0

408.0

404.0

403.0

402.0

319.0

0 200 400 600scores

Top paysMoyenne internationale

JorBah

IraTurSyrTun

OmaMoyenne MENA

KuwLib

EgyAlgPal

ArSaMarQat

Source: TIMSS 2007

2007

604.0

488.0

487.0

428.0

422.0

409.0

337.0

0 200 400 600scores

top pays

Tunisie

Moyenne internationale

Jordanie

Iran

Moyenne MENA

Maroc

Source: TIMSS 1999

1999

605.0

467.0

433.0

424.0

411.0

410.0

406.0

401.0

399.0

390.0

387.0

332.0

0 200 400 600scores

top pays

Moyenne internationale

Liban

Jordanie

Iran

Tunisie

Egypte

Bahreïn

Moyenne MENA

Palestine

Maroc

Arabie Saoudite

Source: TIMSS 2003

2003

597.0

500.0

449.0

432.0

427.0

420.0

403.0

398.0

395.0

391.0

387.0

387.0

381.0

372.0

367.0

354.0

329.0

307.0

0 200 400 600scores

top paysMoyenne internationale

LibanTurquie

JordanieTunisie

IranBahreïn

SyrieEgypte

Moyenne MENAAlgérieMarocOman

PalestineKuwait

Arabie SaouditeQatar

Source: TIMSS 2007

2007

68

STATECO N°108, 2014

courant génétique explique l'échec scolaire par des troubles et des déficiences intrinsèques à l'individu qui peuvent être détectés par des tests. Les tenants de ce courant (Debray-Ritzen, 1978 ; Jencks, 1973 ; Le Gall, 1954 ; Terman, 1917 cités par Akoué, 2007), affirment que la réussite scolaire est en fonction de l'intelligence inscrite dans le patrimoine génétique et mesurable par le quotient intellectuel. Maehr, Pintrich et Linnenbrink (2002) montrent que la motivation et la perception de soi entretiennent des liens étroits avec la réussite scolaire.

• L’environnement familial

Plusieurs études se sont développées autour de l’impact de l’environnement familial, accordant un intérêt particulier à l’héritage culturel. La performance scolaire de l’élève dépendrait des bases culturelles et linguistiques détenues par l’environnement familial. Les enfants issus de familles de niveau socio-économique élevé développent des habitudes et des goûts qui sont directement transférables en milieu scolaire (Bourdieu, 1966, p. 329). Mingat (1991) a observé que le niveau des acquis des élèves est fortement lié à l’appartenance sociale des élèves. Les enfants dont le père exerce un emploi non qualifié ont le niveau le plus faible d’acquisition, alors que les enfants dont le père est technicien ou cadre ont en moyenne des résultats supérieurs. Ainsi, l’école « transforme des différences culturelles en inégalités de réussite » (Duru-Bellat, 2003, p. 33).

• Le contexte scolaire

Si la plupart des facteurs individuels et sociaux ne sont pas maîtrisables par les agents scolaires, ceux liés au contexte scolaire le sont. Heyneman et Loxley (1983) ont montré que les facteurs scolaires étaient plus influents, quant à la réussite des enfants, que les facteurs familiaux. Parmi les facteurs liés au contexte scolaire, on distingue la taille des classes (Fuller, 1986), les pratiques pédagogiques des enseignants (Lockheed et Verspoor, 1990 ; Nlep, 2001) et l’équipement scolaire (Ouellet, 1987 ; Psacharapoulos et Woodhall, 1988)).

Méthodologie

La démarche économétrique est menée en deux temps. La première est novatrice. Elle cherche à dégager l’impact de certaines variables (prises séparément) sur les résultats obtenus aux différents tests internationaux. La régression quantile (Koenker et Bassett, 1978) est appropriée. En effet

elle permet l’exploration de la distribution conditionnelle de la variable endogène eu égard aux variables exogènes. Cette méthode offre l’avantage de dépeindre une image plus complète de la relation entre les variables tout en restant flexible. En effet, elle ne suppose ni normalité ni homoscédasticité. D’ailleurs, quand ces hypothèses ne sont pas vérifiées, les résultats de cette méthode deviennent plus robustes que ceux des modèles de la moyenne conditionnelle (Hao et Naiman, 2007). Avant d’introduire cette méthode, il convient de définir formellement les quantiles :

Soit Y une variable aléatoire, Y R , distribuée selon )()( yYprobyF ≤= , et en posant

10 τ :

}{ ττ ≥= )(:inf yFyQ

Si l’on applique cette définition au contexte étudié, le quantile 0.5 (médiane) est l’élève qui partage la distribution en deux parts égales. Ainsi, la moitié des étudiants ont une performance supérieure à l’élève médian et l’autre moitié ont une performance inférieure à ce dernier. Similairement, 95 % des étudiants ont une performance élevée à l’élève du quantile 0.05 tandis que 5 % affichent une performance inférieure à ce dernier et inversement pour le quantile 0.95. La formulation empirique de la régression quantile est la suivante :

τττ εββ iii xy ++= 10

(b; y, X) = (A-1b; y, XA), |AKXK|#0

Où xi est le vecteur des variables exogènes. Dans notre étude, les variables explicatives comprennent l’âge, le sexe, le niveau d’instruction des parents, les caractéristiques des établissements (zone rurale, établissement privé), les dotations des élèves (calculatrices, ordinateurs, bureau, dictionnaire, et Internet) et les caractéristiques de l’élève (confiance en soi et préparation des cours). est la fonction

de quantile conditionnelle. L’indice renseigne sur le quantile étudié. Ainsi, au niveau de chaque quantile, il est possible d’obtenir des estimations différentes (cf. Hao et Naiman, 2007).

Nous allons nous appuyer sur la régression quantile (Koenker et Bassett, 1978), qui est formulée comme suit :

(b; ,y,X) = ( b; , y,X), e R+

Bien évidemment, la forme habituelle de la régression quantile suppose l’exogénéité des variables explicatives. Cela dit, le contexte étudié est très particulier. En effet, dans la microéconomie de l’éducation, l’école n’est pas une boîte noire. Bien au contraire, elle interagit amplement avec son environnement, subissant certains phénomènes socioculturels tout en les amplifiant. Le problème

69

STATECO N°108, 2014

de l’endogénéité reste omniprésent. Dans un contexte où toute variable peut être suspecte d’endogénéité, l’analyse menée s’annonce rude. Cela dit, cet état de fait est malheureusement un mal nécessaire étant donné que les variables de ces deux enquêtes comportent plusieurs données manquantes. Et par conséquent, lutter contre l’exogénéité à tout prix limiterait cruellement notre champ de manœuvre plus qu’il ne l’est déjà.

Résultats économétriques

De 2003 à 2007, la moyenne nationale du Maroc a légèrement baissé en passant de 387,51 points à 379,29 points. Cette baisse a été accompagnée d’une plus grande dispersion des notes témoignées par l’écart-type qui s’est établi à 73,61 en 2007 alors qu’il n’était que de 60,38 en 2003. L’analyse des moyennes suggère que la performance des élèves marocains n’a pas beaucoup varié entre 2003 et 2007. Cela dit, la prise en compte des différentes catégories d’écoles révèle une toute autre histoire.

Tableau 1 : Evolution des élèves ayant un score inférieur à 400 point selon le milieu de résidence

2003 2007

<400 400< <400 400<

National 59,33% 40,67% 61,96% 38,04%

Rural 64,76% 35,24% 81,84% 18,16%

Urbain 58,38% 41,62% 60,03% 39,97%

Source: réalisé par l’auteur sur la base de TIMSS 2003 et 2007.

Au niveau national, 59,33 % des élèves ont un score inférieur à 400 points en 2003. Ce taux passe à 61,96 % en 2007. De surcroît, cette augmentation est largement attribuable à la détérioration du niveau des élèves ruraux.

Pour mieux appréhender les déterminants de la performance scolaire, nous avons régressé les scores obtenus à l’étude TIMSS 2007 en utilisant les quantiles. Cinq régressions sont effectuées. Les quantiles 0,05, 0,5 et 0,95 renseignent respectivement sur les élèves dont la performance est faible, médiane et élevée. Les résultats des quantiles 0,05 et 0,95 ainsi que la médiane sont présentés dans le tableau 2.

Tableau 2 : Régressions quantiles, TIMSS

TIMSS

VARIABLES OLS Quantile Régression

Q05 Q5 Q95

Age -10,55*** -10,94*** -12,97*** -9,194*** (1,826) (4,146) (2,339) (2,341)

Fille -9,110*** 2,290 -2,936 -24,70*** (3,367) (7,002) (3,921) (6,854)

Education des parents : Collège -5,076 -8,191 0,412 -9,388

(4,214) (9,898) (4,637) (6,656) Lycée -1,023 5,041 -4,504 -1,950

(5,683) (8,596) (5,426) (9,062) Université -4,492 -11,21 0,820 3,376

(5,623) (9,398) (5,520) (6,642) Caractéristique de l’établissement : Zone rurale -26,89*** -32,44*** -31,68*** -46,17***

(7,422) (10,14) (4,197) (6,976) Ecole privée 77,86*** 107,0*** 71,56*** 64,52**

(8,375) (14,64) (8,993) (28,47) Dotations de l’élève : Calculatrice 22,59*** 30,35*** 28,12*** 9,596

(6,587) (10,65) (6,801) (9,136) Ordinateur 5,548 -2,369 4,004 8,736*

(4,257) (8,065) (3,843) (5,089) Bureau 6,457* 13,75 0,996 10,74

(3,693) (10,44) (3,980) (8,116) Dictionnaire 25,91*** 23,59** 20,15*** 13,56

(3,435) (11,90) (5,095) (9,295) Internet -9,114 -13,58 -8,770*** -9,405*

(5,754) (8,776) (2,899) (4,912)

70

STATECO N°108, 2014

Tableau 2 : Régressions quantiles, TIMSS (Suite)

Caractéristiques de l’élève : Confiance en soi 50,89*** 51,02*** 53,07*** 44,68***

(2,983) (5,865) (3,127) (4,824) Préparation des cours 8,397** 20,24*** 7,931*** 16,92***

(4,085) (6,244) (2,947) (4,833) Constante 482,1*** 374,4*** 520,7*** 589,0*** (27,93) (56,97) (35,93) (33,81)

R-squared 0,323 N° d’observation 2065

Erreurs standards entre parenthèses *** p<0.01, ** p<0.05, * p<0.1

La variable relative à l’âge doit être interprétée dans un cadre particulier. En effet, il est important de signaler qu’outre le redoublement, l’âge de l’élève renseigne sur les études préscolaires qui ont été longtemps dépeintes, par la littérature, comme étant un levier prépondérant de la performance scolaire (Chiswick et DebBurman, 2004). Effectivement, les études préscolaires constituent un investissement dont le coût d’opportunité est élevé. Cela est d’autant plus vrai pour les pays en développement où les alternatives informelles sont légion (par exemple : garder l’enfant chez un membre de la famille). Ainsi seuls les parents qui valorisent l’éducation vont faire un tel investissement. En revanche, les enfants, n’ayant pas eu droit aux études préscolaires, vont non seulement intégrer l’école tardivement mais vont aussi passer cette période de retard dans un environnement qui n’est pas propice à l’éducation. Ce constat est reflété par les résultats obtenus. L’estimation OLS montre que plus l’élève est d’un âge avancé, moins bon est son rendement scolaire. Hijri (1993) et Suchaut (2006) trouvent des résultats similaires7. D’un autre côté, l’analyse par quantile montre que l’effet pénalisant de l’âge n’est pas uniforme selon le niveau de l’élève. En effet, ceux qui en souffrent le plus sont les élèves moyens avec un coefficient de -12,97 points. L’effet de l’âge baisse au niveau des extrémités avec des coefficients de -10,94 points et -9,19 points respectivement pour les élèves ayant un niveau faible et ceux ayant un niveau élevé.

