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Jean-Yves GROSCLAUDE, Rajendra K. PACHAURI et Laurence TUBIANA (dir.) Les promesses de l’innovation durable 2014 Dossier

sur la Terre Regardsregardssurlaterre.com/sites/default/files/rst/2014-5-FR.pdflutte contre le réchauffement climatique… En 2012, l’AFD a consacré près de 7 milliards d’euros

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Regards sur la Terre décrypte la complexité des processus qui composent le développe-ment durable et en révèle toute la richesse.

La première partie dresse le bilan de l’année 2013 : retour sur les dates, les lieux et rapports clés qui ont structuré les débats et l’action en faveur d’un développement plus durable ; analyse des événements marquants, identification des acteurs majeurs, des enjeux et des perspectives dans les domaines du développement, de l’agro-écologie, de la biodiversité, du climat, de la gouvernance, etc.

Le Dossier 2014 a pour ambition de décortiquer et analyser les rouages de l’innovation, considérée comme la nouvelle clé du développement durable. Véhicules électriques, agriculture biologique, énergies renouvelables, e-learning : l’essor de ces technologies émergentes et modèles alternatifs génère l’espoir d’un développement plus décentra-lisé, frugal, flexible et démocratique, que les modèles déployés au cours du xxe siècle. L’innovation s’impose comme mot d’ordre des organisations internationales, gouver-nements, entreprises, universités et de la société civile pour répondre aux défis écono-miques, sociaux et environnementaux de la planète. Quel est le véritable potentiel de ces innovations ? Comment et où se diffusent-elles ? Comment bousculent-elles les modèles conventionnels, dans l’agriculture, l’approvisionnement en eau et en énergie, les transports, l’éducation ? Leur ascension fulgurante, dans toutes les régions du monde, tient-elle ses promesses d’avènement d’une société plus durable et inclusive ? Au-delà de la technologie, quelles innovations institutionnelles sont-elles nécessaires pour atteindre cet objectif ?

Fruit d’une coopération entre l’AFD (Agence française de développement), l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et le TERI (The Energy and Resources Institute), Regards sur la Terre constitue un outil d’information et de compréhension indispensable.

Jean-Yves GROSCLAUDE, Rajendra K. PAChAURi et Laurence TUbiAnA (dir.)

Les promesses de l’innovation durable

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26 € Prix TTC France6228092ISBN : 978-2-200-28957-7

Établissement public, l’Agence française de développe-ment (AFD) agit depuis soixante-dix ans pour combattre la pauvreté et favoriser le développement dans les pays du Sud et dans l’Outre-mer. Elle met en œuvre la politique définie par le Gouvernement français. Présente

sur quatre continents où elle dispose d’un réseau de 70 agences et bureaux de représentation dans le monde, dont 9 dans l’Outre-mer et 1 à Bruxelles, l’AFD finance et accompagne des projets qui améliorent les conditions de vie des populations, soutiennent la croissance économique et protègent la planète : scolarisation, santé maternelle, appui aux agriculteurs et aux petites entreprises, adduction d’eau, préservation de la forêt tropicale, lutte contre le réchauffement climatique… En 2012, l’AFD a consacré près de 7 milliards d’euros au financement d’actions dans les pays en déve-loppement et en faveur de l’Outre-mer. Ils contribueront notamment à la scolarisation de 10 millions d’enfants au niveau primaire et de 3 millions au niveau collège, et à l’amélioration de l’approvisionnement en eau potable pour 1,79 million de personnes. Les projets d’efficacité énergétique sur la même année permettront d’économiser près de 3,6 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an. www.afd.fr

Institut de recherche sur les politiques, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a pour objectif d’élaborer et de partager des clés d’analyse et de compréhension des enjeux stratégiques

du développement durable dans une perspective mondiale. Face aux défis majeurs que représentent le changement climatique et l’érosion de la biodiversité, l’Iddri accompagne les différents acteurs dans la réflexion sur la gouvernance mondiale et participe aux travaux sur la redéfinition des trajectoires de développement. Ses travaux sont structurés transversa-lement autour de cinq programmes thématiques – Gouvernance, Climat, Biodiversité, Fabrique urbaine, Agriculture – et d’un programme transver-sal – Nouvelle Prospérité. www.iddri.org

