Synthese Santé au travail

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  • 7/28/2019 Synthese Sant au travail

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    3es Rencontres parlementairessur la Sant au travail

    Mercredi 10 avril 2013Maison de la Chimie

    Le bien - etre au travail, un dfi dans la crise

    Prsides parRgis Juanico, dput de la Loire

    Jean-Frdric Poisson, dput des Yvelines

    Synthse

    destravaux

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    Remerciements

    Rgis Juanico et Jean-Frdric Poisson, remercient Jean-Denis Combrexelle, directeur gnral du

    Travail pour son introduction, Olivier Torrs, professeur luniversit de Montpellier et chercheurassoci lEM Lyon, pour son allocution lors du djeuner, Bruno Leprat, journaliste, pour en avoiranim les dbats, et leur collgue Martine Pinville, dpute de la Charente, ainsi que l ensemble desintervenants qui par leur expertise et leur contribution aux dbats ont concouru au succs de cettemanifestation.

    Ces Rencontres ont galement t rendues possibles grce au soutien et limplication de sespartenaires :

    AbbVie

    Groupe APICIL

    SECAFI

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    Sommaire

    Dbats anims parBruno Leprat, journaliste

    OUVERTURE DES RENCONTRES 1Rgis Juanico*Dput de la Loire

    Jean-Frdric Poisson 3Dput des Yvelines

    INTRODUCTION 5Jean-Denis CombrexelleDirecteur gnral du Travail, ministre du Travail, de lEmploi,de la Formation professionnelle et du Dialogue social

    SESSION I 7LA SANT AU TRAVAIL, UN ENJEU DE SANT PUBLIQUE ?

    Les obstacles la sant au travail 8Alexandre JostPrsident fondateur de la Fabrique Spinoza, think tank du bien-tre citoyen

    Prvention et accompagnement : 10quel doit tre le rle de la mdecine du travail de demain ?Pr Michel Debout*Professeur de mdecine, prsident de lassociation Bien-tre et socit

    Passer dune logique de sant au travail une dynamique travail/sant : 12quelle dmarche syndicale ?Jean-Franois NatonVice-prsident de la commission Accidents du travail-maladies professionnelles, CNAMTS

    Comment maintenir dans lemploi des salaris atteints de maladies chroniques ? 13Alexandra MoutetDirectrice des Initiatives stratgiques de sant, AbbVie Europe de lOuest et Canada

    Les actions de lINRS en prvention en sant au travail destination des PME 15Stphane Pimbert

    Directeur gnral de lInstitut national de recherche et de scurit pour la prventiondes accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)

    Les services de sant au travail sont seuls au contact de tous les salaris, 17il leur faut une gouvernance adapteBernard SalengroMdecin du travail, secrtaire national du Ple Sant au travail de la CFE-CGC

    En quoi lvolution lgislative de la sant travail a renforc lapproche sant publique ? 19Comment renforcer la formation des acteurs ?Paul FrimatProfesseur des universits, praticien hospitalier au CHRU de Lille,prsident de lISTNF (Institut de sant au travail du nord de la France)

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    La prvention 21Martine PinvilleDpute de la Charente, rapporteure du projet de loi de financementde la Scurit sociale pour 2013, charge du mdico-social,secrtaire nationale du Parti socialiste en charge de la Sant

    DBATS 22

    SESSION II 25BIEN-TRE ET PERFORMANCE : SE SENTIR BIEN POUR TRAVAILLER MIEUX ?

    De la sant au travail la qualit de vie au travail : 26comment modifier lorganisation du travail ? Le rle des managersHenri ForestSecrtaire confdral, Confdration franaise dmocratique du travail (CFDT)

    La place des managers de proximit dans la crise de lemploi 28et dans la crise du travail. Quattendons-nous deux ?Herv Lanouzire

    Directeur gnral, Agence nationale pour lamliorationdes conditions de travail (Anact)

    Prsentation des rflexions du groupe sur la sant au travail 30et premires bauches de propositionsCharlotte DudaPrsidente de la commission Sant, Association nationale des directeursde ressources humaines (ANDRH)

    Les solutions proposes dans le livre blanc APICIL sur les questions de sant au travail 32Thomas PerrinDirecteur gnral adjoint Dveloppement, groupe APICIL

    Revisiter le droit du travail 33Jean-Emmanuel Ray*Professeur luniversit Paris 1 Panthon-Sorbonne

    Faire des CHSCT un lieu de dbat sur le travail : 34amlioration de la relation dirigeants / salarisFranois CochetDirecteur des Activits Sant au travail, SECAFI

    Les nouvelles formes de travail pour concilier bien-tre individuel 36et performance collective ?Patrick LvyWaitzPrsident de lInstitut du temps gr (ITG)

    La sant au travail : un enjeu comportemental et relationnel 38ric AlbertMdecin-psychiatre, spcialiste du changement comportemental en entreprise

    DBATS 39

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    CLTURE DES RENCONTRES 41Rgis Juanico*Dput de la Loire

    Jean-Frdric Poisson 42Dput des Yvelines

    DJEUNER-DBATautour dOlivier Torrs, professeur luniversit de Montpellier 43et chercheur associ lEM Lyon, auteur du livre La sant du dirigeant:de la souffrance patronale lentrepreneuriat salutaire

    *Synthse des propos non valide par son auteur(intervention liminaire et changes avec la salle

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    Animation des dbats

    Diplm de Sciences-Po Paris, Bruno Leprat est animateur, journaliste en presse professionnelle

    (groupe Moniteur) et audiovisuelle grand public (TF1). Il a travaill pour Le Figaro conomie , 60 millions de consommateurs , LSA , Le Particulier , Stratgies , Le Courrier desmaires ou Liaisons sociales . Bruno Leprat est lauteur douvrages dont le dernier, sur lapratique de linterview pour un porte-parole.

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    Ouverture des Rencontres

    Rgis Juanico

    Dput de la Loire

    Dput de la Loire depuis juin 2007, Rgis Juanico est galement membre du Groupe dtudes surlapnibilitdu travail etlesmaladies professionnelles lAssemble nationale et conseiller gnralde la Loire. Membre de la Mission dinformation parlementaire de la Commission des affairessociales sur lesrisquespsychosociaux en mai 2011, Rgis Juanico a galement tco-rapporteurde la Mission dinformation sur lapnibilitdans les petites entreprises et membre de la Missiondinformation parlementaire sur la pnibilit au travail en 2008. Trsorier du Parti socialiste etancien prsident national du Mouvement des jeunes socialistes, Rgis Juanico a successivement

    travaill au cabinet du ministre de la Dfense, la Dlgation interministrielle aux restructurations de dfense, lAgence nationale pour lamlioration des conditions de travail, avant de devenir attach territorial la Directiondes ressources humaines de largion Rhne-Alpes.

    Bruno Leprat, journaliste

    Bonjour tous. Notre matine de dbats durera jusqu 12 h 30. Prs de 20 experts ou tmoins serelaieront la tribune. Quant moi, janimerai vos changes. Je laisse la parole Rgis Juanico, quiest linstigateur de ces Rencontres parlementaires.

    Rgis JuanicoBonjour toutes et tous, merci beaucoup.

    Je suis trs heureux du fait que les 3es Rencontres parlementaires sur la Sant au travail aient pourthmes le bien-tre et la qualit de vie au travail.

    Avant de devenir dput de la Loire, jai eu une vie professionnelle, en partie lAgence nationale pourlamlioration des conditions de travail (Anact). l poque, javais t recrut comme charg de missionpour mettre en place la Semaine de la qualit de vie au travail, en 2003. cette priode, tout tait construire, avec les partenaires sociaux (qui sigent au conseil d administration de lAnact) et lesacteurs qui ont forg ce concept.

    Ce concept sest progressivement dvelopp. Les partenaires sociaux sen sont empars. Il est devenuun objet de ngociations interprofessionnelles entre partenaires sociaux, et jen suis fort satisfait.

    Trente ans aprs les lois Auroux, qui ont instaur des droits aux salaris dans les entreprises, je suiscontent que nous ayons choisi ce thme, car je pense que trop souvent, les questions de travail sontoccultes par les questions demploi. Aprs la Confrence sociale de juillet 2012, une grande ngocia-tion sur la qualit de vie au travail et l galit professionnelle entre les hommes et les femmes a tlance.

