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Septentrion Partir pour la famille Suzanne Marchand Fécondité, grossesse et accouchement au Québec 1900 - 1950 Extrait de la publication

Suzanne Marchand Partir pour la famille · Photo de la couverture: Photographe: Omer Beaudoin. Bibliothèque et Archives nationales du Québec/Centre d’archives de Québec/Fonds

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partir p our la famille

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Partir pour la famille

Suzanne Marchand

Fécondité, grossesse et accouchement au Québec

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Pour effectuer une recherche libre par mot-clé à l’intérieur de cet ouvrage, rendez-vous sur notre site Internet au www.septentrion.qc.ca

Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de dévelop pement des entreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi que le gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nous reconnaissons éga lement l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

Chargées de projet : Sophie Imbeault et Marie-Michèle Rheault

Photo de la couverture : Photographe : Omer Beaudoin. Bibliothèque et Archives nationales du Québec/Centre d’archives de Québec/Fonds Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine–série Office du film du Québec/E6, S7, SS1, P80635

Révision : Catherine Côté Ostiguy

Mise en pages et maquette de la couverture : Pierre-Louis Cauchon

Si vous désirez être tenu au courant des publicationsdes ÉDITIONS DU SEPTENTRIONvous pouvez nous écrire par courrier,par courriel à [email protected],par télécopieur au 418 527-4978ou consulter notre catalogue sur Internet :www.septentrion.qc.ca

© Les éditions du Septentrion Diffusion au Canada :1300, av. Maguire Diffusion DimediaQuébec (Québec) 539, boul. LebeauG1T 1Z3 Saint-Laurent (Québec) H4N 1S2Dépôt légal :Bibliothèque et Archives Ventes en Europe :nationales du Québec, 2012 Distribution du Nouveau MondeISBN papier : 978-2-89448-691-7 30, rue Gay-LussacISBN PDF : 978-2-89664-696-8 75005 Paris

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À Sarah

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avant-propos

Cette publication est en bonne partie extraite de ma thèse de doctorat intitulée Naître, aimer et mourir : le corps

dans la société québécoise, déposée à l’Université Laval en 2006. Elle résulte aussi d’une exposition intitulée Partir pour la famille, présentée au Centre d’interprétation historique de Sainte-Foy du 25 août au 19 décembre 2010.

Pendant les nombreuses années que j’ai consacrées à ma thèse, j’ai eu la chance de bénéficier du soutien de plusieurs personnes que j’aimerais ici remercier. Je tiens tout d’abord à remercier Jocelyne Mathieu, professeure d’ethnologie au Département d’histoire de l’Université Laval, qui a su m’encou-rager et surtout me laisser une grande liberté d’agir et de penser. En m’accordant sa confiance, elle m’a incitée à poursuivre sans relâche le but que je m’étais fixé. Ma reconnaissance va également à Françoise Loux, directrice de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique à Paris, qui, malgré ses nombreuses occupations et la distance qui nous séparait, a si gentiment et si généreusement accepté de lire les nombreuses versions que je lui ai soumises. Ses conseils et critiques m’ont aidée à me dépasser. Mes remerciements s’adressent aussi à Martine Roberge, professeure d’ethnologie au Département d’histoire de l’Université Laval, et à Denise Lemieux, socio-logue, membre du Centre Urbanisation Culture Société à l’Ins-titut national de la recherche scientifique, à Montréal, qui m’ont fait de judicieux commentaires. Je remercie aussi le Fonds pour la formation des chercheurs qui a apporté un soutien financier à ce projet de recherche, ainsi que le personnel des Archives de

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folklore et d’ethnologie de l’Université Laval qui m’a accueillie avec beaucoup de chaleur et donné accès à cette extraordinaire documentation. Je m’en voudrais aussi de passer sous silence l’apport des membres de ma famille et de mes amis, qui m’ont aidée à passer à travers les moments difficiles et à mener ce projet à terme. Enfin, un merci tout spécial à Jacques, mon compagnon de vie, qui n’a jamais cessé de croire que j’y arrive-rais. Sans son soutien moral et financier, cette recherche serait sans doute restée inachevée.