The Energy and Resources Institute (TERI) est une organisation non gouvernementale indienne créée en 1974 pour développer des solutions innovantes afin

de traiter les enjeux du développement durable, de l’environnement, de l’efficacité énergétique et de la gestion des ressources naturelles. Ses diverses activités vont de la formulation de stratégies locales et nationales jusqu’à la proposition de politiques globales sur les enjeux énergétiques et environnementaux. Basé à Delhi, l’Institut est doté de plusieurs antennes régionales sur le territoire indien. www.teriin.org

Jean-Yves GROSCLAUDE, directeur exécutif en charge de la stratégie à l’Agence française de développement (AFD), est agronome et Ingénieur général des Ponts, des Eaux et des Forêts. Après une carrière d’expertise dans les secteurs des infrastructures, de l’eau, de l’envi-ronnement, de l’agriculture au sein de sociétés d’amé-nagement régionales françaises, Jean-Yves Grosclaude a

successivement occupé au sein de l’Agence française de développement les fonctions de chargé de mission « Agriculture et infrastructures rurales », directeur-adjoint de l’agence de l’AFD à Rabat (Maroc), secrétaire général du Fonds français de l’Environnement mondial, directeur technique des opérations, directeur exécutif en charge des Opérations. Depuis août 2013, il est en charge de la direction exécutive de la stratégie et, à ce titre, gère les fonctions « Programmation stratégique, études et recherche, redevabilité et formation ». Par ailleurs, il est membre du Comité ministériel COP 21 et anime les réflexions internes pour la mie en œuvre de la stratégie « Climat » de l’AFD.

Laurence TUbiAnA, économiste, a fondé et dirige l’Insti-tut du développement durable et des relations interna-tionales (Iddri) et la chaire Développement durable de Sciences Po. Elle est professeur au sein de l’École des affaires internationales de Sciences Po et à l’université Columbia (États-Unis). Elle est membre du comité de pilotage du débat national français sur la transition

énergétique et du Conseil consultatif scientifique des Nations unies ; elle est également co-présidente du Leadership Council du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies. Chargée de mission puis conseillère auprès du Premier ministre sur les questions d’environnement de 1997 à 2002, elle a été directrice des biens publics mondiaux au ministère des Affaires étrangères et européennes. Elle est membre de divers conseils d’universités et de centres de recherches internationaux (Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – Cirad, Earth Institute à l’université Columbia, Oxford Martin School). Elle est également membre du China Council for International Cooperation on Environment and Development et du conseil d’orientation stratégique de l’Institute for Advanced Sustainability Studies (Potsdam, Allemagne).

Rajendra Kumar PAChAURi est docteur en génie industriel et en économie. Il est actuellement le directeur général de The Energy and Resources Institute (TERI) basé à Delhi (Inde). Depuis 2002, il préside le Groupe intergou-vernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2007.

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Dossier

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La montée de l’insécurité dans les pays du Sahel1 est aujourd’hui un phéno-mène qui concentre l’attention non seulement de ces pays eux-mêmes, mais également des pays frontaliers et

de leurs partenaires extérieurs. L’analyse en est d’autant plus complexe que le phénomène revêt des formes multiples, aux causes diver-sifiées, et que sa dimension conflictuelle, qui focalise médias et commentaires, est loin d’en constituer l’essentiel. Au nombre de ces causes, certaines relèvent de l’économie, entendue au sens large, c’est-à-dire dans sa relation avec la démographie.

Des formes d’insécurité multiples et évolutivesLorsque l’on parle d’insécurité au Sahel, viennent immédiatement à l’esprit des événe-ments dramatiques et récents. On ne saurait certes les minimiser, mais ce premier constat mérite d’être précisé. D’une part, l’insécurité au Sahel est ancienne, d’autre part, ses formes sont multiples et évolutives.

Deux événements récents ont plus particu-lièrement attiré l’attention. Le premier est l’en-trée en lice d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), dont la réputation est doublement sul-fureuse. Il s’agit en effet d’un avatar du Groupe salafiste pour la prédication et le combat

1. Par Sahel, il convient d’entendre ici tout ou partie des pays inscrits dans la bande dite soudano-sahélienne, en l’occurrence la Maurita-nie, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad.

