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SYNTHÈSE Médecine palliative 175 N° 4 – Septembre 2005 Med Pal 2005; 4: 175-189 © Masson, Paris, 2005, Tous droits réservés Stratégie actuelle de prise en charge des douleurs neuropathiques liées au cancer Florentin Clère, Médecin, EMSP, Centre Hospitalier, Châteauroux. Summary Current management strategy for cancer-related neuropathic pain Neuropathic pain differs from pain resulting from excessive noci- ception, both by the physiological mechanism and the therapeutic management. Cancer-related neuropathic pain is frequent and vari- able, requiring particular attention in oncology units. Medical care is based on the use of antalgesic and co-antalgesic medications, together with local care and neurostimulation. A psychological approach is required in all situations, particularly in minimally- invasive methods are proposed. This work reviewed the literature on this topic in order to evaluate current therapeutics and discuss the role of morphines. We wanted to elaborate a therapeutic strat- egy for the care of patients with cancer-related neuropathic pain. Key-words: neuropathic pain, cancer pain, cancer, pain manage- ment. Résumé Les douleurs neuropathiques s’opposent aux douleurs par excès de nociception à la fois par leur physiopathologie et par leur prise en charge thérapeutique. Les douleurs neuropathiques liées au cancer (DNLC), du fait de leur fréquence et de leur variété, méri- tent une attention particulière en oncologie. Si les traitements médicamenteux, antalgiques et co-analgésiques, restent la base de leur prise en charge, il ne faut pas oublier les moyens peu iatro- gènes tels que les topiques locaux et la neurostimulation. Dans tous les cas, un abord psychologique s’impose, notamment si des techniques plus invasives sont envisagées. Ce travail, basé sur une étude de la littérature, se propose d’évaluer les thérapeutiques ac- tuelles, de discuter la place des morphiniques et d’élaborer un stratégie thérapeutique de prise en charge des DNLC. Mots clés : douleurs neuropathiques, douleur cancéreuse, cancer, prise en charge de la douleur. Dans un précédent article [1], la multiplicité des dou- leurs neuropathiques liées au cancer (DNLC) a été exposée, dans le but d’optimiser la prise en charge globale du patient cancéreux douloureux. En effet les DNLC sont fréquentes, présentes chez 40 % des patients présentant des douleurs sévères et traités par morphiniques [2]. Elles requièrent par ailleurs, du fait de leur mécanisme lésionnel d’ordre neu- rologique [3], des médications et techniques antalgiques spécifiques, différentes de celles utilisées dans le cadre des douleurs par excès de nociception. Quels sont donc les trai- tements adaptés aux DNLC ? En s’appuyant sur les synthè- ses publiées sur les traitements des douleurs neuropathiques (DN) par l’IASP 1 [2, 4-8], ce travail propose une revue de la littérature actuelle sur la prise en charge de ce type de douleurs au cours de la maladie cancéreuse. Traitements médicamenteux Le traitement médicamenteux constitue actuellement la base de la prise en charge de DNLC. De nombreuses molécules sont utilisées, dans la grande majorité des cas en dehors du cadre de leur Autorisation de Mise sur le Marché (AMM 2 ). Leur efficacité reste, quel que soit le produit, partielle en terme de soulagement. Cependant l’utilisation du nombre de patient à traiter (NNT 3 ) permet de repérer plus facilement les molécules supposées plus pertinentes. Leur utilisation et leurs associations doivent toujours faire l’objet d’une réflexion approfondie du fait Clère F. Stratégie actuelle de prise en charge des douleurs neuropathiques liées au cancer. Med Pal 2005; 4: 175-189. Adresse pour la correspondance : Florentin Clère, EMSP, Centre Hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux. e-mail : [email protected] 1. IASP ou International Association for the Study of Pain (Association Inter- nationale pour l’Étude de la Douleur) : société savante internationale regrou- pant les différentes sociétés nationales consacrées à la prise en charge de la douleur, qui publie la revue Pain. 2. AMM : Autorisation de Mise sur le Marché qui indique, entre autre, dans quelle(s) indication(s) le médicament doit être prescrit. 3. NNT ou number needed to treat : il s’agit du nombre de patient à traiter pour obtenir un soulagement de plus de 50 % chez un des patients. Par exem- ple si 10 patients sur 20 traités sont soulagés à plus de 50 %, le NNT sera de 2 (10/5) ; si seulement 2 patients le sont, le NNT sera de 10 (20/2), c’est-à-dire qu’il faudra en traiter 10 pour en soulager seulement 1. Autrement dit, plus le NNT est faible, plus le traitement est efficace, le NNT idéal étant de 1.

Stratégie actuelle de prise en charge des douleurs neuropathiques liées au cancer

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Médecine palliative

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N° 4 – Septembre 2005

Med Pal 2005; 4: 175-189

© Masson, Paris, 2005, Tous droits réservés

Stratégie actuelle de prise en charge des douleurs neuropathiques liées au cancer

Florentin Clère, Médecin, EMSP, Centre Hospitalier, Châteauroux.

Summary

Current management strategy for cancer-related neuropathic pain

Neuropathic pain differs from pain resulting from excessive noci-ception, both by the physiological mechanism and the therapeutic management. Cancer-related neuropathic pain is frequent and vari-able, requiring particular attention in oncology units. Medical care is based on the use of antalgesic and co-antalgesic medications, together with local care and neurostimulation. A psychological approach is required in all situations, particularly in minimally-invasive methods are proposed. This work reviewed the literature on this topic in order to evaluate current therapeutics and discuss the role of morphines. We wanted to elaborate a therapeutic strat-egy for the care of patients with cancer-related neuropathic pain.

Key-words:

neuropathic pain, cancer pain, cancer, pain manage-ment.

Résumé

Les douleurs neuropathiques s’opposent aux douleurs par excès de nociception à la fois par leur physiopathologie et par leur prise en charge thérapeutique. Les douleurs neuropathiques liées au cancer (DNLC), du fait de leur fréquence et de leur variété, méri-tent une attention particulière en oncologie. Si les traitements médicamenteux, antalgiques et co-analgésiques, restent la base de leur prise en charge, il ne faut pas oublier les moyens peu iatro-gènes tels que les topiques locaux et la neurostimulation. Dans tous les cas, un abord psychologique s’impose, notamment si des techniques plus invasives sont envisagées. Ce travail, basé sur une étude de la littérature, se propose d’évaluer les thérapeutiques ac-tuelles, de discuter la place des morphiniques et d’élaborer un stratégie thérapeutique de prise en charge des DNLC.

Mots clés :

douleurs neuropathiques, douleur cancéreuse, cancer, prise en charge de la douleur.

D

ans un précédent article [1], la multiplicité des dou-leurs neuropathiques liées au cancer (DNLC) a été exposée,dans le but d’optimiser la prise en charge globale du patientcancéreux douloureux. En effet les DNLC sont fréquentes,présentes chez 40 % des patients présentant des douleurssévères et traités par morphiniques [2]. Elles requièrent parailleurs, du fait de leur mécanisme lésionnel d’ordre neu-rologique [3], des médications et techniques antalgiquesspécifiques, différentes de celles utilisées dans le cadre desdouleurs par excès de nociception. Quels sont donc les trai-tements adaptés aux DNLC ? En s’appuyant sur les synthè-ses publiées sur les traitements des douleurs neuropathiques(DN) par l’IASP

1

[2, 4-8], ce travail propose une revue dela littérature actuelle sur la prise en charge de ce type dedouleurs au cours de la maladie cancéreuse.

Traitements médicamenteux

Le traitement médicamenteux constitue actuellementla base de la prise en charge de DNLC. De nombreusesmolécules sont utilisées, dans la grande majorité des casen dehors du cadre de leur Autorisation de Mise sur leMarché (AMM

2

). Leur efficacité reste, quel que soit leproduit, partielle en terme de soulagement. Cependantl’utilisation du nombre de patient à traiter (NNT

3

) permetde repérer plus facilement les molécules supposées pluspertinentes. Leur utilisation et leurs associations doiventtoujours faire l’objet d’une réflexion approfondie du fait

Clère F. Stratégie actuelle de prise en charge des douleurs neuropathiques liées

au cancer. Med Pal 2005; 4: 175-189.

Adresse pour la correspondance :

Florentin Clère, EMSP, Centre Hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux.

e-mail : [email protected]

1. IASP ou International Association for the Study of Pain (Association Inter-nationale pour l’Étude de la Douleur) : société savante internationale regrou-pant les différentes sociétés nationales consacrées à la prise en charge de ladouleur, qui publie la revue Pain.

2. AMM : Autorisation de Mise sur le Marché qui indique, entre autre, dansquelle(s) indication(s) le médicament doit être prescrit.3. NNT ou number needed to treat : il s’agit du nombre de patient à traiterpour obtenir un soulagement de plus de 50 % chez un des patients. Par exem-ple si 10 patients sur 20 traités sont soulagés à plus de 50 %, le NNT sera de2 (10/5) ; si seulement 2 patients le sont, le NNT sera de 10 (20/2), c’est-à-direqu’il faudra en traiter 10 pour en soulager seulement 1. Autrement dit, plusle NNT est faible, plus le traitement est efficace, le NNT idéal étant de 1.

