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teS PUB UCATION S DU QUÈBEC Conseil superieur de l’éducation Rapport annuel 1992-1993 sur l’état et les besoins de l’éducation Le défi d’une réussite de qualité Québec ~

superieur Conseil de l’éducation

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teSPUBUCATIONS

DU QUÈBEC

Conseilsuperieurde l’éducation

Rapport annuel 1992-1993sur l’état et les besoinsde l’éducation

Le défi d’une réussitede qualité

Québec ~

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Monsieur Jean-Pierre SaintongePrésident de l’Assemblée nationaleHôtel du gouvernementQuébec

Monsieur le Président,

Conformémentàla loi (L.R.Q., e. C-60, article 9),je vous transmets le rapport annuel sur l’état et lesbesoins de l’éducation du Conseil supérieur de l’éducation pour l’année 1992-1993.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président,l’expression de mes sentiments distingués.

La ministre de l’ÉducationLucienne Robillard

Québec, octobre 1993

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Madame Lucienne RobillardMinistre de l’EducationHôtel du gouvernementQuébec

Madame la Ministre,Conformément à la loi (L.R.Q., c. C-60, article 9),

je vous présente le rapport annuel sur l’état et lesbesoins de l’éducation du Conseil supérieur de l’éducation pour l’année 1992-1993.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expressionde mes sentiments distingués.

Le président du ConseilRobert BisaillonSainte-Foy, octobre 1993

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Table des matières

Introduction 9

Chapitre I:Procéder à une nouvelle phase dedémocratisation de l’éducation 11

1.1 Des acquis et des insatisfactions 11

1.1.1 L’instauration d’un système public 11

1.1.2 Une large accessibilité 11

1.1.3 Des insatisfations 12

1.2 Une tâche à poursuivre 12

1.2.1 Un hécessaire accès à une réussite éducative et à uneformation de qualité 12

1.2.2 Des intervenants et intervenantesresponsables 13

1.2.3 Un système éducatif à double logique 13

1.2.4 Des transformations majeures 13

1.3 Une exigence de Ja société 14

1.3.1 La société de l’information 14

1.3.2 La transformation des rapports sociaux 15

1.3.3 La restructuration économique 15

1.3.4 Une société cassée en deux 16

Chapitre IILa mission: rétablir l’axe central dela formation 17

2.1 Le difficile exercice de la mission éducative 17

2.1.1 Des attentes contradictoires 17

2.1.2 Des critiques sévères pour chaque ordred’enseignement 17

2.2 Une fonction spécifique irremplaçable 18

2.2.1 L’acquisition des compétences générales etprofessionnelles 18

2.2.2 Des tâches propres à chaque ordred’enseignemeht 20

2.3 Des rôles importants 21

2.3.1 Des tâches conjoncturelles inévitables 21

2.3.2 De nécessaires balises 22

Chapitre IIILes curriculums ou plans de formation:instaurer cohérence, diversification etexigence 25

3.1 Les trois principales critiques 25

3.1.1 Incohérence 25

3.1.2 Uniformisation 26

3.1.3 Faiblesse 27

3.2 La définition de profils de sortie, pour unemeilleure cohérence 27

3.2.1 Une relation étroite entre le profil de sortie et lamission 28

3.2.2 Une perspective de formation fondamentale 28

3.2.3 Une intégration des savoirs 28

3.3 La diversité dans les curriculums 29

3.3.1 Le refus de l’uniformité et du cloisonnement 29

3.3.2 Une diversification à tous les ordresd’enseignement 29

3.4 La hausse des exigences en matière decompétences générales 31

3.4.1 La proposition de défis sérieux 31

3.4.2 La hausse du niveau à tous les ordresd’enseignement 31

Chapitre IVLa pédagogie: sortir de l’uniformité despratiques 35

4.1 De l’école primaire à l’université: la nécessité d’unnouveau souffle 35

4.1.1 Là où se maintient un îlot de stabilité dans une meren turbulence: l’école primaire 35

4.1.2 Là où se vit le premier vrai choc de l’hétérogénéité:l’école secondaire 36

4.1.3 Là où existent isolement et dynamisme:le cégep 36

4.1.4 Là où l’éducation ne s’est pas faite pédagogie:l’université 37

4.2 Une relation déterminante pour l’accèsau savoir 37

4.2.1 Au point central: la relation de médiation 37

4.2.2 En amont: la relation de l’enseignante oul’enseignant au savoir 38

4.2.3 En aval: la relation de l’élève au savoir 38

4.3 Des approches prometteuses 39

4.3.1 La pédagogie différenciée 39

4.3.2 L’enseignement stratégique 39

4.3.3 L’enseignement individualisé 40

4.3.4 L’apprentissage en coopération 40

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militent en faveur de56

4.4 Une écologie éducative favorable à larelation pédagogique 41

4.4.1 Des aménagements conviviaux 41

4.4.2 Un soutien pédagogique institutionnel 42

Chapitre VL’organisation du travail éducatif:changer le modèle 45

5.1 Une organisation de l’ère industrielle 45

5.1.1 La planification opérationnelle 45

5.1.2 L’exécution 45

5.1.3 Le travail en miettes 46

5.1.4 La centralisation 46

5.2 Les logiques d’une organisation conviviale 47

5.2.1 La logique de la mission éducative 47

5.2.2 La logique de la responsabilisation 47

5.2.3 La logique de la communauté éducatiye 48

5.2.4 La logique de la différenciation 48

5.3 Des stratégies de changement 48

5.3.1 L’utilisation de toutes les marges de manoeuvreexistantes 48

5.3.2 L’élaboration et la mise en oeuvre d’un véritableprojet d’établissement 49

5.3.3 La professionnalisation des tâches 49

5.3.4 La pratique d’un professionnalismecollectif 50

5.3.5 La création de précédents 50

CHAPITRE VIL’évaluation des établissements et du système:développer des pratiques qui permettentde s’améliorer et de rendre compte 536.1 Des pratiques existantes mais insuffisantes 53

6.1.1 Au primaire et au secondaire: principalementune approche «contrôle» 54

6.1.2 Au collégial: l’amorce de pratiques partielles 54

6.1.3 À l’université: des développements incontestables,mais ençore sectoriels et encore insuffisammentouverts au regard externe 55

6.2 Pour une évaluation des établissements et dusystème 55

6.2.1 Des forces quil’évaluation

6.2.2 L’amélioration institutionnelle et la redditionde comptes. 56

6.3 Des résistances persistantes à l’évaluationdes établissements 57

6.3.1 Le manque d’imputabilité 57

6.3.2 L’insécurité des personnels 57

6.3.3 La fermeture au regard externe 57

6.3.4 La culture de la démission et de la tolérance 58

6.4 Des principes pour le développement d’unepratique équitable et responsàble 58

6.4.1 Une conception commune de l’évaluation 58

6.4.2 Des intervenantes et intervenants responsablesà tous les paliers du système 59

6.4.3 L’évaluation comme constituante du processusde gestion 59

6.4.4 Des indicateurs témoins et complices del’amélioration institutionnelle 60

6.4.5 La complémentarité des interventions interneset externes 60

CHAPITRE VIILes structures: des éléments à consoliderpour un véritable système public 617.1 Le nécessaire partage des responsabilités 617.1.1 Une centralisation qui perdure 61

7.1.2 Une répartition équitable des pouvoirsde décision 62

7.1.3 Un leadership étatique 62

7.1.4 Des établissements plus responsables 62

7.2 La sauvegarde des acquis de financement 63

7.2.1 Une remise en question des acquisde financement 63

7.2.2 Des principes 63

7.2.3 Des faits 64

7.3 Une articulation de système 65

7.3.1 Un manque d’articulation entre les ordresd’enseignement 65

7.3.2 Du préscolaire au primaire 65

7.3.3 Du primaire au secondaire 66

7.3.4 Du secondaire au collégial 66

7.3.5 Du collège à l’université 66

7.3.6 Un seul ministère 67

7.4 Le “déverrouillage” du systèmeconfessionnel 67

7.4.1 Un débat sur la confessionnalité 67

7.4.2 L’adhésion à la culture publique commune 68

7.4.3 Le respect des libertés et de la diversité 68

7.4.4 Des évolutions pertinentes 68

Conclusion 71

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9

Introduction

Le présent rapport annuel sur l’état et les besoinsde l’éducation n’est pas un «rapport thématique»,comme les précédents qui portaient tout spécialementsur les acteurs du système dans la profession enseignante et la gestion de l’éducation’. Il s’agit plutôt dece qu’on appelle un rapport de conjoncture, commele Conseil choisit périodiquement de le faire2, proposant alors une vue d’ensemble de la situation et descibles d’action plus générales concernant le systèmed’éducation en son entier.

Ce qui a amené le Conseil à adopter une telledémarche plus globale, c’est le fait qu’ici et là onentende parler d’une crise de l’éducation ou encored’une nécessaire réforme de l’éducation. Substantiellement, ce qu’on reproche alors au système d’éducation, c’est de produire des «exclus»: ceux et cellesqui décrochent, bien sûr, mais également ceux et celles qui, même en persévérant jusqu’à la réussite scolaire et au diplôme, n’arrivent pas à acquérir une formation qu’on jugerait de qualité. Au total, un systèmequi exclut, qui crée de profondes insatisfactions, quine responsabilise pas assez ses ressources humaineset qui éprouve quelque difficulté à comprendre et àaccomplir sa mission éducative est un système dontcertaines visées et pratiques ont besoin d’être réanimées ou remises à jour. Trente ans après la réformeissue du rapport Parent, on prend conscience qu’unnouveau bond en avant est encore nécessaire.

De fait, certains parlent de la nécessité d’uneréforme ou d’une nouvelle révolution tranquille aumoment même où la ministre de l’Education et ministre de l’Enseignement supérieur et de la Science a choisides voies de renouveau pour le collégial et envisageégalement un renouveau du secondaire. Prenant ausérieux ces inquiétudes et fidèle à son mandat initial

1. C5E. La Profession enseignante: vers un renouvellement du contratsocial, Rapport annuel 1990-1991 sur l’état et les besoins de l’éducation, Québec, 1991 et La Gestion de l’éducation: nécessité d’un autre,,,odèle, Rapport annuel 1991-1992 sur l’état et les besoins de l’éducation, Québec, 1992.

2. CSE, L ‘Éducation aujourd’hui: une société en changement, des besoinsen émergence, Rapport annuel 1985-1986 sur l’état et les besoins del’éducation, Québec, 1987 et Le Rapport Parent, vingt-cinq ons après,Rapport annuel 1987-1988 sur l’état et les besoins de l’éducation, Québec,1988.

de canaliser les points de vue de la population et defaire émerger une vision de système, le Conseil entreprend donc de faire une nouvelle lecture de l’état etdes besoins du système d’éducation. Il faut cependantéviter ici la pensée magique d’une réforme définitive.De fait, la réforme ou le renouveau éducatif doit êtrepermanent. Aux moments propices, il faut s’arrêter,relire la conjoncture sociale et éducative, discernerles urgences et proposer les virages ou les tournantsnécessaires.

Relisant donc la conjoncture, le Conseil croit quel’heure est venue de donner toute sa densité à la démocratisation de l’éducation. C’est pourquoi il tenterade débusquer, partout dans le système, ce qui empêche et retarde la poussée de la démocratisation. C’estpourquoi il proposera également de miser sur des acquisde structure et d’accessibilité — sans nier pour autantla nécessité de nouveaux ajustements structurels et denouvelles visées d’accessibilité — , de refuser tout reculet même d’aller plus loin, dans le contexte d’une sociétépostindustrielle fondée sur le savoir: d’abord viser àla réussite du plus grand nombre possible3 et garantir des formations générales et spécialisées de qualité,mais aussi partager les responsabilités éducatives etfonder le système sur une double logique d’équité etde différenciation. On le verra: tout cela fait partied’un nouveau défi de démocratisation en éducation etfonde, en définitive, d’importants choix stratégiquesayant trait à l’une ou l’autre dimension du systèmed’éducation, Il y a là une tâche primordiale pourl’ensemble des acteurs éducatifs qui devraient y trouver matière à mobilisation, et ce, d’autant plus quec’est pour la société québécoise en son entier la chanced’un nouveau pas en avant.

3. En parlant de la réussite du plus grand nombre possible, le Conseiln’entend exclure personne. Il souhaite la réussite de chacun et chacune, mais en tenant compte que de sérieuses difficultés et certainshandicaps vont empêcher un certain nombre de personnes de parvenirà la réussite scolaire ou à l’obtention du diplôme. Pour ces personnes,une réussite éducative peut par ailleurs exister: celle du développement maximal de leur potentiel.

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Pour s’aider dans sa réflexion, le Conseil a forméun comité de travail4, mené des études documentaires auxquelles il renvoie les lecteurs et lectrices5, misà contribution ses conm,issions, tenu une assembléede consultation des intervenants et intervenantesscolaires de tous les ordres d’enseignement à Drummondvile et organisé deux tables rondes6. Le Conseilfonde également ses positions sur ses avis et rapportsdes dernières années, dans le contexte toutefois d’unnouveau défi qui requiert qu’on assume toute la portée et toutes les conséquences de la démocratisationen éducation: ainsi, si l’on a la conviction que touset toutes doivent avoir accès aux études, il faut en tirerles conséquences en termes de mesures requises pourconduire le plus grand nombre à la réussite scolaireet à des formations de qualité. il est donc aujourd’huiimportant de passer, en matière de démocratisationde l’éducation, de la conviction à la responsabilité7et de la croyance à l’acte.

Le présent rapport comprend sept chapitres. Lepremier montre qu’une nouvelle phase de démocratisation de l’éducation est aujourd’hui nécessaire. Ledeuxième propose de rétablir la mission sur son axecentral, soit la formation des personnes. Le troisièmeinvite à instaurer cohérence, exigence et diversification dans les curriculums ou plans de formation. Lequatrième signale qu’il importe de sortir de l’uniformité en pédagogie. Le cinquième rappelle la nécessitéde changer le modèle d’organisation du travail éducatif. Le sixième convie au développement de pratiquesd’évaluation qui favorisent l’amélioration institutionnelle et la reddition de comptes. Le septième inciteà consolider un véritable système public d’éducation.

4. On trouve, en page des crédits, la liste des membres de ce comité etdu secrétariat du conseil qui ont contribué à l’élaboration de ce dossier.

5. Ces études seront citées en cours de route. G

6. Table ronde du 4juin 1992, à laquelle participaient M. Claude corbo,recteur de I’UQAM, M. Laurent Laplante, journaliste, et M. clermontBarnabé, professeur à l’Université McGill: tous trois ont aidé le Conseilà cerner les questions majeures dont il devrait traiter dans le présentrapport; table ronde du 17 décembre 1992, à laquelle participaientM. Ouy Rocher, professeur et chercheur au Centre de recherche endroit de l’Université de Montréal, M. Norman Henchey, professeurà la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université McOill, etM. Ulric Aylwin, coordonnateur au développement pédagogique auCégep de Maisonneuve: tous trois ont entretenu le Conseil respectivement sur la mission, le curriculum et la pédagogie.

7. Max Weber, Le Savant et la politique, l’hris, PIon, 1959.

Le Conseil propose donc ici un ensemble d’objectifs et de choix stratégiques liés à une nouvelle phasede la démocratisation en éducation. Ces choix touchentles dimensions essentielles du système d’éducation,à tous les ordres d’enseignement. Ils disent, pouraujourd’hui et demain, en quoi consiste le défi éducatif. Axés d’abord et avant tout sur la réussite et la qualité, ils requièrent, onle constatera aisément, la mobilisation de tous les acteurs.

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Chapitre IProcéder à une nouvelle phase dedémocratisation de l’éducationL’éducation n’échappe pas aux remises en ques

tion d’une société en perpétuel changement. Il ne sepasse pas une semaine, en effet, sans qu’on remetteen cause le système québécois d’éducation. Ainsi,l’échec et l’abandon scolaires, tout comme les carencesde formation générale chez les personnes diplôméesou encore leur difficile adaptation aux fluctuations dumarché de l’emploi, sont tout de suite portés au comptedu système d’éducation. Institution primordiale de lasociété, le système d’éducation écope non seulementles contradictions de cette dernière, ses conflits et sesmalaises, mais il doit en même temps tenter de lesrésoudre et de les dépasser. La société attend beaucoup de lui, souhaitant qu’il soit un reflet de ses valeurset une courroie de transmission de l’héritage cultureltout autant qu’un agent de transformation et un outilde développement. Il importe donc de relire attentivement les signes que lance à l’éducation une sociétéen évolution et d’y déceler la tâche éducative essentielle qui s’impose pour les années à venir. Cette tâcheconsiste aujourd’hui à assumer toute la portée et toutesles conséquences du projet de démocratisation de l’éducation.

Tel est donc l’objet du présent chapitre quicomprend trois sections. La première rappelle lesacquis de la démocratisation en éducation et signaledes insatisfactions qui demeurent. La deuxième indique en quoi doit consister la nouvelle phase de démocratisation. La troisième montre que l’entreprise quiconsiste à donner toute sa densité au projet de démocratisation de l’éducation est bel et bien une exigencede la société postindustrielle.

1.1 Des acquis et des insatisfactionsLa nouvelle phase de démocratisation ne doit pas

tant porter sur des structures à refaire ou à mettre enplace que sur les actions à mener pour conduire le plusgrand nombre possible à une réussite de qualité. Lesstructures existantes ont en effet permis un formidable bond en avant de l’accessibilité des études. Maison ne peut en dire autant de l’accès à la réussite età la qualité.

1.1.1 L’instauration d’un système publicL’instauration d’un système public a été l’un des

grands choix stratégiques de la réforme des annéessoixante. On a alors créé un réseau d’écoles secondaires publiques; on a fondé les cégeps; on a ouvert plusgrandes les portes de l’université, notamment avec la

mise sur pied des constituantes de l’Université duQuébec. On a aussi choisi de placer l’Etat au coeurde l’élaboration du plan d’ensemble, de le confirmercomme maître d’oeuvre du financement et d’en fairele poordonnateur des actions de toutes les instancesconcernées. Tout cela est bien connu et le Conseil ena déjà abondamment parlé’.

Qu’il suffise de rappeler que la mise sur pied detous ces aménagements était fondée sur la convictionque l’éducation était un droit pour toute personne, etque, en conséquence, il y avait obligation pour l’Etatd’assurer l’accès de tous les citoyens et citoyennes àl’éducation. L’éducation n’était donc plus conçuecomme un luxe ou un privilège. Elle changeait en quelque sorte de statut. Elle devenait un droit. Il fallaitdonc aménager l’accès de tous et toutes, jeunes ou adultes, aux études.

1.1.2 Une large accessibilitéCette mise en place d’un système publie a favo

rise une large accessibilité non seulement des enseignements primaire et secondaire, mais également desenseignements collégial et universitaire, pour les jeunesd’abord et pôur les adultes ensuite. Un aperçu de l’évolution du niveau de scolarité atteint par la populationen général fait voir que ces efforts de démocratisationne furent pas vains. Au total, le chemin parcouru esténorme2. On a pu parler d’une véritable «explosionscolaire», en évoquant la vague d’élèves à l’assaut desécoles, collèges et universités, du début des annéessoixante jusqu’à la fin des années quatre-vingts3.

Celle accessibilité des études comporte, malgrétout, des retards en ce qui concerne certaines populations étudiantes, notamment les hommes — les femmes, également, dans certains secteurs —, les francophones et les populations des régions. C’est pourquoile Conseil reconnaît des «acquis d’expérience»majeurs, mais propose de procéder encore aujourd’huià des ajustements de structure et de poursuivre cettemontée de l’accessibilité des études, d’ici l’an 2OOO~.

I. C5E, Le Rapport Parent, vingt-cinq ans après, Rapport annuel1987-1988 sur l’état et les besoins de l’éducation, Québec, 1988 etLaGestion de l’éducation: nécessité d’un autre modèle, Rapport annuel1991-1992 sur l’état et les besoins de l’éducation, Québec, 1993, pp.12-13.

2. CSE, L ‘Enseignement supérieur: pour une entrée réussie dans le flPsiècle, Québec, 1992, pp. 47-53 et tableaux 51 et 53.

3. CSE, Le Rapport Parent [j, chapitre 2.

4. C5E, L ‘Enseignement supérieur [~ I, pp. M-66, 72-76, 85-86 et 95.

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1.1.3 Des insatisfactionsLes insatisfactions qui s’expriment ouvertement

aujourd’hui concernent à la fois le manque de persévérance dans la poursuite des études et les lacunes dansles formations présumément acquises. En somme, cequi fait toujours problème, de l’avis de plusieurs, c’estl’égalité des chances d’accès à la réussite scolaire etla qualité de la formation.On reproche donc au système de conduire trop peud’élèves jusqu ‘à la réussite et à la diplomation. Ceuxet celles qui quittent leurs études secondaires sans aucundiplôme sont trop nombreux: on parle souvent d’untaux de 35 %, duquel il faut cependant déduire ceuxet celles qui reviennent terminer leurs études à l’éducation des adultes — et ils sont de plus en plusnombreux5 — et ceux et celles qui terminent leur parcours scolaire dans un cheminement qui ne conduitpas de soi au diplôme6. Même au cégep et à l’université, on déplore les taux trop élevés d’étudiants et d’étudiantes qui quittent avant l’obtention de leur diplôme7.

Mais qui plus est, à ceux et celles qui sont parvenus à obtenir leur diplôme, on reproche encore leslacunes de leur formation: la qualité des formationsacquises est en cause. Et c’est plus encore les basesde la formation générale que celles de la formationspécialisée qu’on critique: la maîtrise des langages —

notamment la langue d’enseignement, la langueseconde, le langage mathématique — est la premièrevisée.

1.2 Une tâche à poursuivreL’heure est venue de donner au projet de démo

cratisation toute sa densité. Il faut viser à ce que leplus grand nombre possible de citoyens et citoyenneset le plus grand nombre possible de travailleurs et travailleuses participent au développement de la société.Voilà pourquoi la démocratisation scolaire doit êtrepoursuivie. Il y a là une tâche qui doit mobiliserl’ensemble des acteurs. Précisons-en ici les principauxaspects.

~. Claude Beauchesne, De l’école secondaire à l’éducation des adultes;enquête auprès des jeunes de moins de 20 ans inscrits en formationgénérale à l’éducation des adultes, Québec, MEQ, 1992.

6. Par exemple, la voie des cheminements particuliers continus.

7. Au cégep, en effet, les taux de diplomation demeurent faibles: à peinele tiers des inscrits obtiennent leur diplôme dans le temps prescrit; pourla cohorte de 1987, ce taux est de 28,4% au technique et de 34,2%au préuniversitaire, taux qui atteindra cependant 64,3% deux ans aprèsla durée prescrite. Quant à l’université, le taux de diplomation aubaccalauréat — très variable selon les disciplines et les universités —

sera en moyenne de 57,6%, quatre ans après la durée prescrite, voirà ce sujet: CSE, L’Enseignement supérieur [1. pp. 77-78 et 87.

1.2.1 Un nécessaire accès à une réussiteéducative et à une formation de qualitéS’il faut pousser encore plus avant l’accessibilité

des études, il s’avère tout aussi important, dans lamesure où l’on souhaite parachever enfin la démocratisation de l’éducation, de conduire le plus grandnombre vers une réussite éducative de qualité.

L’accès à un diplôme, qui témoigne d’un cheminement de scolarisation et de qualification réussi, estdevenu primordial dans une société du savoir. C’estpourquoi le Conseil a déjà proposé, pour cette nouvelle phase de démocratisation de l’éducation, les objectifs suivants, à poursuivre d’ici l’an 2000: que 85 %des élèves puissent accéder au diplôme d’études secondaires, avant l’âge de 20 ans; que 60 % accèdent audiplôme d’études collégiales, avant l’âge de 25 ans;que 25 % accèdent au diplôme de baccalauréat, avantl’âge de 30 ans; que 5 % accèdent au diplôme de maîtrise et que 1 % accèdent au diplôme de doctorat8.Pour ceux et celles qui semblent ne pouvoir accéderau diplôme d’études secondaires, le Conseil a toujoursdéfendu l’idée qu’on les amène au développement optimal de leur potentiel, notamment par l’entremise desvoies plus concrètes de l’enseignement technologiqueet de la préparation à la vie9: ce qui constitue, à n’enpoint douter, une forme de réussite éducative.

Mais on ne doit sacrifier la qualité de la formation ni à l’accessibilité des études ni à la réussiteéducative. Cette triade — accessibilité, réussite etqualité — doit demeurer inséparable, dans le contexted’une société qui exige que la scolarisation et la qualification des personnes témoignent de l’acquisition devéritables compétences générales et spécialisées,permettant l’autonomie et l’adaptation, la polyvalenceet la fonctionnalité, la créativité personnelle et l’insertion sociale. On y revient plus loin: cette qualité résidedans un équilibre des formations générales et des formations spécialisées, toutes deux axées sur lesconnaissances, les habiletés et les attitudes essentiellesau développement continu de la personne et à son insertion sociale dynamique. Les chapitres ultérieurstenteront de montrer de quelle manière il est possibled’harmoniser accessibilité, réussite et qualité de laformation, si l’on souhaite vraiment donner toute sadensité à l’entreprise de démocratisation en éducation.

8. C5E, L’Enseignement supérieur £1. p, 95.

9. CSE, La Fonnation professionnelle au secondai re:facilirer les parcourssans sacrifier la qualité, Québec, 1991, pp. 19-20.

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1.2.2 Des intervenants et intervenantesresponsablesLa nouvelle phase de démocratisation de l’éduca

tion concerne d’abord le cheminement étudiant, allantde l’accès aux études jusqu’à la réussite et à la qualitédes formations. Pour y parvenir, il faut cependantreconnaître aux intervenants et intervenantes depremière ligne — au premier chef, le personnel enseignant et les gestionnaires locaux — , toute la responsabilité que leurs compétences leur permettent d’ailleurs d’assumer adéquatement.

Ce qu’il faut reconnaître d’emblée, c’est certesle caractère professionnel de leurs interventions. Celarenvoie d’abord au caractère spécifique et essentieldu service éducatif qu’ils rendent à la société. Celase réfère aussi aux compétences requises pour l’exercice de leur profession. Cela a trait également à lamarge de manoeuvre significative qui doit être la leurdans l’exercice de leurs fonctions. Cela se rattache enfinaux exigences éthiques propres aux tâches liées àl’éducation’°. Au total, c’est donc de responsabilitéqu’il faut parler ici, une responsabilité à reconnaîtrenécessairement si l’on souhaite, dans ce nouveau bonden avant de la démocratisation, conduire le plus grandnombre d’élèves à une réussite éducative de qualité.

Il faut cependant aller plus loin: la tâche éducativedans le contexte d’une nouvelle phase de démocratisation exige aujourd’hui qu’on explore davantage lesvoies d’un professionnalisme collectif’, dont on parlera plias loin. Qu’il suffise, pour l’instant, de dire qu’ils’agit ici de petites équipes d’enseignantes et d’enseignants responsabilisés, de participation du personnelenseignant à la vie et aux orientations de l’établissement scolaire, d’ouverture à la collaboration avec lesagentes et agents de la communauté d’appartenance,de perfectionnement entre pairs et de participationsystématique aux grands débats publics sur l’éducation, concernant autant la mission éducative et lecurriculum que la pédagogie, l’organisation du travail, l’évaluation institutionnelle ou le caractère publicdu système.

1.2.3 Un système éducatif à doublelogiqueDonner toute sa densité à l’entreprise de démo

cratisation de l’éducation appelle également laconciliation de deux logiques en apparence, tout aumoins, contradictoires. De même qu’on ne devrait paschoisir entre l’accessibilité, la réussite et la qualité,de même on ne devrait pas sacrifier l’une de ces~logiques à l’autre.

10. CSE, La Profession e~zseigi,anre [.. .1, pp. 26-27.

Si l’on souhaite parachever la démocratisation, ilfaut d’abord maintenir, dans le système d’éducation,une logique d’équité et d’unité. C’est dire autrementque, dans la nouvelle phase de démocratisation de l’éducation, l’Etat ne peut s’effacer. Au contraire, il doitassumer ses fonctions fondamentales d’équité etd’unité. Il est donc responsable de maintenir l’équitédans l’accès aux études, ce qui lui impose notammentde préserver la gratuité des études primaires et secondaires et même des études collégiales pour les clientèles jeunes et adultes’’. Il doit également soutenir lesétablissements dans leur entreprise de conduire le plusgrand nombre possible à la réussite éducative (ce quiexige des mesures spéciales pour les clientèles à risque).Il lui faut en outre garantir la qualité des formationssur l’ensemble du territoire, en assumant ses responsabilités à l’égard de la mission éducative, du curriculum commun, du financement et de l’évaluationde système. Tout cela implique qu’il est finalementresponsable de l’unité du système public d’éducation,au nom même de sa contribution à une société démocratique et équitable.

Mais il faut aujourd’hui affirmer davantage, dansle système, une logique de d~fférenciation et de responsabilisation. Cette logique s’exprimera dans unmeilleur partage des responsabilités éducatives entrel’instance centrale et les instances locales. En somme,pour faire vraiment droit à la différenciation et à laresponsabilisation, une certaine décentralisation — ony revient, plus loin — est nécessaire, en ce qui concerneles écoles primaires et secondaires et les cégeps. Unetelle décentralisation exige de fait un allégement desencadrements ayant trait aux règles budgétaires, auxrégimes pédagogiques et aux conditions de travail. Rendant moins prescriptif, dans le détail, le contenu deces encadrements, elle doit rendre possible l’affirmation de la dynamique de chaque établissement12, dynamique qui trouve normalement à se manifester dansle curriculum, la pédagogie, l’organisation du travailet les politiques institutionnelles d’évaluation.

1.2.4 Des transformations majeuresDonner à la démocratisation toute sa densité va

aussi requérir des transformations importantes, de basen haut dans la pyramide du système d’éducation. Deschangements seront nécessaires non seulement dansles aménagements et les manières de faire, mais également parfois dans les visées et les objectifs poursuivis: certains s ‘apparentent à des changements de cap,d’autres à des corrections de trajectoire et d’autresencore touchent même les mentalités.

11. On précisera, au chapitre 7, certaines modalités de financement ence qui concerne les clientèles adultes.

12. C5E, La Qualité de l’éducation, un enjeu pour chaque établissement,Rapport annuel 1986-1987 sur l’état et les besoins de l’éducation,Québec, 1987.

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Les visées et les objecflfs, d’abord. Tout au longdes chapitres qui suivent, le Conseil formulera les propositions qui lui paraissent nécessaires. Il le fera ens’appuyant sur les réflexions qu’il poursuit à cet égarddepuis plusieurs années et sur les consultationsd’experts et de praticiens qu’il mène sur chacun deses dossiers. Dans l’optique de la nouvelle phase dedémocratisation dont il parle ici, le Conseil formuleradonc des visées et des objectifs ayant trait aussi bienà la mission, au curriculum et à la pédagogie qu’àl’organisation, à l’évaluation et au caractère public dusystème éducatif.

Les manières defaire et les aménagements, également. Fort des expériences réussies, des observationsrecueillies et des recherches menées, ici comme ailleurs,le Conseil proposera donc aussi des transformationsimportantes touchant l’un ou l’autre aspect du système,à tous les ordres d’enseignement. Ces voies envisagéeslui semblent effectivement porteuses d’avenir, eu égardau parachèvement de l’entreprise de démocratisationen éducation. Mais on le constatera aisément: autanten ce qui a trait aux objectifs à poursuivre qu’en cequi concerne les pratiques à instaurer, l’engagementprofond de tous les acteurs s’avère essentiel.

1.3 Une exigence de la sociétéCette nouvelle phase de la démocratisation sco

laire n’a rien d’arbitraire ou d’aléatoire. En fait, lasociété postindustrielle dans laquelle nous sommesentrés la requiert. Dans des avis et rapports précédents,le Conseil a déjà proposé une lecture des grands faitset tendances de société qui interpellent l’éducation13.Qu’il suffise aujourd’hui de rappeler, sans y insister,quelques caractéristiques majeures de la société,d’ordre culturel, social et économique, qui rendentmanifeste le besoin d’un vaste partage du savoir —

autrement dit, l’accès du plus grand nombre possibleau savoir — et, pour autant, l’exigence d’une poursuite de l’entreprise de démocratisation en éducation.

1.3.1 La société de l’informationOn constate une interdépendance de plus en plus

marquée de la science, de la technique et de l’information. Qui plus est, il faut bien prendre conscience

13. Le Conseil a décrit et analysé ces tendances, dans des avis et rapportsprécédents. voir, par exemple: CSE, Le Perfectionnement de la main-d’oeuvre au Québec: des enjewc pour le systè,ned’éducati on, Québec,1988; L ‘Education aujourd’hui: une société en changement, des besoinsen émergence, Québec, 1987; Développer une compétence éthiquepour aujourd’hui: une tâche éducative essentielle, Québec, 1990; LaProfession enseignante: vers un renouvellement du contrat social,Québec, 1991 ; Accroître l’accessibilité et garantir l’adaptation, L ~d,,cation des adultes dix ans après la (‘ommission Jean, Québec, 1992;L ‘Enseignement supérieur: pour une entrée réussie dans le ni” siècle, Québec, 1992. voir aussi: Conseil des collèges, L’Enseignementcollégial: des prioritéspour un renouvcau deformation, Québec, t992.

non seulement de leur omniprésence dans la vie quotidienne, mais également de leur caractère fondateurdes sociétés postindustrielles.

Les sciences, les technologies et l’information sontdevenuesplus que jamais inséparables. On parle maintenant de technoscience. Les champs de la science etde la technologie sont de plus en plus solidaires. Scienceet technologie connaissent ensemble une diffusionrapide. Non seulement les équipes de recherche sont-elles souvent constituées internationalement, mais aussiles découvertes scientifiques sont elles-mêmes diffusées rapidement à l’échelle de la planète. En outre,l’application des découvertes se traduit de plus en plusrapidement en innovations technologiques qui, ellesaussi, connaissent une diffusion internationale quasiimmédiate14.

Les sciences, les technologies et l’information sontomniprésentes au sein de notre société. La technoscience a décuplé la science et la puissance humaines.Les résultats des recherches scientifiques et les applications technologiques ne restent plus en marge de lasociété, si jamais ils s’y sont tenus. Ils imprègnentdésormais tous les secteurs de la vie sociale, àcommencer par le marché du travail lui-même. Et grâceaux technologies de l’information et de la communication, les découvertes scientifiques et les applicationstechnologiques sont maintenant connues d’un largepublic.

