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Supplément gratuit à La Libre Belgique réalisé par la Régie Générale de Publicité - 19 mai 2012 Supplément juridique Volet II - Droit Social RESTRUCTURATION & FAILLITE D’ENTREPRISES

Supplément juridique 19/5

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Supplément juridique

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Page 1: Supplément juridique 19/5

Supplément gratuit à La Libre Belgique réalisé par la Régie Générale de Publicité - 19 mai 2012

Supplément juridique

Volet II - Droit Social

RESTRUCTURATION &FAILLITE D’ENTREPRISES

Page 2: Supplément juridique 19/5
Page 3: Supplément juridique 19/5

3Dossier RGP

Restructuration et Faillite d’Entreprises

Sommaire

Avant-propos

SUPPLÉMENT GRATUIT À LA LIBRE BELGIQUE RÉALISÉ PAR LA RÉGIE GÉNÉRALE DE PUBLICITÉ - 19 MAI 2012Rue des Francs,79 - 1040 BruxellesTèl:02.211.28.49 - Fax:02.211.28.70

EDITEURS RESPONSABLES:Emmanuel DENIS, Henry VISART

COORDINATION ET PUBLICITÉ:Luc DUMOULIN (02/211 29 54)

[email protected]

RÉDACTEURS:Stéphane BALTAZAR, Dominique CLAES,

Sabine de COCK, Thierry DUQUESNE,

Laurence DURODEZ, Gaëlle JACQUEMART,

Gaëlle NILE, Thierry NOLLET,

Louis-Hubert PACCO, Virginie RENARD,

Vincent REUTER, Filip SAELENS,

Michel STRONGYLOS, Thierry VIÉRIN,

Christian WILLEMS, Bertrand WITTAMER.

COORDINATION: Laurence DURODEZ

MISE EN PAGE: Azurgraphic sprl

PHOTOS: www.Photos.com,© Bénédicte Maindiaux

INTERNET: www.lalibre.be

Relation sociale et restructuration d’entreprise : deux notions souvent en confrontation car diffi cilement conciliables dans leur conception et leur acception. La situation économique de crise que nous connaissons, ne favorise pas un dialogue social serein et apaisé. Tant du côté des syndicats que du patronat, des actions violentes parfois incontrôlées (blocages d’usines, grèves illégales, séquestration de dirigeants, envoi de milice privée …) radicalisent les positions de chacun. Ajoutons, que les mesures d’austérité annoncées par le gouvernement ne sont pas de nature à détendre l’atmosphère, sans compter que les élections sociales approchant la mobilisation syndicale se renforce.

Selon les chiffres du SPF emploi, pour le dernier trimestre écou-lé, plus de 3000 travailleurs à travers le pays ont été concernés par une restructuration. De même, le nombre de faillite d’en-treprises est en augmentation. La tendance pour les prochains mois n’est guère plus réjouissante. Dans ce contexte, il est iné-vitable de se donner tous les moyens pour réussir au mieux la gestion sociale des restructurations. Employeurs et salariés, tous ont à y gagner !

Pour l’employeur, décider de restructurer est rarement une dé-cision prise de gaité de cœur. Pour les salariés, les enjeux et les perspectives d’avenir ne sont pas toujours clairement appré-hendés. Au-delà des relations sociales parfois tendues, il faut savoir que la mise en place « technique » du volet social d’une restructuration est juridiquement très encadrée et réglemen-

tée. En fonction de nombreux paramètres tels que le nombre de salariés concernés, la situation fi nancière de l’entreprise, les possibilités de reprise partielle ou totale de l’activité, les oppor-tunités de reclassement ou encore l’intervention du tribunal, chaque restructuration présente ses propres caractéristiques. Et, de facto, le sort des salariés sera «juridiquement» abordé et traité différemment. De nombreuses dispositions légales encadrent les aspects sociaux des restructurations, sans comp-ter qu’il faut distinguer la situation des ouvriers de celles des employés. Le cadre légal évolue régulièrement et encore très récemment, à tel point qu’il est diffi cile de s’y retrouver. N’ou-blions pas également que le volet fi nancier des mesures so-ciales prises dans le cadre des restructurations est directement impacté par les dispositions gouvernementales en matière de hausse des charges sociales et des cotisations patronales.

Vous éclairez sur ces différents points, c’est l’objectif de ce supplément juridique. Après le compte-rendu de notre table ronde, réunie autour de Monsieur Vincent Reuter, administra-teur délégué de l’Union wallonne des entreprises, vous pour-rez lire dans les pages suivantes les articles de nos spécialistes, consacrés aux différents aspects juridiques du droit du travail et du droit social en matière de restructuration et de faillite d’entreprises.

Bonne lecture à tous

Laurence Durodez

Page 3Avant-Propos

Page 4 à 13Compte-rendu table ronde – Restructuration d’entreprises : comment gérer au mieux tous les aspects sociaux ?

Page 14Quand la maison-mère annonce un licenciement collectif

Page 16Le transfert conventionnel d’entreprise : cadre et limites

Page 18Les restructurations : des réformes nécessaires

Page 20La consultation et les négociations collectives dans le cadre de restructurations

Page 22Le coût des prépensions au cœur des projets de restructuration

Page 24Le sort des contrats de travail en cas de réorganisation judiciaire ou de faillite

Page 26Transfert sous autorité de justice : priorité à l’emploi

Page 28La négociation du plan social

Page 30Le chômage économique des employés : Mesure anti-crise, mesure anti-restructuration ?

Page 4: Supplément juridique 19/5

4Dossier RGP - Restructuration & Faillite d’entreprises

Table ronde

Les intervenants de la table ronde organisée le 23 AVRIL dernier

de gauche à droite : Luc Dumoulin (RGP), Christian Willems (Loyens & Loeff), Dominique Claes (Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte), Gaëlle Nile (van Cutsem Wittamer Marnef & Partners),Thierry Viérin (De Wolf & Partners), Vincent Reuter (Union wallonne des entreprises), Filip Saelens (Loyens & Loeff), Virginie Renard (Verhaegen Walravens), Thierry Duquesne (NautaDutilh), Michel Strongylos (elegis), Laurence Durodez (LexGo.be)

En réunissant autour de Monsieur Vincent Reuter, administrateur délégué de l’Union wallonne des entreprises

(UWE), plusieurs juristes experts et spécialistes reconnus du droit du travail et du droit social, nous avons

souhaité vous proposer un décryptage du contexte juridique des relations sociales en matière de restructuration

d’entreprises. Lors de cette table ronde, une discussion passionnée s’est rapidement instaurée entre les

participants. De cet échange à bâtons rompus, on retiendra de nombreuses propositions concrètes et suggestions

visant à modifi er le dispositif légal existant de façon à faciliter, simplifi er et surtout améliorer la gestion des aspects

sociaux en matière de restructuration d’entreprises. Même si les principaux changements sont à prévoir

au niveau des textes en vigueur, tous s’accordent pour dire que les mentalités doivent aussi évoluer …

Page 5: Supplément juridique 19/5

Vincent REUTER

Union wallonne

des entreprises

Christian WILLEMS

Loyens & Loeff

Dominique CLAES

Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Thierry DUQUESNE

NautaDutilh

Thierry VIÉRIN

De Wolf & Partners

Virginie RENARD

Verhaegen Walravens

Michel STRONGYLOS

elegis

Filip SAELENS

Loyens & Loeff

Gaëlle NILE

van Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Laurence DURODEZ

LexGo.be

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Comment gérer au mieux tous les aspects sociaux ?

Vincent Reuter Je propose d’axer notre débat uni-quement sur le volet restructuration et la dynamique des relations sociales. Entrons dans le vif du sujet avec une question d’actualité ou de futur proche. Pour la première fois depuis très longtemps, nous avons renversé des veaux d’or et notamment celui des prépensions. Pensez-vous que cela va modifi er la situation pour les années à venir?

Christian Willems Les prépensions vont devenir

plus onéreuses. D’autres mécanismes parallèles aux pré-

pensions, les pensions Canada-Dry vont devenir égale-

ment très coûteuses. En renforçant les conditions de la

prépension, les décideurs politiques souhaitent mainte-

nir le plus longtemps possible au travail les travailleurs les

plus âgés. Cela ne va pas faciliter la concertation. Entre

le discours politique et la pratique, il y a bien souvent

une discordance. Les organisations syndicales seront

bien entendu toujours demandeuses de prépensions

ou de mécanismes apparentés. Les employeurs dans le

cadre de restructuration vont aussi faire leurs calculs et

constater que le recours au mécanisme de prépension

sera beaucoup plus onéreux que de recourir à un licen-

ciement sec et classique ! Donc, quand vous dites, Mon-

sieur Reuter, comment voyez-vous les choses ? Je crois

que le souci bien légitime du gouvernement de mainte-

nir en activité les travailleurs les plus anciens est tout à

fait louable, mais dans la pratique, confronté à des res-

tructurations (je ne parle pas de la faillite évidemment),

à des licenciement collectifs ou des réorganisations, le

renforcement en âge et en coût de la prépension va pro-

voquer une certaine aspérité lors des négociations !

L’AVENIR DES PRÉPENSIONS AU CŒUR DES NÉGOCIATIONS SOCIALES

Dominique Claes La prépension va coûter plus

cher. C’est la mort de la prépension ! Il est regrettable

que le législateur change ou s’apprête à changer les

règles du jeu en cours de partie ! Comment expliquer

à un employeur qui a fermé une entreprise il y a 6 mois

que son budget social est aujourd’hui majoré de plus de

10 % suite à l’augmentation des cotisations patronales de

prépension ? Quel est le fi l conducteur du législateur ?

On veut mettre fi n au régime de la prépension en aug-

mentant les cotisations patronales. Or, les employeurs

n’ont pas eu droit à la parole dans le cadre de la pré-

sente réforme. On leur impose de nouvelles contraintes.

Par contre, les syndicats ne changent pas de discours. Ils

veulent le package social le plus généreux possible. Mal-

heureusement, les entreprises n’ont plus d’outils pour

offrir un package social suffi samment attractif. Que va-t-

il se passer? Les packages sociaux vont être moins géné-

reux que par le passé. Certaines entreprises vont certai-

nement préférer mettre la clé sous le paillasson plutôt

que de devoir assumer des plans sociaux exorbitants.

Devant le surcoût inattendu des prépensions, se posent

des questions de survie du plan social mis en œuvre par

les entreprises. Les nouvelles mesures risquent donc

d’entraîner des faillites. Ce n’était pas du tout prévu !

Thierry Duquesne Un point assez inquiétant sur la

prépension : c’est l’absence totale de créativité des syn-

dicats par rapport à la situation. Vous arrivez à la table

des négociations en ayant calculé un plan social. Vous

savez jusqu’où vous pouvez aller en matière de prépen-

sions. Lorsque la conclusion de la discussion est « je ne

peux pas aller plus bas en terme d’âge ou autre », je suis

surpris par l’absence totale de créativité des syndicats. Ils

ne proposent pas d’alternatives et restent bloqués sur le

sacro-saint âge de la prépension. Cette absence de créa-

tivité m’inquiète. En effet, depuis plusieurs années nous

sommes face aux mêmes permanents avec les mêmes

demandes et qui s’enlisent sans tenir compte de l’évolu-

tion législative qui pourtant impacte l’employeur !

Thierry Viérin Dans les dossiers de restructura-

tions, la question du surcoût des prépensions se pose de

manière accrue. Il y aura toujours des restructurations.

Les grands groupes restructurent tous les trois ans en

moyenne. Même dans les grands groupes où il y a géné-

ralement des budgets libérés pour les restructurations

et où on peut payer des grilles Claes sans trop discuter,

il est certain que les prépensions vont alourdir encore

plus les plans sociaux.

Vincent Reuter Le resserrement des conditions d’accès à la prépension est-il une occasion de transférer ces montants vers le reclassement externe ? Est-ce la res-ponsabilité de l’entreprise ?

Dominique Claes L’avantage pour l’employeur est

la sécurité. Il s’agit d’un montant forfaitaire par travail-

leur. Il connaît son budget. Actuellement avec la prépen-

sion, l’entreprise va de mauvaise surprise en mauvaise

surprise. Les entreprises sont certainement deman-

deuses d’un système beaucoup plus transparent, laissant

évidemment moins de place à la négociation.

Dossier RGP - Restructuration & Faillite d’entreprises

Table ronde

Page 6: Supplément juridique 19/5

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Thierry Duquesne Je n’ai jamais vu de gros débats

sur le montant des coûts d’outplacement et de forma-

tion dans un plan social. C’est souvent le poste qui arrive

en fi n de course. Même si l’entreprise n’a déjà plus d’ar-

gent, j’ai rarement vu des débats qui se focalisaient sur

ces montants-là.

Christian Willems Sur le plan philosophique, on peut comprendre que certaines entreprises se posent des questions : est-il normal de payer des prépensions dès 52 ou 53 ans ? Des entreprises étrangères m’ont déjà fait la réfl exion : « Mais cher Maître, vous maintenez les travailleurs dans l’inertie, dans l’inactivité. Vous les payez à rester à la maison avec votre système de prépension! ». Dés lors que les prépensions n’auront plus le vent en poupe, l’investissement dans la formation, dans le re-classement passera mieux auprès de beaucoup d’entre-prises, parce que c’est vrai, quand on y réfl échit, dès 52 ans ….

Thierry Duquesne La seule mesure intelligente prise dans le cadre du pacte de solidarité entre les géné-rations est le fait qu’un travailleur en prépension conti-nue à percevoir son salaire de prépension s’il trouve un nouveau travail. Soyons honnêtes, le législateur a quand même voulu faire un effort substantiel pour encourager le prépensionné - et plutôt celui de 52 ans que celui de 63 ans - à retrouver un travail parce qu’il allait cumuler l’indemnité payée par l’employeur avec son nouveau salaire, étant entendu que cette indemnité payée par l’employeur ne devrait plus supporter les cotisations de sécurité sociale et de charges sociales. Je ne connais pas les résultats de cette mesure. Mais cela signifi e que le législateur peut être créatif et intelligent pour certaines mesures.

Vincent Reuter Je n’ai aucune idée du succès de cette mesure. Mais, le nombre de prépensionnés que j’ai rencontré disposés à chercher un autre travail et à le trouver…

Dominique Claes Le problème vient de la généro-sité de la prépension. Pour les employés, c’est 75 – 80 % d’un salaire de référence souvent gonfl é. C’est très confortable. Les ouvriers sont souvent moins bien lotis.

Vincent Reuter Je suis persuadé que beaucoup de retours au travail, notamment dans les fonctions tech-niques (électriciens, maçons, etc.,) ne se feront pas sur le marché offi ciel ! Je serai surpris que la mesure gagne beaucoup de faveurs … Il y a quelque chose qui me choque dans ce dispositif : l’employeur précédent est tenu de continuer de payer ! Honnêtement, je ne peux pas le digérer.

Dominique Claes S’il y a retour à l’emploi, le tra-

vailleur va mieux gagner sa vie qu’avant d’avoir été licen-

cié ! C’est effectivement un non-sens.

Thierry Duquesne Pour l’employé, la messe est

dite quand il part en prépension. C’est budgétisé.

Quelque part l’employeur n’est pas « ennuyé » par l’idée

de devoir continuer à payer puisque c’est budgétisé. Par

contre, s’il apprend que le travailleur a retrouvé du tra-

vail, il arrêtera de payer les charges patronales.