Crises et conflits au Sahel : état des lieux et enjeux économiquesJean-Bernard véRON, AFD

(GSPC), impliqué dans la sanglante guerre civile qui a endeuillé l’Algérie pendant une décennie, mais qui, sous la pression des forces armées de ce pays, a été en partie refoulé vers le sud, donc dans la bande sahélienne. En outre, Aqmi fait désormais partie des organisations franchisées par Al-Qaida, ce qui fonde, dans son discours, la revendication d’une dimension internationale du combat qu’elle mène contre l’Occident, avec une attention particulière sur la France. Focalisation qui s’appuie sur le statut d’ancienne puissance coloniale de la France dans la région, sur la présence de militaires français en Afghanistan et sur des politiques intérieures qualifiées d’anti-islamiques (cf. la question du voile).

Concrètement, cette irruption d’Aqmi dans la région s’est manifestée par des heurts avec les forces armées nationales et des enlève-ments de ressortissants européens. Dans la période récente, et jusqu’à l’intervention mili-taire franco-tchadienne de janvier 2013, cette organisation a joué une part importante dans la prise de contrôle de tout le nord du Mali par divers groupes insurgés durant l’année 2012. Notamment le Mouvement national de libéra-tion de l’Azawad (MNLA) et Ansar ed-Din, qui mettent en avant leur appartenance touareg, ainsi que le Mouvement pour l’unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO).

Le second événement, plus ancien, qui remonte à fin 2009, est l’affaire dite du « Boeing 727 » dans le Nord Mali. Cet appareil, vraisemblable-ment en provenance du Venezuela, s’est posé

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sur un terrain de fortune dans le Nord Mali, où il a livré un chargement de cocaïne, avant d’être détruit faute de pouvoir redécoller. Ce fut la confirmation qu’une partie de la cocaïne d’origine latino-américaine et à destination de l’Europe transitait dorénavant par des pays du Sahel, de même que par certains pays de la bande soudanienne, tels que la Guinée-Bissau, la Guinée et le Nigeria. Sur les 200 à 250 tonnes de cocaïne latino-américaine écoulées sur le marché européen, entre 30 et 50 tonnes selon les années emprunteraient dorénavant la route du sud, qui passe par l’Afrique. En outre, mais cela reste moins bien documenté, une part non négligeable de la production de cannabis du Rif marocain à destination de l’Europe et du Moyen-Orient transiterait par des pays comme la Mauritanie, le Mali et le Niger.

Toujours au nombre des événements récents, il convient également de mentionner des faits extérieurs à la région, mais qui contribuent à nourrir l’insécurité. Tel est le cas de la guerre civile en Libye et du retour dans plusieurs pays du Sahel, en particulier au Niger mais également au Mali, de supplétifs de l’armée libyenne et d’armes en grandes quantités. D’où l’épineuse question du désarmement de ces combattants et de la récupération des armes en question, avant que ces dernières ne tombent entre les mains d’acteurs de la violence qui opèrent dans la région. Plus largement, les retours en grand nombre de travailleurs africains employés en Libye (il s’agirait de plusieurs centaines de milliers de personnes) risquent de soulever un délicat problème d’intégration économique, en particulier dans les villes déjà engorgées par l’exode rural.

Par ailleurs, l’insécurité au Sahel, effective ou potentielle, a des racines anciennes. Cette région a toujours constitué un espace de circulation et de dissidence. De ce point de vue, deux phénomènes méritent d’être mis en lumière.

Il s’agit, d’une part, de la faible présence de l’État dans les régions septentrionales des pays concernés, en particulier pour ses missions régaliennes que sont le contrôle du territoire, le monopole de la force armée, la protection des biens et des personnes et l’exercice de la

justice. Dans ce contexte, nombre d’activités illégales, voire criminelles, ont pu assez libre-ment s’y développer. C’est par exemple le cas des flux de contrebande de biens de consom-mation de toutes sortes (en particulier le blé, le sucre, le bétail, l’essence, les cigarettes ou encore les véhicules volés en Europe), qui tirent notamment partie des différences de politique de subvention et de tarifs douaniers, en particulier avec l’Algérie. Il en est de même avec l’acheminement de travailleurs migrants clandestins à destination de l’Europe ou des pays du Golfe.