On parle même aujourd’hui de l’avènement d’unesociété de l’information. C’est le progrès fulgurant desnouvelles technologies de l’information et de lacommunication qui permet d’évoquer un tel avènement. Qui plus est, l’information «massive» — transmise par les nouvelles technologies — a maintenantenvahi tous les secteurs de l’activité sociale et fondede plus en plus le fonctionnement de la société.

Conséquence importante: les individus ont accèsà plus de connaissances; ils peuvent les utiliser dansleur vie quotidienne et notamment au service de leurvie démocratique; et les échanges entre peuples de laplanète s’accroissent effectivement. Mais il faut aussiprendre conscience des retombées de l’informatidn surle monde du travail: elle s’est installée à la base desmodes de production de biens et de services comme

14. Comité directeut de la prospérité, Innover pour l’avenir. Un planpour la prospérité du Canada, Ottawa, 1992. p. 11.

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au coeur de la recherche et du développement. À safaçon, la société de l’information nous renvoie doncà la démocratisation de l’éducation. Le développementaccéléré des savoirs, leurs applications technologiqueset leur diffusion massive entraînent des adaptationsconstantes de la main-d’oeuvre et requièrent la lucidité des citoyens et citoyennes.

1.3.2 La transformation des rapportssociauxLa mutation atteint aussi les rapports sociaux. Les

communautés de base en sont affectées, tout commel’organisation du travail et le visage même d’une culture devenue plurielle: voilà donc au moins trois aspectsimportants affectant les rapports humains.

La pluralité, d’abord. La pluralité constitueaujourd’hui un fait de société majeur. Cette pluralitéest elle-même multiforme: par exemple, référeùcesidéologiques, styles de vie, appartenances ethniques,géographiques et socio-économiques ou encore croyances religieuses se sont multipliés au sein même de lasociété québécoise. La pluralité naît donc de plusieurssources et prend des formes variées15. Elle a desrépercussions sur les personnes et leurs rapportssociaux. Elle pose à chacune le défi de se définir demanière autonome, dans un contexte où elle estconfrontée aux valeurs politiques, morales, religieuses ou éducatives des autres. Elle lance par ailleursà chacune le défi de l’accueil de l’autre dans le respectde soi.

Les communautés de base, ensuite. Ces communautés ont perdu de leur vigueur et, dans certains cas,se sont même effritées. L’urbanisation, liée au progrès, s’est pourtant accompagnée d’isolement,d’anonymat et de mobilité géographique. L’universde chaque personne est désormais plus vaste, mais souvent aussi plus éclaté. Chacune doit apprendre à sedévelopper au sein de rapports humains plus précaires et moins durables que par le passé. Dans cecontexte, la famille a connu une profonde mutationet est elle-même devenue multiforme. Cet essoufflement, voire cet effritement, des anciennes solidaritésrenvoie davantage chacune et chacun à sa liberté, IIinterpelle sa capacité de choisir ses normes et de définir ce qu’il entend devenir. Somme toute, chaque personne n’a pas tellement le choix: si elle ne se prendpas en main, elle risque la dissolution. Dans le mêmemouvement, elle est également conviée à se donnerde nouvelles solidarités et à reconstruire de nouvellescommunautés de base.

15. CSE, Les Defis éducatifs de la pluralité, Québec, 1987.

L ‘organisation du travail, également. La mutation affecte désormais les structures de production etde gestion, en milieu de travail. C’est ainsi, par exemple, que la conception tayloriste, mécaniste et industrielle de l’organisation de la production est remiseen question: on commence à faire place à de petiteséquipes polyvalentes et responsables. De même, lemodèle bureaucratique et technocratique de la gestionest mis en cause: on entreprend de s’appuyer davantage sur une mobilisation des travailleuses et travailleurs et sur leur participation à la définition des objectifs visés par l’entreprise’6. Ces formes nouvelles del’organisation sociale du travail exigent des savoir-faireplus analytiques et ouverts sur un champ professionnel plus vaste. Elles requièrent également des savoirsplus étendus et plus approfondis, autrement dit lescompétences générales et professionnelles qui permettent de choisir, de décider, de collaborer, de s’adapter et de créer.

1.3.3 La restructuration économiqueAlors qu’il n’y a pas si longtemps on conviait tou

tes les forces vives de la société à un développementautonome de l’économie, on les invite maintenant àpratiquer l’ouverture et à entrer en concurrence avecles autres sociétés. Au même moment, l’entrée duQuébec dans la société postindustrielle transforme ladynamique du marché de l’emploi. Voilà au moins deuxfaits majeurs qui exercent aussi leurs pressions sur lesystème d’éducation.

Le premier fait a donc trait à la mondialisationde l’économie, dont on parle maintenant abondamment.Grâce aux progrès technologiques, en particulier dansles domaines de l’informatique et des communications,et grâce aussi à l’abolition graduelle des formes deprotectionnisme, le marché québécois vit à l’heurede l’internationalisation. Plus que jamais, êtreconcurrentiel dans sa propre cour signifie êtreconcurrentiel à l’échelle mondiale’7. En pareilcontexte, les clés du succès sont l’innovation et la qualité, conjuguées à la maîtrise de la technologie et àune productivité accrue18. Pour entrer dans le jeu, lesentreprises doivent être à la fois novatrices et soucieusesd’améliorer la qualité de leurs produits et services:il leur faut se donner une main-d’oeuvre de plus enplus qualifiée, dotée de compétences générales et professionnelles larges, permettant de produire rapidement des biens ou des services de qualité dans uneéconomie à valeur ajoutée.

16. C5E, La Gestion de l’éducation [.1.

17. comité directeur de la prospérité, Innover pour l’avenir [... 1, p. 11.

18. ibid., p. 12.

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Le second fait majeur concerne la transformationde la dynamique du marché de l’emploi. En situationde concurrence internationale sur le plan des échanges économiques, scientifiques et technologiques, leQuébec est déjà engagé sur la voie d’une restructuration de ses secteurs d’activité. La transformation dela structure du marché des emplois s’exprime d’aborddans le gonflement des emplois du secteur des services, dit secteur tertiaire. Elle se reflète aussi dans desconcentrations sectorielles susceptibles de permettreà l’économie locale de tirer parti du nouvel environnement économique mondial. Elle se manifeste enfindans le déplacement vers des emplois plus qualifiéset à plus forte technicité.À sa manière, l’économie nous renvoie donc, elle

aussi, à la nécessité d’une main-d’oeuvre dotée d’habiletés d’analyse et de synthèse, d’aptitudes à l’autonomie et à la communication et de capacités à la mobilitéet à l’adaptation, en somme à la nécessité de sérieusescompétences générales et spécialisées pour le plusgrand nombre possible. C’est dire autrement qu’elleest elle-même fondée sur l’information et qu’elle exigele partage, par le plus grand nombre, de savoirs19 plusétendus et plus approfondis. A ce point précis émergeun autre appel d’une nouvelle phase de démocratisation de l’éducation.

1.3.4 Une société cassée en deuxL’avènement de la société de l’information, la

transformation des rapports sociaux et la restructura-don économique risquent de casser la société en deux:d’une part, les personnes et les groupes qui ont accèsaux savoirs qui permettent la participation à la vie économique, sociale et culturelle; d’autre part, les personnes et les groupes qui en sont exclus.

19. Peter F. Drucker, Les Nouvelles Réalités, De l’État-providence à lasociété du savoir, Paris, Interéditions, 1989, pp. 201 et suivantes.

Une société à deux vitesses20 est une société quicrée l’exclusion pour un nombre sign~catifde citoyenset citoyennes. Notre société n’est pas à l’abri de cetteéventualité. Elle a déjà connu une telle situation et demanière aiguê, dans les années vingt et trente. Ellessont aujourd’hui nombreuses les personnes sans travail et, par conséquent, sans revenu social décent. Ellessont nombreuses les personnes exclues parce qu’ellesmanquent de qualification professionnelle. Elles sontnombreuses les personnes qui souffrent d’analphabétisme ou qui manquent de cette éducation de base quidonne à chacun et chacune les outils de sa participation sociale et civique21.

Mutations technologiques et précarité du marchéde l’emploi, chômage endémique et en progression,analphabétisme de base ou fonctionnel et manque dequalification: les éléments sont réunis pour le développement d’une société à double vitesse, créant parlefait même l’exclusion. L’accès au savoir est ici éminemment en cause. On entrevoit la tâche immense quipeut revenir à l’éducation, pour contribuer à freinerce glissement vers une société cassée en deux: ne peut-elle pas en effet aider à réduire l’exclusion et à «garderdans le coup» le plus grand nombre possible de citoyenset citoyennes?

Les exigences liées aux mutations économiques,sociales et culturelles nous renvoient le défi de poursuivre la démocratisation de l’éducation. Ce nouveaupas dans la démocratie scolaire concerne la responsabilisation des intervenants et intervenantes etl’équilibre d’une logique d’équité et d’une logique dedifférenciation. Tout cela vise cependant à soutenir lesélèves dans leur cheminement vers la réussite éducative et des formations de qualité: là réside le sensprofond de la nouvelle phase de démocratisationscolaire.

20. Dans son récent ouvrage, John Kenneth Galbraith démontre de façonéloquente comment l’évolution économique et politique actuelle dela société américaine accentue les inégalités structurelles entre la catégorie des «économiquement faibles» et celle des «économiquementforts» au profit de ces derniers, voir à ce sujet: La République dessatisfaits, la culture du contentement aux États-unis, Paris, Editionsdu Seuil, 1993. voir aussi: Antoine Baby, «Une société à deux vitesses:un ordre social en perte de vitesse», Communication dans le cadredu colloque annuel de l’Association des cadres des collèges du Québec,mars 1992.

21. C5E, L ‘Alphabétisation et l’éducation de base au Québec: une missionà assumer solidairement, Québec, 1990.

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Chapitre IILa mission: rétablirl’axe central de la formationAu cours des dernières décennies, la société qué

bécoise s’est transformée dans ses composantes, sesstructures et ses valeurs. Institution sociale de premièreimportance, le système d’éducation québécois ne s’estpas fermé à ces changements. Bien au contraire, il avécu en interaction étroite avec les mouvements desociété. Il a fait l’expérience des changements économiques, sociaux et culturels de.l’intérieur et, à ce titre,plus que toute autre institution et souvent avant touteautre, il en a éprouvé les malaises et perçu les demandes contradictoires. On pourrait penser que, après unesi grande ouverture, le temps est venu d’une certainefermeture et d’<cun retour à l’essentiel», comme ondit. En vue de relever le défi d’une réussite de qualité,il est en tout cas primordial de s’interroger sur la mission du système scolaire. De l’accomplissement de cettemission dépend en effet la réalisation plus poussée dela démocratisation scolaire souhaitée ici.

Le présent chapitre, portant précisément sur lamission, comprend trois sections. La première décritbrièvement le difficile exercice de la mission éducative aujourd’hui. La deuxième définit la fonctionspécifique et irremplaçable du système d’éducationquébécois: la formation. La troisième reconnaîtl’importance de certains rôles conjoncturels et signalel’existence d’autres lieux éducatifs qui peuvent agiren partenariat avec le système scolaire.

2.1 Le difficile exercicede la mission éducativeD ‘entrée de jeu, il faut reconnaître que, sans doute

de par sa situation stratégique dans l’ensemble desinstitutions sociales, le système scolaire est la premièreinstitution mise au banc des accusés lorsqu’une sociétéconnaît des changements et des difficultés d ‘ importance. Il est vite pointé du doigt et mis en demeurede se défendre. On en fait facilement un bouc émissaire.Mais c’est dire en même temps qu’on attend beaucoupde lui. Il est donc important de tenter d’y voir clair.

2.1.1 Des attentes contradictoiresEn ce qui a trait à la mission, on peut indiquer

au moins deux types d’attentes importantes qu’on peutjuger, en apparence tout au moins, contradictoires.Cela ne facilite, pour autant, ni la compréhension nil’exercice de la mission éducative.

Un premier type d’attentes concerne l’ouvertureou la fermeture du système scolaire. Les uns reprochent en effet aux établissements d’éducation d’accepter

de jouer tous les rôles, en répondant trop facilementaux demandes sociales qui leur sont adressées. Parexemple, on a développé de nouvelles attentes vis-à-vis de l’école, lorsqu’on lui a demandé d’accueillirdes enfants handicapés, autrefois regroupés dans desétablissements spécialisés. Et on s’attend aujourd’huià ce que l’école joue des rôles auparavant dévolus àla famille. On parle alors d’«école-fourre-tout» et l’ons’attend, en contrepartie, à un «retour à l’essentiel»qui se réduit souvent à l’enseignement de quelquesmatières de base. A l’opposé, d’autres reprochent àl’école sa fermeture sur soi. On l’accuse de n’êtrequ’une «boîte à cours» et d’être décrochée de la viedes individus et de la société; on s’attend qu’elle soitplus sensible aux besoins de ses usagers et des collectivités qu’elle dessert. S’ouvrir davantage ou se fermer davantage: que faire?

Un deuxième type d’attentes a trait ou bien à lapersévérance àfavoriser ou bien ara exigences à hausser. L’institution scolaire, dit-on, accepte trop facilement le décrochage; elle ne sait pas retenir ses élèvesjusqu’à la réussite; elle est sélective et produit desexclus. Il lui faut davantage favoriser la persévérance,ménager l’accessibilité des études et du diplôme, éviter d’exclure. A l’encontre, toute une partie de l’opinion publique reproche au système d’être trop permissifet tolérant, d’avoir peu d’exigences et de dispenserdes formations médiocres et des diplômes vidés de leurscontenus. Il faut donc hausser les exigences, dispenser des formations de qualité et rendre plus difficilel’accès au diplôme. Favoriser la persévérance ou hausser les exigences: que faire’?

2.1.2 Des critiques sévères pourchaque ordre d’enseignement2Chaque ordre d’enseignement écope les critiques

de la population et fait l’objet d’exigences multiples,bien que l’école secondaire soit une cible particulièrement visée. Voyons-y de plus près.

1. 0e tels types d’attentes contradictoires ressortent de la consultation menéepar le Conseil à Drummondville.

2. voir: Gilles SénéchaiLa Mission éducative: état de la question, Québec,C5E, 1993, (Colt. «Etudes et recherches») voir aussi CSE, L ‘Education préscolaire: un temps pour apprendre, Québec, 1987 et Les Viséeset les pratiques de! ‘école primaire, Québec, 1987. Du collège à l’université: l’articulation des deux ordres d’enseignement supérieur, Québec,1988.

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L ‘école primaire est encombrée. Elle est la première à subir la pression des demandes sociales et àêtre envahie. Elle est devenue en quelque sorte unemini-société. En même temps, elle doit poursuivrel’acquisition d’un trop grand nombre d’objectifs morcelés. Elle manque de temps pour faire réaliser lesapprentissages de base; elle manque de ressources etd’expertise pour effectuer de bons diagnostics auprèsdes élèves à risque, d’autant plus qu’elle est insuffisamment soutenue en tout cela par une éducation préscolaire qui éprouve quelque difficulté à préparer adéquatement les jeunes enfants à l’école proprement diteet à ses apprentissages formels3.

L ‘école secondaire crée des exclus. Elle le fait dedeux façons: en premier lieu, elle arrive difficilementà motiver et à retenir un nombre important de jeunesqui décrochent sans formation générale suffisante niqualification, parce qu’ils connaissent quelque difficulté d’apprentissage ou qu’ils ont besoin de cheminer à des rythmes différents, et elle ne sait souventque faire des élèves qui, de tonte manière, né pourront obtenir leur diplôme; en outre, elle ne met pastoujours assez d’effort pour retenir l’attention des élèvesplus talentueux; en second lieu, lorsqu’elle conduitpar ailleurs des jeunes jusqu’à la réussite et à la diplomation, on lui reproche alors la médiocrité desformations qu’elle a dispensées. Voilà qui attaque lecoeur même de la mission de l’école secondaire.

Le cégep arrive difficilement à se définir commeun établissement d’enseignement supérieur. Situé entrel’enseignement universitaire et l’enseignement secondaire, il s’interroge sur sa mission d’éducation supérieure de masse et la hauteur de ses exigences, surson ouverture à l’accessibilité et sa tâche de faire accéder ses clientèles jeunes et adultes à des formationsde qualité, sur la dispensation d’un enseignement supérieur à plusieurs jeunes qui n’y sont pas préparés ouqui n’ont pas encore choisi leur orientation, sur lescontinuités qui doivent exister avec l’enseignementsecondaire et l’enseignement universitaire.

L ‘université valorise encore trop peu l’enseignement et conduit encore un trop petit nombre d’étudiantset d’étudiantes au diplôme. Elle est sollicitée par larecherche et bien souvent par l’entreprise. Sa missiond’enseignement en souffre. Non seulement la formation scientifique des futurs professionnels est-elleatteinte, mais la formation de chercheurs ou chercheuses et d’une relève scientifique est elle-même insuffisante. L’université est à la recherche d’un meilleur

3. Contrairement à beaucoup de pays, il n’existe pas au Québec de priseen charge des enfants avant l’éducation préscolaire. voir CSE, L ‘Éducation prêscolaire [j.

équilibre à aménager entre l’enseignement, la recherche et la réponse ~ux demandes des entreprises et desorganismes qui requièrent ses services.

2.2 Une fonction spécifique irremplaçableDans le foisonnement de remises en question qui

naissent des bouleversements et des changements encours, non seulement le système scolaire est-il pointédu doigt, mais la tendance est aussi de l’inciter àjouerbien des rôles que d’autres institutions peuvent exercer. Il est important, dans ce contexte, de rappeler cequi constitue le coeur même de la mission éducativeà tous les ordres d’enseignement: non pas tant pourériger quelque clôture scolaire, mais plutôt pourindiquer où se trouve le centre de gravité.

2.2.1 L’acquisition des compétencesgénérales et professionnellesGarantir la formation: tel est le centre de gravité

de la mission du système d’éducation. Pour passer entrela «dissolution de soi» et la «fermeture sur soi», lesystème d’éducation doit se redire à lui-même où sesitue le coeur de sa mission. C’est en effet de cettefaçon qu’il peut accomplir avec plus d’assurance destâches par lesquelles il contribue à l’accès du plus grandnombre au savoir dans une société postindustrielle quile requiert.

L ‘acquisition de compétences générales, d’abord.Les compétences générales dont le système d’éducation doit garantir l’acquisition sont cet ensemble deconnaissances, d’habiletés et d’attitudes qui permettent à une personne de comprendre le monde danslequel elle vit et d’y exercer avec maîtrise certains rôlesfondamentaux, tels ceux de parent, de consommateurou de citoyen4. C ‘èst essentiellement la formationgénérale, dispensée de la maternelle à l’université, quipermet, par la fréquentation de plusieurs disciplinesdans les divers champs du savoir, d’acquérir cescompétences.

Par son cheminement dans la formation générale,l’individu poursuit donc normalement l’acquisition deconnaissances structurantes, lui permettant d ‘organiser les informations, de construire et d’intégrer sessavoirs: on comprend que l’éducation scolaire dépasseici largement la seule transmission d’informations, àlaquelle elle se confine malheureusement trop souvent,L’individu poursuit également le développement deces aptitudes générales, démarches systématiques etstructures transférables que sont, par exemple,

4. Le concept de compétences utilisé ici ne doit donc pas être interprétéd’une façon purement fonctionnaliste. Il inclut des connaissances, deshabiletés et des attitudes profondes qui contribuent au développementd’un «art de vivre» chez les personnes, incluant les dimensions éthique, esthétique et religieuse, par exemple. Parlant de la mission éduca’tive, dans son intervention devant le Conseil, M. Guy Rocher invitaitce dernier à se donner une vision large et riche du développement del’intelligence.

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l’analyse, la synthèse, la critique, le raisonnement abstrait et la résolution de problèmes. Plus que jamais,sans doute, la société exige l’acquisition de tels savoirs.

Au premier chef, c’est par la maîtrise des langages de base — langue maternelle ou d’enseignement,langue seconde et mathématiques tout particulièrement,mais aussi langage artistique et technologique — quel’individu chemine dans l’acquisition de ses compétences générales. Mais, tout au long de la démarchede scolarisation, le système éducatif ne doit jamais séparer cette maîtrise des langages de l’accès aux grandsdomaines culturels que sont les sciences de la nature,les sciences humaines, la littérature, les arts, les technologies, la morale et la religion. Et le plus possible,il doit viser le décloisonnement, la mise en relationet l’intégration de tous ces savoirs5.

L ‘acquisition de compétences professionnelles,ensuite. Les compétences professionnelles dont lesystème d’éducation doit garantir l’acquisition sont cetensemble de connaissances, d’habiletés et d’attitudespropres à une discipline ou une technique permettantl’exercice d’une pratique spécialisée. Celui ou cellequi témoigne de la maîtrise suffisante d’une compétenceprofessionnelle accède normalement à la qualificationprofessionnelle. Notre société a fait le choix historique de confier essentiellement au système d’éducation la tâche de la formation professionnelle des jeunes et des adultes et de l’en attester. Le Conseil a déjàproposé de réactualiser ce choix du système d’éducation, moyennant un partenariat et même une coopération financière beaucoup plus poussés avec l’ensemble du système de production6.

C’est donc une fonction essentielle du systèmed’éducation que d’aider les personnes à acquérir cescompétences professionnelles et de les reconnaître. Enprincipe, nul ne devrait quitter le système, non seulement sans avoir acquis les compétences généralesnécessaires à toute personne citoyenne d’une sociétédémocratique et pluraliste, mais également sans s’êtredonné cette qualification professionnelle qui lui permette une intégration dynamique à la société. Autrement, il risque l’exclusion sociale, autant commecitoyen que comme travailleur: de nombreux jeuneset de nombreux adultes en font l’expérience douloureuse. Pour ceux et celles qui, de toute manière,n’auront pas accès au diplôme, il faut songer à desformes d’attestation et de reconnaissance sociale quitémoigneront des qualités et des compétences acquises. Eux aussi ont droit au développement optimal de~

5: CSE, Une pédagogie pour demain à I école primaire, Québec, 1991et L ‘Intégration des savoirs au secondaire: au coeur de la réussite éditcative, Québec, 1990. voir aussi: Philippe Meirieu, E,nile, reviens vite[.1. pp. t81 et suivantes et Paul Inchauspé «Quelle école pour demain»,Conférence prononcée au Mercredi des gestionnaires, MEQ, janviert 992.

leur potentiel et donc à une réussite éducative de qualitéet reconnue en quelque manière7.

À quelque palier du système que l’on acquière cettequalification professionnelle — secondaire, collégialou universitaire — , cette dernière ne doit cependantjamais être séparée de l’acquisition des compétencesgénérales. Cet équilibre entre un espace de formationgénérale et un espace de formation professionnelle doitêtre ménagé dans les curriculums.

Pour le développement des personnes, d’une part.Par ses activités d’enseignement axées sur l’acquisition de compétences générales et de compétencesprofessionnelles reconnues, l’établissement d’enseignement contribue inséparablement au développementdes personnes; mais il le fait également par l’ensemble de ses activités éducatives, son climat, sa cultureet son projet éducatif. De fait, il favorise ce développement des personnes selon deux dimensions.

La première dimension de ce développement éducatifa trait à l’autonomie de la personne. L’établissement scolaire est un lieu éducatif où devraient être normalement cultivées des valeurs et des attitudes liées,par exemple, à la maîtrise de soi et au dépassementde soi. L’établissement qui éduque en instruisantappelle à un plus-être et conduit à la synthèse de soi.Par les relations éducatives qu’il permet, par les apprentissages formels qu’il poursuit — notamment endonnant à la personne la capacité d’apprendre à apprendre — et par tout ce qu’il est, l’établissement est unemédiation de cette autonomie personnelle, qui se situeau fondement même de toutes les compétences générales et professionnelles.

La seconde dimension de ce développementéducatif concerne l’intégration socioculturelle de lapersonne. L’établissement scolaire devrait être un lieuoù s’apprennent la participation, l’engagement, le respect de l’autre et la façon de composer avec lescontraintes de la ~ie en société. Et plus largementencore, il devrait être un instrument de cette éducation civique, porteuse des valeurs d’équité, de partage, de responsabilité, de respect des libertés, d’accueildes différences et de participation à la vie de lacommunauté nationale. Ici encore, c’est essentiellement en accomplissant sa fonction propre axée surl’acquisition et la reconnaissance des compétencesgénérales et professionnelles, mais également par toutce qu’il est, que l’établissement scolaire contribue àcette intégration dynamique de la personne dans unesociété postindustrielle et démocratique.

7. C’est la seule perspective qui justifie, par exemple, l’intégration desenfants en troubles graves d’apprentissage ou atteints de déficienceprofonde.

6. CSE, En formation professionnelle: l’heure d’un développement intégré, Québec, t992.

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Pour le développement de la société, d’autre pan.Effectivement, l’éducation est aussi au service du développement de la société dans toutes ses dimensions.Elle peut contribuer tout autant à la prospérité économique et au progès des connaissances qu’à l’égalisation sociale des chances et à l’élaboration d’un espacecivique. C’est dire autrement que le développementéconomique, social, culturel et politique dépend, pourune très large part, d’une éducation qui assure lescompétences générales et professionnelles des ressources humaines dont dispose la société.

L’éducation contribue également à l’avancementd’une société démocratique. Elle est de fait essentielleà une société démocratique et pluraliste. Sans elle, laparticipation et la responsabilisation sur lesquellesrepose la démocratie n’existent pas. C’est elle qui formela citoyenne ou le citoyen éclairé dont la société démocratique a besoin. La formation dispensée par lesystème d’éducation est donc tout aussi inséparabledu développement de la société qu’elle l’est du développement des personnes.

2.2.2 Des tâches propres à chaque ordred’enseignementLe système d’éducation a la mission spécifique et

irremplaçable d’aider les personnes à acquérir descompétences générales et des compétences professionnelles et de les attester. Mais chaque ordre d’enseignement a ses tâches propres à accomplir à cet égard.Sans entrer ici dans les contenus des curriculums, ilimporte de rappeler brièvement ce qui constitue lenoyau central de la mission à chaque ordre d’enseignement.

Dans le long cheminement menant à l’acquisitiondes compétences générales, le préscolaire doit êtreconçu comme un temps de l’éveil, despremiers apprentissages et du diagnostic visant à atténuer les inégalités de départ. Ce temps est, bien sûr, un temps d’éveiléducatif à soi, à l’autre et à l’environnement. Maisil doit également amorcer des apprentissages plus structurés relativement au développement du langage, àl’exploration mathématique et scientifique et à l’expression artistique. Il ne s’agit pas ici d’un enseignementformel ni d’un accent sur la performance scolaire. Ily va plutôt d’une première initiation aux prémices dela connaissance, qui permettrait d’ailleurs à l’éducation pçéscolaire de jouer son rôle préventif et diagnostique, en dépistant très tôt les enfants qui éprouveraientde grandes difficultés en ces domaines et en tentantde les atténuer, voire de les réduire avant même l’entréeà l’école primaire. C’est en ce sens aussi que le Conseila déjà attiré l’attention sur les besoins éducatifs despetits enfants et proposé des maternelles à temps plein

en milieu défavorisé8. Comme l’a déjà dit le Conseil,l’éducation préscolaire doit être un temps pour apprendre et il est possible de préparer à l’école sanscommencer l’école.

L ‘école primaire, à son tour, doit être un tempsd’acquisition systématique des langages de base, maistoujours en contexte d’initiation culturelle et dedéveloppement personnel et social. L’accès auxcompétences générales passe, d’abord et avant tout,par un premier niveau de maîtrise de la langue maternelle ou d’enseignement, d’une langue seconde et ducode arithmétique. Il s’agit là de systèmes de signespour l’expression et la communication que l’école primaire doit faire acquérir comme des apprentissagesde base incontournables.

Cependant, l’école primaire ne peut se préoccuper de cet apprentissage formel des codes en dehorsd’une initiation culturelle. Elle doit dépasser le seulcontrôle technique des codes, des règles et des symboles, pour l’insérer dans une initiation aux différentsvolets de la cdlture ou aux différentes formes d’expression et de communication sur les plans spirituel, éthique, physique, artistique et scientifique. Elle doit également poursuivre l’acquisition systématique deslangages de base et l’initiation culturelle en gardantl’horizon du développement de l’autonomie et de l’identité personnelles, d’une part, de l’aptitude à vivre avecautrui et en société, d’autre part9. Cela convient auxenfants, certes; mais cela vaut également pour les adultes en démarche d’alphabétisation et d’éducation debase: chez eux aussi, la maîtrise des codes ne peutse faire indépendamment des aptitudes à fonctionnerculturellement et socialement.

L ‘école secondaire doit viser tant la maîtrise deslangages de base que l’ouverture culturelle pour touset toutes et préparer ceux et celles qui le désirent àl’exercice d’un métier. C’est la mission de l’écolesecondaire de faire acquérir, par la maîtrise des langages de base et par la fréquentation de plusieurs disciplines dans les divers champs du savoir, cet ensemble de connaissances, d’habiletés et d’attitudes quiconstituent la formation générale. Sa mission est detransmettre, de façon organisée et systématique, cefonds commun qui donne à chaque personne les outilsde son développement autonome et de sa participationsociale.

8. MEQ, Programme d’éducation préscolaire, Québec, 1981; CSE, L ‘Éducation préscolaire: un temps pour apprendre, Québec, 1987, Le Rapport Parent, vingt-cinq ans après, p. 64 et Pour une approche éducative des besoins des jeunes enfants, chapitre 4. Dans ces documents,le conseil a constamment attiré l’attention sur le fait qu’il fauttrès tôtéveiller le goût d’apprendre. sans cela, les difficoltés s’accumulent plostard. Des générations d’exclus se perpétuent, lorsqu’on n’accomplitpas très tôt ces tâches d’éveil. Le conseil a déjà proposé que soit faitun «bilan fonctionnel» avant l’entrée au préscolaire (par le cLsc, parexemple).

9. CSE, Une pédagogie pour demain [.1, chapitre 2.

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Au second cycle — entendu comme la 4~ secondaire et la 5~ secondaire — , sa mission de formationgénérale doit se teinter d’une fonction d’orientationscolaire et professionnelle pour plusieurs et elle doitpouvoir s’accompagner, pour ceux et celles qui le souhaitent, d’une préparation professionnelle, à la foisfonctionnelle et polyvalente, à l’exercice d’un métier.La polyvalence de la formation professionnelle et lapoursuite de la formation générale doivent permettre,le cas échéant, l’accès aux études collégiales. Cela vautpour les jeunes, mais également pour les adultes quiont besoin de se donner une première qualificationprofessionnelle.

Le cégep doit conserver et articuler sa doublemission deformation: développer, pour un certain nombre, un approfondissement spécifique et, pour d ‘autres,une spécialisation technique. L’approfondissement spécifique ou la concentration préuniversitaire ne doit pasêtre conçue comme une spécialisation. Il s’agit, plusjustement, d’une fréquentation plus intense d’un champdu savoir, qui s’accompagne d’une poursuite de cettemaîtrise des langages de base et de cette ouverture culturelle qui constituent la formation générale. Il est icisouhaitable que ce premier approfondissement dansun champ de savoir s’accompagne d’une ouverture àd’autres champs du savoir, et ce, dans la perspectivede la formation fondamentale dont on parlera plusloin’0.

La spécialisation technique, elle-même fonctionnelle et polyvalente, s’accompagne aussi d’une poursuite de la formation générale. Formation supérieurecourte, elle doit comporter une composante deformation spécialisée et une composante de formationgénérale, articulées entre elles et équilibrées selon undosage des deux tiers pour la première et d’un tierspour la seconde. La polyvalence de la formation technique et son articulation avec la formation généraledoit permettre, ici aussi, la poursuite éventuelle d’uncheminement universitaire.

L ‘université doit assurer la formation de la relèveprofessionnelle et scientifique. Au premier cycle,l’équilibre entre une formation générale et une formation spécialisée doit être ménagé. En fait, l’acquisition d’une spécialité doit se faire à la fois dans l’ouverture à un champ professionnel plus large et dansl’ouverture à des domaines du savoir autres que celuide la spécialité. L’université doit former ou perfectionner tous ses professionnels en les rendant capablesd’approfondissement, de décloisonnement, de mobilité,de créativité, d’écriture dans une langue spécialisée,de transfert à l’intérieur d’un champ professionnel etd’ouverture sur le monde.

10. cSE, L’Enseignement supdrieur [1. p.37-45.

L’université forme également la relève scientifique. Elle a mission de former des chercheurs etchercheuses dans tous les domaines du savoir. On voitpar là l’un des sens fondamentaux de sa mission derecherche. Non seulement la recherche doit-ellecontribuer à l’avancement des connaissances et est-elleessentielle à un enseignement qui forme ou perfectionnedes personnels professionnels, mais également elleconstitue l’outil de formation et de perfectionnementpar excellence de la relève scientifique.

2.3 Des rôles importantsLe système d’éducation doit exercer sa fonction

irremplaçable: garantir la formation des personnes,jeunes ou adultes. Le savoir1 I, général et professionnel, est devenu la ressource la plus précieuse et la plusconvoitée dans la société postindustrielle en train des’élaborer. Cette ressource est déjà et deviendra encoredavantage dans l’avenir le principal outil du développement collectif. L’éducation doit donc contribuer àla diffusion la plus large possible du savoir: c’estl’essentiel de sa têche, dans l’optique de la démocratisation promue ici. Est-ce à dire qu’elle n’a pas àjouerd’autres rôles importants, connexes, complémentairesou subsidiaires?

2.3.1 Des tâches conjoncturellesinévitables

C’est dans des espaces et des temps précis ques’exerce la mission éducative essentielle de chaque établissement d’enseignement. Cette mission ne s’accomplit donc ni de façon désincarnée ni à l’abri des demandes sociales du milieu. On peut même dire qu’une«mission sociale» demande à s’exercer dans chaqueétablissement d’enseignement.

Les circonstances et les conditions peuvent imposer au système scolaire, et plus particulièrement auxétablissements d’éducation, des interventions sociales qui ne paraissent pas relever directement de sa mission et même sembler parfois assez éloignées de celle-ci. Institution sociale de première importance, lesystème scolaire n’est effectivement pas un systèmefermé. Ancrés aux collectivités qu’ils desservent, lesétablissements d’éducation vivent en relation étroiteavec leur environnement. Ils ne peuvent donc remplirleur mission spécifique de formation en vase clos. flsdoivent composer avec les besoins de leur milieupropre.

À titre d’exemples, le fait de devoir nourrir desenfants sous-alimentés ou de les habiller plus chaudement ne relève certes pas de la mission première de

11. Ce savoir, on l’a dit, inclut à la fois des connaissances, des habiletéset des attitudes ou encore ce qu’on appelle des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être.