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introduction

Mes deux gr ands-mères sont nées au début du xxe siècle. Elles ont donné naissance, l’une à neuf enfants,

l’autre à seize. Je ne sais pas si elles ont vraiment désiré avoir autant d’enfants ou si elles ont essayé de contrôler leur fécondité. Je ne sais pas non plus comment elles ont vécu leurs grossesses, ni comment se sont déroulés leurs accouchements. Quant à mes grands-pères, je n’ai aucune idée de ce qu’ils pensaient de la paternité parce que je les ai à peine connus et parce que, comme la plupart des hommes de cette époque, ils n’étaient pas du genre à exprimer leurs émotions ou leurs sentiments. J’ai donc essayé de retracer des témoignages qui me permettraient de lever le voile sur ce que mes grands-parents et leurs contemporains ont pu vivre. En entreprenant cette recherche, j’ai voulu redonner la parole à ceux et celles qui, tout comme eux, faisaient partie de cette portion de la population qu’on appelle parfois avec mépris le « peuple » et dont l’histoire nous a jusqu’à maintenant si peu parlé, parce qu’ils n’ont pas laissé beaucoup de traces écrites. C’est avec le plus grand des respects que j’ai essayé de rendre compte de leurs vies, de leurs joies et de leurs peines en me basant sur les témoignages qu’ils nous ont légués. J’espère ne pas avoir déformé leurs propos ou leurs pensées ; si ce fut le cas, ce fut bien involontairement et j’en porte toute la responsabilité.

Les témoignages d’hommes et de femmes qui ont vécu au début du xxe siècleComment retracer des témoignages d’hommes et de femmes qui ont vécu au début du xxe siècle au Québec ? J’ai d’abord

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choisi de me tourner vers les Archives de folklore et d’ethno-logie de l’Université Laval, une source exceptionnelle pour qui s’intéresse à la culture populaire québécoise, puisqu’on y a regroupé les résultats d’enquêtes réalisées au cours des soixante dernières années auprès de personnes âgées provenant de diverses régions du Québec. Ces enquêtes portent sur des sujets aussi variés que les coutumes entourant la naissance, le mariage et la mort, les proverbes, les dictons, les savoirs populaires, les croyances religieuses, les légendes, les chansons traditionnelles, etc. (Saulnier et Savard, 1992 : 30-33 ; DuBerger, 1997 ; Mathieu, 1997 ; Roberge, 2003 : 48-49) Les informations qu’on retrouve dans ces archives ne sont évidemment pas exemptes de biais et de lacunes, mais elles n’en constituent pas moins une source unique de renseignements sur ce que pouvaient être les préoc-cupations de ceux et celles qui nous ont précédés.

Les témoignages déposés aux Archives de folklore et d’eth-nologie de l’Université Laval ne sont pas les seuls dont nous disposons. Au cours des dernières années, un certain nombre de recherches tournées vers la vie quotidienne et la vie privée ont aussi été réalisées par des anthropologues, des sociolo-gues ou des historiens et historiennes qui se sont appuyés en grande partie sur des témoignages qu’ils ont recueillis auprès d’hommes et de femmes qui ont vécu au début du xxe siècle. Je pense ici tout particulièrement aux recherches de l’historienne Denyse Baillargeon, qui a interviewé des femmes de la région de Montréal ayant vécu la dure réalité de la crise économique des années 1930 (Baillargon, 1991) ou ayant accouché au cours de la période 1910-1965 (Baillargeon, 1990 ; 1993 ; 1996a ; 2004 ; 2007). Au début des années 1990, Marcelle Brisson et Suzanne Côté-Gauthier sont aussi allées à la rencontre d’hommes et de femmes ayant habité à Montréal au cours de la période 1900-1939, nous offrant de nombreux renseignements sur leur vie de ceux et celles qui l’ont vécu (Brisson et Côté-Gauthier, 1994). Par le biais de recherches ayant pour thèmes les coutumes et croyances entourant la naissance, le mariage et la mort nous sont aussi parvenus plusieurs témoignages sur la façon dont étaient vécus ces grands moments de l’existence humaine au