La variable « fille » impacte négativement et significativement les performances scolaires en mathématiques. Ce résultat corrobore avec ceux obtenus dans plusieurs recherches menées dans des pays africains (Hoffman, 2001 ; Ouédraogo et Bance, 2001 et Suchaut, 2006). Ces études ont trouvé que les filles sont moins performantes dans les matières scientifiques telles que les sciences physiques et les mathématiques. Si l’estimation

7 Mingat (1984), Jarousse et Mingat (1989) trouvent que les élèves plus âgés sont ceux qui réussissent mieux. Ces résultats contradictoires peuvent s’expliquer par la différence entre les populations étudiées. En effet, notre étude concerne les élèves adolescents (grade 8) et les études de Mingat (1984), Jarousse et Mingat (1989) concernent les élèves du primaire.

OLS suggère que les filles ont un score moyen bas de -9,11 points par rapport aux garçons, l’effet genre ne touche pas l’ensemble de la distribution. La régression quantile révèle que seules les élèves les plus performantes pâtissent de l’effet genre avec un coefficient de l’ordre de -24,7 points qui est beaucoup plus important que celui indiqué par l’OLS. Il est à signaler que l’inégalité de genre en matières scientifiques est le lot de tous les pays. Cela dit, le contexte socioculturel des pays en développement, qui confine les filles à des tâches ménagères, amplifie davantage cette inégalité.

Dans une autre optique, le niveau d’éducation des parents ne semble pas exercer un effet direct sur le score des élèves. C’est plutôt l’investissement de ces derniers qui semble accaparer une bonne partie de la signification statistique des variables exogènes. Il y a certains investissements qui portent leurs fruits tels qu’une calculatrice et un dictionnaire. S’agissant de ces derniers, plusieurs études ont montré que pour le cas des pays en développement les investissements basiques de ce genre sont plutôt bénéfiques. Là encore, l’estimation OLS ne dit pas tout sur l’effet de ces deux investissements sur l’ensemble de la distribution. En moyenne, le coefficient relatif à la détention d’un dictionnaire et d’une calculatrice est respectivement de 25,91 points et de 22,59 points. Cependant, l’effet de ces deux variables ne touche pas l’ensemble de la distribution. En effet, la détention d’une calculatrice améliore le score respectivement de 30,35 points et 28,12 points pour les élèves moyens et ceux ayant un niveau faible alors que la détention d’un dictionnaire améliore le score respectivement de 23,59 points et 20,15 points. Par ailleurs, le score des bons élèves ne semble pas être affecté par ces deux investissements.

L’implantation des écoles dans un milieu rural affecte négativement les rendements scolaires. Lockheed, Fuller et Nyirongo (1989) constatent également qu’en Thaïlande, les performances en mathématiques sont plus élevées dans le monde urbain que dans le monde rural. L’analyse en termes de quantile suggère que les écoles rurales pénalisent différemment les élèves dont la performance est faible, médiane et bonne. En effet, pour les deux premières catégories d’élèves, le

71

STATECO N°108, 2014

coefficient relatif aux zones rurales est plus ou moins similaires atteignant -32,44 points et -31,68 points respectivement. En revanche, les élèves à performance élevée semblent pâtir particulièrement de ce clivage avec un coefficient qui s’élève autour des -46 points.

Par ailleurs, l’inégalité la plus flagrante est, sans équivoque, celle inhérente au secteur de l’école. En effet, les écoles privées permettent à ses élèves d’obtenir des scores supérieurs à ceux des écoles publiques de l’ordre de 107,00, 71,56 et 64,52 quand l’élève affiche respectivement une performance faible, médiane et bonne. Ainsi, le clivage entre école privée et publique semble s’atténuer eu fur et à mesure que la performance de l’élève évolue. En cela, le fait qu’un élève très faible soit inscrit dans école privée augmente considérablement sa performance. Vu que l’accès aux écoles privées est coûteux, l’égalité des opportunités se trouve bafouée.

Concernant les variables inhérentes aux aptitudes de l’élève, les résultats obtenus, mettent en évidence une relation positive et significative entre « la confiance en soi » ainsi que « l’indice de préparation des cours » et le rendement scolaire. Le résultat trouvé va de pair avec celui trouvé par Le Bastard-Landrier (2005). Ce dernier a trouvé que les apprenants surestimés réalisent de bonnes performances scolaires, toutes choses égales par ailleurs, que les autres élèves. La régression quantile révèle que la confiance en soi de l’élève profite beaucoup plus aux élèves à performance médiane avec un coefficient de 53,07, ensuite aux élèves à performance faible avec un coefficient de 51,02 points et en dernier aux élèves à performance

élevée avec 44,68 points. Parallèlement, la préparation des cours à domicile impacte positivement la performance scolaire des élèves. Ce résultat obtenu confirme celui trouvé par Fejgin (1995). Cet auteur a montré que le niveau des scores des élèves est déterminé par le temps consacré à la préparation des cours plutôt qu’à celui consacré aux émissions de télévision et aux autres activités. Toutefois, l’ampleur du coefficient « préparation des cours » dépend du niveau de l’élève. Ainsi, la préparation des cours est très bénéfique aux élèves dont les performances sont très faibles et très bonnes.

En vue de disposer d’une image plus élargie de l’effet des variables exogènes sur les performancesdes élèves, une analyse graphique est souhaitable. En effet, les courbes présentées dans le graphique ci-dessous correspondent aux différents coefficients estimés au niveau des différents quantiles tandis que la droite horizontale représente le coefficient OLS. La représentation graphique de ce dernier est horizontale puisqu’il est supposé être constant à travers toute la distribution. Avant de se lancer dans l’analyse, il convient de souligner que ces graphiques ne sont qu’un complément de l’analyse faite ultérieurement à partir des tableaux. Concernant la région, l’effet négatif de celle-ci est moins prononcé pour la première partie de la distribution (i.e. les quantiles inférieurs à la médiane). La même chose est constatée pour l’effet des écoles privées qui a tendance à baisser en partant des quantiles les plus faibles à ceux les plus élevés. La confiance en soi, quant à elle, s’apparente aux dents de scie avec néanmoins une tendance baissière.

72

STATECO N°108, 2014

Conclusion et implications

Bien que le Maroc affiche une réelle volonté de réhabiliter son système éducatif, les performances obtenues dans les tests standards internationaux témoignent de la faiblesse de la qualité en matière d’éducation. Ainsi, l’étude TIMSS 2007 grade 4 a classé le Maroc 34ème sur 36 participants en sciences et 31ème sur 36 participants en mathématiques. Au niveau du grade 8, le Maroc est classé 40ème sur un total de 48 pays en mathématiques et 45ème sur 48 pays en sciences.

Cet article s’est penché sur l’analyse des déterminants de cette mauvaise performance en utilisant l’approche de la régression quantile. Ce qui nous a permis de constater que l’effet des variables exogènes est rarement homogène sur l’ensemble de la distribution. En effet, ceci rend la problématique de l’éducation encore plus houleuse. En outre, les traits majeurs de notre recherche montre d’une part un clivage énorme entre les zones rurales et urbaines d’une part et un gouffre encore plus béant entre le système public et privé d’autant plus que ces différences ne sont pas ressenties de la même manière chez les élèves. L’admission à l’école privée surtout dans le collégial et le secondaire est basée sur un test d’entrée. Ce qui permet aux établissements privés de choisir les meilleures élèves qui ont des capacités intellectuelles leur permettant de suivre les programmes scolaires sans difficulté, et par conséquent avoir de bonnes performances scolaires. Concernant les écoles privées, le clivage est plus ressenti chez les élèves à performance faible. Concernant les acquis scientifiques, étudier dans une école rurale pénalise davantage les élèves à performance élevée alors que c’est plutôt les élèves médians qui en pâtissent s’agissant des acquis littéraires. Ce constat est aussi remarqué au niveau de l’effet genre. Pour les matières scientifiques, les filles font moins bien que les garçons. Les élèves à performance élevée sont affectées uniquement quand la situation professionnelle de leurs parents est dégradée. Malheureusement, ils ne bénéficient d’aucun avantage quand leurs parents ont des conditions plus favorables. Concernant les élèves dont la performance est la plus faible, ils ne bénéficient du travail de leurs parents que si ces derniers travaillent à temps-plein. Nous pouvons aussi citer, l’usage négatif de l’ordinateur qui se répercute sur les connaissances littéraires des élèves.

D’un point de vue technique, nous sommes conscients de la limite que peut présenter l’utilisation d’une variable binaire pour capturer l’effet sexe. Toutefois, la ré-estimation du modèle par sexe ou par les résultats obtenus par domaines réduit l’échantillon de presque la moitié, ce qui peut altérer l’estimation des coefficients. C’est pour cette raison que nous avons introduit une variable binaire pour isoler l’effet sexe.