UNE TENDANCE DE FOND : UNE APPROCHE INDEMNITAIRE

PRIVILÉGIÉE PLUTÔT QU’UN RECLASSEMENT

Virginie Renard Un point très important à souli-

gner : nous sommes toujours dans une dynamique d’in-

demnisation ! Quand on restructure, on indemnise. Il y

a effectivement d’autres pistes notamment avec les cel-

lules pour l’emploi ou autres. Mais, il faudrait un grand

changement au niveau des mentalités des employeurs,

des syndicats et des travailleurs, pour passer d’un régime

relevant moins de l’indemnisation et plus de l’accom-

pagnement et/ou du reclassement. Il est fondamental

d’évoluer dans ce sens.

Vincent Reuter Sur l’évolution des mentalités, com-ment percevez-vous la situation sur le terrain ? Le reclas-sement pourrait-il satisfaire prioritairement la demande des métiers en pénurie ?

Dominique Claes La philosophie des cellules pour

l’emploi est à revoir. Aujourd’hui, elle est limitée à 6 mois

pour le travailleur de plus de 45 ans. L’idée serait de pro-

longer l’inscription et d’imposer des programmes de re-

classement. Le législateur impose uniquement de créer

une cellule et met les partenaires sociaux autour de la

table avec l’aide du Forem et des autorités publiques. Le

plan social devrait contenir un volet de reclassement !

Michel Strongylos Au niveau du reclassement

il faut distinguer: le reclassement interne au sein de

l’entreprise en restructuration elle-même, et le reclas-

sement externe. Il est souhaitable que l’employeur soit

« obligé » de contribuer au reclassement des travailleurs

tombant sous le coup des mesures de restructuration….

pour autant que la défi nition et le contour du reclasse-

ment soient délimités par l’opération de restructura-

tion elle-même et ce qu’elle sous-tend. Pour certains,

le reclassement interne doit devenir une priorité. Or, il

faut confronter cette volonté à la réalité économique du

Dossier RGP - Restructuration & Faillite d’entreprises

Table ronde

Droit Social

Comment gérer au mieux tous les aspects sociaux ?

Vincent REUTER

Union wallonne

des entreprises

Christian WILLEMS

Loyens & Loeff

Dominique CLAES

Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Thierry DUQUESNE

NautaDutilh

Thierry VIÉRIN

De Wolf & Partners

Virginie RENARD

Verhaegen Walravens

Michel STRONGYLOS

elegis

Filip SAELENS

Loyens & Loeff

Gaëlle NILE

van Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Page 7: Supplément juridique 19/5

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terrain ! Parfois, la dichotomie est très importante ! Il

est clair qu’il faut aller vers plus de reclassement, notam-

ment dans les métiers et les secteurs en pénurie. Mais,

je suis convaincu qu’une obligation n’est effective que

si elle est assortie de sanctions. Offrir un reclassement

adapté, amélioré, allongé, sûrement mais qu’en est-il de

celui à qui on offre ce reclassement, et qui ne l’accepte pas pour des raisons X ou Y ?

Thierry Duquesne Reclassement interne ou ex-terne, il existe déjà de nombreuses possibilités. Plus aucun plan social ne se négocie sans un volet « départs volontaires » ! C’est classique et permet également aux syndicats d’avoir un certain contrôle sur la possibilité de sauver des emplois en interne avant de licencier. Evi-demment, tout dépend de la taille de l’entreprise. Re-classement externe : aujourd’hui la présence des parte-naires privés en matière d’outplacement est quasiment systématique dans les cellules pour l’emploi. Leur pré-sence limite l’intervention des syndicats au sein de ces cellules. Leur effi cacité est réelle en matière de reclasse-ment. Quand je regarde les statistiques en fi n de cellule pour l’emploi, je suis souvent agréablement surpris par les résultats obtenus.

Dominique Claes Tout dépend de la population concernée ! Dans les secteurs industriels de Wallonie, aucun partenaire privé ne participe à la mise en œuvre d’une cellule pour l’emploi ! Offrir un programme de reclassement pour des milliers de travailleurs du secteur sidérurgique, les chances de succès sont faibles ! Ces tra-vailleurs souhaitent sortir avec le meilleur package. C’est évident ! Il faudrait pouvoir adapter les mesures en fonc-tion du secteur d’activité. Pour tous ceux qui ont exer-cé des métiers lourds, il faudrait que le gouvernement permette des mesures dérogatoires de plans sociaux. Sur la négociation d’un plan social, qui dure plusieurs semaines et prend quelque page de convention collec-tive, il n’y a qu’un seul article sur le reclassement pro-fessionnel ! La priorité est de savoir quel montant net va percevoir le travailleur licencié ! Il ne faut pas oublier que le permanent syndical doit faire voter le plan social. Face à sa base, il doit faire un effort pédagogique pour faire comprendre le mécanisme. Les décomptes individuels de chaque travailleur ouvrier ou employé étant faits, ce n’est que si le décompte net présenté satisfait les travail-leurs qu’ils vont voter le plan social. Donc, les perma-nents ne sont que les représentants d’une base dans une situation critique et qui ne pense qu’au chèque à perce-voir à la fi n de la restructuration. C’est la réalité sociale !

Vincent Reuter Il y a une quinzaine d’années dans l’industrie, entre un reclassement interne et une prépen-sion, le choix était vite fait ! Est-ce que cela a changé ?

Christian Willems Non, très sincèrement, je ne

vois pas d’évolution sur ce point. Il y a toujours cette

rigidité syndicale et ce vieux réfl exe de ne pas accep-

ter la moindre modifi cation dans les responsabilités et

la fonction. La théorie de l’acte équipollent à rupture

est toujours prompte à être invoquée et fondamentale-

ment, je ne vois pas d’amélioration dans les mentalités

syndicales.

Thierry Viérin Sur l’attitude des syndicats, il faut

tout de même nuancer. Quand vous fermez une divi-

sion – pas toute l’entreprise – les syndicats se montrent

raisonnables dans leurs demandes et pensent aux tra-

vailleurs qui restent en disant « on ne va pas risquer la

pérennité de l’entreprise en réclamant ceci ou cela en

plus ». Tous les syndicats ne sont pas « jusqu’au bou-

tistes » et savent arrêter à temps leurs demandes pour

ne pas mettre l’employeur dans une situation diffi cile.

Gaëlle Nile Plus généralement, il faut bien consta-

ter que les textes consacrent d’une certaine manière la

tendance indemnitaire ! Dans la loi sur la continuité des

entreprises, plus précisément en matière de transfert

sous autorité de justice, une disposition légale consacre

le principe de l’information notamment à l’égard du

repreneur et des travailleurs sur l’état des dettes de

l’entreprise à l’égard des travailleurs. C’est extrêmement

précis. Cet aspect est exacerbé et va dans le sens de l’in-

demnisation.

Filip Saelens Un autre aspect complique cette dyna-

mique : il existe plusieurs typologies de restructuration.

Or, il est impossible de s’attaquer à des situations diffé-

rentes avec le même dispositif légal. Il faut donc de plus

en plus faire du «sur-mesure» ! Il existe principalement

deux typologies. La première est celle de la fermeture

d’une division de l’entreprise et là on fait table rase au

niveau des effectifs. La deuxième, que l’on rencontre de

plus en plus souvent : l’entreprise adapte son effectif

de façon à garder une « dream team » lui permettant de

faire face de manière optimale aux défi s économiques.

Au niveau de l’emploi, la césure est faite sur les fonction-

nalités professionnelles à maintenir pour rester perfor-

mant. Cette situation crée une tension évidente entre

les travailleurs qui seront licenciés, ceux qui seront re-

classés en interne et/ou en externe. Si l’employeur veut

conserver une dynamique dans l’entreprise, il doit se

déterminer rapidement au risque de perdre les « bons

éléments » qui, si le processus devient trop long ou trop

douteux peuvent s’interroger et quitter l’entreprise.

Dossier RGP - Restructuration & Faillite d’entreprises

Table rondeComment gérer au mieux tous les aspects sociaux ?

Vincent REUTER

Union wallonne

des entreprises

Christian WILLEMS

Loyens & Loeff

Dominique CLAES

Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Thierry DUQUESNE

NautaDutilh

Thierry VIÉRIN

De Wolf & Partners

Virginie RENARD

Verhaegen Walravens

Michel STRONGYLOS

elegis

Filip SAELENS

Loyens & Loeff

Gaëlle NILE

van Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Page 8: Supplément juridique 19/5

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L’HARMONISATION DU STATUT EMPLOYÉ / OUVRIER POURRAIT FAIRE

BOUGER LES LIGNES

Gaëlle Nile Vous parlez d’incertitude sur l’évo-

lution des mentalités. Mais, il me semble qu’il y a une

très grande incertitude liée à l’harmonisation des sta-

tuts employés et ouvriers. Cette harmonisation va

avoir un impact à plusieurs niveaux et va de facto faire

évoluer les mentalités. En droit du travail, il y a la ré-

glementation générale - la loi de 1978 par exemple-,

mais il y a aussi toutes les dispositions sectorielles,

elles-mêmes scindées entre le régime applicable aux em-

ployés et aux ouvriers. L’évolution notamment en termes

de mentalité va se produire dans ce contexte d’harmoni-

sation des statuts d’ouvriers et d’employés.

Thierry Duquesne Mais est-ce que justement la ma-

tière des restructurations n’était déjà pas un peu avant-

gardiste ? Dans la plupart des plans sociaux, il y a des

revendications très claires pour rapprocher les indemni-

tés dues aux ouvriers de celles dues pour les employés.

Dominique Claes Evidemment la population ou-

vrière tente de se rapprocher du statut des employés

mais pas l’inverse ! Connaissez-vous une restructuration

où on a négocié en commun ouvriers et employés? On

négocie toujours séparément. Chacun veut défendre

son pré-carré. Les syndicats estiment que la particula-

rité de leur « clientèle » nécessite un package de départ

approprié. Peut-être qu’effectivement avec les change-

ments juridiques, les organisations syndicales vont de-

voir se rapprocher entre elles et les commissions pari-

taires vont devoir fusionner. Il y a donc une révolution

du droit social qui nous attend, tant au niveau individuel

que collectif. Avant que ces vieux réfl exes disparaissent,

on se donnera rendez-vous dans 10 ans !

RÉALISME D’UN CONTRÔLE D’OPPORTUNITE SUR LE CONTEXTE

ECONOMIQUE DE L’ENTREPRISE

Vincent Reuter Pensez-vous que les entreprises sont prêtes à se soumettre à un jugement d’opportunité de la part d’un tiers sur le contexte économique de sa situation en cas de restructuration?

Thierry Duquesne La procédure d’information et

de consultation est en théorie destinée à permettre aux

représentants du travail de proposer des alternatives et

donc à chaque alternative qui n’est pas suivie d’effet,

l’employeur se justifi e en disant « non je ne peux pas

me contenter de X licenciements dans ce département

pour les raisons suivantes ». Potentiellement, il y a un

échange et des propositions qui doivent être formulées

par les syndicats pour réduire le nombre de travailleurs

visés et une obligation pour l’employeur d’y répondre. Il

y a une place pour un échange quant à la détermination

du nombre de travailleurs concernés.

Filip Saelens La réponse à ce dialogue se trouve

dans l’histoire des relations sociales de notre pays telles

qu’elles ont été créées après la guerre. Les décisions éco-

nomiques ont toujours été considérées comme étant de

la responsabilité de l’employeur, et les conséquences so-

ciales en découlant ont toujours fait l’objet d’un dialogue

social. Dans l’application de toute la réglementation, du

côté des syndicats la position a toujours été de dire « on

ne rentre pas dans la responsabilité économique, pour

assumer avec vous un rôle de décideur économique en

codécision ou cogestion », comme c’est le cas en Alle-

magne par exemple où les syndicats s’engagent pour 5

ans sur les CCT et pour le maintien du niveau de salaire,

etc. En contrepartie, ils entrent dans le moteur des déci-

deurs économiques. C’est un modèle inexistant dans les

gènes de notre modèle social.

Dominique Claes La loi Renault parle de l’impor-

tance de la consultation. Même si elle en fait partie, elle

ne ressort pas du rôle naturel des syndicats. On a don-

né aux syndicats le droit de faire entendre leur voix et

normalement de formuler des contrepropositions. On

se trouve parfois dans une situation un peu ubuesque

où les syndicats disent « j’ai 150 questions à vous sou-

mettre, merci d’y répondre, nous sommes partis pour

6 mois, voici mes contrepropositions ». D’avance, c’est

voué à l’échec ! Donc les syndicats détournent aussi la

fi abilité de la loi Renault. C’est unilatéral comme débat.

Une idée serait de faire participer au débat, dès le dé-

but de la phase d’information et de consultation, une

sorte d’accompagnateur social pour faire évoluer au

niveau juridique les organisations syndicales car la loi

Renault devient très technique. Cet accompagnateur

social pourrait faire un compte rendu aussi fi dèle que

possible auprès de la base. Il faudrait le faire intervenir,

dans la phase I, pour qu’il puisse être le miroir de ce

qui se passe dans le conseil d’entreprise. Il pourrait être

désigné parmi des magistrats, des praticiens, choisis par

le CNT par exemple. Il devrait d’abord veiller au respect

de la réglementation et faire la synthèse de la phase I de

façon objective.

Dossier RGP - Restructuration & Faillite d’entreprises

Table ronde Comment gérer au mieux tous les aspects sociaux ?

Vincent REUTER

Union wallonne

des entreprises

Christian WILLEMS

Loyens & Loeff

Dominique CLAES

Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte

Thierry DUQUESNE

NautaDutilh

Thierry VIÉRIN

De Wolf & Partners

Virginie RENARD

Verhaegen Walravens

Michel STRONGYLOS

elegis

Filip SAELENS

Loyens & Loeff

Gaëlle NILE

van Cutsem Wittamer Marnef & Partners

Laurence DURODEZ

LexGo.be

Page 9: Supplément juridique 19/5

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Christian Willems Je ne suis pas du tout partisan

de ce point de vue ! La diffi culté juridique existe mais

l’employeur est là pour se faire conseiller par ses conseils

et les syndicats ont aussi leurs services juridiques. C’est

mettre le doigt dans un dangereux précédent et engre-

nage. On s’oriente alors dans une société tout à fait

socialiste et soviétique avec un avis du « fonctionnaire

de conciliation » ou du « fonctionnaire délégué » ou du

« conciliateur social » avec un avis motivé. Si l’avis est

négatif, il est impossible de fermer ou de restructurer !

Michel Strongylos La question est de savoir si en

Belgique, nous sommes prêts à passer d’une solution in-

demnitaire à un contrôle préalable. Est-ce qu’on accepte

que quelqu’un - tribunal du travail ou conciliateur social

ou un tiers - mette un veto à un moment donné à la déci-

sion de restructurer ou de licencier parce qu’il estime-

rait que les motifs invoqués ne sont pas satisfaisants d’un

point de vue structurel, économique ou autre ? En Bel-

gique, nous ne sommes pas dans cet esprit en raison à la

fois de notre histoire sociale et de notre tradition de né-

gociation. Par ailleurs, nous sommes dans une structure

de sanction : si l’employeur fait des erreurs, il en assume

les conséquences a posteriori. Ajouter un nouvel élé-

ment, alors que les textes existants sont quasi-illisibles,

rendra impossible l’identifi cation du fi l conducteur de

la réglementation. Nous devons aller dans le sens de la

simplifi cation ou de l’explication. Mais donner à un tiers

la possibilité de donner son d’avis « je joins mon avis à

la décision fi nale », alors qu’il n’a peut-être pas toute la

connaissance de l’histoire de l’entreprise et du contexte

de la restructuration, il est clair qu’en cas de recours, son

avis pèsera d’un poids certain.