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l’école. Cette mission première n’inclut pas davantage des interventions visant à régler des problèmesvécus par les enfants dans leurs familles respectives.Mais, en même temps, comment enseigner à desenfants qui souffrent de violence ou de malnutrition?Autres situations problématiques: appartient-il à l’écoleprimaire d’ouvrir une garderie en milieu scolaire, poursatisfaire aux besoins de parents qui travaillent? l’écolesecondaire doit-elle entreprendre, sur son temps et sesressources scolaires, des campagnes contre la drogue,le sexisme, le racisme ou la violence? A ces deman

•des sociales, s’ajoutent des pressions plus manifestement d’ordre économique: l’établissement d’éducation doit-il se percevoir comme un agent dedéveloppement socio-économique? dans quelle mesureet sur quelle base doit-on investir dans le transfert technologique aux entreprises ou dans le développementrégional?

2.3.2 De nécessaires balisesLes établissements d’éducation ne peuvent ni ne

doivent se couper, pour aucune considération, du devenir des communautés locales où ils s’insèrent et dudéveloppement global de la société. Est-il besoin dele rappeler: ce qu’est devenue la société impose d’abordaux établissements une façon de réaliser leur missionpropre. Mais il leur faut également s ‘ouvrir aux besoinsdivers qui leur sont manifestés et accepter d’y répondre éventuellement. Tout n’est cependant pas du mêmeordre et il importe au plus haut point de se donnerici quelques balises.

La première balise, et qui ne souffre aucuncompromis, consiste à se rappeler qu’aucun rôlecomplémentaire assumé ne doit nuire à l’accomplissement de la mission première. On l’a dit: la fonctionspécifique essentielle des établissements d’éducationest de garantir la formation des personnes. Les équipements et l’expertise présents dans les établissementstrouvent en cela leur sens et leur finalité. Que lespersonnes acquièrent des compétences générales etprofessionnelles reconnues socialement est leurpremière raison d’être.

La deuxième balise consiste à considérer enpriorité toute intervention qui prolonge la mission éducative. Certains besoins et certaines demandes socialessont ainsi plus près de l’intervention de formation despersonnes. Ils requièrent une action qui met, plus qued’autres, à contribution les compétences proprementéducatives et qui comporte pour une part des retombées éducatives. Qu’on pense à une garderie en milieuscolaire, qui peut prolonger l’intervention proprementscolaire; qu’on pense aussi à une campagne pour unenvironnement pacifique qui peut être occasion d’éducation; qu’on pense également à des activités de transferts technologiques ou à des interventions de

développement régional qui contribuent à la fois à laformation de ceux et celles qui en bénéficient et deceux et celles qui interviennent.

La troisième balise consiste à accepter de jouerdes rôles subsidiaires dans des situations paniculières.Il n’appartient pas, par exemple, à l’école de nourrirles enfants. C’est là une tâche normalement dévolueà la famille. Mais, en milieu défavorisé, l’école peutet même doit sans doute, pour le temps nécessaire,jouer un rôle substitutif qui lui permet par ailleurs demieux accomplir sa fonction propre. L’école doit alorsaccompagner son action d’une intervention éducativeauprès des familles, afin de ne pas contribuer indûment à leur déresponsabilisation à cet égard. Elle doitmême se préoccuper du réengagement progressif despersonnes et des institutions dont elle assume temporairement les fonctions. Egalement, l’école peutaccueillir des intervenantes et intervenants d’autresorganismes, qui peuvent assumer eux-mêmes laréponse à des besoins qui ne sont pas proprement éducatifs mais qui s’expriment en milieu scolaire: alors,une mission sociale s’accomplit dans l’école sans quece soit par l’intervention des personnels scolaires.L’école est en fait un modèle réduit de la société.Accueillant tous les enfants, elle recueille aussi leurspathologies qu’elle ne peut ignorer et qu’elle doit traiterou faire traiter en son sein. Ce que doit refuser l’école,cependant, c’est qu’on évalue sa performance institutionnelle à partir de l’exercice de ces rôles pour lesquelselle n’est pas préparée et qu’elle ne pourra jamaisremplir que de manière incomplète.

La quatrième balise consiste à reconnaître que desresponsabilités peuvent être partagées avec d’autreslieux éducatifs. Ces autres lieux exercent, encomplémentarité, d’autres fonctions éducatives. Al’école d’établir avec eux des formes diverses de partenariat, tout en reconnaissant du même coup qu’ellen’a pas le monopole de l’éducation globale des personnes. La nouvelle phase de démocratisation exigequ’on mise à fond sur ces lieux éducatifs variés, quise rattachent aux sphères culturelle, sociale, économique et politique. L’ensemble de ces lieux forme cequ’on appelle la Cité éducative12. L’école en constituecertes une ressource centrale; mais elle n’a pas à sesubstituer à ces autres lieux. Au contraire, il lui fautcoopérer avec eux et partager avec eux certaines responsabilités éducatives.

La cinquième balise consiste à accepter que desressources disponibles servent à la collectivité: celaaussi fait partie de la mission sociale de tout établissement d’éducation. Ces ressources, ce sont des locaux

12. CSE.LesNouveauxLieuséducallft, Québec. 1986. voir, également:Gilles Sénéchal, La Mission éducative [..

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et des équipements, mais parfois aussi des expertises,que l’établissement scolaire rend disponibles à la collectivité locale. Il s’agit ici de service communautairequi a parfois peu à voir avec la formation proprementdite, mais qui peut être utile, voire nécessaire, à unecollectivité. Parfois, ce service peut être plus prochede l’activité éducative, comme dans ces projets d’établissement axés sur la réussite éducative et dans lesquels le personnel enseignant accepte de rencontrerdes parents pourparler avec eux des exigences de leurrôle.

La sixième balise consiste à rdafflrmer la responsabilitd institutionnelle de chaque établissement pourl’exercice de ces rôles. C’est localement qu’on peuteffectivement juger de la pertinence d’une intervention. C’est là que se vit l’enracinement communautaireet c’est là que peut en conséquence se poser le diagnosticjuste et s’articuler la réponse appropriée au besoin,dans le respect des balises énoncées précédemment.

L’exercice de la mission éducative propre ausystème scolaire doit être préservé et accentué, sansesprit de fermeture sur soi. Au contraire, le systèmescolaire se doit même de jouer certains rôles qui prolongent sa mission ou qui ne sont pas nécessairementles siens et il lui faut accomplir ses tâches en s’ouvrantà des formes de partenariat utiles autant pour lui quepour les autres institutions.

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Chapitre ifiLes curriculums ou plansde formation: instaurercohérence, diversificationet exigenceOn parle ici des curriculums officiels ou des plans

de formation prescrits’, dont on trouve les articulations essentiellement dans les règlements concernantles régimes pédagogiques et les programmes qui lesaccompagnent: cela va des règles d’admission aux normes régissant la certification, en passant par l’organisation des enseignements, les cycles d’études, les cheminements et les contenus de cours. Ces dernièresannées, le Conseil est intervenu à plusieurs reprisessur des aspects particuliers des curriculums scolaires.Ses avis et études sur la question lui permettentaujourd’hui de dégager quelques éléments fondamentaux de la problématique des curriculums et de proposer les choix stratégiques qui semblent s’imposer, dansl’optique d’une nouvelle phase de démocratisation del’éducation2.

Le présent chapitre comprend quatre sections. Lapremière met en relief les principaux reproches qu’onfait aujourd’hui aux curriculums scolaires: incohérence, rigidité, faiblesse. Les trois sections suivantesinsistent sur les choix stratégiques qui paraissentpertinents dans la conjoncture actuelle: définir desprofils de sortie, diversifier les contenus et les parcourset hausser les exigences relatives aux compétencesgénérales.

3.1 Les trois principales critiquesLa lecture des curriculums aux différents ordres

d’enseignement permet de mettre en évidence troiscarences majeures auxquelles aucun ordre d’enseignement n’échappe. Ces carences compromettent, en

1. Nous limitons ici nos propos aux curriculums officiels, stnicturés, définiset réglementés; nous ne traitons donc pas des «curriculums effectifs»qui en constituent la mise en oeuvre locale ou des «curriculums cachés»qui font appel aux valeurs de la culture institutionnelle. Dans son intervention devant le Conseil, M. Norman Henchey a montré l’ampleurdes questions liées au curriculum et les dimensions que recouvre sonétude.

2. Renée Carpentier, Le Curriculum, situation et développements, Québec,C5E, 1993, (ColI. «Etudes et recherches»). voir, entre autres, les rapports annuels suivants: CSE, La Formation fondamentale et la qualitéde l’éducation, Rapport annuel 1983-1984 sur l’état et les besoins del’éducation, Québec, 1984; L ‘Education aujourd’hui: une société enchangement, des besoins en é~nergence, Rapport annuel 1985-1986 surl’état et les besoins de l’éducation, Québec, 1986, pp. 13-22; La Qualité del ‘éducation: un enjeu pour chaque établissement, Rapport annuel1986-1987 sur l’état et les besoins de l’éducation, Québec, 1987.

partie, la réalisation de la mission spécifique du systèmed’éducation: former, c’est-à-dire instruire et qualifierles personnes.

3.1.1 IncohérenceL’incohérence se manifeste à deux niveaux. Elle

est d’abord interne à chaque ordre d’enseignement;elle se situe également entre les ordres d’enseignement. Ce qui est donc en cause, c’est à la fois laqualité des formations et la continuité des cheminementsétudiants.

Les deux principauxfacteurs de cette incohérenceparaissent être le cloisonnement disciplinaire, d’unepart, et l’absence de vision de système, d’autre part.A tous les ordres d’enseignement, l’approche disciplinaire fermée sur soi produit ses méfaits: parexemple, multitude d’objectifs disparates, difficilerepérage des fils conducteurs des plans de formation,intégration des savoirs malaisée et, du secondaire àl’universitaire, articulation ardue entre les compétencesgénérales et les compétences professionnelles. Par ailleurs, l’absence de vision de système conduit à despassages d’un ordre d’enseignement à l’autre qui nese font pas sans heurt, à des chevauchements decontenus dans les programmes et à une articulationlaborieuse entre les objectifs généraux de formation.

Au primaire, d’abord: lourdeur et difficile recherche de l’essentiel. A ce palier, ce qui est remis enquestion, c’est la lourdeur des programmes. Plusieursintervenants et intervenantes dénoncent le découpage

pp. 21-27; Le Rapport Parent, vingt-cinq ans après, Rapport annuel1987-1988 sur l’état et les besoins de l’éducation, Québec, 1988,pp. 64-65, 83-84, 104, 126. voir également, entre autres, les avis suivants: CSE, L ‘Education préscolaire, un tetnpspourapprendre, Québec,1987, pp. 22-35; Du collège à l’université:! ‘articulation des deux ordresd’enseignement supérieur, Québec, 1988, pp. il-22; Les Sciences dela nature et la mathématique au deuxième cycle du secondaire, Québec,1989; Une ,neilleure articulation du secondaire etdu collégial: un avantage pour les étudiants, Québec, 1989, pp. 5-15 et 33-45; Une pédagogiepourdemain auprimnaire, Québec, 1991, pp. 17-26; Enfonnatianprofessionnelle: l’heure d’ut, développement intégré; Québec, 1991,pp. 33-45; L ‘Enseignement supérieur: pour une entrée réussie dansle XXI’ siècle, Québec, 1992, pp. 37-45.

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en un trop grand nombre d’objectifs difficiles à réaliser, compte tenu du temps disponible, et le caractère«pointu» de ces objectifs, au détriment de ce qui seraitplus fondamental. A ce morcellement et à cette surcharge s ‘ajoute donc la difficulté d’identifier les objectifs communs à plusieurs programmes, d’en intégrerles diverses composantes et de départager l’essentielde l’accessoire3.

Au secondaire: difficile intégration des savoirs etmanque de préparation aux études ultérieures. L’intégration des apprentissages n’inspire certainement pasle curriculum du secondaire, qui est pratiquementconstruit sur une approche disciplinaire et spécialisée,donnant l’image de corridors qui ne communiquentpas entre eux. Les programmes eux-mêmes sont tropsouvent surchargés, contenant une quantité démesurée de contenus et d’informations, et entretiennentencore trop cette atomisation des savoirs — «le savoiren miettes>’, a-t-on déjà écrit — , témoignant d’uncurriculum toujours à l’écoute des mandarins del’industrialisation et de la taylorisation. En outre, lepassage à l’ordre d’enseignement collégial s’avère difficile, aussi bien pour les détenteurs et détentrices dudiplôme d’études secondaires (DES) que pour ceuxet celles qui possèdent un diplôme d’études professionnelles (DEP): dans l’un et l’autre cas, ce qu’ondénonce, c’est l’insuffisance des compétences générales et tout spécialement la difficulté qu’éprouventles élèves à se débrouiller de façon autonome dans dessituations nouvelles d’apprentissage.

Au collégial et au premier cycle universitaire: manque de cohérence interne des programmes. Au premier cycle universitaire, tantôt on critique la perspective trop exclusivement disciplinaire, tantôt on dénoncel’éparpillement et l’absence de cohérence interne desprogrammes. Au collégial, la perspective disciplinaire,plus particulièrement dans les programmes préuniversitaires, rend difficile l’approche programme et nefavorise ni la cohérence verticale ni cette continuitéen quelque sorte séquentielle qu’on souhaite voirs’établir entre le collège et l’université. Au premiercycle universitaire, on parle également de listes de courssans rapport organique les uns avec les autres et mêmeparfois de «programmes cafétérias4».

3. Signalons cependant que des expériences intéressantes d’intégration oude rapprochement des matières ont cours dans certains milieux scolaires.

4. voir, par exemple, Comité pour l’étude sectorielle en sciences sociales, Rapport final, Québec, Conseil des universités, 1989.

3.1.2 UniformisationL’uniformisation se manifeste différemment aux

divers ordres d’enseignement, mais à chaque fois ellelimite l’ouverture et la diversification des parcours.Elle paraît étroitement reliée à divers facteurs qu’ilimporte de rappeler ici: par exemple, difficulté de prendre en compte les situations particulières des diversesclientèles, lenteur des processus de changement etd’adaptation des programmes aux nouvelles réalités5,résistance à la poursuite des mêmes objectifs généraux par des voies et des parcours différents, utilisation de certaines disciplines à des fins de sélection —

voie royale des mathématiques et des sciences de lanature au secondaire et hiérarchisation des programmes en formation préuniversitaire et au premier cycleuniversitaire.—, surdétermination du secondaire parle collégial et du collégial par l’universitaire par l’entremise des préalables, surspécialisation de certainsprogrammes au premier cycle universitaire.

Au primaire, l’uniformisation se manifeste par lasous-représentation des arts et des sciences de lanature. Effectivement, ces disciplines sont souvent perçues comme des matières de second ordre dans uncontexte où «le retour à l’essentiel» est lui-même interprété comme la poursuite d’une maîtrise des codes linguistique et arithmétique indépendante de l’initiationculturelle. Il faut cependant noter que l’approche tropsouvent spécialisée de l’enseignement des arts6 et lescarences au regard, par exemple, de l’accès au matériel didactique, de la formation du personnel enseignant et de la complémentarité des apprentissages scolaires et extrascolaires7 n’aident pas à bien situer cesdisciplines dans le curriculum de base.

Au secondaire, 1 ‘unjformisation desparcours s’estaccentuée, ces dernières années: suppression des filières officielles, réduction du temps alloué aux optionsau deuxième cycle, pressions des préalables du collégial, absence de formation générale en formation professionnelle, scolarité de base où les différences sontréduites au minimum, cheminements particuliers calqués sur le cheminement régulier, le peu d’importanceaccordée à l’éducation technologique et à la préparation à la vie active.

5. Pensons particulièrement à la lenteur du processus de changement duprogramme de sciences humaines au collégial.

6. Cette approche spécialisée (et non le fait qu’un spécialiste enseigne)risque de faire oubtier la contribution des arts aux objectifs générauxde la formation. C’est d’autant plus malheureux que les arts peuventêtre, à leur façon, un lieu favorable à l’intégration des savoirs.

7. CSE, L’Éducation anistique [J, p. 31 et L ‘Initiation aux sciencesde la nature [.1, pp. 39-54. -

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À l’enseignement collégial, des facteurs d’uniformisation existent dans les deux secteurs deformation:au secteur technique, par exemple, manque de reconnaissance d’une certaine spécificité de cet enseignement (on applique facilement à l’enseignement technique ce qui est bon pour l’enseignementpréuniversitaire), trop grande étanchéité des programmes les uns par rapport aux autres, durée quasi uniforme pour l’ensemble des spécialités; au secteur préuniversitaire, par exemple, surdétermination de certainsprogrammes par l’imposition de préalables universitaires et hiérarchisation des concentrations nuisant àla polyvalence de la formation et à la fonction d’orientation de l’ordre d’enseignement collégial.À l’université, hyperspécialisation et cloisonnement

des programmes de premier cycle. En entrant à l’université, l’étudiante ou l’étudiant se trouve encore tropface à un ensemble de corridors étroits, placés en parallèles et entre lesquels il lui faut choisir. Il n’entre pasvraiment dans un univers intégré de haut savoir: ildécouvre plutôt que les cloisons sont étanches entreles disciplines et reproduisent bien souvent les barrièresprofessionnelles8. Ici plus qu’ailleurs encore, l’uniformisation est liée à une carence évidente de viséeset de pratiques interdisciplinaires et traduit la difficulté d’offrir des programmes d’études à la fois bienstructurés et ouverts sur une culture générale plus large.

3.1.3 FaiblesseLe reproche ayant trait à la faiblesse des curriculums

atteint directement la qualité de la formation. On l’arappelé: une société qui requiert un partage équitabledu savoir ne peut accepter que les formations, et à plusforte raison les formâtions sanctionnées, soient tronquées, incomplètes et insuffisantes. Or, on keut noterun manque d ‘ exigencés et de rigueur flagrant en cequi a trait à certains aspects essentiels des curriculums.

D’abord, les lacunes concernant la maîtrise de lalangue — en lecture, en expression orale et particulièrement en expression écrite — sont partout reconnues.Le constat de ce qu’on appelle de «profondes carenceslangagières» s’étend du primairejusqu’à l’université.Bien qu’il faille éviter une dramatisation excessive àcet égard, il importe pourtant de prendre au sérieuxles diagnostics9. Et certes, c’est toute l’institution scolaire, tout le système d’éducation et toute la sociétéqui sont ici concernés, mais c’est également l’enseignement de la langue et le niveau des exigences donttémoignent les curriculums effectivement mis en oeuvreau sein des établissements.

8. Commission d’étude surl’avenirde l’université Lavai, Rappon, 1979,pp. 169-170.

9. CSE, La Qualité du français à l’école: une responsabilité partagée,Québec, 1987, chapitre 1.

Ensuite, l’acquisition d’habiletés de base estincessamment signalée comme déficiente. Le personnel enseignant d’un ordre d’enseignement supérieurreproche à celui de l’ordre antérieur de ne pas avoirassuré l’acquisition de méthodes de travail et d’habiletés liées à la résolution de problèmes, par exemple.Les mises à niveau s’avèrent donc nécessaires. Del’extérieur, notamment du côté des entreprises, onreconnaît généralement que les compétences professionnelles acquises sont de meilleure qualité que lescompétences générales 10~

Enfin, c’est le manque de fiabilité des diplômesdécernés qui est dénoncé. Le problème commence déjàdans le passage du primaire au secondaire et vajusqu’aubaccalauréat universitaire, dont on doute de la qualitédes formations acquises. Mais il semble évident ence qui a trait au diplôme d’études secondaires — onpeut l’obtenir en ayant cumulé de 134 à 180 crédits,ce qui représente un écart d’environ une annéed’études” — et encore plus en ce qui concerne lediplôme d’études collégiales, deux diplômes donc auxquels on reproche d’être peu fiables et de ne pas êtrede bons prédicteurs de la réussite ultérieure des études. Des doutes existent en tout cas concernant la valeurmême des sanctions: le produit ne serait pas à la hauteurde ses promesses et le curriculum effectif serait pluspauvre que le curriculum officiel.

3.2 La définition de profils de sortie,pour une meilleure cohérenceLe premier choix stratégique concernant les cur

riculums se rattache à l’identification de profils de sortie. Ces profils, tracés non seulement par ordre d’enseignement mais également par cycle, constituent unedimension essentielle de toute politique éducative ayanttrait aux curriculums. La question à se poser est lasuivante: que devrait savoir et que devrait être capable de faire une personne au sortir de tel cycle ou detel ordre d’enseignement? quelles compétences devrait-elle avoir acquises? quelles connaissances devrait-elleposséder, quelles habiletés devrait-elle maîtriser etquelles attitudes devrait-elle avoir développées? Cesquestions appellent des réponses relativement précises, bien qu’on sache qu’en cette matière rien ne pourra,comme on dit, se trancher au couteau: elles nous renvoient; en profondeur, à la mission éducative, à la formation fondamentale et à l’intégration des apprentissages.

10. Voir, par exemple, MESS, Le Poinr de vue des employeurs sur lesformations acquises, Québec, 1992.

11. Même si le curriculum actuel prévoit un seul DES, ii en existe plusieurs, de fait. En effet, à la suite d’un jugement négatif porté surla valeur du DES à 134 ou 150 unités, des facteurs discriminatoiresviennent s’ajouter, à l’admission au cégep (ou en termes de préatables), qui ont pour effet de déclasser ce DES à 134 ou 150 unités:pourtant, son détenteur a l’impression d’avoir respecté tes règles dujeu.

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3.2.1 Une relation étroite entre le profilde sortie et la missionLorsqu’on trace un profil de sortie, on tente en

quelque sorte de concrétiser la mission propre dusystème d’éducation en général et d’un ordre d’enseignement ou d’un cycle de formation en particulier.On ne peut donc faire le débat sur un profil de sortiesans référence explicite à la mission. La mission fondeultimement les choix curriculaires.

C’estpar laformulation et la clarification d ‘objectifs généraux qu’on assure non seulement l’assise mêmede l’organisation du curriculum et le rôle de chaquediscipline, mais également l’enracinement dans unemission spécifique. Etablir un profil de sortie consistedonc à identifier, d’abord et avant tout, les connaissances, les démarches et les dispositions qu’on souhaite développer chez l’élève. La mission trouve alorsà s’exprimer dans un profil concret dont on peut vérifiers’il se réalise ou non.

Le profil de sortie est lié aux compétences jugéesimportantes à chacune des étapes de la formation. C’estle pivot des changements souhaités en direction de lacohérence à tous les ordres d’enseignement. C’est luiqui favorise l’établissement d’un fil conducteur permettant de réaliser la mission. Les compétences générales ou les objectifs généraux dans lesquels s’explicite le profil de sortie seront donc mis en lien avecla mission d’éveil et d’amorce des premiers apprentissages du préscolaire, la mission d’acquisition deslangages de base et d’initiation culturelle du primaire,la mission de formation générale du secondaire et samission de préparation d’un certain nombre d’élèvesà l’exercice d’un métier, la mission d’approfondissement spécifique ou de spécialisation technique ducollégial, la mission de formation de la relève professionnelle et scientifique à l’université.

3.2.2 Une perspective de formationfondamentaleLe profil de sortie, tant pour l’acquisition des

compétences générales que pour la maîtrise descompétences professionnelles, doit être défini dans uneperspective de formation fondamentale. C’est dire cinqchoses, tout au moins.

D’abord, la formation fondamentale est une perspective: c’est la perspective ou l’optique des apprentissages essentiels. On ne parle pas ici de matièresessentielles. On invite plutôt tous les enseignementsà se centrer sur les connaissances, habiletés et attitudes. durables, transférables, structurantes et fondatrices. Ce qui caractérise donc ces apprentissages essentiels, c’est que tous ils apprennent à apprendre.

Il faut rappeler ensuite que ces apprentissagesessentielspeuvent être génériques et transdisciplinaires. Par exemple, les capacités d’analyse, de synthèse,de pensée rationnelle ou de résolution de problèmessont génériques; ainsi en est-il de l’acquisition deméthodes de travail ou d’attitudes d’autonomie, de créativité et de responsabilité. Par son aspect ouvert et instrumental, chaque discipline peut contribuer à cesapprentissages transdisciplinaires qui font partieintégrante d’un profil de sortie.

Il faut signaler également que ces apprentissagesessentiels sont liés à l’apport spécifique original dechaque discipline. Il s’agit alors de ces ensembles deconcepts, de méthodes, de démarches et de repèreshistoriques qu’on trouve dans chaque discipline. Leprofil de sortie doit être centré sur cet apport fondamental d’une discipline, qui donne d’ailleurs chair etcontenu aux apprentissages transdisciplinaires. A tousles cycles, à tous les ordres d’enseignement, on peutalors se poser la question suivante: que faut-il enseigner dans les quinze ou trente heures à venir, sachantqu’aucun élève ne pourra jamais prendre d’autre coursdans cette discipline? On est alors renvoyé à l’essentiel et au fondamental qui se déploiera différemmentselon les ordres et les cycles d’enseignement.

Ces apprentissages sont essentiels au développement continu de la personne. Chaque personne a besoinde se donner les moyens de son développement autonome; elle doit posséder les outils de son éducationpermanente; il lui faut avoir appris à apprendre parelle-même. C ‘est dire autrement qu’elle doit avoiracquis des apprentissages durables, structurants, transférables et formateurs: c’est cela la formation fondamentale, ce qui reste une fois qu’on a tout oublié.

Ces apprentissages sont aussi essentiels à I ‘intégration sociale dynamique de la personne. Aussi bienla restructuration économique et l’avènement de lasociété de l’information que la transformation desrapports sociaux dont on a parlé plus haut exigent quel’individu soit équipé en tant que citoyen et travailleur:il y va de son intégration dynamique et de son adaptation créatrice à la société.

3.2.3 Une intégration des savoirsLa définition d’un profil de sortie axé sur les

compétences essentielles possède un double pouvoirintégrateur: elle permet le rapprochement des disciplines ou des matières et l’intégration des apprentissages.

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Le profil de sortie peut représenter un déterminant majeur pour l’élaboration des cours et des programmes etpour l’enseignement des disciplines. II permet en effet l’élagage des objectifs et des contenuset leur restructuration autour des compétences essentielles dont on poursuit l’acquisition. fl favorise également le partage d’une responsabilité collective. Ilsuscite enfin la concertation éducative, la collaboration interdisciplinaire et le rapprochement des disciplines. En somme, le profil de sortie est un excellentmoyen d’intégration des enseignements.

Mais c’est aussi un excellent moyen d’intégrationdes apprentissages’2. Les apprentissages intégrés dansla tête et le coeur des élèves sont ceux qui ont trouvéà la fois leur point d’ancrage et leur point d’application. Mais ce sont aussi ceux qui sont situés dans l’univers intérieur, qui ont établi des liens avec d’autresapprentissages et qui ont trouvé leur place dans l’organisation interne des savoirs. Or le profil de sortie peutfaciliter ces ancrages, ces applications et ces liens, justement parce qu’il favorise les relations entre les enseignements. Le profil de sortie doit donc être au coeurdes avenues de développement des curriculums pourl’avenir, d’autant plus qu’il convient à tous les typesd’enseignement et peut s’appliquer à tous les ordreset à tous les cycles d’enseignement. Il constitue sansdoute la réponse la plus appropriée aux diverses formes de l’incohérence signalées plus haut.

3.3 La diversité dans les curriculumsLe deuxième choix stratégique a trait à la diver

sité à préserver ou à introduire dans les curriculums.Du primaire à l’université, les dispositions curriculaires devraient permettre, selon des accents différentsde toute évidence, l’existence de cette diversité: il yva ici du souci de la réussite du plus grand nombreet de l’équilibre d’une formation de qualité.

3.3.1 Le refus de l’uniformité etdu cloisonnementFavoriser la diversité dans le curriculum, c’est

contribuer au nécessaire partage du savoir dont on aparlé plus haut. Celui-ci exige en effet qu’on soutiennedes cheminements étudiants variés jusqu’à la réussiteet qu’on permette à tous et toutes l’accès à une formation large et polyvalente.

La variété des cheminements jusqu ‘à la réussiteéducative, d’abord. En contexte de fréquentation demasse, non seulement à l’enseignement obligatoire maiségalement à l’enseignement supérieur, l’hétérogénéitéfait son apparition dans le système d’éducation’3. Les

12. C5E, L’intégration des savoirs I...], pp. 29-32.13. CSE, Les Nouvelles Populations étudiantes des collèges et des uni

versités: des enseignements à tirer, Québec, 1991.

profils sont de plus en plus diversifiés, tant en ce quia trait au sexe et à l’âge qu’en ce qui concerne ladiversité ethnique ou linguistique, l’origine socioéconomique, les conditions financières, les formationsantérieures et les modes d’apprentissage. La démocratisation de l’éducation réside alors, par delà leschances d’accès aux études, dans les chances d’accèsà la réussite éducative. Or, cela exige, contre l’uniformité, la diversité à l’intérieur même du curriculum.

L’accès à des formations larges et polyvalentes,également. En aucun cas, la diversification introduiteà l’intérieur des curriculums ne devrait permettre lescloisonnements, les enfermements et les formationsrétrécies. Au contraire: la diversité dont on parle icirequiert justement l’ouverture la plus grande sur tousles domaines du savoir ou, dans le cas des qualifications professionnelles, l’ouverture la plus large sur leschamps professionnels. Ce qui est refusé, au nom mêmed’une formation de qualité, c’est le cloisonnement,l’enfermement et le rétrécissement.

3.3.2 Une diversification à tous les ordresd’enseignementLes curriculums se déploient dans des objectifs

généraux ou des compétences fondamentales, dans descours ou des contenus et dans des parcours ou des cheminements. Il est important de faire cette distinctionentre objectifs généraux, cours et parcours, car la diversité peut jouer, par exemple, en ce qui a trait aux courset aux parcours, sans nécessairement devoir existeren ce qui concerne les objectifs généraux à poursuivre.Examinons de plus près ce qu’il en est pour chaqueordre d’enseignement.

Au primaire, l’acquisition des langages de basedevrait se faire dans un contexte d’initiation culturelleet de développement personnel et pourrait être réalisée selon une formule curriculaire comprenant troiscycles. De toute évidence, l’acquisition des langagesde base qui est au coeur de la mission de l’école primaire ne devrait se faire ni sans cette ouverture auxdifférents volets de la culture ni sans cette perspectivedu développement personnel. Le cloisonnementconsisterait ici en un enfermement dans des codes fonctionnant à vide’4, enfermement auquel n’échappe pasle mouvement d’un «retour à l’essentiel’> — back tobasics — mal compris.

14. CSE, Une pédagogie pour de,nain [..], pp. 19-25.

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Par ailleurs, il y aurait lieu d’explorer la constitution de trois cycles au primaire. Ces trois cyclescorrespondraient à trois étapes différenciées du cheminement des élèves, chaque cycle établissant uneannée d’innovation et une année de consolidation.Permettant la constitution d’équipes restreintes d’enseignantes et d’enseignants, cet aménagement curriculaire favoriserait du même coup les tâches liées au diagnostic et à l’encadrement et rendrait davantagepossibles une certaine diversification des parcours etun certain assouplissement du modèle de promotionmieux accordés aux rythmes d’apprentissage’5.

Au secondaire, en formation géndraie, ilfaut diversifier sans spécialiser et, en formation professionnelle,favoriser la polyvalence et les parcours en alternance.Le Conseil y insiste depuis plusieurs années: il fautredécouper les deux cycles du secondaire et accroîtrela diversification du curriculum au second cycle,n’incluant que la 4e secondaire et la 5~ secondaire, enélargissant et en rendant effectif le domaine desoptions’6 et en ouvrant la possibilité de bours avancés dans les matières obligatoires. La diversificationne joue donc pas ici sur le plan des objectifs générauxcommuns, mais se réalise tout spécialement en ce quiconcerne les cours. Mais la diversification inclutégalement la reconnaissance de besoins particuliersà certaines clientèles: tout en poursuivant les mêmesobjectifs généraux essentiels, le curriculum doit favotiser certains parcours diversifiés de formation généraledès le premier cycle du secondaire. Pour une catégoried’élèves, de tels parcours adaptés demeurent la seulepossibilité d’éviter le décrochage hâtif. Le droit à ladifférence doit donc pouvoir s’exprimer dans des cheminements particuliers authentiques, dans lesquels lescontenus des programmes ont été recentrés sur l’essentiel et prennent appui sur des situations de vie17; dansun parcours curriculaire plus axé sur l’approche pratique et technique de la formation générale — par exemple, la voie technologique — et sur la préparation àla vie active18; dans des mécanismes appropriés dereconnaissance des acquis et des formules souples derattrapage de la formation manquante pour lesadultes’9.

15. Ibid., pp.4l.42.

En formation professionnelle,. il importe d’empêcher l’enfermement et le cloisonnement, en favorisantdes formations polyvalentes ouvertes sur un champprofessionnel plus vaste qu’une fonction de travail.En outre, il s’avère pertinent de développer les formations en alternance ou des formules concrètesd’apprentissage en milieu de travail, ce qu’on appelleailleurs un aménagement à caractère dual20: celaexige cependant de nécessaires expérimentations, étantdonné l’absence de tradition éducative à cet égard. Dansle premier cas, la diversité est maintenue par les courset leurs contenus ouverts; dans le second cas, elle estpromue par la différenciation des parcours.

Au cégep, pour maintenir la polyvalence, il fautrefuser le cloisonnement et l’uniformité dans les secteurs technique et préuniversitaire. Dans le secteurtechnique, il importe d’abord de toujours maintenirla polyvalence de la formation et de refuser l’enfermement, non seulement par la poursuite de la formation générale mais également par l’existence de troncscommuns préservant l’ouverture sur des champs professionnels plus larges qu’une spécialité «pointue21».Mais il est aussi essentiel de développer des programmes de durée variable et d’offrir des formations courtes aux détenteurs et détentrices d’un diplôme d’études collégiales ou d’un diplôme d’étudesprofessionnelles tenant compte de leurs acquis, demême que des étapes certifiées par des attestationsmenant à l’obtention d’un diplôme d’études collégiales.

Dans le secteur préuniversitaire, la diversificationdoit exister, mais non la spécialisation. Touteconcentration dans un champ du savoir — arts et lettres, sciences de la nature ou sciences humaines —

doit s’accompagner d’une ouverture significative surles autres champs. Un principe de complémentaritédoit jouer ici, afin que soit maintenue une ouvertureà la diversité des champs culturels à l’encontre de toutenfermement22.

20. CSE, La Formation professionnelle au secondaire [J, pp. 36-37;ces formules seraient particulièrement adaptées aux jeunes qui ontbesoin de situations concrètes d’apprentissage et elles favoriseraientdu même coup leur insertion socioprofessionnelle.