D’autre part, il s’agit de la tradition irréden-tiste des populations de ces régions, en parti-culier chez les Touareg, et de leurs relations difficiles avec les États nés des indépendances. Relations qui peuvent d’ailleurs, et assez para-doxalement, prendre des formes opposées. C’est tantôt trop d’État, entendu dans sa com-posante sécuritaire ainsi que dans l’absence d’une véritable politique de décentralisation ; mais ce n’est également pas assez d’État, en termes de développement économique et social, comparativement aux régions méridio-nales de ces pays.

Ces relations difficiles et heurtées avec l’État central ont déclenché à plusieurs reprises des insurrections armées au Mali (en 1962, 1990, 1994 et 2006) et au Niger (dans les années 1980, puis de nouveau à partir de 2007).

Les causes économiques de l’insécuritéOn ne saurait expliquer cette insécurité au Sahel en s’en tenant à des causes relevant du domaine de l’économie, mais il serait tout aussi vain de raisonner hors de celles-ci. Bien plus, une analyse limitée aux seules régions en ques-tion ne cernerait qu’une partie de la réalité. En effet, certains des pays du Sahel paraissent être aujourd’hui confrontés, toutes choses égales par ailleurs, à des impasses ou des quasi-impasses en termes de développement. D’où la lente accumulation d’un terreau susceptible de nourrir tensions et instabilité.

Deux causes paraissent jouer un rôle non négligeable, sinon dans l’insécurité et la montée des tensions, du moins dans ce qui contribue à les alimenter. Tout d’abord le

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faible développement économique et social de ces régions, comparativement aux régions méridionales. D’où un sentiment, assez large-ment répandu, d’injustice de la part de l’État central, accusé de négliger les populations du Nord, lesquelles, qui plus est, sont pour partie ethniquement différentes des populations du Sud, dont sont généralement issues les élites au pouvoir. Corrélativement, cette relative atonie de l’économie des régions septentrio-nales, aggravée dans la période récente par l’interruption presque totale des activités touristiques du fait de la montée de l’insécu-rité, limite grandement les opportunités et la création d’emplois.

Ceci se combine, et c’est là une seconde cause, avec l’existence d’opportunités alterna-tives de revenus, à travers l’éventuelle parti-cipation aux trafics transitant par ces régions ou la fourniture d’appuis rémunérés aux contrebandiers, voire aux mouvements terro-ristes opérant dans la région. Il serait toutefois inexact de soutenir que les pays sahéliens n’ont connu aucune amélioration de leur situation économique et sociale. À preuve, par exemple, les résultats remarquables engrangés par la culture du coton au Burkina Faso et au Mali – mais là encore dans les régions méridionales de ces deux pays –, ou encore la réduction assez drastique des taux de mortalité du fait de services médicaux qui, même s’ils restent insuffisants, ont fait de notables progrès.

Même si, au terme des conflits nés des soulèvements touareg, un certain rattrapage économique a eu lieu, ce retard relatif de déve-loppement des régions septentrionales par rapport au parcours des régions méridionales peut s’expliquer de quatre manières.

La première, et la plus évidente, est que ces régions souffrent d’un environnement naturel globalement peu favorable aux activités éco-nomiques, principalement pour des raisons climatiques et du fait de leur enclavement. En effet, l’aridité contraint fortement l’agriculture et l’élevage, qui y sont les activités principales, en les limitant soit à de petites cultures vivrières très circonscrites géographiquement de type oasis ou de décrue en bordure des rares cours d’eau, soit à de l’élevage extensif et

souvent nomade. Par ailleurs, les distances et la faible densité des populations et des activi-tés économiques sont des obstacles à la mise en place d’un maillage adéquat de routes et de pistes.

La deuxième est que les ressources natu-relles minières sont plutôt rares (même si, dans la période récente, l’intensification des recherches au Sahel a permis de découvrir des gisements intéressants d’hydrocarbures, d’uranium et de cuivre) ou n’ont été mises en exploitation qu’assez récemment. Et, même dans ce dernier cas, les retombées résultant de l’exploitation desdites ressources vont principalement à l’État central, sous forme de taxes et de redevances. Les populations des régions de production estiment donc, à tort ou à raison, qu’elles ne tirent guère profit de ces activités, soit directement sous forme de versement de royalties dont elles auraient la maîtrise, soit indirectement par le biais de pro-jets de développement que financerait l’État central au moyen des ressources en question qu’il s’est appropriées.