Dominique Claes Son rôle ne serait pas de contrô-

ler la motivation économique de l’employeur, mais sim-

plement de veiller à la bonne application de la loi. Le but

serait d’éviter la déviance que donnent les syndicats à la

loi Renault. Ils savent très bien que la phase I n’est qu’un

sas avant l’essentiel du débat : le plan social. On a tota-

lement dénaturé l’esprit du législateur originaire. Ce se-

rait donc lui donner de l’effectivité pour que les bonnes

questions soient posées, les bonnes réponses soient

apportées, et que les travailleurs comprennent effecti-

vement pourquoi il y a de telles suppressions d’emplois.

Virginie Renard Sur la soviétisation et l’appari-

tion d’un tiers : ce point est déjà concrétisée dans la loi

sur la continuité des entreprises et la CCT n° 102 ! En

cas de transfert sous autorité de justice, la CCT 102 le

prévoit. Il faut faire une convention du transfert projeté

qui peut être soumis à l’homologation du tribunal du

travail. Donc, baliser, pourquoi pas, mais petit à petit

quand même on met le pied dans la porte en donnant

au tribunal du travail, un rôle important qui peut mener

à des surprises. Donc l’interdiction, non, mais amener

un tiers à venir mettre un œil sur ce qu’il se passe et sur

les mesures prises concrètement, cela existe déjà ! A voir

si cette tendance va s’étendre ou pas !

RENFORCEMENT DES CONDITIONS DU LICENCIEMENT :

UNE INTERDICTION TOTALE DE LICENCIER SE PROFILE-T-ELLE ?

Vincent Reuter Pensez-vous que nous nous diri-geons vers une sorte d’interdiction de licencier ou de res-tructurer ? De la part du législateur, j’entends. De la part des syndicats c’est clair.

Michel Strongylos Pour comparer avec la France

où il existe des mécanismes préalables au licenciement,

le licenciement en Belgique est moins procédurier. Il est

possible qu’on se retrouve dans une mécanique non pas

d’interdiction mais de modélisation des conditions de

licenciement. C’est ce qu’on voit fl eurir ici ou là en cette

période de crise. C’est un peu contingent : on parle no-

tamment de licenciements qui devraient être condition-

nés au fait que l’entreprise n’accumulerait pas autant

de bénéfi ces sur autant d’années, etc... Par contre, les

conditions du licenciement et le contrôle du motif éco-

nomique qui sous-tend le licenciement, c’est une voie

qui pourrait, à un moment donné, être ouverte que ce

soit en restructuration ou non.

Thierry Viérin Tant que la majorité des partis se

situeront « à droite » dans le pays, je ne pense pas qu’on

va durcir encore ou rendre impossible les licenciements.

On reste dans une économie libérale, mais effectivement

on essaie de rallonger la période de consultation avant

de pouvoir procéder au licenciement comme en matière

de licenciement collectif.

Dominique Claes Aller vers une interdiction de

licenciement, ce n’est pas la philosophie du droit du tra-

vail belge, axée sur la concertation. Faire valider comme

en France par un tiers, les tenants et aboutissants d’un

plan social, c’est envisageable parce qu’actuellement

les syndicats font traîner la phase d’information et de

consultation. Il y a un intérêt fi nancier évidemment :

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10

faire monter la pression à l’égard de l’employeur sur le

volet fi nancier. Mais, les syndicats se désintéressent rapi-

dement de la motivation. En cas de fermeture, lorsqu’il

s’agit d’un licenciement collectif, il y aura toujours un

poste de négociation sur la sécurité de l’emploi pour

ceux qui restent. Mais, une réfl exion profonde sur la mo-

tivation économique et fi nancière n’est jamais menée à

son terme par les syndicats parce qu’ils se sont pas outil-

lés pour le faire.

Christian Willems Soyons conséquents ! Je n’ai

rien contre le fait d’un plus grand contrôle des motifs

du licenciement. Mais, si on prend comme modèle la

France, soyons conséquents jusqu’au bout et ne char-

geons pas l’indemnité de rupture ni fi scalement, ni

au niveau de la sécurité sociale ! Ne tombons pas non

plus dans un système « à la belge» où on va contrôler

les motifs du licenciement et allonger les préavis - qui

sont de plus en plus onéreux-. Un contrôle plus pointu

des motifs du licenciement, soit au niveau du tribunal du

travail ou d’autres instances, pourquoi pas ; mais alors si

on veut calquer le système français qu’on s’y calque tota-

lement. Plutôt que d’allonger les indemnités de rupture

qui sont déjà les plus élevées d’Europe et du monde,

qu’une partie de l’indemnité soit complétement défi sca-

lisée et exonérée de toutes cotisations ! C’est peut-être

aussi une option.

Vincent Reuter Il est clair qu’il y a un resserrement des conditions de licenciement. Avec des résultats qui personnellement me laissent perplexes. On ne forcera jamais une entreprise à garder du personnel dont elle n’a pas besoin. Tout ce qu’on va réussir à faire, c’est à alourdir les charges et réduire encore le peu de marge de manœuvre des entreprises, notamment en période de crise. Maître Willems a évoqué une forme de soviétisa-tion du contexte qui entoure nos entreprises. Regardons la question de la pyramide d’âge : les entreprises vont devoir désomais licencier par tranches d’âge !

ET QUE PENSER DU LICENCIEMENT PAR TRANCHE D’ÂGE ?

Dominique Claes Effectivement, désormais le

licenciement collectif devra respecter des tranches

d’âge. Avec ces nouvelles mesures (on attend les arrêtés

d’exécution), il n’y aura plus la même fl exibilité. Il fau-

dra donc faire une règle proportionnelle : moins de 30

ans, entre 30 et 50 ans et plus de 50 ans. Cette règle est

très éloignée du terrain. L’employeur va devoir licencier

des personnes dans une catégorie qu’il voulait peut-être

privilégier. On va arriver à des licenciements arbitraires

dénués de motivation économique. C’est un non-sens

économique. On se demande où le législateur est allé

s’inspirer pour mettre en place une telle règle !

Thierry Duquesne Surtout, cette règle complique

les choses. Il existe un cadre légal. Ce sont les lois en

matière de discrimination, qui obligent l’employeur à

éviter tout traitement discriminatoire notamment lors

du choix des critères de sélection mais également lors

du licenciement d’un travailleur protégé ou pas !

Vincent Reuter Cette pyramide des âges résiste-t-elle au test de constitutionalité ?

Michel Strongylos C’est une sorte de discrimina-

tion à l’envers. Je suis licencié parce que je suis dans la

mauvaise tranche d’âge ! C’est une discrimination qui

interdit le licenciement sur base de critères comme

l’âge. On va avoir une discrimination positive, mais dans

le mauvais sens du terme. Par défi nition, ce critère d’âge

va déterminer le quota des gens à licencier. Sauf dans ce

qu’on appelle les postes clés, encore faut-il savoir ce que

l’on entend par « postes clés », et savoir qui détiendra la

serrure !

Dominique Claes Socialement, c’est ingérable !

Comment expliquer à un travailleur : « je dois te licen-

cier parce que la loi l’impose, je dois te mettre dans le

quota ». Je ne sais pas comment les syndicats vont gérer

cette situation.

Vincent Reuter Les syndicats ne sont-ils pas tout aussi opposés à cette idée que les employeurs ?

Christian Willems Le gouvernement leur a laissé

la possibilité jusqu’au 30 juin 2012, au niveau du CNT de

prendre d’autres initiatives. Sans doute, sent-il déjà qu’au

niveau des interlocuteurs sociaux, la mesure ne passe pas !

FACE A L’AUGMENTION DES OBLIGATIONS LÉGALES, COMMENT

LES PME GÈRENT-ELLES LES INÉVITABLES RESTRUCTURATIONS ?

Vincent Reuter Venons-en aux PME. Je reviens sur votre considération de continuer à supporter des coûts même s’ils ont été budgétisés au moment du plan de res-tructuration, à ce cumul d’obligations - paiement d’une indemnité même après que l’employé ait trouvé un autre travail, obligation de constituer une cellule de reclassement - est-ce que franchement les PME peuvent le supporter ?

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Thierry Viérin Non, mais il faut rappeler que cette

législation - la loi Renault, les cellules de reclassement,

etc. - peut être évitée dans certains cas assez facilement,

notamment en « saucissonnant » et en répartissant les

licenciements dans le temps. Dans une petite entreprise,

on va réfl échir à reporter les licenciements pour essayer

d’éviter de tomber dans la loi Renault et dans le disposi-

tif de la cellule pour l’emploi, car ce sont quand même

des procédures très lourdes.

Dominique Claes La PME ne va pas créer sa cellule.

Elle va participer à une cellule avec l’obligation d’offrir

un programme de reclassement professionnel de 3 x 20

heures soit 1.500€ au maximum. Mais, il faut pouvoir

bénéfi cier d’un programme de reclassement profession-

nel. Or, le reclassement n’est pas assez professionnel, il

faut donc investir. Ce n’est pas un problème pour les

PME mais ça peut le devenir, si on renforce les obliga-

tions de reclassement, si on impose à un employeur de

faire glisser une partie du package du plan social dans le

reclassement.

Une autre idée serait d’imposer en cas de restructura-

tion la prestation des préavis dans le cadre d’un pro-

gramme de reclassement. Même ceux dont le préavis

est supérieur à 6 mois restent dans la cellule de reclas-

sement, perçoivent leur rémunération normale effecti-

vement pendant la durée de leur préavis initial, et s’ils

retrouvent un emploi, on leur paie le solde. Voilà une

mesure concrète qui est relativement facile à mettre en

œuvre. Elle obligerait les travailleurs à trouver le plus ra-

pidement possible un autre emploi s’ils veulent toucher

une partie de leurs droits sur forme d’indemnité.

Christian Willems Je suis tout à fait d’accord mais

il n’y a pas la volonté politique !

Dominique Claes Quand je dis préavis non presté,

c’est qu’on le met en cellule de reclassement autant de

mois que dure son préavis, avec un minimum de 6 mois,

et il perçoit donc sa rémunération normale.

Vincent Reuter De nouveau en pensant aux PME, la mensualisation, en tout cas en termes de trésorerie, est quelque chose d’intéressant !

Dominique Claes Durant 6 mois les travailleurs

vont toucher au mois le mois la rémunération qui

s’imputera sur le budget de départ. Il ne manque plus

que le politique autour de la table pour que les choses

avancent ! Les syndicats seraient plus ouverts qu’on ne

le croit parce qu’ils prennent conscience du marasme

social dans certaines régions de Wallonie.

Vincent Reuter Dans l’état actuel de la législation est-ce que vous pensez qu’on peut soutenir la comparai-son avec d’autres pays ?

Thierry Viérin La procédure de licenciement col-

lectif existe dans d’autres pays européens puisque c’est

une directive européenne à la base. Le gros avantage de

la Belgique est qu’on ne doit pas motiver un licencie-

ment pour les employés sauf cas de protection. C’est

un gros avantage que nous avons mais il y a le coût en

contrepartie, qui maintenant avec les nouvelles mesures

(le préavis des employés) devient un petit peu plus rai-

sonnable, mais ça reste un avantage de ne pas motiver.

Vincent Reuter En ce qui concerne les travailleurs protégés, on ne peut pas dire que les entreprises belges soient favorisées par rapport à d’autres pays ! C’est non seulement terriblement coûteux pour l’entreprise, mais d’un pur point de vue de justice sociale, comparer ce qu’un protégé touche pour la levée de sa protection et l’enseigne à laquelle sont logés les autres travailleurs !

Thierry Duquesne Dans la pratique, c’est terminé

depuis janvier 2011. La loi sur la discrimination a chan-

gé et a ajouté un critère d’appartenance syndicale. Le

centre pour l’égalité des chances a le pouvoir d’assigner

l’employeur, pour estimer qu’il y a une discrimination

entre le protégé et tous les autres travailleurs qui ne re-

cevront pas d’indemnité en raison d’une appartenance

syndicale. Depuis lors c’est fi ni. Je n’ai plus jamais eu de

demande de chèque en contrepartie de la levée de la

protection lors de négociation sociale.

Vincent Reuter Cette disposition est-elle suffi sam-ment connue par les entreprises ? Est-ce également va-lable en cas de faillite ?

Virginie Renard Les règles du jeu n’ont plus rien

à voir. En cas de faillite les protections sont enlevées, le

régime est tout à fait différent. Ce sont d’autres règles

du jeu notamment avec l’intervention du fonds de fer-

meture.

Michel Strongylos Que ce soit dans le cadre d’une

restructuration qui s’accompagne d’une cession ou d’un

outsourcing, les règles ne sont pas les mêmes pour une

entreprise en vie et pour une entreprise en faillite. En

matière de faillite, la règle est de dire « je prends lui lui

lui et pas lui et avec telles et telles conditions que je né-

gocie » et entre les deux, nous avons la loi sur la conti-

nuité des entreprises.

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DES CHEFS D’ENTREPRISES RESPONSABLES ET HUMAINS FACE

AUX LICENCIEMENTS

Vincent Reuter Où placez-vous le curseur de la po-sition de l’entreprise en cas de licenciement ? Il y a ceux qui disent : « j’ai mis des billes dans l’affaire, je licencie qui je veux, quand je veux et comme ça me chante » et ceux qui sont prêts à dire « non, je suis d’accord, il peut y avoir un certain contrôle d’opportunités économiques de la part d’un tiers » ? Comment voyez-vous l’évolution au cours de ces dernières années ?

Dominique Claes Ils ont un sens social plus déve-

loppé. Ils sont très attentifs aux conséquences sociales.

Lorsqu’on doit faire un licenciement collectif, le choix

des travailleurs concernés n’est pas un choix arbitraire :

on tient compte de la situation familiale des personnes

et de l’âge. Les employeurs sont très soucieux. En Wal-

lonie, tous les employeurs sont responsables. On ne fait

pas dans l’arbitraire.

Thierry Duquesne Quand on licencie quelqu’un,

il faut penser à celui qui reste. Le vote du plan social

est fondamental pour l’employeur. Si la majorité de la

population a voté pour le plan social, il sait que ceux

qui vont rester vont être considérés comme des gens

qui ont vu leurs collègues partir de manière digne. Cette

conscience sociale, c’est d’avoir du respect pour celui

qui part mais également pour celui qui reste.

Vincent Reuter Comme vous le savez, la rhétorique syndicale n’est pas celle-là, ce sont les patrons qui licen-cient « pour s’en mettre plein les poches » !

Virginie Renard Dans certains cas, les syndicats

et l’employeur se mettent quand même ensemble

autour de la table pour discuter effectivement de cer-

taines situations ou de certains travailleurs en prenant

tous les aspects en compte : familiaux, sociaux, fi nan-

ciers … Même si c’est exact que les syndicats sont dans

une logique encore très indemnitaires et pas tellement

de reclassement, ils font des efforts. En matière de réor-

ganisation judiciaire pour les transferts, notamment,

on s’aperçoit qu’ils sont là pour sauver l’entreprise et

aller de l’avant. De même, au niveau du choix des tra-

vailleurs, ils n’essaient plus de faire passer certains et

regardent l’ensemble de la population. Il y a une dimen-

sion humaine tant dans le chef de l’employeur que dans

celui des syndicats. Généralement, ils arrivent à accorder

leurs violons sur les cas sensibles.

QUEL BILAN POUR LA LOI RENAULT ?

Vincent Reuter La loi Renault, dans sa philosophie, trouvez-vous que c’est une démarche intéressante ?

Christian Willems Pour répondre à votre ques-

tion, la loi Renault effectivement est très mode ! Mais,

je n’ai pas connu, à titre personnel, de restructuration

annoncée qui, suite à l’information et à la consultation,

ait été retirée. Nous avons tous en tête le fameux précé-

dent chez Inbev. Je crois qu’il faut informer, consulter.