21. C5E, L ‘Enseignement supérieur: pour une entrée réussie [.1,pp. 39-40.

22. Ibid., pp. 39 et 43.

16. Cela exige, par ailleurs, une remise en question de l’utilisation abusive des sciences de la nature et des mathématiques, notamment en4’ secondaire, et une révision des préalables collégiaux, voir, à cesujet: CSE, Les Sciences de la nature et la mathématique [.. 1. etAméliorer l’éducation scientifique sans campro~nettre I ‘orientation desélèves, Québec, 1989.

17. CSE, Les che;ninenzentspartic,niers [J. On doit distinguer entreles cheminements particuliers «temporaires» et les cheminements particuliers «continus’>. Il est évident que, pour les cheminemens«continus», les objectifs généraux ne peuvent être les mêmes; il fautd’ailleurs développer ici des formes d’attestation de compétences autresque les diplômes officiels.

18. C5E, La Formation professionnelle au secondaire: faciliter les parcours [J, pp. 19-20.

19. Ibid., pp. t 7-19 et CSE, En formation professionnelle [,1.

1’

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Aupremier cycle universitaire, la diversité résideessentiellement dans I ‘élargissement de la base disciplinaire desprogrammes. fi importe de trouver un meilleur équilibre d’abord entre la spécialité disciplinaireet son ouverture sur un champ professionnel plus vasteou sur une famille de disciplines plus large et de promouvoir également les visées et les pratiques interdisciplinaires. Mais il est aussi important d’harmoniserla spécialité disciplinaire avec une composante essentielle de formation générale et d’ouverture culturelle,qui devrait occuper, pour être significative et porterfruit, environ le tiers de l’espace curriculaire23.

3,4 La hausse des exigences en matièrede compétences généralesL’une des critiques les plus fréquentes et les plus

virulentes à l’endroit du système d’éducation concerneles exigences à tous les ordres d’enseignement, maisnotamment au secondaire. La qualité de la formationest, de la sorte, en cause. Une société fondée sur lesavoir appelle, du même souffle, une démocratisationde l’éducation qui, par delà l’accès aux études et auxdiplômes, assure la qualité de la formation. Elle imposeen quelque sorte l’objectif et le choix stratégique dela hausse des exigences dans les curriculums et requiertla valorisation de l’effort au coeur même de la culturescolaire.

3.4.1 La proposition de défis sérieux

C’est sans doute l’un des effets pervers d’une largeaccessibilité des études que de retrouver, dans les écolessecondaires, les collèges et les universités, des étudiantes et étudiants dont les préparations s’avèrentinsuffisantes et les motivations, déficientes24. Cela nesignifie aucunement qu’il faille reculer en matièred’accessibilité des études ni qu’il faille abandonnerl’objectif de hauts taux de diplomation. Mais il fautbien comprendre que l’accessibilité et la diplomationdoivent s’harmoniser ici avec une indéniable et indispensable poursuite de la qualité de la formation: cequi renvoie, pour une part du moins, aux contenusdes curriculums.

Une part significative de la population étudiantesemble man~fester un désintérêt et un-désengagementcertains à l’égard des études. Formations antérieuresdisparates, réussites sans efforts et accaparement parun travail rémunéré convergent vers la baisse des exigences. Cette pression à la baisse s’exerce non seulement sur les pratiques pédagogiques des enseignants

23. Ibid., p. 40. En outre, le Conseil voit également les programmes decertificat comme pouvant, dans le respect d’une diversification descheminements, favoriser l’accès aux études supérieures à diverses populations étudiantes (p. 174).

24. CSE. Les Nouvelles Populations étudiantes [.. .1, pp. 74-76 etLe Travail rémunéré des jeunes [.. .1.

et des enseignantes — incluant l’évaluation des apprentissages — , mais également sur les objectifs et lescontenus des programmes, sur l’organisation scolaireet sur les exigences pour l’obtention du diplôme.

Les curriculums officiels et effectifs doivent livrerle message de defis sérieux qu’il n’est pas facile derelever sans efforts et d’exigences élevées auxquellesil importe de répondre pour réussir. Autrement, l’accèsaux études et aux diplômes s’accompagne de formations médiocres; autrement aussi, l’accès aux étudeset aux diplômes est associé à «baisse du niveau»: alors,la démocratisation est incomplète, insuffisante,inachevée.

3.4.2 La hausse du niveau à tous lesordres d’enseignement

Aucun ordre d’enseignement n ‘échappe à cettepression à la baisse sur les contenus des programmeset les exigences permettant de franchir une étape oud’obtenir un diplôme. C’est donc dans l’ensemble dusystème qu’il faut «résister25» et maintenir, dans lescurriculums, une pression à la hausse du niveau.

Auprimàire, il ne fautfaire aucun compromis surun certain niveau de mattrise de la langue maternelleou d’adoption. Même si la langue doit s’apprendreen contexte de situations d’apprentissage signifianteset dans une interaction féconde avec les matières del’initiation culturelle et du développement personnel,un niveau de compétence linguistique doit être acquisau terme des études primaires. L’exigence de rigueuret de respect du code doit s’imposer, dès le primaire.On est en droit de penser que le profil de sortie duprimaire en langue devrait comprendre normalementune utilisation aisée, intelligente et agréable de la lecture et une communication parlée et écrite significative ét compréhensible. Cela reflète donc un premierniveau de maîtrise du code linguistique26.

Au secondaire — c’est sans doute à ce palier quele bât blesse le plus — , il faut à la fois hausser lesexigences pour l’obtention du diplôme d’études secondaires et réintroduire la formation générale dans lescheminements menant à la qua4fication professionnelle. Le Conseil croit qu’il faut agir sur deux plans:hausser les exigences pour l’obtention du DES etadmettre plus tôt les élèves qui le désirent en formation professionnelle, tout en réintroduisant la formation générale dans les cheminements menant à la qualification professionnelle. Ces deux stratégies,conjuguées, convergent vers un renforcement de la

25. Neil Postman, Enseigner c’est résister, Paris, Le Centurion, 1981.

26. C5E, La Qualité du français [...], pp. 14-16 et 25-28.

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formation générale souhaitable et vers un accroissement de la persévérance scolaire pour un certain nombre d’élèves qui ne peuvent attendre après un DESou une 4~ secondaire pour entreprendre leurs étudesprofessionnelles.

II faut, en premier lieu, hausser les exigences pourl’obtention du DES. Il importe d’abord de s’entendresur la portée de ce diplôme, convenir qu’il sera terminal pour un certain nombre sans empêcher pour autantleur retour éventuel aux études et qu’il sera une étapepour d’autres. En effet, ce diplôme doit permettred’accéder au marché du travail dans des fonctions quine requièrent pas de qualifications particulières ou depoursuivre des études supérieures: les mêmescompétences générales devraient être sanctionnées dansl’un et l’autre cas, c’est-à-dire un même niveau normal de formation correspondant à l’<cécole obligatoire’>,et dont plusieurs observateurs disent qu’il sera à peinesuffisant d’ici quelques années. En outre, quelle quesoit l’orientation des jeunes — entrée sur le marchédu travail ou poursuite des études supérieures —‘ laformation générale de base doit comporter lescompétences nécessaires à un fonctionnement autonome et responsable en société et à l’exercice des rôlesde citoyen ou citoyenne.

En conséquence, il faut assurer une meilleure solidité et une plus grande fiabilité du DES. La formationgénérale qu’il doit sanctionner, on l’a rappelé, doitinclure une maîtrise significative des langages de baseet une ouverture aux grands domaines de la culture.Sur la base à la fois des principes énoncés plus hautet de cette vision de la formation générale, le Conseilcroit que la séquence complète des cours obligatoiresde 4~ et 5~ secondaire en langue d’enseignement, enmathématiques et en langue seconde devrait être réussie pour la sanction; de même un cours général ensciences sociales et humaines — géographie / histoire —

et un cours général en sciences de la nature —

chimie/physique — devraient également être réussispour l’obtention du diplôme27. En outre, le diplômed’études secondaires, base commune d’insertion socialeet accès à l’ensemble des programmes du collégial,doit être fiable. Il doit être un indicateur crédible duniveau de compétences générales atteint. Les examenscommuns, locaux et ministériels, doivent témoignersérieusement des compétences acquises et rendre lediplôme encore plus fiable28.

27. Les séquences de mathématiques et de sciences de la nature, dont parleici le Conseil impliquent qu’on en revienne aux cours de mathématique 414 et physique 414. Le Conseil a déjà dit aussi qu’il fallait procéder à un rééquilibrage de la séquence de mathématique et incluredans le cours de mathématique 514 les contenus notionels jugés nécessaires à l’admission dans le plus grand nombre de programmes ducollégial, voir, à ce sujet: Les Sciences de la nature et la inathérnatique [.. .1.

28. Pour parer aux exclusions qui pourraient être liées à cette hausse desexigences, il importe que des mesures de diversification dans le curriculum, la pédagogie et l’organisatiun scolaire soient mises en oeuvre.

Mais le diplôme unique ne doit pas être uniforme.Il doit comprendre, sur la base d’un même noyau deformation générale, des enrichissements possibles descours obligatoires pour ceux et celles qui le souhaiteraient en fonction de leurs études ultérieures, toutspécialement. Ces enrichissements doivent être visiblesdans le dossier de l’élève. Par ailleurs, le diplômeunique doit aussi laisser place à des cours optionnelssolides et riches que les élèves choisissent en fonctionde leurs goûts, de leurs intérêts, de leurs études ultérieures ou de leur future orientation. C’est pourquoile Conseil s’est fortement opposé à ce qu’on réduisela plage des cours optionnels afin d’augmenter le tempsconsacré à des cours obligatoires de sciences et demathématiques conçus comme outils de sélection.

II faut, en second lieu, ouvrir systématiquementet pour tous ceux et celles qui le désirent l’accès à laformation professionnelle après la troisième secondaire. C’est là une façon d’introduire la diversité dansles parcours et de s’assurer qu’un certain nombre d’élèves ne sortiront pas du système scolaire sans une certaine qualification. Après un premier cycle de troisans assurant l’atteinte d’objectifs communs de formation générale, il importe donc d’ouvrir la porte de laformation professionnelle à tous les jeunes qui désirent s’y engager: plusieurs de ceux et celles qui décrochent actuellement, parce qu’ils la trouvent trop lointaine, pourraient sans doute en faire le choix et yretrouver une motivation perdue. Cependant, dans lemême mouvement, il importe de poursuivre enconcomitance l’acquisition des compétences générales, qui assureront tout autant l’insertion sociale quel’accès éventuel aux études collégiales29. Car la diminution des exigences de formation générale à l’entréene doit pas signifier, bien au contraire, une diminution des exigences de formation générale à la sortie.

II faut par ailleurs porter une attention toute spécialeà desjeunes de 16 à 18 ans qui, en raison de handicapsintellectuels ou de troubles graves d’apprentissage,n’atteindront pas le diplôme d’études secondaires. Ilimporte de songer, pour eux, aux modes d’insertionsociale dont on a parlé plus haut — formations en alternances et formules d’apprentissage, par exemple —

et à des formes d’attestation et de reconnaissance descompétences qu’ils auront pu se donner, Cela signifieque certains pourraient fréquenter l’école à temps

29. Pour pousser plus loin la réflexion, voir Renée Carpentier, LeCurriculum ~.. .1.

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partiel, tout comme les adultes plus âgés qui effecment un retour à l’école et pour lesquels il faut d’ailleurs instaurer un système efficace de reconnaissancedes acquis.

À l’enseignement supérieur — au collège commeau premier cycle universitaire — , il est important dese donner des exigences élevées de formation générale. Qu’il s’agisse de la concentration préuniversitaire,de la spécialisation technique ou de la spécialisationdisciplinaire, dans tous les cas il importe de maintenirl’ouverture sur les autres champs du savoir, selon unprincipe de complémentarité. Ici aussi, au nom d’uneintégration sociale dynamique liée à la citoyenneté etaux évolutions professionnelles, il est primordial depromouvoir dans les curriculums un niveau élevé decompétences générales.

La cohérence et l’exigence à instaurer davantagedans les curriculums ne vont pas sans la diversification. La fréquentation scolaire de masse requiert eneffet une diversité de parcours, si l’on souhaite menerle plus grand nombre à la réussite éducative. Mais unesociété fondée sur le savoir exige, pour sa part, quele savoir partagé soit de qualité: d’où la nécessité dela cohérence et de l’exigence dans les curriculums.Ces trois choix stratégiques sont donc inséparables dansl’optique d’une nouvelle phase de démocratisation.

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Chapitre IVLa pédagogie: sortir del’uniformité des pratiquesComment concilier la fréquentation de masse avec

une réussite éducative qui ne sacrifie pas la qualitéde la formation? Comment faire en sorte que l’égalitédes chances d’accès à l’école, au collège et à l’université se prolonge en égalité des chances de réussite etouvre sur l’acquisition de réelles compétences générales et professionnelles? Ces grandes questionsconcernant la nouvelle phase de démocratisation del’éducation rejaillissent sur la pédagogie. A tous lesordres d’enseignement, elles rejoignent ce qu’on peutsans aucun doute considérer comme le coeur mêmedu système éducatif: la relation pédagogique.

Le présent chapitre traite donc de cette relationpédagogique’. Dans une première section, il montreque, de l’école primaire à l’université, un nouveau souffle pédagogique est nécessaire. Dans une deuxième section, il rappelle que la relation pédagogique est la relation la plus déterminante pour l’accès des élèves ausavoir. Dans une troisième section, il propose l’exploration d’approches prometteuses. Enfin, dans une quatrième section, il indique quelques aspects d’une écologie éducative favorable à la relation pédagogique.

4,1 De l’école primaire à l’université:la nécessité d’un nouveau souffleDe l’école primaire à l’université, l’activité

pédagogique se déploie dans des contextes fort différents qu’on ne fera qu’évoquer ici: à chaque ordred’enseignement, en effet, des pratiques pédagogiquescaractéristiques sont à noter et le renouveau souhaitéy trouve déjà quelques points d’appui particuliers. Cequi ressort, pourtant, c’est partout cette nécessité d’unnouveau départ, d’un second souffle ou d’un renouveau qui nous sorte de l’uniformité des pratiques, sil’on souhaite vraiment entrer dans la nouvelle phasede démocratisation de l’éducation.

1. Consulter, entre autres: Susanne Fontaine, L ‘A cdvitépédagogique, bilanet perspectives de renouveau, CSE, Québec, 1993 (Colt. «Etudes etrecherches»); CSE, L’Aclivitépédagogique, Rapport annuel 1981-1982sur l’état et les besoins de l’éducation, Québec, 1982; La Qualité del’éducation: un enjeu pour chaque établissement, Rapport annuel1986-1987 sur l’état et les besoins de l’éducation, Québec, 1987,pp. 26-27 et 36-37; Le Rapport Parent, vingt-cinq ans après, Rapportannuel 1987-1988 surl’étatetles besoinsde l’éducation, Québec, 1988,pp. 22, 65-66, 92, 104, 144; La Pédagogie, un défi majeur de l’enseignement sup érieur, Québec, 1989; Les Enfants du primaire, Québec,1989, chapitres 3 et 4; L’intégration des savoirs au secondaire: aucoeur de la réussite éducative, chapitre 1 et pp. 35-38; Les NouvellesPopulations étudiantes à l’enseignement supérieur: des enseignementsà tirer, Québec, 1991, pp. 33-46 et pp. 67-69, 76; Une pédagogie pourdemain auprimaire, Québec, 1991; La Profession enseignante: versun renouvellement du contrat social, Rapport annuel 1990-1991 surlétat et les besoins de l’éducation, Québec, 1991, pp. 21-27; Evaluerles apprentissages au primaire, un équilibre à trouver, Québec, 1992,pp. 3948; L ‘Enseignement supérieur: pour une entrée réussie dansle XX? siècle, Québec, 1992, pp. 133-136.

Les jeunes critiquent l’enseignement qui leur estdonné et soulignent l’importance d’un renouveau pédagogique. A l’école, au collège et à l’université, ils ontpris la parole sur le sujet; les résultats des études etdes consultations le confirment. Dans un sondagerécent, on a posé la question à un échantillon de jeunes de 15 à 24 ans2. Leur réponse est claire: le tiersd’entre eux (34 %) pointent «la façon d’enseigner»comme étant l’aspect qui a le plus besoin d’amélioration — selon leur expérience scolaire — , et le quart(26 %) signalent «la possibilité d’apprendre à travailler par soi-même». Donc, au total, selon ce sondage,c’est 60% desjeunes qui remettent en question la pédagogie et le développement de l’autonomie dansl’apprentissage scolaire. Viennent ensuite l’aide desprofesseurs — pour 15 %des jeunes — le milieu devie — pour 12% des jeunes — et le contenu des cours— pour li % d’entre eux. Quels que soient leur âgeet leurs caractéristiques sociodémographiques, les jeunes ont été unanimes sur cette question, qu’ils aientou non déjà quitté le système scolaire et quel que soitleur niveau de scolarité.

4.1.1 Là où se maintient un îlot destabilité dans une mer en turbulence:l’école primaireLes phénomènes sociaux dont on a parlé au cha

pitre premier entourent, en quelque sorte, l’école primaire. Qu’on le veuille ou non, ils finissent par rejoindre, par delà les structures et le fonctionnement généralde l’école, la pédagogie elle-même.

Des faits marquants témoignent plus particulièrement de la mer en turbulence dans laquelle baignel’école primaire3. La famille, environnement premierdans lequel habite l’enfant, s’est modifiée, forçant entreautres choses l’école à redéfinir les rapports qu’elle

2. À la demande du CSE, cette question a été intégrée au sondage de lafirme SOM inc. réalisé en mai 1993 auprès d’un échantillon représentatif de jeunes de 15 à 24 ans.

3. CSE, Une pédagogie pour demain ~l. pp. 3-15.

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entretient avec les enfants. L’expansion des connaissances, dans la société de l’information, remet enquestion la manière de concevoir les rapports auxsavoirs et les façons de les transmettre. L’affirmationdes différences — ethniques, socio-économiques oufamiliales, par exemple — transforme le tissu socialde l’école et fait de la classe un premier lieu d’accueilde toutes les différences.

Dans cette mer agitée, l’école primaire projettel’image d’une relative stabilité. Son organisation pédagogique a peu bougé, au cours des dernières années.Son approche éducative est demeurée, dans l’ensemble, plutôt traditionnelle. La pratique pédagogiques’appuie donc, malgré les percées du renouveaupédagogique souhaité par le rapport Parent, sur unenseignement collectif, peu différencié et centré surla réussite de l’élève moyen. Et, dans la pratiquequotidienne, on a peu ou prou réussi à harmoniserl’approche par objectifs promue dans les programmesavec l’approche centrée sur la participation et le développement de l’enfant véhiculée par les nouveauxcourants éducatifs, bien que des expériences novatricesde transdisciplinarité ou d’individualisation de l’enseignement aient été faites ici et là.

Il existe par ailleurs quelques points d’appui significatifs, donnant ses chances au renouveau souhaité.Le titulariat et la stabilité du groupe-classe permettentà l’enseignante ou l’enseignant de mieux connaître lesenfants, d’assurer un suivi de leur cheminement etd’apporter les correctifs qui s’imposent. De même,ce milieu généralement à dimension humaine, favorise davantage l’échange entre pairs, voire le travaild’équipe. Il est aussi plus facilement ouvert à la collaboration des parents et à la participation des enfants4.

4.1.2 Là où se vit le premier vrai chocde l’hétérogénéité: l’école secondaireContrairement à l’école primaire, l’école secon

daire a été le lieu de profondes transformations structurelles, depuis la réforme des années soixante. Plusieurs d’entre elles ont eu des effets d’uniformisation:par exemple, curriculum commun, intégration des élèves forts, moyens et faibles dans une même classe ouabolition des voies et des filières officielles. Ce sontlà autant de mesures uniformisantes qui ne se sont pasaccompagnées d’une diversification des pratiques pédagogiques. Au contraire, l’enseignement est resté collectif, à peu près le même pour tous, dispensé par unpersonnel enseignant spécialisé, évalué de façon sommative de la même manière et au même moment pourtous les jeunes.

4. Il y aurait lieu de mentionner aussi la faculté d’émerveillement encoreintacte chez les enfants, favorable au passage du courant entre l’enseignante ou l’enseignant et l’élève.

Pourtant, au secondaire, l’hétérogénéité des clientèles éclate au grand jour. Elle entre dans la classeet tente de s’y affirmer. La diversité des appartenances culturelles s’y retrouve; la variété des stylesd’apprentissage y cherche sa voie; les écarts dans lescheminements y sont plus marqués; la valorisation desétudes connaît des degrés fort variables d’un élève àl’autre. En un sens, l’hétérogénéité frappe littéralement à la porte de la classe et interpelle la pédagogie.

Des points d’appui pour le renouveau existentcependant. Certaines initiatives émergent pour favoriser la réussite du plus grand nombre possible: qu’onse rappelle que des expérimentations sont en coursconcernant la voie technologique ou l’alternancetravail-études; qu’on songe aux regroupements plusconviviaux effectués souvent par degré et aux formules de tutorat et de titulariat expérimentées dansplusieurs milieux. De telles initiatives et de tels engagements témoignent du fait que le «feu du renouveaupédagogique>’, même vacillant, est bien vivant.

4.1.3 Là où existent isolement etdynamisme: le cégep

C’est dans une grande mouvance et face à desclientèles en croissance et en diversification que s’estforgée, au fil des années, la pédagogie collégiale.Progressivement, se sont construits et consolidés desacquis pédagogiques durables. Les enseignantes etenseignants de cégep, pour la plupart sans formationpédagogique préalable, ont entrepris de se former «surle tas», au coeur de leur pratique. Plusieurs témoignentd’une réelle préoccupation pédagogique, confrontéseux aussi, au centre de leur activité pédagogique, auxtransformations sociales, à l’expansion des savoirs età l’affirmation des différences.

Ce dynamisme important dans la recherche pédagogique s’accompagne d’un isolement professionnelsouvent souligné. Le cégep est en quelque sorte diviséen départements eux-mêmes isolés. Et cette structureorganisationnelle, qui peut être un véritable centrenerveux de vie pédagogique et d’échange disciplinaire,est encore trop souvent un lieu de résistance au changement pédagogique et un moyen de maintenir l’activité éducative comme un acte privé. Ce faisant, ellecontribue à renvoyer chaque enseignante ou enseignantà son propre isolement pédagogique et professionnel.

Des points d’appui existent pourtant, garants del’éventuel renôuveau souhaitable. L’intérêt soutenud’un nombre significatif d’enseignantes et d’enseignants pour la recherche et le perfectionnement pédagogiques ne s’est pas démenti, au fil des ans, bien aucontraire. C’est le réseau collégial lui-même, et nonseulement des enseignantes et enseignants isolés, quise sont donné une compétence reconnue en matière

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de recherche et de perfectionnement pédagogiques,ce qui rend les responsables des établissements plusconscients des besoins à cet égard.

4.1.4 Là où l’éducation ne s’est pas faitepédagogie: l’universitéInstitution de haut savoir, l’université sélectionne

son personnel professoral, d’abord et avant tout, surla base de ses compétences scientifiques et n’exige,jusqu’à maintenant, aucune préparation pédagogique.Lc~pédagogie n ‘occupe donc pas une place importanteà l’université. Le spécialiste d’une discipline tient généralement la pédagogie pour secondaire: il se souciedavantage du savoir à développer et à transmettre quede l’utilisation d’approches pédagogiques adaptées àceux et celles à qui il le transmet. Et, de fait, l’enseignement universitaire est largément demeuré traditionnel, magistral et axé sur la transmission desconnaissances. Qui plus est: la culture universitaireaccorde encore trop peu de place, dans ses pratiquesde promotion et de reconnaissance professionnelles,à la compétence et à la réussite pédagogiques, ce quitémoigne d’ailleurs de la valeur relativequ’elle accordeà l’enseignement.

Pourtant, ici aussi, despoints d’appui existent pourun éventuel renouveau. Plusieurs individus, professeurs et chargés de cours, ont commencé à prendreconscience des exigences propres de la pédagogie5.La voix des étudiantes et étudiants est de plus en plusclaire et se fait davantage entendre par l’institution àcet égard. Les politiques de promotion professionnellecommencent à prendre en considération la réussitepédagogique. Et des services de pédagogie universitaire — qu’il serait souhaitable de réanimer et de revivifier — existent comme lieux de soutien pédagogique.

4.2 Une relation déterminante pourl’accès au savoirLa pédagogie est l’activité par laquelle une per

sonne en aide une autre à apprendre et à se développerdans un contexte institutionnel et social donné6. Onpeut clairement discerner, dans cette définition, lestrois pôles essentiels de la pédagogie ou ce qu’onappelle parfois le «triangle pédagogique»: l’apprenantou l’apprenante, l’enseignant ou l’enseignante et lesavoir incluant les connaissances, les habiletés et lesattitudes. La définition signale également que la

5. Par exemple, à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrookese pratique, de façon systématique, une pédagogie du diagnostic et dela résolution de problèmes.

6. CSE, La Pédagogie, un défi majeur r... l, p. I.

pédagogie ne se déploie pas en vase clos: elle est enlien avec le contexte institutionnel et social. De touteévidence, les conditions organisationnelles d’un établissement et le devenir de la société — aujourd’hui,une société qui requiert le partage du savoir — agissent sur l’interaction existant entre les trois pôles. Cequi importe ici, c’est de rappeler brièvement ces interactions ou ces relations qui font que la qualité de l’activité pédagogique est déterminante pour l’accès ausavoir et la nouvelle démocratisation dont on parle.

4.2.1 Au point central:la relation de médiationEntre l’enseignante ou l’enseignant et l’élève7

existe une relation qui constitue l’essence même dela pédagogie: c’est la relation de médiation8. Il s’agitprécisément de cette aide par laquelle une personneformatrice assiste une personne apprenante dans soncheminement vers le savoir. Dégageons ici trois aspectsde cette aide.

Le premier aspect consiste à faire ce qu’on peutappeler le diagnostic. Puisque l’acquisition de toutsavoir nouveau ne s’effectue que sur la base des savoirsdéjà possédés, la première tâche de l’enseignante oul’enseignant consiste à repérer chez ses élèves, d’unepart, les failles ou les problèmes qui requerront desmises à niveau ou des encadrements spéciaux et, d’autrepart, les acquis qui serviront d’ancrage aux nouveauxsavoirs. Le premier moment de l’acte pédagogique estun moment d’accueil, un temps de reconnaissance duprofil des élèves, afin que soient discernés les accompagnements nécessaires et que les nouveaux savoirspuissent se greffer sur les savoirs initiaux9.

Le deuxième aspect consiste à miser sur le besoind’apprendre et le désir de se dépasser des élèves. Dansbien des cas, l’action pédagogique devra se centrersur l’éveil ou le réveil de ce besoin et de ce désir. C ‘estlà le terreau le plus sûr pour toute avancée dans ledomaine du savoir. La relation de médiation doit permettre au besoin d’apprendre et au désir de se développer d’émerger, car c’est par là qu’entre le plaisird’accéder au savoir. Ce plaisir d’apprendre est indissociable, faut-il le répéter, de l’effort de dépassementde soi et de la signification des apprentissages. Ce sontlà, à n’en point douter, les principaux leviers d’unevéritable motivation à apprendre.

7. Le terme ‘(élève’ est pris, ici comme ailleurs, dans son sens génériqueenglobant tous ceux et celles qui sont aux études, du primaire à l’université.

8. Philippe Meirieu, L ‘École, mode d’emploi: des ,nérhodes actives à lapédagogie différenciée, Paris, Editions E5F, 1985, pp. 95 et suivantes; Michel Saint-Onge, Moi, j’enseigne, niais eux apprennent-ils?,Actes du 10’ colloque de pédagogie collégiale, Tiré à part, t990,pp. 10 et suivantes.

9. C5E, L’intégration des savoirs [.1, pp. 35-36.

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Le troisième aspect consiste à guider l’élève dansla construction de son savoir. L’enseignante ou l’enseignant indique ici la direction des contenus essentielset montre comment il faut faire pour parvenir à se lesapproprier. En somme, il propose des contenus et desdémarches, soutient les élèves dans leur cheminementvers le savoir, les appuie dans leur quête de savoirs,de savoir-faire et de savoir-être. Ici s’exprime fondamentalement la fonction du «maître» qui indique lechemin, dirige la marche, conseille, éclaire et oriente,en témoignant lui-même de son propre cheminementvers le savoir. Mais le maître peut également être celuiou celle qui accompagne les élèves et coopère aveceux dans leur tâche de s’approprier des savoirs quiles mènent tantôt vers l’acquisition de compétencesgénérales tantôt vers la maîtrise de compétences professionnelles. Il est à noter, par ailleurs, que les pairspeuvent jouer un rôle dans cette relation de médiation, notamment en apportant leur aide ou en étanteux-mêmes sources de connaissances.

4.2.2 En amont: la relation del’enseignante ou l’enseignant au savoirC’est une exigence de la relation de médiation que

l’enseignante ou l’enseignant ait établi et continue d’établir une relation privilégiée avec le savoir. Cette relation doit exister, de la façon la plus intégrée possible— elle se poursuit normalement au fil de la pratiquequotidienne — , avec une pluralité de savoirs qui dessinent précisément la compétence enseignante’°.

Ily a d’abord la relation à l’ensemble des champsdu savoir. Il y va ici de l’ouverture incessante de l’enseignante ou de l’enseignant aux divers domaines du savoirtoujours en évolution. L’apprentissage approfondid’une discipline ou d’une technique ne doit pas empêcher l’enseignante ou l’enseignant de demeurer ouvertaux autres modes de compréhension ou de transformation du réel. Il s’agit donc bien de cette culture générale qui lui permettra de situer sa propre discipline,de s’ouvrir à des objectifs et contenus de formationtransdisciplinaires et d’aménager avec ses collèguesdes collaborations interdisciplinaires.

Il y a aussi la relation au savoirproprement disciplinaire. Cette relation est incontournable. Tout «maître» est d’abord un maître d’humanité et de culture,certes. Mais il est aussi le maître d’une discipline oud’une technique particulière, dont il doit approfondirconstamment les fondements conceptuels, méthodologiques, historiques et prospectifs. A ce point précis, la relation de l’enseignante ou de l’enseignant doitse faire également relation didactique: c’est dire qu’aucoeur de sa relation au savoir s’introduit sa relationà l’élève. Accédant aux fondements de sa discipline,il peut transcrire et transposer cet accès chez ses

0. CSE, La Profession enseignante [...]. pp. 24-25 etLa Pédagogie, undéfi majeur r... j, pp. 6-8.

élèves. Sa tâche didactique est précisément d’aider sesélèves à s’introduire dans la logique de sa discipline,dans ses contenus essentiels et ses stratégies particulières, et de les aider du même coup à construire leurpropre savoir.

Il y a enfin la relation au savoir pédagogique.L’enseignante ou l’enseignant doit sans cesse chercherà mieux comprendre comment les élèves apprennent.Il lui faut donc continuellement parfaire sesconnaissances psychologiques et sociologiques de sesélèves et sa compréhension de leurs modes et de leursprofils d’apprentissage. En outre, il lui faut apprendre à maîtriser toujours mieux ces aspects du savoirpédagogique que sont la planification, l’organisationet l’évaluation des apprentissages.

4.2.3 En aval: la relation de l’élèveau savoirLa relation de médiation vise finalement l’établis

sement, par l’élève, d’une authentique relation ausavoir. Cette relation comporte des niveaux d’approfondissement qu’on peut peut-être expliciter de la façonsuivante.

Ily a d’abord la relation d’étudeproprement dite.C’est le temps de l’appropriation des savoirs, savoir-faire et savoir-être; c’est le temps également des essaiset erreurs, des tâtonnements, de la recherche descontenus de signification et des stratégies pour y parvenir. La relation d’étude est donc liée à un cheminement d’appropriation et d’acquisition du savoir. Elles’exprime essentiellement dans la démarche entreprisepar l’élève pour construire son savoir.

Il y a aussi l’intégration des savoirs. Par delàl’ancrage des nouveaux savoirs aux savoirs anciens,il s’agit ici de l’organisation interne — dans la têteet le coeur de l’élève — des savoirs, des liens qui s’établissent entre eux et, pour tout dire, de leur unification. Mais, plus loin encore, le savoir intégré est celuiqu’on peut transférer, appliquer ou utiliser dans dessituations et des contextes nouveaux.

Il y a enfin l’acquisition des compétences. Cescompétences, on les a décrites plus haut: ce sont descompétences générales et des compétences professionnelles, toutes deux normalement poursuivies et acquises dans une perspective de formation fondamentale.II faut bien se rappeler cependant que toute compétenceacquise n’est jamais terminale et que l’éducation permanente est une nécessité d’une société fondée sur lesavoir, II faut prendre acte également que cette relation de l’élève au savoir n’est pas linéaire: elle sedéploie selon des avancées, des retours, des nouveauxdéparts, des passages de l’ignorance au savoir et dusavoir à l’ignorance. La relation au savoir s’exprimeici dans un cheminement plus cyclique que linéaire.

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4.3 Des approches prometteusesLe Conseil reconnaît qu’une multitude de métho

des pédagogiques existent, que des recherches-actionsfécondes se poursuivent en la matière et qu’il resteimportant de demeurer ouvert sur l’avenir à cet égard,dans le but d’assurer la diversification pédagogiquerequise en contexte d’éducation de masse. Il voudraitcependant indiquer ici quatre pistes de réflexion et depratique pédagogiques qui lui paraissent particulièrement aptes à contribuer à la réussite éducative souhaitée. Elles mettent l’accent sur des valeurs éducativesdont a besoin une société vraiment démocratique fondée sur le partage du savoir; et tenant compte de l’hétérogénéité des clientèles et de la diversité des stylesd’apprentissage, elles posent des exigences nouvelleset modifient le rôle du personnel enseignant’~.

4.3.1 La pédagogie différenciée12La pédagogie différenciée s’est développée en

France. Globalement, c’est une démarche qui met enoeuvre un ensemble diversifié de moyens d’enseignement et d’apprentissage, afin de permettre à des élèves d’âges, d’origines, d’aptitudes et de savoir-fairehétérogènes d’atteindre par des voies différentes desobjectifs communs et, ultimement, la réussiteéducative.

Le contexte est donc celui de / ‘hétérogénéité. Lapédagogie différenciée a précisément l’intention deprendre en considération l’hétérogénéité des effectifsétudiants. Elle s’inscrit dans une recherche de solution à un défi majeur des systèmes d’éducation modernes: la fréquentation de masse, porteuse de l’hétérogénéité des effectifs. Elle entend donc traiter cettehétérogénéité.

