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SYMBOLISME MINIMAL & COMBINATOIRE Gérard Chazal Gallimard | Les cahiers de médiologie 2000/1 - N° 9 pages 141 à 151 ISSN 1777-5604 Article disponible en ligne à l'adresse: -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-mediologie-2000-1-page-141.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Chazal Gérard, « Symbolisme minimal & combinatoire », Les cahiers de médiologie, 2000/1 N° 9, p. 141-151. DOI : 10.3917/cdm.009.0141 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Gallimard. © Gallimard. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. 1 / 1 Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.106.93.40 - 20/11/2014 06h32. © Gallimard Document téléchargé depuis www.cairn.info - - - 84.106.93.40 - 20/11/2014 06h32. © Gallimard

Symbolisme Minimal & Combinatoire

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Gerard Chazal

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  • SYMBOLISME MINIMAL & COMBINATOIRE

    Grard Chazal

    Gallimard | Les cahiers de mdiologie

    2000/1 - N 9pages 141 151

    ISSN 1777-5604

    Article disponible en ligne l'adresse:--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-mediologie-2000-1-page-141.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Chazal Grard, Symbolisme minimal & combinatoire , Les cahiers de mdiologie, 2000/1 N 9, p. 141-151. DOI : 10.3917/cdm.009.0141--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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    Jamais lhumanit ne stait trouve au coursde son histoire devant une telle quantit din-formations et de connaissances stocker, fairecirculer, traiter dune manire ou dune autre.Les savoirs, les renseignements, les notices,saccumulent, nous envahissent et nous dbor-dent. Il y a longtemps que la mmoire des in-dividus, voire ce que lon appelle la mmoire col-lective des socits humaines, ne suffit plus garder et conserver les savoirs de toutes sortesque nous avons collectivement amasss.

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  • Lcriture, double de limprimerie, qui palliait la faiblesse de la mmoireet assurait le transport de linformation dans lespace et le temps, atteint au-jourdhui son seuil dimpuissance. Toute machine, dans notre univers tech-nique, a besoin dune documentation sur papier qui prcise sa constitution,ses modes de fonctionnement, les prcautions dusage mais aussi les dispo-sitions lgales de son utilisation (garantie, droits de proprit, brevets, etc.).Or, nos machines sont devenues si complexes, en mme temps que notre l-gislation qui encadre lusage des objets se prcisait, que cette documenta-tion daccompagnement prend un volume considrable. Celle qui concerne,par exemple, un avion reprsente plusieurs volumes et des milliers de pages.La documentation papier relative un logiciel tel que celui que nous utili-sons pour crire un article comme celui-ci reprsente 1 274 pages. On najamais autant publi de livres et dimages, diffuse de sons et de musiques.La radio, le cinma, la tlvision, le disque se sont adjoints au livre, redou-blant le texte par le son et limage. Ajoutons que le dveloppement en ex-tension comme en quantit des marchs impose une inflation de linforma-tion sur les produits.

    Le papier et lcriture ne peuvent suffire garder et diffuser linfor-mation quexige le rcepteur des messages ou que souhaite lmetteur. Leson, limage fixe ou mobile, sont systmatiquement mis contribution. Desoutils techniques divers, tlphone, courants lectriques, ondes lectroma-gntiques, supports magntiques et optiques permettent aujourdhui de r-pandre rapidement, de traiter volont et de conserver indfiniment des in-formations qui se prsentent initialement sous forme de sons ou dimages.Lart, celui des formes spatiales comme celui des structures musicales, sentrouve boulevers. Le tableau qui ne pouvait bnficier que dun contem-plation confidentielle chez le riche particulier ou dans un muse est multi-pli par le biais des techniques de reproduction et son accs dmocratis. Ilen est de mme de la symphonie dont lcoute ncessitait loccurrence dunconcert ; elle est aujourdhui la disposition de chacun sur un disque op-tique et parfaitement restitue sur une chane haute fidlit. Chacun peut,dans lintimit de son salon, contempler une peinture de Rembrandt ou cou-ter une sonate de Bach. De nouvelles formes esthtiques sont apparues, liesaux nouveaux supports : photographie, cinma, radio et tlvision