C’est dans l’air du temps. La loi Renault permet effec-

tivement de postposer une décision pendant 2/3 mois

en moyenne dans les restructurations. Dans les faits, on

constate que ça n’entame en rien la restructuration an-

noncée. Pendant 2 ou 3 mois, on discute, on informe, et

puis on continue à payer les salaires et puis voilà. Grosso

modo c’est ça la loi Renault !

Thierry Duquesne Il y a quand même un intérêt

majeur : fi xer la chronologie exacte et donner la priorité

aux travailleurs avant les tiers. C’est un point important

qui n’existait pas auparavant.

Dominique Claes La dérive de la loi Renault : les

syndicats parviennent à tirer en longueur le processus.

Rares sont les employeurs qui ont suffi samment de cou-

rage pour dire à un moment « j’arrête la phase I, je noti-

fi e le licenciement collectif ». L’employeur n’a aucune

maîtrise du déroulement de la loi Renault. Et donc, il fau-

drait mettre une date butoir de trois mois par exemple

qui paraît suffi sante pour faire le tour de la question.

Après trois mois, les parties sont censées s’être expli-

quées suffi samment. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est

que les syndicats disent « je ne vous donne ma bénédic-

tion sur le respect de la phase I que pour autant qu’on

se soit déjà engagé sur un plan social », c’est la monnaie

d’échange de la phase II … et donc l’idée de revenir à

une dead line serait vraiment une bonne chose.

Filip Saelens Il y a des exemples où la loi Renault

fonctionne ! J’ai en tête des exemples récents où la

consultation était tout à fait pertinente, où le travail

demandé a été fait, et où le résultat fi nal était un plan

sur-mesure. Il a fallu faire des choix. Le résultat de la

consultation n’était pas le résultat que l’employeur avait

envisagé en entrant en négociation. Je comprends et je

partage l’idée qu’il y a parfois des dérapages mais il y a

aussi des exemples où la consultation joue son rôle et

fonctionne bien.

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Thierry Viérin La partie « plan social » pourrait être

légiférée ; effectivement la consultation a pour but d’ex-

pliquer les raisons, les syndicats viennent avec des idées,

etc. mais on l’a tous dit autour de la table, il est rare que

l’employeur revienne en arrière ; donc cette partie-là de-

vrait être limitée dans le temps et le législateur pourrait

se consacrer un peu plus à la partie « plan social » qui est

moins légiférée pour l’instant.

Thierry Duquesne Je ne suis pas certain que la vo-

lonté politique soit de légiférer en la matière. A partir du

moment où on arrive à fi ger plus ou moins les délais de

préavis des employés, ce qui a déjà fait couler beaucoup

d’encre, commencer à se dire qu’on va avoir une appli-

cation qui d’offi ce est de X mois par année d’ancienneté

avec une indemnité de départ qui correspond à X % du

salaire annuel, etc. ça me semble être peu réaliste.

AMÉLIORATIONS, SUGGESTIONS ET RECOMMANDATIONS POUR GERER AU

MIEUX TOUS LES ASPECTS SOCIAUX DES RESTRUCTURATIONS

Vincent Reuter Que suggéreriez-vous au législateur ?

Michel Strongylos A partir du moment où on

considère que le plan social est le cœur de la restruc-

turation, que la négociation se focalise essentiellement

sur ce qu’on peut donner en plus de ce que prévoit la

loi, et dans la mesure où les conditions actuelles font

que ce qu’on peut donner en plus c’est de la rémunéra-

tion et sachant que les conditions de la prépension de-

viennent de plus en plus serrées, une idée ne serait-elle

pas de progressivement, pour l’extra-légal en fonction

des montants octroyés, de prévoir une dégressivité des

cotisations et du précompte.

Thierry Duquesne Aller vers une plus grande

une simplifi cation administrative dans l’intérêt de l’em-

ployeur.

Dominique Claes De la sécurité juridique au ni-

veau des textes. On perd le fi l conducteur. Cela nous

pose un problème à nous praticiens, mais aussi aux

employeurs et aux syndicats. Mais une sécurité juridique

aussi au niveau du budget. On ne peut plus accepter

qu’aujourd’hui les régimes de prépension soient modi-

fi és en cours de prépension. En 5 ans de temps, les coti-

sations de prépension patronales ont augmenté de plus

de 30 %. Beaucoup d’entreprises externalisent les plans

de prépension et paient une prime unique à une assu-

rance de groupe qui a consolidé tous les engagements

de prépension. Aujourd’hui, les compagnies d’assurance

vont venir frapper à la porte des employeurs en disant :

« le fait du Prince montre que vous n’avez pas payé assez

pour garantir les engagements à terme ». Et, si l’entre-

prise a quitté le pays, vers qui va-t-on se tourner ? Qui va

être garant pour payer la surprime demandée ? Au fi nal,

les travailleurs seront les victimes ! Le législateur doit

arrêter d’intervenir dans les systèmes en cours.

Thierry Viérin La formation comme pendant de la

baisse des charges sociales. Il faut prévoir une améliora-

tion de la formation ou plus de moyens dans la forma-

tion des travailleurs des petites entreprises.

Virginie Renard Fixer le timing à la procédure de

consultation.

Retrouvez l’intégralité des débats de la table ronde sur

www.lexgo.be

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La procédure de licenciement collec-tif se déroule en plusieurs étapes.

1. Cette procédure commence par une phase d’information et de consultation portant sur l’intention de procéder à un licencie-ment collectif.

2. Une fois qu’il est satisfait aux exigences de la phase d’information et de consultation (voir ci-dessous), l’employeur notifi e à di-verses autorités sa décision de procéder à un licenciement collectif. A cette occasion, l’employeur confi rme que la phase d’infor-mation et de consultation a été respectée.

3. Il ne peut être procédé à aucun licenciement pendant une période de 30 jours à compter de la date d’envoi de la notifi cation visée au point précédent. Ce délai peut cepen-dant être prolongé d’une nouvelle période de 30 jours par les autorités. En pratique, cette période est utilisée par l’employeur et les représentants des travailleurs pour négocier ou continuer à négocier un « plan social », contenant les mesures d’indemni-sation et d’accompagnement particulières dont bénéfi cieront les travailleurs licenciés dans le cadre du licenciement collectif.

4. Enfi n, à l’expiration du délai visé ci-dessus, l’employeur peut procéder au licenciement des travailleurs concernés.

En ce qui concerne plus précisément la phase d’information et de consultation, l’employeur qui a l’intention de procéder à un licenciement collectif doit, dans un pre-mier temps, présenter aux représentants des travailleurs un rapport écrit dans lequel il fait part de son intention de procéder à un licenciement collectif. Ce rapport écrit doit au moins porter sur les raisons du licenciement collectif, les critères envisagés pour le choix des travailleurs à licencier, le nombre et la (les) catégorie(s) des travailleurs à licencier, la méthode de calcul envisagée pour toute indemnité éventuelle de licenciement extra-légale, et enfi n la période pendant laquelle les licenciements seraient effectués.

L’employeur doit réunir les représentants des travailleurs à propos de l’intention de procéder à un licenciement collectif. A l’occasion de ces réunions, l’employeur doit permettre aux re-présentants des travailleurs de poser des ques-tions à propos du licenciement collectif et de formuler des arguments ou de faire des contre-propositions à ce sujet. L’employeur doit exa-miner les questions, arguments et contre-pro-

positions visés ci-dessus et y répondre.

Précisons que cette procédure ne porte pas

atteinte au pouvoir de décision de l’em-

ployeur. Dès lors que cette première phase

est respectée, l’employeur reste libre de pro-

céder au licenciement collectif et de détermi-

ner quels travailleurs il licencie.

Cette phase d’information et de consultation

doit cependant avoir lieu avant que l’em-

ployeur ne décide de procéder au licencie-

ment collectif.

Si la phase d’information et de consultation

telle que décrite ci-dessus ne soulève géné-

ralement pas de problème juridique dans le

cadre d’une restructuration belgo belge, tel

n’est pas nécessairement le cas face à une

restructuration annoncée à un niveau inter-

national.

Qui au sein d’un groupe d’entreprises com-

posé d’une société-mère et d’une ou de

plusieurs fi liales, est tenu de respecter les

obligations d’information et de consultation

avec les représentants des travailleurs ? Sur

ce premier point, il est établi que même si la

société-mère est l’élément déclencheur d’une

procédure de licenciement collectif, par son

effet d’annonce globale via les médias, seul

l’employeur belge - identifi é comme celui

qui risque de devoir procéder à un licencie-

ment collectif - est tenu d’engager les consul-

tations avec les représentants de ses travail-

leurs. Seul l’employeur belge supportera les

conséquences du non-respect de l’obligation

d’information et de consultation.

Une identifi cation certaine de l’employeur lo-

cal est indispensable pour faire naître en son

chef l’obligation d’information et de consul-

tation.

Seul l’employeur qui entre dans le champ

d’application des dispositions belges en ma-

tière de licenciements collectifs est tenu de

respecter les obligations en matière d’infor-

mation et de consultation. Quel que soit le

pouvoir d’ingérence joué par la société-mère

dans la gestion de la société locale, la société-

mère ne pourra pas être de facto considérée

comme l’employeur.

A quel moment nait l’obligation de

consultation en matière de licenciements

collectifs ? Il s’agit du moment où il est consta-

té que des décisions stratégiques prises par la

société-mère vont contraindre la fi liale belge à

envisager des licenciements collectifs en son

sein. L’obligation d’information et de consul-

tation ne naît dans le chef de l’employeur lo-

cal que lorsqu’il aura reçu suffi samment d’in-

formations de sa société-mère pour pouvoir

apprécier que la restructuration globale porte

également sur des pertes potentielles en son

sein. Seule une décision stratégique ou com-

merciale le contraignant distinctement à envi-

sager des licenciements collectifs fera naître

l’obligation en question.

Quelle sera l’étendue de l’information

fournie par la fi liale belge? Les sociétés-

mères doivent prendre les dispositions qui

s’imposent pour permettre à leurs fi liales de

respecter leurs obligations, notamment en

leur fournissant en temps utile les informa-

tions nécessaires et en veillant à ce que leurs

représentants qui mènent les négociations à

l’échelon national ou local disposent de pou-

voirs suffi sants pour prendre des décisions

sur les questions qui font l’objet de la négo-

ciation avec les représentants des travailleurs.

Les renseignements à communiquer lors de

la phase d’information et de consultation ne

doivent pas nécessairement être complets

lors de l’information faite aux représentants

des travailleurs. Il ne pourrait être reproché

à un employeur d’entamer cette phase de

la procédure de licenciement collectif alors

qu’il n’est pas encore en possession de tous

les renseignements requis par la loi. L’infor-

mation pourra être complétée en cours de

procédure.

En d’autres termes, quand bien même l’em-

ployeur belge ne serait pas en possession de

tous les renseignements prescrits par la loi en

matière de licenciements collectifs, dès qu’il

est établi qui celui-ci pourrait être amené à

procéder à un licenciement collectif, il a l’obli-

gation d’entamer la phase d’information et

de consultation, quitte à nourrir cette phase

d’information au cours des réunions avec les

représentants des travailleurs.

Quand clôture t-on la phase d’information et

de consultation? Dans le cas d’un groupe d’en-

treprises, la phase d’information et de consul-

tation doit être clôturée par la fi liale concernée

par des licenciements collectifs avant que ladite

fi liale, le cas échéant sur instruction directe de

sa société-mère, résilie les contrats des travail-

leurs visés par ces licenciements.

Le rappel de ces principes devrait permettre aux

dirigeants des sociétés-mères mais également

de leurs fi liales de mesurer l’impact de décla-

rations globales en matière de restructuration

et ce, afi n d’éviter qu’une fi liale belge ne par-

vienne pas à respecter ses obligations légales en

matière d’information et de consultation.

Quand la maison-mère annonce un licenciement collectif

Thierry DUQUESNE

NautaDutilh Associate Partner

Dossier RGPRestructuration et Faillite d’Entreprises

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1616

La vie d’une entreprise ne se conçoit plus de manière linéaire. Trop souvent, les en-trepreneurs ignorent les conséquences

des opérations commerciales projetées.

Sous réserve des dispositions spécifi ques applicables aux entreprises en diffi culté (transfert sous autorité de justice, transfert conventionnel dans le cadre d’une faillite ou réorganisation judiciaire), un transfert d’en-treprise au sens juridique du terme implique l’obligation dans le chef du repreneur :

maintien des conditions collectives et indi-viduelles de travail,

munérations impayées au jour du transfert en cas de défaillance de l’employeur cédant.

Le coût lié à ces obligations constitue un para-mètre important dans l’analyse de la rentabi-lité de l’opération envisagée.

Quand parle-t-on de transfert d’entreprise ?Par transfert d’entreprise, on entend – tant en droit belge (CCT 32bis) qu’en droit européen (directive 2001/23) – le transfert convention-nel d’une entité économique qui maintient son identité, en vue de la poursuite d’une activité économique avec en conséquence un changement d’employeur au sens juridique du terme.

Le transfert implique que le repreneur pour-suive la même activité économique ou une activité analogue grâce au transfert de l’essen-tiel des moyens nécessaires à la poursuite de cette activité.

Outre le personnel, ces moyens peuvent consister en des éléments corporels (bâti-ment, outillage, marchandises,… quel qu’en soit le propriétaire) ou incorporels (bail, en-seignes, dénomination commerciale, marque, brevets, clientèle).

La présence d’un seul de ces éléments peut suf-fi re à conclure à l’existence d’un transfert. Une analyse au cas par cas est donc indispensable.

A titre exemplatif, ont été considérés comme un transfert au sens de la loi :

par une commune ou par une ASBL (trans-fert entre entités publique et privée/activité avec ou sans but lucratif),

une société de droit privé,

l’activité était autrefois exercée par une en-treprise tierce,

de sociétés pour autant qu’il y ait modifi ca-tion de l’employeur,

de gardiennage, le personnel étant consi-déré comme l’essentiel des moyens de l’entreprise,

gestion des travailleurs intérimaires et du savoir-faire pour poursuivre l’objectif de mise à disposition,

cuisine de collectivité alors que cette acti-vité avait autrefois été confi ée à une entre-prise tierce,…

Par contre, ne constituent pas un transfert d’entreprise :

ensemble organisé d’éléments permettant la poursuite durable des activités,

autobus lorsque seuls certains membres du personnel ont été repris, à l’exclusion du matériel,

entreprise intérimaire,…

Quelles sont les consé-quences du transfert ?Obligation d’information et de consulta-tion

Le cédant et le cessionnaire doivent consul-ter les organes concertation au sujet des fac-teurs économiques, fi nanciers ou techniques à l’origine des modifi cations de structure et des conséquences économiques, fi nancières et sociales du transfert. A défaut de conseil d’entreprise ou de délégation syndicale, une information doit être donnée aux travailleurs concernant les conséquences juridiques, éco-nomiques et sociales du transfert projeté, ainsi que la date envisagée.

Des dispositions similaires existent également à charge des autorités dans le secteur public.

Obligation de reprise de la totalité du personnel

Le transfert s’effectue de plein droit et ce, indépendamment des conventions conclues entre cédant et repreneur.

Les travailleurs bénéfi cient d’une protection qui interdit à l’employeur de les licencier pour une cause liée au transfert d’entreprise (en prévision ou en réaction au transfert).

L’employeur (cédant ou cessionnaire) qui a l’intention de procéder à un licenciement hors motif grave se réservera la preuve des raisons économiques, techniques ou d’organisation le justifi ant. Aucune sanction spécifi que n’est cependant prévue en cas de violation de cette protection. Le travailleur devra établir, confor-mément au droit commun, l’existence d’une faute à l’origine d’un dommage distinct de celui déjà couvert par l’indemnité de rupture.