    Cette ngociation avait t mise entre parenthses pendant les discussions sur laccord nationalinterprofessionnel sur la scurisation de lemploi. prsent, cette ngociation, mme si elle reste plusdifficile et plus longue que prvu ( cause de la diversit des sujets abords), reprend ses droits. Je

    pense que notre matine de dbats pourra alimenter la rflexion en la matire.

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    La qualit de vie au travail constitue un facteur de performance conomique et social. Il sagit dunfacteur de comptitivit. La qualit de vie et le bien-tre au travail reprsentent un facteur cl, danscette mesure.

    Dailleurs, dans un document prparatoire la ngociation sur la qualit de vie au travail, l Anact avaitexpliqu que cette qualit dpendait des dispositions permettant de concilier l amlioration desconditions de travail et de vie des salaris avec la performance collective de lentreprise.

    La notion de qualit de vie au travail est difficile apprhender, car elle renvoie de multiplesdimensions.

    La qualit de vie au travail fait rfrence la qualit de l environnement physique de travail, la qualitdu contenu du travail (en termes de responsabilits, dautonomie, de diversit des tches, etc.), lapossibilit de ralisation de soi, de dveloppement professionnel, dvolution, de dveloppement descomptences, de la formation et de la scurisation des parcours professionnels.

    La qualit de vie au travail renvoie aussi la qualit des relations sociales au sein de l entreprise,comme la qualit du dialogue social (reconnaissance du travail fourni, association des salaris auxdcisions prises).

    Enfin, la qualit de vie au travail renvoie aux questions relatives la conciliation entre vieprofessionnelle et vie familiale. Ce point concerne les horaires de travail, le rythme de travail, le modede garde des enfants, les transports, etc.

    La notion dorganisation du travail est au cur de la qualit de vie au travail. L organisation du travaildoit permettre dimpliquer et de mieux associer les salaris dans leur activit. ce sujet, des exemplespeuvent tre donns par rapport des pratiques institues au Qubec ou en Norvge, o les salarissont systmatiquement associs aux rorganisations de leur entreprise.

    Parmi les facteurs des risques psychosociaux figurent principalement les nouveaux modes d organisa-tion du travail. Lintensification du travail et lexigence de productivit entranent une dilution collectivedu travail, avec le management par le stress, le management top down, etc. Ce mode de direction

    implique la mise en concurrence des salaris, notamment dans leur mode dvaluation.

    Lenjeu des discussions que nous devons avoir en particulier consiste donc savoir comment recrer,dans lorganisation du travail et tous les niveaux dans l entreprise, des espaces de dialogue collectif,de lautonomie salariale, de la discussion, de linitiative salariale et de lcoute managriale. Il sagitdassocier les salaris leur propre organisation du travail et de leur donner une marge de manuvre.

    Dautres points seraient aborder, comme celui de la formation, notamment des managers de proxi-mit. Il est ncessaire de sinterroger sur lvaluation de ces managers et de prendre en compte lescritres qualitatifs (conduite transversale des projets, etc.).

    Les CHSCT, mme sils ne sont pas encore lgitimes dans certaines entreprises et que leur pouvoir doit

    tre augment, demeurent un lieu de dialogue social privilgi, au plus prs des situations de travail.Nous devons nouer un dialogue social territorial.

    Ce sont l les lments de rflexion sur lesquels nous serons attentifs en vous coutant ce matin.

    Bruno Leprat

    Merci bien pour votre introduction. Je passe la parole Jean-Frdric Poisson.

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    Ouverture des Rencontres

    Jean-Frdric Poisson

    Dput des Yvelines

    Dput des Yvelines lu en 2007 et rlu en 2012, Jean-FrdricPoisson est secrtaire nationalde lUMP en charge de lemploi, depuis 2009, et vice-prsident du Parti Chrtien Dmocrate.Prsident de la communaut de communes Plaines et FortsdYvelines, il est en 2008, le premieradjoint au maire de Rambouillet, charg de lurbanisme. Directeur de cabinet de madame ChristineBoutin entre 1994 et 2004, il estprsident-directeurgnral dun cabinet de conseil en organisationet ressources humaines de 2004 2007. Il est galement lauteur en 2008 dunrapport Prveniret compenser la pnibilit au travail lAssemble nationale.

    Bonjour tous, merci beaucoup.

    Je ferai quatre remarques assez brves propos du thme de notre Rencontre.

    En premier lieu, je souhaiterais constater le fait que pour la plupart des acteurs de la socit, le bien-tre au travail constitue un nouvel objet, bien que la thmatique ne soit pas nouvelle, puisque la culturesyndicale sest forge autour de lamlioration des conditions de travail.

    Llment nouveau dans cette approche est lattente dont ce thme fait lobjet chez les jeunes gnra-tions qui entrent sur le march du travail. Pour celles-ci, la qualit de vie en gnral, et la sant en

    particulier sont devenues une priorit. Par consquent, cet lment est devenu stratgique pour lesentreprises.

    Dans les entreprises dans lesquelles, traditionnellement, les conditions de travail sont rudes (chimie,mtallurgie, fonderie, etc.), cette thmatique existe depuis assez longtemps. Partout ailleurs, aveclmergence des risques psychosociaux, on attend de plus en plus que les conditions de travail soientoptimales.

    Cet objet de la sant au travail est nouveau. Nous avons donc du mal lapprhender, le traitercomme il se doit, y consacrer le temps et les moyens ncessaires. C est une des raisons pourlesquelles il existe un certain malentendu sur cette question, en particulier concernant les risquespsychosociaux. Les contraintes physiques relatives aux postes de travail sont bien identifies, maislmergence de la partie psychologique de la sant perturbe les acteurs sociaux traditionnels.

    La formation de ces acteurs est donc importante. Nous devons mme inclure cette question dans lesprogrammes initiaux des grandes coles commerciales et dingnieurs. Des modules obligatoires derelations sociales, de relations humaines, de psychologie et de philosophie devraient tre imposs. Cesmodules devraient prparer des jeunes qui, quelques annes aprs leurs tudes, peuvent tre amens diriger des quipes importantes sur des projets complexes.

    Les partenaires sociaux et les reprsentants du personnel doivent aussi tre forms ce sujet.

    Linstance reprsentative du personnel la plus importante sera le CHSCT. ce jour, il en manque entreun tiers et un quart, selon les annes, et en fonction des entreprises qui devraient en tre dotes.Lorsquils existent, les CHSCT ne fonctionnent pas forcment de manire satisfaisante. Le CHSCT est

    pour linstant un lieu daffrontement, plutt quun lieu de discussion.

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    Nous aurons loccasion, dans quelques mois, de faire le point sur l application de la circulaire relative la mdecine de travail. Nombre de rponses aux questions relatives la sant au travail se trouventdans la mdecine du travail et son bon fonctionnement.

    Bruno Leprat

    Merci vous. Jean-Denis Combrexelle, vous reprsentez le ministre du Travail.

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    Introduction

    Jean-Denis Combrexelle

    Directeur gnral du Travail, ministre du Travail, de lEmploi,de la Formation professionnelle et du Dialogue social

    Directeur gnral du Travail depuis aot 2006, Jean-Denis Combrexelle est en charge des ques-tions lies la rforme du march du travail ainsi que du suivi du dialogue social et de langociation collective. Directeur des Relations du travail de janvier 2001 aot 2006, il a exercentre 1995 et 2001 les fonctions de directeur adjoint des Affaires civiles et du Sceau au ministre dela Justice, de rapporteur gnral de la Commission pour les simplifications administratives auSecrtariat gnral du Gouvernement et de commissaire du Gouvernement devant les formationscontentieuses du Conseil dtat. Jean-Denis Combrexelle a dbut sa carrire en 1978 en tantquattach dadministration centrale au ministre de lIndustrie.

    Bonjour. Nous devons nous fliciter du fait que ces 3es Rencontres parlementaires sur la Sant autravail aient lieu.

    Concernant les liens existants entre la sant publique et la sant au travail, la question des maladiesprofessionnelles revt une importance fondamentale.

