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Rédacteur Gal (er) Jean-François DELOCHRE - © Maréchal un jour – 11/2016 Sujet culture générale n°1 novembre 2016 Ce corrigé constitue une copie étalon à l'attention des candidats. L'effort a été porté sur l'organisation de la réponse à partir des règles de composition enseignées au cours de la préparation. La structure du corrigé (nombre de parties, processus de démonstration) correspond à l'une des possibilités indiquées, sans ordre de priorité, aux candidat(e)s. Les références de culture générale sont personnelles, chaque candidat(e) ayant ses propres repères en fonction de son niveau et de sa connaissance du champ couvert par le sujet. SUJET « Si la peur de la mort arrêtait les hommes, vous n’auriez ni grands soldats, ni grands sportifs. » (Extrait d’un discours de Robert Badinter à l’Assemblée nationale – 18 Septembre 1981) Quelle place doit, selon vous, avoir la mort dans l’éthique des combattants ?

Sujet culture générale n°1 – novembre 2016marechalunjour.a.m.f.unblog.fr/files/2017/09/12_cuge1-2017-etalon... · Tous les éléments de compréhension du sujet figurent dans

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Rédacteur Gal (er) Jean-François DELOCHRE - © Maréchal un jour – 11/2016

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n°1 –

novembre 2

016

Ce corrigé constitue une copie étalon à l'attention des candidats.

L'effort a été porté sur l'organisation de la réponse à partir des règles de composition

enseignées au cours de la préparation.

La structure du corrigé (nombre de parties, processus de démonstration) correspond

à l'une des possibilités indiquées, sans ordre de priorité, aux candidat(e)s.

Les références de culture générale sont personnelles, chaque candidat(e) ayant ses

propres repères en fonction de son niveau et de sa connaissance du champ couvert

par le sujet.

SUJET

« Si la peur de la mort arrêtait les hommes, vous n’auriez ni grands soldats, ni grands

sportifs. »

(Extrait d’un discours de Robert Badinter à l’Assemblée nationale – 18 Septembre 1981)

Quelle place doit, selon vous, avoir la mort dans l’éthique des combattants ?

2017 EDG

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REGLES DE REDACTION

Pour la rédaction de ce corrigé, les règles suivantes ont été privilégiées :

1. Tous les éléments de compréhension du sujet figurent dans le texte de la copie sans qu'il soit nécessaire à un lecteur de revenir au libellé de la question posée pour savoir de quoi l'on traite.

2. L'argumentation de la thèse retenue prend en compte les objections que peut soulever la position de l'auteur.

3. La thèse, ici l'idée maîtresse, répond précisément à la question posée. Elle reste assez synthétique pour être facilement mémorisable par le lecteur.

4. L'annonce de plan ne constitue pas une simple duplication détaillée de l'idée maîtresse. Elle constitue le fil directeur de la démonstration de la thèse.

5. La cohérence de l'introduction se trouve dans la complémentarité de ses différents constituants (préambule, idée maîtresse et plan).

6. L'ouverture en fin de devoir trace la voie d'un autre sujet, connexe à celui traité, mais ne remet pas en cause la pertinence de la thèse exposée ou (et) de sa démonstration.

7. La forme doit s'effacer derrière le fond… et pas l’inverse !1

CORRIGE PROPOSE

Comprendre le sujet Structure du libellé Comme dans les concours précédents (2010 à 2016), le sujet est composé d’une citation et d’une question. Cette forme n’est pas figée ; elle est cependant la plus fréquemment rencontrée et la plus délicate à aborder. Ne pas oublier que la citation éclaire la question, elle n’est pas la question.

Sens des mots2 Citation du préambule.

Quelques rappels sur les circonstances du discours de Robert Badinter. Le discours du 18 septembre 1981 se situe 3 semaines avant le vote de la loi du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort. Ce contexte permet de comprendre le sens de l’intervention du ministre de la justice-garde des sceaux et la cible de ses propos. Dans le cas d’un texte majeur comme celui-ci, il est conseillé de faire ce rappel des circonstances dans le devoir.

Que dit Robert Badinter ? Dans certaines conditions exceptionnelles, l’homme peut être amené à dépasser le domaine du rationnel, par l’objectif (louable ou critiquable !) qu’il veut atteindre, au point d’accepter la mise en jeu de sa propre vie.

