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Article original Stress physiologique et état de santé des plus anciens Hommes anatomiquement modernes du sud-est de l’Europe (données dentaires, couche 6-1, Buran-Kaya III, Crimée) Physiological stress and health reconstitution of the oldest Anatomically Modern Humans from Far Southeast Europe (dental remains from layer 6-1, Buran-Kaya III, Crimea) Sandrine Prat a, * ,b a UPR 2147 « Dynamique de l’Évolution Humaine », 44, rue de l’Amiral-Mouchez, 75014 Paris, France b UMR 7194 « Histoire Naturelle de l’Homme préhistorique », 1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France Disponible sur Internet le 30 octobre 2014 Résumé Le site de Buran-Kaya III, situé dans la péninsule de Crimée, présente une séquence stratigraphique exceptionnelle, allant du Paléolithique moyen jusqu’au Néolithique. Parmi les couches archéologiques attribuées au techno-complexe gravettien (sensu lato), la couche 6-1 a livré plus de cent soixante-dix restes anthropologiques. La datation faite directement sur l’un d’entre eux place ces vestiges parmi les plus anciens témoignages de la présence des Hommes anatomiquement modernes en Europe orientale. L’objectif de cet article est, à partir des restes dentaires et en particulier des hypoplasies de l’émail dentaire, d’évaluer l’état de santé de ces individus présents en Crimée il y a plus de 32 000 ans BP. La fréquence des hypoplasies de l’émail dentaire est relativement faible chez ces Hommes anatomiquement modernes. Les deux individus présentant ce biomarqueur correspondent aux individus les plus jeunes. Ces travaux complètent les rares études sur l’occurrence de ce stress physiologique au début du Paléolithique supérieur et confirme la faible fréquence de ce biomarqueur et la rareté des pathologies dentaires, telles que les caries, à cette période. # 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Hommes anatomiquement modernes ; Hypoplasie de l’émail dentaire ; Paléolithique supérieur ; Dentition ; Crimée www.em-consulte.com Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ScienceDirect L’anthropologie 118 (2014) 567583 * Correspondance. Adresse e-mail : [email protected] . http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.09.008 0003-5521/# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Stress physiologique et état de santé des plus anciensHommes anatomiquement modernes du sud-est de

l’Europe (données dentaires, couche 6-1,Buran-Kaya III, Crimée)

Physiological stress and health reconstitution of the oldest AnatomicallyModern Humans from Far Southeast Europe (dental remains from layer

6-1, Buran-Kaya III, Crimea)

Sandrine Prat a,*,b

a UPR 2147 « Dynamique de l’Évolution Humaine », 44, rue de l’Amiral-Mouchez, 75014 Paris, Franceb UMR 7194 « Histoire Naturelle de l’Homme préhistorique », 1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France

Disponible sur Internet le 30 octobre 2014

Résumé

Le site de Buran-Kaya III, situé dans la péninsule de Crimée, présente une séquence stratigraphiqueexceptionnelle, allant du Paléolithique moyen jusqu’au Néolithique. Parmi les couches archéologiquesattribuées au techno-complexe gravettien (sensu lato), la couche 6-1 a livré plus de cent soixante-dix restesanthropologiques. La datation faite directement sur l’un d’entre eux place ces vestiges parmi les plusanciens témoignages de la présence des Hommes anatomiquement modernes en Europe orientale. L’objectifde cet article est, à partir des restes dentaires et en particulier des hypoplasies de l’émail dentaire, d’évaluerl’état de santé de ces individus présents en Crimée il y a plus de 32 000 ans BP. La fréquence des hypoplasiesde l’émail dentaire est relativement faible chez ces Hommes anatomiquement modernes. Les deux individusprésentant ce biomarqueur correspondent aux individus les plus jeunes. Ces travaux complètent les raresétudes sur l’occurrence de ce stress physiologique au début du Paléolithique supérieur et confirme la faiblefréquence de ce biomarqueur et la rareté des pathologies dentaires, telles que les caries, à cette période.# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Hommes anatomiquement modernes ; Hypoplasie de l’émail dentaire ; Paléolithique supérieur ; Dentition ;Crimée

www.em-consulte.com

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

ScienceDirect

L’anthropologie 118 (2014) 567–583

* Correspondance.Adresse e-mail : [email protected].

http://dx.doi.org/10.1016/j.anthro.2014.09.0080003-5521/# 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Abstract

Buran-Kaya III site, in Crimea, provides an exceptional stratigraphic sequence, extending from MiddlePaleolithic to Neolithic. Among the archaeological layers allocated to the Gravettian (sensu lato), more than170 anthropological remains have been discovered in the layer 6-1. They represent the oldest UpperPaleolithic modern humans from Eastern Europe in a well-documented archaeological context. The aim ofthis article, based on dental remains and enamel dental hypoplasias in particular, is to evaluate the health ofthe modern humans, which lived more than 32,000 years BP ago in Crimea. This study puts into the light thelow frequency of hypoplasias (occurring in the two youngest individuals). This article complete the rarestudies concerning the presence of this physiological stress during the Early Upper Paleolithic and confirmthe scarcity of enamel dental hypoplasias and dental pathologies, such as caries, at this period.# 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Anatomically Modern Humans; Dental enamel hypoplasia; Upper Paleolithic; Dentition; Crimea