    Lentreprise, par son organisation, peut tre un levier en matire damlioration de la sant publique. Ledroit du travail sest construit sur des questions de sant publique. Progressivement, pour de multiples

    raisons, le milieu professionnel s

    est tenu l

    cart des volutions en matire de sant publique. Finale-ment, le basculement sest opr autour des annes 2000, o un lien ncessaire a t tabli entresant au travail et sant publique. Une srie de plans est donc apparue, concernant lenvironnement, lasant au travail, le cancer, etc., tissant ce lien manifeste entre sant publique et sant au travail.

    Dune certaine faon, la justice elle-mme a consacr cette volution, travers la notion d obligation descurit en matire de sant publique.

    Si ce lien est ncessaire, lexigence defficacit implique une prise en compte de la spcificit de lasant au travail. Il faut prendre en considration le rle minent des partenaires sociaux, des instancescomme le CHSCT, des entreprises, des institutions spcifiques comme lAnact et de la ngociation surla qualit de la vie au travail. La sant au travail est un lment de sant publique, mais elle dispose deses propres caractristiques et spcificits.

    Le lien entre la sant publique et la sant au travail est la mdecine du travail. Cependant, le passagede la sant au travail la sant publique, avec comme acteur principal le mdecin du travail, n est passi vident.

    Sagissant du lien existant entre lemploi et la sant au travail, une analyse approximative montreraitlexistence dune opposition entre les conditions de travail et lemploi. Noublions pas que la causeessentielle de souffrance des actifs est le chmage.

    La comptitivit des entreprises est lune des cls de lemploi. Or les entreprises ne maintiennent leurcomptitivit, terme, quen disposant de bonnes conditions de travail. La formation des cadres(commerciaux, ingnieurs et hauts fonctionnaires) doit tre plus importante concernant le management

    et la qualit de lemploi.

    Laccord national interprofessionnel du 11 janvier fait le lien entre sant publique, sant au travail etemploi. Il y est beaucoup question du CHSCT.

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    Les grandes problmatiques auxquelles nous sommes confronts (prcarit, chmage, galit pro-fessionnelle entre hommes et femmes, etc.) passent par lamlioration des conditions de travail. Lesmdecins du travail ne sont pas seuls en charge de cette question, qui concerne l ensemble des acteurssociaux et reprsente un dfi pour les entreprises et ltat.

    Cette question doit tre traite. Lorganisation du travail est centrale ; elle doit permettre d assurer la viede lentreprise et le bien-tre des salaris.

    Parmi les participants nos Rencontres, nous devrions russir impliquer plus largement les respon-sables dentreprises, les cadres et les DRH.

    Bruno Leprat

    Merci vous, Jean-Denis Combrexelle. La parole est Alexandre Jost.

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    Session ILa sant au travail, un enjeu de sant publique ?

    Dbats anims par

    Bruno LepratJournaliste

    Prsident

    Rgis JuanicoDput de la Loire

    Intervenants

    Pr Michel DeboutProfesseur de mdecine, prsident de lassociation Bien-tre et socit

    Paul FrimatProfesseur des universits, praticien hospitalier au CHRU de Lille,prsident de lISTNF (Institut de sant au travail du nord de la France)

    Alexandre JostPrsident fondateur de la Fabrique Spinoza,

    think tank du bien-tre citoyen

    Alexandra MoutetDirectrice des Initiatives stratgiques de sant,AbbVie Europe de lOuest et Canada

    Jean-Franois NatonVice-prsident de la commission Accidentsdu travail-maladies professionnelles, CNAMTS

    Stphane Pimbert

    Directeur gnral de lInstitut national de recherche et de scuritpour la prvention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)

    Martine PinvilleDpute de la Charente, rapporteure du projet de loi de financementde la Scurit sociale pour 2013, charge du mdico-social,secrtaire nationale du Parti socialiste en charge de la Sant

    Bernard SalengroMdecin du travail, secrtaire national du Ple Sant au travailde la CFE-CGC

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    Les obstacles la sant au travail

    Alexandre Jost

    Prsident fondateur de la Fabrique Spinoza,think tank du bien-tre citoyen

    Prsident-fondateur de la Fabrique Spinoza, Think tank du bien-tre citoyen, Alexandre Jost estdiplm de lcole Centrale Paris et de U.C. Berkeley en gnie industriel. Il travaille chez Mars &Co, cabinet de conseil international en stratgie, tour tour aux USA, au Brsil, au Mexique, enAngleterre puis revient en France et intgre ensuite le groupe SOS, un regroupement associatif de10 000 salaris uvrant dans le social, mdico-social et le sanitaire. Durant 5 ans, il supervise laR&D et codirige les fonctions support et stratgie, puis le ple grontologie. Fin 2010, il cre laFabrique Spinoza, think tank politique multipartisan et conomique. Alexandre Jost enseigne

    lcole Centrale Paris sur lentreprise positive. Distingu par le ministre du Travail bhoutanais pour son action enfaveur du bonheur, il intervient auprs dorganisations pour favoriser la prise en compte du bien-tre des collabora-teurs, comme un bien en soi et comme vecteur de performance conomique. Il est galement membre de lacommission Attali II, mandate par llyse pour formuler des propositions sur lconomie positive.

    Bonjour toutes et tous.

    Quest-ce qui nous empche dinduire une action au sujet du bien-tre au travail, dans les organisa-tions ? Sagit-il dun enjeu de lieu, de processus, de culture ?

    Le premier facteur bloquant est en fait le niveau de conviction, de persuasion insuffisant des dirigeants.

    32 % des dirigeants dentreprise ne sont pas convaincus que le bien-tre est un sujet important pourlorganisation. Pourtant, les recherches et tudes ralises ce sujet (en neuroscience, en psychologiepositive) montrent clairement lexistence dun lien entre bien-tre et performance. Nous avons ralisune tude sur le sujet.

    Le deuxime facteur de blocage provient du fait que 65 % des dirigeants nont pas les outils dediagnostic suffisants pour agir sur le bien-tre au travail. 44 % dentre eux considrent quils disposentde ces outils, mais ignorent la faon dont ils devraient les prendre en compte pour agir concrtement.Pourtant ils existent et se dveloppent. Nous commenons tre quips pour favoriser le bien-tre autravail.

    Bruno Leprat

    Vous avez identifi trois approches du bien-tre au travail, relatives la qualit de vie au travail (QVAT).

    Alexandre Jost

    Nous proposons en effet trois paradigmes en la matire :

    le mdecin qui cherche gurir le patient malade : c est lapproche des risques psychosociaux(RPS) ;

    le juge qui prescrit des mesures suivant une morale partir d

    une instance extrieure ; c

    estlapproche de la Responsabilit Socitale des Entreprises (RSE) ;

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    le philosophe qui propose une thique comme automotivation : il s agit pour le dirigeant de viser lebien-tre de ses salaris, comme une fin en soi, mais aussi afin de favoriser la comptitivit de sonentreprise.

    Bruno Leprat

    Comment mesurer la satisfaction au travail dun collectif de salaris ?

    Alexandre Jost

    Il existe des outils pour cette mesure, mais ils ont tendance se focaliser sur un angle de vue prcis ; illeur manque donc une vision holiste de la situation. Le cadre instaur par l OCDE, avec le BetterLife Index, est plus large car il examine la vie en gnral, et peut donc tre adapt la vie au travail,sans oublier aucune dimension de celle-ci. Par ailleurs, des tudes ont montr que l apprciationindividuelle de la valeur Travail est dterminante dans lpanouissement au travail.

    Bruno Leprat

    La Fabrique Spinoza est un lieu de rflexion, mais aussi un lieu de production de services.

    Alexandre Jost

    Oui, en effet. Nous sommes une association et travaillons pour diffrentes organisations, comme legroupe BPI, le Crdit Agricole, etc.

    Bruno Leprat

    Quelles recommandations pourriez-vous formuler aux parlementaires ici prsents ?

    Alexandre Jost

    Le sujet du bien-tre au travail nest pas anecdotique. Le Bureau international du travail (BIT) estime lecot du stress 3 % de PIB par an. Il est ncessaire de mettre en place un cadre de rflexion et demesure sur le bien-tre au travail, un cadre qui ne soit ni trop troit ne laissant aucune libert auxorganisations, ni trop lche laissant les entreprises sans guides pour avancer.

