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114 Unnouveaushootingground à côté de Paris ! Les bonnes nou- velles sont si rares concernant les écoles de chasses… Car ré- cemment,choseimpensable,les coups de fusils ont cessé au Cercle du bois de Boulogne, une institution que l’on imaginait pourtant immortelle. Avant il y avait eu la disparition du stand de la Roche-Couloir en vallée de Chevreuse. Comme si elle n’avait pas voulu survivre à la dis- parition d’Alain Ségot son em- blématique moniteur, issu d’un père qui avait lui-même conquis ses galons de maître d’armes à la pointe du fusil chez Gastinne- Renette à Issy-les-Moulineaux. Gastinne, c’était le premier par- cours de chasse français : inspiré parles shootinggrounds anglais, il avait vu le jour en 1909. Aussi, aujourd’hui, avec l’ou- verture du Paris Shooting Club, on ne peut pas bouder notre plaisir. Comme si l’histoire des armes, de la chasse et d’un cer- tain art de vivre n’avait pas inter- rompu son cours. Car un shoo- ting ground a quelque chose de particulier : cette locution an- glaise est difficilement tradui- sible puisqu’elle indique à la fois un lieu où l’on apprend tour à tour le maniement, l’utilisation mais aussi où l’on expérimente des armes. Les Anglais à l’image de Purdey ont inauguré de tels Sur le terrain S ur le terrain par Alain de l’Hermite Jours de C HASS E ÉTÉ 2011 Au cœur du Val-d’Oise, le Paris Shooting Club ouvre ses portes. Cent ans après l'école de chasse Gastinne-Renette, ce nouveau cercle renoue avec la tradition séculaire des “shooting grounds” anglais. Paris Shooting Club Un nouveau cercle Ci-dessus, le maître et la maîtresse des lieux Wafa et Benjamin Tranchant. Et Olivier Dassault en train de tirer dans le plus pur style académique. PHOTOS : PATRICK IAFRATE

Su r urlele terrainterrain - Le PARIS SHOOTING CLUBparis-shooting-club.com/pdf/jdc-n44.pdf · Wafa et Benjamin Tranchant. Et Olivier Dassault en train de tirer dans le plus pur style

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UnnouveaushootinggroundàcôtédeParis !Lesbonnesnou-velles sont si rares concernantles écoles de chasses… Car ré-cemment,choseimpensable,lescoups de fusils ont cessé auCercleduboisdeBoulogne,uneinstitution que l’on imaginaitpourtant immortelle. Avant il yavait eu la disparition du standde la Roche-Couloir en valléede Chevreuse. Comme si ellen’avaitpasvoulusurvivreàladis-

parition d’Alain Ségot son em-blématique moniteur, issu d’unpèrequiavait lui-mêmeconquisses galons de maître d’armes àlapointedufusil chezGastinne-Renette à Issy-les-Moulineaux.Gastinne,c’était lepremierpar-coursdechassefrançais :inspiréparlesshootinggroundsanglais,il avait vu le jour en 1909.

Aussi, aujourd’hui, avec l’ou-verture du Paris Shooting Club,on ne peut pas bouder notre

plaisir. Comme si l’histoire desarmes, de la chasse et d’un cer-tainartdevivren’avaitpasinter-rompu son cours. Car un shoo-ting ground a quelque chosedeparticulier :cettelocutionan-glaise est difficilement tradui-siblepuisqu’elle indiqueàlafoisun lieu où l’on apprend tour àtour le maniement, l’utilisationmais aussi où l’on expérimentedesarmes.LesAnglaisàl’imagede Purdey ont inauguré de tels

Sur le terrainS u r l e t e r r a i npar Alain de l’Hermite

Jours de CHASSE ◆ É T É 2 0 1 1

◆ Au cœur du Val-d’Oise, le Paris Shooting Club ouvre ses portes.Cent ans après l'école de chasse Gastinne-Renette, ce nouveau cerclerenoue avec la tradition séculaire des “shooting grounds” anglais.

Paris Shooting ClubUn nouveau cercle

Ci-dessus, le maîtreet la maîtresse des lieux

Wafa et Benjamin Tranchant.Et Olivier Dassault

en train de tirer dans le pluspur style académique.

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sites dans la lignée de l’inven-tionmajeuredusystèmedeper-cussion sur fulminate de mer-cure par le révérend Forsythen1807.Àpartirdecemoment,le départ du coup de fusil de-venait quasi spontané et per-mettait donc d’envisager le tiren mouvement.

C’est embrumé de ces quel-ques repères que nous arri-vons… À la sortie du village deVémarsdansleVal-d'Oise,lape-tite départementale serpenteaubeaumilieud’unécrandever-dure. Le soleil darde ses rayonsmaintenantet,depuislafenêtreentrouverte, les bruits de la na-ture emplissent l’habitacle. Encettefindeprintemps,nouspro-vient pour la première fois lechant du coucou, plusloin nous reconnais-sons le son caractéris-tique du bec d’un piccontre un tronc. Pour-tant il y a moins d’unedemi-heure, nous pen-sions ne pas pouvoiréchapper aux embou-teillages du périphé-rique.Laproximitéetlafacilité d’accès du Pa-ris Shooting Club sontsans doute la premièrechose qui étonne enmême temps qu’elleenthousiasme. Déjà ily a un siècle, Paul Gas-tinne-Renette consta-tait que « la proximité de la villeest indispensable chez nouspourlesuccès,carnousn’avonspas comme nos voisins anglaisle goût des déplacements éloi-gnés ».