Les principales conclusions de notre travail consistent à mettre en exergue le danger des politiques centralisées d’une part et d’orienter les politiques éducatives dans un sens purement quantitatif d’autre part. En premier lieu, la présente étude nous a permis de voir que certains phénomènes évoluent différemment d’une matière à l’autre, d’une école à l’autre et surtout d’un élève à l’autre. A titre d’exemple, nous pouvons citer l’effet genre. En cela, une analyse totalement centralisée qui occulte les spécificités des matières enseignées, de la région où se situe l’école ainsi que de la nature même des élèves est au mieux vouée à l’échec et au pire pourrait bien empirer la situation. Pour parvenir à des politiques plus concrètes, il est important d’impliquer tous les intervenants du système éducatif (parents, syndicats, élèves, décideurs) tout en accordant plus d’autonomie aux académies régionales qui sont supposées avoir plus de connaissances concernant l’environnement où évoluent leurs écoles. En second lieu, le fait que les politiques, concernant le système éducatif, dans les pays en développement, en général, et au Maroc, en particulier, se limitent quasi-exclusivement à la scolarisation en masse peut s’avérer une logique désastreuse. En effet, scolariser en masse les enfants dans un système éducatif qui est défaillant n’aura pour effet que la consolidation de la dynamique des inégalités. Car rappelons-le, scolariser est une chose, inculquer des valeurs et des connaissances en est une autre. Les deux vont de pair. Ainsi, se focaliser uniquement sur des considérations quantitatives peut endommager le secteur éducatif marocain. Fort malheureusement, nous sommes en train d’assister à un système éducatif à deux vitesses. D’un côté des écoles publiques, surtout au niveau rural, qui sont en deçà des espérances et de l’autre des écoles privées qui dispensent une éducation qui n’a rien à envier à certains pays de l’OCDE. Dans un tel cadre, le système éducatif marocain, en l’absence de politique ad hoc, risque d’amplifier les inégalités et les rend intergénérationnelles.

73

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S’il est difficile d’agir, à court terme, sur les déterminants socioculturels du rendement scolaire, et sur la base des résultats obtenus, nous émettons un certain nombre de propositions et de recommandations qui concernent le contexte scolaire. D’abord, il s’agit de lutter contre les inégalités spatiales en améliorant la qualité de l’enseignement dans les zones rurales. Cette lutte passe par l’amélioration des méthodes d’enseignement et d’apprentissage dans les classes à niveaux multiples, la généralisation de l’enseignement préscolaire dans le monde rural afin d’intégrer facilement le système éducatif, assurer de

bonnes conditions de travail aux enseignants dans le monde rural afin d’améliorer leur rendement et par conséquent renforcer leur contribution à la qualité des acquis. Ensuite, il convient d’encourager l’enseignement privé dans le sens où il contribue à la réduction des inégalités et à l’amélioration des performances tout en le contrôlant. Enfin, il faudrait réduire les inégalités entre le secteur privé et public en revalorisant l’image de l’école publique marocaine.

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_____________________ 1 Joseph Larmarange, Chercheur, IRD / Ceped (Centre Population & Développement UMR 196 Paris Descartes Ined), [email protected] ; Siriki Coulibaly, Expert en analyse de la pauvreté, [email protected] ; Ousman Koriko, Expert en enquêtes auprès des ménages, [email protected] ; Madior Fall, Expert en statistiques sociales, [email protected], AFRISTAT, Bamako, Mali. 2 Le concept de ménage fait l’objet de divers débat. Voir par exemple (Burch, 1979; Garenne, 1981; Lacombe & Lamy, 1989; Sala-Diakanda, 1988).

Appréhender la structure éco-démographique des ménages à partir

d’enquêtes économiques : l’exemple des Enquêtes sur les Dépenses des

Ménages 2008 1 J. Larmarange

S. Coulibaly O. Koriko

M. Fall 2

Lieu premier de socialisation des individus, le ménage constitue une dimension essentielle à la compréhension des changements à l’œuvre dans les sociétés africaines. Une description fine de la structure démographique des ménages nécessite des dispositifs de collecte complexes et coûteux. Cependant, même avec des enquêtes dont la finalité première n’est pas l’analyse démographique des ménages, il est déjà possible de dresser un panorama de leur diversité. Dans cet article, en partant des Enquêtes sur les Dépenses des Ménages menées en 2008 dans les capitales de l’UEMOA, nous montrons comment il est possible de tirer parti de la variable “dispose d’un revenu monétaire” pour construire une typologie « éco-démographique » des ménages, rendant compte de leur taille et de leur structure de dépendance et permettant de traduire la diversité des situations rencontrées par les familles usuellement classées comme « élargies ».

Introduction La famille est un élément central dans l’étude de nombreux phénomènes sociaux, démographiques ou encore économiques. En anthropologie, elle a été abondamment étudiée, notamment sous l’angle des systèmes de parentés, d’unions et de solidarité entre individus. La démographie, quant à elle, a favorisé une approche quantitative centrée principalement autour de la notion de ménage, « un concept hérité de la tradition statistique européenne où la famille nucléaire de type conjugal a longtemps correspondu à un foyer, notion proche de notre moderne ménage. En Afrique, le concept de ménage recouvre des situations plus diverses en raison des pratiques matrimoniales et résidentielles. (…) Les anthropologues ont à juste titre maintes fois rappelé l’hétérogénéité des situations

résidentielles, familiales et de vie quotidienne qui s’opposent à une définition univoque du ménage dans les enquêtes. Pourtant, du point de vue du statisticien et du démographe, il est important de disposer d’un concept opératoire. (…) C’est pourquoi la résidence, souvent associée à divers arrangements de vie quotidienne, sur une base de liens familiaux, faute de mieux, finit toujours par être adoptée. » (Locoh, 1997, p. 16). Dans la mesure où l’étude quantitative des familles porte dès lors sur les ménages, elle ne touche qu’une partie des aspects de la réalité familiale (Pilon & Vignikin, 1996, p. 475).

Ainsi, la majorité des enquêtes statistiques africaines définit le ménage2 comme « un ensemble constitué par un groupe de personnes apparentées ou non qui reconnaissent l’autorité d’une seule et même personne (le chef de ménage), vivent dans le

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même logement, prennent souvent leur repas en commun et subviennent aux dépenses courantes. » (Sala-Diakanda, 1988).

D’un point de vue opérationnel, le ménage est donc appréhendé à la fois en tant qu’unité résidentielle et en tant qu’unité économique de consommation. Le travail de description quantitative de la structure des ménages consiste, dans un premier temps, à élaborer une typologie des ménages à partir de caractéristiques individuelles de ses membres, telles que le lien de parenté (au chef de ménage et/ou à un autre membre), l’âge ou le sexe, et en fonction des autres données disponibles dans l’enquête.

Observée au travers des ménages, l’Afrique apparaît, encore aujourd’hui, comme « un des hauts lieux de la “grande famille” : le continent où les familles nucléaires, réduites à un couple et ses enfants, sont encore peu fréquentes » (Locoh, 1988, p. 50). Ainsi, de nombreux travaux démographiques ont porté sur l’identification des « noyaux familiaux3 » au sein du ménage et à l’élaboration de typologies visant « le plus souvent à faire ressortir le niveau de nucléarisation, ce qui se traduit par l’opposition entre, d’une part, les ménages nucléaires ou restreints et, d’autre part, les ménages (ou familles) étendus ou élargis4 » (Pilon, 2004, p. 90).

Ainsi, avec des enquêtes comme les Enquêtes Démographiques et de Santé, bien connues des démographes, qui documentent avec précision les liens de parenté au sein du ménage, il est possible d’identifier à la fois le noyau principal du ménage, d’éventuels noyaux secondaires ainsi que la présence d’enfant(s) confié(s) et/ou d’adulte(s) isolé(s) (Tichit & Robette, 2008).

Cependant une telle catégorisation aussi fine n’est pas toujours possible dans le cadre d’enquêtes auprès des ménages dont la finalité première n’est pas l’étude de leur composition. Nous prendrons dans cet article l’exemple des Enquêtes sur les Dépenses des Ménages (EDM) menées en 2008 dans les capitales des huit pays de l’Union Économique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) et réalisées par les instituts nationaux de la statistique avec l’appui technique d’AFRISTAT.

Après une présentation de ces enquêtes, nous aborderons une première catégorisation des ménages construite à partir du seul lien de parenté au chef du ménage. Nous aborderons les avantages et les limites de cette typologie couramment employée dans le champ des enquêtes économiques. Dans un second temps, nous explorerons les données collectées dans les EDM

3 Le plus souvent, il s’agit des couples avec enfant(s) et des parents isolés avec leur(s) enfant(s). 4 Les adjectifs « étendu » et « élargi » pouvant prendre un sens différent selon les auteurs.

sur les revenus monétaires des membres et leur contribution aux dépenses du ménage, ce qui nous permettra de proposer une typologie alternative « éco-démographique » des ménages. Enfin, nous comparerons cette dernière à la première typologie et nous décrirons les principales caractéristiques des catégories éco-démographiques obtenues.

Présentation des EDM 2008

Objectifs

Afin de mieux suivre les taux d’inflation, la Commission et les pays de l’UEMOA ont mis en œuvre un Indice Harmonisé de Prix à la Consommation (IHPC). Produit mensuellement, il est calculé sur la base des pondérations issues d’Enquêtes sur les Dépenses des Ménages (EDM) réalisées en 1996 (Blaizeau, 1999). Plus de dix ans après l’introduction de l’IHPC dans la zone UEMOA, les habitudes de consommation des ménages ont évolués, rendant nécessaire d’améliorer la qualité de l’IHPC, d’une part en faisant évoluer sa méthodologie et, d’autre part, en actualisant le panier des biens et services utilisé pour le calcul de l’IHPC.

C’est dans ce contexte qu’une nouvelle série d’EDM a été organisée en 2008 dans les capitales des huit pays membres de l’UEMOA5 (ANSD, 2010; DGSCN, 2014; INE Guine Bissau, 2011; INS Niger, 2012)6. Le champ géographique couvre donc Cotonou (Bénin), Ouagadougou (Burkina Faso), Abidjan7 (Côte d’Ivoire), Bissau (Guinée Bissau), Bamako (Mali), Niamey (Niger), Dakar (Sénégal) et Lomé (Togo).

L’objectif principal des EDM 2008 est donc l’amélioration de l’IHPC et, de manière plus spécifique, les EDM 2008 visent à (AFRISTAT, 2008) :

• actualiser le panier de biens et services permettant de calculer l’IHPC ;

• suivre régulièrement les prix composant ce panier ;

• analyser la consommation des ménages ; • déterminer les nouveaux coefficients de

pondération de l’IHPC.