    On pourrait illustrer indfiniment cette surabondance dinformations quenous connaissons. Des penseurs se sont interrogs son propos, soit poursen rjouir, soit pour sen inquiter. Des analystes des socits, sociologues,ethnologues, anthropologues ont tent den mesurer limportance, les r-

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  • Symbolisme minimal et combinatoire

    percussions sur la vie individuelle et sociale. On a forg des concepts pre-nant en compte ces dbordements, depuis leurs premiers signes au lende-main de la Seconde Guerre mondiale. Notre propos nest pas de revenir surces analyses, de les rsumer et de les discuter. Toutefois, nous constatons quece dveloppement sans prcdent de la production, de la diffusion et de laconservation de linformation a conduit les savants et les ingnieurs mettre en uvre des techniques de minimisation, des procdures de conden-sation de linformation, et des procds dacclration de la transmission etdu traitement. Car le procs dont il est ici question est double sens : le d-veloppement technique engendre une inflation de linformation et celle-ci, son tour, suscite des innovations techniques. Toutes les ruses de la mini-misation et de la vlocit sont sollicites. Cest sur lensemble de ces proc-dures techniques que nous voulons nous interroger.

    Trs largement, les techniques de minimisation utilises pour la transmis-sion et le stockage de linformation reposent sur deux principes fondamen-taux : premirement des dispositifs lectroniques de plus en plus petits per-mettant des accs la vitesse des courants lectriques ou de la lumire (grceaux fibres optiques) ; deuximement un codage de linformation en binaire.

    Cest ce deuxime aspect que nous voudrions nous intresser ici. Le codebinaire quutilise linformatique prsente trois caractristiques qui mritentdtre prises en considration dans les procdures de contraction et de mi-nimisation quil autorise. Premirement, sous la forme la plus conome duncode rduit deux signes il prsente un pouvoir universel de reprsentation.Deuximement, ces deux signes offrent une trs grande facilit quant leurmatrialisation technique. Troisimement, le pouvoir de condensation de lin-formation que possde le binaire tient la puissance de la combinatoire quilui est associe.

    Le pouvoir universel de reprsentation

    Linformation se prsente traditionnellement sous quatre formes : le nombre,le texte, le son et limage fixe ou mobile. Or, toutes ces manifestations delinformation peuvent tre ramenes au dnominateur commun du binaire.Pour le nombre, Leibniz dj le sut, lui qui inventa larithmtique binaire 1.La transposition binaire des nombres conserve les algorithmes opratoires,voire les simplifie. Elle fait apparatre des rgularits, des rythmes commelalternance des 0 et des 1 au premier rang, puis lalternance de paires de 0

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    1. Leibniz, Explicationde larithm-tiquebinaire , inuvre ma-thmatiqueautre que lecalcul infini-tsimal, Li-brairieA. Blanchard,Paris ,1986,p. 82-85.

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  • et de 1 ou second rang, des alternances de quatre 0 et quatre 1 au troisimerang et ainsi de suite. Assimilant les deux signes binaires labsence et laprsence, ltre et au non-tre, Leibniz en drive une vritable ontologie.Lharmonie des nombres binaires reprend celle dune cration qui se fait parla combinaison de ltre et du non-tre. Toutefois, ce que lon gagne en sim-plicit tant dans les signes que dans les procdures opratoires (linforma-tique sen souviendra) se paye par un accroissement du nombre de leurs oc-currences. Ainsi trois signes dcimaux suffisent crire 315, il en faudra neufen binaire (100111011).

    Le texte se ramne aisment une criture binaire puisquil suffit de fairecorrespondre chaque caractre un nombre transposable en binaire. Le codeASCII utilis par linformatique fonctionne sur ce principe. Certes, il sin-troduit dans ce jeu de transposition une part darbitraire (la correspondancedu A avec le nombre 65). Toutefois, pour conserver certaines procdures op-ratoires sur le texte, tel le classement par ordre alphabtique de chanes decaractres, il faudra respecter quelques contraintes. Les nombres reprendrontlordre alphabtique (A : 65, B : 66, etc.) de telle sorte que la relation dordresur lalphabet deviennent une relation de supriorit ou dinfriorit. On perdla belle ncessit interne que possdait larithmtique binaire mais on tendle pouvoir de reprsentation dune suite de 0 et de 1.