Une troisième explication tient à la relative indifférence des classes politiques au pouvoir vis-à-vis du sort des populations de ces régions septentrionales, voire à leur défiance du fait des tendances irrédentistes, réelles ou supposées, de ces populations. Un peu dans le même ordre d’idée, il semble qu’au Mali et au Niger les promesses faites dans le cadre des accords de paix ayant mis fin aux précédentes insurrections touareg ne se soient que par-tiellement concrétisées, y compris dans leurs composantes de développement économique et social.

Ce relatif, ou tardif, manque d’intérêt, et c’est là une quatrième explication, fut longtemps assez largement partagé par les partenaires extérieurs dont l’aide au développement vient abonder les ressources locales. Ceci résultait d’une approche parfois trop techniciste desdits partenaires. D’une part, les régions septentrio-nales semblent offrir moins d’opportunités de développement économique que les régions méridionales, où les conditions agro-clima-tiques sont plus favorables. D’autre part, la faible densité humaine majore mécaniquement

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le coût unitaire, c’est-à-dire par bénéfi ciaire, des services ou des infrastructures mises en place. Ainsi, du point de vue de ces partenaires extérieurs, il était plus « rentable » de consentir des fi nancements au profi t des régions méri-dionales plus densément peuplées. Autrement dit, un dollar ou un euro investi génère un plus grand « volume » de développement, mesuré à l’aune du nombre des bénéfi ciaires touchés, dans le sud de ces pays.

Il est d’ailleurs piquant de constater que c’est la montée de l’insécurité qui explique dans une bonne mesure l’intérêt croissant de ces mêmes partenaires pour les régions septentrionales qu’ils avaient longtemps délaissées. Tel est le cas de l’Union européenne, avec ses deux programmes, Alliance globale pour l’initiative résilience (AGIR) et Sécurité et développement au Sahel, ou des perspectives d’intervention massive de la Banque mondiale. Tel l’est éga-lement, au sortir des réunions à Bruxelles au

printemps 2013, des annonces de fi nancement à hauteur de 3 milliards d’euros au bénéfi ce du seul Mali.

Les impasses de développementMais les menaces qui pèsent sur la paix et la stabilité des pays du Sahel sont également le produit de causes plus profondes, qui relèvent de phénomènes démographiques ou, plus exactement, de la relation entre ces phéno-mènes et les économies de ces pays. Ces causes sont de deux ordres.

La première est l’explosion démographique proprement dite – par exemple, le Niger est passé de 4 millions d’habitants à l’indépendance en 1960, à près de 16 millions aujourd’hui – et ses conséquences, c’est-à-dire le décrochage entre la taille de la population et les ressources naturelles nécessaires à la conduite de ses activités (repère 1) L’augmentation rapide de la population en milieu rural alimente en

Un territoire sous pression

Dans tous les pays du Sahel, l’espérance de vie augmente et devrait continuer à augmenter. La fertilité reste haute, notamment au Niger. Offrir un avenir aux populations jeunes et nombreuses constitue de fait un défi économique et politique.

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effet une tension grandissante pour l’accès aux ressources en terres arables, en eau et en pâturages. Cette tension conduit régulière-ment à des heurts violents entre agriculteurs et éleveurs, en particulier au Tchad et au Niger.

Dans le cas du Niger, on peut même penser que le pays est aujourd’hui confronté à une rup-ture d’équilibre entre la taille de sa population et la capacité de son agriculture, à niveau de productivité inchangé, à lui fournir les moyens de subvenir à ses besoins alimentaires. De ce point de vue, les crises alimentaires à répétition qu’a connues le Niger dans la période récente tendent à devenir structurelles et ne sont plus la seule conséquence des aléas pluviométriques, des criquets ou du retournement du marché des céréales chez son voisin du sud.