La visée est celle de l’atteinte d ‘objec4fs communset de la poursuite de la réussite éducative pour le plusgrand nombre. C’est donc une forme de la pédagogiede la réussite dont on parle aujourd’hui, dans un

11. Ces approches pédagogiques sont données à titre d’illustration de pédagogies qui peuvent favoriser la réussite éducative souhaitée. D’autresapproches pourraient aussi être citées, notamment la pédagogie dela réussite de Bloom et l’apprentissage par problème, pédagogie miseen oeuvre dans quelques universités québécoises. voir, à ce sujet:Susanne Fontaine, op. cil.

12. voir, à ce sujet: CRDP, Différencier la pédagogie, Pourquoi?co,tutie,it?, Lyon, 1985; A. dePéretti, Pourune école plurielle, Paris,Larousse, 1985; L. Legrand,La Pddagogie différenciée, Paris, Editions du Scarabée, 1986; A. Prost, Eloge des pédagogues. Paris, Seuil,1985; P. Meirieu, L ‘École, mode d’emploi, des ‘c,uéthodes actives»à la pédagogie différenciée, Paris, Editions ESF., 2’ édition, 1986;Jacques de Lorimier, Stratégies pour la qualité de l’éducation enFrance, Refonnes desystè,ne etpédagogie djiféreuciée, Québec, Conseilsupérieur de l’éducation, 1987 et «Différencier la pédagogie au cégep»dans Pédagogie collégiale, Janvier 1988, vol. I, n°2, pp. 14-18.M. Ulric Aylwin a traité de pédagogie différenciée dans son intervention au Conseil,

contexte où justement on a pris conscience qu’il fautajouter à l’égalité des chances d’accès aux études l’égalité des chances d’accès à la réussite. La pédagogiedifférenciée est donc soucieuse de s’adapter à la diversité des individus et respectueuse des façons personnelles d’apprendre, afin d’amener le plus grand nombre possible à la réussite.

Il s’agit, dans les cours, de faire varier la pratique pédagogique. Impliquant les diagnostics de départ,la pédagogie différenciée cherche donc à identifier leniveau de développement des élèves, leurs styles cognitifs et leurs intérêts. Prenant appui sur un «contrat éducatif», elle précise ce que chaque élève s’engage à faireet sur quel soutien il peut compter. Sur cette base,l’enseignante ou l’enseignant peut faire varier les modesde regroupements, les moyens d’information, lesactions des élèves, le niveau des contenus, les opérations intellectuelles, les formules de communicationet les rythmes d’apprentissage.

La pédagogie d&érenciée requiert des actionsconcertées et des appuis institutionnels. Elle supposeen effet la constitution d’équipes d’enseignantes etenseignants, chez qui existent créativité et engagement.Mais elle exige en outre un appui institutionnel, c’est-à-dire une organisation pédagogique souple et inventive qui la rende possible: ce qui appelle, à son tour,les marges d’autonomie institutionnelle nécessaires.

4.3.2 L ‘enseignement stratégique13L’enseignement stratégique tire parti de la psycho

logie cognitive. Soucieux de l’intégration des savoirs,l’enseignant ou l’enseignante intervient non seulementen ce qui a trait aux contenus, mais également en cequi concerne les stratégies cognitives et métacognitives reliées à ces contenus.

L ‘enseignement stratégique met en oeuvre desprincipes d’intégration des savoirs. L’enseignante oul’enseignant y reconnaît d’abord le rôle capital des

13. Jacques Tardif, Pour un enseignement stratégique, L ‘apport de lapsychologie cognitive, Montréal, Les Editions Logiques, 1992. voirl’étude d’un cas de mise en oeuvre de cette stratégie dans: Sylvie AnnHart, L ‘Enseignement stratégique au primaire et au secondairecrI ‘approche-programme au collégial, Québec, CSE, 1993, (ColI.»Etudes et recherches»).

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savoirs antérieurs de l’élève, car sans cette référenceà ses connaissances antérieures, l’élève peut difficilement accueillir et ancrer en lui de nouveaux savoirs.L’enseignante ou l’enseignant se sent aussi responsable d’organiser les savoirs avec et pour les élèves, cetravail de mise en relation des savoirs étant essentielà leur utilisation appropriée et fonctionnelle. L’enseignante ou l’enseignant assiste également les élèves dansl’application de leurs savoirs, en sélectionnant des situations de transfert et en rendant explicites les conditionsd’un tel transfert. L’enseignement’stratégique comportedonc trois phases essentielles: la préparation del’apprentissage, dont font partie l’éveil de l’intérêt etl’activation des savoirs antérieurs des élèves; la présentation du contenu et des stratégies pour s’approprier et organiser les savoirs; l’application, la réutilisation ou le transfert des savoirs acquis.

L ‘enseignement stratégique vise l’accès des élèves à des stratégies cognitives et métacognitives. Lesactivités d’enseignement consistent alors à proposeraux élèves les stratégies cognitives qui leur permettent d’accéder à des contenus de signification et deconstruire leur savoir. Mais, au-delà de ces stratégiescognitives, il y a aussi des stratégies métacognitivesqui permettent à chaque élève de superviser et decontrôler comme à distance — c’est un regard conscientjeté sur les stratégies cognitives — ce qu’il a fait, cequ’il fait ou ce qu’il doit faire. Tous ces facteursconjugués peuvent contribuer à l’engagement, la participation et l’autonomie de chaque élève dans son activité éducative. C’est une autre façon d’atteindre aupartage du savoir.

4.3.3 L ‘enseignement individualisé14Mis en oeuvre à l’éducation des adultes, tout par

ticulièrement, l’enseignement individualisé a des répercussions significatives sur les rôles des formateurs etformatrices et sur ceux des élèves, de même que surl’organisation de l’enseignement.

L ‘adulte y est reconnu comme l’agent premier desa formation. Cette reconnaissance va plus loin quedans la pédagogie active promue auprès des clientèles

14. cSE, Accrottre l’accessibilité et garantir l’adaptation: l’éducationdes adultes, dix ans après la co,n,nissiot; Jean, Québec, 1992,pi,. 99-106

jeunes, qui lui est cependant profondément apparentée. Ici, l’adulte définit lui-même ses objectifs de formation et il participe à la définition de ses activitésde formation. Ses acquis, réalisés dans des expériences de vie et de travail, sont pris en compte dans unedémarche éducative qui respecte son rythme d’apprentissage. Et toute démarche de formation, pour être valable, doit permettre à l’adulte qui s’est formé d’appliquer concrètement ce qu’il a appris.

La formatrice ou leformateury conçoit son rôlecomme étant celui d’un guide. Très axé sur la démarche de l’adulte dans son cheminement vers le savoir,il agit comme soutien et aide d’une personne encheminement, bien davantage que comme transmetteur de connaissances. Son intervention est doncpersonnalisée et attentive aux besoins éducatifs del’adulte et elle vise la mise en place d’un environnementéducatif qui soutienne la démarche autonome d’apprentissage de l’adulte. La formatrice ou le formateur estdonc avant tout un facilitateur, un animateur et unguide.

Ce sont les activités de formation sur mesure etd’alphabétisation qui incarnent sans doute le mieuxles caractéristiques particulières de ce type de pédagogie ou, comme certains préfèrent le dire, d’andragogie. Selon une enquête récente menée par le Conseil,c’est d’ailleurs dans ces cours qu’on trouve le plushaut degré de satisfaction des adultes interrogés’5. Ilparaît souhaitable que les traits originaux de cette pédagogie soient sauvegardés, dans des contextes organisationnels d’harmonisation des secteurs jeunes et adultes, et qu’ils influencent davantage l’activitépédagogique de l’enseignement régulier.

4.3.4 L’apprentissage en coopération16L’apprentissage en coopération apparaît lui aussi

comme une pédagogie de l’avenir, qu’il imported’explorer dans l’optique d’une réussite de qualité. Ila été développé d’abord aux Etats-Unis, pour permettre à la pédagogie de prendre acte, là aussi, de l’hétérogénéité.

15. Claire Turcotte, Susanne Fontaine et Paul-1-Ienri Lamontagne, Uneformation accessible et adaptée, q,, ‘en pensent les adultes et le personnel?, Québec, CSE, 1992, (ColI. «Etudes et recherches»).

t6. E. Cohen, Designing Groupwork. Strategiesforlleterogeneons classroonis, New York, Teachers College Press, 1986 et R.M. Siavin,cooperativeLearnb,g, Boston, Mass., Allyn and Bacon, 199t. Proposde M. Ulric Aylwin ‘u la réunion du Conseil de décembre t992.

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De fait, l’apprentissage en coopération est une formule pédagogique développée pour permettre au personnel enseignant d’éduquer des clientèles hétérogènes à tous les points de vue: par exemple, appartenancesethniques, origines sociales, acquis scolaires, âgesvariés, styles d’apprentissage, degrés de motivationou sortes d’intelligence. Il est proposé comme moyend’assurer un meilleur apprentissage dans des groupesscolaires hétérogènes et son application a déjà produitdes changements significatifs dans le cheminementscolaire des élèves.

Les élèves réalisent des tâches éducatives en groupes hétérogènes. Ces tâches ont un but commun auquelchaque élève contribue pour une part qui lui est propre, ce qui permet de ménager l’équilibre entre uneproduction collective et une contribution individuelle.Chaque élève est responsable de son propre apprentissage et de celui des autres. L’enseignante ou l’enseignant délègue et organise les responsabilités à cet égardau sein des groupes hétérogènes.

La composition et lefonctionnement du groupe sontl’objet d’une attention spéciale: l’enseignante oul’enseignant voit à assurer une répartition équilibréeentre élèves forts et faibles, garçons et filles, élèvesauditifs et visuels, élèves d’origines culturelles différentes, par exemple. Il veille également à ce que laparticipation de toutes et tous soit assurée. Ainsi, lesélèves moins forts ont aussi leur contribution essentielle dans le groupe et y trouvent d’ailleurs une valorisation évidente. La répartition équilibrée est importante pour chaque groupe et la règle est que chacunpeut très bien accomplir au moins une tâche, personnen’étant le meilleur dans toutes les tâches à la fois.

La coopération est la règle d’or. L’interaction entreles pairs est axée sur la coopération et non sur lacompétition. Les élèves sont naturellement amenés à

- s’entraider. Les productions de chaque membre dugroupe et le produit global du groupe sont pris encompte dans l’évaluation. Le succès de l’équipe dépenddu succès de chaque membre dans l’exécution de satâche et de son apprentissage et chaque élève ne peutatteindre son but personnel que si l’équipe réussit satâche. La norme est d’aider toute personne qui demandede l’aide, à l’encontre de la règle du «chacun poursoi» qu’on retrouve dans une éducation de typecompétitif. L’effet est évident: les élèves deviennentcapables de réaliser en complémentarité des tâchescommunes; la pertinence de tespecter les différencesest démontrée; une éthique de la coopération se développe. D’obstacle qu’elle était, l’hétérogénéité devientmoyen d’apprentissage: le problème se transforme ensolution. S’appuyant sur le développement d’habiletés sociales, une telle approche pédagogique s’inscritd’emblée dans la démocratisation de l’éducation souhaitée ici.

4.4 Une écologie éducative favorable àla relation pédagogiqueLa relation pédagogique se déploie dans un

contexte organisationnel, a-t-on dit. Toutefois, celui-ci peut être plus ou moins favorable à l’épanouissement de cette relation. Actuellement, à côté de forcesvives, de nombreuses contraintes, liées, par exemple,aux horaires, à l’encadrement défini dans les régimespédagogiques, aux règles de formation de groupes ouà l’organisation scolaire, nuisent au renouveau souhaitable. Le Conseil suggère ici deux pistes d’intervention à emprunter, si l’on souhaite que la relationpédagogique bénéficie d’une écologie éducative ou d’unmilieu immédiat qui lui permette de respirer plus àl’aise et que le renouveau s’effectue: certains aménagements conviviaux et un soutien pédagogique institutionnel.

4.4.1 Des aménagements conviviauxQu’il suffise de rappeler quelques aménagements

sur lesquels le Conseil a d’ailleurs déjà insisté. Tousfavorisent des rapports pédagogiques plus individualisés entre le personnel enseignant et les élèves et descollaborations entre tous et toutes — y compris entreles élèves eux-mêmes — plus poussées. Signalons-enquatre.

Premièrement, il est tout à fait important de susciter, dans tous les milieux et à tous les ordres d’enseignement, la constitution de petites équipes stablesd’enseignantes et d’enseignants. Le travail de ces petites équipes responsabilisées — on y reviendra — estprimordial. Le professionnalisme collectif dont parlele Conseil trouve à s’y exprimer, car elles peuventêtre des lieux à la fois d’action concertée et de réflexionpartagée, d’engagement personnel et de mobilisationprofessionnelle’7.

Deuxièmement, il s’avère tout aussi importantd’aménager, chaque fois que la chose est possible, desgroupes d’appartenance stables pour les élèves’8.Tout regroupement organique et convivial soutient icila relation pédagogique. II importe que le cours-groupedevienne un lieu d’appartenance et de relation interpersonnelle. fi faut faire place à la souplesse et à l’invention, à cet égard, dans les projets institutionnels. Et,à l’intérieur de la classe comme on l’a rappelé, il nefaut pas craindre de constituer des sous-groupes favorisant le soutien mutuel et la coopératio&9.

17. CSE, La Gestion de l’éducation [...], pp. 46-47.18. On étudiera avec profit l’expérience de l’école Holweide de coiogne

en Allemagneoù un mêmegrouped’enseignants s’occupe d’un groupestable d’élèves durant les six années du cours secondaire; les résultatssont concluants du point de vue de la réussite, voir à ce sujet, AlbertShanker: «A Proposai for Using Incentives 10 Restructure our PublicSchools;» dans Phi Delta Kappan, Janvier 1990, pp. 345-357.

19. C5E, La Pédagogie, un defi majeur f...)’ pp. 41-42.

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Troisièmement, il est essentiel de mettre en placedes moyens permettant d’assurer à tous les élèves unvéritable accompagnement éducatif: suivi du cheminement des élèves, diagnostic au bon moment, soutienà l’orientation et aux choix scolaires et professionnels,mesures d’accueil et de mise à niveau à des momentsstratégiques. Cet accompagnement permettrait de faireles corrections de parcours et de mieux soutenir la réussite éducative des jeunes tout au long de leur carrièrescolaire.

Quatrièmement, il est impératif de promouvoir desconditions d’espace et de temps favorables à l’activitépédagogique. L’aménagement de la grille-horairedevrait, par exemple, préserver ce qu’on appelle des«plages horaires» qui permettent les collaborations etles échanges entre les personnels eux-mêmes, entreles personnels et les élèves et entre les élèves eux-mêmes. L’aménagement convivial de l’espace —

bibliothèque, audiovidéothèque, centres de documentation, salles d’étude, lieux de réunion pour petits groupes, etc. — est tout aussi important. Au total, ces aménagements organisationnels ont un impact immédiatsur la qualité de la relation pédagogique20.

Cinquièmement, il faut promouvoir l’idée du contrat éducaflf Un tel contrat implique à la fois l’institution, l’enseignante ou l’enseignant et l’élève21. Ilengage en quelque sorte la responsabilité de chacunet chacune dans l’activité éducative, à titre de partenaire soucieux de la réussite éducative22. La relationpédagogique peut, de toute évidence, trouver là un stimulant efficace, puisque l’élève devient partie prenanteà part entière dans la définition et la réalisation de sonprojet de formation.

4.4.2 Un soutien pédagogiqueinstitutionnelL’établissement d’éducation peut, à son tour,

soutenir plus efficacement la relation pédagogique. Lesoutien institutionnel à la pédagogie s’avère tout à faitessentiel, si l’on souhaite que la relation qui s’y vitcontribue à la réussite éducative. On signale ici quatrevoies de ce soutien institutionnel.

La première concerne le leadership pédagogique,un leadership à la base, au sein de chaque établissement et dans les sous-groupes qui en sont desconstituantes importantes. L’animation pédagogiqueest une partie essentielle de la dynamique institutionnelle. Elle doit certes favoriser la concertation autourd’objectifs cômmuns, mais également la réflexion

20. Ibid., p. 43 et csE, L’intégration des savoirs f...), pp. 38-39.

21. L’idée de contrat éducatif peut impliquer également la participationdes parents, notamment au primaire.

22. CSE, La Pédagogie, un défi majeur [... J, p. 15.

partagée et, au-delà, l’exploration et l’innovation pédagogiques. Le leadership pédagogique porte en définitive la responsabilité de l’ensemble de cette écologieéducative évoquée ici.

La deuxième a trait à la recherche-action enpédagogie. Entendons-nous bien: il s’agit d’une recherchepédagogique appliquée et littéralement branchée surla pratique. Cette recherche doit entourer constammentla pratique pédagogique: en un sens, elle lui est préalable; en un sens, elle lui est aussi concomitante; et,en un sens également, elle la prolonge. C’est à la basemême que cette recherche-action pédagogique doit pouvoir se développer, au sein des équipes dynamiquesde chaque établissement, soutenues par un solideleadership pédagogique. Mais cela n’exclut en rienl’utilité, voire la nécessité, d’un Centre national d’études, de recherche et d’animation sur la professionenseignante23, dont l’un des mandats porterait évidemment sur le soutien à apporter à la recherche-actionpédagogique.

La troisième se rattache au ressourcement pédagogique. Le soutien institutionnel devrait être accordéaux mesures qui laissent place, à cet égard, à l’autonomie professionnelle, qui sont conçues et réaliséessur mesure et qui collent à la pratique pédagogiquedu personnel enseignant24. Dans le contexte d’unesociété où le savoir évolue rapidement et tenant comptedes besoins de ressourcement liés à la médiation pédagogique, il faut de plus en plus concevoir que la formation continue en pédagogie fait partie intégrante dela tâche d’enseignement. Le manque de perfectionnement pédagogique a été souligné à plusieurs reprisespar le personnel enseignant lui-même, qu’il s’agissede la connaissance des différentes approches pédagogiques ou des découvertes récentes de la recherchecognitive qui permettent de mieux saisir les diversmécanismes et styles d’apprentissage.

La quatrième renvoie à une pratique institutionnelle d’évaluation des apprentissages. L’évaluationdes apprentissages, on le sait, est une composanteessentielle de la relation de médiation pédagogique.Le personnel enseignant a besoin d’être appuyé, à cetégard, par une politique d’établissement. Cette politique ou celle pratique reconnue, pour l’essentiel, devraitêtre fondée sur une perspective d’équilibre. Equilibreentre les éléments de l’évaluation, d’abord: entreles outils techniques et le jugement professionneld’évaluation; entre la mesure et l’évaluation; entrel’évaluation formative et l’évaluation sommative; entre

23. CSE, La Profession enseignante [...], p. 56.

24. Ibid., p. 45.

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l’interprétation critérielle et l’interprétation normative;entre les connaissances et les habiletés et, peut-êtreplus fondamentalement encore, entre la fonction d’aideet la fonction de sanction. Equilibre entre l’évaluationet la pratique éducative, également: lien entre évaluation et apprentissages essentiels; lien entre évaluationet diagnostic des forces et faiblesses, afin d’apporterle soutien approprié; lien entre évaluation et responsabilité professionnelle; lien entre évaluation desapprentissages et évaluation institutionnelle25.

L’activité pédagogique est au coeur de la réussiteéducative des élèves. C’est là que se réalise, pour unepart essentielle et primordiale, la mission éducative;et c’est là que le curriculum officiel devient le curriculum effectif. C’est dire à quel point la relation pédagogique est déterminante pour la nouvelle phase dedémocratisation de l’éducation: elle peut favoriser uneréussite de qualité.

25. C5E, Évaluer les apprentissages au primaire: un équilibre à trouver,Québec. 1992.

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Chapitre VL’organisation du travail éducatif:changer le modèleIl importe que nous agissions sur l’organisation

du travail éducatif. Il nous faut revoir cette organisation à la lumière des nouveaux défis de démocratisationqui se présentent dans le champ éducatif et quiconcernent, par delà l’accès aux études, non seulement la réussite éducative et des formations de qualitépour tous et toutes, mais également la responsabilisation des intervenants et intervenantes et l’affirmationplus assurée d’une logique de la différenciation au coeurmême du système d’éducation1. Prendre consciencedu modèle qui nous fait agir est déjà un pas important; formuler quelques principes et proposer quelques stratégies, cela s’avère aussi essentiel. Mais ilfaudra éventuellement aller plus loin, expérimenter desformes nouvelles d’organisation du travail éducatif,créer des précédents fondés sur une nouvelle logiqueet un nouveau modèle d’action.

Le présent chapitre comprend trois sections. Lapremière montre que l’organisation du travail éducatif est encore essentiellement à l’heure du modèle industriel. La deuxième met en relief les logiques d’une organisation conviviale. La troisième propose des stratégiesde changement à mettre en oeuvre au coeur même desétablissements d’éducation.

5.1 Une organisation de l’èreindustrielle

Autant on a pu dire de la pédagogie qu’elle étaitencore bien souvent de type artisanal, autant on peutaffirmer que l’organisation du travail éducatif est detype industriel. Le modèle auquel on se réfère s’enracine effectivement dans les normes et les valeurs dela société industrielle. On en signale ici quatre aspects.

I. Consulter, par exemple: CSE, Visées erprariques de l’école primaire,Québec, 1987, pp. 13-19; L ‘Education préscolaire: un temps pourapprendre, Québec, 1987, pp. 35-39,42-46; Le Rapport Parent, vingtcinq ans après, Rapport annuel 1987-1988 sur l’état et les besoins del’éducation, Québec, 1988, pp. 62. 66, 90, 104, 120-121; L’Orientation scolaire et professionnelle: par delà les influences, un cheminetnent personnel, Rapport annuel 1988-1989 sur l’état et les besoins del’éducation, Québec, 1989, pp. 71-90; La Formation à distance dansle système d’éducation: un ,nodèle à développer, Québec, 1988,pp. 8-12; La Pédagogie: un de’fl majeur de l’enseignement supérieur,Québec, 1989, pp. 38-50; Les Cheminements particuliers de for,nation:faire droit à la différence, Québec, 1990, pp. 38-39; L ‘Intégration des savoirs au secondaire: au cceurde la réussite éducative, Québec,1991, pp. 3842; Une pédagogie pour demain à l’école primaire,Q uébec, 1991, pp. 39-46; L ‘Enseignemnent supérieur: pour une entréeréussie dans le 52Cr siècle, Québec, 1991, pp. 110-117 et 136-148;Pour une école secondaire qui développe l’autonomie et la responsabilité, Québec, 1993, pp. 39-41.

5.1.1 La planification opérationnelleDans le modèle industriel, on planifie certes. Mais

cette planification est caractérisée par le fait d’être àcourte vue. Elle est centrée sur les opérations à courtterme, indépendamment d’une vision d’ensemble toutautant que d’une prise en considération des effets deces opérations. En deux mots, cette planification nevise qu’à l’efficacité immédiate sur le terrain.

Or, l’organisation du travail éducaflfsemble marquée par cette planification à courte vue2. L’organisation du travail est en effet gérée au quotidien, aprèsavoir été conçue dans un contexte sans vision d ‘ ensemble autre que celle d’une certaine efficacité industrielle.On fonctionne sur le plan éducatif à court terme età courte vue, à des degrés divers aux différents ordresd’enseignement. On ne voit pas bien venir les choses.On situe difficilement les gestes dans une visiond’ensemble.

En un sens, cette organisation du travail éducatifest atrophiée. Elle manque d’une dimension et cettedimension est pourtant essentielle: c’est celle de la mission éducative; on oublie le sens de la mission éducative, qui commande une organisation qui lui convienne.Tel est donc le premier reproche que l’on peut faireà l’organisation industrielle du travail éducatif: êtreconçue à courte vue et vécue à court terme.

5.1.2 L’exécutionLe deuxième aspect concerne le traitement réservé

aux intervenantes et intervenants. Le système d’actionindustriel tend à les traiter comme les exécutants d’unplan conçu ailleurs et par d’autres.

2. CSE, La Gestion de l’éducation [j, p. 16.

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Dans ce contexte industriel, l’organisation dutravail éducatifestpeu responsabilisante, notammentau primaire et au secondaire, et tout spécialement pourle personnel enseignant et pour le personnel de gestion de première ligne. En se situant dans un systèmed’action plutôt hiérarchisé, qui mise davantage sur lerespect des consignes que sur la mobilisation, on seprive alors de la créativité et de la responsabilité despersonnes3. Une énergie considérable doit êtredéployée, dans ce genre de système, pour l’exercicedes contrôles externes.

Cet univers contrôlé de l’extérieur produit effectivement un personnel de gestion et un personnel enseignant tentés de se replier sur I ‘exécution de leurstâches. On reproche en conséquence à ce systèmed’action, davantage à l’oeuvre à l’enseignement obligatoire, de gaspiller le potentiel des ressourceshumaines et d’encourager la passivité à la base. Uneadministration hiérarchisée et à courte vue a peine àsusciter l’engagement à la base. Tel est donc ledeuxième reproche qu’on peut faire à une organisation industrielle du travail éducatif: ne produire quedes exécutants.

5.1.3 Le travail en miettesLe troisième trait d’un système d’action de type

industriel, c’est celui d’engendrer le travail en miettes. Et cette fois, cette caractéristique se retrouve, selondes accents différents, à tous les ordres d’enseignement. Elle s’exprime de deux façons qui ont été notéespar maints observateurs.

La première expression du travail en miettes résidedans l’isolement et l’individualisme. Les enseignantes et enseignants sont ouverts à la collaboration, maisà la condition bien souvent que soient préservés leursterritoires d’intervention; leurs coopérations se fontle plus souvent sur une base plus informelle que formelle et procèdent plutôt par rencontres spontanéeset par découverte plus oumoins aléatoire d’intérêtsmutuels4. Ce qui caractérise davantage leur travail,c’est le manque d’espaces communs d’intervention etd’échange, d’interaction et de débat, et ce, non seulement entre enseignantes et enseignants mais égalemententre personnel enseignant et personnel de gestion5.Au collégial, l’interaction au sein de la vie départementale est bien souvent réduite au minimum; lesystème d’action universitaire, pour sa part, se caractérise ici comme ailleurs par le peu de contacts et

3. Ibid., p. 16.

4. Claude Lessard, Maurice Tardif et Louise Lahaye, «Pratiques de gestion, régulation du travail enseignant et nouvelle professionnalité», dansClaude Lessard, Madeleine Perron et Pierre W. Bélanger, La Profession enseignante au Québec: enjeux et défis des années 1990, Québec,IQRC, 1991, pp. 81-82.

5. Martin Robitaille et Louis Maheu, « Les réseaux sociaux de la pratiqueenseignante et l’identité professionnelle: le cas du travail enseignantau collégial», dans Revue des sciences de l’éducation, vol. X1X, n° 1,1993, p. 16.

l’absence d’interdépendances fortes entre collègues6.A tous les paliers, l’acte d’enseigner est encore tropconçu comme un actS privé.

La seconde expression du travail en miettes seretrouve dans une certaine dérive corporatiste. A l’isolement et à l’individualisme s’ajoute donc un autre typed’enfermement professionnel, principalement celuid’un certain corporatisme disciplinaire, qu’on peutdavantage observer à l’enseignement supérieur. Le corporatisme est essentiellement alliance et repli défensifs, en fonction des intérêts d’un groupe. Il produit,tout comme l’isolement individualiste au sein desgrands ensembles, le travail en miettes et le systèmed’action éclaté. Une organisation du travail éducatifqui connaît la dérive corporatiste peut difficilementfavoriser l’apparition d’espaces éducatifs communs.Le troisième reproche adressé au système d’action detype industriel a donc trait au travail en miettes, s’exprimant à la fois dans l’isolement individualiste et la dérivecorporatiste.

5.1.4 La centralisation

L’organisation industrielle est centralisée. Elle estréglementée à partir d’un centre, car elle vise l’uniformité et la standardisation. Elle s’accompagne doncd’encadrements contraignants. Tel est le quatrième trait.

La centralisation de l’organisation du travailéducatif existe principalement à l’enseignement obligatoire, mdis également au palier collégial. Ce sontd’abord et avant tout les conventions collectivesnégociées centralement qui en sont l’expression la plusachevée. Ici, ce sont surtout les marges de manoeuvredes gestionnaires et du personnel enseignant desétablissements d’éducation qui sont réduites. C’est leurautonomie professionnelle concernant l’organisation~du travail pédagogique qui en prend pour son rhume:en somme, la possibilité de faire «autrement» est bienmince.

Le système d’action est ici contraignant et difficilement contournable. La très grande précision desrègles et procédures crée ce caractère contraignant etpèse lourdement sur les actions à la base. L’encadrement rigide risque alors d’empêcher l’initiative et lacréativité organisationnelles; il s’oppose à la diversité organisationnelle qui pourrait favoriser tout autantl’engagement responsable des intervenantes et intervenants éducatifs que la réussite éducative du plus grand

6. Erhard Friedberg et Christine Musselin, En quête d’universités, étudeco,nparée des universités en France et en REA, Paris, L’Flarmatan, 1989,p. 67.

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nombre d’élèves. Tel est donc le quatrième trait del’organisation du travail éducatif: centralisation etcontrainte, qui rendent insatisfaisant l’exercice du travail professionnel, autant pour le personnel enseignantque pour les gestionnaires.

5.2 Les logiques d’une organisationconvivialeComme il le suggérait pour la gestion en son

ensemble, le Conseil propose ici de changer de modèlede référence et de se donner un autre système d’action.Dans l’optique de la nouvelle phase de démocratisation de l’éducation, il importe de passer d’un systèmed’action de type industriel à un système d’action detype convivial: l’organisation conviviale se fonde ultimement sur les valeurs liées à la responsabilisationdes personnes et à l’appartenance communautaire. Maisalors des logiques ou des dynamiques profondes sonten cause et il importe d’abord de les expliciter.

5.2.1 La logique de la mission éducativeDans une organisation conviviale du travail édu

catif, la planification opérationnelle fait place à la planification stratégique. C’est dire autrement qu’on serecentre sur la mission éducative, car-la planificationstratégique requiert précisément qu’on fasse preuvede vision d’ensemble et qu’on se donne de grandesorientations, en tenant compte des exigences de lasituation7.

L ‘organisation du travail éducatif trouve son sensdans la mission de formation des personnes, jeunesou adultes. On a dit précédemment que cette missionconsistait, pour l’essentiel, dans la formation, c’est-à-dire l’instruction et la qualification des personnes.Là réside la norme de toute l’organisation du travailéducatif. L’organisation doit être conviviale, parce

7. CSE, La Gestion de l’éducation [..], p. 30.

8. Voir, par exemple CSE, L ‘Enseignement supérieur: pour une entréeréussie [j, pp. 136-146; La Pédagogie, un défi majeur [.1, pp. 43-49et L’intégration des savoirs F...], pp. 38-41.

qu’elle trouve son sens dans l’apprentissage et le développement de personnes en tant que sujets capablesd’autonomie et de participation. La mission éducativeappelle en profondeur une organisation conviviale.

L ‘organisation du travail éducatif trouve également son sens dans la nouvellephase de démocratisation de l’éducation promue ici. On l’a affirmé plushaut: une société qui requiert le partage du savoir exige,du même souffle, que le plus grand nombre accèdenon seulement aux études mais aussi à une réussitede qualité. Or, l’organisation du travail éducatif peutcontribuer à cette tâche8. Par exemple, une organisation souple, favorable à la relation éducative, ouverteaux collaborations professionnelles et apte à soutenirl’encadrement peut aider à la mise en oeuvre de cettedémocratisation de l’éducation. Encore faut-il disposerdu temps suffisant pour conduire chaque élève à l’acquisition d’une formation de qualité9.

5.2.2 La logique de la responsabilisationAutant le système d’action de type industriel

requiert, dans ses derniers retranchements, «une arméed’exécutants», autant le modèle convivial appelle desintervenantes et intervenants responsabilisés.

L ‘organisation du travail éducatif doit être fondée sur la mobilisation des personnels de gestion etd’enseignement. L’espace de gestion doit être en effetassez large pour permettre aux gestionnaires depremière ligne dans les établissements d’exercer leurleadership pédagogique, d’animer leur milieu et demobiliser les enseignantes et enseignants en leurproposant des visées communes. Et le personnel enseignant doit, à son tour, pouvoir se sentir responsablede la direction empruntée et participant aux principales décisions éducatives.

9. Dans cette perspective, le Conseil estime qu’il faudra unjour se pencher sur l’aménagement du calendrier scolaire qui, au primaire et ausecondaire notamment, est l’un des plus légers au Canada et dans lesautres pays industrialisés. Cette révision permettrait sans doute de décongestionner l’horaire de cours déjà très chargé et de prévoir des périodespour des activités éducatives de mise à niveau ou d’enrichissement.Aussi, au primaire et au secondaire, serait-il possible d’explorer desnouveaux modèles et des aménagements locaux du calendrier, permettantnotamment de diversifier les activités éducatives (par exemple, cours,suivi, accompagnement, temps d’étude) en fonction des besoins et desprofils des différentes clientèles (selon l’âge ou le niveau d’études, parexemple), des caractéristiques des communautés locales (région rurale,urbaine, milieu défavorisé, caractéristiques familiales). Au collégial,on pourrait explorer la possibilité d’étaler la durée de la session, permettant ainsi aux élèves de consacrer plus d’heures d’études pour uneheure de cours dispensé. A ce palier, l’opération ne coûterait rien, carles enseignantes et les enseignants sont disponibles: ils enseigneraientmoins d’heures par semaine, puisque l’enseignement serait étalé surdeux ou trois semaines de plus. Il faut noter cependant qu’un tel étalement rendrait difficile l’offre de trois sessions par année. Notons à cesujet que certains Etats américains étendent Indurée des études de typecollégial sur 185 jours au lieu de 160. Dans la même perspective, onpourrait penser allonger la durée d’une session à 17 ou 18 semainesau lieu de 15.

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Ily va ici, du même souffle, d’une organisationqui mise sur le caractèreprofessionnel de ses ressources. L’exigence de professionnalisation invite donc àrevoir les modes d’organisation du travail. Un espaceimportant doit y être aménagé pour l’expression descompétences des personnes et des équipes. Un systèmed’action convivial ne peut en effet s’accommoder ducadre rigide de type industriel, dans lequel évoluedepuis longtemps l’organisation du travail au sein desétablissements. Il requiert, au contraire, une organisation du travail fondée sur la responsabilisation et laprofessionnalisation10.

5.2.3 La logique de la communautééducativeLe système d’action convivial requiert non seule

ment une organisation fondée sur des personnels responsables, mais également une organisation de typecommunautaire. Une nouvelle logique est ici nécessaire, logique dont le sens est la constitution d’uneauthentique communauté éducative.