    Cette extension de la reprsentation se poursuit avec le son numrique mmesi le passage dun signal analogique, cest--dire continment variable dansle temps, un signal numrique, suite de nombres reprsents en binaire, sou-lve quelques problmes. larbitraire quintroduit le code ASCII sajoute lepril dun dficit dinformation. trop vouloir condenser, ne risque-t-on pasdirrparables pertes? En effet la numrisation du son se fait par chan-tillonnage ; le signal analogique est mesur intervalles rguliers et ce sontces mesures qui fournissent les nombres reprsentatifs du son en permettantune nouvelle criture et une transmission plus sre. Pourtant, entre deux me-sures ne peut-il pas se glisser quelques nuances qui seraient ainsi dfinitive-ment perdues? Cependant quelles nuances faut-il retenir en dessous du seuilde leur perception? La thorie du signal permet de dmontrer que lchan-tillonnage ne provoque pas de perte si sa frquence (le nombre dchantillonspar seconde) est suprieure ou gale deux fois la frquence du signal ana-logique. La frquence maximale dun son musical est de lordre de 20000 Hz,la numrisation qui aboutit aux disques numriques a donc t fixe 44100 Hz.

    Il en ira de mme de limage rduite une succession de points dont onpourra coder la couleur par un nombre binaire. L encore, il suffira de prendre

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    des points de plus en plus fins (la rsolution) et de saccorder des nombressuffisamment grands pour rendre jusqu plusieurs millions de couleurs.

    Les techniques de numrisation du texte, du son ou de limage peuventvidemment sinverser et se trouvent doubles par des techniques de resti-tution sur cran, sur papier ou sur un amplificateur. Cependant entre le do-cument original et le document restitu, la reprsentation binaire permet-tra une criture condense sur des supports magntiques ou optiques au volumeminimal ainsi que des transports sur les distances les plus considrables, auxvitesses du signal lectrique ou de londe lectromagntique. Le mme sup-port de stockage et le mme chemin de transmission conviennent pour toutesles formes dinformation, le code binaire assurant une universelle reprsen-tation en mme temps quil dbouche sur une procdure de quantification.Un nombre, un texte, un son ou une image peuvent tre mesurs par le nombrede 0 et de 1 ncessaires leur reprsentation binaire (gnralement regroupspar paquets de huit : les octets). Bien sr il peut sembler que cette proc-dure de mesure laisse chapper le sens des messages qui se perdrait dans laminimisation, mais qui ne se rjouirait de cette quantification qui substi-tuent la prcision aux vagues apprciations et permet de ce fait un contrlerigoureux de lintgrit des informations stockes et restitues ou transmises travers lespace? mettre le sens entre parenthses ce qui nest pas lli-miner on gagnera non seulement de solides vrifications (par exemple lescontrles de parit) mais encore une dfinition claire et rigoureuse de la no-tion dinformation 2, qui cesse ainsi dtre une intuition vague et imprcise.

    Le pouvoir universel du code binaire dvoile un caractre majeur de lin-formation : il faut au minimum deux signes ou deux symboles qui se diff-rencient et sopposent pour que du sens apparaisse. Tout se passe comme sile sens ne pouvait surgir qu partir du moment ou de deux lments lun nielautre ; comme sil fallait une part de ngation pour que quelque chose soitdit. Lconomie symbolique sarrte la dualit. En dessous, lunit ou le mmerpt autant de fois que lon voudra ne donne que luniforme ou linforme,la vacuit totale de sens. Sans dualit minimale, point de signification. Le mmeappelle lautre. Toute rsorption de la dualit dans lunit conduit au nant :voil quelques rves mtaphysiques briss de manire quasi exprimentale.

    Plus concrtement ajoutons que la rduction au dnominateur commundu binaire permet le multimdia qui caractrise aujourdhui les plus mo-destes micro-ordinateurs. Il ne sagit plus de superposer le texte, limage etle son comme le cinma accole la piste sonore la suite des images. Les dif-frentes modalits de linformation se croisent et sentremlent profond-

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    2. G. J. Chai-tin, Algorith-mic Informa-tion Theory,CambridgeUniversityPress, Cam-bridge, 1990.