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Stratégie actuelle de prise en charge des douleurs neuropathiques liées au cancer

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de la fréquence de leurs effets indésirables et des inte-ractions médicamenteuses, afin de limiter la iatrogéni-cité déjà importante en pathologie cancéreuse [1]. Deuxgrandes classes se distinguent : les molécules spécifique-ment antalgiques et les co-analgésiques.

Antalgiques

Les antalgiques sont classés par l’Organisation Mon-diale pour la Santé (OMS) en 3 paliers.

Palier 1 de l’OMS

Il s’agit principalement du paracétamol, produit large-ment prescrit comme antalgiqueet antipyrétique en France, avecune adaptation récente des poso-logies maximales utilisables à 4 gpar jour chez l’adulte. Seule uneétude [9], ayant testé différentsproduits sur un modèle expéri-mental de polyneuropathie in-duite par la vincristine chez lerat, a très récemment conclu àune diminution significative del’allodynie mécanique

4

grâce auparacétamol. Peut-être s’agit-il

d’une piste mais cette molécule n’a pas démontré clini-quement son intérêt dans le prise en charge des DNLC.

Palier 2 de l’OMS

Le dextropropoxyphène et la codéine, même s’ils ontpeu été étudiés dans cette indication, n’ont pas non plusdémontré leur intérêt. Le cas du tramadol est plus inté-ressant, puisque cette molécule possède une double cible,avec un effet opioïde sur les récepteurs

µ

et une actiond’ordre sérotoninergique. Cette dernière pourrait faciliterle contrôle supra-spinal du message nociceptif et donc di-minuer l’intensité des DN. Les études cliniques tendent àconfirmer cette donnée fondamentale avec un NNT de 3,4dans le cadre des neuropathies douloureuses [4, 5]. Chezle patient cancéreux, il s’agit sans doute du produit le plusadapté aux tableaux de douleurs mixtes (neuropathiqueset par excès de nociception) qui ne requièrent pas d’an-talgiques du palier supérieur.

Palier 3 de l’OMS

La question de la place des morphiniques dans le trai-tement des DN est l’objet d’un débat ancien qui se poursuitencore actuellement [4, 10-14]. Pendant les années 80

plusieurs axiomes régnaient en maîtres : les DN étaientrarement soulagées par les opioïdes, qui étaient à l’origined’une inévitable tolérance et d’une addiction chez ungrand nombre de patients. Si certains mythes ont pu êtrelevés, l’efficacité des opioïdes dans les DN n’a pu fairel’objet depuis 1991 que de quelques études de bonne qua-lité méthodologique, aux résultats variables. S’il existeune supériorité significative au placebo, elle reste limitéeet souvent inférieure à celle des co-analgésiques lors desessais croisés [4]. De plus, démontrer expérimentalementune efficacité supérieure au placebo n’est pas suffisant :il faut également réfléchir en terme de bénéfice/risque quidoit être au moins aussi favorable que pour les autres trai-tements.

Quel type d’opioïde ?

Quatre molécules sont disponibles en France :1. Sulfate de morphine : SKENAN

®

, MOSCONTIN

®

,KAPANOL

®

;2. Fentanyl en patch : DUROGESIC

®

;3. Hydromorphone : SOPHIDONE

®

;4. Oxycodone : OXYCONTIN

®

.Les noms commerciaux cités représentent les formes

à libération prolongée (LP) ; il existe par ailleurs des for-mes à libération immédiate de sulfate de morphine (siropsavec pipette doseuse, ACTISKENAN

®

et SEVREDOL

®

),d’oxycodone (OXYNORM

®

) et de fentanyl (ACTIQ

®

en dis-positif pour application buccale). Si les études compara-tives retrouvent des différences significatives en termed’effets secondaires au profit des produits les plus récents,aucune n’est supérieure en terme de soulagement [4].

La méthadone semble une molécule plus singulière [4,10, 13] du fait d’une action partielle sur les récepteursNMDA

5

. Dans la mesure où son utilisation est limitée enFrance au sevrage des toxicomanes aux opiacés, elle resteà l’étude en centres spécialisés, où elle génère de grandsespoirs pour l’avenir, car elle possède le potentiel pourjouer un rôle majeur en douleur cancéreuse. En effet sonabsorption est excellente par voie orale, le mécanisme detolérance reste faible au long cours, il n’existe aucun mé-tabolite actif (donc toxique) connu et les intervalles d’ad-ministration sont longs. Au delà de son efficacité en pra-tique clinique, d’autres études devront s’attacher auxmodalités de prescription, pour définir les intervalles deprise et les règles d’équianalgésie avec les autres morphi-niques.

4. Allodynie : perception douloureuse d’une stimulation habituellement nondouloureuse, qui peut être mécanique statique (au toucher), mécanique dyna-mique (à l’effleurement) ou thermique (au chaud ou au froid).

5. Récepteurs NMDA ou N-Méthyl-D-Aspartate : récepteurs présents au ni-veau de la corne dorsale de la moelle épinière impliqués dans la sensibilisationcentrale du système nerveux en cas de lésion neurologique : cette sensibilisa-tion centrale est un facteur essentiel au développement de douleurs neuropa-thiques.

Deux grandes classes se distinguent : les molécules spécifiquement antalgiques et les co-analgésiques.

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Florentin Clère

Cas spécifique des DNLC

La polémique concernant l’intérêt des morphiniquesdans les DN mérite d’être tempérée lorsqu’elle concerneles patients cancéreux. En effet, il convient de rappelerles résultats de l’étude de prévalence internationale pu-bliée en 1999 par le groupe de travail de l’IASP sur lesdouleurs cancéreuses [2]. Sur un total de 1 095 patientscancéreux présentant des douleurs sévères nécessitant lerecours à un traitement morphinique, presque 40 % pré-sentaient des DN. Cependant 4/5 de ces patients présen-taient de façon associée des douleurs par excès de noci-ception. De ces résultats découlent deux réflexionsessentielles :

– Une composante nociceptive est présente chez92 % des patients cancéreux qui font part d’un tableaude douleurs sévères. Ceci rend bien évidemment légi-time la prescription d’un traitement morphiniqueadapté, tout en laissant la place aux co-analgésiques.L’intérêt d’une molécule possédant une double cible po-tentielle, telle que la méthadone, mérite donc biend’être étudié.

– Les DNLC considérées comme « pures » ne concer-nent que 7 à 8 % de ces patients, ce qui est confirmé pard’autres études. Il s’agit dans la plupart des cas de dou-leurs iatrogènes, sans tumeur évolutive, dont la prise encharge est à rapprocher de celles de DN non liées au can-cer. Les morphiniques ne sont alors pas les molécules depremière intention.

Existe-t-il des facteurs prédictifs d’efficacité ?

La définition de la douleur neuropathique [3] impliqueune nécessaire atteinte du système nerveux. Dans le casdes DNLC, cette lésion peut être liée soit à une compres-sion tumorale évolutive, soit à une séquelle (iatrogène ounon). Du fait de cette dichotomie, plusieurs auteurs [11,12, 14] ont proposé une classification qui vise à anticiperla réponse aux traitements :

– Douleur liée à une lésion évolutive du systèmenerveux [11] ou

nociceptive neuropathic pain

[12] (dou-leur neuropathique nociceptive) ou

nerve compressionpain

[14] (douleur par compression nerveuse) : ce typede DNLC, du fait d’une atteinte de l’innervation propredes nerfs, le

nervi nervorum

, pourrait se rapprocher desdouleurs par excès de nociception, avec donc unemeilleure sensibilité à la morphine. Cette situation re-présente 80 % des patients cancéreux douloureux encours de traitement.

– Douleur liée à une atteinte séquellaire du systèmenerveux [11] ou

Desafferentation pain

[12] (douleur pardésafférentation sensitive) ou

nerve injury pain

[14] (dou-leur par blessure nerveuse) : du fait de mécanismes cen-traux, avec sensibilisation fonctionnelle du système ner-veux, ce type serait moins sensible aux opioïdes.

Si cette différenciation théorique semble séduisante,qu’en est-il en pratique clinique ? La réalité quotidiennetémoigne en effet de tableaux cliniques complexes, avecintrication des mécanismes lésionnels. De ce fait la pres-cription d’un test thérapeutique par morphinique IV dansle but de déceler les patients répondeurs [4] ne semble pasadaptée aux DNLC.

Alors que faire ?