1. Introduction

Le site de Buran-Kaya III, situé dans la péninsule de Crimée, a été découvert en 1990 parAlexandre Yanevich, fouillé jusqu’en 2001 sous la direction de Alexandre Yanevich et de AntonyMarks, puis de Alexandre Yanevich et Stéphane Péan de 2009 à 2011. Dix-neuf niveauxarchéologiques allant du Paléolithique Moyen au Moyen Âge ont pu être identifiés (Janevic,1998 ; Pettitt, 1998 ; Monigal, 2004). Les fouilles menées en 2001 et 2009–2011 se sontfocalisées sur les neuf niveaux archéologiques qui ont livré des vestiges archéologiques datant duPaléolithique moyen et du Paléolithique supérieur (Péan et al., 2013). Près de 200 restes humainsattribués aux Hommes anatomiquement modernes (Prat et al., 2011) ont été découverts dans lescouches archéologiques 6-2, 6-1 et 5-2 attribuées à la tradition technologique gravettienne(Yanevich, 2000 ; Yanevich et al., 2009 ; Yanevich, dans ce numéro) et dans un cadrechronologique bien établi (Péan et al., 2013). Parmi ces couches archéologiques, la couche 6-1est celle qui contient le plus grand nombre de restes fauniques (Crépin et al., dans ce numéro),d’artefacts lithiques (Yanevich, dans ce numéro) et de restes anthropologiques (175 restes ont étéidentifiés correspondant à un minimum de cinq individus). L’un de ces restes humains a été daté à31 900 + 240/–220 BP (36 930–35 503 cal BP [95,4 %] [datation AMS C14]). Il correspond à l’undes plus anciens restes d’Hommes anatomiquement modernes européens directement datédécouvert dans un contexte culturel bien documenté (Prat et al., 2011). Les individus de Buran-Kaya III (couche 6-1) ont vécu dans un environnement steppique sous climat aride avec unesaisonnalité moins contrastée et la présence d’une faune plus diversifiée que précédemment(Péan et al., 2013 ; Crépin et al., dans ce numéro).

L’objectif de ce papier est de reconstituer l’état de santé de ces plus anciens Hommesanatomiquement modernes du sud-est de l’Europe, à partir des seuls restes dentaires, sachant quela plupart des maladies ne laisse aucun stigmate sur les restes osseux et dentaires et en l’absencenotable d’éléments intracrâniens qui pourraient présenter d’éventuelles pathologies (déficit lié àune gestion particulière du cadavre, Prat et al., 2011). Cependant, certains biomarqueurs nonspécifiques comme les indicateurs de stress tels que les hypoplasies de l’émail dentaire, peuventrendre compte de l’état d’équilibre biologique d’une population par rapport à son environnement(Herrscher, 2001), en témoignant du niveau de stress physiologique durant la période dedéveloppement des individus. Nous proposons donc de déterminer la chronologie et l’occurrence

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des hypoplasies de l’émail dentaire, des caries et des dépôts de tartre importants afin d’évaluerl’état de santé des Hommes anatomiquement modernes du site de Buran-Kaya III (niveauarchéologique 6-1).

2. Matériel dentaire et méthodes

Parmi les dents isolées découvertes dans le niveau 6-1, lors des campagnes de fouille de 2001(n = 29), de 2009 (n = 1) et de 2010 (n = 1), vingt-six ont été étudiées, les autres élémentsdentaires étant trop fragmentaires. L’âge au décès de chaque reste dentaire a été déterminéd’après la séquence de formation et d’éruption d’Ubelaker (1989) et les stades de formation de lacouronne, de la racine et de l’apex de la dent en utilisant les estimateurs de Moorrees et al. (1963aet b) pour les individus immatures et le degré d’usure de la surface occlusale pour les individusadultes (Lovejoy, 1985). Le matériel dentaire a pu être regroupé selon 5 classes d’âge : [5–9[ ans,[10–14[ ans, [15–19[ ans, [20–24[ ans, et supérieur à 30 ans.

2.1. Étude des hypoplasies de l’émail dentaire : occurrence et estimations de la périoded’apparition

Les hypoplasies de l’émail dentaire (Fig. 1) sont considérées comme des événementsépisodiques liés à des perturbations physiologiques et/ou métaboliques qui affectent la formationde l’émail dentaire pendant l’amélogénèse. Elles sont caractérisées par une déficience del’épaisseur de l’émail et peuvent modifier l’espacement entre les stries de croissance de l’émaildentaires (périkymaties). L’utilisation de la variation de l’espacement entre deux périkymaties etdu degré minimal d’expression du défaut de l’émail comme indicateurs d’une hypoplasie fontl’objet de nombreux débats (e.g. Hillson et Bond, 1997 ; Cunha et al., 2004 ; Hassett, 2014). Nous

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Fig. 1. Représentation schématique de la section longitudinale d’une canine inférieure d’homme actuel, modifiée d’aprèsGoodman et Rose (1990).Schematic illustration of longitudinal section of a modern humans lower canine, modified from Goodman and Rose(1990).

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considérons, comme Cunha et al., 2004, qu’une hypoplasie est présente s’il y a une réduction del’épaisseur de l’émail, accompagnée ou non d’une différence marquée de la distance entre deuxpérikymaties, et que le niveau minimal d’altération de la surface dentaire reste arbitraire. Leshypoplasies se présentent sous la forme de lignes, de sillons ou de creux. L’étude des défauts del’émail, en particulier leur position, leur profondeur et leur épaisseur, offre une bonne estimationde l’âge d’apparition de ces hypoplasies, de la durée et de l’importance des stress qui ont affectél’individu (Goodman et Rose, 1990).