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  • 1. Cf. G. Cha-zal, Formes,figures, rali-t, Champ Vallon, 1997,pp.128-134.

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    ment sur le support commun des dispositifs physiques deux tats caract-riss. Do une vritable plurimodalit.

    Le support matriel

    Poursuivons notre loge du symbolisme minimal. La conservation et latransmission des messages se sont toujours heurtes aux difficults lies ausupport. Si le support est solide et perdure dans le temps (le marbre), il estlourd et peu propice aux transmissions. Inversement, un support allg (lepapier dabord, le courant lectrique ou londe lectromagntique), sil fa-vorise lcoulement des messages dmetteurs rcepteurs, savre fragile. Lecode binaire, dans sa simplicit minimale, savre propice des incarnations

    GRARD CHAZAL

    De la maquette la simulation

    Les usages de la maquette sont dabord ludiques, et tiennent autant du jouet denfantque de la passion du collectionneur. Elle joue dautre part un rle dans lapprentissagede certains mtiers continus selon des traditions antrieures lpoque industrielle (lecompagnonnage). Enfin, elle apparat dans le procs de conception et de mise au pointde diffrents, antrieurement la phase de production massive. Construire une maquettevise exposer une ide, en tester la faisabilit. Comme objet, elle renvoie un autreobjet, quelle minimise et schmatise. Elle le dcrit dans lespace tridimensionnel, lvoqueet le propose.

    Renvoi, suggestion, explicitation : ce sont bien l les caractres de toute criture. Demme que le mot npuise pas la chose, la maquette ne reprend jamais compltementlobjet quelle mime. Elle doit le plus souvent, pour des raisons de rsistance des mat-riaux, conjuguer plusieurs chelles. Dans une maquette au centime, certaines parties se-ront figures au cinquantime, afin de ne pas tre fragilises par une rduction excessive.

    la fin du XIXe sicle, un simple lampiste des houillres de Saint-tienne proposa uneamlioration technique de la lampe de mineur par le biais dune maquette 1. Ignorant ledessin industriel, la maquette tait pour lui la seule expression probante et convaincantede son ide, parce que, contrairement la langue, elle assurait dans une certaine mesureles mmes fonctions que celles lobjet reprsent. Larchitecte ou lurbaniste eux aussidfendent dautant mieux un projet quils doublent leurs plans par une maquette. Carmieux que les mots ou les images, celle-ci nous met en prsence de lobjet. Nous pouvons

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    matrielles diverses, rduites, robustes et vloces. Tout systme physique sus-ceptible de prendre deux tats nettement diffrencis conviendra la repr-sentation du 1 et du 0. Linformatique initialement a choisi linterrupteurcommand pour reprsenter le code binaire. Dabord le relais lectromagntiquepuis le tube lectronique, enfin le transistor. Du premier au dernier on conservele principe dun dispositif deux tats que la technique na de cesse de mi-niaturiser. Le circuit intgr permettra au bout du compte de regrouper desmillions de transistors en un faible volume. rduire le dispositif ne va-t-on pas perdre la franche distinction entre 0 et 1? De fait, cest le contrairequi se passe. Le relais lectromagntique bascule encore trop lentement duntat lautre et conserve une zone dindcision (le rebond). La triode per-met des commutations plus franches et plus rapides mais elle demeure vo-lumineuse, gourmande en courant, chaude et fragile. Le transistor, plus petit,

    Symbolisme minimal et combinatoire

    en faire le tour et mme parfois lanimer ; elle supple limagination souvent dfaillantedevant le dessin trop aride, trop abstrait, trop schmatique. Sa force tient donc cettepaisseur, qui manque au dessin et lcrit.

    Comme toute criture, la maquette condense et minimise : elle est conome de mat-riaux et de temps, permet des retouches et des modifications moindres frais, autoriselerreur et la reprise. On ne reconstruira pas un btiment si les premires ralisations nesont pas satisfaisantes ; mais on pourra reprendre de nombreuses fois sa maquette, commeon peut corriger, amender, complter ou rcrire un texte. Ainsi allg, lobjet peut viserlessentiel.