    Bruno Leprat

    Quel est lapport de Spinoza dans la rflexion sur le bonheur ?

    Alexandre Jost

    Spinoza est le philosophe du bonheur et de la joie, considrant les hommes avec clmence et ralisme.Les dsirs, chez lui, ne sont pas des passions qui nous emprisonnent, mais doivent tre duqus.

    Bruno Leprat

    Merci pour votre prsentation. Je laisse la parole Michel Debout.

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    Prvention et accompagnement :quel doit tre le rle de la mdecine du travail de demain ?

    Pr Michel DeboutProfesseur de mdecinePrsident de lassociation Bien-tre et socit

    Professeur deMdecine lgale et de Droit de lasant au CHU de Saint-tienne, Michel Debout estprsident delassociationBien-tre etSocit. Ancien membre du Conseil conomique et social, ilest lauteur des rapports sur le suicide (1993), les violences au travail (1999) et le harclementmoral au travail (2001). Il a galement publi plusieurs ouvrages sur ce thme comme Le suicide :un tabou franais (avec G. Clavairoly, 2012), Risques psychosociaux au travail (avecViolen-ces, Travail, Environnement - V.T.E, 2008) et Trait de mdecine lgale et de droit de la sant (avec P. Chariot, 2009).

    Les salaris en souffrance et effectuant une tentative de suicide ne meurent pas tous. Ils sont cepen-dant atteints dans leur personne et leur sant.

    Monsieur Combrexelle a affirm que le chmage tait le risque psychosocial le plus grave. Cest ainsique je le considre. Dans cette priode o le chmage se dveloppe, mme si l intention affirme desplus hautes instances de ltat est de le combattre, il sagit bien de rduire le chmage, non pas parcequil pose problme conomiquement, mais parce que c est aussi un problme de sant publique. Or,force est de constater que depuis vingt ans, cette question est pose, sans volution.

    Le chmage commence par le licenciement. Le moment du licenciement est un vnement psycho-traumatique. Les licencis vivent un vnement psycho-traumatique, sans que des cellules daccompa-gnement psychologiques les prennent en charge.

    Avec le chmage survient la question du surendettement, notamment, au milieu dautres dsorganisa-tions, comme latteinte identitaire de lindividu touch, qui se replie sur lui-mme et a ainsi un risquesuicidaire plus important.

    En effet, les tudes europennes en la matire montrent quil existe une corrlation entre laugmentationdu taux de chmage et laugmentation du taux de suicide.

    En France, nous navons pas encore russi prendre ce fait au srieux, en crant un observatoirenational du suicide.

    Bruno Leprat

    Quelle est la valeur des manifestations et des rsistances face aux licenciements collectifs ?

    Michel Debout

    Quitter une entreprise la tte basse, comme si nous tions responsables de ce qui nous arrive, et enpartir la tte haute, aprs s tre battu contre une situation juge injuste, ce nest pas comparable. Ilsagit, dans le cas positif, de ne pas subir la rgle de lconomie en tant broy par le systme.

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    Dans ces manifestations parfois juges excessives, les salaris font preuve de solidarit et (re)dcou-vrent leurs collgues de travail. La solidarit de lextrieur est aussi importante pour la suite desparcours des licencis, alors que la gestion du personnel en entreprise est de plus en plus indivi-dualiste.

    Il existe un paradoxe : lorsque lon perd son travail, on perd la mdecine qui va avec. Elle est de plus enplus prventive, au moment o lon est le plus fragilis dans sa vie professionnelle. Je prconise que

    nous nous proccupions des salaris licencis, au moins pendant les deux annes qui suivent leurlicenciement.

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    Passer dune logique de sant au travail une dynamiquetravail/sant : quelle dmarche syndicale ?

    Jean-Franois NatonVice-prsident de la commission Accidents du travail-maladies professionnelles,CNAMTS

    Vice-prsident de lacommissionAccidents du travail-maladies professionnelles la Caisse natio-nale de lassurance maladie des travailleurs salaris (CNAMTS), Jean-Franois Naton est gale-ment conseiller confdral en charge de lactivit Travail et Sant de la Confdration gnrale dutravail (CGT) et membre du Conseil dorientation sur les conditions de travail (COCT). Titulaire dunDESSdanalysepluridisciplinaire des situations de travailde luniversit dAix-en-Provence, Jean-Franois Naton est lauteur du livre lareconqute du travail (2008).

    Ma fonction principale est dtre militant syndical. Le fait syndical est rarement mis en valeur dans notrepays. Dans les moments de crise, la solidarit a un sens et le syndicalisme est dterminant.

    Bruno Leprat

    Pour tre plus prcis, vous tes reprsentant de la CGT.

    Jean-Franois Naton

    Oui, je suis conseiller confdral en charge du travail et de la sant la CGT. Aprs les propos

    prcdents, je souligne que cela fait trois ans que nous sommes tous d accord dans cette salle, saufque la ngociation sur la qualit de vie au travail est un fiasco. Les dcideurs sont absents. Tant que lepatronat ne participera pas au dbat, nous tiendrons des propos intressants mais dont la porterestera limite.

    Dans la crise que nous traversons, nous ne pourrons pas gagner la bataille de l emploi en ignorant letravail. Aussi longtemps que le travail sera considr comme un cot, cette approche va acclrer lacrise au lieu de crer une dynamique de solutions. Ce constat est partag mais ne donne lieu aucunemise en uvre pratique. Les mesures prises actuellement par le gouvernement ne concourent pas donner de la lisibilit ni un sursaut aux questions de qualit et de bien-tre au travail.

    Pendant de nombreuses annes, la politique de sant au travail a t dconnecte de la politique de

    sant publique, alors qu

    elles ne doivent pas tre spares. Les questions de sant ne peuvent pas secantonner au curatif et la dfense de l hpital public. Un renversement doit avoir lieu car le travail estun des dterminants de la bonne sant. Lunivers de la sant au travail doit changer car lefficacit setrouve dans le vivre et le travailler ensemble. La mdecine du travail doit tre couple des thmes desant publique, avec dautres acteurs. Pour cela, il faut inventer de nouveaux lieux et de nouveauxtemps, par exemple travers les comits rgionaux professionnels, pour rassembler les acteurs, fixerdes priorits et agir. Les chmeurs et les salaris prcaires sont en dehors du systme. Le vrai risqueserait de continuer soccuper de ceux qui ont un travail au dtriment de ceux qui n en ont pas. Lasolidarit doit tre roriente vers les plus exclus.

    Bruno Leprat

    Alexandra Moutet, vous tes directrice des Initiatives stratgiques de sant au sein du laboratoireAbbVie, anciennement Abbott, sur lEurope de lOuest et le Canada. Labsentisme est un cot pour lesentreprises et larrt de travail nest pas toujours une solution. Vous travaillez donc sur un programmeeuropen de maintien dans lemploi, Fit for Work.

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    Comment maintenir dans lemploi des salarisatteints de maladies chroniques ?

    Alexandra MoutetDirectrice des Initiatives stratgiques de sant,AbbVie Europe de lOuest et Canada

    Directrice des Initiativesstratgiques de santdeAbbVieEurope de lOuest et Canada, AlexandraMoutet a auparavant t directrice de dveloppement pour le groupe BPI de 2005 2012.Directrice de projets europens de rformes dans le secteur sanitaire et social pour BernardBrunhes International de 1996 2005, Alexandra Moutet a notamment conseill le gouvernementrusse sur des rformes structurelles et mis en place un nouveau systme de sant au Kosovo.Docteur en mdecine et titulaire dun DES en pneumologie, Alexandra Moutet a dbut sacarrire, en 1986, en tant quinterne aux Hpitaux de Paris avant de devenir directrice ducentre

    mdical franco-ukrainien Les enfants de Tchernobyl Kiev en 1991. Elle est conseillre pour les affaires

    socialesprslAmbassade de France Moscou de 1993 1996.