Soudain, un portail grand ou-vert apparaît sur la gauche dela petite route, un messagernous y attend. Sans tarder nousenfilonslepasdesonmicropick-upélectrique,quinousprécède.Rapidement,nousdébouchons

sur une plaine au début de la-quelle émerge la silhouette demaisonnettes de bois. À proxi-mité, un grand parquet exté-rieur rappelle les planches dubord de mer et stabilise le sol.Dessus une table surmontéed’un immense parasol est dres-sée pour le petit déjeuner. Le

maître et la maîtresse de mai-son, Benjamin Tranchant et sonépouse Wafa nous accueillentchaleureusement, ainsi queDoxy leur flat coated.

Nous avons vraiment l’im-pressiond’arriverchezdesamispour passer le week-end. Pourajouter à cette atmosphère desérénitédulieu,nousallonsavoirla visite d’une jeune chevrettealorsquenousprenonsuncafé.L’endroitoùnousnoustrouvons

est un ravissement permanentautantqu’unhavredepaixsiloindes vicissitudes de la ville et enmême temps si facile d’accès(signalons que pendant la sai-son d’hiver, c’est un autre club-house mitoyen qui accueilleles membres du Paris ShootingClub).

Benjamin est intarissable sursa « passion atavique de lachassetransmiseparsonpère»,celle du tir de chasse aussi (« unsport formidable dans l’ac-ception anglaise du mot jeu,qui est devenue une passionpresque plus envahissante quela chasse »). Au point d’avoireu l’idée de recréer ici un au-thentique cercle consacré autir et fort à terme d’environ 400membres. « Pour créer cet en-

droit, il fallait un passionné. Etd’abord pouvoir trouver un en-droit où les coups de fusils nedérangent pas le voisinage »,souligneOlivierDassault,lepar-rain de ce projet. Au sein del’organisation,CharlesBardouala responsabilité du manage-ment du Paris Shooting Clubetaccomplitlatâcheprimordialede moniteur de tir. Issu lui aussid’une famille de chasseurs pas-sionnés, il est au côté de son

Les déplacements surles 20hectares du domainese font en véhicule électrique.Ci-dessous, Charles Bardou,le moniteur de tir,raconte “sa passion”à Frédéric Didier, mairede Vémars. Aux beaux jours,une terrasse de 500mètrescarrés accueilleles membres du cercle.

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frère David parmi les meilleurstireurs au monde au palmarèséloquent.

Au loin notre regard se perdau milieu des nouvelles planta-tions où une tour de bois inté-grée supporte des lanceurs in-visibles. On conçoit le soucipermanent d’intégration dechaque élément rapporté afinqu’il trouve sa place le plus na-turellement possible dans l’en-vironnement.

Une idée vient aussitôt à l’es-pritpournousfairecomparercetendroit à l’œuvre qu’un jardi-nier anglais aurait consacré auball-trap. Sur la vingtaine d’hec-tares du terrain sont dissimuléspas moins de 111 lanceurs auservice de seize parcours dechasse. Le parcours de chasse?Il s’agit d’une discipline régle-mentée par une convention in-ternationale dont les fonde-mentsfurentposésparlecomteClary à la fin du XIXesiècle.

On l’imagine: les choses ontévolué depuis cette époquehéroïque, et la première tourfrançaise haute de 16 mètresconstruitesurl’îleSeguin.Ouen-coredepuisl’écoledeGastinne-Renette, l’initiateur du “sentierdechasse”d’unelongueurd’unkilomètreetdemi.Comparaisonamusante,cettedistancecorres-pond peu ou prou à la longueurdu terrain du Paris ShootingClub.Àrebours,l’écoleGastinnen’avaitque5hectaresdesuper-ficiecontre20pourcelledeBen-jamin. À l’époque, il fallait envi-ron une heure au nemrod pourparcourir le sentier en compa-gnie du manager et tirer lestrente-cinqcibles.Selonlarègleétablie, les plateaux étaient en-voyés“àlasurprise”aprèsavoirprévenuletireurd’un«Àvous!»parlepuller. Incontestablementle “clou” de la promenade, se-lon Paul Gastinne était son la-pin métallique sur rail. « Alors

que les Anglais se contententd’un disque, pouvant se casserd’un seul plomb », s’indignait-il. Autre sujet d’orgueil du cé-lèbre armurier, la disposition decertainsappareilsdelancementen haut d’une carrière « rendaitle tir de battue plus difficile dufait de leur dispersion », ques’ilsavaientétégroupésausom-met d’une unique tour.