Avant tout il convient de démystifier l’utilisation dela morphine dans les DNLC, qui s’avère légitime dansplus de 90 % des cas. Bien entendu un examen physiqueprécis et une bonne connaissance du stade de la maladieet de la chronologie des traite-ments entrepris sont indispensa-bles au décryptage des donnéescliniques. Un suivi prolongé estnécessaire afin d’adapter les do-ses, en fonction de la réponse in-dividuelle, des effets indésira-bles, des comorbidités et descroyances du patient : ceci né-cessite une prise en charge glo-bale, à l’intérieur de laquelle les co-analgésiques pren-nent naturellement leur place.

Co-analgésiques

C’est la classique notion de faible réponse des DN auxopioïdes qui a poussé à l’utilisation de molécules commer-cialisées pour d’autres indications qui peuvent avoir des pro-priétés analgésiques dans certaines conditions [12, 15]. Lesétudes cliniques dans le cadre des DNLC restant peu nom-breuses, c’est souvent par extrapolation des expériences enpathologie non cancéreuse que sont utilisés les médicamentsadjuvants. Une véritable stratégie en 6 points doit alors êtreappliquée [15] :

1. Choisir prudemment la molécule en fonction del’effet analgésique attendu mais aussi des effets collaté-raux utiles : par exemple, les antidépresseurs ont une ac-tion sur l’humeur et les sédatifs sur le sommeil ;

2. Expliquer au patient l’effet analgésique retardé, lanécessité d’un traitement prolongé, les effets indésirableshabituels ;

3. Débuter à dose faible et augmenter lentement lesdoses pour améliorer l’observance ;

4. Augmenter la dose jusqu’au soulagement espéré,à la limite tolérable des effets indésirables ou aux dosesmaximales possibles avant de parler d’échec thérapeu-tique ;

5. Utiliser des associations médicamenteuses ;6. Être persistant, encourageant et étayant.À l’exception de 3 molécules (amitriptyline, clomi-

pramine et gabapentine), la prescription de ces molécu-les s’effectue hors AMM ; la connaissance des données

Il convient de démystifier l’utilisation de la morphine dans les DNLC.

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d’

Evidence-Based Medecine

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est donc nécessaire s’il estdemandé au clinicien de justifier sa prescription. Dansce chapitre seront donc cités les NNT qui ont pu êtrecalculés et les études spécifiquement dédiées aux DNLC.

Antidépresseurs

Les antidépresseurs sont connus depuis de nombreusesannées pour avoir des propriétés analgésiques dont le mé-canisme est encore débattu. Il semble être double [5, 16],périphérique par blocage de canaux sodiques, mais sur-tout central sur les contrôles descendants de la nocicep-tion, par l’intermédiaire des mono-amines (sérotonine etnoradrénaline).

Antidépresseurs tricycliques

Ils représentent le fondement du traitement des dou-leurs neuropathiques du fait d’un niveau de preuve bien

supérieur aux autres molécules,avec un NNT proche de 2 et tou-jours inférieur à 3. L’ensembledes essais contrôlés témoigned’un soulagement jugé significa-tif par 60 à 70 % des patients [5].De ce fait, 2 molécules ont ob-tenu l’AMM dans cette indica-tion. Sindrup [5] a même proposé

leur utilisation en tant que molécule active de référencepour étudier l’efficacité de nouveaux produits dans lesDN.

– Quelles molécules ?L’amitriptyline (LAROXYL

®

suspension buvable à1 mg/goutte, comprimés à 25 et 50 mg) est indiquée dansl’ensemble des douleurs rebelles, dont les douleurs neuro-pathiques. Il s’agit de la molécule la plus étudiée dans lalittérature [5, 16]. Sa supériorité en pratique quotidienneréside dans sa forme en gouttes, qui permet un ajustementthérapeutique plus précis, au milligramme près. Son uti-lisation dans le cadre des DNLC a fait l’objet d’une étuderandomisée en double aveugle, croisée

versus

placeboaprès une période de

wash-out

de 2 semaines [17]. Quinzepatientes présentant des DN intercostobrachiales [1] aprèschirurgie carcinologique mammaire ont été traitées par25 mg d’amitriptyline, avec augmentation par palier de25 mg par semaine en fonction de la réponse. Le soula-gement a été supérieur à 50 % chez 8 patientes, témoi-gnant d’une efficacité supérieure au placebo, ce qui vadans le sens d’un NNT proche de 2, même si la populationreste limitée. Dans le cadre de DNLC par envahissementtumoral évolutif, les résultats de l’étude de Mercadante

[18] sont plus mitigés. Si la méthodologie est identique,les auteurs se basent sur la rapidité d’action présumée del’amitriptyline [15, 18] pour en évaluer l’efficacité unique-ment à 7 jours, à une dose maximale de 50 mg. S’iln’existe alors pas de différence significative avec le pla-cebo, se pose la question du délai d’action réel, parfoisretardé, qui peut poser problème chez le patient en fin devie.

La clomipramine (ANAFRANIL

®

comprimés à 10, 25 et75 mg) a également obtenu l’AMM dans l’indication dou-leurs neuropathiques.

La désipramine (PERTOFRAN

®

comprimés à 25 mg) etl’imipramine (TOFRANIL

®

comprimés à 10 et 25 mg) sontégalement utilisés mais ne bénéficient pas de l’AMM enFrance.

– Précautions d’emploiLes antidépresseurs tricycliques sont contre-indiqués

en cas d’infarctus du myocarde de moins de 6 mois, detroubles de la conduction cardiaque, d’insuffisance car-diaque non contrôlée, d’épilepsie et de glaucome à anglefermé. Leurs fréquents effets anticholinergiques doiventimposer la prudence en cas d’obstacle prostatique, néo-plasique ou non. Ils expliquent également leur principauxeffets indésirables, qui sont problématiques chez le patientcancéreux : constipation (majorée en cas de sub-occlusionet/ou de traitement morphinique), sécheresse buccale (ag-gravée si déshydratation, mycose, mucite iatrogène) et as-thénie [19]. Ils peuvent également être à l’origine d’un vé-ritable syndrome sérotoninergique, avec hyperthermie,spasmes musculaires, tremblements, tachycardie, diarrhée,désorientation, qui est favorisé par l’association à des mé-dicaments de même cible, qu’ils agissent par des méca-nismes identiques (autres antidépresseurs) ou différents(tramadol). L’exemple classique est celui d’un patient pré-sentant des douleurs mixtes responsables d’une décom-pensation thymique : l’association de tramadol avec unefaible dose de tricyclique à visée antalgique puis d’un an-tidépresseur d’action sérotoninergique à visée thymiquerisque d’être très iatrogène [16, 19]. Et pourtant une telleordonnance n’est pas rare.

D’un point de vue plus pharmacocinétique [5], les an-tidépresseurs tricycliques sont métabolisés au niveau hé-patique par l’intermédiaire du cytochrome P450 (sous-classe 2D6) : l’existence de 10 % de métaboliseurs lentsdans la population générale pourrait expliquer la varia-bilité inter-individuelle en terme de doses efficaces ettoxiques. Une étude systématique des taux plasmatiquespourrait alors permettre d’identifier les patients répon-deurs, d’adapter les prises et d’éviter les doses toxiqueschez les métaboliseurs lents [5, 19].

– Quelle utilisation pratique ?Les antidépresseurs tricycliques sont considérés

comme le traitement de première intention des douleurs

6. Evidence-Based Medecine : Médecine basée sur les preuves scientifiques ap-portées par les données de la littérature, qui détermine un grade de preuved’efficacité d’une thérapeutique.

Les antidépresseurs sont connus pour avoir des propriétés analgésiques.

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Florentin Clère

neuropathiques. Le traitement doit être initié à dose faible,de 10 à 25 mg en une seule prise le soir, ce qui permetde limiter la somnolence diurne et/ou de lutter contre lestroubles du sommeil. L’augmentation des doses doit s’ef-fectuer jusqu’à dose minimale efficace ou effets indésira-bles limitants [16, 20], la dose cible étant située entre 50et 150 mg par jour.

Chez le sujet âgé, les doses utilisées doivent être plusfaibles. En début de traitement la forme buvable de l’ami-triptyline permet une posologie réduite ajustable au milli-gramme près ; si des doses plus fortes sont nécessaires, laclomipramine est mieux tolérée et un dosage plasmatiqueest conseillé [10]. En cas de troubles du sommeil, voired’anxiété majeure, l’amitriptyline doit être privilégiée [15].

Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS)

Les IRS, dont son chef de file la fluoxétine (PROZAC

®

comprimés à 20 mg), sont proposés en alternative des an-tidépresseurs tricycliques, si ceux-ci sont mal tolérés ouinefficaces, du fait de leur action d’ordre sérotoninergique[15, 19]. Les études cliniques pointent une moins bonneefficacité mais une meilleure tolérance [5, 15, 16, 20]. Leurutilisation, non étudiée dans le cadre des DNLC, reste deseconde intention, l’échec d’un antidépresseur ne présu-mant pas de l’effet des autres [15]. Leur association auxtricycliques peut apporter un plus, notamment en cas decomorbidité dépressive, et permettre de réduire les dosesutilisées [15]. La survenue de nausées est parfois limitantechez le patient cancéreux [19].

Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN)

Agir sur les mêmes mono-amines que les tricycliquessans posséder leurs effets délétères anticholinergiques ouantihistaminiques : c’est du fait de cette caractéristiqueque les IRSN sont supposés être aussi efficaces que lestricycliques sans leurs effets indésirables [21]. Sur un mo-dèle de polyneuropathie chimio-induite par la vincristinechez le rat, Marchand [22] a pu démontrer l’efficacité dela venlafaxine sur l’allodynie mécanique, phénomènedouloureux provoqué. Qu’en est-il cependant de la dou-leur spontanée, et donc de la traduction clinique ? C’estce que l’équipe de Tasmuth [21] a cherché à comprendrepar l’intermédiaire d’une étude randomisée en double-aveugle et croisée par rapport au placebo chez 13 patien-tes présentant des DNLC intercostobrachiales [1] aprèsprise en charge de leur cancer du sein. La venlafaxine(EFFEXOR

®

comprimés à libération prolongée à 37,5 mg)était utilisée à une dose de 75 mg par jour atteinte en4 semaines. Au delà d’une efficacité supérieure au pla-cebo, 11 patientes ont obtenu un soulagement de plus de50 % sans effet indésirable majeur. Ce résultat très encou-rageant reste bien entendu à confirmer lors d’études pluslarges, d’autant que l’étude des taux plasmatiques est en

faveur d’une efficacité dose-dépendante. D’autres essaisdans le cadre des DN non liées au cancer ont en effetsuggéré l’intérêt de doses bien supérieures, jusqu’à375 mg par jour [19].

Antiépileptiques

Pourquoi des antiépileptiques dans la douleur neuro-pathique ? Au départ du fait de la similitude clinique entrela décharge neuronale de la crise d’épilepsie et le pa-roxysme douloureux de la DN, d’où leur indication pré-férentielle pour les phénomènes paroxystiques. Ensuiteparce qu’ils sont tous bloqueurs des canaux sodiques, avecpour certains produits une action contre la libération duglutamate (acide aminé excitateur) et pour d’autres unelibération de GABA (acide gamma amino butyrique) parles interneurones inhibiteurs de la corne dorsale de lamoelle [10, 16]. Les molécules lesplus anciennes (carbamazépine,phénytoïne, valproate de sodium)ont d’abord été utilisées, avantl’arrivée des nouveaux antiépi-leptiques (gabapentine, lamotri-gine) qui semblent à la fois plusefficaces et mieux tolérés [6]. Dans tous les cas, une pé-riode de titration est nécessaire [15], d’où une efficacitéretardée de plusieurs semaines après l’introduction…

La

carbamazépine

(TEGRETOL

®

comprimés à 200 mg àlibération immédiate, 200 et 400 mg à libération prolon-gée) est indiquée dans la névralgie du trijumeau. Un NNTde 3,3 a été calculé dans le cadre des polyneuropathiesdiabétiques (PND), les résultats restant décevants pour lesautres types de DN [6]. La difficulté de titration, les nom-breux effets secondaires et interactions avec des molécu-les métabolisées par le foie, et surtout la toxicité héma-tologique rendent ce produit peu pertinent chez le patientcancéreux, en proie à l’aplasie médullaire [6, 15, 19, 20].S’il devait être retenu, une augmentation progressive desdoses et une surveillance hépatique et hématologiques’imposeraient au clinicien.

En ce qui concerne la

phénytoïne

(DI-HYDAN

®

compri-més à 100 mg), le NNT a été évalué à 2,1 dans le cadre desPND pour des doses quotidiennes de 300 mg. S’il ne s’agitpas d’une molécule de première intention, son utilisationpeut se concevoir en cas de prédominance des paroxysmesdouloureux [6]. Là encore les effets indésirables immuno-allergiques et hématologiques sont limitants [19].

Le

valproate de sodium

(DEPAKINE

®

comprimés à200 mg, 500 mg à libération prolongée) reste peu utilisédans cette indication [19, 20]. Cette molécule a cependantfait l’objet d’une étude ouverte [23] chez 19 patients enfin de vie présentant des DNLC, avec une dose de départde 400 mg par jour, augmentée jusqu’à 1 200 mg enfonction de la réponse. Le soulagement est resté modéré,

Une période de titration est nécessaire.

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Médecine palliative

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N° 4 – Septembre 2005

Stratégie actuelle de prise en charge des douleurs neuropathiques liées au cancer

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inférieur à 30 % et non comparé au placebo, sans amé-lioration de la qualité de vie ni de diminution des antal-giques. Quatre patients ont été soulagés de plus de 50 %,ce qui équivaut à un NNT peu satisfaisant de 5. Le val-proate de sodium est par ailleurs inducteur enzymatiqueet ralentit le métabolisme des antidépresseurs tricycli-ques, d’où un risque de surdosage [16]. Il apparaît doncpeu adapté au patient cancéreux.

Le

clonazepam

(RIVOTRIL

®

suspension buvable à0,1 mg par goutte et comprimés à 2 mg) semble bel etbien constituer une exception française. Peu cité par lesauteurs anglo-saxons [16], il n’est l’objet d’aucune étudespécifique. Son utilisation reste empirique et sa forme bu-vable appréciée par le clinicien. La prise vespérale permetde lutter contre les comorbidités anxieuses (troubles dusommeil, contractures musculaires). La titration doit êtrelente du fait d’une demi-vie longue (30 heures) toutcomme l’arrêt du traitement doit être progressif du fait dela dépendance induite par les benzodiazépines [16].

La

gabapentine

(NEURONTIN

®

comprimés à 100, 300,400, 600 et 800 mg) est devenue la molécule antiépilep-tique la plus communément utilisée dans les DN du faitde son efficacité basée sur des preuves, avec un NNT es-timé à 3,2 [5, 6, 15]. Elle a ainsi pu obtenir l’AMM dansle cadre des douleurs post-zoostériennes, en attendantprobablement mieux aux vues du nombre d’études actuel-les. Il existe une grande variabilité inter-individuelle en

ce qui concerne les doses utiliséesen pratique courante. Il ne fautpas hésiter à monter jusqu’à3 600 mg par jour [15, 16]. L’ef-ficacité serait supérieure sur lesparoxysmes douloureux, l’allo-dynie mécanique dynamique etthermique froide. La gabapentineest par ailleurs très intéressante

chez les patients cancéreux [6, 15, 19, 24, 25], souventpolymédiqués, du fait de son excellente tolérance et del’absence d’interaction médicamenteuse majeure (pas d’in-duction enzymatique). Les deux seules études réaliséesdans le cadre des DNLC ne sont que de phase II, ouvertesdonc non contrôlées, mais leurs résultats semblent inté-ressants. Celle de Caraceni [24] concerne 22 patients pré-sentant des DNLC par envahissement tumoral insuffisam-ment contrôlées par les opioïdes, avec une titrationjusqu’à 1 200 mg par jour. Si 20 patients se sont déclaréssatisfaits du nouveau traitement, l’analyse des chiffrespermet de retrouver un soulagement de plus de 50 % chez14 d’entre eux, soit un NNT théorique de 1,5. Aucun effetsecondaire n’a été mis en évidence à ce dosage. Ces ré-sultats sont en faveur d’une meilleure efficacité de la ga-bapentine si elle est associée aux morphiniques [24, 25].L’étude de Bosnjak [26] semble confirmer ces données

avec 11 patients soulagés à plus de 50 % sur 15 présen-tant des DNLC iatrogènes.

La

lamotrigine

(LAMICTAL

®

comprimés à 25 mg) a faitpreuve de son intérêt dans les neuropathies du VIH et lesdouleurs centrales post-AVC [6]. En l’absence d’étudesspécifiques, il convient de rester prudent quant à sonusage en cancérologie. En effet, son maniement imposeune augmentation très progressive et parfois rédhibitoiredes doses, de 25 mg tous les 15 jours jusqu’à 200 mg parjour [6, 16, 19]. Il s’agit en effet du seul moyen d’éviterles effets secondaires dermatologiques à type de rash cu-tané : le délai d’action peut alors, en fonction du contexte,sembler interminable…

L’

éthosuximide

(ZARONTIN

®

capsules à 250 mg) a ré-cemment fait l’objet d’une étude fondamentale [27] dansle cadre d’un modèle expérimental de neuropathie induitechez le rat par le paclitaxel et la vincristine. Quelle quesoit la dose utilisée, une diminution significative de l’al-lodynie mécanique et thermique froide était constatée à1 et 3 heures, mais pas à 24 heures de l’injection. Quellesconclusions en tirer ? Faut-il y voir l’amorce d’un traite-ment préventif des polyneuropathies chimio-induites ?Dans tous les cas il ne s’agit pas là non plus d’une mo-lécule de première intention, tout comme le topiramate(EPITOMAX

®

).