5 Cotonou du 5 mars au 25 mai, Ouagadougou du 17 mars au 17 juin, Bissau du 11 mars au 4 juin, Abidjan du 11 mars au 4 juin, Bamako du 7 mars au 26 mai, Niamey du 1er mars au 23 mai, Dakar du 11 mars au 10 juin et Lomé du 10 mars au 29 mai. 6 À la date du 24 octobre 2014, les EDM 2008 n’étaient pas encore documentées dans les archives nationales de données (NADA) du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal. 7 Abidjan, bien que n’étant pas la capitale politique et administrative de la Côte d’Ivoire, en est la capitale économique et l’agglomération la plus peuplée.

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Échantillonnage

Les enquêtes ont été réalisées par la méthode de sondage aréolaire stratifié à deux degrés à probabilité inégale au premier degré. La taille visée de l’échantillon de l’enquête principale était de 1008. Il a été tiré au premier degré un échantillon de 84 grappes dans chaque agglomération pour constituer la base de sondage des ménages. Au deuxième degré, il a été tiré un nombre constant de 30 ménages par grappe pour constituer l’échantillon maître. Par la suite, 12 ménages sur les 30 de chaque grappe ont été tirés pour former l’échantillon de l’enquête principale. Finalement, pour tenir compte des risques d’attrition de l’échantillon dans le temps, il a été constitué un échantillon de réserve de 420 ménages, soit 5 ménages de réserve par grappe. Les ménages de remplacement d’une grappe ne sont utilisés que pour remplacer des ménages non répondant de la même grappe.

Définition des ménages

La population observée est constituée des ménages résidant dans la principale agglomération de chaque pays, c'est-à-dire y ayant leur logement principal (qu'ils en soient locataires ou non). Il s’agit spécifiquement des ménages occupés par des Africains, du pays ou d’ailleurs, les autres nationalités étant exclues. Sont exclus les ménages collectifs (camps militaires, casernes, hôpitaux, etc.), les ménages ayant un statut diplomatique, les sans domiciles fixes.

« Le ménage est défini au sens du recensement général de la population et de l’habitat (RGPH). Il s’agit de personnes apparentées ou non, vivant ensemble sous le même toit, partageant des repas en commun et reconnaissant l’autorité d’un chef de ménage.

Cette définition est reprise et reprécisée dans la résolution I de la 17e Conférence internationale des statisticiens de travail8 de décembre 2003, concernant les statistiques des revenus et des dépenses de ménages. Un ménage peut être soit composé d’une seule personne qui pourvoie à ses propres besoins alimentaires et autres besoins vitaux sans s’associer avec d’autres personnes ; le ménage peut également comprendre plusieurs personnes qui peuvent être identifiées en fonction de l’un des critères suivants :

• elles partagent le logement (soit en contribuant aux frais de logement soit en bénéficiant du fait que les frais sont supportés par les autres) ;

• elles partagent au moins un repas par semaine ;

8 Voir (Bureau International du Travail, 2003).

• elles sont financièrement dépendantes en ce qui concerne au moins deux des trois types de postes suivants : nourriture, logement ou autres dépenses. » (AFRISTAT, 2008)

La définition des ménages utilisée a été la même dans les huit pays de l’enquête.

Couverture des enquêtes

Le questionnaire sociodémographique des EDM permet de documenter en particulier le lien de parenté avec le chef du ménage, l’âge, le sexe et le statut de résidence9 (membre du ménage ou visiteur) de chaque individu composant un ménage. Ces variables sont indispensables afin de décrire la structure démographique d’un ménage. Nous considérerons que les données sont incomplètes pour un ménage si l’une de ces variables est manquante pour au moins un de ses membres résidents. Le taux de couverture des EDM concernant les caractéristiques sociodémographiques des membres est bon (97,9 % ou plus, voir Tableau 1).

Les analyses présentées dans la suite de ce document porteront uniquement sur les ménages complètement décrits en ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques de leurs membres résidents. Les analyses ne porteront par ailleurs que sur ces derniers, les visiteurs étant exclus.

Tableau 1 : Couverture des enquêtes concernant les données sociodémographiques

Agglomération Ménages enquêtés

Ménages pour lesquels les

informations socio-démographiques sont incomplètes

Part des ménages dont les

caractéristiques sociodémographiques

des membres sont complètement décrites

(%)

Abidjan 1002 0 100,0

Bamako 993 0 100,0

Bissau 999 0 100,0

Cotonou 1008 1 99,9

Dakar 1007 1 99,9

Lomé 975 3 99,7

Niamey 996 0 100,0

Ouagadougou 979 21 97,9

Source : EDM 2008

9 Une personne est résidente si elle y vit habituellement depuis six mois au moins. Toutefois, si la personne vit dans un ménage depuis moins de six mois mais avec la perspective d’y rester plus de six mois, alors, elle est aussi considérée comme résidente. Les résidents absents au moment de l’enquête sont bien pris en compte dans le questionnaire ménages.

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Typologie des ménages à partir des liens de parenté au chef de ménage

Lien de parenté avec le chef de ménage

Le lien de parenté avec le chef de ménage caractérise chaque membre du ménage par rapport à sa situation avec ce dernier10. Les EDM 2008 proposent la liste de modalités suivantes, utilisée dans d’autres enquêtes économiques et simplifiée par rapport aux enquêtes démographiques usuelles :

• Chef de ménage • Conjoint du chef de ménage • Enfant du chef de ménage et/ou de son (d’un

de ses) conjoint(s) • Père ou mère du chef de ménage ou de son

(d’un de ses) conjoint(s) • Autres parents du chef de ménage et/ou de son

(d’un de ses) conjoint(s) • Autre personne non apparentée au chef de

ménage ou à son (ses) conjoint(s) • Domestique / « petite bonne »

Cette catégorisation des liens de parenté positionne les individus par rapport au couple principal du ménage : il n’y a pas de distinction selon que l’individu soit apparenté au chef du ménage ou à un de ses conjoints. Seuls les ascendants et descendants directs (au premier degré11) sont identifiés par une modalité spécifique. Les petits-enfants sont ainsi comptabilisés parmi les autres parents, de même que les conjoints des descendants directs (brus / gendres) ou les collatéraux (frères / sœurs du chef de ménage ou d’un de ses conjoints). Enfin, les domestiques font référence aux personnes employées et rémunérées (en espèce ou en nature) par le ménage même si elles ont par ailleurs des liens de parenté avec le chef de ménage (Manuel des enquêteurs). Seuls les domestiques nourris et logés sont comptabilisés dans le ménage, les domestiques non nourris et/ou non logés étant comptés dans un ménage indépendant.

Les fiches synthétiques par agglomération (en fin d’article) rendent compte de la distribution par âge, sexe et lien de parenté au chef de ménage. Les figures en aires cumulées sont exprimées en pourcentage du total. Elles retranscrivent dès lors la pyramide des âges, montrant le poids des différentes classes d’âges et, en particulier, la

10 Selon le Manuel Enquêteurs utilisé pour les EDM 2008, le chef de ménage est la personne qui est reconnue comme tel par l’ensemble des membres du ménage. Par convention, dans un couple, l’homme est le chef de ménage. 11 Les enfants adoptés sont comptabilisés parmi les descendants directs au même titre que les enfants biologiques.

jeunesse des populations de ces huit agglomérations. Les figures en barres cumulées indiquent, au sein de chaque classe d’âges, la répartition des individus selon leur lien de parenté au chef de ménage.

Catégorisation des ménages à partir des liens de parenté

En 1999, AFRISTAT a publié un document méthodologique sur les concepts et indicateurs du marché du travail et du secteur informel proposant une typologie de la structure des ménages basées sur les liens de parenté au chef de ménage (Backiny-Yetna & Bardon, 1999, p. 13) et reposant sur des travaux menés dans le cadre des analyses des premières enquêtes 1-2-3 (Rakotomanana, Razafindrakoto & Roubaud 1995).

Cette typologie a été fréquemment utilisée dans divers rapports d’enquêtes économiques menées en Afrique francophone (CNSEE, 2006, p. 23; DPS, 2004, p. 12; INS Cameroun, 2011, p. 13; ODHD/LCPM, 2006, p. 31; Unicef Cameroun, 2009, p. 58). Cette typologie a par ailleurs été utilisée dans trois études comparatives réalisées à partir des EDM 2008 (Gacko, 2010, p. 13; Kobobe, 2010, p. 45; Nchare Fogam, 2011, p. xvi).

Cette typologie répartie les ménages en six groupes :

• Ménage unipersonnel : ménage composé d’une seule personne.

• Couple sans descendant : ménage composé du chef de ménage et d’un seul conjoint, soit deux personnes vivant en couple, sans enfant ni autre adulte dans le ménage.

• Couple avec descendant(s) : ménage composé du chef de ménage, d’un seul conjoint et uniquement de descendants directs (fils/filles) du chef de ménage et/ou du conjoint (ménage nucléaire « classique »).

• Ménage monoparental nucléaire : ménage composé uniquement du chef de ménage et de ses descendants directs, sans conjoint ni autre personne dans le ménage.

• Ménage monoparental élargi : ménage composé du chef de ménage, sans conjoint, avec au moins un de ses descendants directs, avec d’autres personnes qu’elles soient apparentées ou non.

• Ménage de famille élargie : tous les autres cas de figures possibles, notamment les ménages polygames avec co-résidence des épouses.

De manière attendue, la répartition (Figure 1) varie selon les capitales en fonction de la taille moyenne des ménages et de la part des ménages dirigés par une femme12. Ainsi, les ménages unipersonnels et

12 Cf. fiches synthétiques par agglomération.

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les couples sans descendant sont plus fréquents dans les agglomérations où les ménages sont de petite taille (Lomé, Cotonou, Abidjan) tandis que les ménages élargis (monoparentaux élargis ou familles élargies) sont plus nombreux dans les agglomérations où la taille des ménages est élevée (Bamako, Bissau, Dakar). De même, les ménages

monoparentaux (nucléaires ou élargis) sont mieux représentés à Lomé, Cotonou, Bissau, Abidjan et Dakar où les ménages dirigés par une femme sont plus fréquents.

Figure 1 : Répartition des ménages selon la typologie à partir des liens de parenté au chef de ménage, par agglomération

Source : EDM 2008

Avantages et limites

Cette typologie présente l’avantage de pouvoir être aisément calculée, puisqu’elle ne repose que sur une seule variable, à savoir le lien de parenté au chef de ménage. De plus, ne cherchant pas à identifier les noyaux secondaires, il n’est pas nécessaire que les liens de parentés au chef de ménage soient documentés de manière détaillée puisque seuls le conjoint et les enfants du chef de ménage (et/ou de son conjoint) sont distingués des autres membres du ménage.