    Mais la maquette ne supprime pas pour autant laccessoire. Elle peut mme ajouterdes ornements, qui distraient le regard, garent limagination ou dtournent lesprit devices de fonctionnement qui demeureront inaperus jusqu la ralisation finale. Son cri-ture saccommode trop, au gr de certains, denluminures superflues. Ainsi, quand lar-chitecte ajoute la maquette des espaces verts de moquette et des arbres de carton, quigaient, ornent et sduisent, mais ne figurent pas dans le contrat final. Dautre part, onnest jamais sr que ce qui fonctionne une petite chelle fonctionnera en plus grand.Car lcart entre la maquette et lobjet nest pas seulement de taille : les matriaux aussidiffrent. Or, le bton ou la pierre ne se comporteront pas comme du carton. Et si lchellenest pas constante sur lensemble, la rduction nest pas continment proportionnelle.Le tout de la maquette peut donc savrer assez diffrent de celui de lobjet, tant dans samorphologie que dans ses fonctions. Par rapport au dessin technique, au texte descrip-tif et la formule mathmatique, la maquette est finalement trop concrte, trop engluedans la matrialit : elle disperse lide dans lespace au lieu de la concentrer sur le plandu papier.

    Dans la hirarchie des outils dexposition, il faut donc situer la maquette entre lobjetrel donn dans sa totalit dune part, et lcriture, le dessin ou limage dautre part. Cette

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    gomme dj beaucoup de ces dfauts mme sil doit fonctionner aux margesde ses caractristiques. Entre ltat bloqu et ltat satur, il existe une zoneindcise plus facilement contournable quexploite dailleurs llectronique ana-logique. En rduisant encore le support ne peut-on pas obtenir des distinc-tions et une binarit encore plus franches? La simplicit requise saccom-mode particulirement bien de la minimisation et de lintgration. Ainsi onenvisage des portes logiques sappuyant sur le fait quune particule lmen-taire prsente des tats quantiques ne pouvant prendre que deux valeurs.

    Le signal lui-mme gagnera en robustesse ne varier quentre deux va-leurs. Si lon substitue au signal analogique un signal rectangulaire, quellesque soient les distorsions quil peut subir, on pourra aisment le reconstitueren ramenant toute valeur proche du maximum au maximum et toute valeurproche du minimum au minimum. Les techniques binaires incarnes dans

    hirarchie (formules mathmatiques, description textuelle, dessin technique, schmas, dia-grammes, image dessine ou photographique, maquette, objet) va du plus abstrait et duplus condens au plus concret et au plus dploy, ou de lextrme indigence des moyens lexubrance de la ralit. Dans le procs technique et industriel qui ne cesse de par-courir cette gradation dans les deux sens la maquette joue un double rle. Comme formedcriture et de description, elle est un outil dexposition. Mais elle participe aussi desprocdures de test et permet de vrifier les qualits dun objet en projet. Lorsque des ma-quettes daile davion ou de carrosserie dautomobile sont soumises des tests en souf-flerie, il ne sagit pas seulement de (re)prsenter. Il sagit de mesurer, de dterminer desseuils, des conditions dutilisation ou des risques de rupture. Dans ces cas, son minima-lisme relve dun souci dconomie de temps et dargent dans la recherche et le d-veloppement. Plus quun simple procd dcriture, il faut parler dune procdure dy-namique de mise au point.

    La ralisation dune maquette demande cependant du temps et implique un cot nonngligeable. Pouvait-on rduire et condenser encore plus, tout en conservant cette doublefonction de prsentation et de test ? Il a fallu pour cela attendre lapparition de linfor-matique et la reprsentation conjointe de nombres et dimages soumis des algorithmes.La simulation informatique offre en effet une maquette minimale, rduite du code bi-naire aisment stockable sur des mmoires magntiques ou optiques, et modifiable parapplication de calculs automatiss. De la maquette, elle conserve la dimension visuelle.Et si lcran est plat, cest lobjet qui tournera (image 3D) pour se prsenter sous tous sesangles. Les tests seront raliss par algorithmes, mais leur virtualit, comme celle des me-sures qui les accompagnent, naffecte pas leur pertinence. La simulation informatiquenon seulement renouvelle la maquette, mais bouleverse considrablement la hirarchiedes outils du savoir. Car elle combine le schmatisme et labstraction de la formule ou