Par ailleurs, les crises alimentaires nour-rissent un phénomène de concentration des terres et du bétail, quand les petits producteurs doivent vendre leurs biens pour se procurer

des aliments, biens souvent acquis par des investisseurs urbains, notamment des grands commerçants. Cette importante concentration du capital augmente donc les inégalités en milieu rural.

La seconde cause est structurelle, aggravée par la concentration du capital terre et bétail et l’essor démographique, de l’ordre de 3 % par an, qui induit un important fl ux de migrants des campagnes vers les villes, et ce bien au-delà de la capacité de ces dernières à fournir à ces nouveaux citadins des opportuni-tés d’emplois et de revenus.

D’où la constitution, notamment dans les plus grandes agglomérations de la région, de réservoirs de main-d’œuvre peu ou pas employée, souvent à la limite de la survie, et ne bénéfi ciant d’aucun capital économique, social et politique lui permettant de s’intégrer réellement dans son nouvel environnement. Ce phénomène d’exclusion et le sentiment

Une difficile cohabitation entre pasteurs et agriculteursR

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Au Niger, les pressions démographiques renforcent l’érosion des terres, la compétition pour le contrôle des terres arables et la réduction des pâturages accessibles aux pasteurs nomades malgré des législations visant à les protéger.

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de frustration qui en résulte, aggravé par le constat d’une forte différence de statut et de richesse entre ces migrants et les fractions plus favorisées des populations urbaines, consti-tuent probablement un terreau d’instabilité, voire de revendications violentes. Sans comp-ter que ces nouveaux urbains constituent, en particulier chez les jeunes générations, une main-d’œuvre mobilisable et manipulable par toutes sortes d’« entrepreneurs politiques » ou de réseaux criminels.

Il est évidemment difficile de prévoir ce que sera l’évolution des pays du Sahel à court

terme, et plus encore à moyen terme. Mais, eu égard aux causes multiples et, pour certaines d’entre elles, anciennes et structurelles qui y alimentent l’insécurité, il est probable que des solutions trop exclusivement centrées sur le sécuritaire ne suffiront pas à stabiliser durablement la région. C’est donc dans le long terme du développement économique et social et du renforcement de la capacité des États à délivrer aux populations les services et appuis qu’ils en attendent qu’il faut vraisemblable-ment chercher des solutions de stabilisation durables. ■

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Le Dossier 2014 a pour ambition de décortiquer et analyser les rouages de l’innovation, considérée comme la nouvelle clé du développement durable. Véhicules électriques, agriculture biologique, énergies renouvelables, e-learning : l’essor de ces technologies émergentes et modèles alternatifs génère l’espoir d’un développement plus décentra-lisé, frugal, flexible et démocratique, que les modèles déployés au cours du xxe siècle. L’innovation s’impose comme mot d’ordre des organisations internationales, gouver-nements, entreprises, universités et de la société civile pour répondre aux défis écono-miques, sociaux et environnementaux de la planète. Quel est le véritable potentiel de ces innovations ? Comment et où se diffusent-elles ? Comment bousculent-elles les modèles conventionnels, dans l’agriculture, l’approvisionnement en eau et en énergie, les transports, l’éducation ? Leur ascension fulgurante, dans toutes les régions du monde, tient-elle ses promesses d’avènement d’une société plus durable et inclusive ? Au-delà de la technologie, quelles innovations institutionnelles sont-elles nécessaires pour atteindre cet objectif ?

Fruit d’une coopération entre l’AFD (Agence française de développement), l’Iddri (Institut du développement durable et des relations internationales) et le TERI (The Energy and Resources Institute), Regards sur la Terre constitue un outil d’information et de compréhension indispensable.