Cette catégorisation est avant tout adaptée pour mettre en évidence les ménages nucléaires au sens large, c’est-à-dire les ménages composés d’un chef de ménage et, éventuellement, d’un unique conjoint et de descendants directs. Toutes les autres situations, impliquant plusieurs conjoints (polygamie avec co-résidence des épouses), des

descendants au second degré ou plus (petits-enfants), des ascendants (père/mère), des collatéraux (frères/sœurs), des conjoints des descendants (gendres / brus), d’autres apparentés et/ou des personnes non apparentées au chef de ménage sont de fait catégorisées dans les ménages dits élargis (monoparentaux ou non). Ces derniers représentent encore une part importante des ménages ouest-africains, y compris en milieu urbain : de 32 à 74 % selon l’agglomération enquêtée.

Par ailleurs, cette catégorisation ne prenant pas en compte l’âge des différents membres, elle regroupe des situations de dépendance diverses. Par exemple, un ménage composé d’un couple âgé et de deux fils adultes et ayant chacun un emploi sera considéré comme couple avec enfants au même titre qu’un jeune couple nouvellement marié avec un enfant en

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bas âge. Or, dans le cadre d’études portant sur la consommation ou la pauvreté, il peut être important de pouvoir distinguer ces différentes situations qui correspondent à des réalités de vie très différente.

Enfin, d’un point de vue démographique, cette typologie ne permet pas d’identifier, au sein des ménages classés ici comme « élargis », les différentes unités conjugales familiales (Hammel & Laslett, 1974) plus communément appelées « noyaux ». En effet, l’identification des noyaux requiert que, pour chaque membre du ménage en couple, soit documenté s’il y a co-résidence du conjoint et que, pour chaque enfant, soit documenté s’il y a co-résidence du père et/ou de la mère au sein du même ménage (Tichit & Robette, 2008).

Typologie éco-démographique des ménages

Revenus monétaires et contribution monétaire aux dépenses du ménage

Si les EDM ne fournissent pas d’information permettant d’identifier les couples (en dehors du couple formé par le chef de ménage et ses conjoints), l’objectif principal de ces enquêtes étant l’étude de la consommation des ménages et le relevé des prix des biens de consommation, il est possible d’identifier les personnes disposant d’un revenu monétaire et leur contribution aux dépenses monétaires communes du ménage.

En effet, les fiches d’éligibilité aux carnets de compte13 des EDM 2008 indiquent, pour chaque personne de 15 ans ou plus, si cette dernière a un revenu financier et, le cas échéant, si elle contribue aux dépenses communes du ménage ou bien si elle n’utilise son revenu que pour des dépenses qui lui sont personnelles. Il est donc possible de distinguer les individus de 15 ans ou plus en trois catégories :

• les membres avec revenu et contributeurs aux dépenses du ménage qui ont un revenu et consacrent tout ou partie de ce dernier aux dépenses communes du ménage ;

• les membres avec revenu non contributeurs qui disposent d’un revenu mais consacrent ce dernier uniquement à des dépenses personnelles et

• les membres sans revenu monétaire qui ne disposent d’aucun revenu monétaire et sont, pour ce qui est des dépenses monétaires, à « la charge » du ménage.

13 Les données des fiches d’éligibilité n’étant pas disponibles pour Ouagadougou, les analyses portant sur les contributeurs ont donc été effectuée uniquement sur les sept autres capitales.

Par définition, les enfants de 14 ans ou moins sont considérés dans cette enquête comme ne disposant pas d’un revenu monétaire. Par ailleurs, nous excluons ici les domestiques et « petites bonnes ». En effet, si ces derniers représentent un « coût » pour le ménage (ils sont nourris, logés et entretenus14), ils constituent également une « ressource » pour ce même ménage.

Il importe de relativiser plusieurs points. En premier lieu, le fait de disposer d’un revenu ne signifie pas pour autant être indépendant financièrement, les revenus gagnés pouvant être insuffisants pour couvrir l’ensemble des besoins de la personne. Malheureusement, les données disponibles dans les EDM 2008 ne permettent pas de savoir si les revenus dont dispose l’individu lui permettent de couvrir l’ensemble de ses dépenses. De même, nous ne connaissons pas le montant total des revenus monétaires ni la part de ceux-ci consacrés aux dépenses communes. Les réponses exploitées sont ici déclaratives et dépendent de fait de la manière dont les questions sont perçues par les enquêtés. Il faut noter que c’est le chef de ménage, ou en cas d’absence son représentant, qui est interrogé pour chacun des membres. Il est possible que le chef de ménage ne connaisse pas les activités génératrices de revenu de tous les membres ou encore qu’il minimise la contribution monétaire de certains membres.

En second lieu, ce classement repose uniquement sur les revenus monétaires et exclut, de fait, toute contribution aux besoins du ménage sans y mettre de l’argent, que ce soit en temps, en service ou en nature. Dès lors, une telle catégorisation passe sous silence le travail domestique des femmes (Godard, 2010), ou encore celui des enfants, et plus généralement l’apport des aides familiaux qui contribuent à la création des revenus du ménage sans percevoir directement un revenu financier. Ces différentes dimensions ne peuvent être mesurées par une telle approche.

Enfin, il ne faut pas oublier que les ménages sont considérés dans les EDM comme formant une seule unité de consommation. Cette approche, pratique d’un point de vue opérationnel, ne permet pas de distinguer comment les ressources sont mises en commun au sein d’un ménage ni d’identifier les interactions entre membres.

Les fiches synthétiques par agglomération (en fin d’article) indiquent l’évolution selon l’âge des taux de personnes avec revenu et contributrices, avec revenu non contributrices et sans revenu monétaire, ainsi que la part des contributeurs selon leur lien de parenté au chef de ménage (adultes de 15 ans ou plus uniquement, domestiques exclus).

14 Pour rappel, si un domestique est seulement nourri ou seulement logé, il est compté dans un ménage séparé.

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La répartition par contribution des individus selon leur âge traduit des « cycles de vie ». Par définition, tous les moins de quinze ans sont considérés comme étant sans revenu. À l’entrée dans la vie adulte et active, la part des individus sans revenu monétaire diminue au profit des personnes avec revenu. Les membres avec revenu mais non contributeurs concernent pour l’essentiel des jeunes entre 15 et 30 ans. Passé 40 ans, il y a peu de personnes qui ne contribuent pas aux dépenses si elles disposent d’un revenu. Enfin, les taux de contributeurs diminuent aux grands âges (après 60 ans) de manière plus ou moins marquée selon la capitale.

De manière attendue, la contribution aux dépenses du ménage est fonction du lien de parenté au chef de ménage, les chefs de ménages étant presque tous (90 % ou plus) des contributeurs aux dépenses du ménage. Les conjoints sont rarement dans la catégorie avec revenu non contributeur : soit ils participent aux dépenses monétaires du ménage, soit ils ne disposent pas d’un revenu monétaire15. Enfin, les autres parents du chef de ménage et les membres non apparentés s’avèrent moins fréquemment sans revenu que les descendants directs du chef de ménage.

La Figure 2 montre que la part globale des adultes sans revenu est liée à la taille moyenne des

ménages. Ainsi, les adultes sans revenu sont plus fréquents à Bissau, Niamey, Bamako et Dakar où la taille des ménages est élevée. Le fait que les individus deviennent chef de ménage à un âge plus avancé s’accompagne d’une proportion plus faible de jeunes adultes disposant d’un revenu monétaire.

Dans les trois agglomérations côtières du Golfe de Guinée (Abidjan, Cotonou et Lomé), qui se caractérisent à la fois par des ménages de petite taille et une proportion élevée de ménages dirigés par une femme, l’augmentation de la proportion de contributeurs selon l’âge est plus rapide et la part de jeunes adultes avec revenu et non contributeurs plus importante. Les taux de contribution diffèrent peu entre les hommes et les femmes et seulement 15 à 20 % des conjoints ne disposent pas d’un revenu.

À l’opposé, dans les agglomérations sahéliennes (Bamako et Niamey) où les ménages dirigés par des femmes sont peu nombreux, le taux de contributrices est presque inférieur de moitié à celui des hommes à âge égal. Cet écart entre hommes et femmes est moindre à Dakar et Bissau où, malgré la grande taille des ménages, les ménages dirigés par des femmes sont plus fréquents. Dans ces quatre agglomérations, 35 à 60 % des conjoints ne disposent pas d’un revenu.

Figure 2 : Taille moyenne des ménages selon la part des adultes sans revenu, par agglomération

Source : EDM 2008. ________________________ 15 Comme déjà évoqué, cela ne signifie pas pour autant qu’ils ne contribuent pas, de manière non monétaire, aux besoins du ménage.

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Rapport de dépendance monétaire Le rapport de dépendance est un indicateur statistique usuel rapportant le nombre de personnes dépendantes au nombre de personnes actives.

En démographie, à l’échelle d’une population prise dans son ensemble, les personnes dépendantes sont usuellement identifiées à partir de leur âge. Le rapport de dépendance démographique rapporte donc le nombre de moins de 15 ans (pas encore en âge de travailler) et de 65 ans et plus (plus en âge de travailler) aux 15-64 ans révolus. Les limites d’âges peuvent varier selon les contextes. Si cette définition permet d’obtenir un ordre de grandeur de l’effet de la structure démographique d’une population en l’absence de statistiques plus détaillées, elle est inadéquate à l’échelle d’un ménage.

En économie, le rapport de dépendance est le plus souvent établi à partir de la population active en rapportant les inactifs aux actifs. Il est le plus souvent calculé à un niveau macro-économique, c’est-à-dire à l’échelle d’une population dans son ensemble. Cependant, le rapport de dépendance s’avère également informatif lorsqu’il est calculé au niveau de chaque ménage pris individuellement. Il permet d’identifier les ménages potentiellement les plus « fragiles » d’un point de vue structurel.

Dans le cadre des EDM 2008, nous pouvons définir un rapport de dépendance monétaire au niveau ménage en rapportant les membres sans revenu (quel que soit leur âge) aux membres disposant d’un revenu monétaire (domestiques exclus du calcul). Ce rapport de dépendance, calculable pour chaque ménage, correspond au nombre moyen de membres sans revenu pour chaque membre disposant d’un revenu.