Les hypoplasies ne sont pas des indicateurs de maladie chronique et les sujets porteurs de cesstigmates ne sont pas décédés suite à ces stress. La formation d’une hypoplasie révèle un stressphysiologique de plusieurs semaines (Hillson, 1996), causé par un problème de malnutrition(Goodman et al., 1991), un déficit en Vitamine A et D (Mellandy, 1929, 1930, 1934 dans Hillson,2005 p. 175), par la parturition et/ou un problème de santé [forte fièvre ou infection bactérienne(Kreshover et al., 1954 dans Hillson, 2005 p. 175)]. Les hypoplasies localisées sur les dentsdéciduales reflètent des stress survenus pendant la vie in utero de l’individu ou au cours despremiers mois de la vie extra-utérine. Les incisives centrales supérieures et les canines inférieuressont les dents les plus affectées par les hypoplasies (Goodman et al., 1980).

Les dents originales ainsi que les moulages (réalisés en résine époxy à partir des moules dehaute résolution effectués à l’aide de la pâte #Body light Coltène Président), ont été examinéesplusieurs fois pour quantifier la variabilité intra-observateur à l’aide de loupes binoculaires(Zeiss, Stemi 2000-C, Leica EZ6HD) et d’un microscope numérique (Dino-Lite AM-7073 MT).Afin d’établir un codage normalisé des hypoplasies de l’émail dentaire, nous avons utilisé « theDevelopmental Defect of Enamel (DDE) Index » (Commission on Oral Health, 1982) enreprenant le tableau établi par Hillson (1996) (Tableau 1).

L’estimation de l’âge d’apparition des hypoplasies de l’émail dentaire fait l’objet denombreuses discussions (e.g. Cunha et al., 2004 ; King et al., 2005 ; Martin et al., 2008 ; Ritzmanet al., 2008 ; Hubbard et al., 2009). Deux méthodes à l’échelle microscopique sont généralementutilisées. La première prend en compte la distance entre la jonction émail-cément et l’hypoplasiede l’émail dentaire. La seconde est relative au nombre de périkymaties entre la jonction émail-cément et l’hypoplasie de l’émail dentaire.

2.1.1. Distance entre la jonction émail-cément et l’hypoplasie de l’émail dentaireCette méthode, initiée par les travaux de Swärdstedt en 1966, utilise comme points de

référence les âges de début et de fin de formation de la couronne. L’âge de formation del’hypoplasie est estimé en mesurant la distance entre la jonction émail-cément et le milieu del’hypoplasie (Martin et al., 2008), en se fondant sur le fait que le taux de formation de l’émaildentaire est constant du début à la fin de la formation de la couronne. Différentes équations derégression ont ainsi été établies : celles construites par Walker d’après Swärdsted repris parMartin et al. (2008) et celles établies par Goodman et Rose (1990) (Tableau 2). Les travaux deRamirez-Rozzi et Bermudez de Castro (2004) ayant montré que les Hommes anatomiquementmodernes du Paléolithique supérieur avaient un développement dentaire identique à celui del’Homme actuel, nous considérons que le temps de formation de la couronne dentaire desindividus de Buran-Kaya III (niveau 6-1) est similaire à celui des Hommes actuels.

La distance entre la jonction émail-cément et le milieu de l’hypoplasie a été mesurée à l’aided’une part d’un microscope numérique Dino-lite AM-7073 MT et d’autre part d’un pied àcoulisse Mitutoyo (précision à 0,01 mm) utilisé sous loupe binoculaire (Zeiss, Stemi 2000-C,Leica EZ6HD). Les mesures ont été effectuées à trois reprises afin de quantifier la variabilitéintra-observateur.

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2.1.2. Nombre de périkymaties entre la jonction émail-cément et l’hypoplasie de l’émaildentaire

Cette méthode consiste à compter le nombre de périkymaties entre l’hypoplasie et la jonctionémail-cément (Cunha et al., 2004) ou entre l’hypoplasie et le sommet de la cuspide (King et al.,2005) en tenant compte de l’âge de formation de la couronne selon les chartes établies par Reidet Dean (2006). Le nombre de périkymaties est ensuite converti en jours. Une périodicité de

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Tableau 1Indice Défaut du Développement de l’Email dentaire (DDE) de la dentition permanente d’après Hillson (1996).Developmental Defect of Enamel index (DDE) of the permanent dentition after Hillson (1996).

Code

Type de defaut

Normal 0Opacité (blanc/crème) 1Opacité (jaune/marron) 2Hypoplasies (creux) 3Hypoplasies (sillons horizontaux) 4Hypoplasies (sillons verticaux) 5Hypoplasies (émail absent) 6Décoloration de l’émail (non associé avec l’opacité) 7Autres défauts 8

Nombre et description des defauts

Simple (1 défaut bien individualisé) 1Multiple (> 1 défaut bien individualisé) 2Diffus (fines lignes blanches, suivant le modèle des périkymaties) 3Diffus (irrégulier, absence de bords bien définis) 4

Localisation

Pas de défaut 0Moitié inférieure 1Moitié supérieure 2Moitiés inférieure et supérieure 3Occlusal 4Sommet des cuspides 5Toute la surface 6Autres combinaisons 7

Tableau 2Équations de régression de Goodman et Rose (1990) et celles construites par Walker d’après Swärdsted (1966) reprisespar Martin et al. (2008).Regression equations from Goodman and Rose (1990) and those established by Walker after Swärdsted (1966) publishedin Martin et al. (2008).