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    3. G. Bache-lard, Dialec-tique de ladure, PUF,Paris, 1963,ainsi queLIntuition delinstant,Stock, Paris,1932.4.Leibniz, Dissertationsur lart com-binatoire ,in uvremathma-

    des dispositifs physiques remettent en cause srieusement les vertus du continuquune certaine philosophie a tant exaltes. Plus on miniaturise et plus ongagne en nette binarit. Quil sagisse dun tat dun dispositif physique oudune succession de ces tats, le temps comme lespace prennent une tex-ture granulaire. La puissance du binaire donne raison Bachelard contreBergson 3. La richesse des messages ne rside pas ncessairement dans lin-finit des nuances qui appellerait la multiplicit des signes. Le code le plusconome en symboles diffrents chasse lambigut et restitue tout de mmela palette des nuances, particulirement, comme nous lavons vu, du son etde limage. Or quel est le secret de cette puissance ? Leibniz encore lavaitdj vu : tout rside dans les vertus de la combinatoire 4.

    Symbolisme minimal et combinatoire

    du calcul la reprsentation concrte de la maquette dont elle supprime les ornementssuperflus et ostentatoires. Elle permet en outre une conomie despace, puisque le codeinformatique encombre moins le laboratoire ou latelier que ne le faisait la maquette. Lesmmoires informatiques permettent une conservation plus sre et les tests, cessant dtredestructeurs, peuvent tre indfiniment renouvels en faisant varier les paramtres au-tant que ncessaire.

    Parce que les images mobiles de la simulation informatique reposent sur une criturebinaire, les diffrents degrs dabstraction se superposent et les tapes successives du pro-cs de conception simbriquent, sans pour autant affecter sa rationalit. Si lordinateurest reli une table traante qui fournit les plans, ou une machine-outil commandenumrique qui usine les pices, les tapes de la conception ne sont pas confondues, maissimplement condenses par des liens conceptuels et matriels. Ainsi, on a boulevers biendes organisations usinires et industrielles hrites du XIXe sicle pour leur substituer denouvelles structures productives, o la simulation informatique ne se substitue pas lamaquette, mais la prolonge et la dplace dans la chane qui va de lide lobjet manu-factur.

    Il demeure videmment que le procs de conception ne se rsorbe pas dans la ralitvirtuelle dun objet rduit quelques formules mises en scne par un ordinateur. En beau-coup de domaines la simulation nconomise pas la construction de maquettes avant laralisation dfinitive. Elle en rduit simplement le nombre et ramasse en une suite de va-riations algorithmiques une multitude de tests longs et lourds. Mais le modle numriquepeut oublier des paramtres, en dernire instance dterminants. De mme quen biolo-gie ou en biochimie, les procdures in vitro doivent tre valides par des procdures invivo, la simulation informatique doit un certain moment tre double par une maquettematriellement ralise.

    tique autreque le calculinfinitsimal,LibrairieA. Blan-chard, Paris,1986, p.111-169.

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  • Puissance de la combinatoire.

    En fait, tout code qui condense dans une reprsentation par des signes joueplus ou moins sur leur combinaison, lordre de leurs occurrences prenant encharge la signification tout autant que les signes en eux-mmes. Dj lcri-ture alphabtique restitue les mots et les phrases par des suites ordonnesde caractres dpourvus de signification. Certes, la lettre renvoie encore un son si ce nest plus une signification et ce nest que la combinaison dessons qui constitue les mots puis les phrases porteuses de messages. Cette pro-cdure est porte son maximum avec lcriture binaire. Deux signes suf-fisent, mais il faudra multiplier dautant les combinaisons dans lesquellesils vont prendre place. Ou plutt la pauvret de lalphabet favorise les r-currences, les rptitions, les rcapitulations tout autant que les variantes,les carts et mutations porteurs de sens. La combinatoire permet lcono-mie des signes comme la pauvret de ceux-ci favorise celle-l. Ce nest pasle moindre avantage puisquon ouvre par l la voie aux procdures les plusefficaces de condensation et donc de stockage et de transmission. Toutefoison aurait tort den rester ce seul gain, il en est dautres que lpistmo-logue ne manquera pas de reprer. Nous en retiendrons trois.