Catégorisation éco-démographique des ménages Afin de palier à certaines des limites de la typologie fondée sur le seul lien de parenté au chef de ménage, nous souhaitons construire une autre catégorisation des ménages, tenant compte des situations de dépendance au sein des ménages et exploitant ainsi les données disponibles dans les EDM 2008. En particulier, nous souhaitons identifier différentes configurations familiales et subdiviser ainsi la catégorie des familles dites élargies dans la première typologie. Nous proposons donc ici une catégorisation des ménages tenant compte à la fois de l’âge des individus (enfant ou adulte), de leur lien de parenté au chef de ménage (conjoint, descendant direct ou autre) et du revenu monétaire. Les ménages sont catégorisés à partir des membres en première et seconde position : les domestiques ne sont donc pas pris en compte pour définir la catégorie et la classe du ménage. Par construction, cette typologie permet de

distinguer des ménages ayant un faible rapport de dépendance monétaire des ménages ayant un rapport de dépendance monétaire plus élevé.

Premier élément de distinction entre ménages, le chef de ménage peut être isolé (absence de conjoint co-résident) ou en couple (monogame ou polygame). Concernant le couple principal du ménage, le revenu n’est pas pris en compte.

Les autres membres du ménage (domestique exclus et quel que soit leur lien de parenté au chef de ménage, à l’exception des chefs de ménage et des conjoints) sont répartis entre :

• enfants (entendu comme individu de moins de 15 ans,),

• adultes sans revenu (individus de 15 ans ou plus) et

• autres adultes avec revenu (entendu ici comme adulte de 15 ans ou plus disposant d’un revenu, qu’il soit contributeur ou non, n’étant ni chef de ménage ni conjoint du chef de ménage).

Les ménages pourront dès lors être distingués en :

• ménage avec enfant(s) : ménage comportant au moins un enfant, sans autre adulte en dehors du couple principal ;

• ménage avec adulte(s) sans revenu : ménage (avec ou sans enfant) comportant au moins un adulte sans revenu, mais sans autre adulte avec revenu co-résident ;

• ménage avec autre(s) adulte(s) : ménage comportant au moins un autre adulte avec revenu co-résident, qu’il y ait ou non également la présence d’enfants et/ou d’adultes sans revenu.

Enfin, seront distingués les ménages dont les membres sont exclusivement des descendants directs du chef de ménage et/ou d’un de ses conjoints et les ménages comportant au moins un autre parent ou une personne non apparentée au chef de ménage.

Ces différentes définitions permettent de construire une typologie comportant 7 catégories et 15 classes (voir Tableau 2).

Le Tableau 3 présente la répartition des ménages de chaque capitale en catégories et classes éco-démographiques. De manière globale, il apparaît que les ménages où le chef est isolé comportent plus fréquemment d’autres adultes avec revenu que les ménages ou le chef de ménage est en couple. La majorité des ménages avec enfant(s) comportent exclusivement des descendants directs du chef de ménage et/ou d’un de ses conjoints, tandis que les ménages comportant d’autre(s) adulte(s) avec revenu accueillent le plus souvent au moins un autre parent ou une personne non apparentée.

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Tableau 2 : Catégorisation éco-démographique des ménages

Tableau 3 : Répartition des ménages selon leur catégorie éco-démographique et l’agglomération

Sources : EDM 2008. Lecture : 33,9 % des ménages abidjanais sont ‘sans enfant ni adulte sans revenu'.

Comparaison avec la typologie construite à partir des seuls liens de parentés

Le Tableau 4 croise les classes éco-démographiques avec la catégorisation des ménages selon les liens

de parenté au chef de ménage présentée précédemment. Il permet ainsi de mieux comprendre les différences de construction de ces deux typologies.

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Tableau 4 : Croisement des classes éco-démographiques et de la catégorisation des ménages selon les liens de parenté au chef de ménage

Sources : EDM 2008. Note : les données des 7 agglomérations ont été fusionnées dans ce tableau. DU : descendants directs uniquement. AP : autres personnes, apparentées ou non.

Les classes éco-démographiques 11 (ménages unipersonnels) et 12 (couples) correspondent respectivement aux ménages unipersonnels et aux couples sans descendant de la catégorisation selon les liens de parentés. Un faible nombre d’entre eux sont également classés comme Familles élargies dans la seconde catégorisation, en raison de la présence d’un domestique. En effet, ces derniers ne sont pas pris en compte pour déterminer la classe éco-démographique, à la différence de la catégorisation selon les liens de parenté.

Les ménages de la classe 13 (cohabitation d’adultes) sont le plus souvent comptabilisés comme des ménages élargis. Cependant, quelques-uns sont catégorisés comme des couples avec descendants ou des ménages monoparentaux nucléaires, situation observée quand des parents vivent uniquement avec des descendants adultes et ayant un revenu.

Les couples avec descendants (respectivement les ménages monoparentaux nucléaires) selon les liens

de parentés avec le chef de ménage se répartissent essentiellement, et par construction, dans les classes 21, 41 et 61 (respectivement 31, 51 et 71), à savoir les classes éco-démographiques correspondant à des couples (respectivement un chef de ménage isolé) avec des descendants directs uniquement. La catégorisation éco-démographique permet donc de distinguer, pour ces ménages, plusieurs situations de dépendances : ménages avec descendants mineurs uniquement ; avec descendants adultes sans revenu et ménages comportant au moins un descendant adulte ayant un revenu. Comme précédemment, les ménages des classes 21, 31, 41, 51, 61 et 71 comportant au moins un domestique sont, par définition, catégorisés en ménage élargi (monoparental le cas échéant) dans la typologie selon les liens de parentés.

Enfin, les classes éco-démographiques avec autres parents (22, 32, 42, 52, 62 et 72) sont toutes considérées comme des ménages élargis (famille ou

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monoparental) dans la catégorisation selon les liens de parenté. Les classes éco-démographiques permettent donc une classification plus fine de ces ménages et, notamment, de distinguer parmi les ménages élargis ceux qui ne le sont qu’en raison de la présence d’un domestique. Par ailleurs, on notera que les classes correspondant à des ménages isolés avec autres parents (classes 32, 52 et 72) sont tantôt comptabilisées comme ménages monoparentaux élargis, tantôt comme familles élargies. Dans la catégorisation selon les liens de parenté au chef de ménage, la présence d’au moins un descendant direct du chef de ménage est nécessaire pour être catégorisé en tant que ménage monoparental élargi. Ainsi, un ménage composé d’une femme âgée hébergeant ses petits-enfants sera considéré comme étant une famille élargie, tandis qu’il sera classé comme ménage isolé avec enfants (classe 32) dans la typologie éco-démographique, la distinction couple / isolé portant uniquement sur la présence d’un ou plusieurs conjoints, indépendamment de la présence ou non de descendants directs.

Il n’est pas possible d’identifier formellement les ménages polynucléaires mais, par construction, ces derniers ne peuvent être présents que dans des ménages élargis avec au moins un adulte sans revenu et/ou un autre adulte avec revenu, soit dans les classes 42, 52, 62 et 72.

Caractéristiques des catégories éco-démographiques Afin d’illustrer les caractéristiques sociodémographiques des catégories éco-démographiques, nous avons réalisé une analyse factorielle des correspondances multiples (ACM) à partir de la classe éco-démographique des ménages, la capitale, la taille du ménage, le rapport de dépendance monétaire16, le sexe du chef de ménage, son âge et son statut matrimonial ainsi que la présence de domestique(s) et/ou d’ascendant(s) du chef de ménage (ou de son conjoint). Le plan factoriel constitué par les deux premiers axes, représenté sur la Figure 3, illustre les principales associations au travers de la proximité des différentes modalités représentées.

Le premier axe (l’axe horizontal) oppose les ménages de petite taille (à droite) aux ménages de grande taille (à gauche). Le rapport de dépendance est également réparti selon ce premier axe. L’axe deux (axe vertical) oppose les ménages dirigés par un homme (en haut) et les ménages dirigés par une femme (en bas). Le troisième axe (non représenté) contribue peu à l’analyse, accentuant les différences entre les ménages unipersonnels et les ménages de deux membres ou plus.

Figure 3 : Plan factoriel (axes 1 et 2) d’une analyse des correspondances multiples prenant en compte les agglomérations, les classes éco-démographiques et plusieurs caractéristiques démographiques des ménages

Source : EDM 2008. Note : le plan factoriel explique 14,5 % de la variance (8,6 % pour l’axe 1, 5,9 % pour l’axe 2). ________________________ 16 Ce rapport de dépendance, calculé pour chaque ménage, rapporte le nombre d’individus sans revenu monétaire au nombre de membres disposant d’un revenu. Il traduit donc le nombre moyen de membres sans revenu pour un membre ayant un revenu.

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L’âge du chef de ménage se projette selon les deux axes (la corrélation étant néanmoins plus importante selon le premier axe) : les ménages dirigés par une personne jeune sont plus présents à droite vers le haut de la figure tandis que les ménages dirigés par une personne plus âgée sont à gauche vers le bas.

Ce plan caractérise trois groupes de ménages assez homogènes.

En premier lieu, les ménages sans enfant ni adulte sans revenu (catégorie 1) forme un premier groupe situé sur la droite du plan factoriel, à proximité de la modalité rapport de dépendance monétaire inférieur à un tiers et de chef de ménage de moins de 30 ans, tandis que les catégories 2 à 7 sont situées à gauche sur le premier axe. De manière attendue, les modalités chef de ménage célibataire et ménage de taille 1 sont proches de la classe 11, ménage unipersonnel. La modalité ménage de deux membres est proche pour sa part des classes 12 (couple) et 13 (cohabitation d’adultes). Les couples (classe 12) sont situés plus haut sur l’axe 2 que les ménages unipersonnels ou les cohabitations d’adultes, dans la mesure où ces ménages sont presque exclusivement dirigés par un homme. La proximité entre chef de ménage en union libre et couples (classe 12) est liée au fait que ce statut matrimonial est plus fréquent chez les chefs de ménages jeunes n’ayant pas encore d’enfant, l’union libre pouvant être une étape préalable au mariage.

La seconde différence marquée oppose les ménages d’isolés (catégories 3, 5 et 7) aux ménages familiaux où le chef est en couple (catégories 2, 4, 6). Les ménages d’isolés sont dirigés pour la plupart par une femme tandis que les ménages où le chef est en couple sont plus souvent dirigés par un homme. Sans surprise, les modalités chef de ménage divorcé ou veuf sont représentées dans la même zone du plan factoriel, ces deux statuts matrimoniaux du chef de ménage étant plus fréquents lorsque ce dernier est une femme.