Antiarythmiques

Les propriétés de blocage des canaux sodiques des an-tiarythmiques de la classe I sont à l’origine de leur utili-sation dans le cadre des douleurs neuropathiques [16, 20].Leur utilisation nécessite de respecter leurs contre-indica-tions, c’est-à-dire l’allergie aux molécules et les blocsauriculo-ventriculaires des deuxième et troisième degrés[19]. La réalisation d’un électrocardiogramme pré-théra-peutique revêt un caractère médico-légal, et permet d’éli-miner un allongement du QT [16]. Il est nécessaire d’in-terrompre les antidépresseurs tricycliques au moins48 heures avant d’utiliser un antiarythmique [16].

La

lidocaïne

(XYLOCARD

®

) est utilisée dans cette in-dication par voie intraveineuse du fait d’un premier pas-sage hépatique important. Elle est utilisée essentiellementsous forme d’un flash thérapeutique de 5 mg/kg en 30 à45 min, sous surveillance cardioscopique et tensionnelle,qui peut parfois permettre un soulagement durable [19].En cas de soulagement significatif sans effet rémanent,l’utilisation de la lidocaïne par voie sous-cutanée continuea été décrite chez des patients sélectionnés [6, 15, 19, 28,29], le plus souvent pour passer un cap difficile en fin devie ou en cas de douleurs sévères, rapidement progressi-ves. Si cette utilisation doit s’effectuer au long cours, lasurveillance des taux plasmatiques s’impose, du fait demarges thérapeutiques étroites, comprises entre 2 et5

µ

g/ml [28, 29]. Dans d’autres situations cliniques moins

La gabapentine est très intéressante chez les patients cancéreux.

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Med Pal 2005; 4: 175-189

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Florentin Clère

critiques, la réponse au test intraveineux peut conduire àla prescription d’un antiarythmique per os [19].

La

Mexilétine

(MEXITIL

®

gelules à 200 mg) appartientà la classe IB. C’est la molécule considérée comme la plussûre dans cette indication [15]. Sloan [30] a rapporté 3 casde patients traités par morphiniques dans le cadre deDNLC par infiltration du plexus lombo-sacré chez qui laprescription d’une dose quotidienne de 200 mg de mexi-létine avait permis un soulagement de plus de 50 % à9 jours, avec épargne morphinique. L’analyse de la litté-rature [6] montre cependant des résultats relativement dé-cevants dans l’ensemble, avec NNT élevé et effets indési-rables gastro-intestinaux rendant difficile sa poursuite aulong cours.

Le recours au

flécaïnide

(FLECAINE

®

comprimés à100 mg), antiarythmique de classe IC, a également étéproposé, à une dose de 50 à 150 mg par jour [16]. Ceproduit semble peu adapté aux DNLC, du fait d’un effetpro-arythmogène élevé [16] et surtout des troubles psy-cho-dysleptiques induits, comme en témoigne le cas deBennett [31].

Antagonistes des récepteurs NMDA

L’atteinte chronique du système nerveux est à l’originede l’activation prolongée des récepteurs NMDA, avec li-bération d’acides aminés excitateurs tels que le gluta-mate ; il en résulte une sensibilisation du système nerveuxau niveau médullaire, mécanisme principal des douleursneuropathiques. L’activation des récepteurs NMDA est unedes explications données à l’existence de l’allodynie et del’hyperalgésie

7

[6]. De ces bases physiologiques est né l’in-térêt actuel pour les anti-NMDA [8]. Cependant les récep-teurs NMDA sont ubiquitaires et impliqués dans la per-ception sensorielle, la cognition et la conscience : leursantagonistes auront inévitablement des effets indésirablesde type psychodysleptique [8]. La difficulté est donc dou-ble : déterminer une fenêtre thérapeutique, qui sembleétroite, tout en faisant face aux effets secondaires [10]. Side nombreuses molécules, telle le MK801 [27], sont expé-rimentalement à l’étude, quatre sont utilisables en prati-que clinique car disponibles sur le marché.

La

kétamine (KETALAR® ampoules à 50 mg) est la mo-lécule la plus étudiée dans le cadre des douleurs neuro-pathiques. Son intérêt chez le patient cancéreux est dou-ble puisque son association aux morphiniques permet delutter contre le phénomène de tolérance qu’ils induisent[15, 16], voire contre leur hypothétique effet pronociceptif[32] ; elle possède d’autres avantages (rapidité d’action,faible incidence de détresse respiratoire) qui en font une

solution alternative intéressante pour les DNLC ne répon-dant pas à l’augmentation des opioïdes [32]. La kétaminen’est disponible en France qu’en forme injectable et n’estindiquée qu’en anesthésie ; son utilisation à visée antal-gique passe par des doses inférieures à celles utilisées enanesthésie. Elle reste contre-indiquée en cas d’hyperten-sion intracranienne ; la prudence est de mise en cas decardiopathie [33].

– La voie intraveineuse permet d’effectuer une titra-tion visant à obtenir la dose minimale efficace. La dosede départ sera alors classiquement soit de 0,5 mg/kg enperfusion continue sur 3 heures [16, 34] soit de 2 à5 µg/kg/min [35] en perfusion continue sur 24 heures,avec augmentation progressive des doses. Cette périodede titration peut permettre de passer un cap difficile, dansl’attente d’autres solutions ; Kong [35] témoigne même del’expérience de patients qui ont préféré conserver la ké-tamine au long cours plutôt que de bénéficier des techni-ques invasives initialement prévues. Le patient de Tarumi[34], qui présentait des DNLC en rapport avec un enva-hissement du plexus lombo-sacré, a parfaitement tolérél’augmentation des doses jusqu’à 600 mg par jour le der-nier mois de sa vie. La poursuite d’un tel traitement peutdonc se concevoir chez les patients ayant une espérancede vie limitée, qui ne laisse pas le temps d’introduire desco-analgésiques d’action retardée [36]. L’association àl’halopéridol ou à une benzodiazépine peut s’avérer né-cessaire, du fait de la fréquence des effets secondaires psy-chodysleptique.

– La voie sous-cutanée peut être utilisée en relais decette titration IV [16] ou d’emblée [32]. La dose quotidiennede départ est alors de 2 mg/kg encontinu [16, 33], puis adaptée à laréponse clinique et à la tolérance.L’halopéridol est utilisé contre leseffets adverses à raison de 2 à4 mg par jour dans la même se-ringue [33]. Il est conseillé de di-minuer le traitement morphiniquede moitié et de changer le site del’injection sous-cutanée toutes les48 heures [32, 33]. La dilution du produit doit être maxi-male pour éviter une irritation locale [16]. En suivant cesconseils durant 13 mois, Mercadante [32] a permis a un deses patients de diviser sa consommation de morphiniquespar 10 et d’obtenir une amélioration de l’état général quilui a permis un retour à domicile tant désiré…

– La voie orale a été utilisée par Kannan [37] chez9 patients présentant des DNLC traitées par morphiniqueset co-analgésiques classiques, et ceci malgré sa faible bio-disponibilité. À la dose de 0,5 mg/kg, 3 fois par jour(moyenne de 70 mg par jour), il a pu obtenir un soulage-ment de plus de 50 % chez 8 patients, le neuvième étant7. Hyperalgésie : perception douloureuse d’intensité exagérée par rapport au

stimulus douloureux imposé.

Déterminer une fenêtre thérapeutique, tout en faisant face aux effets secondaires.

Page 8: Stratégie actuelle de prise en charge des douleurs neuropathiques liées au cancer

Médecine palliative 182 N° 4 – Septembre 2005

Stratégie actuelle de prise en charge des douleurs neuropathiques liées au cancer

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décédé avant la fin de l’étude. Aucun effet psychodyslep-tique n’a été constaté aux doses utilisées, mais plutôt unesédation et des nausées, réversibles à 15 jours de traite-ment.

Sur les bases des connaissances actuelles, Hocking [38]a pu proposer des recommandations sur l’utilisation de lakétamine pour les DN, en fournissant des niveaux depreuve (Evidence Based-Medecine) :

– Éliminer toute contre-indication à l’utilisation de lakétamine ;

– Expliquer au patient les effets indésirables poten-tiels et obtenir un consentement éclairé (niveau IV) ;

– Effectuer un test thérapeutique intraveineux pourévaluer le bénéfice. Les données actuelles suggèrent unedose de 0,25 à 0,5 mg/kg délivrée lentement, avec éva-luation de la douleur avant et après perfusion (niveau II) ;

– Les non ou faibles répondeurs ne doivent pas rece-voir de kétamine orale. Une bonne réponse par voie sys-

témique suggère un bénéfice pro-bable de la forme orale(niveau IV) ;

– Débuter la kétamine oralepar 0,5 mg/kg au coucher pourminimiser les effets indésirables(niveau IV). Augmenter la dosepar palier de 0,5 mg/kg jusqu’àsoulagement ou effets secondai-

res intolérables (niveau IV). La dose moyenne efficace dela littérature est de 200 mg par jour (niveau II), avec desvariations inter-individuelles importantes ;

– Pour les douleurs sévères, administrer la kétamineen continu par voie intraveineuse ou sous-cutanée à ladose de 0,14 à 0,4 mg/kg/heure (niveau IV).