Type de dent Équation d’aprèsGoodman et Rose (1990)

Équation construite par Walker d’aprèsSwärdsted (1966) reprise par Martin et al. (2008)

I1 supérieure Âge = –(0,454 *Ht) + 4,50 Âge = (–0,439 *Ht) + 4,55C supérieure Âge = –(0,625 *Ht) + 6,00 Âge = (–0,609 * Ht) + 6,00I2 inférieure Âge = –(0,417 *Ht) + 4,00 Âge = (–0,422 * Ht) +3,90C inférieure Âge = –(0,588 *Ht) + 6,50 Âge = (–0,588 *Ht) + 6,50

Âge (en années) ; Ht : hauteur (en mm) entre la jonction émail-cément et le milieu de l’hypoplasie de l’émail dentaire.

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9 jours entre deux périkymaties est souvent utilisée (Dean et Reid, 2001 ; Dean et al., 2001 ;Ramirez-Rozzi et Bermudez de Castro, 2004). Cependant les travaux de Smith et al. (2007)ayant montré que cette périodicité pouvait être très variable (de 6 à 12 jours), nous avons choisi,comme Cunha et al. (2004), une périodicité de 9 jours � 2 jours. Pour faciliter le décompte dunombre de périkymaties, chaque dent a été positionnée de telle sorte que la face vestibulaire soitperpendiculaire à l’axe optique des loupes binoculaires ou du microscope numérique. Certainesdents présentant un léger degré d’usure de la surface occlusale, nous avons privilégié la méthodeutilisant le nombre de périkymaties entre le milieu de l’hypoplasie et la jonction émail-cémentde la couronne (NPk) plutôt que le nombre de périkymaties entre l’hypoplasie et le sommet de lacuspide. L’équation utilisée dans notre étude est :

Âge d’apparition de l’hypoplasie (en jours) = âge chronologique de formation del’émail � (Npk*p) ; p = 9 � 2 jours.

L’estimation de l’âge chronologique de formation de l’émail comprend, pour les dents dont laformation a débuté in utero, le nombre de jours entre le début de la formation de la dent et lanaissance (âge d’initiation de la formation de la couronne) et l’âge estimé de la fin de la formationcomplète de la dent. Ces âges d’initiation et de fin de formation complète de la couronne(en jours) sont issus de Reid et Dean (2006) sur les populations d’Hommes actuels du Nord del’Europe et d’Afrique australe.

2.1.3. Comparaison des différentes méthodes d’estimationDes tests statistiques non paramétriques ont été entrepris à l’aide du logiciel SPSS 18.0 afin

de comparer les méthodes d’estimation de la période d’apparition des hypoplasies. Ceux-cicomprennent le test de Friedman (pour comparer l’âge obtenu à partir de 4 méthodesdifférentes), et les tests post-hoc deux à deux en utilisant le test de rang de Wilcoxon (qui permetde comparer deux mesures d’une variable quantitative effectuée sur les mêmes sujets). Laprocédure statistique décrite par Bland et Altman (Bland et Altman, 1986) a également étéutilisée, et contrairement au coefficient de corrélation de Pearson (qui renseigne sur le degré dedépendance linéaire entre deux variables), cette méthode mesure la concordance entre deuxméthodes (biais) en se basant sur la dispersion de la différence des données par rapport à lavaleur moyenne. Le test de corrélation de Spearman a été fait au préalable afin de vérifier que larelation était bien linéaire. Le biais correspond à la moyenne de toutes les différences entre lesvaleurs estimées selon les deux méthodes (d). L’écart-type des différences (sdd) est ensuitecalculé ainsi que les limites inférieure et supérieure (d � 2 sdd). Il n’y a pas de différencesstatistiquement significatives entre les deux méthodes si toutes les différences sont comprisesentre d�2sdd et d+2sdd.

Ces différentes procédures statistiques ont été appliquées sur les quatre dents présentant deshypoplasies, en prenant en compte un seul épisode de stress pour les dents ayant plusieurshypoplasies.

2.2. Étude des pathologies dentaires (caries) et dépôt important de tartre

L’usure dentaire spécifique, les caries, et les atteintes alvéolaires associées aux pertesdentaires ante mortem constituent souvent les lésions les plus informatives sur l’état de santé despopulations du passé (Herrscher, 2001). Compte-tenu de l’absence d’éléments osseuxmandibulaires et maxillaires, seule la présence de caries et de dépôt de tartre important a étéexaminée macroscopiquement en notant leur position (face mésiale par exemple).

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3. Résultats

3.1. Les hypoplasies de l’émail dentaire : fréquence et estimation de la date d’apparition etde la durée possible de l’évènement

3.1.1. Fréquence et caractéristiquesLa fréquence des hypoplasies de l’émail dentaire, si l’on exclut les antimères, est de 4/26 (si

l’on prend en compte l’effectif total de dents), de 4/10 (si l’on prend en compte le nombre dedents antérieures) et de 2/5 en termes d’individus. Aucune hypoplasie de l’émail dentaire n’estobservée sur les dents déciduales. Les quatre dents présentant une hypoplasie de l’émail dentairesont une canine inférieure gauche (no d’inventaire 152), une incisive latérale inférieure droite(no 138), une canine supérieure gauche (no 134) et une incisive centrale supérieure droite(no 137). Elles correspondent à un minimum de deux individus. Ceux-ci représentent lesindividus les plus jeunes (classe d’âge au décès [5–9[ ans et [10–14[ ans), les autres individusappartenant aux classes d’âge au décès [15–19[ ans, [20–24[ ans et supérieur 30 ans (Fig. 2).