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début du xxe siècle. Les enquêtes concernant la grossesse et la naissance nous ont, par exemple, fait découvrir comment les femmes vivaient les réalités physiques de l’enfantement et les pratiques qu’elles mettaient en œuvre pour préserver la vie de l’enfant et favoriser son développement (Gagnon, 1979 ; Girard, 1984 ; Canuel, 1986 ; Gauthier, 1991). Les enquêtes sur le mariage nous ont aussi livré plusieurs témoignages concernant les craintes et les espoirs des nouveaux époux (Potvin-Ouellet, 1978 ; Garneau, 1988 ; Bouchard, 1990 ; Huot, 1991 ; Desdouits, 1993 ; Girard, 1997 ; Tremblay, 1997, 2001). L’évolution des pratiques funéraires de même que les relations entre les vivants et les morts ont aussi fait l’objet d’enquêtes nous dévoilant à quel point la mort était crainte et redoutée (Doyon, 1954 ; Mailhot, 1965, 1970 ; Fortier, 1983 ; Bouchard, 1992 ; Jacob, 1995). Quelques recherches concernant l’enfance (Lemieux-Michaud, 1978 ; Lemieux-Michaud, 1979 ; Lemieux, 1983 ; Hamel, 1984 ; Dumont et Fahmy-Eid, 1986 ; Jean, 1989 ; Desdouits, 1990 ; Gagnon, 1991), l’adoption (Garneau, 1983 ; Collard, 1988, 1991), la maladie (Côté, 2000), la médecine traditionnelle (Simoneau, 1980 ; Dubois-Ouellet, 1981 ; Dubois, 1989 ; Saillant et Côté, 1990 ; Saillant et Loux, 1991 ; Saillant, 1997) et la sexualité (Bouchard, 2000) nous ont aussi fourni un certain nombre de témoignages permettant de mieux comprendre ce que pouvaient penser et ressentir les Québécois et Québécoises au cours de la période étudiée. Enfin, les enquêtes approfondies menées par deux ethnologues, sœur Marie-Ursule à Sainte-Brigitte-de-Laval au cours des années 1940 et Carmen Roy dans la Gaspésie au cours des années 1950, nous ont aussi livré plusieurs témoignages sur les croyances et pratiques de ces populations (Marie-Ursule, 1951 ; Roy, 1981).

Les autobiographies et documents personnelsSi la plupart des hommes et des femmes qui ont vécu au Québec au cours de la période étudiée n’ont pas laissé d’écrits, quelques-uns ont par contre couché leurs souvenirs sur papier. Les autobio-graphies et documents personnels, analysés par Denise Lemieux

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et Lucie Mercier dans leur étude portant sur les femmes au tour-nant du siècle (1880-1940), se sont révélé des sources très utiles et enrichissantes pour appréhender les joies et les peines de nos prédécesseurs (Lemieux et Mercier, 1989), tout comme les récits de vie rédigés par des femmes et des hommes qui sont nés à la fin du xixe siècle ou au début du xxe siècle (Asselin-Proulx, 1986 ; Belisle, 1981 ; Benoit, 1981 ; Bertrand, 2004 ; Bujold-Bourdages, 1985 ; Desrosiers, 2003 ; Dupont, 1980 ; Fortin-Mayrand, 1984 ; Grenon, 1966 ; Hudon, 2010 ; Larin, 1980 ; Linteau, 1983 ; Monet-Chartrand, 1981, 1982 ; Rioux, 1995 ; Tremblay, 1983). Même si certains de ces auteurs ont peut-être eu tendance à idéaliser ce qu’ils ont vécu ou, au contraire, à dénigrer le passé, leurs écrits n’en sont pas moins riches d’informations sur les valeurs, les rêves et les sentiments de ceux et celles qui les ont produits.

Les travaux publiés par certains chercheurs qui ont vécu ou séjourné au Québec au cours de la période étudiée, m’ont aussi été particulièrement utiles. Les études réalisées par les anthro-pologues américains Horace Miner et Everett C. Hughes, qui ont effectué chacun un bref séjour dans la province, l’un à Saint-Denis-de-Kamouraska au cours des années 1930 (Miner, 1985), l’autre dans une petite ville industrielle québécoise au cours des années 1940 (Hugues, 1945), pour y observer et analyser la façon de vivre d’une communauté, nous dévoilent de grands pans de la vie des hommes et des femmes de l’époque, en nous faisant partager leurs occupations et préoccupations quotidiennes. Quelques sociologues québécois se sont aussi livrés au même exercice, comme par exemple Stanislas A. Lortie, qui s’est penché sur le quotidien de la famille d’un compositeur typographe habi-tant la ville de Québec en 1903 (Lortie, 1968) ; Marcel Rioux, qui a étudié la culture de l’île Verte au cours des années 1940 (Rioux, 1954) et séjourné dans un village de la Gaspésie au début des années 1950 (Rioux, 1961) ; Antoine Tremblay qui, dans le cadre de ses études universitaires, a réalisé une analyse de la vie sociale de son village, Les Éboulements, en 1948 (Tremblay, 1948) ; et Lionel Laberge, dont la thèse présentée à la Faculté des sciences sociales en 1948 portait sur une famille rurale (la sienne) habitant le village de L’Ange-Gardien (Laberge, 1948).