L ‘organisation du travail éducatifdoit se rapprocher d’une organisation communautaire. A la différence de l’organisation de type industriel, fondée surle contrat, l’organisation communautaire s’appuie surl’échange”. Elle n’est pas le fruit d’une conventiondans laquelle les individus demeurent juxtaposés. Elles’exprime, au contraire, dans un pacte dont les personnes se sentent parties prenantes et liées entre ellesmalgré leurs différénces, comme dans une authentique relation pédagogique, par exemple. Telle est doncl’organisation éducative de type communautaire: ellefavorise l’échange et la coopération, dans le respectde l’autonomie et de la différence.

Une organisation du travail éducatif de typecommunautaire implique l’engagement des élèveseux-mêmes. Dans un système d’action convivial, lesélèves ne sont pas extérieurs au travail éducatif. Ilsy participent, eux aussi, de façon responsable. Leurengagement est essentiel, comme celui des gestionnaires et comme celui des enseignantes et enseignants.Leur sentiment d’appartenance est, pour eux aussi,primordial. On voit par là quel lien important uneorganïsation communautaire entretient avec la réussiteéducative du plus grand nombre, réussite qui requiertengagement, attention et coopération de tous et toutes,y compris des élèves eux-mêmes, par leur engagementet leur effort soutenu dans le travail scolaire.

5.2.4 La logique de la différenciation

Le système d’action convivial requiert une logique de la différenciation entre les établissements,

10. CSE, La Gestion de l’éducation [.. 1~ pp. 31 et 46 et La Professionenseignante [J, pp. 31-35.

1. F. Townies, co,,,,,,z,nauté et société, catégories fondamentales de lasociologie pure, Paris, PuF, 1944. voir: Paul Inchauspé, L’Avenirdu cégep, Montréal, Liber, 1992.

au coeur même de l’organisation du travail éducatif.Il est important que chaque établissement puisse développer une culture organisationnelle qui lui soit propre,dans le respect des logiques dont on a parlé plus haut.

Le système d’action convivial doitpermettre la responsabilisation institutionnelle. Il est fondé sur lareconnaissance que les établissements d’éducation disposent du potentiel requis pour prendre en main leurpropre organisation éducative. Chaque établissementpossède en effet sa dynamique propre, résultante del’ensemble des compétences qui l’habitent et de laconvergence des engagements de tous et toutes — ycompris des élèves — en fonction de la réussite éducative. Cette dynamique est porteuse de différenciation dans l’organisation du travail éducatif’2.

La logique de la différenciation doitfavoriser également l’épanouissement d’une culture organisationnelle propre. Chaque établissement doit pouvoiraffirmer sa culture organisationnelle, c’est-à-dire cetensemble de normes, règles, exigences, croyances,rituels et manières de faire qui créent en quelque sorteun espace culturel commun au sein de l’établissement.La logique de la différenciation rejoint ici la logiquede la communauté: chaque communauté éducative —

on pourrait dire: chaque «maison» éducative — doitpouvoir construire et exprimer sa propre culture organisationnelle, au service de la réussite éducative.

5.3 Des stratégies de changementNi le changement des mentalités ni le changement

des pratiques professionnelles ou organisationnellesne se font du jour au lendemain. Il faut y mettre letemps et avancer avec celles et ceux qui sont prêts àparticiper. On crée alors bien sôuvent dans le systèmede nouveaux dispositifs ou de nouvelles pratiques qui,bien que d’apparence marginale, font que le changement s’effectue lentement et par effet d’entraînement.Le Conseil invite ici les différents intervenants et intervenantes à introduire ainsi dans le système de tellespratiques, qui finissent à la longue par transformer lesystème en son entier. Il en signale ici cinq.

5.3.1 L ‘utilisation de toutes les margesde manoeuvre existantes13Des marges de manoeuvre existent pour les éta

blissements, de toute évidence à des degrés moindrespour les établissements publics chargés de l’enseignement obligatoire. Bien que jugées par plusieurs commeinsuffisantes, étant donné le poids et parfois la précision méticuleuse de certains encadrements à l’échelledu système, ces latitudes existent tout de même.

12. CSE, La Qualité de l’éducation:,,’, enjeu [...], pp. 13-15.

13. Ibid., pp. 15-18.

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C’est dans une logique de responsabilisation queles établissements doivent explorer toutes les pistesqui sont le moindrement ouvertes devant eux. Intervenantes et intervenants se doivent de dépasser latentation de la passivité, voire du défaitisme. Dansl’optique d’une réussite de qualité pour le plus grandnombre, il leur faut assumer de façon responsable lemaximum d’espace d’intervention et faire jouer plusà fond dans le système la dynamique de la différenciation.

Des choses se passent et peuvent effectivement sepasser au sein des établissements. Si tel d’entre euxse donne une coloration organisationnelle qui lui permet d’atteindre des résultats éducatifs intéressants qu’unautre, tout proche, n’arrive pas à produire, c’est qu’ily a tout de même certaines marges de manoeuvre quipermettent l’affirmation d’une dynamique locale.

Les établissements ont quelques prises sur deschoses importantes et il leur faut les utiliser au maximum. A des degrés qui varient selon les ordres d’enseignement, ils ont en effet une certaine prise sur lesvaleurs éducatives qu’ils entendent promouvoir et privilégier, en tenant compte des caractéristiques et desbesoins de leur milieu. Chaque établissement a, pourune part significative, prise sur son propre climat etsur les relations vécues au sein même du personnelet entre le personnel et les élèves. Il lui est possiblede s’organiser comme équipe d’éducateurs et d’éducatrices, capable d’affirmer et d’aménager ses choixpédagogiques et capable également d’établir des rapports conviviaux avec la communauté d’appartenance.Mais tout cela renvoie aussi aux stratégies de gestionmises en oeuvre au sein de chaque établissement, stratégies qui peuvent faire la preuve qu’un leadership devision et une mobilisation des ressources humaines sontpossibles, dans le contexte d’une organisationcommunautaire.

5.3.2 L’élaboration et la mise en oeuvred’un véritable projet d’établissement14

Depuis plusieurs années déjà, le Conseil revientsur cette stratégie privilégiée de changement. L’utilisation maximale des marges de manoeuvre existantesaboutit à la formulation et à l’opérationnalisation duprojet d’établissement. En un sens, le projet d’établissement est bien une stratégie de différenciation etd’occupation de l’espace disponible et une façon,aujourd’hui, d’organiser ensemble et de manièreresponsable ses activités, en fonction d’une réussiteéducative de qualité.

Le projet d’établissement est une chance pour laculture organisationnelle. Une école peut se donnerun projet éducatif ou un projet d’établissement signifiant, à la condition qu’il soit l’occasion de définir et

d’exprimer l’essentiel de ce qu’onpourra appeler saculture institutionnelle. Débat collectif sur les priorités éducatives et programme d’action conséquent y sontcertes inévitables. Mais tout cela doit finalement témoigner d’une manière propre de vivre l’ensemble desactivités éducatives et c’est cela qu’on appellera laculture de l’organisation. Les établissements d’enseignement supérieur ont des latitudes encore plus grandes pour se donner des plans d’action et de développement qui dessinent finalement leur profilinstitutionnel. L’affirmation d’une culture de l’organisation met en oeuvre, d’une certaine manière, leslogiques de responsabilisation et de différenciation,dont le sens ultime réside dans la logique même dela mission: conduire le plus grand nombre possibleà une réussite de qualité.

Le projet d’établissement est aussi une chancepourl’organisation communautaire. Il est l’occasion parexcellence du partage, de la mise en commun et dela mobilisation collective. Il offre la possibilité de mettre sur pied ou d’utiliser plus adéquatement des mécanismes internes, d’échange et de concertation, qui peuvent alors y trouver le supplément d’âme dont ils ontparfois besoin. Il peut aussi permettre l’organisationdes rapports de collaboration avec les usagers. Au total,le projet d’établissement peut donc favoriser l’avènement ou la consolidation d’une véritable communautééducative.

5.3.3 La professionnalisation des tâchesAussi bien pour les gestionnaires qui se situent

en première ligne que pour le personnel enseignant,la voie de la professionnalisation des tâches s’impose.Il faut aménager cette professionnalisation, en utilisant au maximum toutes les marges de manoeuvre existantes ou en s’entendant collectivement pour n’en élargir que quelques-unes.

Pour les gestionnaires de première ligne, un espacedoit être préservé afin que puisse s’exercer le leadership de vision qu’on requiert de leur part. Il leur fautoccuper cet espace qui leur permettra de faire partager un projet commun, de créer la communauté devues et de fixer les priorités collectives. Mais cet espaceest aussi à occuper afin que soit créée cette communautééducative, où sont prises en considération lescompétences des personnels, où sont encouragées etsoutenues des unités éducatives responsables, où sontutilisés efficacement des mécanismes d’échange et decollaboration’5.

Pour le personnel enseignant, la professionnalisation passe par une tâche diversifiée et flexible. Ladiversification de la tâche est essentielle à une pratiquevéritablement professionnelle. Elle peut s’exprimer,par exemple, dans la supervision de stagiaires

15. C5E, La Gestion de l’éducation [...l~ pp. 43-49.14. Ibid., pp. 14-15.

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ou d’enseignantes et enseignants débutants, dans laconception et l’expérimentation de méthodes et dematériels pédagogiques, dans la participation à des projets de recherche-action, dans des activités de perfectionnement par les pairs, dans des formules diversesd’encadrement ou d’accompagnement des élèves, dansles services à la collectivité. La flexibilité, pour sa part,qui va à l’encontre de la parcellisation et du cloisonnement des tâches, peut s’exprimer, par exemple, dansdes tâches éducatives différenciées, l’aménagementd’une tâche globale confiée à un groupe d’enseignantset d’enseignantes à l’enseignement obligatoire oul’expérimentation d’une diversification et d’une modulation de la tâche à l’enseignement supérieur16.

5.3.4 La pratique d’un professionnalismecollectifToute l’organisation du travail éducatif doit

s’inscrire, on l’a dit, dans une logique de responsabilisation et de professionnalisation. Mais le Conseilpropose d’explorer davantage la voie d’un professionnalisme ouvert et collectif17. Il en indique ici quatredimensions.

La première dimension en appelle à l’ouverturede chaque enseignant ou enseignante à la concertationavec ses collègues. La poursuite d’une formationfondamentale, la recherche d’une intégration desapprentissages et le cheminement vers l’acquisition etla maîtrise de compétences générales et de compétencesprofessionnelles: tout cela requiert des collaborations,des échanges, des ententes, des concertations entreenseignants et enseignantes, voire la constitution depetites équipes responsabilisées. Au primaire et ausecondaire, ces concertations ouvrent sur le rapprochement des matières18; au collégial et au premiercycle universitaire, elles débouchent sur l’approcheprogramme’9. Quoi qu’il en soit, il s’agit, à tousles ordres d’enseignement, de concevoir la tâcheéducative comme une tâche commune et la réussiteéducative, comme une responsabilité collective.

La deuxième dimension a trait à la participationà la vie et ans orientations de l’établissement. Par delàla collégialité enseignante dont on vient de parler, onévoque ici la concertation institutionnelle, II s’agit finalement, pour les intervenants et intervenantes de participer à l’élaboration et à la mise en oeuvre du projetd’établissement. Ce qui se joue alors, c’est le sentiment d’appartenance à une communauté éducative

16. C5E, La Profession enseignante [.. .1, pp. 29-31.

17. OCDE, Enseigner aujourd’hui, Paris, 1990, p. 46 et C5E, LaProfession enseignante [...], p. 27.

18. CSE, L’intégration des savoirs [.1, pp. 39-40.19. C5E, La Pédagogie, un defi majeur [j, p. 12. Voirégalement: Sylvie

Ann Hart, L ‘Enseignement stratégique au prhnaire et au secondaireet l’approche-progran,me au colégial, Québec, CSE. f993 (colt.«Etudes et recherches»), -

vivante, dont l’ensemble des usagers du système fonteux-mêmes partie, de toute évidence.

La troisième dimension concerne les échanges professionnels et le peifectionnement par les pairs. Aufil de leur activité quotidienne, les enséignantes et enseignants, tout comme les gestionnaires d’ailleurs, accumulent des expériences qui peuvent se transformer ensavoirs. Ce sont ces savoirs d’expérience dont une organisation communautaire doit favoriser le partage. Ilimporte donc d’aménager des temps et des lieuxd’échange, de partage et de perfectionnement mutuelentre pairs: en somme, tout ce qu’on peut rassemblersous les termes «réseau de soutien mutuel», contribuantà la constitution d’une identité professionnelle.

La quatrième dimension se réfère à la participation des personnels pro,fessionnels au débatpublic. Lacompréhension de la mission et la poursuite de la réussite éducative de qualité exigent un débat public auquell’ensemble des intervenants et intervenantes doiventparticiper. Le professionnalisme collectif et ouvert donton parle requiert une préoccupation et unecompréhension partagées, à l’égard d’une mission éducative qui se définit essentiellement comme servicepublic. Responsabilité collective, entraide, appartenance, sens civique disent, à leur manière, les dimensions de ce professionnalisme collectif qu’il imported’organiser et d’aménager concrètement.

5.3.5 La création de précédentsL’organisation conviviale peut aussi s’instaurer

lentement par la création de précédents. Ces précédents peuvent prendre deux formes, principalement:celle de l’innovation et celle de l’aménagement.

La création de précédents par innovation supposequ’un espace est préservé, à l’intérieur du système,pour l’expérimentation et la recherche-action. Lesystème doit permettre en son sein que des formesd’organisation en quelque sorte «hors normes» existent ou encore que des modèles organisationnels plusconviviaux — donc axés sur la responsabilisation d~spersonnes et des petits groupes et sur l’appartenancecommunautaire — puissent être expérimentés en dehorsdes contraintes habituelles.

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La création de précédents par aménagement suppose, à son tour, qu’une structuration autre de l’organisation du temps et de l’espace éducatifs puisse êtreadmise à l’intérieur du système. Ici aussi, c’est dansl’esprit d’une convivialité au service de la réussite duplus grand nombre qu’il importe de favoriser cette organisation «autre» de l’espace et du temps. Pensons, parexemple, à la souplesse organisationnelle permettantla création de groupes ponctuels selon les besoins, laresponsabilisation collective d’un groupe d’enseignantset d’enseignantes ou encore une économie de tempsd’enseignement réinvestie dans un temps d’accompagnement (enseignement dispensé à un grand grouped’élèves par un enseignant ou une enseignante etaccompagnement de petits groupes de travail parl’ensemble des enseignants concernés).

En bref, il importe de dépasser une organisationdu travail de type industriel qui a favorisé le travailen miettes et la déresponsabilisation. Il faut rebâtirensemble sur de nouvelles bases, plus particulièrementsur un système d’action qui soit traversé par les logiques d’une organisation conviviale et qui permette lamise en oeuvre de stratégies qui introduisent graduellement cette convivialité par effet d’entraînement. Nuldoute qu’on y gagne, au terme, de meilleures chancesde réussite éducative pour tous et toutes.

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Chapitre VIL’évaluation des établissements etdu système: développer despratiques qui permettent des’améliorer et de rendre compteDans l’optique d’une nouvelle phase de démocra

tisation en éducation, axée sur la réussite et la qualité,sur des intervenantes et intervenants responsables etsur l’équilibre de la logique d’équité et de la logiquede responsabilisation, il est indispensable de parler del’évaluation des établissements et du système d’éducation. Effectivement, une telle évaluation constitueun outil de premier ordre, fournissant les informationsnécessaires au «recentrage» de la mission, à la qualitédes curriculums, au renouveau de la pédagogie, à latransformation du modèle organisationnel et à laconsolidation du système public d’éducation. Il fauten parler, d’autant plus qu’il y a ici des retards àcombler et qu’une évaluation équitable et responsablepermet les retours essentiels sur les pratiques, les corrections de trajectoire au moment opportun et la reddition publique des comptes. Au total, c’est une garantiepour un projet de démocratisation axé sur la réussiteet la qualité de la formation.

II est donc particulièrement question ici de l’évaluation des établissements à tous les paliers et du systèmed’éducation en son ensemble’. L’évaluation des établissements dont on parle inclut le jugement porté surl’efficacité et l’efficience du fonctionnement d’ensemble d’un établissement sur la base d’indicateurs et àl’aide de mécanismes, jugement porté aussi bien parl’établissement lui-même que par un organismeexterne. Par évaluation de système, on entend ces indicateurs et ces mécanismes qui permettent de porter un

I. voir, à ce sujet: Renée Carpentier, L Évaluation en éducation: situation et développements, Québec, CSE, 1993, (ColI. «Etudes et recherches»); CSE, L ‘Evaluation, situation actuelle ct voies de développement, Rapport annuel 1982-1983 sur l’état et les besoins de l’éducation,Québec, 1983, pp. 9-83; L’Education aujourd’hui: une société en d,angenient, des besoins en émergence, Rapport annuel 1985-1986 sur l’étatet les besoins de l’éducation, Québec, [986, pp. 43-48; La Qualité del’éducation: un enjeu pour chaque établissement, Rapport annuel1986-1987 sur l’état et les besoins de l’éducation, Québec, 1987,pp. 35-39; La Profession enseignante: vers un renouvelle,nent du contratsocial, Rapport annuel 1990-1991 sur l’état et les besoins de l’éducation, Québec, 1991, pp. 35-36; La Gestion de l’éducation: nécessitéd’un autre modèle, Rapport annuel 1991-1992 sur l’état et les besoinsde l’éducation, Québec, 1992, pp. 37-38 et49-51. voirégalement: G.de Landsheere, Dictionnaire de l’évaluation et de la recherche en éducation, Paris, Puf, 1992; J. Ardoino et G. Berger, D’une évaluationen ,niettes à une évaluation en actes, Paris, Andsha-matrice, 1989;J. Guin, La Complexité et les perspectives de l’évaluation en enseignement supérieur dans les pays de I ‘OcDE, Colloque de la Fédérationdes cégeps, Montréal, 1991 E. Marcil-Lacoste, «Garantir la qualitéde la formation: Pourquoi? A qui?», Colloque de la Fédération descégeps, Montréal, 1991; Paul-Emile Gingras, «L’Approche de l’accréditation», Colloque de la Fédération des cégeps, Montréal, 1991; PierreLucier, « Les indicateurs de performance dans l’enseignement supérieur: un débat et des enjeux à dédramatiser», exposé de clôture aucolloque OCDE4MHE surLes Indicateurs deperfonnance dans I ‘enseigne,nent supérieur, Paris, 1991 et Paul Inchauspé, «La recherched’indicateurs de qualité en éducation, exercice utile ou futile?», dansLa Qualité de l’enseignement supérieur au Québec, 1992.

jugement sur le fonctionnement global du systèmed’éducation. Dans l’un et l’autre cas, il s’agit d’évaluertoutes les composantes qui contribuent finalement àune formation réussie et de qualité pour les élèves:par exemple, pour les établissements, c’est l’évaluation des personnels, des programmes, des services,des règlements, des politiques et des apprentissages; demême, pour le système en son ensemble, ce sont, parexemple, les objectifs, les politiques, l’encadrementdes réseaux et les ressources humaines et financières.

Le présent chapitre comprend quatre sections. Lapremière traite des forces qui militent en faveur del’évaluation des établissements et du système et dégagele sens de cette évaluation. La deuxième jette un regardsur les pratiques existantes, pour constater que desavancées importantes mais insuffisantes ont eu lieu.La troisième montre que des résistances persistent toujours. La quatrième dégage quelques principes d’unepratique équitable et responsable.

6.1 Des pratiques existantes maisinsuffisantesL’observation des pratiques actuelles en matière

d’évaluation des établissements et du système permetde constater qu’il y a eu d’importants développements,notamment au cours de la dernière décennie2. Maisces développements sont encore incomplets et insatisfaisants. On en donne ici un bref aperçu, aux diversordres d’enseignement3.

2. Le présent aperçu, qui ne porte que sur les pratiques formelles, sous-- estime délibérément la réalité de l’évaluation puisque, au-delà de ces

pratiques formelles, il en existe d’autres plutôt informelles, souventmoins menaçantes pour les intervenanls et intervenantes mais non moinsutiles à l’amélioration de la qualité de l’activité éducative.

3. Pour un aperçu plus détaillé, voir: Renée Carpentier, op. cil. -

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6.1.1 Au primaire et au secondaire:principalement une approche «contrôle»Il importe de cerner ici l’engagement des commis

sions scolaires et des écoles par rapport à l’évaluationinstitutionnelle et de signaler où en est l’évaluationde système menée par le ministère de l’Education.

En ce qui a trait aux pratiques institutionnelles,la situation reconnue par le Conseil en 1983 sembleavoir peu évolué au cours des dernières années. Iln’existe actuellement, au primaire et au secondaire,aucune systématisation des pratiques institutionnellesd’évaluation des enseignements ou des personnels. Ily atout au plus, ici et là, quelques pratiques d’évaluation du personnel enseignant à des fréquences plus oumoins répétées. Il existe cependant davantage de politiques relatives à l’évaluation des apprentissages, dansla foulée de la politique d’évaluation du ministère del’Education de 1981. Mais, dans l’ensemble, rienn’indique actuellement que les pratiques d’évaluationinstitutionnelle soient en progression dans le réseau,si ce n’est l’impulsion que pourrait susciter la publication récente par le ministère de l’Education d’unnouvel instrument d’auto-évaluation issu d’un projetfranco-québécois sur les écoles performantes4.

Les opérations de contrôle et d’information auniveau du système sont cependant plus développées.Ainsi faut-il signaler, en ce qui concerne l’information, la publication par le ministère de l’Education desindicateurs sur la situation de l’enseignemeht primaireet secondaire, pratique récurrente en cours depuis plusieurs années; l’opération Relance au secondaire, donnant l’information sur la situation des finissantes etfinissants, près d’un an après l’obtention de leurdiplôme; l’effort d’analyse et de recherche lié au planportant sur la réussite éducative; les évaluations faites de l’application et de l’applicabilité des régimespédagogiques. En ce qui concerne le contrôle, il fautsignaler les systèmes ministériels d’évaluation desprogrammes de formation générale et de formationprofessionnelle; les examens ministériels et la publication des résultats, de même que la publication destaux de diplomation des élèves dans chaque commissionscolaire. Cela indique bien que les approches reliées

- au contrôle et à l’information semblent nettementprévaloir au palier central pour le primaire et lesecondaire, malgré des failles importantes concernantl’information ministérielle portant, par exemple, surles pratiques d’évaluation des établissements dans leréseau ou sur les innovations pédagogiques.

4. MEQ, Insrru~nent d’auto-an alyse pour contribuer à l’amélioration dela réussite éducative à l’école secondaire, Québec, 1992. cet instrument s’ajoute à ceux déjà produits par les commissions scolaires et parle MEQ dans la perspective d’améliorer l’efficacité de l’école et constituéstantôt de documents de recherche sur les critères de performance etles facteurs explicatifs de l’efficacité des établissements, tantôt de guidesméthodologiques visant l’amélioration du rendement scolaire, tantôtd’instruments servant au dépistage de clientèles à risques.

6.1.2 Au collégial: l’amorce de pratiquespartiellesAu cours de la dernière décennie, le dossier de

l’évaluation dans le réseau collégial a pris une grandeimportance. Sans doute, la demande sociale a-t-elleexercé, ici plus qu’ailleurs encore, ses pressions etfait valoir ses attentes.

En ce qui a trait aux pratiques institutionnelles,des initiatives ont vu lejour dans divers champs d’intervention. Ainsi est-ce le cas en matière d’évaluationdes apprentissages. De ce côté, les collèges ont cheminé dans la mise en place de politiques institutionnelles, bien que l’évaluation des apprentissages semble toujours y demeurer un acte privé. L’encadrementn’y est pas encore suffisant, laissant subsister des écartsimportants dans les pratiques d’un département àl’autre, voire d’un professeur à l’autre5. Pour sa part,l’évaluation des programmes prend de plus en plusd’expansion dans les établissements, mais ce champdemeure encore peu exploité6. Sur le plan de l’évaluation des personnels, bien peu d’acquis existent defaçon sensible. Par ailleurs, différents phénomènes,telles l’autorisation de nouveaux programmes, laconcurrence entre établissements ou la nouvellephilosophie de gestion en émergence, incitent présentement les collèges à se donner des plans de développement. Mais, y a-t-il même des collèges qui disposent de politiques institutionnelles couvrant l’ensembledes champs d’évaluation? On peut penser que lesobligations faites aux cégeps par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Science dans ses mesuresde renouveau pour l’enseignement collégial — politiques d’évaluation des apprentissages, des programmes, des enseignements, elles-mêmes évaluées par laCommission d’évaluation de l’enseignement collégial— vont contribuer à faire progresser les pratiques encette matière.

Des évaluations du réseau collégial existent belet bien, mais les encadrements sont pour leur partinsuffisamment analysés. De fait, le ministère del’Enseignement supérieur et de la Science y va de sesindicateurs de la qualité de l’enseignement: outils servant à suivre, par exemple, le développement des programmes, l’évolution des effectifs, les cheminementsétudiants, la relance des personnes diplômées ou lasatisfaction des employeurs à l’égard des «produits»du réseau. La commission d’évaluation du Conseil descollèges, qui sera remplacée par un organisme externed’évaluation à mandat élargi, a aussi joué un rôle dans

5. conseil des collèges, L ‘Enseignement collégial: des priorités pour unrenouveau de la formation, Québec, 1992, p. 262.

6. Ibid., p. 262.

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l’examen des politiques institutionnelles d’évaluation— principalement concernant les apprentissages, maisplus récemment ayant trait également aux programmes — et leur mise en oeuvre. En outre, de nombreuxrapports ont porté sur le réseau collégial, depuisl972~. Tout cela existe, certes, mais encore trop peud ‘analyse et d’évaluation systématiques des lois, règlements, politiques, conventions collectives, programmeset pratiques de gestion sont effectuées, bien que laministre de l’Enseignement supérieur et de la Scienceait fait des pas en ce sens avec son récent projet derenouveau8.

6.1.3 À l’université: des développementsincontestables, mais encore sectoriels etencore insuffisamment ouverts auregard externeAu palier universitaire, des développements signi

ficatifs ont eu lieu au cours de la dernière décennie,mais l’évajuation des enseignements est effectivementdemeurée une réalité sectorielle, encore peu ouverteau regard externe.

Les pratiques institutionnelles d’évaluation ont unecertaine ampleur au palier universitaire. Plusieurs établissements se sont en effet dotés de politiques d’évaluation de leurs programmes, mais également parfoisde leurs unités d’enseignement et de recherche9.Plusieurs produisent également des plans triennaux ouquinquennaux, qui semblent cependant comporter quelques faiblesses majeures: rareté des objectifs quantifiés et mesurables, lacunes dans les mécanismes internes d’évaluation et faiblesse des articulations avec leprocessus budgétaire’°. Malgré les développementsrécents, toutes les universités n’en sont pas au mêmepoint dans leur démarche institutionnelle d’évaluation.A l’heure actuelle, il semble que toutes les universitésont des politiques d’évaluation des programmes, maispeu ont développé une politique d’évaluation institutionnelle plus globale. De plus, les politiques écritesdoivent être mises en oeuvre; dans bien des cas, despratiques d’évaluation restent à développer. En outre,l’évaluation des enseignantes et enseignants se faitdavantage à l’université qu’aux autres ordres d’enseignement, mais c’est bien souvent pour les seuls motifsliés à la progression dans la carrière. Rappelons enfinque les universités se sont récemment donné unepolitique commune en matière d’évaluation des

7. voir, à ce sujet, Faul-Émile Gingras, «L’Approche de l’accréditation,pp. 6-7. Il rappelle.en particulier les colloques de 1972, 1977. 1988de la Fédération des cégeps, le Rapport Nadeau du conseil supérieurde l’éducation, le Livre blanc de 1978, ainsi que différents avis etbilans produits par le conseil des collèges.

8. Gouvernement du Québec, Des Collèges pour le Québec du XX? siècle, Québec, 1993.

9. CREPUQ, Politiques et pratiques d ‘évaluation des programmes existant dans les étàblisse,nents universitaires du Québec, Montréal, t99l.

10. Conseil des universités, La Planification institutionnelle dans les uni—versités québécoises, Québec, 1991, p. 40.

programmes existantsTM. En vertu de cette entente,elles sont convenues de procéder à l’évaluation del’ensemble de leurs programmes à l’intérieur d’un cyclede 10 ans. Elles se sont entendues sur une démarcheCommune d’évaluation qui suppose la publication desrésultats au terme du processus, de même que le recoursà une commission chargée d’évaluer la qualité du processus d’évaluation des programmes dans les universités. Cette nouvelle politique de la CREPUQ devraitapporter des améliorations importantes, en particuliersi elle a pour effet d’inciter à recourir davantage à l’évaluation externe.

Des pratiques existent concernant l’ensemble duréseau universitaire, mais il n 57 apas de véritableplanification de l’évaluation à l’échelle du système. Lesorganismes professionnels pratiquent une évaluationau regard de la préparation de la relève professionnelle et des Comités d’agrément ou d’accréditation dansd’autres domaines sont appelés à voir lejour. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Science fournitlui-même des informations ayant trait aux inscriptions,aux cheminements des clientèles et même au suivi desfinissantes et finissantst2, ii publie annuellement uncompendium des indicateurs des activités scientifiques13 et procède à l’approbation des nouveaux programmes. Mais, au-delà de ces exercices, il n’existepas de mécanismes de réseau intégrés. En raison del’organisation même du système universitaire auQuébec et de l’autonomie reconnue aux universités,notons enfin que les contraintes gouvernementalesdemeurent ici beaucoup plus légères qu’aux autresordres d’enseignement et plus légères même qu’enEurope ou aux Etats-Unis. De fait, les universités n’ontpas, comme ailleurs, à répondre de leur gestion à l’autorité ministérielle ou parlementaire14.

6.2 Pour une évaluation desétablissements et du systèmeDans l’optique de la poursuite d’une démocra

tisation axée sur la réussite et la qualité et responsabilisante pour l’ensemble des établissements, il importede développer des pratiques d’évaluation plussystématiques des établissements à tous les paliers etdu système en son ensemble. Des forces militent effectivement en faveur de telles pratiques, qui ne peuventque contribuer au progrès et à la transparence desétablissements et du système.

11. voir, à ce sujet: CREPUQ, Politique des établissements universitairesdu Québec relative à l’évaluation périodique des programnnues existants, Montréal, 1991.

t2. On pense ici plus précisément aux exploitations qui snnt faites du fichierRECU et qui donnent lieu à différentes publications.

13. MESS, Indicateurs des activités scientifiques — Compendium, voiraussi Michel Leclerc, ‘L’évaluation de la recherche dans l’enseignement supérieur au Québec: quelques paradoxes de la mesure», dansR. Rousseau et CV. de la Durantaye, La Qualité de l’enseignementsupérieur au Québec, 1992, pp. 7 à 27.

14. conseil des universités, La Planification institutionnelle [1’ Québec,1991, pp.4-l5.

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6.2.1 Des forces qui militent en faveur del’évaluationLa préoccupation pour l’évaluation n’est pas nou

velle. On reconnaît de plus en plus — dans les principes, du moins — qu’elle fait partie intégrante de toutbon processus de gestion. Cependant, dans le contexteactuel, quelques forces concourent à la rendre encoreplus impérative.

Qu’on pense, en premier lieu, à la transparenceattendue des pouvoirs publics comme des établissements en matière d’éducation, tout particulièrementen période de restriction budgétaire et dans un contexteoù le développement de la ressource humaine sembleprimordial pour la croissance économique. Il paraîtde plus en plus légitime, tant à la population en sonensemble qu’aux organismes de financement en particulier, de rechercher la meilleure utilisation possibledes ressources disponibles et d’atteindre la plus granderéalisation des objectifs visés.

Qu’on pense, en deuxième lieu, aux exigencesd ‘accès à la réussite et à la qualité. En contexte d’enseignement de masse, on se préoccupe de plus en plusde la réussite du plus grand nombre possible, de lapersévérance dans le cheminement de scolarisation etde qualification et de la qualité des formations acquises. Tout cela renvoie aussi à l’évaluation des performances des établissements et du système.

Qu ‘on pense, en troisième lieu, à l’autonomie plusgrande réclamée pour les établissements d’éducation.On lie.effectivement — et le Conseil, le premier15 —

la réussite et la qualité à cette plus grande marge demanoeuvre des établissements. Il semble normal que,en retour, les établissements aient à faire la preuvede leur efficacité et de leur efficience, l’autonomies’accompagnant nécessairement d’imputabilité.

Qu ‘onpense, en quatrième lieu, au droit du publicà l’information. Le public consommateur de biens etusager de services affirme ses droits d’être protégéet bien servi. Or, les organisations disposent maintenant des outils qui leur permettent de se donner toutesles informations utiles et de les transmettre: par exemple, technologies de l’information facilitant laconstitution de banques de données et développementd’indicateurs de performance pouvant être intégrés àla gestion de l’éducation.

15. CSE, La Qualité de l’éducation, un enjeu

6.2.2 L ‘amélioration institutionnelle et lareddition de comptes

Le Conseil insiste sur l’équilibre qui doit existerentre ces deux volets de l’évaluation: l’améliorationinstitutionnelle et la reddition de comptes. Ces deuxvolets sont inséparables et font partie d’une gestionde l’éducation soucieuse de résoudre les problèmesauxquels elle doit faire face. Une évaluation institutionnelle à visée formative et développementale et unereddition de comptes dont l’objectif est de faire ladémonstration de la pertinence et de la qualité desactions entreprises et des résultats atteints compte tenudes ressources allouées: voilà deux tâches essentielleset inséparables’6.

Le sens premier de l’évaluation réside dans I ‘amélioration institutionnelle ou l’amélioration du systèmeen son ensemble. Il y va ici de l’accroissement de lacompétence éducative des établissements ou dusystème, entre autres choses par l’entremise du diagnostic qui permet de mieux comprendre les facteursqui influent sur la qualité, ou grâce aux régulationsqu’elle peut favoriser dans les processus de gestionou encore par l’intermédiaire des gratifications qu’ellepeut apporter aux personnels concernés17. Donnerainsi un sens formatif et développemental à l’évaluation peut contribuer à une reconnaissance plus ouvertedes lacunes à corriger et à une institutionnalisation plusfacile des démarches d’évaluation’8.

Mais la perspective de la reddition des comptess’impose de plus en plus. Non seulement peut-ellegarantir la transparence, mais elle peut aussi nourrirdu même coup l’amélioration institutionnelle. Lajonction des deux perspectives constitue donc un défiimportant, nettement tourné vers l’avenir. Et on peutpenser, par exemple, que des universités, pratiquantsérieusement l’évaluation institutionnelle et tenues derendre publiquement des comptes sur la qualité de leurenseignement, en arriveraient à développer un meilleuréquilibre entre la recherche et l’enseignement. Quoiqu’il en soit, à tous les ordres d’enseignement,évaluation institutionnelle et reddition des comptespeuvent contribuer à cet achèvement de la démocratisation de l’éducation dont traite le présent rapport.