La forme de la question qui suit est essentielle car elle détermine celle de la réponse. Cette remarque peut sembler banale, pourtant de nombreux candidats « partent » sur une impression, un a priori, sans avoir vraiment lu le sujet (peur du temps qui passe !)

1 L'application trop scolaire de types de plan réputés être "appréciés par les jurys", si elle conduit à des lourdeurs voire des devoirs besogneux, est sanctionnée lors de la préparation. On trouve ainsi un nombre significatif de travaux de préparation dans lesquels les candidats s'arcboutent sur des plans 3x3 les conduisant à des redondances entre les parties ou à des découpages artificiels. 2 Les termes retenus et les réflexions faites n’ont pas de portée exhaustive. Ils montrent simplement l’intérêt, et au-delà la nécessite, de passer un temps significatif sur le sens et la portée du sujet.

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Question posée

« Quelle place doit, selon vous, avoir… ? » la réponse générale à apporter -on la retrouvera dans l’idée maîtresse- devra comporter un élément de la liste (non exhaustive) suivante : position centrale, périphérique, essentielle, subsidiaire, importante, secondaire, fondatrice, … Avec « doit, selon vous » on vise l'expression d'une vision personnelle et pas le simple constat d’un existant, voire une restitution de règlements ou règles.

« …la mort… » Toujours se méfier des mots simples que l’on a tendance à survoler au risque d’un contre-sens ou d’omissions coupables. Ici il suffit de faire un rapide balayage. Deux sens principaux peuvent être retenus : la cessation complète et définitive de la vie d'un être humain, le terme de l'existence de quelqu'un, considéré comme un moment du temps, une date. Dans le cadre particulier du travail demandé il faudra bien évidemment considérer la mort sous deux angles : celle que l’on risque pour soi et celle dont on fait courir le risque aux autres (les siens et l’adversaire dans le cas qui nous intéresse)

« …l’éthique… » C’est un corpus de comportements, développé par la réflexion et l’enseignement, reposant sur un héritage culturel, et prévalant sur le seul instinct lors de circonstances exceptionnelles. Dans l'éthique militaire (occidentale) je vois principalement : le "culte" de la mission, l'abnégation, le respect de l'homme (subordonnés, adversaire), l'usage maîtrisé de la violence, la conscience du pouvoir exorbitant de tuer. Même si les sens sont parfois proches, il ne faut pas utiliser comme synonymes, ou le faire avec prudence : éthique, morale et déontologie (faire une recherche personnelle sur ces termes ou voir dans mon blog « Le sens des mots »).

« …combattants… » Le terme est volontairement général, en référence à la citation, on peut le connoter « militaire – soldat » mais il sera important de montrer son sens plus général au travers d’exemples, voire de courtes réflexions.

Si j’ai ici détaillé cette phase, c’est pour attirer votre attention sur la nécessité de consacrer suffisamment de temps à l’analyse du sujet afin de ne pas s’enfermer dans un développement indigent de la question posée ! Ainsi, dans les premiers devoirs lus, j’ai majoritairement trouvé une réduction du sujet à l’éthique militaire. De même, la plupart des travaux consiste en une dissertation assez libre à partir des termes clefs « mort » et « éthique », sans réelle prise en compte de la question précise posée…

Cadrer le sujet La position à argumenter se réfère au monde contemporain avec une vision nécessairement historique. La problématique générale est celle des interdits et leur transgression dans les sociétés, avec un regard plus particulier sur leur place dans les comportements de ceux qui, par métier, s’exposent ou exposent d’autres consciemment à la mort.

Reformuler le sujet Je dois démontrer l’importance (ou non) de la prise en compte de la mort comme élément déterminant des comportements et actions de ceux qui, par fonction, peuvent directement ou indirectement intervenir sur la vie d'autrui et mettre leur propre vie en jeu, et cela notamment dans nos sociétés occidentales3.

3 Il faut bien fermer le champ et centrer son développement sur un modèle social central. On ne peut pas faire un mémoire de 200 pages sur un thème général, celui de la mort dans l’histoire des sociétés ! En revanche il faudra préciser ce choix en introduction.