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Enfin, la romancière québécoise Madeleine Ferron et son mari, Robert Cliche, ont aussi écrit un ouvrage qui nous donne un bon aperçu de la culture des Beaucerons au cours de la période étudiée (Ferron et Cliche, 1972). Malgré le passage du temps, les travaux de certains de ces chercheurs sont encore aujourd’hui considérés comme des œuvres d’une qualité exceptionnelle et les observations qu’ils nous livrent sont passionnantes.

Les études portant sur la société québécoise de la première moitié du xxe siècleAfin de bien situer les témoignages recueillis dans leur contexte social et historique, il m’est aussi apparu essentiel de m’appuyer sur diverses études portant sur la société québécoise de la première moitié du xxe siècle. J’ai donc consulté des livres ou des articles de revues traitant de la société dans son ensemble (Henripin, 1989 ; Duchesne, 2002 ; Linteau et autres, 1979, 1986 ; Lacoursière, 1997) ou abordant des thèmes précis, comme la contraception (Lévesque, 1989 ; Saillant et Laforce, 1993 ; Rodrigue, 1996 ; Gauvreau et Gossage, 1997, 2000 ; Gauvreau et autres, 2007), la mortalité infantile (Henripin, 1961 ; Tétreault, 1978, 1983 ; Ward et Ward, 1984 ; Thornton et autres, 1988 ; Thornton et Olson, 1991 ; Guérard, 2001), la condition des femmes (Collectif Clio, 1982 ; Lavigne et Pinard, 1983 ; Fahmy-Eid et Dumont, 1983), l’importance de la religion (Hamelin et Gagnon, 1984 ; Sylvain et Voisine, 1991 ; Perreault, 2004) ou la santé et l’hygiène publique (Guérard, 1996, 1997, 1999 ; Pierre-Deschênes, 1981 ; Tétreault, 1983, 1991).

J’ai aussi intégré à ma recherche divers ouvrages publiés au Québec au cours de la période étudiée et diffusés auprès d’un vaste public, comme des brochures ou des manuels s’adres-sant aux parents de jeunes enfants (Mailloux, 1910 ; Conseil d’Hygiène de la Province de Québec, 1911 ; MacMurphy, 1929 ; Couture, 1942), ou encore des manuels d’hygiène, de bienséance, d’économie domestique ou de puériculture utilisés dans les écoles québécoises au cours de la première moitié du xxe siècle (La bonne ménagère, s.d. ; Manuel pratique d’hygiène, anatomie

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et physiologie, 1915 ; Puériculture ou éducation physique, intellec-tuelle et morale, 1921 ; L’Économie domestique à l’école primaire, 1940 ; Manuel d’hygiène, de bienséance et de civisme, 1940).

Les études portant sur d’autres cultures ou d’autres époquesEnfin, même si mon intention n’était pas de réaliser une étude comparative, j’ai senti le besoin de consulter des ouvrages portant sur d’autres cultures, notamment française et anglo-saxonne, qui ont sans doute influencé la culture québécoise, dans le but de mieux comprendre certaines pratiques et croyances. En tant qu’ethnologue, il m’importait en effet de faire ressortir le fait que la culture québécoise s’inscrit dans un vaste ensemble cultu-rel partagé par d’autres communautés et de démontrer que les Québécois et Québécoises étaient loin d’être les seuls à prêter foi à certaines croyances ou à respecter certaines coutumes.

Outre certains ouvrages de référence classiques en ethnologie (Sébillot, 1908 ; Gennep, 1946, 1977 ; Loux, 1971, 1978, 1979 ; Loux et Richard, 1978 ; Segalen, 1975, 1980, 1981 ; Mozzani, 1995 ; Chevalier et Gheerbrant, 2000), j’ai donc eu recours à diverses études historiques ou anthropologiques, publiées en Europe ou en Amérique du Nord, portant sur des sujets aussi divers que la contraception, l’hygiène, l’allaitement, le comportement amoureux, les pratiques médicales ou la mort. Ces études sont venues jeter un nouvel éclairage sur les pratiques et croyances du Québec en les rattachant à un espace culturel beaucoup plus vaste, parfois même universel, ou en les inscrivant dans la longue durée. Elles m’ont permis en outre de faire la synthèse des interprétations qu’en ont proposées les divers chercheurs et chercheuses qui se sont penchés sur ces croyances et pratiques.

