STATUE DE CHARLOTTE D'ALBRET DANS L'ÉGLISE DE LA MOTTE-FEUILLY (INDRE)Author(s): Henri AucapitaineSource: Revue Archéologique, 9e Année, No. 2 (15 OCTOBRE 1852 AU 15 MARS 1853), pp. 703-705Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41746220 .

Accessed: 22/05/2014 04:48

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STATUE DB CHARLOTTE D'ALBKET

DANS L'ÉGLISE DE LA MOTTE-FEUILLY

En attendant la publication spéciale que nous avons entreprise sur le château de la Motte-Feuilly, et les documents historiques qui s'y rapportent, nous avons cru utile de signaler à l'attention des archéo- logues et des artistes , la statue à peu près ignorée de la femme de César de Borgia.

Successivement propriété de la famille de Seuly ou de Sully (1264) (1), et des Voudenay , la châtellenie de la Motte-Feuilly échut en héritage aux barons de Culan, qui en 1488 la vendirent à la duchesse de Valentinois, princesse Charlotte d'Albret. Alexan- dre VI était alors pape et souillait par ses crimes le trône de saint Pierre; Louis XII voulant obtenir de la cour de Rome l'annulation de son mariage avec la fille de Louis XI, accorda à César Borgia, prêtre défroqué, fils d'Alexandre, l'investiture du duché de Valen- tinois, de nombreux avantages pécuniaires et en outre la main de Charlotte d'Albret, sœur du roi Jean d'Albret; c'était, si nous en croyons Brantôme, une deS plus belles filles de la cour (1499). Lorsque Louis XII reprit la campagne d'Italie , César abandonna sa

jeune femme, et s'en fut épouvanter la péninsule par ses forfaits. Ce fut à cette époque que navrée par la douleur, Charlotte vint avec sa fille habiter le château de la Motte-Feuilly, ou elle entretint de fré-

quentes communications avec Jeanne de France, qui retirée du monde, vivait à Bourges. La dame d'Albret mourut neuf ans après (mars 1514) son arrivée à la Motte. Sa fille suivant les dernières volontés mater- nelles la fit enterrer dans l'église de l'Annonciade à Bourges, près de son amie Jeanne de France, mais son cœur resta àia Motte-Feuilly, où on lui éleva un monument magnifique , qui mérite aujourd'hui l'at- tention et comme œuvre d'art et comme souvenir historique. Ce fut

(1) Chaumeau, Histoire des Berruyers , du bourg et chastellenie de la Motte* Feuilly > p. 268. C'est le plus ancien historien du Berry.

Thaumas de la Thaumassière, Histoire du Berry; généalogie des Seuly, p. 497, Raynal, Histoire du Berry, t. VII, i,e partie.

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704 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. dans l'humble église voisine du château que des artistes d'un grand talent érigèrent le tombeau, qui se composait d'une table en marbre grisâtre d'un grain rugueux de deux mètres de longueur sur un mètre de largeur, à l'entour de laquelle étaient sculptés de gracieux dessins et une inscription aujourd'hui indéchiffrable sauf les mots suivants :

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lus par M. Pierquin de Gembloux (l) ; nous n'avons pu en retrouver de traces. Sur cette plaque était étendue une magnifique statue de un mètre 687 millimètres de hauteur : la tète de la princesse était

appuyée sur un coussin, à ses pieds reposait un chien, elle tenait un

globe en mains. Son vêtement serré à la taille est élégamment drapé, une cordelière pend à sa ceinture, deux nattes de cheveux bordent avec grâce le réseau de filet qui retient le reste de sa chevelure, et se réunissent sur la tête où ils sont dissimulés par une couronne, d'où

s'échappe un voile qui se perd dans les plis du manteau ducal semé de pierrerie. Cette statue en marbre blanc du plus beau fini, est digne du ciseau de nos grands maîtres, elle est sans aucun doute l'œuvre d'un artiste italien. Malheureusement le Berry qui sous

quelques rapports fut étranger à la révolution de 89, trouva en ce coin retiré des profanateurs sacrilèges pour insulter l'image de celle

qui avait été la bienfaitrice du pays : la plaque est brisée, ses frag- ments dispersés gisent épars dans la chapelle construite par Char- lotte ; la statue a la tète séparée du tronc, les mains mutilées. De

magnifiques bas-reliefs représentant la force, la justice, la tempé- rance, des écussons brisés, une autre statue de marbre blanc mutilée, tenant dans ses mains l'image de l'église, de petits pilastres couverts de charmantes sculptures sont tout ce qui nous reste de ce splendide monument, dont les débris sont à peu près ignorés dans la chapelle abandonnée d'un hameau de quelques feux ; mais tant détérioré» soient-ils, il y a en France peu de morceaux aussi précieux sous le

rapport de l'art et de l'histoire. Les événements de 1830 sont arrivé»

(1) Lettre á M. de La Tremblais sur le château de la Motte-Feuilly, par Pierquip de Gembloux, p. 8. Bourges, Manceron, opuscule sans date. Du même auteur, Histoire de Jeanne de Fdloi$t p. 291, 293.

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STATUE DE CHARLOTTE D'ALEREI. 705

fiu moment où la générosité des Bourbons allait restaurer l'église ; depuis les travaux ont été abandonné: ; il serait vivement à souhaiter qu'une allocation du gouvernement permît sinon de refaire en entier, du moins de réédifier de si précieux débris. Grâce aux soins religieux du vicomte Abel de Maussabre, dans la famille duquel est depuis longtemps le château de la Motte, les nombreux fragments ont été réunis en un coin de la chapelle , la statue adaptée au mur est à l'abri de nouvelles profanations , l'église a subi quelques réparations urgentes (1).

Henri Accapitaine.

(1) Notre planche 204, représentant la statue et les deux bas-reliefs du tombeau de Charlotte d'Albret, a été exécutée d'après les dessins de l'albnm de M. Henri Aucapitaine. (^V l'éditeur.)

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