Le travailleur peut par contre refuser après transfert de poursuivre son contrat de tra-vail avec le nouvel employeur. Dans ce cas,

l’employeur veillera soit à obtenir un acte de démission non équivoque du travailleur, soit à introduire une action en résolution devant le Tribunal du travail compétent. Une convention de rupture de commun accord pourrait égale-ment être envisagée sous certaines conditions.

Le transfert automatique du contrat implique que ni le cessionnaire ni le cédant ne doit si-gner de convention spécifi que avec le travail-leur. La signature de convention peut toute-fois, dans certaines hypothèses, s’avérer utile.

Des diffi cultés particulières peuvent enfi n être rencontrées lorsque le travailleur est partiel-lement occupé dans l’activité concernée. La question d’un transfert du contrat ou de sa scis-sion devra être posée et examinée au regard notamment de la jurisprudence européenne.

Maintien des conditions individuelles et collectives de travail

Le repreneur doit en principe garantir le main-tien des conditions individuelles et collectives de travail (rémunérations à l’exception des régimes complémentaires de prévoyance so-ciale, horaires, fonctions, etc.).

Les conventions collectives (nationales, sec-torielles ou d‘entreprise) continuent à lier le repreneur à tout le moins jusqu’à ce qu’elles cessent de produire leurs effets. Les transferts qui impliquent un changement de commis-sion paritaire (ou passage du secteur public au privé) posent de multiples questions. La Cour de cassation prône dans ce cas une ap-plication distributive des dispositions les plus favorables aux travailleurs, position qui fait cependant l’objet de vives critiques.

Solidarité pour les dettes sociales existantes au moment du transfert

Le législateur belge a prévu la possibilité pour le travailleur de s’adresser tant au cédant qu’au repreneur pour réclamer l’ensemble des dettes existant au jour du transfert. Le repre-neur devra alors en assumer paiement intégral à charge pour lui d’en poursuivre ensuite le remboursement contre le cédant et d’assumer l’éventuelle insolvabilité de ce dernier.

ConclusionsLe transfert d’entreprise est une notion ex-trêmement large susceptible de toucher de nombreux cas d’espèce.

La personne qui envisage de reprendre, indi-rectement ou directement, une activité écono-mique (avec ou sans but lucratif) veillera à re-cueillir des informations concernant la gestion du personnel au sens le plus large du terme. Elle établira scrupuleusement le coût de re-prise du personnel et, en cas de doute quant aux dettes sociales existantes ou potentielles, veillera à se faire délivrer une garantie bancaire éventuellement libérable progressivement.

Le transfert conventionnel d’entreprise : cadre et limites

Michel STRONGYLOS

Gaëlle JACQUEMART

elegis Avocat associéAvocat

Dossier RGPRestructuration et Faillite d’Entreprises

Page 17: Supplément juridique 19/5

ANVERS BRUXELLES EUPEN LIEGE

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Michel STRONGYLOS [email protected] Rodrigue CAPART [email protected]

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Page 18: Supplément juridique 19/5

1818

Le cadre juridique des restructurations est constitué d’une accumulation depuis plus de 35 années de mesures légales et

réglementaires.

Avec quel succès ?

Les procédures de licenciement collectif et de fermetureLa procédure d’information et de consulta-tion imposée depuis 1998 par la loi Renault a eu le mérite d’apporter de la transparence dans le processus de restructuration. Au-jourd’hui, la motivation économique donnée par l’employeur est soumise à un examen cri-tique des syndicats.

Cette procédure a cependant généré des ef-fets pervers :

1) Les employeurs ayant l’obligation de ré-pondre à la totalité des interpellations des représentants des travailleurs, les syndicats exploitent dans de nombreux cas cette phase de concertation pour, par le biais de multiples questions ou contre-propositions pas néces-sairement opportunes, retarder la mise en œuvre de la restructuration projetée.

Rares sont, en effet, les employeurs qui osent d’autorité mettre fi n à cette phase de consul-tation eu égard aux sanctions auxquelles ils s’exposent (mise à néant de la procédure, réintégration des travailleurs, …).

Dans la réalité du terrain, on assiste dès lors à un « donnant-donnant » : la sécurité juridique pour l’employeur et un plan social décent pour les travailleurs. En d’autres termes, les syndicats font dépendre leur reconnaissance du respect de la loi Renault par l’employeur de la conclusion d’un accord sur un plan social.

On assiste ainsi à un détournement de la fi na-lité de la phase d’information et de consulta-tion de la loi Renault. Elle devient un levier pour les syndicats dans le cadre de la négocia-tion du plan social.

L’effi cacité de la réglementation justifi erait que le déroulement de la phase d’information et de consultation soit limité dans le temps afi n d’éviter toute dérive. Un délai de deux mois paraît suffi sant pour permettre aux par-ties de développer leurs argumentations et d’examiner d’éventuelles contre-propositions syndicales, sous réserve d’un éventuel report qui serait accordé par l’ONEm sur demande dûment motivée des syndicats.

Ce délai strict permettrait, d’une part, aux employeurs de maîtriser l’agenda du projet de licenciement collectif ou de fermeture et, d’autre part, son échéance serait le signal clair du début de la phase de négociation.

2) La réglementation en matière de licencie-ment collectif est applicable lorsque sur une période de 60 jours s’opèrent 10 licencie-ments, 10% de licenciements ou 30 licencie-ments selon que l’entreprise compte entre 20

et 100 travailleurs, entre 100 et 300 ou plus de 300 travailleurs.

Nombreux sont les employeurs qui, pour déjouer cette règle et ainsi échapper aux contraintes de la procédure Renault, s’effor-cent d’étaler dans le temps les licenciements projetés.

Cette manœuvre est trop aisée. Pour la limi-ter, il suffi rait que la période de référence sur base de laquelle une entreprise se trouve en situation de licenciement collectif soit portée de 2 à 6 mois étant entendu que les quotas de licenciements seraient proportionnel-lement majorés. En élargissant de facto le champ d’application de la réglementation des restructurations, le souci de transparence et de respect du contradictoire sera bien évi-demment mieux rencontré. Cette dernière mesure peut paraître pénalisante pour les employeurs, mais si elle est mise en perspec-tive avec le délai fi xe de concertation proposé ci-avant, elle participe à une amélioration de la sécurité juridique et de l’effi cience de la ré-glementation en matière de restructuration.

Toutefois, les deux nouvelles mesures recom-mandées doivent nécessairement s’intégrer dans une refonte complète du cadre juridique des restructurations. Tous les acteurs de la vie des entreprises sont demandeurs d’une cohérence, et d’une simplifi cation de la réglementation.

Or, que constate-t-on ? Dans le cadre des nou-velles mesures « Di Rupo » (loi du 29 mars 2012), le gouvernement, une fois encore, accentue l’imbroglio juridique en prévoyant qu’à l’avenir, un employeur qui procède à un licenciement collectif devra répartir les licenciements proportionnellement en fonc-tion de trois groupes d’âge (moins de 30 ans, entre 30 et 50 ans et plus de 50 ans).

On peut considérer cette mesure de « pyra-mide des âges en cas de licenciement collec-tif » comme une « fausse bonne idée ».

Une bonne idée si on l’intègre dans la ré-fl exion sur la préservation de l’emploi des tra-vailleurs âgés mais totalement anachronique par rapport à la réalité d’une entreprise. Un employeur qui restructure le fait sur base des seules contraintes économiques, il supprime des postes de travail et l’âge des travailleurs qui les occupent ne constitue pas et ne peut d’ail-leurs constituer un critère de licenciement.

Cette nouvelle mesure, en dépit des déroga-tions prévues, est susceptible d’altérer l’effi ca-cité d’une restructuration en ce qu’elle modifi e la cible des licenciements telle qu’objective-ment défi nie initialement par l’employeur et de susciter des recours individuels de la part des travailleurs arbitrairement licenciés.

Ce dernier exemple illustre, si besoin était, que dans une matière aussi sensible et complexe que les restructurations, il y a une impérieuse nécessité de laisser l’initiative réglementaire aux partenaires sociaux. Le Conseil National du travail devrait ainsi être habilité sans tar-der à proposer une nouvelle codifi cation de la réglementation des restructurations.

Les plans sociaux.La réforme ne devrait pas seulement viser la procédure d’information et de consultation mais également le contenu des plans sociaux.

De par la loi, les plans sociaux, n’ont connu qu’une évolution : l’obligation pour les em-ployeurs en restructuration de faire parti-ciper son personnel licencié à une cellule pour l’emploi. Les travailleurs (ouvriers et employés) doivent y participer durant 3 ou 6 mois selon qu’ils sont âgés de moins ou de plus de 45 ans.

Cette cellule veille à ce que le plan social soit correctement mis en œuvre et fournit aux travailleurs une offre d’outplacement (de 30 heures ou 60 heures selon l’âge du travail-leur). Il s’avère que le rôle de la cellule pour l’emploi est insuffi sant tant en raison de sa du-rée que du contenu des services qu’elle offre.

Pourquoi limiter à 3 ou 6 mois la participation à la cellule pour l’emploi ? Serait-il choquant d’imposer aux travailleurs victimes d’une res-tructuration de renouveler leur participation dans la cellule en cas d’absence de reclasse-ment à l’échéance de leur première parti-cipation, même s’ils ont acquis la qualité de chômeur ? La contrepartie de cette obligation serait le bénéfi ce d’une véritable formation professionnelle défi nie sur base d’un bilan de compétences, éventuellement dispensée par un organisme privé.

Le fi nancement de cette formation étant à charge des employeurs, serait-il choquant d’imposer qu’une partie du budget des plans sociaux de restructuration soit obligatoire-ment et de manière objective consacrée au reclassement (par exemple : un pourcentage du montant des indemnités allouées) ?

Aujourd’hui, les plans sociaux ont un carac-tère principalement indemnitaire et sont peu créatifs : ils privilégient une indemnisation en espèces liée principalement à l’ancienneté des travailleurs, sous réserve des régimes de prépension dérogatoires.

Si le reclassement est une priorité, allouons lui les moyens nécessaires mais pas au détri-ment des employeurs. Ceux-ci doivent déjà assumer des budgets de restructuration de plus en plus excessifs, en raison notamment de la majoration des charges sociales des plans de prépension ou assimilés.

La mise en œuvre d’une telle mesure pré-suppose que les organisations syndicales ac-ceptent de modifi er les priorités habituelles de leurs cahiers de revendications. Dans notre monde en crise toutes les évolutions sont possibles.

A nouveau, confi ons au Conseil National du travail la mission de sensibilisation et d’élabo-ration de cette réforme.

Les restructurations : des réformes nécessaires

Dominique CLAES

Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte Avocat associé

Dossier RGPRestructuration et Faillite d’Entreprises

Page 19: Supplément juridique 19/5

L’association Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte est un cabinet spécialisé en droit social. Elle compte également des spécialistes reconnus en droit fi scal, en droit des affaires ainsi qu’en droit de l’enseignement et en droit administratif.

Composée d’une soixantaine d’avocats qui exercent leur activité à Bruxelles, Liège et Gand, cette association constitue un des pre-miers cabinets belges spécialisés dans le con-seil et le contentieux en matière de droit du travail, droit de la sécurité sociale, droit fi scal, droit commercial et des affaires au sens large.

Issue du rapprochement entre le cabinet Ta-quet & Van Eeckhoutte et le cabinet Clesse – Deprez – Neuprez, cette entité constitue un des acteurs juridiques majeurs dans le droit des entreprises.

L’association Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte of fre un service complet, ses avocats accom-pagnent, conseillent et défendent leurs clients depuis les juridictions de proximité jusqu’à la Cour de cassation.

Une approche personnalisée: au-delà d’un conseil juridique ou d’une défense en justice, nos avocats apportent une aide à la décision fondée sur une longue expérience pratique des problèmes ren-contrés par les entreprises et les personnes privées. Grâce à la maitrise et la répartition de ses compé-tences, l’association offre à ses clients un service personnalisé et rapide ainsi qu’une disponibilité totale pour résoudre les problèmes les plus urgents.

Une approche scientifi que: association à la pointe du droit pouvant compter sur l’apport scienti-fi que de ses membres dont plusieurs professeurs d’université ou de hautes écoles, elle intervient dans le développement de la doctrine par ses nombreux ouvrages et publications et assure la formation permanente de ses membres et clients par l’organisation de séminaires.

Une approche diversifi ée: le droit social, le droit fi s-cal ainsi que le droit des sociétés s’inscrivent dans une structure globale qu’il faut maîtriser. Soucieux de garder des passerelles avec toutes les branch-es du droit, le cabinet compte des spécialistes en droit des contrats, responsabilité pénale et civile, réparation du préjudice corporel, droit des assur-ances…La maîtrise de ces diverses compétences permet d’offrir un service complet.

Une approche régionale, nationale et interna-tionale : intégré de longue date dans le tissu so-cio-économique de chaque région, le cabinet Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte répond aux be-soins locaux de sa clientèle. Nos avocats sont en outre reconnus depuis longtemps comme des interlocuteurs crédibles par les acteurs de la vie économique au niveau national et par les juridic-tions du pays. Enfi n, nous entretenons des relations privilégiées avec des cabinets de niche en droit social et présents sur la scène internationale.

Taquet, Clesse & Van Eeckhoutte offre:

Contacts : www.bellaw.be

Bruxelles : chaussée de la Hulpe, 166à 1170 Bruxelles – 02.660.69.00

Liège : Quai de Rome, 2 à 4000 Liège - 04.254.11.00

Gand : Drie Koningenstraat, 3 à 9051 Gand – 09.220.82.00

Page 20: Supplément juridique 19/5

2020

Qu’entend-on par « consultation » ?La consultation est, tout comme l’informa-tion, la négociation collective ou la codéci-sion, une forme de participation des travail-leurs ou de leurs représentants à la gestion de l’entreprise.

base des directives européennes en la matière, comme l’établissement d’un dia-logue et l’échange de vues entre les repré-sentants des travailleurs et la direction de l’entreprise à un moment, d’une façon et avec un contenu qui permettent aux repré-sentants des travailleurs d’exprimer, sur la base des informations fournies et dans un délai raisonnable, un avis concernant les mesures proposées qui font l’objet de la consultation, sans préjudice des responsa-bilités de la direction.

La consultation implique donc :1) une information préalable complète de

la part de la direction ;2) l’établissement d’un vrai dialogue entre

les parties ;3) un timing qui permet un vrai échange

de vues.

La consultation se distingue de l’informa-tion qui n’est que la transmission par l’em-ployeur de données aux représentants des

Elle se distingue également de la codé-cision en vertu de laquelle les travailleurs ou leurs représentants seront impliqués dans la prise de certaines décisions par

à confondre avec la négociation collective par laquelle les parties tâcheront d’aboutir à un accord, par exemple en signant une convention collective de travail, après un échange de vues sur un sujet donné.

Dans les textes légaux, ces différentes formes de participation se confondent par-fois. Ainsi, certaines conventions collectives de travail sectorielles prévoient une procé-dure de consultation en cas de licenciement multiple assortie d’une conciliation en l’ab-sence d’un « accord ».

Vous l’aurez compris, la lecture des textes ne permet pas toujours à l’entreprise de naviguer en eaux sûres.

Quand prévoit-on une consultation des travailleurs ?Il existe un certain nombre de dispositions générales dans le droit du travail belge qui prévoient la consultation des travailleurs. Il en est ainsi de l’article 11 de la conven-tion collective de travail nationale n° 9 qui précise qu’en cas de fusion, concentration,

structure importante négociée par l’entre-

prise, le conseil d’entreprise en sera informé en temps opportun et avant toute diffusion. Il sera consulté effectivement et préalable-ment, notamment en ce qui concerne les répercussions sur les perspectives d’emploi du personnel, l’organisation du travail et la politique de l’emploi en général. Sur base de ces dispositions, le conseil d’entreprise devra donc être informé en cas de chan-gements importants dans l’organisation du travail au sein de l’entreprise.