La canine inférieure gauche (dent no 152) et l’incisive latérale inférieure droite (dent no 138)appartiennent à un individu attribué à la classe d’âge au décès [5–9[ ans. L’hypoplasie sur lacanine inférieure est simple, bien individualisée. Elle se présente sous la forme de sillonshorizontaux. Elle est localisée sur la moitié inférieure de la dent et peut être observée sur toutesles faces (mésiale, distale, labiale et linguale). Sur l’incisive inférieure, l’hypoplasie est simple, etse présente sous forme de creux. Ses bords sont mal définis. Elle est profonde et large et se situesur la moitié inférieure de la face vestibulaire.

Les deux dents supérieures (dents no 134 et 137) pourraient appartenir à un même individuplus âgé décédé entre 10 et 14 ans. Le degré d’expression des hypoplasies de ces deux dents estrelativement faible. Sur la canine supérieure gauche (no 134), les hypoplasies de l’émail dentairesont multiples. Elles se présentent sous la forme de sillons fins horizontaux sur la moitiéinférieure de la face vestibulaire. Il est à noter que seule la deuxième hypoplasie (qui est la plusvisible) a été prise en compte pour les tests statistiques. Sur l’incisive centrale supérieure droite(no 137), l’hypoplasie est simple sous forme de lignes fines blanches horizontales sur la moitiéinférieure de la face vestibulaire (Tableau 3).

3.1.2. Comparaison des différentes méthodes d’estimationLa précision et la reproduction des mesures sont meilleures lorsque celles-ci sont prises avec

un appareil optique numérique (loupe binoculaire Leica EZ4HD et microscope numérique Dino-Lite AM-7073 MT). La différence entre les instruments utilisés (pied à coulisse, loupebinoculaire ou microscope numérique) est toutefois inférieure à 5 %. Les mesures présentéesdans le Tableau 4 correspondent à la moyenne des 3 mesures effectuées avec le microscope Dino-lite AM-7073 T. La variabilité intra-observateur est inférieure à 5 %. Une comparaison inter-observateur sur l’observation des hypoplasies a également été menée. Les hypoplasies nonidentifiables par les deux observateurs, ou sujettes à discussion n’ont pas été considérées danscette étude.

Les résultats du test de Friedman indiquent qu’il n’y a pas de différence significative entre les4 méthodes d’estimation utilisée (Statistique de test Qobs = 3,462, p = 0,326). Les résultats detest de rang de Wilcoxon (Tableau 5), indiquent qu’il n’y a pas de différence significative lorsquel’on compare les méthodes deux à deux. La procédure de Brand et Altman indique égalementqu’il n’y a pas de différences statistiquement significatives entre les différentes méthodes prises

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deux à deux. La comparaison entre les équations de régression de Goodman et Rose et celle deWalker reprise par Martin et al. (2008) est illustrée pour exemple (Fig. 3).

3.1.3. Estimation de la date d’apparition et de la durée possible de l’évènementLes tests statistiques (voir section 3.1.2) ayant montré qu’il n’existait pas de différence

significative entre les 4 méthodes d’estimation utilisées, nous proposons une synthèse desestimations de l’âge d’apparition des hypoplasies toutes méthodes confondues, en utilisant lesvaleurs minimale et maximale (Tableau 4). Pour la canine inférieure gauche (dent no 152), unépisode de stress aurait eu lieu lorsque l’individu avait entre 2 ans et 10 mois et 3 ans et 10 mois(1039–1407 jours). Pour l’incisive latérale inférieure droite (dent no 138), un épisode de stress

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Fig. 2. Dents présentant des hypoplasies de l’émail dentaire : vue labiale (a) no 152 ; (b) no 138 ; (c) no 134 ; (d) no 137. Enhaut, vue générale ; en bas, vue de détail, les flèches indiquent la position des hypoplasies.Teeth with enamel hypoplasias: labial view (a) no 152; (b) no 138; (c) no 134; (d) no 137. Up, general view; bottom, detailview, arrows indicate the location of hypoplasia.

Tableau 3Caractérisation des défauts de l’émail des individus de Buran-Kaya III (niveau 6-1) selon l’Indice Défaut duDéveloppement de l’Émail (DDE).Characterization of the enamel defaults of the individuals from Buran-Kaya III (layer 6-1) according to the Deve-lopmental Defect of Enamel index (DDE index).

C inf. G (no 152) I2 inf. D (no 138) C sup. G (no 134) I1 sup. D (no 137)

Type de défaut 4 3 4 4Nombre et description

des défauts1 et 3 1 et 4 2 et 3 1 et 3

Localisation 1 1 1 1

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S. P

rat /

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–583

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Tableau 4Estimation de l’âge d’apparition des hypoplasies selon les équations de Goodman et Rose (1990) et de Walker reprises par Martin et al. (2008), en prenant en compte le nombre depérikymaties entre l’hypoplasie et la jonction émail-cément.Developmental age estimate for each apparition according to Goodman and Rose’s (1990) equations, and Walker’s equations after Martin et al. (2008), taking into account thenumber of perikymatias between the hypoplasia and the cementoenamel junction.