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Cette reformulation personnelle conclut les 00:35 premières minutes4 de réflexion sur le sujet.

Cette étape est trop souvent menée au pas de charge et conduit à des restrictions voire des contre-sens sur la nature et le périmètre du sujet.

Au cours de cette analyse initiale, je suggère de noter à part un « nuage de mots ». C’est ce qui traverse, parfois fugitivement, l’esprit en cours de réflexion et qui peut s’oublier.

Étudier le sujet La construction d'un tableau d'études pose souvent problème aux candidats. L'approche est pourtant relativement simple. On peut considérer que les domaines décomposent le thème général que l'on a défini ici comme celui des interdits et leur transgression dans les sociétés occidentales, notamment quand ces interdits se rattachent à la mort. Les DOMAINES dans lesquels se manifestent ces interdits sont suggérés par la citation, la question et la réflexion personnelle. Les RUBRIQUES permettent quant à elles d'analyser la question posée qui, ici, demande de porter un jugement quantitatif et qualitatif sur la place que tient la prise en compte de la mort dans l’élaboration d’un corpus de comportements, d’une éthique.

Ce tableau est indispensable, c’est un extracteur d’idées. Avec cette matrice on a au moins une quinzaine d’idées, ce qui est suffisant pour un devoir de 5 à 6 pages. On notera aussi dans les cellules les exemples pertinents.

A ce stade, il n'est plus question de revenir en arrière sur la compréhension du sujet et les définitions retenues.

4 Temps moyen passé au brouillon lors de ce type de travail.

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Rubriques

Domaines

R1. L’éthique professionnelle, personnelle, donne à la mort une place exorbitante par rapport aux règles communes

R2. L’éthique professionnelle, personnelle, donne à la mort une place conforme à celle généralement acceptée par la société

R3. Poids de l'actualité, des circonstances, dans l’interprétation des faits5

R4. Tendances et évolutions dans la perspective historique6

D1. Guerres et conflits (côté combattants)

D2. Guerres et conflits (côté santé, ONG)

D3. Catastrophes (naturelles, technologiques…)

D4. Sports extrêmes

D5. Vie courante

D6. Autre

J’ai pour habitude de mettre systématiquement les rubriques « Actualité » et « Tendances » pour forcer la réflexion sur ce qui ne serait que conjoncturel et sur ce qui se dessine. Ces deux visions évitent les analyses trop schématiques (voir notes en bas de page).

Le contenu du tableau d’analyse n’a pas été reproduit ici, ses éléments se retrouvent dans le travail rédigé. Chacun(e) pourra retravailler cette approche avec ses propres éléments et mesurer, éventuellement, les lacunes de son travail initial.

Aborder la construction du devoir

Ce qui précède constitue une partie incontournable du travail qui doit vous conduire à 01:30 environ

sur les 04:00 allouées.

Il faut maintenant se lancer dans l’élaboration du devoir.

À mon sens Il n’y a plus, à partir de là, à se couler avec rigidité dans une méthode aussi processionnelle que celles que préconisent les documents de méthodologie. En effet, le plus souvent, si les premières étapes détaillées plus haut ont été suivies avec rigueur, la construction s’est faite progressivement « dans la tête ». Car, heureusement, nous n’avons pas un fonctionnement séquentiel rigide mais nous sommes assez itératifs en cours de réflexion.

A ce stade donc, deux choix se présentent :

5 Le but est de mesurer l’impact de l’actualité dans l’interprétation des faits (ne pas déterminer l’importance en fonction de l’actualité ou de l’antériorité). Peut se résumer à des signes ˜ ++ " ou ˜ - ˜ 6 Complète la rubrique précédente pour essayer de donner une « valeur absolue » à ses arguments (par ex. « s’inscrit dans la continuité », « marque une rupture »

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1. J’ai une bonne idée de ce que je vais dire et je passe à la rédaction de l’IM et de la trame de plan. C’est le cas ici. Au cours de la construction du tableau s’est dessiné mon fil directeur ; c’est-à-dire l’idée générale qui va guider mon devoir. Elle peut se résumer ainsi :

J’ai identifié 2 idées principales : le « combattant » est, en tant que citoyen, l’émanation de la société dans laquelle il vit ; son rapport à la mort est donc en partie déterminé par ce cadre. Le « combattant » est également façonné par la nature et le type des combats qu’il mène et par le libre arbitre que lui laissent ces formes d’engagements. La convergence de ces 2 « systèmes » influe de manière déterminante sur la construction de l’éthique.