    Effectivement, je reprsente une entreprise prive, AbbVie, issue de la scission dAbbott. Je suisresponsable des initiatives stratgiques de sant, ce qui consiste soutenir des programmes de santpublique dans un champ prcis o nous avons une forte expertise, comme celui des maladiesrhumatologiques. travers cet investissement, notre laboratoire se positionne comme un partenaire desant auprs des patients, des professionnels de sant et des gouvernements.

    Le programme Fit for Work sadresse aux maladies musculo-squelettiques, induites ou non par letravail. Lobjectif consiste tablir un lien fort entre sant et travail. Il se dcompose en deux axes :

    comment maintenir dans lemploi des salaris souffrant de maladies potentiellement invalidantes etcomment introduire la notion de travail dans le monde mdical ? Ce programme europen regroupe desassociations de patients, des institutionnels, des associations mdicales et scientifiques. En France, Fitfor Work runit la Socit franaise de mdecine du travail, la chaire sant de Sciences-Po et desassociations de patients atteints de maladies rhumatologiques.

    Une tude mondiale montre que les maladies musculo-squelettiques reprsentent la deuxime causedinvalidit au monde, toutes rgions confondues. En France, c est la premire cause dincapacit autravail, avant la dpression. Environ 100 millions de personnes en Europe sont atteintes de ces mala-dies, non ncessairement chroniques. Selon la Commission europenne, ces troubles sont l originede 50 % de labsentisme de plus de trois jours et de 60 % des incapacits permanentes au travail. Ilsagit dun enjeu de sant publique assez mconnu.

    Bruno Leprat

    Quel est le mode opratoire du programme Fit for Work avec les entreprises ? Comment identifiez-vousles patients dans le respect du secret mdical ?

    Alexandra Moutet

    Il ne sagit pas de contraindre les salaris malades travailler mais de rpondre leur demande de

    maintien dans lemploi. Cela ncessite de faire travailler ensemble des acteurs du monde de la sant,du travail, du monde mdico-social et de lentreprise, cest le plus difficile. En France, un guichet uniquea t prconis pour ce type de salaris. En Autriche, un dispositif public a t mis en place par le biaisdun point daccueil runissant acteurs sociaux et acteurs de sant. Il prvoit une consultation mdicale

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    et mdico-sociale gratuite pour les personnes en arrt de travail de plus de trente jours, sur la base duvolontariat, dans lobjectif de faciliter le retour au travail.

    Des actions pour rduire lincapacit au travail sont possibles. En Espagne, des consultations priori-taires en rhumatologie ont t mises en place pour toutes les personnes en arrt de travail d au moinsde cinq jours pour une raison dorigine musculo-squelettique, en partenariat avec la Scurit sociale,avec un suivi. Ce dispositif a permis de rduire de 40 % le nombre de jours darrt et de 50 % les

    incapacits permanentes. Cette dmarche de prvention coordonne les services de sant, la protectionsociale et le monde de lentreprise. En France, nous ny sommes pas encore. Une tude en cours tentedapprhender les besoins des salaris malades en termes de retour au travail et, en miroir, de savoircomment la dimension professionnelle est aborde lors dune consultation mdicale.

    Bruno Leprat

    Vous avez parl du phnomne de la surcompensation. Les salaris malades ont tendance tre plusexigeants avec eux-mmes et aggraver lusure professionnelle.

    Alexandra MoutetLes patients souffrant de maladies chroniques ont tendance se surinvestir dans le travail et risquentde souffrir de dpression lors de larrt dune activit professionnelle. Pour terminer, lintroduction dac-tions de sant publique de prvention secondaire et tertiaire en lien avec le monde du travail ncessiteun investissement mais gnre des conomies importantes dans les systmes de protection sociale.Pour engager un dbat entre ceux qui investissent, le monde de la sant et ceux qui ralisent desconomies, les systmes de protection sociale et les employeurs, le programme Fit for Work organise lautomne un colloque au Parlement europen qui runira des responsables de la sant, de lemploi etdes affaires sociales, et des finances.

    Bruno Leprat

    Merci beaucoup. Nous comprenons aussi lutilit dun tiers pour faciliter de nouveaux comportements.

    Jean-Frdric Poisson

    Je ne suis pas oppos des instances nouvelles, mais cela dpend du rle qu on leur donnera. Nousfaisons face un problme de culture des acteurs et jai dj soulign labsence de formation sur cessujets. Les dcideurs franais ne sont pas convaincus sur deux points. Premirement, en investissantdans la sant, nous ralisons des conomies. Deuximement, nous ne sommes pas dans ce pays dansune culture du partage de la dcision. Dans le dbat sur la scurisation de lemploi, un dlai de vingt-trois jours a t instaur pour prparer une restructuration. Ce n est pas srieux. Cela prouve soit que le

    sujet na pas t regard de prs, soit que nous ne sommes pas capables de nous mettre daccord surles conditions de travail et de vie des salaris dans un contexte si important.

    Bruno Leprat

    Vous auriez prconis combien de jours ?

    Jean-Frdric Poisson

    Je ne donnerai pas de dtail. Tous les mcanismes de blocage existent tant du ct de lentreprise que

    du ct des salaris pour empcher les rformes. Pour autant, le lgislateur ne devrait pas inscrire cedlai dans la loi. Nous manquons de sagesse. tant donn la complexit du sujet, cela prendra parfoisun mois et demi et dautres fois, plus longtemps. cause dune absence de dialogue, le lgislateur estoblig de fixer la rgle, mais ce temps est ct de la ralit.

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    Les actions de lINRS en prvention en sant au travail destination des PME

    Stphane PimbertDirecteur gnral de lInstitut national de recherche et de scuritpour la prvention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS)

    Directeur gnral de lInstitut de recherche et de scurit (INRS) depuis juillet 2009, StphanePimbert a t adjoint au directeur gnral et directeur du Centre de Lorraine de l INRS de 2007 2009. Diplm en Droit et Sciencespolitiques, il a exerc les fonctions de consultant manager enorganisation au sein du cabinet Eurogroup Consulting et de secrtaire gnral de la brancheServices de lAssociation franaise pour lassurance de la qualit (AFAQ).

    Bruno Leprat

    Stphane Pimbert, vous reprsentez lINRS. Avec soixante-dix ans de recul, quelles sont les priorits detravail que vous fixez aux 600 collaborateurs que vous dirigez ?

    Stphane Pimbert

    Dabord, un rapide historique. LINRS a t cr en 1947 par la CNAMTS afin de prvenir les maladiesprofessionnelles et les accidents du travail. Sa gouvernance est assure par les partenaires sociaux etson financement par le FNPAT de la branche AT/MP. Lconomie franaise a volu et nous interve-nons dsormais sur 22 grands thmes, qui vont des risques chimiques, biologiques, psychosociaux, auvieillissement et au maintien dans lemploi. Notre activit est centre 30 % sur la chimie au sens large,par exemple les solvants, les phtalates, les bisphnols. Une autre partie de notre activit concerne lesquipements de travail puisque nous rencontrons encore des accidents sur les machines. Mais noustraitons aussi des sujets comme les champs lectromagntiques, les soudures, les risques biologiques.Notre objectif majeur consiste acqurir des connaissances permettant de trouver des solutionspratiques et oprationnelles pour viter les maladies professionnelles et les accidents du travail.

    Bruno LepratAvant de nous prsenter votre nouveau programme destination des TPE-PME, dites-nous quel estlaccident type de notre socit de services ?

    Stphane Pimbert

    En termes de maladies professionnelles reconnues, ce sont les troubles musculosquelettiques (TMS), 77 %. Dans les priorits 2014-2017 fixes par les partenaires sociaux pour les cinq ans venir figurentles technologies, lorganisation du travail, les risques psychosociaux (RPS), les TMS, le vieillissement etle maintien dans lemploi. La difficult consiste trouver des politiques efficaces. Les accidents du

    travail rsultent pour l

    essentiel de chutes. Ces accidents sont encore frquents, nous y avons djbeaucoup travaill mais nous avons encore beaucoup de progrs raliser.

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    Bruno Leprat

    Parmi vos 22 domaines de travail figurent le bruit, les nanotechnologies, les vibrations, l environnement,les dchets, les TMP, le vieillissement. Dailleurs, si vous avez un remde contre le vieillissement,

    jaimerais le connatre aussi.