La consultation peut être prévue par des

consulter les travailleurs ou leurs représen-tants en cas de licenciement collectif, et ce sur base de la loi Renault.

des conventions collectives de travail sec-torielles ou d’entreprise.

Ainsi, les commissions paritaires des constructions métallique, mécanique et élec-trique (CP 111) et la sous-commission pari-taire pour le commerce du métal (CP 149.04) prévoient une procédure de consultation en cas de licenciement multiple d’ouvriers.

Au niveau de l’entreprise, l’obligation de consultation peut résulter d’un « plan so-cial » négocié avec les syndicats qui pré-voit que tout licenciement futur pendant une période déterminée devra faire l’objet d’une consultation préalable avec les représen-tants du personnel.

Nous le voyons, les dispositions sont éparses et il n’est pas toujours facile de

-nancières sont souvent prévues en cas de non-respect.

Quel est le but réel de la consultation ?Dans un monde parfait, la consultation a pour objectif de faire participer les tra-vailleurs à une décision qui a des consé-quences au niveau de l’emploi. L’objectif est de permettre aux représentants du person-nel de poser des questions et de formuler

-chir à des mesures pour éviter des licen-ciements, comme par exemple le chômage temporaire ou une redistribution du travail (crédit-temps).

lui-même, au préalable, à des solutions, et s’il annonce une mauvaise nouvelle, c’est qu’il a lui-même déjà exclu d’autres mesures. C’est la raison pour laquelle la consultation servira dans la plupart des cas aux représentants du personnel à gagner du temps et, dans le meilleur des cas, à ob-tenir des indemnités complémentaires pour les travailleurs. Il est rare que l’employeur revienne sur la décision prise.

Cela étant, il arrive que les représentants du personnel, aidés des permanents syn-

dicaux plus experts en la matière, viennent avec de vraies propositions constructives ou avec des idées auxquelles l’employeur n’avait pas songé de prime abord.

D’autre part, l’employeur aura parfois tout intérêt à discuter et négocier avec les repré-sentants syndicaux et même d’aller jusqu’à la signature d’une convention collective de

-roulement plus facile des licenciements en évitant les recours individuels.

Comment bien mener une consul-tation ou négociation collective ?L’employeur amené à consulter les travail-leurs sera évidemment bien préparé avant de démarrer ladite consultation. Il exami-nera les différentes alternatives et les éven-tuels pièges.

D’autre part, il devra avoir égard au timing des discussions. La consultation doit être menée préalablement à la décision ou avant son exécution selon les cas. Il est donc important que la consultation démarre au bon moment : avant, c’est trop tôt, après, c’est souvent trop tard.

L’employeur devra garder la mainmise sur le calendrier des discussions avec les re-présentants du personnel. Il y a lieu de se

de chaque réunion, on prévoit la suivante et ainsi de suite. Dans beaucoup d’entre-prises, même des grandes, on constate que les représentants du personnel mènent parfois la barque en lieu et place de l’em-ployeur.

Si l’employeur est prêt à faire des conces-sions, il évitera de tirer toutes ses car-touches lors de la première réunion. Un accord est le fruit de concessions de part et d’autre et il ne faut pas laisser regarder dans son jeu d’emblée.

L’employeur a tout intérêt à savoir qui il a autour de la table. Le représentant syndical

-sente le syndicat le plus représenté dans l’entreprise. Rien ne sert donc de discuter pendant trois réunions les yeux dans les yeux avec un représentant syndical qui ne

-nel de l’entreprise.

Dans la pratique, je constate que les syndi-cats savent parfois se montrer raisonnables. Ils comprennent qu’ils ne peuvent risquer l’avenir des autres travailleurs de l’entre-prise en négociant des indemnités maxi-males pour les travailleurs qui la quittent. La consultation et la négociation collective sont de bons instruments quand ils sont bien uti-

travailleurs, y compris ceux qui restent.

LA CONSULTATION ET LES NÉGOCIATIONS COLLECTIVES DANS LE CADRE

DE RESTRUCTURATIONS Thierry VIÉRINAvocat associé (De Wolf & Partners)

Dossier RGP Restructuration et Faillite d’Entreprises

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2222

Mesures en faveur du main-tien des travailleurs âgésDepuis la déclaration gouvernementale de décembre 2011, le gouvernement Di Rupo a fait une priorité de maintenir des travailleurs âgés au travail.

La Ministre de l’Emploi déclare qu’il est faux de penser que les conséquences sociales d’un licenciement sont moins graves pour un tra-vailleur âgé que pour les autres travailleurs. Elle entend tout faire afi n d’éviter que les tra-vailleurs les plus âgés ne soient les premières victimes lors de restructurations.

La réforme entreprise par le Ministre de l’Em-ploi vise donc à rendre le départ de travail-leurs âgés moins facile.

Réforme des prépensions

Les conditions d’âge et de carrière pour pou-voir accéder à la prépension ont été renfor-cées. L’âge normal de l’accès à la prépension est désormais fi xé à 60 ans avec 40 ans de carrière. Pour les conventions collectives de prépensions en cours, la durée de la carrière sera progressivement portée à 40 ans en 2015 pour les hommes et en 2024 pour les femmes.

A terme, la prépension à 58 ans est vouée à disparaître puisque qu’elle ne sera plus pos-sible qu’en cas de « problèmes médicaux sé-rieux », de carrière dans des métiers lourds ou si le travailleur a déjà atteint 40 ans de carrière.

Dans le cadre de restructurations, deux me-sures spécifi ques ont été prises :

Dans les entreprises en diffi culté, l’âge requis pour accéder à la prépension sera progressi-vement augmenté pour fi nalement atteindre 55 ans en 2018.

Dans les entreprises en restructuration, l’âge requis sera de 55 ans à partir du 1er janvier 2013. Cependant, en cas de licenciement col-lectif massif (plus de 20% des travailleurs), l’augmentation progressive de l’âge prévu pour les entreprises en diffi culté est appli-cable.

sations sociales

Par ailleurs, quand bien même un travailleur remplirait les conditions d’âge et de carrière, le coût pour l’employeur a été drastiquement augmenté

En moyenne, les cotisations de sécurité so-ciale sur les indemnités de prépension et de pseudo prépension ont augmenté de 35% (tous régimes confondus).

Pour les prépensions prenant cours à partir du 1er avril 2012 (avec notifi cation du licen-

ciement après le 28 novembre 2011), les taux suivants seront désormais applicables :

AgeCotisations

avant réforme

Nouvelles cotisations

sociales.

< 52 50 % 100 %

52 < 55 40 % 95 %

55 < 58 30 % 85 %

58 < 60 20 % 55 %

60 + 10 % 25 %

Les prépensions vont dès lors devenir très chères pour les employeurs. Seules les pré-pensions à partir de 60 resteront véritable-ment abordables.

En outre, afi n de protéger les travailleurs âgés en cas de licenciement collectif, l’employeur devra désormais respecter, avec une marge maximale de 10%, le profi l de la pyramide des âges de ses travailleurs dans le choix des tra-vailleurs licencié.

Cette mesure a été reçue avec réserve par les partenaires sociaux. C’est pourquoi l’en-trée en vigueur de cette mesure n’est pas encore prévue. Les partenaires sociaux ont reçu la possibilité de formuler des alterna-tives jusqu’au 30 juin 2012. Cependant, entre-temps, le principe est déjà confi rmé dans la loi et il est intéressant de remarquer que tout récemment, dans le cadre du dossier Bekaert, la Ministre De Coninck a déjà demandé des éclaircissements sur les pyramides des âges sur les différents sites afi n d’envisager des alternatives à la reconnaissance de la prépen-sion à 50 ou 52 ans.

Impact dans le cadre de restructurationsL’application cumulée de ces mesures limi-

tera la marge de manœuvre des employeurs

en cas de restructuration. L’employeur préfé-

rera dès lors, ou plutôt se verra contraint de

préférer, garder dans l’entreprise un certain

nombre de travailleurs plus âgés qui auraient

pu être licenciés dans le cadre d’une prépen-

sion avantageuse sous l’ancien régime.

L’exposé des motifs de la loi confi rme que

« l’augmentation des cotisations [sur les

prépensions] devra inciter les employeurs à

licencier moins vite leurs travailleurs âgés. »

Dans l’esprit du gouvernement, ces mesures

devraient aider à atteindre 73,2% de taux

d’emploi en 2020, tel que prévu dans le Pro-

gramme National de Réforme 2011 pris dans

le cadre de la stratégie européenne 2020.

Dans le cadre de restructurations, deux consé-

quences très concrètes sont à anticiper :

Sélection des travailleurs licenciés

Face à une restructuration, l’employeur dé-sire généralement maintenir une équipe per-formante pour poursuivre ses activités selon ses nouveaux objectifs stratégiques. Ce choix va être directement limité non seulement par le respect de la pyramide des âges mais aussi par le peu d’attractivité de la prépension.

Certains travailleurs âgés pourraient dès lors être maintenus en service au détriment de travailleurs plus jeunes qui représenteraient un meilleur potentiel pour l’entreprise mais qui coûteraient (beaucoup) moins cher à li-cencier et dont le licenciement permettrait de respecter la pyramide des âges.

Négociations des plans sociaux

Aussi, dans le cadre de la négociation de plans sociaux, la question des prépensions devien-dra épineuse. Les cas d’Arcelor, Carsid et Be-kaert en sont de récentes illustrations.

Dans bien des cas, compte tenu des nou-velles cotisations sociales, il sera moins cher de licencier un travailleur âgé en lui payant une indemnité compensatoire de préavis plus longue plutôt que de lui faire bénéfi cier de la prépension.

Les syndicats vont cependant continuer à de-mander l’application de la prépension pour les travailleurs le plus tôt possible. Mais d’un point de vue de gestion des coûts de restruc-turation, l’employeur devra refuser puisque cela lui coûterait plus cher que de prévoir des licenciements simples. Le coût des prépen-sions risque simplement de désintéresser les employeurs des prépensions. D’autre part, le bénéfi ce de la prépension représente égale-ment un coût important pour l’Etat. Dans la négociation du plan social de Bekaert, l’ac-cord engrangé par les parties a été de prévoir le départ de 77 travailleurs à la prépension à 52 ans sur le site d’Aalter. Le Ministre Van Quickenborne avait refusé de faire bénéfi cier ces travailleurs de la prépension à 50 ans en raison du coût de 35 millions d’euros que cela représenterait. Les syndicats admettent cependant avoir obtenu le maximum de ce qu’ils pouvaient raisonnablement espérer et reconnaissent l’effort fi nancier consenti par l’entreprise.

Les syndicats restent donc relativement réti-cents à l’idée de cette évolution du coût des prépensions et des nouvelles mesures en cas de restructuration. Il est clair que cela ne risque pas d’apaiser le climat social. Lors de restructurations, certains employeurs parve-naient à trouver des solutions « acceptables » pour des travailleurs en fi n de carrière, mais cela pourrait ne plus être possible et pourrait créer des situations extrêmement diffi ciles pour ces mêmes travailleurs.

Le coût des prépensions au cœur des projets de restructuration

Louis-Hubert PACCO

Christian WILLEMS

Loyens & Loeff AvocatAvocat associé

Dossier RGPRestructuration et Faillite d’Entreprises

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Les entreprises en diffi culté sont confron-tées à une multitude de textes dont la complexité ne leur facilite pas la vie

pour évaluer les conséquences sociales des décisions qu’elles doivent prendre. Certaines mesures de nature à contribuer à leur survie et au maintien de l’emploi leur sont souvent méconnues.

Les mesures contribuant à la survie de l’entreprise Les entreprises en diffi culté peuvent tout d’abord mettre en oeuvre des mesures de nature à diminuer leurs charges sociales. Ces mesures vont par exemple du chômage tem-poraire à la possibilité de solliciter auprès de l’ONSS des plans d’apurement ainsi que la réduction des sanctions appliquées en cas de retard de paiement des cotisations sociales.

La réorganisation judicaire : la continuité de l’entrepriseLorsque la continuité de l’entreprise est mena-cée, à bref délai ou à terme, celle-ci peut sollici-ter sa mise en réorganisation judiciaire, ce qui la mettra à l’abri de certains de ses créanciers pendant la durée du sursis dont elle bénéfi cie.

Contrairement à la faillite, la réorganisation judiciaire est axée sur la continuité de l’entre-prise. Les dirigeants de l’entreprise en réorga-nisation conservent la gestion de leur entre-prise et de leur personnel.

Le sort des contrats de travail en cours

La réorganisation judiciaire ne met pas fi n aux contrats en cours et notamment aux contrats de travail. L’exécution de ceux-ci se poursuit « normalement », dans une perspective de continuité des activités.

Les créances des travailleurs

Les créances des travailleurs relatives à des prestations effectuées après la déclaration d’ouverture de la procédure de réorganisa-tion ne sont pas soumises au sursis, ce qui signifi e que concernant ces créances, l’entre-prise n’est pas à l’abri de poursuites.

Par ailleurs, en vue de favoriser la continuité de l’entreprise et de maintenir à cet effet la confi ance des travailleurs, ces créances béné-fi cient d’une sorte de « super privilège » : sous certaines limites et conditions, elles seront payées par priorité en cas de faillite ou de liquidation de l’entreprise.

Au contraire, les créances nées avant la décla-ration d’ouverture n’échappent pas au sursis.

Si la procédure de réorganisation échoue et débouche sur une faillite, les travailleurs

seront indemnisés par le Fonds d’indemni-sation des travailleurs licenciés en cas de fer-meture d’entreprise. Le Fonds n’intervient cependant pas immédiatement et il ne le fera qu’à concurrence de certains plafonds. Cette double limite peut avoir un effet dramatique sur la situation des travailleurs et les inciter à provoquer l’échec de la procédure de réorga-nisation et la faillite de l’entreprise.

Qu’en est-il en cas de transfert d’entre-prise sous autorité de justice ?

Le transfert de tout ou partie de l’entreprise sous autorité de justice tend à sécuriser toutes les parties concernées par l’opération et à assurer un compromis entre les intérêts des travailleurs et ceux du repreneur.

Le repreneur a le choix des travailleurs repris. Ce choix doit toutefois être dicté par des rai-sons techniques, économiques ou organisa-tionnelles.

Les droits et obligations liés aux contrats des travailleurs repris sont en principe transfé-rés dans la mesure où le repreneur en a été informé, ce qui n’empêche pas de convenir de modifi cations aux conditions collectives et individuelles de travail.

Le transfert partiel peut avoir pour consé-quence de vider l’entreprise cédante de sa substance, ce qui la conduira à la faillite ou à la liquidation. Dans un tel cas, le Fonds inter-viendra, sous certaines conditions, en faveur des travailleurs non repris.

La faillite : la liquidation de l’entrepriseLorsque l’entreprise a cessé ses paiements de manière persistante et que son crédit est ébranlé, la faillite de l’entreprise est inéluc-table. Elle a lieu sur aveu ou sur citation du Ministère Public ou de ses créanciers (et no-tamment des travailleurs).

Le sort des contrats de travail en cours

Tout comme pour les autres contrats en cours, la faillite ne met pas fi n en soi aux contrats de travail. C’est au curateur de décider de la poursuite des relations de travail ou de la rup-ture de celles-ci.

La poursuite de relations de travail ne peut ce-pendant qu’être temporaire. En effet, contrai-rement à la réorganisation judiciaire qui est axée sur la continuité de l’entreprise, la faillite conduit nécessairement à la cessation de toutes activités commerciales et à la liquida-tion de l’entreprise.