16. csE, La Gestion de l’éducation [... 1, pp. 37-38.

17. On oublie en effet trop souvent que l’évaluation des activités commedes personnels peut être snurce de gratification et de valorisation.

18. A. Laurion, Évaluation des établissements, Québec, Conseil descollèges, 1983, p. 5 (document de travail)

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6.3 Des résistances persistantes àl’évaluation des établissementsDe toute évidence, le dossier de l’évaluation des

établissements et du système est encore loin de répondre parfaitement aux exigences de la demande sociale.Des freins au développement de cette évaluationcontinuent d’exister. On en signale ici quatre qui, sansêtre exclusifs, paraissent du moins être les principalesrésistances qu’il faudra sans doute dépasser, pour quese poursuive ici la démocratisation de l’éducation.

6.3.1 Le manque d’imputabilitéL’évaluation institutionnelle et la reddition des

comptes sont liées à la responsabilisation des établissements et à leur imputabilité. Elles peuvent plus facilement germer dans un milieu propice, c’est-à-dire responsabilisé et imputable de ses actions et de sesrésultats.

Une responsabilisation restreinte des établissements nefavorise ni l’évaluation institutionnelle ni lareddition des comptes. C’est d’abord qu’elle ne suscite pas la mobilisation des personnels en faveur del’évaluation. En contexte centralisé, c’est le contrôleexterne de type bureaucratique qui tend à s’imposeret ce contrôle s’exerce forcément au palier central.La situation qui prévaut au primaire et au secondaireen est une illustration frappante.

Au contraire, la responsabilisation impose I ‘évaluation. On l’a dit: la plus grande marge d’autonomiedonnée aux établissements leur impose en quelque sortele devoir de s’évaluer et de rendre des comptes. Desencadrements trop lourds, tout comme des contrôlestatillons, suscitent la démobilisation au palier local,aussi bien des gestionnaires que du personnel enseignant. Or, la résistance à l’évaluation institutionnelleet à la reddition des comptes vient d’abord de cette«force d’inertie».

6.3.2 L’insécurité des personnelsL’insécurité des personnels — non seulement du

personnel enseignant, mais également des gestionnaires eux-mêmes — constitue certes un autre frein à l’évaluation des établissements. La résistance est profonde,car elle rejoint des craintes qui minent, à leur basemême, la motivation et la confiance qui permettraientde s’engager.

Ces craintes se fondent sur une perception négative de l’évaluation. On perçoit en effet l’évaluationcomme une arme au service des administrations afinde réduire les coûts19. Dans cette optique, l’évaluation ne semble servir qu’à faire des économies et tout

19. C. Quérido, «La difficile mais nécessaire évaluation de la qualité»,dans La Qualité de l’enseignement supérieur au Québec, Sillery, PUQ,1992, p. US.

spécialement sur le dos des personnels. On perçoit également le caractère injuste d’évaluations fondées surdes indicateurs de performance exclusivement reliésà la mesure des extrants — les résultats des élèves,par exemple, à des examens ministériels — et à courtevue. Dans ce contexte, le personnel enseignant craintqu’on ne lui rende pas justice et les gestionnaires eux-mêmes redoutent de devenir des boucs émissaires. Enoutre, on appréhende que l’évaluation soit faite pardes personnes qui n’ont pas les compétences requises. L’insécurité et la résistance naissent enfin de lapeur d’être exposé au regard de l’autre, ce regarddevant comme nécessairement conduire à des jugements dévalorisants et condamnatoires.

Or, l’évaluation bien faite peut être occasion des ‘améliorer et de tisser des liens, U faut donc changerla perception, car l’évaluation peut être occasion dese construire au contact des autres, de sortir de sonisolement, de débattre de ses préoccupations, deprendre conscience de la contribution de chacun etchacune. Tout compte fait, l’évaluation peut être unesource importante de motivation et de valorisation dupersonnel. Mais, reconnaissons-le, les évaluations«sauvages» et le sous-développement de l’évaluationinstitutionnelle et de la reddition des comptes à l’heureactuelle ne contribuent certes pas à mettre en valeurce type de bénéfice ni à contrer la hantise des effetspotentiellement punitifs de l’évaluation.

6.3.3 La fermeture au regard externeUne autre résistance tient au relùs d’accepter qu’un

regard soit jeté, de l’externe, sur les pratiques des établissements. Il y a ici aussi une peur qui sait par ailleurs se donner les alibis d’un discours justificateur.

C’est la peur de s’exposer au regard extérieur20,d’abord. De toute évidence, au sein des établissements,on craint le regard externe qui peut venir porter unjugement tant sur les activités mises en oeuvre que surles résultats obtenus. Et pourtant, la logique de la reddition des comptes va jusque-là. On constate ici uneffet pervers d’un professionnalisme conçu sur lemo&le individualiste des professions libérales: seules les personnes professionnelles et reconnues commecompétentes et expertes peuvent juger de la pertinencede leurs actions et de la qualité des résultats atteints.Ce type de professionnalisme témoigne d’un individualisme et d’une conception de l’acte éducatif commeacte privé qui n’ont plus leur place, du moins dansune entreprise éducative.

20. Paul Inchauspé, L’Avenir du cégep, p. 76.

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Mais c’est aussi le corporatisme qui offre quelquerésistance. La défense des intérêts corporatistes, quelleque soit la structure qui la porte et l’exprime — ledépartement, au collège et à l’université, en est malheureusement souvent un bel exemple — , laisse peude place au regard externe. Non seulement le corporatisme résiste-t-il à toute évaluation institutionnellemenée de l’intérieur de l’établissement, mais encoreil se ferme littéralement à toute évaluation qui seraitfaite de l’extérieur. C’est, à proprement parler, unsystème clos, qui laisse bien peu de place aux regardsextérieurs et aux forces exogènes d’évaluation.

6.3.4 La culture de la démissionet de la toléranceIl existe, dans les milieux éducatifs, un autre frein

à l’évaluation: c’est la mentalité ou la culture de ladémission et de la tolérance. Les alibis du discoursexistent ici également, pour masquer des silences révélateurs et une absence d’intervention sérieuse.

Cette démission et cette tolérance existentpar rapport aux cas déviants21. Il s’agit, en particulier, deces enseignantes et enseignants ou de ces gestionnaires, par exemple, dont les pratiques sont largementdécriées, mais face auxquelles collègues enseignantset gestionnaires n’osent pas intervenir. Ces cas, sansdoute plus visibles que nombreux, sont en fait la rançon d’un système où l’imputabilité ne fait pas encorepartie des moeurs. La tolérance à leur égard est tributaire de cette mentalité individualiste, qui caractériseencore trop certains milieux éducatifs, notamment ceuxde l’enseignement supérieur.

Si cette tolérancefaitpartie d’un système d’actionindividualiste et corporatiste, elle assure auxpersonnes déviantes une situation de confort absolu. Elle lesconforte en même temps qu’elle le fait pour l’ensemble des collègues, selon cette conception qui fait del’acte éducatif un acte privé. De là à paralyser touteforme d’évaluation institutionnelle et de reddition descomptes, il n’y a parfois qu’un pas vite franchi. Laculture de la tolérance et le système d’action individualiste qui la fonde jouent effectivement contre I ‘évaluation. Ils ont, eux aussi, l’effet d’un frein.

6.4 Des principes pour le développementd’une pratique équitable et responsableL’objectif n’est pas ici de construire un quelcon

que guide méthodologique. Des outils de ce genre existent déjà. Ce qui importe pour le Conseil, c’est plutôtde rappeler les fondements d’un bon système d’actionen matière d’évaluation des établissements •et dusystème. C’est dans cet esprit que, sans prétendre à

21. Gaston Faucher, Les collèges et I ‘dvaluation: questions et perspectives,Colloque de la Fédération des cégeps, 1991, p. 8.

‘exhaustivité, il retient cinq grands principes aptesà fonder une stratégie d’intervention respectueuse dela logique d’unité et d’équité, d’un côté, et de la logique de différenciation et de responsabilisation, del’autre.

6.4.1 Une conception commune del’évaluationIl est primordial que l’ensemble des intervenants

et intervenantes des établissements se donnent unevision commune de l’évaluation. L’élaboration ou lamise à jour du projet d’établissement inclut effectivement un débat et une entente sur les visées de toutepolitique d’évaluation de l’établissement et même surcertains paramètres essentiels de ce système d’action.C’est comme contribution à ces échanges entre intervenantes et intervenants de première ligne que leConseil propose ici quelques réflexions.

D ‘abord, le sens de l’évaluation. On y a déjàinsisté. Qu’il suffise de rappeler cet esprit dans lequeldoit se développer l’entreprise d’évaluation de l’établissement. Cet esprit est précisément celui de l’analyseet de l’évaluation institutionnelles dans une optique«formative», ouvrant sur l’amélioration des pratiqueséducatives de l’établissement. C’est aussi celui del’analyse et de l’évaluation institutionnelles dans uneoptique «sommative», débouchant sur la redditionpublique des comptes et sur l’acceptation d’un regardexternejeté sur cette évaluation menée à l’interne. Ladémocratisation de l’éducation exige aujourd’hui desintervenantes et intervenants responsabilisés —

capables de s’auto-évaluer, aptes à rendre compte deleur évaluation et à la voir elle-même jugée de l’extérieur. Par ailleurs, qu’elle soit formative ou sommative, l’évaluation trouve son sens ultime dans la qualité de la formation du plus grand nombre possible depersonnes, ce qui constitue le coeur même de cettedémocratisation qualitative requise aujourd’hui.

Ensuite, la portée de cette évaluation. Il importede comprendre que l’évaluation — qu’elle soit systématique et formelle ou sans caractère officiel etinformelle — doit être utile. En d’autres termes, onn’évalue pas pour le simple plaisir d’évaluer. On évalue afin que des décisions soient prises, à quelque palierque ce soit, concernant autant les visées à ajuster queles moyens à prendre, et ce, toujours dans l’optiqued’une amélioration de la qualité de la formation. Ence sens, toute évaluation acquiert sa véritable portéedans les décisions qui sont prises et les actions qui sontréalisées dans sa foulée: c’est là qu’elle acquiert sonutilité, son efficacité et son réalisme.

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Enfin, quelques paramètres d’une évaluation équitable et responsable. Ainsi est-il important de mettrede l’avant une évaluation qui n’oublie jamais sa raisond’être ultime, soit une réussite éducative de qualitépour le plus grand nombre possible; qui rompe aveccette idée que tout regard externe sur le fonctionnement et les résultats éducatifs des établissements estincompatible avec l’autonomie professionnelle etinstitutionnelle; qui reconnaisse que la diversité desapproches est pertinente, au même titre qu’elles’impose dans le curriculum, la pédagogie et l’organisation; qui reconnaisse, par delà les protocolesformalisés, la valeur des approches plus informellesselon les contextes et les objets en cause; qui se donneles moyens de garantir l’équité à toutes les personnesconcernées; qui priorise le droit à la réussite et respecte, pour autant, le droit à l’erreur comme l’une desconditions de cette réussite.

6.4.2 Des intervenantes et intervenantsresponsables à tous les paliers du systèmeL’efficacité de l’évaluation n’existe que si chacun

ou chacune prend ses responsabilités. Plus que jamais,l’imputabilité apparaît également comme une nécessité dans une nouvelle phase de démocratisationscolaire: ce qui nous renvoie, une fois encore, à l’élargissement de la marge de manoeuvre des établissementsou à ce que certains appellent «une augmentation appréciable de la capacité administrative au niveau desétablissements22».

Encorefaut-il que les établissements assument leurleadership en matière d’évaluation. Il leur faut s’inscrire résolument dans une démarche d’auto-évaluationinstitutionnelle crédible, transparente et aux objectifsclairs. Qui plus est, cette démarche doit être partagéepar l’ensemble des personnels à l’interne. Pour qu’ellene se dégrade pas en pure technique, mais conservesa fonction critique et «sa capacité de révélerl’imprévu23», la démarche doit compter sur la mobilisation interne de tous les partenaires. Alors seulement peut se développer, au sein de l’établissement,une culture de l’évaluation24.

22. H.P.. KelIs, «Le deuxième aspect ironique: te système d’évaluationdes établissements d’enseignement supérieur aux Etats-Unis», dansRevue internationale de gestion des établissemenrs d ‘enseignementsupérieur, vol. 10, n’ 2, juillet 1986, cité par A. Laurion, Evaluation des établissements, p. 20.

23. J. Ardoino et G. Berger, D’une évaluation en miettes [.1. p. 17.

24. P.T. Eweil, Outcomes Assess,nent, Institutional Effectiveness, andAccreditation :A Conceptual Exploration, COPA, Washington, 1992,cité par A. Laurion, L ‘Accréditation: un sceau de qualité accordéaux établissetnents d ‘enseignement a,néricains après un processuscomplet d’auto-évaluation de l’établissement, Conseil des collèges,document de travail, 1993, pp. 15-16. Voir aussi H.P.. Kelis, «Objectifs et moyens dans l’évaluation de l’enseignement supérieur», dansGestion de l’enseignement supérieur, 1992, vol. 4, n’ I, pp. 100113.

Mais, ici non plus, cette responsabilisation ne doitpas conduire au laisser-faire de 1 ‘Etat. Il importe,certes, que l’Etat offre son soutien aux établissements;mais il lui faut également exercer cette fonction régulatrice — on en trouvera l’expression dans des arbitrages et des planifications ministérielles,— que lesvisées d’équité et d’unité lui imposent. L’Etat ne peuten outre échapper à ses propres bilans: il doit lui aussirendre des comptes publiquement.

Les utilisateurs et utilisatrices du système doiventaussi participer pleinement à la démarche d’évaluation. Responsabiliser l’ensemble des acteurs à tous lespaliers de la structure éducative implique que des élèves, des parents, des représentants et représentantesdu marché du travail, des citoyens et citoyennes puissent apporter une contribution, variable selon les objets,à cette démarche d’évaluation institutionnelle.

6.4.3 L’évaluation comme constituante duprocessus de gestionL’évaluation doit faire partie du processus de ges

tion, autant de celui de l’Etat que de Celui des établissements et des organismes locaux. Elle ne peut y figurer comme simple activité de suivi ou de contrôle; elledoit apparaître comme composante d’une stratégie degestion axée sur l’amélioration institutionnelle et lareddition publique des comptes -

L’évaluation doit s ‘inscrire comme élément ducycle de gestion de chaque établissement. Elle est donc,à ce moment-là, intimement liée à la dynamique etau projet d’établissement. C’est d’ailleurs un tel projet qui donne son sens à l’évaluation. Il en est commel’une de ses conditions. Le projet d’établissement estd’ailleurs une façon de mobiliser le personnel et del’aider à percevoir l’utilité de l’évaluation. C’est dire,du même coup, qu’il peut exister plusieurs bonnesfaçons de bien faire les choses; c’est dire aussi quela logique de différenciation joue ici encore.

L ‘évaluation doit recouvrir tous les champs del’activité des organismes25. On comprend qu’ il soitimpossible de tout faire en même temps, mais il fautcependant se faire à l’idée que l’évaluation ne peut

25. J. Guin, La complexité et les perspectives de l’évaluation enenseignement supérieur dans les pays de I ‘OCDE, Colloque de laFédération des cégeps sur l’évaluation, 1991, pp. 27 et suivantes.

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demeurer uniquement sectorielle. Sur une période detemps — par exemple, selon un plan quinquennal —,

aucune dimension importante de la vie institutionnellene doit lui échapper. On pense ici à l’évaluation desprogrammes, des unités d’enseignement ou de recherche, des services offerts, mais tout particulièrementà cette évaluation des enseignements et du personnelenseignant, actuellement délaissée ou tout au moinssous-développée. Inscrite dans un projet d’amélioration d’une école, d’un cycle d’études, d’un programme,d’un département ou encore d’une faculté, l’évaluation du personnel enseignant devrait représenter unobjet aussi incontournable que les autres composantesinstitutionnelles: il y a par ailleurs ici un moyend’enrichir la pratique et de revaloriser la professionenseignante, choses tant souhaitées à l’heure présente.

6.4.4 Des indicateurs témoins etcomplices de l’amélioration institutionnelleSi les discours souvent très controversés sur les

indicateurs de qualité ont pu servir d’<alibi à la peurde s’exposer’>, il demeure qu’ils ont néanmoinscontribué à mettre en évidence cette nécessité d’allerau-delà des seuls indicateurs de performance, liés auxrésultats scolaires.

Ici également, l’ensemble des dimensions de la vieinstitutionnelle doit être pris en considération par lesindicateurs. En ce sens, les indicateurs doivent êtretémoins et complices de la dynamique et du projet d’établissement. La qualité de l’éducation qu’ils cherchentà vérifier est forcément multidimensionnelle. On nepeut donc réduire l’entreprise aux seuls indicateursde performance liés aux résultats scolaires comparésd’un établissement à l’autre et contribuant, par la suite,à classer les établissements entre eux. L’équité ne seraservie que par un ensemble d’indicateurs qui prennenten considération toutes les facettes de la vie institutionnelle.

Des indicateurs témoins et complices cherchentà évaluer, dans toute la mesure du possible, ce qu’onappelle la «valeur ajoutée». En ce sens, ils permettent de s’inscrire dans une démarche systématiqued’observation, en vue de jugements éclairés sur lesapprentissages réalisés, de même que sur la contributionspécifique de l’établissement. C’est dire qu’ils sontalors témoins à la fois du cheminement parcouru parles élèves sous l’angle des compétences acquises etdes efforts faits par l’établissement, dans l’ensemblede son fonctionnement, pour faire progresser les élèves.

C’est dire qu’ils sont également complices des démarches éducatives de l’établissement et de leur amélioration, par delà la simple mesure comparative desrésultats scolaires et par delà la seule insistance surles lacunes en performance d’un établissement.

6.4.5 La complémentarité des interventionsinternes et externesSi l’auto-évaluation institutionnelle représente une

première nécessité, sa rigueur et sa crédibilité souffriraient de l’absence d’un regard externe. Au-delà dela démarche interne d’évaluation institutionnelle et dereddition des comptes, il y a la pertinence d’un jugement porté de l’extérieur, témoignant autant de larigueur des processus mis en oeuvre que de la valeurdes résultats obtenus26.

Ce regard externe s ‘impose à tous les paliers dusystème. A priori, il n’y a aucune raison d’exclure quelque établissement d’éducation de quelque niveau qu’ilsoit ni non plus les organismes locaux, régionaux etcentraux. Ce regard externe peut prendre des formesmultiples: par exemple, un organisme externe d’évaluation ou d’accréditation, dont les configurationsvarient selon les fonctions qui lui sont dévolues; uncomité d’agrément des programmes; des examensnationaux; la présence d’experts externes au sein descomités institutionnels d’évaluation.

En somme, il faut que ce regard externe ait desmodalités variables, mais des exigences comparables.Actuellement, tous les feux sont braqûés sur la miseen place d’un organisme externe d’évaluation dans leréseau collégial. Cela ne signifie pas, pour autant, qu’ilfaffle nécessairement mettre sur pied une structure identique dans le réseau primaire et secondaire comme dansle réseau universitaire27. Ce qu’il importe sans doutede promouvoir partout, c’est un regard externe auxexigences comparables, mais aux modalités variablesd’un ordre d’enseignement à l’autre.

L’évaluation des établissements et du système estessentielle. Elle doit s’accomplir sur des basesd’équitéet de responsabilité, à tous les paliers, en préservantson horizon: l’amélioration institutionnelle et la reddition de comptes en fonction de la réussite éducativeet de la qualité des formations.

26. Conseil des collèges, L ‘Enseignement collégial: des priorités [.. . J,

p. 269.27. Au moment où l’on crée un organisme externe d’évaluation au collé

gial, certains se demandent cependant si la chose ne conviendrait pasaussi au réseau primaire et secondaire (et même au réseau universitaire). certains mémoires présentés à la commission parlementaireportant sur l’avenir du cégep en faisaient état. Un regard externe systématique, autre que ministériel, pourrait en effet êtrejeté sur les politiques d’évaluation des apprentissages, des enseignements et des personnels des commissions scolaires, par exemple. cet organisme pourraitégalement offrir une aide et un soutien aux commissions scolaires enmatière d’évaluation.

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Chapitre VIILes structures: des éléments àconsolider pour un véritablesystème public

Le parachèvement de l’entreprise de démocratisation amorcée avec la réforme scolaire des annéessoixante appelle une meilleure conciliation de la double dynamique évoquée au début: équité et unité, d’unepart, différenciation et responsabilisation, d’autre part.Ces deux dynamiques doivent traverser, de part enpart, l’ajustement des structures dans le système publicd’éducation: cela va du partage des pouvoirs de décision à l’articulation entre les ordres d’enseignement,en passant par le financement et les aménagementsconfessionnels. La conjoncture actuelle nous invite àregarder ces aspects particuliers de la structure, quisont aujourd’hui objets de débat et qui peuvent aiderà relever le défi de la réussite et de la qualité.

Le présent chapitre comprend quatre sections. Lapremière est centrée sur le nécessaire partage des responsabilités. La deuxième insiste sur la sauvegarde desacquis de financement. La troisième indique des voiesd’articulation entre les ordres d’enseignement. La quatrième rappelle les enjeux qui imposent une évolutiondes structures confessionnelles.

7.1 Le nécessaire partage desresponsabilités’

n importe de revoir le partage des responsabilités, mais à certaines conditions. C’est d’abord sur labase de la double logique de l’équité et de l’unité, d’unepart, de la différenciation et de la responsabilisation,d’autre part, qu’il doit être établi; la nouvelle phasede démocratisation de l’éducation axée sur la réussiteet la qualité pour tous et toutes ne pourra se réalisersans un équilibre de ces deux logiques; elle ne pourras’accomplir non plus sans un leadership étatique et sansdes établissements responsabilisés, appelés à participer davantage aux orientations d’ensemble: ce sontcertainement là des conditions à respecter en matièrede partage dès responsabilités.

1. voir: Gifles Sénéchal, La Décentralisation en éducation: situation etconditions de développement, Québec, CSE, 1993, (Colt. «Etudes etrecherches»); Marthe Henripin, Responsabilisation des enseignants etqualité des résultats éducatifs, un cadre de stratégies pour! ‘ense,nbledes gestionnaires, Québec, ENAP, 1986, (projet d’intervention en vuede l’obtention de la maîtrise en administration publique), et SylvainLourié, «Vers un pilotage stratégique en éducation», dans Les Perspectives de la planification en éducation, Paris, UNESCO, 1989.

7.1.1 Une centralisation qui perdureNombre d’États modernes ont adopté des stratégies

interventionnistes qui se sont traduites par une centralisation administrative visant à accélérer les développements qui s’imposaient. Lors de la Révolutiontranquille, le Québec est entré dans cette dynamiquequi perdure jusqu’à aujourd’hui.

L ‘État québécois a largement centralisé ses stratégies de développement et ses processus décisionnelset administratifs. Dans une optique d’équité, decohérence et d’efficacité, le développement s’est faità partir du haut, toutes les régions étant alors perçuescomme le terrain d’opération de l’Etat et de ses organismes sur le territoire. Cette gestion et ce développement exogènes ont comporté leurs effets pervers:démobilisation et déresponsabilisation au palier localet croissance d’un appareil technocratique. Pourdécongestionner le système, l’Etat a procédé à unedéconcentration administrative qui a consisté à faireexécuter dans les régions des tâches identiques à cellesexécutées au centre: ce qui n’implique pas le partagedes responsabilités2, mais constitue néanmoins un premier pas dans la recherche d’une gestion étatique quitente de se rapprocher des usagers et usagères desservices publics.

Le système d’éducation n’a pas échappé à cettelogique de centralisation. Surtout en ce qui a trait àl’enseignement obligatoire, on peut noter que lestendances trop centralisatrices ont produit les effetspervers signalés plus haut. C’est un fait que les encadrements — régimes pédagogiques (et programmes),règles budgétaires et conventions collectives de travail— pèsent lourd au primaire et au secondaire. Mêmel’enseignement collégial, qui témoigne d’une certainemixité en matière de centralisation et de décentralisation, n’a pas été à l’abri de ce mouvement centralisateur dans son régime pédagogique, ses règles

2. voir, sur ce sujet: Gouvernement du Québec, Rapport de la commissionsur les services de santé et les services sociaux, Quéhec, 1988; conseildes affaires sociales, Un Québec solidaire. Rapport sur le développe-ment, Boucherville, éd. Gaètan Morin, 1992; Sylvain Lourié, «versun pilotage stratégique [...jO.

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budgétaires et ses conventions collectives. Seull’enseignement universitaire profite d’une très largedécentralisation3, qui s’appuie sur l’autonomie acceptée et reconnue des établissements.

7.1.2 Une répartition équitable despouvoirs de décisionUne décentralisation plus grande est nécessaire en

ce qui concerne les enseignements primaire, secondaire et collégial. Décentraliser signifie ici répartirautrement le pouvoir décisionnel, les contrôles administratifs et les modalités de financement.

Fournir aux élèves, jeunes ou adultes, une réponsepluspertinente à leurs besoins etfavoriser des réussites éducatives de qualité: tel est le sens profond detout nouveau partage des responsabilités. Aujourd’hui,toute réussite éducative de qualité passe par la responsabilisation des agents et agentes de première ligne.La nouvelle phase de la démocratisation en éducationvise cette réussite et exige, comme l’un de ses moyensindispensables, des intervenantes et intervenants responsables.

Dans cette répartition équitable des pouvoirs dedécision, il y a une dynamique à respecter. Si l’ondésire en effet s’engager dans un processus de «décentralisation durable», il importe d’abord de reconnaître où se trouvent les compétences permettant d’atteindre les objectifs visés. Procéder à un partage équitabledes pouvoirs de décision, c’est donner la responsabilité aux personnes qui ont l’expertise et les compétencesappropriées. Selon les objectifs fixés, l’actéurcompétent devrait donc être l’acteur responsable. Ence sens, la décentralisatiôn est liée à la reconnaissancedu professionnalisme des acteurs. Mais le partage équitable s’accompagne aussi de l’octroi des ressourcesnécessaires. Les personnes reconnues commecompétentes et responsables doivent disposer des ressources leurpermettant d’atteindre les objectifs fixés.Enfin, toute personne compétente investie de responsabilités et disposant des ressources appropriées estastreinte à rendre des comptes. Il y a donc, en éducation comme ailleurs, une séquence de la répartitionéquitable qui va de la compétence à l’imputabilité, enpassant par la responsabilité et les ressources.

Les objets de partage touchent essentiellement lescurriculums, les conditions de travail et les modes definancement. Dans chaque cas, des responsabilités sontnécessairement assumées au centre et des marges demanoeuvre devraient nécessairement exister pour lesétablissements, dans le respect de la double logiquerappelée plus haut. Cela signifie que les régimes pédagogiques, les conventions collectives et les enveloppes budgétaires doivent être aménagés de telle sorte

qu’ils donnent aux équipes de première ligne dans lesétablissements d’éducation les marges de manoeuvrenécessaires à l’exercice de leurs compétences et deleurs responsabilités professionnelles.

7.1.3 Un leadership étatique

La décentralisation durable n’est pas synonymede désengagement moral ou financier de l’Etat. L’Etatn’a pas à s’effacer. L’équité et l’unité du système d’éducation requièrent qu’il assume ses responsabilités, dansl’exercice de ses compétences propres. Le modèle departage doit respecter ces objectifs de système quiconcernent, au plus haut point, la démocratisation del’éducation.

L ‘État a un rôle de pilotage. L’administration centrale se doit d’exercer ses fonctions de planificationstratégique et de coordination du système en vued’atteindre les grands objectifs de la mission éducative, de préserver l’accessibilité des études, d’offrirà tous et toutes des chances de réussite et de garantirla qualité des formations acquises. Donner les orientations, coordonner les actions et répartir les ressources: telles sont les grandes tâches auxquelles l’Etatdoit présider. Le partage équitable des responsabilités ne remet en cause ni les objectifs nationaux ni lesresponsabilités de l’Etat.

L ‘État o un leadership à exercer. Il est le premierresponsable de l’accomplissement de la mission éducative dans l’ensemble du système. Pour ce faire, illui faut conserver ses responsabilités à l’égard desgrands objectifs de formation des curriculums, des principaux paramètres des conditions de travail et del’équité dans les modes de financement: toutes chosesqui relèvent de la compétence de l’Etat, outil normalde ce qu’on appelle encore «le bien commun».

7.1.4 Des établissements plus responsables

Des marges de manoeuvre locales existent, commeon le reconnaît généralement. Mais dans une optiquede partage plus équitable des pouvoirs de décision,il importe de les élargir encore en matière de régimespédagogiques, de conventions collectives et de règlesbudgétaires, et ce, principalement au primaire et ausecondaire mais également au collégial. En profondeur, il y va ici de la confiance qu’on met dans lesacteurs de première ligne, dans leur sens de la responsabilité envers la réussite éducative de tous et touteset dans leur capacité de trouver les moyens appropriés.

Cet élargissement de la marge de manoeuvre doitpermettre desprojets d’établissement encoreplus distincts. Il n’est nullement question, certes, que les projets d’établissement aillent à l’encontre des grandsobjectifs de système. Bien au contraire, la plus grande

3. C5E, Du collège à l’universird [...], pp. 9-10.

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responsabilisation des établissements peut favoriserl’atteinte de ces objectifs d’ensemble, et ce, d’autantplus si les responsables de la base participent à la formulation de ces objectifs. La logique de différenciation et de responsabilisation des établissements jouantdavantage dans l’aménagement du curriculum, dansl’organisation du travail éducatif et dans la répartitioninterne des budgets, il s’ensuit que les actions nécessaires à une réussite éducative de qualité pour le plusgrand nombre possible seront vraisemblablement plusappropriées et plus efficaces. La démocratisation del’éducation en tant que projet de société a besoin icide s’incarner de façon responsable dans des projetsd’établissement4.

Pour qu’il y ait décentralisation durable autantque partage équitable, le partenariat doit exister à labase. Les marges de manoeuvre consenties aux établissements doivent en quelque sorte se répercuter surles intervenants et intervenantes de première ligne. Euxaussi, et sur la base de leurs compétences propres etde leur professionnalisme, doivent être responsabilisés à titre de partenaires à part entière5. Et ce partenariat vécu à l’interne entre les personnels éducatifsdoit en outre avantageusement se prolonger avec lesélèves, les parents et la communauté locale.

7.2 La sauvegarde des acquis definancementDans un contexte de crise budgétaire et de remise

en question des rôles de l’Etat, il importe de rappelercertains acquis du financement de l’éducation sur lesquels il ne faudrait absolument pas revenir, si l’onsouhaite vraiment poursuivre le projet de la démocratisation en éducation. Ces acquis sont, en un sens, dedeux ordres: de l’ordre des principes et de l’ordre desfaits.

7.2.1 Une remise en question des acquisde financementPartout en Occident, le contexte de ralentissement

économique, allié à l’idéologie néolibérale en émergence, amène à remettre en question certaines interventions financières de l’Etat. Le pendule est ici, d’unecertaine manière, inversé à court de ressources, l’Etattend à s’effacer, du moins en matière de financementde certaines de ses missions historiques.

4. CSE, L’Enseignement supérieur: pour une entrée ~...J, p. 133.

5. Dans le réseau primaire et secondaire, la décentralisation doit se poursuivre des commissions scolaires vers les écoles et de la direction desécoles jusqu’aux personnels et aux usagers de t’établissement.

La crise financière de I ‘État rejaillit sur I ‘éducation. L’éducation apparaît de plus en plus comme unemission en compétition avec d’autres pour s’approprier des ressources financières de plus en plus rares:des reculs sont à craindre6. Et au moment même oùles restrictions budgétaires font sentir leurs effets surl’éducation, la demande de services augmente —

pensons, en particulier, aux adultes qui ont besoin deperfectionnement et de recyclage, voire d’une premièrequalification professionnelle, aux enfants en difficultéd’adaptation et d’apprentissage ou encore aux jeunesdécrocheurs et décrocheuses — et de façon sensible.

Fait à noter: le financement étatique du systèmed’éducation demeure encore substantiel, au Québec.Ce financement est presque complet à l’enseignementprimaire et à l’enseignement secondaire: le champ destaxes foncières scolaires représente un peu moins de10 % des dépenses des commissions scolaires7. Al’enseignement collégial, le financement étatique estde 94%, les autres sources étant les fondations, lescours et les services autofinancés destinés à diversesclientèles et aux entreprises. A l’université, le financement provient substantiellement de I’Etat, mais également des droits de scolarité, des contrats de serviceavec les entreprises et des subventions destinées auxprojets de recherche.

7.2.2 Des principes

Rappelons ici quelques principes qui ont fondé lefinancement de l’éducation dans notre société. Il y aici des principes qu’il faut parfois préserver «à toutprix», c’est le cas de le dire, et d’autres qu’il imported’affirmer davantage dans une nouvelle phase de démocratisation de l’éducation axée sur la réussite et laqualité.

D ‘abord, le rôle stratégique de l’État. Pour desraisons d’accessibilité des études et d’équité sociale,l’Etat est devenu le principal bailleur de fonds de l’éducation tant obligatoire que postobligatoire. C ‘est direque l’éducation a été conçue comme un élément d’unepolitique de redistribution du pouvoir et du savoir.Spécialement dans une optique d’achèvement de ladémocratisation de l’éducation, ce rôle et ce leadershipde l’Etat ne peuvent être remis en cause.

6. Le Québec consacre près de 10 milliards de dotlars à l’éducation, cequi représente près de 9% du produit intérieur brut, et il figure encoredans le peloton des pays qui, proportionnellement, consacrent à l’éducation le pourcentage le plus élevé de leur produit intérieur bn,t.

7. Gouvernement du Québec, Les Finances publiques du Québec: vivreselon nos moyens, Québec, 1993, p. 137.

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Également, la notion de service public. L’éducation est un service public. Dans notre société moderne— ou plutôt postmoderne et postindustrielle — , instruire et qualifier toutes les personnes est devenu unenécessité et un devoir sociaux, autant que s’instruireet se qualifier est également devenu une responsabilité et un droit individuels. La formation fait donc partiedu bien commun; elle est devenue un service public,pour les populations jeunes et les populations adultes.C’est pourquoi l’éducation doit demeurer, pour lasociété en son entier, une priorité. Cela, il faut l’affirmer encore davantage.