    Stphane Pimbert

    Le vieillissement est un sujet de proccupation majeur pour les pays europens dans les annes venir. Comment des personnes qui devront travailler plus longtemps pourront-elles le faire dans debonnes conditions de sant ?

    Bruno Leprat

    Quand le programme TPE-PME a-t-il t lanc ?

    Stphane PimbertLongtemps, lINRS sest adress aux entreprises qui disposaient dun CHSCT. Aujourdhui, nous avonspris conscience quil fallait des brochures et des messages spcifiques pour les TPE-PME.

    Bruno Leprat

    Combien dentreprises avez-vous visites ?

    Stphane Pimbert

    Plusieurs milliers ce jour mais nous visons le plus grand nombre. Comme nous ne pourrons jamaistoucher toutes les entreprises, nous tentons de passer par les organisations professionnelles pourtravailler sur des mtiers tels que la coiffure, la boulangerie-ptisserie ou le transport routier, lesgarages automobiles, etc.

    Bruno Leprat

    Merci.

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    Les services de sant au travail sont seuls au contactde tous les salaris, il leur faut une gouvernance adapte

    Bernard SalengroMdecin du travailSecrtaire national du Ple Sant au travail de la CFE-CGC

    Mdecin du travail depuis 1976, Bernard Salengro est secrtaire national de la CFE-CGC en chargede la sant au travail, du handicap et des conditions de travail depuis fvrier 2010. Il tait depuis2000 reprsentant de la CFE-CGC sur les questions de sant au travail, de rparation desaccidents du travail, de maladies professionnelles et de handicap. Il a particip la cration delObservatoire du stress en 2000 et, depuis 2002, la cration du baromtre du stress et de sespublications semestrielles. Il est lauteur de nombreux ouvrages dont Le stress des cadres (LHarmattan, 2005) et Le management par la manipulation mentale (LHarmattan, 2006) et,

    rcemment, dune bande dessine sur la sant au travail, le CHSCT et la mdecine du travail. Il a effectu sa thse

    de doctorat en mdecine sur lergonomie applique aux handicaps. Diplm de mdecine et de psychologie deluniversit de Lille en 1973, Bernard Salengro est galement titulaire d un diplme denseignement suprieur energonomie et en cologie humaine et dun diplme dtudes mdicales relatives la rparation juridique dudommage corporel et lexpertise mdicale.

    Bruno Leprat

    Monsieur Salengro, vous trouvez quun outil de travail est sous-utilis dans les organisations, lequel ?

    Bernard Salengro

    La qualit de vie au travail recouvre beaucoup de sujets. Elle conditionne la productivit des entreprisesmais les employeurs ne sen rendent pas compte faute de formation dans les coles de commerce. Uneautre particularit franaise rside dans le manque de confiance dans l entreprise. Nous nous situonsaux dernires places des pays europens. Or il existe un outil et un lieu adapts, je veux parler desservices de mdecine du travail. Contrairement aux Carsat et aux CHSCT, ils voient toutes les entre-prises de toutes tailles et tous leurs salaris. Ils disposent des quipements et des professionnels. Cepourrait tre un lieu adquat pour traiter de la qualit de vie au travail ainsi que pour mettre en place undialogue social quilibr, ce qui ne l est pas actuellement du fait de la prsidence patronale.

    Bruno Leprat

    Comment expliquez-vous quils soient dlaisss ?

    Bernard Salengro

    Nous avons t contacts par le ministre pour savoir comment sappliquait la gouvernance avec lanouvelle loi sur la sant au travail. Le rsultat ne correspond pas ce quoi nous avions rflchi et quenous avions ngoci dans le cadre du COCT. Il y a de gros dysfonctionnements. On peut dire enconclusion quavec lagrment, Jean-Denis Combrexelle a un sabre de bois, puisquun service peut

    continuer fonctionner sans agrment, ce qui est choquant. La mdecine du travail est une des raresinstitutions o il nexiste pas dalternance entre les employeurs et les salaris au niveau de laprsidence . Nous dplorons par ailleurs un manque de mutualisation des moyens et de coordination. Ilfaudrait fdrer les centres pour harmoniser les pratiques et mutualiser les moyens, actuellement

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    puisque chaque centre est autonome. Depuis 2000, les partenaires sociaux travaillent sur le sujet, maisla situation na pas chang. Cette arme se retrouve larme au pied, sans dynamisation ni coordinationdu fait dune gouvernance paralysante.

    Bruno Leprat

    Vous vouliez rendre hommage au collectif.

    Bernard Salengro

    Lvolution du travail est considrable. Autant les risques physiques diminuent, autant le travail mental,cognitif, social et motionnel revt une complexit qui na jamais exist dans toute lhistoire delhumanit. Jamais nous navons connu autant dinstabilit et dinquitude. Cette mergence des risquespsychosociaux est une urgence qui ne peut tre traite efficacement quen prenant en compte lesaspects collectifs.

    Bruno LepratSi je rsume, hier, les travailleurs mouraient du fait de conditions de travail difficiles, aujourdhui, ilssouffrent ?

    Bernard Salengro

    Aujourdhui, ils se suicident.

    Bruno Leprat

    Merci.

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    En quoi lvolution lgislative de la sant travaila renforc lapproche sant publique ?

    Comment renforcer la formation des acteurs ?

    Paul Frimat

    Professeur des universitsPraticien hospitalier au CHRU de LillePrsident de lISTNF (Institut de sant au travail du nord de la France)

    Chef du service de mdecine du travail et pathologie professionnelle au CHRU de Lille depuis 2002,Paul Frimat est galement professeur des universits, praticien hospitalier en mdecine et sant autravail luniversit de Lille II. Il est prsident de la sous-section Mdecine et Sant-Travail auConseil national des universits et prsident de lInstitut de sant au travail du nord de la France.Prsident du Conseil scientifique de lAgence nationale de scurit sanitaire de lalimentation, de

    lenvironnement et du travail (Anses) depuis septembre 2010, Paul Frimat est galement vice-prsident charg des affaires transversales de luniversit de Lille II depuis 2005 ainsi que du comitdorientation de lAssociation rgionale de lamlioration des conditions de travail Nord Pas-de-Calais. Prsidentdu Conseil scientifique de lAgence franaise de scurit sanitaire de lenvironnement et du travail (Afsset) de 2006 2010, Paul Frimat a, par ailleurs, t charg par les ministres de raliser diffrents rapports sur lvaluation de lamdecine du travail.

    Bruno Leprat

    Paul Frimat, vous tes praticien hospitalier. Vous souhaitez ragir ?

    Paul Frimat

    Nous pouvons dplorer un certain retard dans les prises de conscience de chacun des acteurs puisquenous frquentions dj les mmes runions il y a dix ans, avec les mmes messages et la mmeincomprhension de la part du lgislateur et surtout du patronat. Je demande aux dputs de ne pasdtruire le systme, mais de lui permettre de vivre.

    La loi permet la sant au travail dinvestir le champ de la sant publique. Effectivement, nos servicesde sant au travail (SST) sont devenus des acteurs privilgis avec leurs missions, cest--dire les

    projets programmes, la veille, la traabilit des expositions et le maintien dans l

    emploi. Ce sont despolitiques de sant publique. Il existe des rponses et des suivis spcifiques de maintien dans lemploi.Sans mchancet aucune, vous tes trop axe, madame Moutet, sur les grandes entreprises et pasassez sur les 95 % de la population qui travaillent dans les TPE.

    Monsieur le dput, vous demandez de ne pas inventer de structures. Les structures existent, encorefaut-il les faire vivre, quil sagisse des comits rgionaux de prvention des risques professionnels(CRPRP) ou des commissions ARS. Les dputs vont-ils donner aux directions rgionales des entre-prises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de lemploi (Direccte) les moyens deraliser un diagnostic territorial de sant au travail ?Enfin, nous aurions une organisation rgionale. Cediagnostic territorial est mon avis une avance mais la politique dagrment des Direccte seffectue aupetit bonheur la chance.