Numéro Dent Localisation(mm)

Équation deGoodman etRose (1990)(en jours)

Équation deWalker reprisepar Martin et al.,2008 (en jours)

NPk NPk*9� 2 jours

Âge de formation de lacouronne (min.–max.)(en jours)

Âge d’apparition del’hypoplasie ; moyenne(min.–max.) (en jours)

RéférentielNord européen

RéférentielAfriqueaustrale

RéférentielNordEuropéen

RéférentielAfriqueaustrale

152 Canine inf.gauche

4,5 1407 1407 95 855 � 190 2266 � 73(2193–2339)

1894 � 56(1838–1950)

1411(1294–1528)

1039(905–1173)

138 I2 inf.droite

1,7 1202 1162 45 405 � 90 1522 � 46(1476–1568)

1372 � 26(1346–1398)

1117(1073–1161)

967(903–1031)

134 C sup.gauche

1er épisode 4,2 1232 1257 95 855 � 190 1946 � 55(1891–2001)

1761 � 42(1719–1803)

1091(956–1226)

906(758–1054)

2e épisode 3,5 1392 1412 75 675 � 150 1946 � 55(1891–2001)

1761 � 42(1719–1803)

1271(1176–1366)

1086(978–1194)

137 I1 sup. D 2,4 1245 1277 18 162 � 36 1836 � 50(1786–1886)

1517 � 30(1487–1547)

1674(1660–1688)

1355(1349–1361)

Âge d’apparition de l’hypoplasie (en jours) = (âge d’initiation de formation de la couronne + âge de fin de formation complète de la couronne) � (Npk*p) ; p = 9 � 2 jours ; NPkétant le nombre de périkymaties entre le milieu de l’hypoplasie et la jonction émail-cément. Les âges d’initiation et de fin de formation complète de la couronne (en jours) sont issusde Reid et Dean (2006) sur les populations d’Hommes actuels du Nord de l’Europe et d’Afrique australe.

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serait survenu entre 2 ans et 8 mois et 3 ans et 3 mois (967–1202 jours). Pour la canine supérieuregauche (dent no 134), un premier épisode de stress se serait déroulé entre 2 ans et 5 mois et 3 anset 5 mois (906–1257 jours) et un second entre 3 ans et 3 ans et 10 mois. Pour l’incisive centralesupérieure droite (dent no 137), un épisode de stress aurait eu lieu entre 3 ans et 5 mois et 4 ans et7 mois (1245–1674 jours).

La durée de l’événement du stress a été déterminée en comptant le nombre de périkymaties àl’intérieur de l’hypoplasie à l’aide de la Dino-Lite AM-7073 MT. Les observations auMicroscope Électronique à Balayage (MEB-EDS Tescan, modèle VEGA II LSU) ont étéconcluantes pour la dent présentant une forte expression de l’hypoplasie (dent no 138) (Fig. 4).Pour cette dent (no 138, I2 inférieure droite), treize périkymaties ont été décomptées quel que soitl’appareil utilisé (Dino-Lite ou MEB-EDS). La durée de l’événement est estimée à117 � 26 jours. Pour la dent no 152 (canine inférieure), trois périkymaties sont visibles, ladurée de l’évènement est estimée à 27 � 6 jours. Pour la dent no 134 (C supérieure gauche),6 périkymaties sont identifiées à l’intérieur de chacune des hypoplasies, soit une durée de45 � 10 jours pour ces évènements. Pour la dent no 137 (I1 supérieure droite), trois périkymaties

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Fig. 3. Test de Brand et Altman. Comparaison entre les équations de régression de Goodman et Rose (1990) et cellesconstruites par Walker publiées dans Martin et al. (2008).Brand and Altman test. Comparisons between the regression equations from Goodman and Rose (1990) and thoseestablished by Walker published in Martin et al. (2008).

Tableau 5Résultats du test de rang de Wilcoxon.Results of Wilcoxon signed-rank test.

Comparaison Statistique de test Z Statistique de test standardisée p

Goodman et Rose vs Walker 3 0 1Reid et Dean NE vs Reid et Dean SA 0 –1,826 0,068Goodman et Rose vs Reid et Dean NE 5 0 1Goodman et Rose vs Reid et Dean SA 1 –1,461 0,144Waker vs Reid et Dean NE 5 0 1Walker vs Reid et Dean SA 1 –1,461 0,144

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sont observables à l’intérieur de l’hypoplasie, ce qui indique une durée de l’épisode de stress de27 � 6 jours.

3.2. Les pathologies dentaires (caries) et dépôt important de tartre

Aucune pathologie dentaire, telle que des caries, n’a été observée. En revanche, des dépôts detartre sont présents sur 16 dents parmi les 22 dents pouvant présenter du tartre (c’est-à-dire lenombre de dents éruptées). Aucun nettoyage important n’a été pratiqué sur le matériel dentaire.Les dents ont été simplement nettoyées manuellement à l’eau, certaines d’entre elles étaientencore recouvertes de sédiment au début de l’étude. Les cinq individus présentent un dépôt detartre sur une ou plusieurs dents. L’individu, dont l’âge au décès a été déterminé comme étantsupérieur à 30 ans, présente sur toutes les dents (n = 6) qui lui sont attribuées un dépôt de tartre(Fig. 5). La recherche de l’apport végétal dans le régime alimentaire des individus à partir desphytolithes présents dans ces dépôts de tartre n’a malheureusement donné aucun résultat(E. Messager comm.pers).

4. Discussions et conclusions

4.1. Les hypoplasies de l’émail dentaire

4.1.1. FréquenceBrennan (1991) a mis en évidence une fréquence faible des hypoplasies de l’émail dentaire au

début du Paléolithique supérieur. Ainsi, ses travaux sur les Hommes du Paléolithique moyen etsupérieur du sud-ouest de la France (840 dents permanentes et déciduales appartenant à187 individus de 5 périodes culturelles différentes) (Moustérien, Aurignacien, Gravettien[nommé « Upper Perigordian » dans Brennan (1991)], Solutréen et Magdalénien) ont montré que

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Fig. 4. Périkymaties à l’intérieur d’une hypoplasie de l’émail dentaire (dent no 138), photographie au MicroscopeÉlectronique à Balayage MEB-EDS Tescan, modèle VEGA II LSU (MNHN).Perikymatias inside an enamel hypoplasia (tooth no 138), picture taken with MEB-EDS Tescan, VEGA II LSU (MNHN).