Aussi, l’éducation comme investissement. Voilà unprincipe qu’on tend à perdre de vue en contexte decrise financière. Et pourtant, il faut le réaffirmer fortement: l’éducation est mieux qu’une dépense; c’estun investissement à moyen et long terme. Il s’avèreprimordial de réaffirmer l’importance accordée à lamission éducative; en contexte de concurrence mondiale, on affirme de toutes parts que les sociétés doivent miser sur le développement de leurs ressourceshumaines, ce qui signifie ici également que l’éducation doit demeurer une priorité politique et budgétairede l’Etat: c’est un investissement pour la société.

En outre, la mise en évidence de la vérité des coûts.Cette vérité des coûts peut se manifester de deux façons.La première façon réside dans l’évaluation publiquede l’efficience du système, c’est-à-dire du rapport entreles budgets consentis et la performance du système.Cette évaluation de système se fait de plus en plus etdoit se faire de mieux en mieux. Mais la vérité descoûts doit aussi exister pour chaque usager ou usagèredu système et l’Etat doit s’employer à les rendre visibles. On doit éviter que se développe cette perceptionque ce qui est service gratuit a peu de valeur et qu’onpeut en faire un usage inconsidéré. Cette dimensiondu principe de la vérité des coûts est nettement à développer.

Enfin, unfinancement quipermet des réponses éducatives différenciées. A cet égard, on l’a dit, les règlesbudgétaires doivent être repensées pour permettre desmarges de manoeuvre plus grandes et, du même coup,faciliter la différenciation des services éducatifs dansles établissements. Ce principe est déjà reconnu dansles modalités de financement: il faut le préserver etlui donner toute sa force, dans l’optique d’un meilleurpartage des responsabilités.

7.2.3 Des faitsIl y a aussi des «faits de financement» majeurs

sur lesquels il importe de dire quelques mots. Ce sontdes acquis qu’il est nécessaire de préserver, voire dedévelopper, dans l’optique de la nouvelle phase dedémocratisation en éducation.

Premierfait: la gratuité àl ‘enseignement obligatoire. Il est souhaitable que l’Etat continue d’assumer,pour l’essentiel, les coûts de l’éducation à l’enseignement obligatoire. Si l’on veut garantir à tous et toutesinstruction et qualification, il est nécessaire que la fréquentation des écoles primaires et secondaires ne soitpas soumise à des contraintes d’ordre financier: surce point, l’accord est presque unanime. Ce qu’il fautconsolider ici, ce sont les mesures qui tiennent compted’une certaine disparité socio-économique et scolaire,dans la foulée de la politique de 1978 à l’égard desmilieux défavorisés et du plan de réussite scolaire. Cequ’il faut en outre confirmer, c’est que la logique degratuité doit aussi s’appliquer clairement aux adultesqui ont des besoins d’alphabétisation, d’éducation debase et de formation professionnelle de base, c’est-à-dire d’une formation professionnelle initiale.

Deuxièmefait: la gratuitépour les personnes inscrites à temps complet au collégial, assortie d’une pression financière pour contrer l’allongement indu desétudes. Afin de continuer à améliorer les taux d’accèsaux études et les taux de diplomation, il est importantde maintenir la gratuité des études collégiales. Desmesures incitatives liées à l’aide financière aux élèveset des freins apportés par les collèges à l’allongementindu des études devraient favoriser l’obtention dudiplôme à l’intérieur d’un temps d’études raisonnable. Les adultes inscrits à temps complet de même queceux qui sont inscrits à temps partiel dans un cheminement menant au diplôme devraient profiter de lagratuité des études. Il faut donc confirmer et élargirquelque peu la gratuité des études collégiales.

Troisième fait: I ‘État, principal bailleur de fondsà l’université. L’Etat n’est pas le seul responsable dufinancement des coûts de l’enseignement universitaire,même s’il en assume la plus grande part. Cela doitêtre confirmé. II faut reconnaître cependant, à ce palier,l’équité d’un système mixte, dans lequel l’étudianteou l’étudiant est mis à contribution, étant donné lesavantages privés qu’il en retire: revenus plus élevés,considération sociale et meilleur accès à la culture,par exemple. Le régime des prêts et bourses doitcontinuer de compenser pour ceux et celles qui manquent de moyens financiers. Les entreprises pourraientégalement être encouragées à contribuer, étant donnéles avantages quelles retirent d’abord des personnesformées qu’elles engagent — aux autres paliers commeà l’université d’affleurs — ,mais également de l’expertise, de la recherche et des transferts de connaissancesuniversitaires.

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Quatrièmefait: lefinancementpaitel d’un secteurprivé. L’Etat, qui finance ce secteur de façon significative, doit de plus en plus s’assurer, pour l’avenir,que la plupart des établissements privés rendent desservices complémentaires par rapport au secteur publicet les inciter à se définir des projets d’établissementqui correspondent aux objectifs ministériels: par exemple, écoles à vocation spéciale, formation offerte à desclientèles particulières ou encore services iiarascolairespertinents pour les élèves et les parents.

7.3 Une articulation de système8C’est sur la même double logique de l’unification

et de la différenciation qu’il importe de fonder unearticulation du système éducatif. Le système éducatifdoit en effet être «un seul système», aveç sa cohérenceet son unité. Mais en même temps, chaque ordred’enseignement doit réaliser sa mission propre etspécifique. On insiste ici sur une articulation qui faitréellement problème. Mais il faut toujours se souvenirque la continuité à établir entre les ordres d’enseignement ne signifie en rien l’asservissement de l’un àl’autre.

7.3.1 Un manque d’articulation entreles ordres d’enseignementCette problématique préoccupe le Conseil, notam

ment parce que les difficultés qui lui sont inhérentesn’ont rien d’accidentel ou de périphérique. Aucontraire, il y a là des enjeux majeurs pour les objectifs de formation du système et pour les cheminementsétudiants.

Le passage du préscolaire au primaire ne se faitpas sans heurts pour certains enfants. Cela tient essentiellement aux différences dans la nature des objectifsde formation poursuivis à chacun de ces niveauxd’enseignement. Les enfants peuvent vivre avec difficulté cette rupture entre des objectifs centrés sur leurdéveloppement et leur devenir personnel au préscolaire et des objectifs d’apprentissages formalisés auprimaire.

Le passage du primaire au secondaire ne seprésente pas non plus sans difficulté. Cela tient à desphénomènes liés à l’organisation des enseignements:par exemple, intégration des élèves en difficulté auprimaire et éclatement des voies au secondaire;titulariat au primaire et enseignements spécialisés ausecondaire; difficile mise en place d’une septièmeannée pour certains élèves en difficulté. Cela tientégalement au curriculum: par exemple, faiblesse del’écrit au primaire; manque d’articulation des contenusentre la sixième année du primaire et la première aiméedu secondaire; carences dans l’acquisition de méthodesde travail.

Entre le secondaire et le collégial, des problèmesd’articulation existent en formation professionnelle:par exemple, chevauchements dans les formationsdispensées, manque de continuité dans la filière de laformation professionnelle secondaire et de la formationtechnique collégiale, développement asymétrique desdeux niveaux de formation, effets d’inadéquation entrel’offre de formation et les besoins du marché du travail.En formation générale, des problèmes d’articulationexistent également: accès limité aux études collégialespour les personnes qui n’ont réalisé que les exigencesminimales du diplôme d’études secondaires, effet de«secondarisation» des études collégiales par les activités de rattrapage et de mise à niveau, pressions despréalables.,

Entre le collégial et l’universitaire, des chevauchements existent, le partage des responsabilités n’étantpas toujours clair; la reconnaissance des acquis techniques du collégial demeure encore inadéquate; despréalables qui ne sont pas toujours pédagogiquementfondés continuent d’exercer leurs pressions sur lecollégial, avec leurs effets de spécialisation et de hiérarchisation à outrance des formations; la fiabilité dudiplôme d’études collégiales au regard de la poursuited’études universitaires fait encore problème.

7.3.2 Du préscolaire au primaireLe passage du préscolaire au primaire, on l’a vu,

peut poser des difficultés particulières à certainsenfants. Le Conseil propose d’explorer deux voiesd’action qui pourraient permettre un passage plus harmonieux.

La première voie consiste à favoriser une meilleure concertation entre les enseignantes des deuxniveaux. Une telle concertation améliorerait lacontinuité entre la perspective du développement etcelle des apprentissages formels. D’une part, l’enseignante du préscolaire doit envisager la mise en oeuvrede son programme en préparant l’enfant aux grandsapprentissages qu’il aura à réaliser à l’école primaire.D’autre part, l’enseignante de première année doitaccompagner l’enfant dans ses apprentissages formelsen gardant la visée de son développement global. Cetteprise en considération réciproque des perspectives éducatives peut assurer un passage plus harmonieux dupréscolaire au primaire.

La deuxième voie consiste à prévoir une périodede transition, en vue de permettre aux enfants de sefamiliariser de façon progressive avec les consignesde groupe, les outils pédagogiques, les exigences, lestravaux et les moyens d’évaluation en vigueur auprimaire. Une période de transition bien aménagée

8.voir: Renée Carpentier, Le curriculum [...J.

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constitue un moment stratégique du cheminement dujeune enfant et un gage de sa réussite ultérieure. Elledoit être prévue et assumée comme une responsabilitépartagée entre l’enseignante du préscolaire et celle duprimaire et facilitée par la direction. Au total, cettepériode de transition et cette meilleure concertation,en plus de favoriser un passage harmonieux, permettent également de mieux diagnostiquer — et très tôt— les difficultés de cheminement et d’apprentissagede l’un ou l’autre enfant9.

7.3.3 Du primaire au secondaireLe passage du primaire au secondaire pose ses dif

ficultés propres, on l’a dit. Le Conseil propose d’explorer trois voies d’une meilleure articulation.

L ‘aménagement de groupes stables et de formulesde titulariat, dans les premières années du secondaire.fl n’y a pas ici de panacée. On ne doit certes pas recourirà ces formules organisationnelles de façon dogmatique et impérative. Ily a cependant lieu de les explorercomme stratégies pédagogiques, pouvant favoriserl’accueil et le cheminement scolaire des nouveauxélèves, pouvant également assurer un meilleur encadrement de la part de l’enseignant ou l’enseignanteet le développement d’un sentiment d’appartenancecommunautaire chez l’élève, pouvant enfin faciliterune plus sérieuse intégration des apprentissages’°.

Une meilleure cohérence verticale dans le curriculum et dans les exigences de travail. Par delà lapédagogie et l’organisation, le curriculum est lui aussien question. La réussite des apprentissages visés parun ordre d’enseignement — le profil de sortie — doithabiliter à la poursuite des études à l’ordre d’enseignement ultérieur. C’est là un principe de base auqueln’échappe aucun ordre d’enseignement, en particulier lorsqu’il est question d’apprentissages aussifondamentaux que la langue, les mathématiques etl’initiation aux méthodes de travail.

La septième année d’étudesprimaires. II n’y a pas,ici non plus, de panacée, mais il importe d’y regarderde plus près. Le fait de prendre éventuellement septannées pour compléter un bon programme d’étudesprimaires ne devrait être considéré ni comme uneanomalie” ni comme une forme de redoublement pureet simple12. Etant donné la diversité des rythmesd’apprentissage, que devrait d’ailleurs respecter uneorganisation souple de l’école primaire, il peut être

9. Voir, à ce sujet: Denise Oaouette, «Comment aider l’enfant qui passede la maternelle à la première année dans votre école?», dans Vivreaaprimaire, vol. 2, n° 1, mars 1988, pp. 9-12 et «Que faire pouraider les enfants à mieux vivre leur transition de la maternelle à lapremière année?», dans Vivre au primaire, vol. 2, n°2, mai 1988,pp. 12-14.

10. CSE, L ‘Intégration des savoirs ~. . .1, p. 39 et L ‘Éducation aujourd’hui:une société [.1, p. 29.

Il. C5E, Projet d’amendement au régime pédagogique du primaire,Québec, t986, p. 17.

préférable de prolonger la durée des études primairespour un élève plutôt que de le voir cumuler les échecsau secondairejusqu’à son éventuel décrochage. C’estdans le même esprit qu’on devrait assouplir le modèlede promotion, d’ailleurs ajusté à des cycles révisés’3.

7.3.4 Du secondaire au collégialL’articulation du secondaire au collégial emprunte

à la fois la voie de la formation professionnelle et cellede la formation générale.

Enformationprofessionnelle, il faut envisager lesformes d’articulation suivantes: ajustements — coursd’appoint, mesures de rattrapage, mises à niveau —

permettant un passage approprié des personnes diplômées de la formation professionnelle aux études collégiales; diminution des exigences de formationgénérale à l’entrée en formation professionnelle sanspour autant les réduire à la sortie, c’est-à-dire pourl’obtention du diplôme d’études professionnelles; développement de programmes dans une perspective desystème; modalités d’articulation variables selon lesparticularités des différents secteurs professionnels;mécanismes régionaux d’articulation; concertationentre les instances des deux paliers portant notammentsur les programmes à autoriser, le perfectionnementdes maîtres et la reconnaissance des acquis; réelleadership ministériel et véritable planificationstratégique14.

En formation générale, on devrait envisager lesformes d’articulation suivantes: des études secondairesqui préparent efficacement aux études supérieures, dansle respect de leur mission propre; un diplôme d’études secondaires, préalable par excellence pour l’accèsà la majorité des programmes du collégial; poursuitede la révision des préalables collégiaux, pour ne retenirque les préalables pédagogiquement nécessaires, et ce,dans tous les programmes; plan d’aide à la réussite,particulièrement au deuxième cycle du secondairedevenu plus exigeant’5.

7.3.5 Du collège à l’universitéL’articulation doit se poursuivre également du

collège à l’université. Comme pour les articulationsprécédentes, l’harmonisation assure ici la continuitédes objectifs de système et des cheminements étudiantsdans le respect des missions spécifiques à chaque ordred’enseignement.

12. C5E, Les Visées et les pratiques de I Wcole pri~naire, p. 34.

13. CSE, Une pédagogie pour de,nain [...], pp. 42-43.14. CSE, Une meilleure articulation du secondaire et du collégial [.. .1;

En formation professionnelle [...J, p. 67 etL’Enseignement supérieur:pour une entrée réussie [J, p. 126.

15. CSE, Une tneilleure articulation [... I. pp. S et suivantes.

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Des mesures concernent directement les curriculums: interprétation de la formation préuniversitaireet de la formation du premier cycle universitaire commeétant deux composantes d’un enseignement supérieurlong, dans le respect des missions propres à chaqueordre d’enseignement; cohérence interne des programmes — meilleure garantie de cohérence externe ou decontinuité — par l’identification des grands objectifsde formation de chacun des ordres d’enseignement,base sur laquelle peuvent être définis les objectifsglobaux des programmes; révision des préalablesuniversitaires, pour ne garder que ceux qui sont pédagogiquement nécessaires et pour faire du diplôme d’études collégial le préalable par excellence aux étudesuniversitaires.

D ‘autres mesures sont d’ordre organisationnel:mise en place de cours et d’activités de mise à niveaupour assurer la poursuite des cheminements jusqu’àla réussite; relance des activités du CLESEC, enconfirmant son mandat d’identification d’objectifsgénéraux de formation; arbitrage ministériel, afin demieux établir le partage des formations entre ordresd’enseignement.

7.3.6 Un seul ministèreLes problèmes d’articulation entre les ordres

d’enseignement s’expliquaient, pour une part, par ladispersion des responsabilités entre deux ministères: leministère de l’Education et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Science. La décision politiqueest maintenant prise de reformer un seul ministère.Le Conseil tient cependant à rappeler dans quel espritcelle opération devrait avoir lieu, par delà les économiesqu’on souhaite réaliser sur le plan financier’6.

C’est d’abord pour la cohérence des objectifs desystème et la continuité des cheminements étudiants,qu ‘ilfaut envisager la réun~fication des deux ministères.La cohérence du système, nécessaire à la qualité dela formation, requiert une perspective d’ensemble —

ce que le Conseil appelle une perspective systémique— que le partage actuel des pouvoirs de décision entredeux ministères ne favorisait guère. Par ailleurs, cettecohérence de système ne peut que favoriser à son tourla continuité et la poursuite des cheminements étudiantsjusqu’à la réussite souhaitée. En somme la réunificationdes ministères peut contribuer à la nouvelle phase dedémocratisation de l’éducation dont traite ce rapport.

Une volontépolitique de cohérence est cependantnécessaire. Il ne suffit pas, en effet, de réunir au seind’un même ministère les principaux responsablesgouvernementaux du système d’éducation pour quele partenariat et l’harmonisation s’instaurent automatiquement. Il importe donc qu’une volonté politique

16. Ces économies faites «au centre» pourraient être une belle occasionde réaliser l’objectif voulant qu’on investisse moins dans les structures et davantage dans les services directs aux clientèles.

existe, inspirée d’abord et avant tout par une visionfoncièrement systémique de l’éducation. C’est là unecondition essentielle à la réussite des efforts qui doivent être faits, pour donner au système sa cohérenceet au cheminement étudiant sa continuité.

7.4 Le «déverrouillage» du systèmeconfessionnelLes enjeux concernant la confessionnalité présentés

ici ont un lien avec une nouvelle phase de démocratisation de l’éducation. Ce sont en quelque sorte desvaleurs fondamentales que devrait respecter toute évolution équitable des structures scolaires du Québec.Et c’est en leur nom qu’il importe de lever le verrouillage confessionnel du système.

7.4.1 Un débat sur la confessionnalitéLa confessionnalité scolaire constitue un aspect

important du débat de société concernant notre systèmescolaire. Il y va ici du rapport entre l’école et la sociétéet, plus précisément, de l’adaptation de l’école et desstructures scolaires à une société moderne, à la foisouverte à la pluralité, respectueuse des droits et libertés et soucieuse de sa propre cohérence culturelle. Cettequestion comporte un aspect juridique, certes, maiselle renvoie finalement à des choix de société.

La nouvelle Loi sur l’instruction publique, sanctionnée en 1988, exprime la volonté du gouvernementdu Québec de transformer ce qu ‘on appelle les structures scolaires confessionnelles en structures scolaireslinguistiqiies. La langue y remplace dgnc la religioncomme critère de base de l’établissement descommissions scolaires. Celle partie de la loi a étésoumise au jugement de la Cour suprême du Canada,qui a porté le jugement que l’on connaît: le Québecpeut créer un système linguistique, mais à la conditionde respecter le droit à la dissidence pour l’ensembledu territoire et les structures confessionnelles à Québecet à Montréal.

On a poursuivi, ces dernières années, des évolutions significatives en direction d’une plus sérieuseouverture du système: qu’on pense notamment auxdroits et devoirs contenus dans la Loi sur l’instructionpublique — par exemple, droit de choisir entre un enseignement moral et religieux catholique ou protestantet un enseignement moral et devoir de la commissionscolaire d’offrir ce choix — et à l’évaluation du vécuconfessionnel des écoles catholiques, qui permet davantage de faire la vérité, précisément, sur le vécuconfessionnel. Mais, particulièrement à l’occasion dudébat public qui refait surface à l’occasion du jugement de la Cour suprême, il y a lieu de se demandersi les exigences d’une sociétépostindustrielle n ‘iraientpas plus loin.

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7.4.2 L’adhésion à la culture publiquecommuneAu Québec, comme dans d’autres sociétés moder

nes pluralistes, il s’avère absolument essentiel que s’établisse une sorte de contrat moral, pôle de cohérencecollective, d’identité culturelle, de solidarité nationaleet de rassemblement de tous les citoyens et citoyennes.C’est aussi cela qu’on appelle la culture publiquecommune, où s’expriment des consensus fondamentaux.

Ce noyau culturel, où se retrouvent un ensemblede valeurs, de règles du jeu et d’institutions, doit êtrepour toutes et tous non seulement une inspiration pro-fonde au regard de la vie en société, mais égalementun principe d’unité et de cohérence sociale. Ce tronccommun doit être connu de chaque personne; et chacune doit être invitée à y souscrire. Développée dansle contexte de l’intégration des personnes immigrantes, l’idée de culture publique commune est un centrede gravité, un référentiel, un point de rassemblementou encore un pôle de cohésion pour l’ensemble descitoyens et citoyennes. Les écoles primaires et secondaires constituent par excellence un point d’ancragede ce projet de cohésion sociale. Responsables de l’éducation civique, elles doivent être l’un des lieux importants de la transmission de cette culture publiquecommune.

Pour la société québécoise, le contenu de cetteculture publique commune se nourrit, entre autreschoses, à même la Charte québécoise des droits etlibertés de la personne, la Charte canadienne des droitset libertés et la Déclaration des droits de l’homme del’ONU. Les valeurs fondamentales qui s’y rattachenttournent autour des grands idéaux démocratiques deliberté, d’égalité et de solidarité. Les règles du jeu ysont fondées, par exemple, sur la civilité, un régimede droits et de devoirs pour les citoyens et citoyennes,le respect des droits et privilèges de la minorité linguistique, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, une langued’usage commune. En outre, des institutions politiques,sociales, culturelles, éducatives et économiques véhiculent, à travers le temps, le contenu de cette culturepublique commune: on peut penser que l’Etat engénéral et le système d’éducation en particulier en sontdes garants privilégiés. Ces valeurs, ces règles du jeuet ces institutions s’agencent d’une manière unique etspécifique dans une société comme le Québec etconstituent l’essence même du contrat social québécois. II importe de rappeler cependant que la culturepublique commune est à la fois héritage et projet, histoire et avenir, identité et ouverture, enracinement etévolution. Elle peut donc se transformer lentement,tout comme la façon d’interpréter et d’aménager cethéritage culturel occidental — patrimoine grécoromain, tradition judéo-chrétienne, legs anglo-françaisou acquis de la science et de la technologie — évolueau sein même de la société québécoise.

L ‘éducation à la citoyenneté, dimension incontournable de la mission de l’école, réside pour l’essentieldans cette appropriation de la culture publiquecommune. Elle doit amener chacune et chacun à fairesien ce noyau culturel, fondement de la vie sociale etde la «convivance» au sein de la société québécoise.Il s’avère important que l’aménagement des structures scolaires ne nuise aucunement à ce partage par touset toutes d’une culture publique commune. II est mêmesouhaitable qu’il y contribue activement.

7.4.3 Le respect des libertés etde la diversité

Comme toute autre société moderne, le Québecest une société de droit. Les règles de droit y font partie des règles du jeu social. Constitutions, chartes etlois expriment ces règles de droit. Au coeur de cesrègles se situe le respect des droits et libertés de lapersonne, dont les libertés de conscience et de religionsont une part essentielle. L’Etat de droit a mission deprotéger ces libertés de conscience, qui permettent àune personne autant d’affirmer et de pratiquer sa foique d’afficher et d’exercer sa non-croyance.

Comme toute autre société postindustrielle, leQuébec est également devenu une société dans laquellela pluralité apparaît comme un fait évident. Cettepluralité, faut-il le rappeler, est elle-même multiforme:ethnique, socio-économique, morale ou religieuse, parexemple. Elle constitue un défi de taille pour la société.II importe en effet de maintenir et de promouvoir unecohésion sociale dans le respect d’un certain pluralisme; de favoriser la coexistence harmonieuse despersonnes et des groupes tout en permettant l’affirmation des différences; de tenir à l’unité et à l’équitésans nier une certaine diversité.

L ‘école n ‘échappe pas à ces defis du respect deslibertés et de l’accueil de la diversité. Elle doit êtreun lieu du respect des droits et libertés de la personne,dont fait partie la liberté de conscience. Elle doit également être un lieu d’accueil de la diversité et de l’altérité. C’est sur de tels fondements sans doute que lanouvelle Loi sur l’instruction publique au Québec offreun choix entre l’enseignement moral et religieux, d’uncôté, et l’enseignement moral, de l’autre, et donne ledroit à l’enseignante ou l’enseignant de refuser dedispenser l’enseignement religieux.

7.4.4 Des évolutions pertinentes

C’est sur cette base de l’adhésion de tous et toutesà la culture publique commune et du respect des libertés et de la diversité que le Conseil envisage lesévolutions qui lui semblent pertinentes. Ces voiespermettraient à la fois aux structures scolaires et auxécoles d’être plus ouvertes sur l’avenir.

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La première voie d’évolution: modifier l’article93 de la Loi constitutionnelle de 1867, afin de permettre l’aménagement de structures linguistiques sur toutle territoire québécois’7. Le droit doit rejoindre ici lesexigences de l’évolution sociale et le gouvernementdu Québec doit avoir pleine compétence pour se donner un système scolaire qui réponde aux exigences dela pluralité, qui respecte les libertés de tous les citoyenset citoyennes et qui assure le partage d’une culturepublique commune. Cela a conduit les gouvernementssuccessifs du Québec à prôner, depuis plusieurs années,l’aménagement de structures linguistiques sur tout leterritoire québécois. Le jugement de la Cour suprême,confirmant la nouvelle Loi sur l’instruction publique,permet la création d’un système linguistique, à lacondition de respecter le droit à la dissidence surl’ensemble du territoire et les structures confessionnelles à Québec et à Montréal, ce qui n’ira pas sansfavoriser l’apparition d’un nouveau «labyrinthe’>,notamment à Montréafl8. C’est l’article 93 qui, principalement, empêche l’évolution: c’est donc cetobstacle qu’il faut lever’9. En attendant l’expressionet la mise en oeuvre de cette volonté politique, la seulefaçon d’empêcher la création d’un tel labyrinthe estde faire appel à la bonne volonté des personnes, desgroupes et des commissions scolaires concernés, afinqu’ils acceptent la transformation des commissionsscolaires confessionnelles en commissions scolaireslinguistiques à Montréal et à Québec. Mais, tout enétant convaincu que ce serait là la solution la moinscoûteuse et la plus rapide, le Conseil ne se fait pasd’illusion; il sait, sur la base de l’expérience, que cetappel à la bonne volonté est insuffisant.

La deuxième voie d’évolution: faire que des écoles sans statut confessionnel existent, notamment surle territoire montréalais, là où le besoin est sans doutele plus pressant. Si, au nom. de la démocratie localeet des garanties confessionnelles confirmées dans laLoi sur l’instruction publique, des écoles confessionnelles peuvent exister, il faut que, au nom de cettemême démocratie locale, des écoles sans statutconfessionnel puissent exister partout sur le territoirequébécois. On peut penser que c’est là, d’abord et avanttout, que seraient dispensés les cours de culture moraleet religieuse dont on parle ci-après. Quoi qu’il en soit,écoles confessionnelles ou écoles sans statutconfessionnel doivent être des lieux à la fois de respectdes droits et libertés et de transmission de la culturepublique commune.

17. cette position reprend celle qu’a énoncée le Conseil en 1986. voir:CSE, Pour une évolution équitable des structures scolaires du Québec,Québec, 1986.

18. Lise Bissonnette, «D’un labyrinthe à l’autre», dansLeDevoir, 20 juin‘993.

19. Il faudra aussi éventuellement amender la nouvelle Loi sur l’instruction publique, qui entérine la superposition des structures linguistiques et confessionnelles.

La troisième voie d’évolution: explorer la pisted’un enseignement, à la fois moral et religieux, de typeculturel qu ‘on pourrait offrir à ceux et celles qui ledésirent. Cet enseignement, non rattaché à uneconfession particulière et ne requérant pas l’adhésionà une foi, se présenterait comme une approche de l’éthique et de la religion en tant que dimensions de l’héritageculturel de la société québécoise en particulier et del’humanité en général. Un tel enseignement pourraitcomporter trois grands domaines, aménagés différemment au primaire et au secondaire: grandes questionset réflexions éthiques; connaissance du patrimoineéthique et religieux de la société québécoise;connaissance des grandes traditions religieuses20. Ici,ce qu’il faudra amender, si jamais on veut généraliserun tel enseignement, c’est la nouvelle Loi surl’instruction publique.

La nouvelle phase de démocratisation de l’éducation exige la consolidation du système public. C’estdans cet esprit d’un systèn~fe public affirmant encoredavantage son caractère démocratique, qu’il fallait parler de partage des responsabilités, de sauvegarde desacquis de financement, d’articùlation de système etde déverrouillage du système confessionnel.

20. Julien Harvey, «Une laïcité scolairepour le Québec’., dans Relations,septembre 1992. pp. 213-217.

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Conclusion

En terminant son rapport annuel, fondé sur unerelecture des besoins liés à la conjoncture, le Conseiltient à rappeler le défi majeur à relever, les actionsprioritaires à mener et la volonté qui doit animerl’ensemble des acteurs. Les attentes et les exigencesde la société à l’égard de son système d’éducation,de même que les diagnostics posés depuis un certaintemps concernant tout le système, nous font voir assezexactement ce qu’il faut viser et ce qu’il importe defaire, dans l’optique d’une réforme éducative quiréponde aux besàins de l’heure.

D ‘abord, le defi majeur: la réussite scolaire etla qualité desformations, dans le maintien de l’accessibilité. Tout au long du présent rapport, le Conseila rappelé que la nouvelle phase de démocratisation del’éducation exigeait qu’on promeuve la réussite scolaire, dans un contexte de poursuite de la qualité etde maintien de l’accessibilité. On ne doit sacrifier aucunélément de cette triade; il faut au contraire les concilier.Ces objectifs gardent toute leur valeur et demeurentinséparables. Il faut aller au-delà de l’égalité des chances d’accès, jusqu’à l’égalité des chances de réussite,tout en ne sacrifiant jamais la qualité des formations.

La société requiert en effet de son système d’éducation qu’il garde ouvert un large accès aux études,qu’il conduise le plus grand nombre possible au diplômeet qu’il garantisse l’acquisition de formations de qualité. Les jugements demeurent sévères à cet égard:on pense que le système d’éduction n’arrive pas à menerle plus grand nombre de ceux et celles qu’il accueilleà la réussite et à des formations de qualité. Et pourtant, c’est la qualité des formations acquises et la réussite scolaire qui donnent sens à l’accessibilité qu’onsouhaite maintenir.

Ensuite, les actionsprioritaires: intervenir defaçonconcomitante sur la mission, le curriculum, la pédagogie, l’organisation, l’évaluation et les structures.Si l’on vise la réussite et des formations de qualité enmaintenant l’accessibilité, il faut agir sur tous les fronts:rétablir la mission sur son axe central de formationdes personnes; instaurer cohérence, diversification etexigence dans les curriculums; sortir de l’uniformitéen pédagogie; changer le modèle d’organisation dutravail éducatif; développer des pratiques d’évaluation équitables et responsables, qui permettent l’amélioration institutionnelle et la reddition de comptes;consolider certains éléments du système public d’éducation.

Pour permettre de relever le défi d’une réussitede qualité en contexte d’accessibilité, l’ensemble desactions entreprises devrait respecter cette double logique de la démocratisation dont on a parlé plus haut:équité et unité, d’un côté; responsabilisation et différenciation, de l’autre. C’est dire que des visées et desactions de système sont indispensables; c’est dire également que des pratiques et des aménagements sontessentiels au sein même des établissements d’éducation.

Enfin, la tâche de l’ensemble des acteurs: avoirla volonté de faire les choses qui s’imposent. A tousles paliers — à commencer, évidemment, par le paliercentral — , une volonté politique est nécessaire pourque soient entreprises ou consolidées les actions proposées ici. Le système et ses acteurs ont manifesté parle passé que, lorsque cette volonté existe, des tournants importants peuvent être pris, car la volonté peutalors s’appuyer sur des compétences évidentes. Lesystème et ses agents ont en effet la capacité de menerà bien les réformes qu’exige la conjoncture: ce qu’illeur faut, en plus, c’est une volonté politique de lesaccomplir, une mobilisation autour des visées à poursuivre, un engagement à traduire des croyances en acteset des convictions en responsabilités.

Aujourd’hui, ce que requiert la société du savoir,c’est une nouvelle phase de démocratisation de l’éducation: la poursuite de la réussite et de la qualité, dansle maintien de l’accessibilité. Toutes les actions suggérées ici pour y parvenir — actions sur lesquelles leConseil insiste depuis plusieurs années, bien souvent— font appel aux compétences existantes, mais exigent en outre la volonté, voire le courage, de passerde la parole aux actes.

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Membres du Conseil supérieur del’éducation*

MembresBisaillon, RobertPrésident du ConseilSainte-Sabine

Newman, JudithVice-présidente du ConseilMontréal

Allaire, LoniseProfesseure agrégéeFaculté des sciences del’éducationUniversité de MontréalOutremont

- Aubert Croteau, MadeleineConseillère en éducationchrétienneCommission scolairede VictoriavilleArthabaska

Crête, RaymondeProfesseur titulaireFaculté de droitUniversité LavaiQuébec

Fiset, John W.Directeur adjointInstitut d’enseignementcoopératifUniversité ConcordiaVerdun

Fortier, GillesDirecteur généraiCollège André-GrassetMontréal

Gatineau, Marie-ClaudeDirectrice adjointeCommission des écolesprotestantes duGrand MontréaiWestmount

Girard, Pierre-NicolasDirecteurLes Fédérations de l’Uniondes producteurs agricolesde la région de QuébecQuébec

Huot, HélèneDirectrice des servicespédagogique&Cégep de LimoiiouSillery

Inchauspé, PaulDirecteur généralCégep AhuntsicOutremont

Lajoie, JeanDirecteur des ventesClermont Dodge ChryslerPointe-au-Pic

Macchiagodena, MichaelDirecteur généraiCollège VanierMont-Royal

Pimparé, ClaireComédienne — animatriceOutremont

Rabinovitch, JosephDirecteur généralAssociation des écoles juivesSaint-Laurent

Robichaud, ÉmuePrésidentOIKOSLavai

Roy-Guérin, Marie-LissaResponsable des projetséducatifs au secondaireCommission scolaireOutaouais-HullGatineau

Sweet, MarcelleDirectriceEcole Saint-JosephCommission scolaire deVal-d’OrVal-d’Or

Sylvain Dufresne, BertheSpécialiste en musiqueCommission scolaireLa Jeune LoretteQuébec

Tousignant, GérardDirecteur généralCommission scolairede CoaticookSherbrooke

Tremblay, HélèneVice-rectrice à l’enseignementet à la rechercheUniversité du Québecà RimouskiRimouski

Membres d’officeOtis, JacquesPrésident du Comité catholiqueMontmagny

Smith, GlennPrésident du Comité protestantLavai

Membres adjoints d’officeLucier, PierreSous-ministreMinistère de i’Education

Tremblay, PaulSous-ministre associépour la foi catholiqueMinistère de l’Education

Hawley, Grant CSous-ministre associé pourla foi protestanteMinistère de l’Education

Secrétaires conjointsDurand, Alain

Proulx, Jean-

* Au 31 août 1993

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Gouvernement du Québec Conseil supérieur de l’éducation 50-0148