    Deux ans aprs la loi, la vraie question est : quel regard, quelle imagination, quelle innovation portons-nous sur nos services de sant ? La visite mdicale est encore actuellement trop souvent la seulerponse. Il faut insister sur la politique de sant publique et donner un coup de pouce aux Direccte et

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    aux Carsat. Cela ncessite des formations sur la sant au travail, tous mtiers confondus. La volontexiste-t-elle ?

    Bruno Leprat

    Merci pour votre nergie.

    Jean-Frdric Poisson

    Vous faites porter sans cesse la responsabilit sur les dcideurs publics, administratifs, de l tat ou leslgislateurs. La rforme est vote depuis deux ans. Alors ce n est pas ce quil aurait fallu, mais il faut sesouvenir que les plus fortes rticences venaient des mdecins eux-mmes !

    Paul Frimat

    Ah, non ! En 1986, oui, mais pas en 2011 !

    Jean-Frdric Poisson

    Tout dabord, je me souviens davoir particip aux journes mdicales il y a trois ans. Quand nousavons commenc voquer la possibilit dactes mdicaux alternatifs et dune modification de laformation des mdecins du travail, la rsistance ne venait pas des parlementaires. Je sais commentsest organis le lobbying.

    Deuxime remarque : nous avons dj la possibilit de faire beaucoup en droit franais. Pour la pre-mire fois, en mars 2011, un accord territorial interprofessionnel a t sign dans le Var par lessyndicats et le patronat sur la prvention des risques psychosociaux. Cest la marche en dessous dudiagnostic de sant territorial voqu par Paul Frimat, mais cela existe.

    Enfin, lune des questions poses par les organisateurs du colloque est la suivante : existe-t-il desexemples dont nous pouvons nous inspirer ? Il en existe, par exemple au Qubec.

    Certes, les acteurs de la sant et de la mdecine du travail doivent voir leurs missions voluer avec larforme. Nous comptons 30 millions de dclarations uniques dembauche par an, mais la capacit devisite des centres ne dpasse pas 10 millions par an. Comment combler lcart ? Cette sous-capacitdoit tre traite, mais chacun des acteurs doit faire un bout du chemin.

    Bruno Leprat

    Madame Pinville, nous allons parler de prvention avec vous.

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    La prvention

    Martine Pinville

    Dpute de la CharenteRapporteure du projet de loi de financement de la Scurit sociale pour 2013,charge du mdico-socialSecrtaire nationale du Parti socialiste en charge de la Sant

    Dpute de la Charente depuis 2007, secrtaire de la commission des Affaires sociales. Co-auteure en 2011 dun rapport dinformation sur la mdecine scolaire pour le comit dvaluation etde contrle de lAssemble nationale, elle est actuellement rapporteure sur le projet de loi definancement de la Scurit sociale pour 2013. Le Premier ministre la rcemment charge dunemission de comparaison internationale des pratiques en matire de prvention, anticipation etadaptation de la socit au vieillissement. Elle sest galement vue confier la prsidence du Conseilnational de lautisme. Retraite de la fonction publique, Martine Pinville simplique dans la vie

    publique locale, politique et associative. Elle est conseillre municipale de la commune de Balzac et prsidente dusyndicat de pays dEntre Touvre et Charente.

    En plus de mes fonctions, jai pu raliser des travaux sur la mdecine scolaire ainsi quun rapportinternational sur le vieillissement. Or, chaque fois, jai abord le sujet de la prvention. Il sagit denjeuximportants. Collectivement, nous devons travailler sur la prvention non seulement pendant la dure dela vie active, mais bien avant. Ce sujet ne se traite pas une fois la retraite venue. Nous cloisonnons tropet cest dommage. Chacun travaille sur son tempo, le monde scolaire, celui du travail et celui de la

    vieillesse. Nous gagnerions mettre en place une forme de continuit sur la mdecine de prvention. loccasion de la dernire loi, jai fait passer un amendement pour que lducation la sant seffectueds lcole. Les visites mdicales dressent un constat un moment donn mais il faudrait apprhenderla sant dune personne globalement, tout au long de sa vie. Compte tenu des difficults de lAssuranceMaladie, nous navons pas dautre choix que la prvention. Ce n est pas simple rsoudre, mais lamdecine de prvention globale doit tre envisage.

    Bruno Leprat

    Je vous demande dapplaudir nos orateurs, puis nous couterons vos questions.

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    Dbats

    De la salle

    Je suis DRH dune entreprise prive, engag depuis 30 ans sur la question de la sant au travail.Depuis 20 ans, tout le monde saccorde dire quil faut faire de la prvention. Le problme, cest quilnexiste aucun budget. La Scurit sociale intervient surtout en curatif et peu en prvention. Quand va-t-on lui en donner les moyens ?

    De la salle

    Je voudrais revenir sur les sujets de la coordination et de responsabilit. Le plus fort lobbying auquelnous ayons t confronts lors du vote de la loi, c est celui des techniciens du ministre du Travail. Tantque la sant au travail dpendra du ministre du Travail au lieu de celui de la Sant, nous ne ferons

    jamais de sant publique. Alexandra Moutet a montr que la notion de maintien dans l

    emploi dpendde coordinations locales entre les diffrents acteurs. Comment orienter les services de sant au travailvers la prvention ? Peut-tre en cessant les visites daptitude systmatiques au profit dune rellecoordination.

    De la salle

    Tous les orateurs ont soulign le rle essentiel du mdecin du travail, mais la facult ne forme passuffisamment de mdecins.

    De la salle

    Je suis mdecin et directeur dune socit qui intervient dans les services de sant en entreprise. Leblocage que nous reprons systmatiquement dans les TPE-PME, cest douvrir la bote de Pandore dufinancement. Avez-vous une solution ?

    Docteur Genty, gyncoloque-obsttricien et URPS le-de-France

    Jattendais le volet fminin du bien-tre au travail. Le sujet du travail des femmes enceintes, leurrinsertion et le harclement nont pas t abords.

    De la salleJe suis dlgue syndicale centrale dans une grande entreprise prive. La dgradation des conditionsde travail en milieu professionnel est un vritable crime. Faire de la prvention dans un tel contexte,cest impossible. Nous avons 1,4 mdecin du travail pour 6 000 personnes. La plupart des DRH ont lespoings lis et accompagnent les plans sociaux. Je suis intervenue Sciences-Po et HEC, jai teffondre devant le niveau de culture de ces tudiants qui ne savent pas ce quest un syndicat. Quantaux risques psychosociaux, un tudiant ma remercie car il a compris quil aurait plus tard des individusen face de lui.

    De la salle

    Je suis sapeur-pompier. Pour les trois fonctions publiques, pouvez-vous nous dire comment ellessorganisent en tant quemployeurs ?

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    Bernard Salengro,

    Le problme dmographique de la mdecine du travail devient de plus en plus prgnant. Cela fait plusde 15 ans que le COCT (Conseil dorientation sur les conditions de travail) demandent au ministre debouger. Les universitaires chargs de la formation ne font pas non plus preuve d un enthousiasmefabuleux.

    Paul Frimat

    Je ne suis pas daccord. Messieurs les lus, faites attention ! La formation initiale doit rester universi-taire. Nous perdrons 50 % des enseignants en mdecine du travail dici cinq ans.

    Bernard Salengro

    La CGPME propose un enseignement priv sur le sujet en faisant le constat que l enseignement uni-versitaire est rigide et nest pas assez proche du monde du travail.

    Stphane Pimbert

    En matire de financement, la branche AT-MP et la CNAM dispose denveloppes. Elle a dbloqu desfinancements concrets pour les cabines de peinture des garages qui dgageaient des produits toxiques.Pour les artisans du btiment, nous avons travaill sur les vhicules utilitaires lgers dont les chargesarrire risquaient de traverser lhabitacle en cas de freinage brusque. Des financements Carsat etCNAM ont contribu changer les habitudes. Cela touche principalement les PME et c est une autremanire de les inciter la prvention. Il existe peu dtudes sur limpact conomique de la prvention :une tude allemande et une autre franaise, manant de l INRS. Elles dbouchent sur la conclusionquun euro investi gnre 1,20 euro 1,50 euro dconomies.