    Tout dabord la combinatoire rejoint la classification, lune supporte lautre.Toute classification, toute indexation suppose une traduction ou une trans-position dans un code qui simplifie, schmatise, mais en mme temps d-gage lessentiel sur un fond trop touffu. La comprhension sen trouve fa-vorise. Il nest pas dautre solution face une information qui nous dbordeque de la soumettre des critres que lon combine, une dcompositionen lments que lon peut agencer, arranger, coordonner, harmoniser de millemanires, suivant les besoins, jeter sur elle les mailles dun code souple.

    Deuximement, la classification et la traduction dans un code combina-toire rvlent, lhistoire des sciences en tmoigne, lordre des choses et va-lent dbut dexplication. Quil sagisse de lordre du vivant, de la zoologie etde la phytologie la biologie molculaire ou du monde inanim, de la bio-chimie la chimie, la nature la premire use de combinaisons. Notre tech-nique et notre industrie chimiques sauront multiplier les substances enpoursuivant les combinaisons naturelles. Enfin, de manire paradigma-tique, la gntique dvoile la puissance des procdures combinatoires avecun code restreint. En effet, lADN rsume et condense le phnotype avec unalphabet ne comportant que quatre lments : deux purines, ladnine et la

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  • guanine, et deux pyrimidines, la thymine et la cytosine. Le code prolonge etrvle les ordres naturels. La diversit infini des tres humains tient la com-binatoire sur ces quatre lments. Il semble bien que la comprhension de lanature passe par la dtermination dordres travers un code de plus en plusconome, les structures relevant dune combinatoire. Le tout se rsume dansdes lments en nombre rduit ; le moins, par combinaisons, rptitions etrcurrences, donne le plus ; llmentaire, et la limite le binaire, par ar-rangements et assemblages, restitue le complexe, le variable et le divers.

    Dernier point : de Raymond Lulle linformatique en passant parLeibniz, la combinatoire ne cesse de prouver sa valeur heuristique. Nous ve-nons de signaler comment la chimie, usant de combinaisons, savre capablede crer de nouvelles substances, ajoutant non seulement des atomes dautresatomes, mais des qualits dautres qualits. Il en nat des no-matires quidpassent tout ce que la nature pouvait jusqualors nous fournir. Il faut allerplus loin. Le code binaire dont usent les machines informatiques permet uneexploration systmatique des possibles, sur un mode virtuel qui conomisele temps et largent dans le domaine de la conception. Les simulations in-formatiques 5 permettent dexplorer les phnomnes trop vastes ou se d-roulant sur des chelles de temps trop grandes, dviter le dtour par les ma-quettes coteuses dans la conception industrielle, de tester des projets, defaire varier simplement et autant quon le souhaite les paramtres dun sys-tme de manire clairer des choix.

    Les dveloppements des techniques de numrisation, contrairement ceque pourrait craindre une approche trop rapide, loin dappauvrir ou dtio-ler linformation ne font que la dvelopper, en canalisent le flux et empchentles dbordements qui nous menacent. rduire lalphabet, on ne perd pasle sens puisque la puissance de la combinatoire restitue mille nuances. Enrevanche on gagne en capacit de stockage et en vitesse de transmission. Lesprocdures scripturaires condenses ouvrent au dveloppement des savoirsen favorisant les inscriptions heuristiques. Existe-t-il quelques dangers danscette rduction au nombre de toutes modalits dinformations? Si elle nousvite le risque de surabondance voire dexubrance ne porte-t-elle pasdautres prils? Les Cassandre ne manquent pas et les alarmes sont nom-breuses. Nous ne les reprendrons pas ici, non pas que nous souhaitions lesignorer, mais dans le dbat qui se dveloppe nous souhaitions essentiellementinsister sur les vertus dune minimisation et dune transcription avantageuses.

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    Symbolisme minimal et combinatoire

    Grard Chazal, docteur en philosophie, enseigne l'informatique en sciences humaines l'Uni-versit de Bourgogne. Il a publi chez Champ Vallon Formes, figures, ralit (1997), Matire etconscience (1999) et Les Rseaux du sens, de l'informatique aux neurosciences ( paratre).

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