Les créances des travailleurs

Lorsque les travailleurs ne fournissent plus aucune prestation après la faillite, les créances

des travailleurs bénéfi cient d’un privilège «dans la masse», c’est-à-dire qu’elles entrent en concours avec les autres créanciers.

S’agissant des travailleurs amenés à effectuer des prestations après la faillite, il y a lieu de distinguer :

tuées avant la faillite, celles-ci bénéfi ciant d’un privilège «dans la masse» ;

térieures à la faillite, celles-ci bénéfi ciant d’un « super privilège » «de la masse» : elles échappent au concours.

Lorsqu’il semble évident au curateur qu’il ne pourra pas payer les travailleurs, il veillera à ce que les travailleurs puissent récupérer les créances impayées à charge du Fonds de fer-meture.

Compte tenu de l’intervention limitée du Fonds, certains travailleurs peuvent se voir contraints, pour « arrêter l’hémorragie », de rompre leur contrat de travail (notamment en démissionnant pour motif grave dans le chef de l’employeur pour non paiement de leur rémunération) et de provoquer la faillite de l’entreprise.

Qu’en est-il en cas de reprise d’actifs

Le curateur peut également décider de céder tout ou partie de l’entreprise faillie à un tiers.

Une convention collective de travail « pro-tège » les droits des travailleurs repris. La pro-tection est cependant relative dans la mesure où pour inciter la cession, le repreneur est libre de choisir les travailleurs qu’il souhaite reprendre (sans être tenu à des impératifs économiques, techniques ou organisation-nels comme c’est le cas dans le cadre de la réorganisation). Les conditions collectives et individuelles de travail peuvent également être modifi ées. Le repreneur peut même sou-mettre les travailleurs repris à une période d’essai.

***

À la lecture de ces quelques éléments, vous aurez compris que si l’objectif des deux procé-dures est totalement différent, l’une étant axée sur la continuité de l’entreprise, l’autre sur la liquidation de celle-ci, les conséquences sur l’emploi sont relativement similaires lorsque l’entreprise n’est pas capable d’assurer sa sur-vie. L’introduction d’une procédure de réor-ganisation judiciaire peut être vouée à l’échec dès le départ, et ne constituer alors qu’une antichambre de la faillite, contribuant à pro-longer inutilement une situation de précarité et d’incertitude dans le chef des travailleurs.

Le sort des contrats de travail en cas de réorganisation judiciaire ou de faillite

Bertrand WITTAMER

Gaëlle NILE

van Cutsem Wittamer Marnef & Partners Avocat associéAvocat

Dossier RGPRestructuration et Faillite d’Entreprises

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Droit des sociétés

Droit des associations et fondations

Droit commercial

Droit du travail et de la sécurité sociale

Droit fi scal

Droit de la distribution

Droit des assurances et de la responsabilité

Banque et crédit

Droit à la propriété intellectuelle et des pratiques du commerce

Droit de la concurrence

Droit européen

Droit immobilier

Droit de la construction

Litiges et arbitrages et médiations

Droit des personnes et des familles

Droit de la circulation

Recouvrement de créances

Procédure de règlement collectif de dettes – Médiation de dettes

Droit de la presse

Domaines de Compétence

Depuis 35 ans, notre équipe d’une quarantaine d’avocats accompagne les entreprises,

de la PME à la multinationale, dans la réalisation de leurs projets.

Roeland MOEYERSONS

Pierre BEYENS

Damien DE KEYSER

Bertrand WITTAMER

René-François PIRET

AlainVANDERSTRAETEN

Bernard DAUTRICOURT

Eric LOUIS

Katrien SERRIEN

Jean-Pierre van CUTSEM

Pierre VAN FRAEYENHOVEN

Jan CUYPERS

Laurent TAINMONT

Olivier d’URSEL

Patrick MARNEF

Page 26: Supplément juridique 19/5

2626

«Transfert sous autorité de justice » : voilà bien une notion trop mécon-nue du monde des affaires. Le

présent article a pour objet de préciser les

contours de cette procédure et de mettre en

lumière les possibilités que celle-ci peut ap-

porter à la sauvegarde de l’emploi lorsqu’une

société est en diffi culté. Dans la plupart des

cas, un transfert sous autorité de justice peut

en effet être une réelle alternative pour tout

ou partie d’une société en diffi culté par rap-

port à la faillite.

Quelques repères préalables Le transfert sous autorité de justice est l’un

des trois objectifs de la nouvelle procédure en

réorganisation judiciaire introduite par la loi

du 31 janvier 2009 relative à la continuité des

entreprises.

En adoptant cette nouvelle loi, le législateur a

souhaité mettre fi n au régime du concordat ju-

diciaire et réformer en profondeur le droit ap-

plicable aux entreprises en diffi culté en ayant

pour objectif premier de préserver au mieux

leur continuité et leurs emplois (voir à ce sujet

le supplément de La Libre du 28 avril 2012).

La procédure en réorganisation judiciaire

offre à l’entreprise en diffi culté un « portail »

de trois solutions pour opérer sa restructu-

ration : (i) la réorganisation judiciaire par

accord amiable (l’entreprise en diffi culté

conclut un accord amiable avec deux ou plu-

sieurs de ses créanciers visant à réduire ses

dettes et/ou à étaler leurs paiements); (ii) la

réorganisation judiciaire par accord collectif

(l’entreprise établit un plan de réorganisation

pour l’ensemble de ses dettes avec l’accord

de ses créanciers – cet objectif est celui qui se

rapproche le plus de l’ancien concordat judi-

ciaire – cet objectif est celui qui se rapproche

le plus de l’ancien concordat judiciaire) ; et

enfi n (iii) la réorganisation judiciaire par

transfert sous autorité de justice (tout ou par-

tie de son entreprise ou de ses activités est

transférée à un ou plusieurs tiers).

Un O.J.M.I.?Malgré près de trois années d’existence, la

réorganisation judiciaire par transfert sous

autorité de justice reste souvent un O.J.M.I.

(objet juridique mal identifi é) pour de nom-

breux acteurs de terrain.

Il faut avouer que ce transfert est particulier

à plus d’un égard. Tout d’abord, le transfert

est ordonné par le tribunal de commerce et

il est organisé et réalisé par un mandataire de

justice. Si les dirigeants n’ont aucun rôle actif

dans le cadre de cette procédure, il convient

tout de même de souligner qu’ils conservent

leur pouvoir de direction et de gestion de

l’entreprise.

Ensuite, il peut être volontaire ou forcé. En

effet, le législateur a prévu que le transfert

sous autorité de justice peut être demandé

(i) à l’initiative de l’entreprise en diffi culté

ou (ii) à l’initiative du Procureur du Roi, d’un

créancier ou de toute personne ayant un inté-

rêt à acquérir tout ou partie de l’entreprise.

Ce second type de transfert est dit forcé ou

imposé. Ce transfert forcé peut paraître cho-

quant étant donné qu’il peut – sous le respect

de certaines conditions - être ordonné sans

le consentement du débiteur. Toutefois, dans

certaines situations, il peut être une issue

salutaire pour une entreprise en diffi culté et

ses travailleurs, comme l’a démontré l’actua-

lité récente.

En effet, la reprise des activités de la société

Laboratoires Thissen, société pharmaceu-

tique, et la sauvegarde de la moitié de ses

emplois résulte de l’application d’un transfert

sous autorité de justice forcé à l’initiative du

Procureur du Roi, ce qui a permis d’éviter la

faillite de cette société que voulaient ses diri-

geants et actionnaires.

Continuité pour les travailleurs aussi ? Le transfert sous autorité de justice a égale-

ment une autre particularité : le législateur

a désiré privilégier la sauvegarde d’un maxi-

mum d’emplois. Ainsi, dans l’hypothèse où

il y a plusieurs offres qui se présentent pour

reprendre l’entreprise en diffi culté et que ces

offres sont comparables, la priorité doit être

accordée à celle qui garantit la sauvegarde du

plus grand nombre d’emplois.

Et dans quelles conditions ?La question de la protection des droits des

travailleurs dans le cadre de ce type de trans-

fert a donné du fi l à retordre au législateur :

fallait-il en effet opter (i) pour le régime de

protection maximal applicable au transfert

conventionnel d’entreprise qui prévoit le

maintien des droits des travailleurs (dont leur

ancienneté, leurs conditions de travail et de

rémunération) et donc le transfert automa-

tique de tous les contrats de travail, ou (ii)

pour le régime plus souple applicable à la

reprise de l’actif après faillite qui permet au

repreneur de choisir librement les travailleurs

qu’il désire reprendre et de rediscuter des

conditions de travail de ces travailleurs.

La question a été réglée par un « compro-

mis à la belge » : le législateur a opté pour

un régime distinct qui était censé être pro-

visoire (celui-ci devant être remplacé par

la convention collective de travail (« CCT »)

n°102 conclue entre les partenaires sociaux le

5 octobre 2011).

Le principe général de ce compromis est le

maintien des droits et obligations des travail-

leurs avec une possibilité pour le repreneur et

les représentants des travailleurs de modifi er

les conditions de travail dans le cadre d’une

négociation collective. Par ailleurs, le repre-

neur peut choisir les travailleurs qu’il souhaite

reprendre sous deux conditions : le choix du

repreneur doit être dicté par des raisons tech-

niques, économiques ou organisationnelles

et s’effectuer sans différenciation interdite.

Enfi n, le législateur a également entendu

privilégier le principe de la transparence vis-

à-vis des travailleurs et ce dès le début de la

procédure. L’entreprise en diffi culté doit ainsi

notamment se conformer aux obligations

d’information et de consultation des travail-

leurs, que ce soit via leurs organes de repré-

sentation ou individuellement.

La CCT n°102 qui entrera en vigueur bientôt

n’apporte pas de changement fondamental

quant à ces principes. Elle tend toutefois à

compléter le régime prévu dans la loi en préci-

sant notamment les dérogations au maintien

des droits des travailleurs, le sort des dettes

liées aux contrats de travail et l’obligation de

conclure une convention de transfert réglant

les modalités sociales de celui-ci.

Une piste à suivre… Le transfert sous autorité de justice n’est

certes pas un remède miracle pour toutes les

entreprises en diffi culté mais cette procédure

a le mérite d’assurer la continuité d’une entre-

prise avec le maintien du fonds de commerce,

contrairement à la faillite qui engendre la

discontinuité du fonds de commerce et une

perte de valeur de celui-ci.

En cette matière, comme en beaucoup

d’autres, il faut donc avant tout informer pour

changer les mentalités et ainsi entrouvrir une

porte vers une réelle alternative à envisager

que la faillite d’une entreprise en diffi culté.

Transfert sous autorité de justice : priorité à l’emploi

Virginie RENARD

Verhaegen Walravens Avocat

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La négociation d’un plan social dans le cadre de la procédure en licenciement collectif, dite Renault, inscrite notam-

ment dans la loi du 13 février 1998, requiert une vigilance de tous les instants et condi-tionne généralement le futur de l’entreprise. Il est dès lors important de bien fi xer les enjeux en amont et en aval dès le moment où le traitement de ce genre de dossier se compose d’une phase d’analyse préparatoire, d’une phase de négociation en tant que telle, et d’une phase ultime de mise en application de l’éventuelle convention collective conclue entre les parties et contenant le plan social.

Il est important de rappeler, sur un plan pure-ment légal, que la procédure Renault se com-pose d’une première phase de consultation et d’information dont la durée n’est pas prévue par la loi et d’une deuxième phase de gel des licenciements d’une période maximale de 60 jours au cours de laquelle se négocie habituel-lement le plan social. L’employeur n’a cepen-dant aucune obligation de conclure un plan social, l’absence d’accord se traduisant alors par l’exécution du plan de licenciement an-noncé. Le législateur ne donne par ailleurs au-cune défi nition de ce qu’il y a lieu d’entendre par plan social.

L’absence d’enjeux éventuels en matière de négociation n’est cependant pas une bonne chose et se traduit la plupart du temps par une fronde syndicale forte à travers notam-ment des actions de grève, des arrêts de tra-vail, une déferlante médiatique….

L’usage veut par conséquent que les parties fassent de la mise en place d’un plan social une priorité commune. Le plan social aura alors pour objet d’atténuer les effets du licen-ciement dans le chef des travailleurs par la conclusion de mesures d’accompagnement ou d’indemnités venant s’ajouter aux mesures déjà prévues par le législateur.

Pour l’employeur, il s’agit au démarrage d’an-noncer dans la première phase de consulta-tion et d’information, une intention de licen-cier. Tout employeur qui se laisserait aller à formuler une intention en décision dans cette première phase s’exposerait à de lourdes sanctions civiles et pénales. Au cours de cette phase, l’employeur et les représentants du personnel seront en effet amenés entre autres à débattre de la mise en place d’alternatives aux licenciements.

Cette annonce d’intention doit toujours être lancée au préalable en Conseil d’entreprise. En l’absence de Conseil d’entreprise, c’est la délégation syndicale qui reprend cette pré-rogative ou le Comité pour la Prévention et de Protection au Travail s’il n’y a pas de dé-légation syndicale. En l’absence de ces trois organes, la procédure d’information et de consultation sera menée avec le personnel lui-même.

La phase de négociation d’un plan social est quant à elle du ressort de la direction de l’en-treprise et de l’éventuelle délégation syndicale

en place. Elle sera également menée totale-ment ou en partie avec les secrétaires perma-nents des organisations syndicales qui sont seuls habilités à signer la convention collective de travail qui contiendra le plan social. Il ne faudra cependant pas omettre le pouvoir de décision du Conseil d’entreprise tel que pré-vu par la loi de 1948 portant organisation de l’économie, de déterminer les critères géné-raux à suivre en cas de licenciement collectif.

Notre avis est que la phase de négociation ne devrait pas commencer tant que la phase légale de consultation et d’information n’est pas clôturée. Sur le plan purement tactique et stratégique, les organisations syndicales ai-ment en effet utiliser leur droit d’information et de consultation pour imposer leur propre rythme et créer ainsi une pression sur l’autre acteur autour de la table de négociation. Or ce moyen de pression ne sera plus présent si la phase légale est clôturée.

Nous conseillons donc à nos clients de crédi-biliser au mieux leur note d’intention et leurs explications au cours des discussions, à travers un étayement le plus complet possible sur les raisons économiques, fi nancières, conjonctu-relles et concurrentielles à l’origine du projet de licenciement afi n de pouvoir clôturer le plus sereinement possible la première phase.

Il est ensuite fondamental dans la préparation de la phase de négociation d’intégrer et de bien situer l’intention des acteurs, le niveau d’oppo-sition possible, les agendas cachés, les solutions de repli et le niveau d’exigence de chacun.

L’enjeu d’une telle procédure doit en outre être impérativement clarifi é auprès des sala-riés de l’entreprise. C’est pourquoi nous préconisons à nos clients de soigner leur communication envers leurs salariés, leurs responsables syndicaux et leurs clients, sans oublier les médias et les politiques qui peuvent jouer un rôle majeur dans le déve-loppement d’un tel dossier.

Parmi les enjeux généralement placés au cœur du débat et des négociations, on retrouve les mesures de reclassement – le traitement spé-cifi que des travailleurs âgés à travers la mise à la prépension (bien que cette piste soit deve-nue moins intéressante depuis les nouvelles mesures du Gouvernement Di Rupo) – l’amé-lioration des conditions et des indemnités de départ – la mise en place d’une cellule pour l’emploi (qui constitue une obligation légale) – ou les garanties pour le futur en matière d’emploi.

L’un des enjeux sera également la levée de la protection des délégués du personnel élus et non élus. La nécessité pour l’employeur d’obtenir la levée de la protection de ces tra-vailleurs protégés en Commission paritaire constitue en effet un moyen de pression im-portant des organisations syndicales en vue de l’obtention d’un plan social correspondant à leurs attentes.