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ce biomarqueur non spécifique était rare au Paléolithique moyen et supérieur. L’occurrence est de30 individus sur 77 (42,8 %) pour les populations néandertaliennes, de 4 sur 20 pour lesaurignaciens (20 %), aucun individu attribué à la tradition culturelle gravettienne (0/9), unspécimen parmi les 6 individus solutréens (16,7 %) et 20 individus magdaléniens parmi les 68(29,4 %) qui constituent l’échantillon. Mary Brennan a montré également que le nombre de sujetsprésentant ces stress non spécifiques décroissait à la transition entre le Paléolithique moyen etsupérieur, avec des différences statistiquement significatives entre les groupes du Paléolithiquemoyen et supérieur ancien et entre ceux du Paléolithique supérieur ancien et plus tardif( p < 0,04). Le pourcentage est plus élevé au Paléolithique moyen et au Paléolithique supérieurtardif qu’au Paléolithique supérieur ancien. Il faut toutefois noter que l’attribution culturelle decertains spécimens est parfois erronée (pour exemple, Cro-magnon 1, 2, 3, 4, 5a, 5b, 5c sontattribués à l’Aurignacien alors que les nouvelles analyses plaident en faveur d’une attribution auGravettien ancien [–27680 � 270 BP Beta157439 (Henry-Gambier, 2002)]. L’incidence de cettenouvelle attribution culturelle sur les fréquences des hypoplasies à l’Aurignacien et au Gravettienne peut être quantifiée en l’absence de données individuelles (nombre de dents par individu et parsite). En outre, en l’absence de ces données brutes, aucune comparaison en termes de nombre derestes dentaires ne peut être faite entre nos données et celles de Mary Brennan. En revanche, lacomparaison en ce qui concerne les individus entre le niveau 6-1 du site de Buran-Kaya III (avecune occurrence de 2 individus sur 5) et les données de Brennan (1991) (échantillon attribué à latradition gravettienne provenant des sites de Isturitz (séries 6b), Abri Blanchard et Labatut, laGravette) montre qu’il n’existe pas de différence significative entre ces deux échantillons pour cequi concerne la fréquence des hypoplasies en termes d’individus (test exact de Fisher, p = 0,109).

S. Prat / L’anthropologie 118 (2014) 567–583578

Fig. 5. Exemple de dépôt de tartre (dent no 129).Example of calculus (tooth no 129).

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Pour les populations néandertaliennes, les travaux de Ogilvie et al. (1989) sur un largeéchantillon (n = 669), mettent en évidence une fréquence importante des hypoplasies de l’émaildentaire chez ces populations en particulier pour les canines supérieures (26/37). En revanche, lestravaux de Guatelli-Steinberg et al. (2004) ont montré que l’occurrence des hypoplasies del’émail dentaire n’était pas différente entre les Néandertaliens et les populations inuites. Si l’oncompare les données par catégories dentaires ou en considérant l’ensemble des dents antérieures,il n’y a aucune différence significative entre les données sur les Néandertaliens (Ogilvie et al.,1989 et Guatelli-Steinberg et al., 2004) et nos données (dont l’effectif reste toutefois faible)(Tableaux 6 et 7). En outre, le test exact de Fisher appliqué à l’échantillon de Néandertaliens deBrennan (1991) montre qu’il n’y a pas de différence significative entre l’occurrence (en termesd’individus) des hypoplasies chez les Néandertaliens et chez les Hommes anatomiquementmodernes de Buran-Kaya III (niveau 6-1 ; p = 0,65).

4.1.2. Estimation de la date d’apparitionSi l’on prend en compte les différents estimateurs et référentiels, l’enfant appartenant à la

classe d’âge au décès [5–9[ ans (dent no 138 et no 152) aurait eu un épisode de stress entre ses2 ans et 8 mois et ses 3 ans et 10 mois.

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Tableau 6Fréquence des hypoplasies linéaires de l’émail dentaire (dents avec au minimum un défaut de l’émail dentaire) entre lesHommes anatomiquement modernes de Buran-Kaya III et les Néandertaliens (données de Ogilvie et al., 1989).Frequency comparison of the enamel hypoplasia (teeth with a minimal of one defect) between the Anatomically modernhumans from Buran-Kaya III and the Neandertals (data from Ogilvie et al., 1989).

Buran-Kaya III Néandertaliens Test exactde Fisher p

Nombre totalde dents

Nombre de dentsprésentant deshypoplasies

Nombre totalde dents

Nombre de dentsprésentant deshypoplasies

I1 supérieure 3 1 36 16 0,598C supérieure 1 1 37 26 0,710I2 inférieure 2 1 31 9 0,520C inférieure 3 1 43 20 0,566Dents antérieures 10 4 204 90 0,537

Tableau 7Fréquence des hypoplasies de l’émail dentaire (individus et dents antérieures avec au minimum un défaut de l’émaildentaire) entre les Hommes anatomiquement modernes de Buran-Kaya III et les Néandertaliens (données de Guatelli-Steinberg et al., 2004).Frequency comparison of the enamel hypoplasias (individuals and anterior teeth with a minimal of one defect) betweenAnatomically modern humans from Buran-Kaya III and Neandertals (data from Guatelli-Steinberg et al., 2004).