Au sein du groupe des ménages où le chef est en couple (catégories 2, 4 et 6), il apparait que les ménages avec des enfant(s) uniquement (classes 21 et 22) sont positionnés en haut et à gauche par rapport aux ménages avec adulte(s) sans revenu (classes 41 et 42) : les ménages avec enfant(s) sont en moyenne de plus petite taille, avec un rapport de dépendance plus faible et un chef de ménage plus jeune. Les ménages avec autre(s) adulte(s) (classes 61 et 62) se situent quant à eux sous les ménages avec adulte(s) sans revenu, leur position selon l’axe horizontal étant similaire : ces ménages sont en moyenne plus grands avec un chef de ménage plus âgé, mais leur rapport de dépendance est en général plus faible du fait de la présence d’autres adultes disposant d’un revenu. Les mêmes

différences s’observent au sein du groupe des ménages dirigés par une personne isolée (catégories 3, 5 et 7).

Au sein d’une même catégorie, les classes de ménages ne comportant que des descendants directs du chef de ménage17 (soit les ménages dits nucléaires) sont situés en général un peu plus en haut et à droite que les ménages de la même catégorie comportant d’autres personnes, apparentées ou non. En effet, les premiers sont en moyenne légèrement plus petits que les seconds.

Les différentes catégories de ménages constituent, en partie seulement, plusieurs étapes d’un cycle de vie d’un ménage type : mise en couple ; naissance des premiers enfants ; les aînés deviennent de jeunes adultes mais ne travaillent pas encore ; les aînés deviennent actifs et participent aux dépenses du ménage. Cela est particulièrement visible pour les ménages ne comportant que des descendants directs du chef de ménage.

Il faut rester prudent : cette trajectoire d’un ménage n’est qu’une trajectoire type et la réalité est plus complexe, notamment pour les ménages comportant d’autres personnes, apparentées ou non. Il y a ainsi des ménages avec autre(s) adulte(s) dirigés par une personne jeune par exemple. Un individu peut constituer une famille (avec épouse et enfants) tout en continuant de vivre avec ses parents et n’accédant au statut de chef de ménage qu’au décès du père. Un ménage unipersonnel peut tout aussi bien être un jeune adulte venu en ville pour poursuivre ses études, qu’une personne âgée vivant seule sans soutien familial ou encore un homme adulte migrant venu travailler.

Cependant, ce « cycle type » explique en partie la taille croissante des ménages selon les différentes catégories. Et, dans la mesure où il faut du temps pour que le ménage s’accroisse, on observe que les chefs de ménage sont, en moyenne, plus âgés dans les ménages comportant d’autre(s) adultes que les ménages avec adulte(s) sans revenu. De même, les ménages avec enfant(s) et les ménages sans enfant ni adulte sans revenu sont ceux où l’âge moyen des chefs de ménage est le plus faible.

Abidjan, Lomé et Cotonou présentent une répartition éco-démographique comparable (Tableau 3) et se positionnent sur la droite du plan factoriel. Les ménages y sont relativement de petite taille, ce qui se traduit par une part importante (environ les deux tiers) de ménages sans enfant ni adulte sans revenu (catégorie 1) et de ménages ne comportant que des enfants de 15 ans ou moins (catégories 2 et 3). Les femmes chef de ménage sont fréquentes dans ces trois agglomérations, d’où une proportion relative plus élevée de ménages d’isolés (catégories 3, 5 et 8).

17 Il s’agit des classes 21, 31, 41, 51, 61 et 71.

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À l’opposé, Bamako et Niamey ont des ménages de grande taille et une faible proportion de femmes chef de ménage : les ménages comportant d’autres adultes (avec ou sans revenu) en-dehors du couple principal y sont plus nombreux et les ménages d’isolés sont moins représentés. Une majorité des ménages appartient dès lors aux catégories 2, 4 et 6. Ces deux agglomérations apparaissent dans le quadrant en haut et à gauche du plan factoriel.

La taille moyenne des ménages à Bissau est également très élevée : deux tiers des ménages comportent au moins un adulte (avec ou sans revenu). Mais, à la différence de Bamako et Niamey, les ménages d’isolés sont plus fréquents, d’où une proportion élevée de ménages dirigés par une femme. Cette agglomération se situe dans le quadrant bas-gauche du plan factoriel.

Enfin, Dakar présente un profil particulier : un tiers des ménages sont sans enfant ni adulte sans revenu (catégorie 1 correspondant à des ménages de petite taille) et un autre tiers comportent un ou plusieurs adultes avec revenu (catégories 6 et 7, correspondant à des ménages de grande taille), les ménages avec enfant(s) et surtout ceux avec adulte(s) sans revenu étant faiblement représentés. La part des ménages d’isolés y est comparable à celle de Bissau. Sur le plan factoriel, il se situe dès lors à mi-chemin entre Bissau d’un côté et les agglomérations côtières du Golfe de Guinée d’autre part.

Au final, cette analyse factorielle suggère que, d’un point de vue démographique, les ménages se regroupent en premier lieu en trois grands groupes : les ménages sans enfant ni adulte sans revenu, les ménages familiaux où le chef est en couple et les ménages dont le chef est isolé. Dans un second temps seulement, c’est l’âge et l’occupation des autres membres du ménage qui va importer, en distinguant les ménages ne comportant que des enfants, ceux avec des adultes sans revenu et ceux avec d’autres adultes disposant d’un revenu monétaire. La distinction des autres membres selon leur lien de parenté au chef de ménage (descendants directs ou autre lien) n’intervient qu’ensuite et s’avère moins importante : les écarts entre ménages nucléaires et les ménages élargis sont faibles, à situation de dépendance égale.

Discussion Les enquêtes sur les dépenses des ménages n’ont pas pour finalité première une étude fine de la composition démographique des ménages. Les ménages y sont considérés comme une unité résidentielle et économique uniforme en son sein, alors que les limites de la « famille » sont mouvantes et que les relations au sein d’un ménage sont diverses (que ce soit en matière de prise de

décisions, d’organisation des repas ou d’entraide entre les membres). La liste des liens de parenté au chef de ménage est limitée : une majorité d’individus sont dès lors classés dans la catégorie autre lien de parenté au chef de ménage. Si dans un contexte européen les ménages élargis constituent une faible part de l’ensemble des ménages, en Afrique de l’Ouest, ces derniers représentent de 32 à 74 % des ménages (Figure 1). Dès lors, les EDM sont inadaptées pour des analyses purement démographiques de la structure des ménages qui reposent le plus souvent sur l’identification des noyaux (Tichit & Robette, 2008) ou des unités familiales conjugales (Hammel & Laslett, 1974), c’est-à-dire, pour simplifier, des couples avec ou sans enfant. Pour appréhender en détails ces différentes dimensions, il est nécessaire d’avoir recours à des dispositifs d’enquêtes spécifiques, tels que, par exemple, l’enquête Pauvreté et Structure familiale (PSF) réalisée en 2006-2007 au Sénégal (De Vreyer, Lambert, Safir, & Sylla, 2008). Mais si de telles enquêtes extrêmement détaillées permettent une description fine de la structure démographique des ménages, leur dispositif de collecte est coûteux à mettre en place, tant d’un point de vue financier qu’en termes de ressources humaines. Il ne peut dès lors être généralisé à tout type d’enquêtes.

Malgré une collecte de données démographiques plus légère, il est déjà possible de décrire les ménages avec une certaine précision à partir d’enquêtes telles que les EDM. En particulier, ces dernières apportent des données sur le revenu monétaire et la contribution monétaire des individus aux dépenses du ménage et permettent ainsi d’identifier ainsi les individus à la charge du ménage.

Nous avons proposé et développé dans cet article une catégorisation des ménages dite « éco-démographique » prenant en compte à la fois les liens de parenté et le revenu monétaire des différents membres du ménage. Cette typologie (en 7 catégories et 15 classes) s’avère efficace pour rendre compte de la taille du ménage et de sa structure de dépendance. Il reste possible d’isoler les ménages nucléaires des ménages élargis, même si les résultats de l’analyse des correspondances suggère que la distinction nucléaire/élargi semble moins importante que la situation du chef de ménage (en couple ou isolé) et le revenu des autres adultes du ménage.

Les ménages se distinguent en premier lieu selon la situation du chef de ménage (ménage sans dépendants, chef de ménage en couple ou chef de ménage isolé), puis dans un second temps selon l’âge du chef de ménage et l’occupation des membres du ménage et, seulement dans un dernier temps, selon les liens de parenté au sein du ménage.

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Surtout, cette structure éco-démographique des ménages montre la diversité des situations rencontrés par les ménages classés comme élargis à partir d’une typologie ne prenant en compte que le lien de parenté au chef de ménage. Bien que, comme le rappelle justement Patrice Vimard18

(1995, p. 9), « il n’existe pas a priori de bonnes ou de mauvaises typologies », il reste possible d’exploiter les variables d’enquêtes disponibles pour affiner nos catégorisations.

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ANNEXE

Fiches synthétiques par agglomération

Abidjan

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Bamako

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Bissau

n.d. : information non disponible

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Cotonou

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Dakar

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Lomé

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Niamey

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Ouagadougou

n.d. : information non disponible

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Tribune Joseph TEDOU

Directeur Général Institut National de la Statistique du Cameroun

Poor numbers, how we are misled by

African development statistics and

what to do about it. Morten Jerven ,

Ithaca and London, Cornell University Press, 187 p

Comme beaucoup de personnes intéressées par la qualité des statistiques en Afrique, qu’il s’agisse des africains eux-mêmes ou de leurs partenaires, notamment au développement, l’ouvrage de M. Morten Jerven intitulé « Poor numbers, how we are misled by African development statistics and what to do about it. » et les articles qui ont accompagné la sortie de cet ouvrage m’ont interpelé et ont suscité des échanges avec mes collaborateurs. Le titre de l’article est en lui-même suffisamment provocateur et alarmant pour ne pas nous laisser indifférents. On est en droit de se poser la même question que Pali Lehohla de l’office de la statistique d’Afrique du Sud (Statistics-South Africa) : M. Jerven a-t-il expressément exagéré l’état de la production statistique en Afrique afin d’attirer l’attention sur l’impérieuse nécessité d’accompagner les différentes réformes statistiques en cours et de nous inciter à mieux communiquer avec les utilisateurs des statistiques que nous produisons ?

La présente tribune se fait écho de nos réactions et a pour objectif de mettre en perspective les conclusions parfois hâtives de M. Jerven. Nous souhaitons faire comprendre que la statistique ne se porte pas si mal en Afrique. Au contraire, elle connait un important développement depuis les années 90, surtout avec l’avènement des programmes d’ajustement économique que plusieurs pays africains ont mis en œuvre avec le soutien des institutions de Brettons Woods (FMI et Banque Mondiale).