Il est à noter que les niveaux de preuve de ces recom-mandations restent faibles ; seules les doses initiale etmoyenne font l’objet d’un niveau II. Si des études contrô-lées sont nécessaires, la kétamine peut néanmoins s’avérerutile en seconde ligne, chez des patients présentant desDNLC dites réfractaires, en association à la morphine.L’utilisation d’autres produits, disponibles par voie orale,a été proposée, soit en relais d’un test par kétamine IV,soit d’emblée.

Le dextromethorphan est commercialisé en France sousforme d’un sirop antitussif (TUXIUM® capsules à 30 mg).Il s’agit d’un antagoniste des récepteurs NMDA de faibleaffinité, mais bien toléré aux doses habituelles. Dans unepetite série de 3 patients présentant des douleurs de mem-bre fantôme après amputation dans un contexte carcino-logique, Ben Abraham [39] a obtenu un soulagement su-périeur au placebo à 1 mois, avec des doses quotidiennesde 120 à 180 mg, une amélioration de la qualité de vie etun seul rebond à l’arrêt du traitement. L’utilisation de do-ses plus faibles (30 ou 60 mg) n’ayant pas prouvé son ef-

ficacité lors de précédentes études, l’auteur émet l’hypo-thèse d’une certaine dose-dépendance et pousse àl’utilisation de fortes doses. Il est à noter qu’une boite deTUXIUM® comprend 12 capsules, soit 360 mg…

L’amantadine (MANTADIX® gelules à 100 mg) est unantiparkinsonien, dont les propriétés anti-NMDA ont étéplus récemment décrites [8, 15, 40]. Une seule étude [40]a été effectuée dans le cadre des DNLC d’origine chirur-gicale, auprès d’un échantillon réduit de 13 patients, maisde bonne qualité méthodologique (randomisation, pla-cebo). L’utilisation de 200 mg d’amantadine par voie in-traveineuse (non disponible en France) a permis une di-minution significative de la douleur à 90 et 180 minutes.Qu’en serait-il à plus long terme ?

Très récemment commercialisée en France dans le ca-dre de la maladie d’Alzheimer, la mémantine (EBIXA®)semble avoir une action préférentielle sur les récepteursNMDA activés et être très bien tolérée [8]. S’agit-il d’unemolécule d’avenir ?

Topiques locauxLe développement des topiques locaux dans la prise

en charge des douleurs neuropathiques s’explique parl’efficacité partielle des traitements médicamenteux uti-lisés par voie générale et par leurs nombreux effets in-désirables, surtout chez le sujet âgé [7]. Des techniquessimples et peu iatrogènes semblent appropriées aux pa-tients cancéreux. L’application cutanée de substancesanalgésiques est bien évidemment réservée aux surfacesdouloureuses restreintes ; dans le cadre des DNLC ils’agit essentiellement des douleurs cicatricielles post-chirurgicales [15].

La lidocaïne trouve à nouveau sa place dans ce cha-pitre, en tant qu’anesthésique local. Son application localepermet un blocage périphérique des décharges ectopiquesproduites par les rameaux nerveux lésés [7]. Elle estcommercialisée en France en association à la prilocaïne(dosage à 2,5 % des 2 produits) sous le nom d’EMLA®, quia prouvé son intérêt dans les douleurs post-zostériennes,avec effet significatif sur les paroxysmes douloureux etsur l’allodynie mécanique statique et dynamique [7]. L’ap-plication locale doit cependant être répétée de manièreprolongée. Il semble plus judicieux, et beaucoup moinsonéreux [15] d’effectuer un test thérapeutique par unecrème de lidocaïne pure dosée à 5 %, qui peut être pré-parée en pharmacie. En cas de réponse favorable l’appli-cation d’un patch de lidocaïne à 5 % est plus intéres-sante : il est très bien toléré (pas d’effet systémique), resteen place pendant 12 heures et permet de protéger le re-vêtement cutané en cas d’allodynie mécanique [7, 15]. Cepatch (NEURODOL®) fait l’objet en France d’une Autorisa-tion Temporaire d’Utilisation (ATU) en attendant sonAMM prochaine.

L’application d’un patch de lidocaïne à 5 % est plus intéressante.

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S Y N T H È S EFlorentin Clère

La capsaïcine est également utilisée dans les mêmesindications. Constituant principal du poivre rouge (oured hot chili pepper), son action périphérique fait inter-venir les terminaisons des fibres nerveuses de petit ca-libre de type C : déplétion en substance P par sécrétionforcée, inhibition de la sensibilisation des nocicepteurspolymodaux par action sur les récepteurs vallinoïdesVR1, voire destruction des afférences cutanées [16, 41,42]. Bien que cette substance soit connue de longuedate, elle n’est toujours pas commercialisée en France.Elle bénéficie tout de même d’une ATU qui permet del’obtenir sous le nom de ZOSTRIX®. Il existe 2 dosagessous forme de crème, à 0,025 % ou 0,075 %. Il faut pré-venir tout patient qu’il va ressentir en début de traite-ment une sensation de brûlure locale, qui est liée à lasécrétion forcée de substance P et qui disparaîtra aubout de quelques jours, au fur et à mesure des applica-tions (déplétion complète en substance P). Cette brûlurepeut toutefois s’avérer intense et nécessiter le recours àla lidocaïne locale avant application et/ou une couver-ture antalgique [15, 16, 20, 40]. L’utilisation du dosagele plus faible est conseillé pour instaurer le traitement,la forme à 0,075 % étant par la suite plus efficace surl’allodynie [15, 16]. L’équipe d’Ellison [41] a pu rendrecompte d’un travail intéressant sur 99 patients présen-tant des DNLC post-chirurgicales. Son étude randomiséeen double aveugle a été menée sur 8 semaines d’appli-cation puis croisement avec le placebo. Sans que l’onpuisse calculer de NNT, leurs patients obtiennent unsoulagement de 53 % en moyenne avec la capsaïcinecontre 17 % pour le placebo. Le soulagement était su-périeur à 75 % dans 20 % des cas, et total dans 10 %.L’efficacité s’est avérée progressive, avec une efficacitémaximale à 4 semaines, qui se maintenait 1 mois aprèsl’arrêt du traitement, témoignant d’un probable effet ré-manent. Dans une indication différente, Watson [42] apu démontrer l’intérêt de 4 applications par jour durant4 semaines chez 14 patientes opérées d’une mammecto-mie avec DNLC intercostobrachiales : le soulagementétait supérieur à 50 % chez 12 patientes à 4 semaines,chez 9 à 3 mois et 6 à 6 mois. Sur les bases de la litté-rature et de ses constatations, Watson a élaboré des re-commandations pour l’utilisation de la capsaïcine dansle cadre des DNLC :

– La fréquence d’application doit être de 4 par jourpour obtenir une efficacité maximale ;

– Le traitement doit être poursuivi 4 à 5 semaines,même s’il est peu efficace après 2 semaines, car la réponsepeut être retardée ;

– Le patient doit se laver les mains après chaque ap-plication, notamment pour éviter un contact cornéen ac-cidentel ;

– Un suivi médical rapproché est nécessaire en débutde traitement pour optimiser la compliance (utilisation,gestion de la sensation de brûlure) ;

– Si une sensation de brûlure intense apparaît, il fautexpliquer au patient qu’elle ne durera qu’une semaine etqu’elle peut être prévenue par l’application topique d’unanesthésique local et/ou une couverture antalgique ;

– Après 4 semaines d’application, une fenêtre théra-peutique d’un mois est réalisée ; le traitement sera reprisen cas de récurrence douloureuse, sans limite en terme dedurée.

Quelques molécules d’avenir ?Les progrès récents concernant la physiopathologie

des douleurs neuropathiques et une certaine prise deconscience de leur fréquence [1] ouvre la porte à de nom-breux produits, qui ne demandent peut-être qu’à êtremieux étudiés.

L’adénosine triphosphate (ATP)possède une action antinociceptiveen tant que neurotransmetteur auniveau des interneurones inhibi-teurs de la corne dorsale de lamoelle. De faibles doses d’ATPpeuvent diminuer l’intensité de ladouleur neuropathique, l’allodynieet l’hyperalgésie avec un effet pro-longé : l’effet de l’ATP sur l’hype-rexcitabilité centrale semble doncpersister plus longtemps que son action directe sur les récep-teurs A1 et A2 [43].

La calcitonine, utilisée dans le cadre des métastasesosseuses vertébrales, semble avoir une action sur les DNLCradiculaires par compression métastatique [44], voire surles douleurs de membre fantôme [20].

L’ondansetron (ZOPHREN®), utilisé en cancérologiecomme antiémétique, possède un effet bref sur l’intensitédes DNLC [45], probablement du fait de son action séro-toninergique (antagoniste des récepteurs 5HT3).