C’est finalement en regroupant les informations provenant de ces diverses sources que j’ai rédigé cet ouvrage qui porte plus précisément sur la fécondité, la grossesse et l’accouchement au cours de la première moitié du xxe siècle au Québec.

Les hommes et les femmes qui ont vécu à cette époque rêvaient-ils vraiment d’avoir de nombreux enfants ? Y avait-il des couples qui tentaient de contrôler leur fécondité et, si oui,

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de quels moyens disposaient-ils ? À une époque où la procréa-tion médicalement assistée n’existait pas, comment les couples stériles vivaient-ils le fait de ne pas pouvoir transmettre la vie et que pouvaient-ils faire pour remédier à la situation ? Comment les futurs parents vivaient-ils l’attente de l’enfant à naître ? Prenaient-ils beaucoup de précautions pour ne pas nuire à son développement ? Craignaient-ils que leur enfant soit « anormal » ? À quoi ressemblait l’enfant idéal pour eux ? Rêvaient-ils d’avoir un garçon ou une fille ? Où et comment se déroulaient la plupart des accouchements ? Les femmes avaient-elles peur de mourir en donnant la vie ? Quels soins prodiguait-on aux nouveau-nés ? Pourquoi le baptême avait-il lieu aussi tôt après la naissance ? L’allaitement était-il plus populaire que le biberon ? Pourquoi la mortalité maternelle et infantile était-elle aussi importante et comment cette triste réalité était-elle vécue ? C’est ce que je vous invite à découvrir dans les pages qui suivent. Une de mes princi-pales préoccupations étant de redonner la parole à ceux et celles qui, comme mes grands-parents, faisaient partie de la majorité dite silencieuse, j’aimerais préciser que j’ai choisi de laisser une grande place à leurs témoignages. Il m’a semblé en effet que personne ne pouvait mieux exprimer ce qu’ils pouvaient penser ou ressentir qu’eux-mêmes.

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chapitre 1La fécondité : une qualité physique valorisée

Mon père, il aimait bien la couchette. Il était bon au lit, qu’il disait. Je crois bien, seize enfants !

Informatrice née en 1932 (Gauvreau et autres, 2007 : 230)

Lorsqu’on évoque la société québécoise de la première moitié du xxe siècle, on a habituellement tendance

à croire que tous les couples mariés désiraient et avaient de nombreux enfants. Les « grosses familles », comme on disait alors, faisaient effectivement partie du paysage québécois, puisqu’au début du siècle environ une famille sur cinq comptait au moins dix enfants. Ces familles très fécondes seront cependant de moins en moins nombreuses au fur et à mesure que les années passe-ront : seulement 13 % des femmes qui sont nées en 1903 et se sont mariées ont eu dix enfants ou plus, un pourcentage qui chute à 7,6 % pour celles qui sont nées en 1913 et se sont mariées (Lavigne, 1983 : 325). Même si, dès la fin du xixe siècle, la fécondité québé-coise avait commencé à décliner, elle est tout de même demeurée la plus forte des sociétés occidentales jusqu’à la fin des années 1950 (Frenette, 1991 : 67). Comment expliquer un tel phénomène ?

Les pressions exercées par l’ÉgliseIl faut dire que l’Église catholique, qui occupait une position centrale au sein de la société québécoise, accordait une grande

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importance à la fécondité. La procréation était en effet, selon un article du Code de droit canonique promulgué par le pape Benoît XV en 1917, la fin principale du mariage, « l’aide mutuelle des époux » et « l’apaisement de la concupiscence » venant en second lieu (Sevegrand, 1992 : 80-81). Les repré-sentants de l’Église voyaient donc d’un très mauvais œil les couples mariés qui n’avaient pas d’enfants ou qui en avaient très peu et ils ne se gênaient pas pour rappeler à leurs fidèles que les enfants étaient des « dons de Dieu » qu’on ne pouvait refuser. Séjournant à Saint-Denis-de-Kamouraska en 1936, l’anthropologue américain Horace Miner a observé que le curé insistait beaucoup pour que ses fidèles donnent naissance à une nombreuse descendance :

Le curé répète souvent à ses paroissiens que Dieu bénit les familles qui ont plusieurs enfants et qu’elles ne souffriront jamais de la faim. […] On va jusqu’à affirmer dans les sermons que si, dans les villes, des familles vivent de l’assistance publique, c’est que la plupart d’entre elles sont sans enfants ou en ont peu. (Miner, 1985 : 106)