Un des principaux éléments sur lesquels se fondent les propos de M. Jerven est la révision du PIB effectuée par le Service Statistique du Ghana (SSG). Se posent alors trois questions sur l’évaluation du Produit Intérieur Brut (PIB) par les Instituts Nationaux de Statistique (INS) des pays de

l’Afrique Subsaharienne : (i) est–ce que le PIB est correctement mesuré ?; (ii) est-ce que la qualité de la mesure est uniforme dans l’espace africain ?; et enfin, (iii) observe-t-on une amélioration dans le temps des méthodes de comptabilité nationale ?

Pour apporter des éléments de réponse à ces interrogations, nous devons d’abord comprendre la nature du problème et le contenu de la révision du PIB au Ghana, ensuite s’interroger sur l’exemplarité de l’expérience ghanéenne et enfin, présenter l’expérience du Cameroun dans le cadre des changements du système de comptabilité nationale (notamment celui de l’année de base).

Nature du problème et contenu de la révision du PIB au Ghana

Lors du dernier atelier du Groupe Africain de Comptabilité Nationale sur la Stratégie africaine de mise en œuvre du Système de Comptabilité Nationale 2008 (SCN 2008), tenu à Addis-Abeba, du 11 au 13 février 2013, le Ghana a fait un exposé sur les résultats de la nouvelle année de base 2006 qu’il venait d’achever. Le principal fait saillant était le relèvement de 60 % du niveau du PIB par rapport à son niveau dans l’ancienne base. Partant de ce constat, les participants s’étaient interrogés sur les

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raisons qui pouvaient expliquer une telle situation. Des discussions, il en est ressorti les trois raisons majeures ci-après : • Le changement de la structure de l’économie

ghanéenne entre 1993 et 2006 ; • Le passage du SCN 1968 précédemment utilisé

au SCN 1993 qui implique d’importants changements des concepts et des méthodologies utilisés. L’utilisation de la dernière version de la Classification Internationale Type par Industrie (CITI –Révision 4) ;

• La très bonne couverture des sources statistiques primaires, notamment le recensement industriel de 2003, l’enquête budget consommation de 2005/2006, et les enquêtes dans le secteur des transports.

Il est apparu que cette réévaluation que connaît le Ghana est à relativiser, car c’est une situation susceptible d’intervenir à cause des trois raisons ci-dessus mentionnées. Au regard de ce qui précède, il est compréhensible que l’on note une réévaluation de près de 60 % du PIB au Ghana, compte tenu des grands changements entre le SCN 68 et le SCN 93 notamment en ce qui concerne le champ de la production ou d’autres agrégats qui s’est considérablement élargi.

Il revient tout d’abord à l’institut ghanéen de la statistique (SSG) de reconstituer par rétropolation les séries temporelles de comptabilité nationale et, ensuite, de bien communiquer sur ce qui s’est réellement passé, dans le but de faciliter la compréhension des utilisateurs des séries macroéconomiques du Ghana. Car, il est clair qu’une variation de plus de 25 % du PIB suscite toujours beaucoup d’interrogations.

Le cas du Ghana ne peut être généralisé à l’ensemble du continent africain

L’auteur de l’article ne devrait pas généraliser le cas du Ghana à l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne. En effet, les pays africains membres d’AFRISTAT ont réalisé depuis plusieurs années des efforts pour la mise en œuvre du SCN 1993 dans l’élaboration de leurs comptes, notamment avec l’utilisation de l’outil ERETES1. Ce qui n’a pas été le cas de tous les pays africains.

En ce qui concerne la dimension temporelle, la mise en place d’une nouvelle année de base des comptes nationaux (tous les 5 ou 10 ans) doit s’accompagner d’une révision de toute la série des comptes nationaux, notamment pour les principaux utilisateurs (partenaires techniques et financiers des gouvernements, services en charge de l’économie et de la prévision, universitaires et chercheurs,

1 Il s’agit d’un pro logiciel d’aide à l’élaboration des comptes nationaux.

organisations internationales, banques centrales, etc.).

Il s’agit d’un exercice de rétropolation qui consiste à introduire dans l’ancienne série, les changements intervenus dans la nouvelle série ; ce qui permettra ensuite d’éviter le problème de saut (ou rupture) de séries.

L’expérience du Cameroun

Depuis 1993, l’Institut National de la Statistique (INS) s’est engagé dans un processus de refonte et de modernisation des comptes nationaux du Cameroun. Ce faisant, l’INS poursuivait trois objectifs principaux : (i) la prise en compte du nouveau Système de Comptabilité Nationale des Nations Unies (SCN 93), cadre de référence de l'élaboration des comptes nationaux en vue de garantir la comparabilité internationale, de la révision 3 de la classification internationale type par industrie (CITI), ainsi que de la nouvelle classification centrale des produits (CPC) ; (ii) l'utilisation des possibilités de la micro-informatique dans l'élaboration des comptes de la nation avec l’utilisation de l’outil ERETES ; et enfin, (iii) la mise à jour des comptes nationaux, consécutive à la mise en place d'une nouvelle année de base 1990.

A l’issue de ces changements, les premières publications intitulées « Les comptes nationaux du Cameroun selon le SCN93 » ont eu lieu en avril 1999, avril 2000 et mai 2002 et comprennent la série des comptes allant de 1989/90 à 2000/01. Ainsi, à l’exemple du Ghana, le PIB aux prix courants de l’année 1989/90 a été réévalué de 14 % par rapport à l’ancienne série selon le SCN 68 (3 896,1 milliards contre 3 420,8 milliards de FCFA).

Dans le même temps, le gouvernement et les bailleurs de fonds étaient en négociation sur l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative d’allègement de la dette des Pays Pauvres Très Endettés (Initiative PPTE). Cette réévaluation du PIB entraînait des modifications dans les indicateurs macroéconomiques du pays, ce qui engendrait des divergences sur l’appréciation des performances macroéconomiques sur la période considérée. Dans ce contexte, deux missions d’évaluation technique du Fonds Monétaire International (FMI) et de la Banque mondiale auprès de l’INS intervenues respectivement du 29 septembre au 09 octobre 2003 et du 06 au 17 décembre 2004 ont permis d’auditer la méthodologie d’élaboration des comptes et la qualité des données utilisées. Au terme de ces missions, les experts du FMI et de la Banque mondiale ont conclu que la méthodologie utilisée est conforme au SCN93 et que les résultats obtenus méritent d’être publiés et utilisés.

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Depuis lors, les données des comptes nationaux de l’INS sont utilisés à la fois par le gouvernement, les bailleurs de fonds, les organisations internationales, etc. A titre d’illustration, la série du PIB aux prix courants du WDI est exactement la même que celle publiée par l’INS sur la période 1993 à 2006. Les divergences observées de 2007 à 2011 pourraient s’expliquer d’une part, par la source de l’information (par exemple, il peut s’agir des données prévisionnelles publiées par la Direction de la prévision au Ministère des finances dans le cadre de la préparation de la Loi des finances) et d’autre part, par le statut de la donnée (provisoire, semi-définitive ou définitive).

Pour corroborer une fois de plus le cas du Ghana, la mise en place de l’année de base 2005 au Cameroun qui a débuté en 2008 a été guidée par trois (3) enjeux méthodologiques : achever d’appliquer certains aspects du SCN1993 relatifs aux ménages, intégrer les recommandations du SCN2008 en relation avec l’économie camerounaise et mettre à jour les nomenclatures affectées par la sortie de la CITI révision 4. Les défis statistiques étaient la prise en compte des résultats du recensement général de la population et de l’habitat de 2005, de l’enquête sur l’emploi et le secteur informel de 2005, de la troisième enquête camerounaise auprès des ménages de 2007 ainsi que le recensement général des entreprises de 2009.

Ces changements ont conduit à une réévaluation du PIB de 2005 de 10,1 % par rapport à son niveau selon l’ancienne base de 1990 (passant de 8749,6 milliards à 9633,5 milliards de FCFA), dont 0,3 point de pourcentage comptant pour les changements du SCN 2008, 0,4 pour les améliorations du SCN 1993, 8 points de pourcentage au titre de l’amélioration de la qualité des données et 1,4 au titre des arbitrages.

Au vu de tout ce qui précède, aucun pays au monde n’est donc à l’abri de ce qui est arrivé au Ghana. Toutefois, il est indispensable de réviser les séries passées par rétropolation afin d’harmoniser les séries de PIB et de produire une série cohérente dans le temps. Pour ce faire, il est souhaitable que l’exercice s’effectue, une fois que l’actualisation ait pu avoir lieu sur deux ou trois années. Dans le cas présent, suite à la réévaluation des comptes nationaux de l’année 2005, nous avons ré-estimé les comptes nationaux de l’année 2006, puis ceux de l’année 2007. C’est sur la base de ces trois années que nous avons effectué les travaux de rétropolation. Nous avons pu ainsi produire une série cohérente de PIB sur l’ensemble de la période 1993-2011, rendue publique à la fin de l’année 2013.

Conclusion

La lecture des travaux de M. Jerven nous rappelle que :

• Les efforts déployés par les pays africains, avec le soutien de ses partenaires, pour le développement de la statistique, méritent d’être renforcés et pérennisés, car il y a encore d’importantes réformes qualitatives et quantitatives à mener. Les plans d’actions adoptés au niveau régional, sous-régional et national doivent être mis en œuvre efficacement et harmonieusement ;

• La communication reste un point faible sur lequel une attention particulière mérite d’être portée, aussi bien sur les statistiques produites, les réformes engagées, les méthodologies utilisées, que sur les changements d’année de base et les résultats obtenus ;

• La Commission des statistiques de l’Organisation des Nations Unies, à l’occasion de sa 42ème et/ou 43ème sessions, a recommandé aux organisations et agences des Nations Unies, aux organismes internationaux, multilatéraux et bilatéraux de se rapprocher des pays concernés pour harmoniser les sources en vue des travaux d’estimation ou de projection des données. Au cas où ils ne seraient pas consultés pour apporter leur contribution, les pays concernés seraient en droit de refuser l’utilisation des résultats à des fins d’évaluation des progrès.

En définitive, la diffusion des propos de M. Jerven ne nous préoccupe pas tant que cela, car tous les observateurs avisés du continent africain savent que des progrès importants ont été réalisés et que des efforts sont poursuivis. Nous pouvons seulement regretter que cette personne n’ait pas pris la peine de questionner d’autres pays que le Ghana, afin d’éviter des généralisations trompeuses.

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