Cette vision du sujet va déterminer mon plan. Contrairement aux modèles que j’ai pu vous proposer comme « à privilégier », j’ai retenu ici une approche analytique (parties 1 et 2) convergeant en partie 3 pour valider ma thèse. Il faut bien retenir qu’il n’y a pas de règle stricte sur la forme de démonstration à retenir et que la part du « feeling » sera souvent importante pour un travail à réaliser en 4 heures !

2. 2. C’est encore flou et alors seulement je poursuis par un travail de synthèse pour dégager des

idées plus générales à partir des éléments du tableau.

Il ne faut pas dépasser les 02:00 pour parvenir à une ossature solide : IM – PLAN – OUVERTURE. J’ai

limité à ces 3 éléments car ils constituent les clefs de la logique du devoir :

1. L’IM apporte une réponse pertinente et concise à la question posée ; 2. Le PLAN vient démontrer la valeur de cette position : 3. L’OUVERTURE projette la réflexion vers un sujet connexe sans remettre en cause ce qui vient

d’être développé.

REMARQUE sur l’IM. Comme je le signale de manière récurrente, le risque majeur est de confondre IM et PLAN et d’aboutir à une redondance de rédaction entre ces 2 paragraphes. L’erreur réside toujours dans le fait de considérer que le cheminement démonstratif est l’IM alors qu’il est le plan. C’est ce cheminement qui est décrit, dans l’encadré figurant plus haut, ce n’est pas l’IM. Pour mon IM, j’ai retenu une formulation plus générale de mon point de vue, tout en m’assurant que cette réponse « collait » bien avec la question posée : « Quelle est la place … ? » Dans les faits l’IM se rapproche davantage du contenu de la 3e partie qui doit être l’aboutissement de la démonstration QUEL QUE SOIT le processus d’argumentation retenu.

Le choix a été fait de rédiger un devoir complet au lieu de se limiter à de seules orientations. Les « plans flash » utiles en préparation ne rendent en effet qu'imparfaitement compte de la cohérence d'ensemble du travail, notamment en ce qui concerne les enchaînements IM-PLAN et CONCLUSION-OUVERTURE. Le travail proposé, réalisé en 5h00 au brouillon pour rester cohérent avec la nature de l'épreuve, figure ci-après.

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INTRODUCTION 0

Préambule

Lors des débats qui ont précédé le vote de la loi sur la suppression de la peine de mort en France, en 1981, Robert Badinter déclarait que « si la peur de la mort arrêtait les hommes, vous n’auriez ni grands soldats ni grands sportifs ». De son côté, Michael Walzer, se référant aux réflexions de Camus sur l’homme révolté et au rôle des pilotes de drones armés américains, concluait récemment que « vous ne pouvez pas tuer si vous n’êtes pas prêt à mourir ». Ces deux positions montrent la complexité des enjeux éthiques liés à la mort, complexité à laquelle sont notamment confrontés ceux « qui ont le droit de tuer sans crime ».

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Idée maîtresse

Tout ce qui concerne la mort donne la possibilité de transgression majeure des règles en vigueur dans les sociétés contemporaines. Aussi la prise en compte des atteintes à la vie est-elle fondatrice de tout corpus de comportements, principalement quand, par fonction, on a le pouvoir de mettre en jeu sa survie et celle d'autrui.

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Annonce du plan

La place de la mort dans les rites, coutumes et lois a toujours été un élément majeur pour apprécier le niveau d’évolution des sociétés par rapport à un référentiel de valeurs universellement accepté. Jusqu’au début du 20e siècle, et notamment en ce qui concerne les conflits armés, peu de place était pourtant laissée lors des combats à des comportements guidés par une éthique personnelle sur la mort. Aujourd’hui, au contraire, ceux qui sont engagés dans des batailles décisives pour la défense d’intérêts vitaux, sont souvent confrontés à des prises de positions individuelles face à des situations « éthiquement » complexes où la place donnée à la mort est prégnante.