Les cannabinoïdes (surtout le THC) sont à la mode, no-tamment dans le contexte de la fin de vie [13]. Des étudessont nécessaires non seulement pour en préciser les indi-cations mais également pour déterminer des doses théra-peutiques bien tolérées…

Que ces molécules, et bien d’autres encore, ouvrent lavoie à la recherche clinique…

Traitements non médicamenteuxQu’ils soient de première ou de seconde intention, les

traitements médicamenteux restent la base de la prise encharge des DNLC. Une prise en charge plus globale s’avère

Que ces molécules, et bien d’autres encore, ouvrent la voie à la recherche clinique…

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Médecine palliative 184 N° 4 – Septembre 2005

Stratégie actuelle de prise en charge des douleurs neuropathiques liées au cancer

S Y N T H È S E

néanmoins nécessaire afin d’optimiser le vécu douloureuxpar des moyens simples et un soutien psychologique,voire de gérer des situations difficiles à l’aide de techni-ques plus agressives.

NeurostimulationUn moyen de diminuer l’intensité des douleurs neuro-

pathiques est de fermer la porte aux influx nociceptifs àl’étage médullaire : c’est le principe de la contre-stimula-tion ou contre-irritation, utilisé sans le savoir par bonnombre des patients. En effet le frottement vigoureux dela zone douloureuse vient stimuler les fibres sensitives degros calibre, qui vont jouer leur rôle inhibiteur segmen-taire au niveau de la corne dorsale de la moelle (Théoriede la porte ou « Gate Control » développée par Melzack etWall [20]). L’efficacité de ce simple frottement peut êtreoptimisée par des techniques plus sophistiquées. L’appli-cation de chaleur (HOTPACK®) ou de froid (COLDPACK®)reste un moyen simple et souvent très efficace, notam-ment pour les exacerbations douloureuses spontanées desDNLC [46]. L’acupuncture a également été proposée ; ellesemble plus efficace d’une part si le patient présente desdysesthésies et une allodynie, et d’autre part dans les ta-bleaux de DNLC séquellaires, c’est-à- dire sans envahis-sement tumoral actif [46].

La Neuro-Stimulation Trans-Cutanée (NSTC) permetgrâce à un courant électrique d’utiliser cette théorie de laporte médullaire [46, 47]. Le courant utilisé devra êtredans ce cadre de haute fréquence et de basse intensité.Les appareils actuels sont de petite taille (figure 1), fonc-tionnent sur batterie et sont donc très fonctionnels pourla vie quotidienne [46]. Ils peuvent être pris en charge parla sécurité sociale en France depuis la parution d’un décretau Journal Officiel (14 septembre 2000), mais uniquementsous certaines conditions :

– Prescription dans le cadre de douleurs neuropathi-ques rebelles aux traitements médicamenteux ;

– Prescription par une structure d’évaluation et detraitement de la douleur identifiée par l’Agence Régionalepour l’Hospitalisation, après une période de tests effectuéspar la même structure ;

– Surveillance clinique par la même structure à 1, 3 et6 mois pour réévaluation de l’utilisation ; au terme d’unepériode de location de 6 mois, si l’efficacité perdure, l’achatde l’appareil sera pris en charge par la sécurité sociale.

Ces règles qui peuvent sembler drastiques sont renduesnécessaires par la spécificité d’un tel traitement : il est im-portant d’éviter une gadgétisation de la technique. L’uti-lisation d’un neurostimulateur dans le cadre du massageou du renforcement musculaire ne fait pas l’objet d’uneprise en charge par la sécurité sociale.

Sur un plan plus pratique, l’influx électrique est produitpar des électrodes (figure 2) placées dans le territoire ra-diculaire (compression d’une racine) ou tronculaire (lésiond’un tronc nerveux) concerné [47]. Elles peuvent égale-ment être appliquées loco dolenti (cicatrice, moignon d’am-putation). En cas d’allodynie importante rendant le contactcutané impossible, elles peuvent être placées sur un der-matome adjacent afin de tenter d’activer un contrôle in-hibiteur descendant à l’aide d’une intensité de stimulationplus forte [46]. Ces électrodes sont dans la grande majoritédes cas bien tolérées ; en cas d’allergie un modèle en sili-cone est disponible. La NSTC reste contre-indiquée en pré-sence d’un pace-maker cardiaque et nécessite l’adhésiondu patient (contraintes du matériel, répétition des séancesde stimulation dans la journée) [46]. Le test thérapeutiqueinitial doit comporter au moins 4 séances, au mieux enhospitalisation ; la persévérance doit être de mise avantd’abandonner la technique. En effet il s’agit d’un moyensimple, efficace et bien toléré [46, 47].

Figure 1. Appareil portable de neurostimulation.Figure 1. Portable neurostimulation device.

Figure 2. Électrodes de neurostimulation.Figure 2. Neurostimulation electrodes.

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S Y N T H È S EFlorentin Clère

Neurochirurgie fonctionnelleDes techniques considérées comme invasives peuvent

être mises en place en cas de douleurs neuropathiques re-belles ; l’objectif de ce chapitre n’est pas d’en décrire les as-pects techniques mais de rappeler que le recours au « neu-rochirurgien de la douleur » est possible, même dans le cadrede douleurs d’origine cancéreuse, et ne doit pas être oublié.

La neurochirurgie fonctionnelle permet de proposeraux patients l’implantation d’un dispositif visant à déli-vrer des substances par voie intrathécale (IT). 3 classes demolécules sont classiquement utilisées : les anesthésiqueslocaux (bupivacaïne), les morphiniques et la clonidine.Cette dernière agit au niveau médullaire par l’intermé-diaire du GABA, puissant acide aminé inhibiteur [12, 13,15, 20]. Elle produit une analgésie dose-dépendante et po-tentialise l’effet des opioïdes [13].

L’implantation de cathéter pour réalisation d’un blocnerveux continu par anesthésique local permet un boncontrôle des DNLC par envahissement plexique [48]. Laneurolyse est une alternative mais risque d’aggraver la dé-safférentation sensitive [12].

Neurochirurgie d’interruptionQui dit interruption ne dit pas section nerveuse,

grande pourvoyeuse de DN ; il s’agit plutôt d’interromprele message nociceptif en détruisant de façon spécifique lefaisceau spino-thalamique. Ceci est possible à plusieursniveaux du système nerveux [29, 46] :

– Jonction radicello-médullaire ou Dorsal Root EntryZone : c’est la DREZotomie ;

– Médullaire : Une cordotomie est réalisée par lésionthermique de la région antérolatérale du faisceau spino-thalamique controlatéral ;

Ces 2 techniques sont particulièrement efficaces dansla cadre de DNLC strictement unilatérales limitées à 2 ou3 métamères.

– Mésencéphale : La portion rétro-thalamique du fais-ceau spino-thalamique est particulièrement bien séparéedu faisceau lemniscal au niveau pédonculaire, où peut êtreréalisée une tractotomie stéréotaxique en cas d’atteinteplus étendue.

NeuromodulationLes techniques neurochirurgicales conservatrices ac-

tuelles consistent à stimuler le système nerveux pour acti-ver les systèmes inhibiteurs de la nociception aux niveauxspinal et supra-spinal. La stimulation cordonale postérieureapporte un bénéfice intéressant chez des patients sélection-nés présentant des DN sévères. L’indication reste limitéeaux DNLC séquellaires, sans tumeur évolutive [46]. Dansce même cadre le recours à la stimulation du cortex moteurpourrait s’envisager en cas de dégénérescence lemniscalesévère et/ou pour les douleurs de membre fantôme.

Abord psychologiqueCroire en sa douleur, tenir un discours étayant, penser

aux petits moyens tels que la protection des zones d’allody-nie : ce sont autant de pratiques quotidiennes qui peuventpermettre d’améliorer le vécu douloureux du patient présen-tant des DNLC. La souffrance morale peut toutefois être ma-jeure, à la fois du fait du caractère permanent de la douleurneuropathique mais aussi à cause d’évènements familiauxou d’une fragilité émotionnelle pré-existante. Une prise encharge psychologique s’impose alors, basée principalementsur le soutien au patient, sans oublier son entourage proche.Dans tous les cas, l’abord psycho-logique ne saurait uniquementconstituer un recours ultime : il faitpartie intégrante de la prise encharge des patients, et prend saplace en amont des techniques in-vasives décrites plus haut [46].