Selon lui, les naissances se suivaient d’ailleurs à intervalles assez rapprochés dans ce village et, après huit ans de mariage, les couples avaient en moyenne cinq enfants (Miner, 1985 : 122, 228). Après avoir effectué une enquête concernant l’enfance au début du xxe siècle, l’ethnologue Anne-Marie Desdouits a aussi noté que les membres du clergé québécois s’immisçaient souvent dans la vie privée des couples qui n’avaient pas d’enfants :

Les enfants sont voulus par Dieu, et une femme qui n’est pas partie en famille (enceinte) après un an ou deux de mariage risque d’encourir les remarques du prêtre de la paroisse. « Refuser à son mari » est considéré comme un péché et souvent le couple qui ne peut avoir d’enfants en adopte. (Desdouits, 1990 : 15)

Parmi les informatrices interrogées par Denyse Baillargeon, certaines ont aussi fait allusion aux pressions exercées par l’Église. « Fallait accepter ce que le bon Dieu nous envoyait », affirme l’une d’elles qui s’est mariée en 1923 et a donné naissance

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table des matières

Avant-propos 9

Introduction 11Les témoignages d’hommes

et de femmes qui ont vécu au début du xxe siècle 11Les autobiographies et documents personnels 13Les études portant sur la société québécoise de la première

moitié du xxe siècle 15Les études portant sur d’autres cultures ou d’autres époques 16

CHAPITRE 1 • La fécondité : une qualité physique valorisée 19

Les pressions exercées par l’Église 19Des raisons économiques 23Perpétuer la lignée familiale 27La capacité de procréer : preuve de plénitude physique 27Les rituels entourant le mariage et la fécondité du

nouveau couple 30La fécondité incarnée 34

CHAPITRE 2 • Empêcher la famille 39Des naissances non désirées 40Limiter les naissances : une pratique de plus en plus populaire 47Les principales pratiques contraceptives utilisées 52Se délivrer d’une grossesse non désirée 67Les pratiques abortives utilisées 71

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CHAPITRE 3 • La stérilité : une triste réalité pour certains couples 79

Ne pas avoir d’enfant : une déception pour plusieurs couples 79Remédier à la stérilité féminine 82Donner de la vigueur à l’époux 85L’adoption : une solution pour les couples inféconds 89

CHAPITRE 4 • La grossesse : une période chargée d’inquiétude 95

Le secret entourant la grossesse 95Des consultations médicales plutôt rares 103Les règles à suivre pour préserver la vie de l’enfant à naître 105La crainte de donner naissance à un enfant anormal 111La honte associée à la naissance d’un enfant handicapé 118

CHAPITRE 5 • Les attentes et espoirs des futurs parents 123

La beauté physique : une qualité appréciée dès le berceau 123Les règles à suivre pour donner naissance à un bel enfant 126Les caractéristiques physiques du bel enfant 129L’importance accordée au sexe de l’enfant à naître 133La préférence accordée aux garçons 139Les règles à suivre pour concevoir un garçon 145

CHAPITRE 6 • L’accouchement : une expérience risquée pour la mère 149

Accoucher à la maison 149La peur de mourir en donnant la vie 154Les pratiques utilisées pour hâter la délivrance 162Les relevailles 169

CHAPITRE 7 • Naître : une difficile épreuve pour l’enfant 175

La mortalité néonatale : une importante réalité 175Les soins prodigués aux nouveau-nés 184Le baptême : un rite de passage important 188

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CHAPITRE 8 • Le petit enfant : un être fragile et inachevé 193

Les règles à suivre pour ne pas nuire au développement de l’enfant 193

Le sein ou le biberon 200Des bébés potelés et joufflus 209

CHAPITRE 9 • La mortalité infantile et maternelle 215La mortalité infantile 216Les petits garçons plus fragiles que les petites filles ? 224Perdre un enfant : une expérience dramatique 226La mortalité maternelle 230

Conclusion 239

Bibliographie 243

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Page 25: Suzanne Marchand Partir pour la famille · Photo de la couverture: Photographe: Omer Beaudoin. Bibliothèque et Archives nationales du Québec/Centre d’archives de Québec/Fonds

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Page 26: Suzanne Marchand Partir pour la famille · Photo de la couverture: Photographe: Omer Beaudoin. Bibliothèque et Archives nationales du Québec/Centre d’archives de Québec/Fonds

cet ouvrage est composé en minion corps 12selon une maquette de pierre-louis cauchon

et achevé d’imprimer en mars 2012sur les presses de l’imprimerie marquis

à cap-saint-ignacepour le compte de gilles herman

éditeur à l’enseigne du septentrion

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