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DÉVELOPPEMENT 0

ID1

Le rapport à la mort est caractéristique du niveau de développement des civilisations. Il est à la base d’un corpus de comportements et de principes dont le socle est encore en vigueur. Ce rapport a été longtemps malmené par l’existence d’une hiérarchie marquée des valeurs entre les groupes sociaux et les peuples, hiérarchie qui s’estompe aujourd’hui.

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IS11

Dès le paléolithique, les traces de rituels mortuaires traduisent, pour les anthropologues, l’apparition de la spiritualité dans les peuplades préhistoriques. La permanence de ces rites n’a jamais été interrompue jusqu’à nos jours bien qu’adoptant des formes variables. Le respect de la vie et celui des morts et de leurs sépultures sont toujours des principes centraux dans les sociétés contemporaines. De même « le droit de tuer sans crime… [reste] réservé parmi nous au soldat et au bourreau » (Joseph de Maistre), même si le bourreau a disparu de nombreuses nations occidentales, laissant au seul « soldat » ce droit exorbitant.

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IS12

Ces règles n’ont cependant pas toujours eu de valeur universellement reconnue. Une hiérarchie des groupes sociaux et des peuples a souvent conduit les dominants à s’affranchir de certains commandements du décalogue tout en se donnant bonne conscience ! Il faut attendre le milieu du 16e siècle pour trouver une avancée fondatrice dans le débat sur le traitement à accorder à des populations locales souvent jugées immatures et dépourvues de sens moral : c’est la célèbre « controverse de Valladolid » (1550 -1551). Si ces débats ont

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posé les bases d’un droit positif, ils n’ont pas mis fin pour autant aux dérives mortifères comme le montre Daesh aujourd’hui encore.

IS13

Ainsi, même si le principe de droits de l’homme remonte, pour certains, à l’antiquité (Platon), sa valeur universelle ne sera obtenue qu’en 1948. Depuis cette date, un corpus de textes affirme le caractère absolu et inaliénable de ces droits. Ce tournant juridique au lendemain des affrontements des deux guerres mondiales crée un nouveau cadre en amorçant une utilisation du droit comme « arme de guerre » (G. Chamayou).

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Transition Si la place de la mort a été de tout temps l’objet de développements philosophiques et religieux dans la « société civile », elle est le plus souvent restée intellectuellement accessoire voire absente dans la conduite des guerres du passé.

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ID2

Depuis l’antiquité jusqu’au début du 20e siècle, les conflits ont été principalement organisés autour de confrontations de masse au cours desquelles les initiatives individuelles étaient quasi inexistantes. L’impuissance face à la mort était renforcée par l’omniprésence des drames quotidiens. Si une éthique collective émergeait, elle ne laissait que peu de place au sens profond de la mort donnée et reçue.

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IS21

La ruse et les petits nombres de guerriers ne sont pas absents des combats du passé (Horaces et Curiaces). La caractéristique de ces affrontements, due en grande partie à la nature des armes, reste cependant la confrontation de masse. De Marignan à Verdun en passant par Leipzig ce sont de 30 000 à 350 000 combattants qui sont morts au cours de charges et d’assauts ou sous les tirs de l’artillerie. L’initiative individuelle était quasi inexistante et l’abnégation face à la mort devenait le refuge choisi par le plus grand nombre.

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IS22

Cette résignation collective tenait en grande partie à la présence quotidienne et massive de la mort. On estime par exemple que la peste noire a tué entre 30 et 50 % de la population européenne en cinq ans (1347-1352) faisant environ vingt-cinq millions de victimes. De même, au milieu du 18e siècle, la moitié des enfants mouraient avant l’âge de 10 ans réduisant l’espérance de vie à 25 ans. Sans être pour autant banalisée, la mort s’imposait comme une donnée majeure dans toute perspective.

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IS23

Dans ce contexte particulier tant social que militaire, les comportements de survie l’emportaient sur les considérations éthiques. Le collectif se soudait autour de références fortes comme la religion -les catastrophes pouvant être interprétées comme la manifestation d’une justice immanente- et la patrie, avec la défense d’un pré carré bien identifié. Ces deux considérations justifiaient en partie la mort reçue comme celle donnée. La foi et le droit servaient de fondement à la morale.