D’autres types de psychothé-rapie peuvent s’avérer utiles.L’utilisation de l’hypnose, quiconstitue un état modifié deconscience caractérisé par une modification de la percep-tion et de la mémoire, peut également permettre une amé-lioration du vécu douloureux, en utilisant diverses tech-niques [46] :

– Modification de la perception de la douleur pour endiminuer l’intensité ;

– Augmentation de la tolérance à la douleur ;– Distraction par imagerie mentale agréable ;– Déplacement de la plainte sur une autre partie de

corps ou même en dehors du corps ;– Régression vers une époque sans douleur.Même s’il faut savoir respecter les processus de protec-

tion inconscients du patient cancéreux, l’hypnose sembleun outil intéressant, tout comme les approches corporelles,telles que la relaxation [46]. Une approche plus globale peutégalement être proposée, de type cognitivo-comportemen-tale, basée sur les croyances, les émotions et les comporte-ments du patient face à la douleur [46]. Le cas d’une pa-tiente admise en Unité de Soins Palliatifs, rapporté parWatanabe [49], illustre bien l’intérêt d’une prise en chargemultidimensionnelle : l’existence d’une détresse psycholo-gique et d’un terrain addictif étaient responsables d’une es-calade thérapeutique majeure. L’accompagnement de cettecomposante émotionnelle a permis une nette diminution del’intensité douloureuse et du traitement morphinique, d’oùune meilleure vigilance et un retour à domicile…

La sédation : une alternative ?Chez certains patients en fin de vie, il devient impos-

sible d’obtenir un soulagement suffisant ou au prix d’unemorbidité importante : la sédation peut devenir la seule

L’abord psychologique ne saurait uniquement constituer un recours ultime.

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Stratégie actuelle de prise en charge des douleurs neuropathiques liées au cancer

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option thérapeutique pour procurer un soulagement effi-cace [20]. Il s’agit bien entendu d’une option ultime, quinécessite d’avoir introduit tous les traitements neurotro-pes mais aussi de les avoir associés entre eux. Chez18 jeunes patients cancéreux en fin de vie, l’étude rétros-pective de Dougherty [50] a dénombré 12 cas de sédationpar benzodiazépine : tous ces patients présentaient unecomposante neuropathique alors que les 6 autres ne pré-sentaient que des douleurs par excès de nociception. Cecidémontre bien l’intrication des DNLC avec les cas difficilesnécessitant une sédation chimique.

Discussion

Dans un contexte carcinologique l’évolution tumoraleet/ou les traitements entrepris peuvent être à l’origine detableaux douloureux très disparates [1], développés à lasuite d’une atteinte ou d’un dysfonctionnement du sys-tème nerveux [3] : il s’agit des douleurs neuropathiquesliées au cancer. Du fait de l’efficacité modérée de la mor-phine sur les DN, de nombreuses thérapeutiques ont étéproposées, avec des niveaux de preuve très variables.Cette revue de la littérature témoigne de la pauvreté desétudes de bonne qualité consacrées spécifiquement auxDN dans un contexte carcinologique, principalement dufait d’un défaut de recrutement. Le SOS lancé récemmentpar Sinnott [51] témoigne parfaitement de cette difficulté.Son intention initiale était d’étudier l’efficacité de l’ami-triptyline sur les DNLC par le biais d’une étude randomiséemulticentrique ; l’effectif idéal était de 260 patients pourobtenir une significativité intéressante. Au bout d’un an,88 patients avaient été recrutés, mais seulement 8 sontpassés à travers les critères d’exclusion (traitement envi-sagé déjà en place ou radiothérapie à visée antalgiqueentreprise) ! Cet échec amène à se poser des questions :est-il possible de mettre en place des études de phase III,contre placebo, chez ce type de patients ? Ou faudra-t-ilse résoudre à se baser sur une cohorte d’études ouvertesde phase II et de cas cliniques ?

Le traitement médicamenteux reste malgré tout le fon-dement de la prise en charge des DNLC du fait du niveaude preuve de 2 classes de produits : les antidépresseurstricycliques et les antiépileptiques. S’il s’agit des traite-ments de première intention, il ne faut pas oublier d’yassocier d’emblée, quand ils sont indiqués, les topiqueslocaux et la NSTC. Les antiarythmiques, la kétamine et laneurochirurgie fonctionnelle constituent des alternativesde seconde ligne.

La place de la morphine dans le traitement des DNreste l’objet de controverses, mais le débat mérite d’êtrerationalisé. Rappelons, grâce au groupe de travail « dou-leur cancéreuse » de l’IASP [2], que plus de 90 % des dou-

leurs sévères présentées par les patients cancéreux ont unecomposante nociceptive, soit pure (2/3 des cas), soit as-sociée à une composante neuropathique (1/3). Dans cecontexte de douleurs mixtes, la place de la morphine nepeut se contester, en parfait accord avec les recomman-dations de l’OMS, comme en témoigne l’expérience deGrond auprès d’une cohorte de 593 patients [52]. L’utili-sation des antalgiques par palier en association aux co-analgésiques reste donc une réponse adaptée. Les traite-ments de seconde ligne sont envisagés en cas d’échec(moins de 10 % des cas selon la littérature), voire d’embléesi un contexte de fin de vie nécessite une efficacité rapide,qui ne pourrait être obtenue par voie orale. La figure 3propose une stratégie thérapeutique dans ce contexte dedouleurs mixtes.

Les douleurs neuropathiques pures et sévères restentrares en cancérologie (7 à 8 % des cas) et sont peu fré-quentes au cours de l’évolution tumorale [2]. Elles appa-raissent donc plus souvent chez les patients en rémission

Figure 3. Stratégie thérapeutique en cas de douleurs mixtes.Figure 3. Therapeutic strategy for mixed pain.

Douleur mixte (excès de nociception et neuropathique)

Patient en fin de vie

1ère ligne

Antalgiques selon les paliers de l’OMSPaliers 1, 2 et 3 (morphine)

Topiques locaux Lidocaïne Capsaïcine

NSTC

Co-analgésiques Antidépresseur tricyclique Amitriptyline ou Clomipramine Antiépileptiques Gabapentine, Clonazepam

2e ligne

Anti NMDA : Kétamine IV

Antiarythmique : Lidocaïne IV

Neurochirurgie fonctionnelle et d’interruption

Sédation si nécessaire

Topiques locaux

Morphine IV ?

Antidépresseur

tricyclique IV?

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et sont d’origine iatrogène (après chirurgie, chimiothéra-pie et/ou radiothérapie). Dans ce cadre la stratégie théra-peutique (figure 4) s’apparente donc à celle des douleursneuropathiques non liées au cancer : la morphine n’estplus un traitement de première intention et les techniquesneurochirurgicales de neuromodulation prennent touteleur place.

Est-il encore nécessaire de plaider pour une priseen charge globale, multidimensionnelle du patient can-céreux douloureux ? Celle-ci débute par un interroga-toire et un examen clinique précis qui vont déterminerle(s) mécanisme(s) de la douleur. Bien maîtriser les co-morbidités est primordial afin d’adapter ses prescriptionsmédicamenteuses en respectant les contre-indications prin-cipales des produits (tableau I) et en évitant les associa-tions déconseillées (tableau II). Enfin la prise en chargepsychologique doit s’effectuer à chaque étape impor-tante, afin d’améliorer le vécu douloureux et de prépa-rer le patient à d’éventuels traitements plus agressifs.L’entourage ne doit pas être négligé au sein de cette

approche bio-psycho-sociale. Une telle prise en chargedoit permettre de limiter le nombre de douleurs ditesréfractaires [10, 42, 52], et probablement par extensionles demandes d’euthanasie [53]. Lors de situations par-ticulièrement difficiles, la sédation peut s’avérer néces-saire.

De nombreuses molécules ou techniques médico-chi-rurgicales restent à explorer : la prise en charge des DNLCreste encore une voie de recherche clinique passionnante !

Figure 4. Stratégie thérapeutique en cas de douleurs neuropathiques « pures ».Figure 4. Therapeutic strategy for “pure” neuropathic pain.

Douleur neuropathique pure

1ère ligne

Antalgiques selon les paliers de l’OMSPaliers 1et 2 (tramadol)

Topiques locauxLidocaïne

Capsaïcine

NSTC

Co-analgésiquesAntidépresseur tricyclique (Amitriptyline ou Clomipramine)

Antiépileptiques (Gabapentine, Clonazepam)

2e ligne

Kétamine

Morphine ?

Neuromodulation +++ (Stimulation cordonale postérieure)

Tableau I : Principales contre-indications des co-analgésiquesutilisées dans les DNLC.Table I: Main contraindications for coantalgesics used for cancer-re-

lated pain.

Médicaments Contre-indication(s)

Antidépresseurs tricycliques AllergieCardiopathie décompenséeÉpilepsieGlaucome à angle ferméAdénome prostatique

Antiépileptiques Allergie

Antiarythmiques AllergieBAV II et III

Kétamine AllergieHypertension intra-crânienneCardiopathie décompensée

Tableau II : Associations médicamenteuses à proscrire dans lagestion des DNLC.Table II: Drug associations to avoid in patients with cancer-related

pain.

Association médicamenteuse Risque potentiel

Antidépresseur tricyclique / inducteur enzymatique

Augmentation de la toxicité de l’antidépresseur tricyclique

Antidépresseur tricyclique / kétamine

Décompensation d’une cardiopathie sous-jacenteInterrompre l’antidépresseur

48 h avant

Antidépresseur tricyclique / tramadol / IRS

Syndrome sérotoninergique

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