Aujourd’hui un parcours con-siste généralement à tirer aucommandement«Pull»,unesé-rie de 25 plateaux. Des simples,et des doublés “au coup de fu-sil ou simultanés”. Cinq sortesdeplateauxsontlancésavecdesangles des vitesses et des hau-teurs variables afin d’imiter le

Au Ravin, tir d’un plateaufuyant et délicat. Ci-contre,une image rare désormais,la chorégraphie du tireur etde son chargeur. Et, en dessous,une tour parfaitement intégrée.

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plus fidèlement possible le vold’une bécassine ou la coursed’un lièvre.BenjaminetCharlesproposent trois postes sur cha-cun des seize parcours du do-maine. De plus, chacun despostes propose deux niveauxdedifficultés :le“postebleu”etle “poste rouge”; dans ce casil ne s’agit « pas d’oiseaux pourdébutant », constate OlivierDassault.

“Oiseaux”?Lamétaphorecy-négétiqueestfréquemmentuti-lisée et renforce la similitudeavec la chasse. Charles conseil-lera de tirer la patte gauchepour indiquerunecorrectionenbas et à gauche ; dans une au-tre circonstance, “l’aile droite”pour indiquer un simple défautd’avancesur ladroite.On lede-vine:enuneaprès-midi,onpeutallègrement dépasser le tir de200cartouchesdoncbeaucoup

plusquel’immensemajoritédeschasseurs français, en une sai-son de chasse.

D’ailleurs, il n’existe pas demeilleure méthode pour pro-gresser dans le tir de chasse. SiOlivier ne réfute pas l’apportincontestable du ball-trap afind’améliorer son tir de chasse,pour lui, l’essentiel est ailleurs.D’une part dans « l’apprentis-sage du maniement des armesen dehors du stress des condi-tions réelles et sous le contrôled’un moniteur expérimenté ».D’autrepartdanslecontrôledesémotions, en effet « nombrede chasseurs ont bien du mal àretenir et à maîtriser un coupde carabine, paradoxalementparce qu’ils manquent d’entraî-nement ».

Afinquelechasseurpuisseef-fectuersespremierstirsentoutequiétude à l’abri des regards

inquisiteurs, voire moqueur,BenjaminetCharlesontprisuneinitiative intéressante. Ils onten quelque sorte “privatisé”,lapartieduParisShootingClubconsacrée à l’apprentissage oùseul le maître initie son élève–tout à son affaire – en touteintimité.Ànotrequestionàquelâge commencer ? « S’il n’y apas de limite d’âges maximaledèsl’instantquel’onestenpos-session de ses moyens phy-siquesetintellectuels,unenfantpeut débuter très tôt. À partirdu moment où il possède as-sez de force pour manipulerunecarabinedejardin»,affirmeWafa qui excelle elle aussi dansle tir au fusil de chasse

LerôledeCharlesnes’arrêtepas aux seuls conseils de tir : ilest également là pour donnerdes indications à un armurierdans la mise à conformation de

l’arme de son client. « Sans celal’arme ne deviendra jamais cequ’elle doit être, le prolonge-ment naturel du tireur », sou-ligne-t-il à l’envi. Car le tir aufusil de chasse doit avant toutdemeurerunplaisiroùl’outildoitle plus possible se faire oublier.

À Vémars, rien n’a été oubliépas même le tir aux hélices (quia remplacé le tir aux pigeonsvivants),ni–unegranderareté–l’arc-trapoùlechasseurs’exerceau tir au vol sur une cible enmousse ! La matinée s’écoulel’espace d’un rêve à admirer lanégociation des trajectoires lesplus invraisemblables, en chan-delles, fuyards, gauche droitemontant ou descendant ou l’in-verse, terminée par le mer-veilleux spectacle de la battueespagnole, le bouquet final !

Car le tir de chasse est unspectacle. Où le tireur chargépar une myriade d’oiseaux faitfronttelunmatador.Désormaisnous imaginons être trans-portés à l’automne dans leschaumes d’une finca des envi-ron de Tolède. L’authentiquechorégraphiesejouealorsàtroisentre le tireur, son secretario etles oiseaux. À cet instant, nousreviennent les propos de PaulVialar : « on se dit que pour enarriver là, il faut avoir eu beau-coup de patience, de ténacitéet même quelque génie. Ana-tole France me disait un jour,dans ma jeunesse, me parlantde sa façon d’écrire : “Je metspas mal de choses d’abord surmon papier ; ensuite j’ajoute lasimplicité.” La leçon vaut pourtout et même pour tous, mêmepourceluiquiprendensesmainsun fusil et s’en va avec lui à lachasse. » ◆

Paris Shooting ClubRens. :01.49.51.79.97,

06.16.11.94.94 ouwww.paris-shooting-club.com

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Sur le terrainS u r l e t e r r a i n

Olivier Dassault entouré de Benjamin accompagnéde Doxy et Charles Bardou. Au-dessus,les membres ravis de découvrir les installations.Ci-dessus, le "bouquet final" de la battue espagnole.

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