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Établissement public, l’Agence française de développe-ment (AFD) agit depuis soixante-dix ans pour combattre la pauvreté et favoriser le développement dans les pays du Sud et dans l’Outre-mer. Elle met en œuvre la politique définie par le Gouvernement français. Présente

sur quatre continents où elle dispose d’un réseau de 70 agences et bureaux de représentation dans le monde, dont 9 dans l’Outre-mer et 1 à Bruxelles, l’AFD finance et accompagne des projets qui améliorent les conditions de vie des populations, soutiennent la croissance économique et protègent la planète : scolarisation, santé maternelle, appui aux agriculteurs et aux petites entreprises, adduction d’eau, préservation de la forêt tropicale, lutte contre le réchauffement climatique… En 2012, l’AFD a consacré près de 7 milliards d’euros au financement d’actions dans les pays en déve-loppement et en faveur de l’Outre-mer. Ils contribueront notamment à la scolarisation de 10 millions d’enfants au niveau primaire et de 3 millions au niveau collège, et à l’amélioration de l’approvisionnement en eau potable pour 1,79 million de personnes. Les projets d’efficacité énergétique sur la même année permettront d’économiser près de 3,6 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an. www.afd.fr

Institut de recherche sur les politiques, l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) a pour objectif d’élaborer et de partager des clés d’analyse et de compréhension des enjeux stratégiques

du développement durable dans une perspective mondiale. Face aux défis majeurs que représentent le changement climatique et l’érosion de la biodiversité, l’Iddri accompagne les différents acteurs dans la réflexion sur la gouvernance mondiale et participe aux travaux sur la redéfinition des trajectoires de développement. Ses travaux sont structurés transversa-lement autour de cinq programmes thématiques – Gouvernance, Climat, Biodiversité, Fabrique urbaine, Agriculture – et d’un programme transver-sal – Nouvelle Prospérité. www.iddri.org

The Energy and Resources Institute (TERI) est une organisation non gouvernementale indienne créée en 1974 pour développer des solutions innovantes afin

de traiter les enjeux du développement durable, de l’environnement, de l’efficacité énergétique et de la gestion des ressources naturelles. Ses diverses activités vont de la formulation de stratégies locales et nationales jusqu’à la proposition de politiques globales sur les enjeux énergétiques et environnementaux. Basé à Delhi, l’Institut est doté de plusieurs antennes régionales sur le territoire indien. www.teriin.org

Jean-Yves GROSCLAUDE, directeur exécutif en charge de la stratégie à l’Agence française de développement (AFD), est agronome et Ingénieur général des Ponts, des Eaux et des Forêts. Après une carrière d’expertise dans les secteurs des infrastructures, de l’eau, de l’envi-ronnement, de l’agriculture au sein de sociétés d’amé-nagement régionales françaises, Jean-Yves Grosclaude a

successivement occupé au sein de l’Agence française de développement les fonctions de chargé de mission « Agriculture et infrastructures rurales », directeur-adjoint de l’agence de l’AFD à Rabat (Maroc), secrétaire général du Fonds français de l’Environnement mondial, directeur technique des opérations, directeur exécutif en charge des Opérations. Depuis août 2013, il est en charge de la direction exécutive de la stratégie et, à ce titre, gère les fonctions « Programmation stratégique, études et recherche, redevabilité et formation ». Par ailleurs, il est membre du Comité ministériel COP 21 et anime les réflexions internes pour la mie en œuvre de la stratégie « Climat » de l’AFD.

Laurence TUbiAnA, économiste, a fondé et dirige l’Insti-tut du développement durable et des relations interna-tionales (Iddri) et la chaire Développement durable de Sciences Po. Elle est professeur au sein de l’École des affaires internationales de Sciences Po et à l’université Columbia (États-Unis). Elle est membre du comité de pilotage du débat national français sur la transition

énergétique et du Conseil consultatif scientifique des Nations unies ; elle est également co-présidente du Leadership Council du Réseau des solutions pour le développement durable des Nations unies. Chargée de mission puis conseillère auprès du Premier ministre sur les questions d’environnement de 1997 à 2002, elle a été directrice des biens publics mondiaux au ministère des Affaires étrangères et européennes. Elle est membre de divers conseils d’universités et de centres de recherches internationaux (Coopération internationale en recherche agronomique pour le développement – Cirad, Earth Institute à l’université Columbia, Oxford Martin School). Elle est également membre du China Council for International Cooperation on Environment and Development et du conseil d’orientation stratégique de l’Institute for Advanced Sustainability Studies (Potsdam, Allemagne).

Rajendra Kumar PAChAURi est docteur en génie industriel et en économie. Il est actuellement le directeur général de The Energy and Resources Institute (TERI) basé à Delhi (Inde). Depuis 2002, il préside le Groupe intergou-vernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2007.

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