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Transition Depuis la seconde moitié du 20e siècle, la multiplication et la dissémination des théâtres et l’ouverture du monde ont laissé de plus en plus de place à l’autonomie des intervenants. Elles ont ainsi profondément modifié le processus décisionnel et par là le rapport à la mort.

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ID3 Parce qu’il reste toujours l’émanation de la nation dans laquelle il vit, le combattant moderne est fortement soumis aux influences sociale et juridique d’un monde ouvert et médiatisé ainsi

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qu’à de nouvelles formes de combat ou d’intervention qui en font un acteur individuel et responsable face à la mort.

IS31

La mondialisation sociale et économique née des organisations mises en place dans le sillage de la seconde guerre mondiale (ONU, OTAN, FMI7), les progrès de la science et de la médecine, ont profondément bouleversé les rapports de l’homme à la mort. Le refus des « morts inutiles » (François Wetterwald), le déport des conflits hors des frontières métropolitaines (Indochine et Algérie), l’aspiration à la longévité et au bonheur ont progressivement marginalisé ceux engagés dans la défense de causes lointaines.

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IS32

En dehors de l’hypothétique holocauste nucléaire de la guerre froide qui aurait replongé le monde dans des destructions de masse, les conflits se sont disséminés et ont vu leur périmètre se réduire et leur forme évoluer. L’absence d’état de guerre déclarée a donné naissance aux concepts contemporains de « droit d’ingérence », de rétablissement et de maintien de la paix sous mandat international. Les droits de l’homme sont devenus un droit positif et incontestable pour une majorité d’États démocratiques. Les « combattants » regroupent aujourd’hui aussi bien les militaires que les membres d’ONG engagés sur des théâtres périphériques.

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IS33

Ces nouvelles formes de combat, médiatisées et sous éclairage juridique permanent, ont modifié les processus décisionnels en redonnant une part prépondérante à l’individu. Les arbitrages ont perdu leur simplicité du fait de règles d’engagement complexes, d’adversaires souvent flous ou atypiques, d’imbrication civilomilitaire, voire d’éloignement du champ de bataille comme dans le cas, aujourd’hui d’école, des pilotes de drones armés. Face à cette complexité croissante le soldat, l’humanitaire, se retrouvent souvent seuls face à des dilemmes : tuer ou mourir, « sauver ou périr ». La solution n’est pas dans les règlements mais alors dans une éthique, souvent personnelle, qui intègre de manière centrale la réflexion sur la mort.

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CONCLUSION 0

Reprise de la thèse

Dans les sociétés, notamment occidentales, où la mort est sans cesse repoussée par les progrès de la science et les interdits de toutes natures, la position de ceux qui ont le pouvoir de « tuer sans crime » est de plus en plus délicate à tenir. Les choix décisifs qui les amènent à transgresser les règles communes ne peuvent se fonder que sur une éthique soutenue par une réflexion et une formation rigoureuses sur la place et le sens de la vie.

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Élargissement

Engagés dans la défense de la nation ils se retrouvent, dans l’exercice de leur fonction, en décalage croissant avec une société permissive, où prévalent les intérêts personnels et individuels et s’impose la judiciarisation. Leur marginalisation, déjà sensible, constitue une grave dérive pour la sécurité, dérive qu’il faut combattre avec détermination.

50

TOTAL (pour information) 14608

7 1944, conférence de Bretton Woods. 8 Le décompte de mots est indicatif et réalisé en partie avec l’outil « statistiques » de WORD. Il correspond au conseil donné aux candidats de procéder à cet exercice pour se familiariser avec le volume de la fiche synthèse. La rédaction proposée correspond à environ 6 pages manuscrites sur copie type concours.

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Dans cette rédaction « étalon », j’ai volontairement repris un certain nombre d’éléments tirés de devoirs antérieurs. De même, j’ai utilisé une ouverture assez

classique, que vous pouvez mettre dans votre bibliothèque car elle est facilement adaptable (!), pour montrer le double aspect de ces travaux, tout à la fois de

méthode et de développement d’un fonds9 de références et d’idées… C’est un peu cela la culture générale !

9 Ce qui, au point de vue physique, moral, intellectuel, constitue une sorte de capital (Larousse)