Buran-Kaya III Néandertaliens (Guatelli-Steinberget al., 2004)

Test exactde Fisher

Nombre d’individus présentantdes hypoplasies

2 7 0,672

Nombre total d’individus 5 18Nombre de dents antérieures

présentant des hypoplasies4 21 0,513

Nombre total de dents antérieures 10 56

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L’individu appartenant à la classe d’âge [10–14[ ans (dent no 134 et 137), aurait eu desépisodes de stress entre 2 ans et 5 mois et 4 ans et 7 mois. Ces épisodes de stress seraientintervenus dans la première période de sa vie. Les travaux de Brennan (1991) ont montré qu’il yavait une différence en termes d’incidence des hypoplasies entre les individus décédés avant ouaprès 13 ans. Parmi les individus aurignaciens étudiés par cet auteur (n = 20 ; voir commentaireci-dessus sur l’attribution taxinomique de certains individus), l’occurrence est de 30 % pour lesindividus âgés de moins de 13 ans alors que celle-ci n’est plus que de 10 % pour les individusâgés de plus de 13 ans. Skinner (1996) a également mis en évidence que les individus duPaléolithique supérieur sont plus affectés au cours de leur enfance, avec une majorité des casavant l’âge de 3 ans. Les données issues du site de Buran-Kaya III (niveau 6-1) viennentconfirmer ces travaux.

4.1.3. Comparaison des différentes méthodes d’estimationLes tests statistiques entrepris à partir des quatre dents présentant des hypoplasies (Tests de

Bland et Altman, Friedman et Wilcoxon) montrent qu’il n’existe pas de différence significativeentre les deux méthodes utilisées (hauteur de l’hypoplasie [voir section 2.1.1] et décompte despérikymaties [section 2.1.2]) (Tableau 5). On peut noter cependant une tendance à unesurestimation pour les populations nord européennes, qui pourrait sans doute être significative sila taille de l’échantillon était plus importante. Cependant de nombreux auteurs (Hillson et Bond,1997 ; Reid et Dean, 2000 ; Cunha et al., 2004 ; King et al., 2005) considèrent que la méthodefondée sur le décompte des périkymaties est plus fiable que celle mesurant la hauteur del’hypoplasie, du fait que le taux de croissance de l’émail dentaire ne soit pas constant entre lesommet de la cuspide et l’apex de la racine (Hillson et Bond, 1997).

4.2. Pathologie dentaire

Nos travaux confirment la rareté des caries dentaires au Paléolithique supérieur ancien. Troisindividus ont été recensés au Paléolithique supérieur ancien en Europe : Cro-magnon 4, Les RoisR50-4 et Les Rois R51-15 (Brennan, 1991 ; Trinkaus et al., 2000) et cinq au Magdalénien(Brennan, 1991). Cette pathologie dentaire est également rare au Paléolithique moyen. Elle estobservée sur six restes attribués aux Néandertaliens : Kebara 27 (Tillier et al., 1995), Banyoles 1(Lalueza-Fox et al., 1993 dans Trinkaus et al., 2000), Aubesier 5 (Trinkaus et al., 2000), Aubesier12 (Lebel et Trinkaus, 2002), Palomas 25 et Palomas 59 (Walker et al., 2011).

Pour conclure, nos résultats complètent les rares travaux sur l’occurrence de stressphysiologiques tels que les hypoplasies de l’émail dentaire au début du Paléolithique supérieur(Brennan, 1991, Skinner, 1996 ; Teschler-Nicola et al., 2006 ; Guatelli-Steinberg et al., 2011 ;Trinkaus et al., 2013). L’étude faite sur le site de Buran-Kaya III (niveau 6-1), l’un des plusanciens témoignages de la présence des Hommes anatomiquement modernes en Europe orientaleapporte de nouvelles données concernant la présence de ce biomarqueur non spécifique chez lesindividus datés de plus de 32 000 ans BP. Les deux individus présentant des hypoplasies del’émail dentaire correspondent aux individus les plus jeunes (classe d’âge au décès [5–9[ ans et[10–14[ ans) avec un épisode de stress physiologique au cours de la première partie de leur vie(entre 2 ans 5 mois et 3 ans 10 mois pour le premier individu et 2 ans 5 mois et 4 ans 7 mois pourle second). Notre étude confirme la rareté des lésions dentaires (telles que les caries), et un faibleniveau de stress physiologique (faibles fréquence et développement des hypoplasies linéaires del’émail dentaire) au début du Paléolithique supérieur. Ces données dentaires semblent indiquer

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que l’état sanitaire de ces individus était relativement bon. Ces travaux viennent égalementconfirmer que seuls les plus jeunes individus présentent ces stress physiologiques et que ceux-cisurviennent au début de leur enfance (� 3 ans).

Remerciements

Cette étude a été financée grâce au soutien du projet « Mammouths » no ANR-05-JCJC-0240-01 de l’Agence Nationale de la Recherche resp. S. Péan) et de la Fondation Fyssen(subvention de recherche « Les premiers hommes anatomiquement modernes du Sud-Est del’Europe », resp. S. Prat). Je tiens à remercier Sylvain Pont (Plateforme technique despectrométrie de Masse, MNHN), pour son aide pour le MEB-EDS Tescan, modèle VEGA IILSU et Danièle Fouchier pour la Fig. 1. Je tiens également à remercier Cécile Garcia pour sesconseils concernant les méthodes statistiques et en particulier la procédure de Bland et Altman,Anne-Marie Bacon et Christine Verna pour leurs discussions sur les versions précédentes dumanuscrit, Marie Louise Inizan pour sa relecture et ses conseils, et le relecteur pour sesprécieux commentaires ainsi que toute l’équipe de fouille du site de Buran-Kaya III et toutparticulièrement Alexandre Yanevich.

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