Au-delà de notre apport sur les questions juridiques qui interviennent dans la guidance de ce type de dossiers, nous apportons éga-lement notre expertise dans les différentes phases de la négociation, dans la gestion et l’anticipation des confl its collectifs qui peuvent survenir et dans la phase d’applica-tion de l’accord social qui reste toujours un moment délicat à bien négocier.

Soucieux des conséquences humaines que représentent inéluctablement une procé-dure Renault, nous intervenons également dans toutes les questions qui touchent au capital humain, à la gestion des ressources humaines, à la motivation du personnel et à l’organisation du travail.

Il s’agira ici de traduire ce qui apparaît comme une contrainte en un gage de pérennité.

Négocier à l’aide de Group SDepuis de nombreuses années, nous nous investissons dans les relations sociales et né-gociations collectives auprès de ses clients et de toute entreprise qui souhaite faire appel à nos services. Après avoir piloté avec succès pas loin de 400 dossiers dont des plans de licenciement collectif – de fermeture d’entre-prise- de fusion - de transfert conventionnel d’activités et de personnel, Group S est deve-nu un acteur incontournable de la concerta-tion sociale belge.

Notre expertise, reconnue dans le monde de l’entreprise, repose principalement sur une connaissance des acteurs - des rouages de la concertation - du mode de fonctionnement et du niveau d’attente des organisations syndi-cales - des techniques de terrain et d’infl uence régulièrement utilisées et d’une parfaite mai-trise d’un cadre légal en constante évolution.

Le mode opératoire de Group S repose d’abord et avant tout sur la conscientisation des acteurs, sur le respect mutuel et la trans-parence, sur une parfaite connaissance des droits et obligations des parties et une bonne gestion des rapports de force.

Nos expertsA la tête d’une trentaine de juristes, Thierry Nollet, Directeur du Département socioju-ridique de Group S, est reconnu comme un négociateur redoutable et expérimenté. Il a contribué à former une équipe qui intervient la plupart du temps à la table des négociations.

Secondé par Sabine de Cock, Responsable des services externalisés auprès de Group S, le duo encadre une cellule de juristes et négo-ciateurs professionnels qui viennent prêter mains fortes aux employeurs les plus démunis dans le cadre de négociations collectives.

La négociation du plan social

Thierry NOLLET

Sabine de COCK

Group S

Directeur du Département Sociojuridique et des Relations sociales

Senior Advisor - Legal & Social affairs

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Chute des commandes ou du chiffre d’affaires…les entreprises du secteur privé (sociétés de services, commerces

de détail, grands magasins, banques, assu-rances, etc.) peuvent être momentanément confrontées à un manque de travail signifi ca-tif qui impacte l’activité de leurs employés au point de menacer leur emploi.

A partir d’une mesure limitée dans le temps et motivée par les circonstances économiques, le droit social belge vient de consacrer un régime qui, en cas de manque de travail pour des raisons économiques, permet aux entre-prises de recourir au chômage temporaire pour les employés, les conditions d’appli-cation étant cependant sensiblement dif-férentes de celles qui existent déjà pour les ouvriers. Ainsi, les entreprises disposent d’un outil juridique supplémentaire lorsqu’il s’agit de décider d’une éventuelle restructuration liée à des diffi cultés économiques. L’avenir dira s’il s’avère utile dans un tel contexte.

En 2009, le législateur belge a adopté diffé-rentes mesures destinées à faire face à la crise économique et fi nancière. Parmi celles-ci, un régime de chômage économique temporaire applicable aux employés a été mis sur pied. Il s’agissait de permettre à certaines entreprises, confrontées à un manque de travail pour rai-sons économiques, de suspendre, pour un temps, totalement ou partiellement, le contrat de travail de leurs employés. Selon les décla-rations ministérielles, ce type de mesure, bien qu’affectant en pratique nettement moins les employés que les ouvriers, aurait permis d’évi-ter des licenciements en 2009 et 2010.

Cette mesure, prévue à l’origine pour une du-rée déterminée, a été reconduite à plusieurs reprises pour fi nalement devenir défi nitive à partir du 1er janvier 2012. Même s’il peut être constaté que, globalement, le chômage tem-poraire a retrouvé un niveau moyen en 2011 après les années « noires » 2009 et 2010, le législateur a considéré que ce régime méritait d’être pérennisé. La nécessaire harmonisa-tion des statuts d’ouvrier et d’employé a pu également justifi er le caractère désormais permanent de ce régime.

Des conditions de mise en œuvre bien encadréesCependant, les conditions d’accès au régime restent plus restrictives que celles relatives au régime similaire concernant les ouvriers. Les entreprises qui peuvent recourir à ce régime

de chômage sont celles qui sont considérées comme étant « en diffi culté » et qui sont liées par une convention collective de travail ou par un plan d’entreprise dûment approuvé par une commission tripartite siégeant au SPF Emploi, Travail et Concertation sociale :

Le critère de l’entreprise en diffi culté est propre au régime de chômage éco-nomique des employés. Est considérée comme étant « en diffi culté », l’entreprise qui connaît une diminution de 10% au moins de son chiffre d’affaires, de sa pro-duction ou de ses commandes pour l’un des quatre trimestres précédant le recours au chômage économique et ce, par rap-port au trimestre correspondant en 2008, année de référence (les pourcentages de diminution précédemment applicables étaient, selon le cas, de 15 et 20%). Le dos-sier à introduire auprès de l’ONEm doit être dûment étayé au moyen, notamment, de déclarations à la TVA, de pièces comp-tables ou de rapports au conseil d’entre-prise. Peut également être considérée comme étant « en diffi culté », l’entreprise qui occupe aussi des ouvriers pour les-quels le nombre de jours de chômage éco-nomique atteint au moins 10% du nombre total de jours déclarés à l’ONSS durant le trimestre précédant celui au cours duquel la notifi cation est faite à l’ONEm.

L’entreprise en diffi culté doit, par ailleurs, être liée par une convention collective sectorielle ou, à défaut, et en fonction notamment de la présence ou non d’une délégation syndicale, par une convention collective d’entreprise ou un plan d’entre-prise approuvé, lesquels doivent contenir certaines mentions. En outre, l’entreprise doit respecter une procédure préalable à la mise en chômage. Celle-ci dure à peu près un mois et comporte notamment des notifi cations à l’ONEm, aux employés et à leurs représentants (conseil d’entreprise ou délégation syndicale).

L’entreprise qui remplit toutes les conditions requises peut opter pour une suspension com-plète du contrat de travail ou pour un régime de travail à temps réduit comportant au moins deux jours de travail par semaine. Le régime doit être instauré pour une durée minimale d’une semaine et ne peut excéder, par année civile, 16 semaines en cas de suspension totale du contrat, ou 26 semaines en cas de régime de travail à temps réduit. Le régime de travail nor-mal peut être rétabli à tout moment moyen-

nant une notifi cation préalable. Attention : les employés concernés doivent avoir épuisé les jours de repos compensatoire auxquels ils ont droit, entre autres, en récupération d’heures supplémentaires ou de prestations effectuées le dimanche ou un jour férié.

Comment et par qui les employés sont-ils indemnisés ?Les jours de chômage économique sont indemnisés par une allocation à charge de l’ONEm et un complément payé par l’entre-prise (ou, le cas échéant, un Fonds de sécuri-té d’existence sectoriel). L’allocation est égale à 70% (pour un cohabitant) ou 75% (pour un isolé ou un chef de famille) de la rémunéra-tion journalière brute plafonnée. Cette alloca-tion est soumise au précompte professionnel. En cours d’application du régime de chômage économique, l’employeur doit régulièrement établir et délivrer différents formulaires de chômage permettant notamment à l’employé d’introduire une demande d’allocation.

L’indemnité complémentaire à charge de l’employeur est fi xée par la convention collec-tive sectorielle ou d’entreprise, ou encore, par le plan d’entreprise. Son montant doit être au moins équivalent à celui de l’indemnité payée aux ouvriers de l’entreprise qui bénéfi cient d’une allocation de chômage pour raisons économiques. En l’absence d’ouvriers dans l’entreprise, ce montant doit être au moins égal à celui prévu par la convention collective sectorielle que l’employeur devrait respecter s’il occupait des ouvriers. L’indemnité ne peut cependant être inférieure à 5 euros par jour non travaillé. Elle est soumise au même pré-compte que l’allocation de chômage. La com-mission « Plans d’entreprise » du SPF Emploi peut cependant accorder une dérogation à ce minimum sans toutefois pouvoir descendre sous 2 euros par jour et ce, lorsque l’entre-prise a conclu un accord sur ce point avec les employés ou que la commission estime à l’unanimité que la dérogation est raisonnable.

A suivreBien que l’expression de « chômage écono-mique » soit utilisée indifféremment qu’il s’agisse d’employés ou d’ouvriers, les régimes légaux mis en place pour ces deux catégories de salariés présentent des différences no-tables. Sur ce plan, l’harmonisation des sta-tuts – question délicate s’il en est – n’est pas réellement au rendez-vous.

Le chômage économique des employés : Mesure anti-crise, mesure anti-restructuration ?

Stéphane BALTAZAR

Van Olmen & Wynant Avocat associé

Dossier RGPRestructuration et Faillite d’Entreprises

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Laurence Durodez En quoi consiste la Legal Management Academy ?

Lieve Vandoorne Il s’agit d’une série de sessions consa-crées chacune à un thème priori-taire pour la gestion de la fonction juridique dans les entreprises. Ce n’est donc pas une formation juridique, mais une formation en management, où l’on explore le rôle et les responsabilités du ju-riste d’entreprise et de la manière optimale de les exercer. Les parti-cipants sont pour la plupart des juristes d’entreprise expérimen-tés : la formation n’est donc pas « académique ». Il s’agit plutôt de partager les expériences. L’IJE or-ganisait déjà des cours de déon-tologie. Nous y avons constaté que de nombreux participants posaient des questions non seu-lement sur la déontologie, mais sur le rôle du juriste d’entreprise et sur la façon de diriger, d’orga-niser et de faire fonctionner un département juridique. Nous avons voulu répondre à ce sou-hait. Sans vouloir minimiser les talents et les compétences des juristes d’entreprise, il faut bien admettre que ni les études de droit ni la pratique dans un cabi-net d’avocats ne préparent suffi -samment les juristes à aborder la dimension stratégique, organi-sationnelle et managériale de la fonction juridique de leur entre-prise. Il y a donc là un réel besoin.

LD développé le programme ?

Lieve Vandoorne Nous avons composé parmi nos membres un groupe de travail pour identi-fi er les questions à inclure dans

le programme. Le thème retenu pour chacune des sessions a fait l’objet d’un travail approfondi de préparation. A chacune des ses-sions, des membres de ce « comité d’experts » sont présents pour partager leur expérience. Nous avons aussi demandé au cabinet FrahanBlondé de nous assister dans l’identifi cation des enjeux et dans la préparation et l’animation des sessions.

LD Précisément, quels sont ces enjeux ?

Antoine Henry de Frahan Bien souvent, le premier enjeu pour un département juridique est de défi nir sa mission et ses responsabilités, et de positionner le département juridique comme un partenaire stratégique. Un en-jeu capital pour le directeur juri-dique est d’amener l’entreprise à considérer le département juri-dique comme un véritable parte-naire. Il s’agit de favoriser la prise de conscience que le droit n’est pas un détail d’exécution mais un paramètre omniprésent et fon-damental, et qu’il est par consé-quent dans l’intérêt de l’entre-prise de vraiment impliquer ses juristes d’entreprise. Bien sûr, ça ne marchera que si les membres de l’équipe juridique sont à la hauteur du défi . Donc, à côté de la clarifi cation de la mission du service juridique et du position-nement stratégique de la fonc-tion juridique, la gestion de l’hu-main est un autre chantier vital : cela passe par le recrutement, la formation, le développement d’un plan de carrière et la moti-vation des personnes.

Barend Blondé L’effi cacité du département juridique est un autre point important. Décider de ce qu’ils font et de ce qu’ils ne font pas – le département juridique ne peut pas devenir le « fourre-tout» de l’entreprise -, défi nir et mettre en œuvre des processus, favoriser le partage des connaissances, mettre en ligne des documents à la dispo-sition des utilisateurs, … Cette amélioration de l’effi cacité a un triple intérêt : elle permet de réduire ou de stabiliser les coûts de fonctionnement du dépar-tement ; elle arme le directeur juridique pour défendre le bud-get de son département auprès de la direction générale ou de la direction fi nancière (à condition de disposer des indicateurs de performance adéquats); et sur-tout, elle contribue à façonner une expérience positive pour les clients internes et pour les juristes d’entreprise eux-mêmes.

LD concernent-ils tant les petits que les grands départements juridiques ?

Barend Blondé Tous les départements juridiques, même ceux composés d’une seule personne, sont confrontés à ces questions. Evidemment, la situation varie selon la taille. Par exemple, dans les grands dépar-tements, la question de l’orga-nisation peut devenir un vrai casse-tête : il n’est pas évident d’adapter la structure du dépar-tement juridique à l’organisation matricielle complexe des grands groupes. Les départements juri-diques risquent de se retrou-ver éclatés entre les « business units », les régions, les métiers et les matières juridiques. Conser-ver une cohésion et un esprit d’équipe dans ces conditions requiert à la fois une bonne or-ganisation et une solide dose de leadership.

Lieve Vandoorne Pour ré-pondre plus spécifi quement aux besoins des petits départements

juridiques – c’est la majorité ! -, nous avons inclus dans le pro-gramme une session consacrée aux juristes d’entreprise solo, pour partager entre les parti-cipants les bonnes idées pour organiser la fonction juridique quand on est seul à le faire !

LD Les relations avec les cabinets d’avocats sont-elles aussi au programme ?

Antoine Henry de Frahan Une session est consacrée à cette question. Les juristes d’entre-prise ont parfois une attitude réactive, voire passive à l’égard des avocats. Ils ont intérêt à imaginer eux-mêmes le mode « idéal » de collaboration avec les avocats et à le mettre en place activement. Défi nir une véri-table politique de relation avec les cabinets d’avocats, qui ne se limite pas au choix des cabinets mais qui s’étend aux modalités opérationnelles et fi nancières de la collaboration, est devenu un enjeu primordial pour les dé-partements juridiques. D’autant plus qu’en ces temps de crise, le CFO regarde par dessus l’épaule du directeur juridique pour voir comment évoluent les budgets. Pourtant, ce serait une grave erreur de réduire la question des relations avec les cabinets d’avo-cats à une question de coût.

LD

l’ensemble des activités de l’IJE ?

Lieve Vandoorne L’Institut propose bien entendu de nom-breuses autres activités et forma-tions à ses membres. Nous avons une approche évolutive de notre mission. Nous réfl échissons régulièrement à la façon dont évolue la profession, les besoins de nos membres et l’environne-ment juridique et nous nous ef-forçons d’apporter des solutions pour aider nos membres à antici-per et à répondre au mieux à ces changements.

Juriste d’entreprise : une profession en pleine évolutionL’Institut des juristes d’entreprise est l’ordre professionnel des 1.700 juristes d’entreprise en Belgique. L’IJE a récem-ment lancé un programme de formation pour ses membres, la « Legal Management Academy ». Nous avons rencontré Lieve Vandoorne, promotrice du projet à l’IJE, ainsi qu’ An-toine Henry de Frahan et Barend Blondé, du cabinet Frahan-Blondé, impliqués dans l’animation du programme.

Lieve VANDOORNEconseiller juridique - ije-ibj

Antoine HENRY de FRAHANPartner - FrahanBlondé

Barend BLONDÉPartner - FrahanBlondé

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