    Jean-Franois Naton

    Nous nous puisons financirement soigner les maux occasionns par les mauvaises conditions detravail. Toute la dynamique du bien-tre consiste casser cette spirale pour utiliser ces financements autre chose que des TMS et des burn-out. Nous esprons que les budgets consacrs la sant autravail seront sanctuariss. Je prcise pour Monsieur le dput Poisson que la CGT ne rclame pas desinstances supplmentaires. Au contraire, nous sommes favorables certaines disparitions. Noussommes favorables au travail commun dans les territoires. Dans un souci de dmocratie, il faut rendrela parole aux travailleurs et aux syndicats afin que la consanguinit entre les services de sant autravail et les organisations patronales soit contourne. Le sursaut viendra de l, il ne faut pas sombrerdans le dsespoir.

    Jean-Frdric Poisson

    Merci monsieur Naton, javais mal compris ce que vous aviez dit tout lheure et je prends acte demon erreur. propos de dmocratie et de consanguinit, je rappelle que les employeurs ont uneobligation de rsultats et de moyens en termes de sant et dorganisation du travail de leurs salaris.Personne na voulu partager cette responsabilit au tour de table des comits d entreprise. Prenez lecas des suicides au Technocentre Renault. La cour dappel de Versailles conclut une fauteinexcusable de lemployeur, alors que le DRH ne pouvait rien faire de plus. Tant que le patron sera seulresponsable, il sera impossible de sortir de ce cadre et dimaginer un autre fonctionnement de lamdecine du travail.

    Je regrette de dire que la fonction publique se trouve dans le mme tat , si ce nest pire. Je prside unecommunaut de communes regroupant 200 agents. Le mdecin du travail est tomb malade. Je suisconfront aux cas dun matre-nageur expos au chlore, daides mnagres exposes des problmesde manutention de personnes mobilit rduite et je nai pas de solutions alternatives. Tous les

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    services publics connaissent ce genre de pression sur les organisations. Pour les administrationscentrales, cest leffet de la rduction des effectifs. Pour les collectivits territoriales, cest leffet de laprofessionnalisation. On ne fait pas plus defforts pour apprendre le management lENA que dans unecole de commerce. Les managers territoriaux se retrouvent chefs de service sans formation pralableau management, avec des armes de personnes encadrer. Nous sommes plus lents traiter cesurgences, notamment lorsquil sagit de ressources humaines. Ce nest pas la culture des collectivits.

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    Session IIBien-tre et performance :se sentir bien pour travailler mieux ?

    Dbats anims par

    Bruno LepratJournaliste

    Prsident

    Jean-Frdric PoissonDput des Yvelines

    Intervenants

    ric AlbertMdecin-psychiatre, spcialiste du changement comportementalen entreprise

    Franois CochetDirecteur des Activits Sant au travail, SECAFI

    Charlotte DudaPrsidente de la commission Sant, Association nationale des directeurs

    de ressources humaines (ANDRH)

    Henri ForestSecrtaire confdral, Confdration franaise dmocratiquedu travail (CFDT)

    Herv LanouzireDirecteur gnral, Agence nationale pour lamliorationdes conditions de travail (Anact)

    Patrick Lvy Waitz

    Prsident de lInstitut du temps gr (ITG)

    Thomas PerrinDirecteur gnral adjoint Dveloppement, groupe APICIL

    Jean-Emmanuel RayProfesseur luniversit Paris 1 Panthon-Sorbonne

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    De la sant au travail la qualit de vie au travail : commentmodifier lorganisation du travail ? Le rle des managers

    Henri ForestSecrtaire confdral, Confdration franaise dmocratiquedu travail (CFDT)

    Secrtaire confdral la Confdration franaise dmocratique du travail (CFDT) en charge desconditions de travail depuis 2006, Henri Forest est ce titre administrateur de lInstitut national derecherche et de scurit (INRS), membre du Conseil dorientation sur les conditions de travail(COCT) et du conseil dadministration de lAgence nationale de scurit sanitaire, de lalimenta-tion, de lenvironnement et du travail (Anses).

    Bruno Leprat

    Henri Forest, vous avez particip de nombreuses ngociations sur le stress. Selon vous, commentinstiller cette problmatique de la qualit de vie au travail dans les organisations ?

    Henri Forest

    Je suis frapp du fait que la prise en compte de la sant au travail par les professionnels de sant

    occupe ce point les dbats alors que les politiques qui agissent sur les dterminants du travail sontignores.

    Il importe de passer dune logique de sant au travail sous-traite des experts une politique prise bras-le-corps par les acteurs de lentreprise (dcideurs et reprsentants syndicaux). Dans cette optique,lorganisation est le levier principal et certains employeurs obtiennent un compromis entre performancesociale et performance conomique car ils ont compris quaujourdhui, linnovation sociale et le red-ploiement de lentreprise passent par lengagement et la capacit de cration des salaris.

    Une partie du patronat la compris, lautre se dtourne de ce problme et considre que dautrespriorits simposent elle. Or linvestissement des salaris passe par leur participation l organisationdu travail et le redressement conomique passe par lexploitation de niches de march comptitives.

    Bruno Leprat

    Selon vous, deux leviers existent : le pouvoir dexpression des salaris et la formation de lencadrement.

    Henri Forest

    Lengagement des salaris est primordial, ce qui implique des lieux de dialogue. Pour amliorer laqualit du travail quils fournissent, ils doivent pouvoir remonter leur hirarchie leur vcu en lien avecle management. Il faut donc redonner aux salaris des espaces dexpression formaliss et redonner

    aux managers de proximit la possibilit de grer leurs quipes sur le terrain plutt que de les confinerdans une organisation qui les prive de pouvoir de dcision et les cantonne un rle de reporting.

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    Bruno Leprat

    Quel message souhaitez-vous adresser aux lus locaux ?

    Henri Forest

    Comme la dit Jean-Frdric Poisson, les collectivits territoriales sont confrontes l introduction destechniques de management issues du priv, aux problmes budgtaires et la demande des usagers. ce sujet, je tiens rappeler qu un lu, tout reprsentant des lecteurs quil soit, nen est pas moinssoumis au Code du travail. Selon moi, lANI (Accord national interprofessionnel) ouvre la possibilitdune coconstruction de la dcision stratgique de lentreprise entre employeurs et salaris.

    En ce qui concerne la formation, jestime quil est ncessaire que les sciences de gestion intgrent ladimension humaine dans la formation des leaders dentreprises.

    Bruno Leprat

    Herv Lanouzire, pour les managers de proximit, 90 % du travail concernent le reporting et 10 % seconcentrent sur lcoute, ce qui gnre de la dmotivation.

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    La place des managers de proximit dans la crise de lemploiet dans la crise du travail. Qu attendons-nous deux ?

    Herv LanouzireDirecteur gnral, Agence nationale pour lamliorationdes conditions de travail (Anact)

    Directeur gnral de lAgence nationale pour lamlioration des conditions de travail (Anact), HervLanouzire tait, depuis fvrier 2012, coordinateur scurit de la branche alliages et directeuradjoint de lhygine, de la sant, de la scurit et de lenvironnement au sein du groupe Eramet,groupe mtallurgique et minier. Auparavant, Herv Lanouzire a occup plusieurs postes au seindes ministres en charge du travail. Il rejoint en 2005 le ministre des Affaires sociales, o il estcharg de mission, puis chef de mission et enfin conseiller technique la Direction gnrale dutravail, o il pilote en 2010 la cellule Risques psychosociaux . Inspecteur du travail ds 1988, il a

    t responsable du dpartement formation initiale de lIntefp de 1999 2002, avant de devenir directeur adjoint du

    travail la DDTEFP du Rhne. Herv Lanouzire a publi enjuin 2012 un ouvrage Prvenir la sant et scuritau travail (ditions Lamy).

    Sil y a quelques annes nous devions faire face l urgence de la prise de conscience des risquespsychosociaux, il est temps aujourdhui dapprhender sereinement la question de la qualit de vie autravail. Cest plus quun changement de terminologie : lexemple que je vais prsenter illustre que laqualit de vie au travail ne fait pas appel aux mmes mcanismes. En la matire, il convient decombattre lide selon laquelle une politique de qualit de vie au travail serait un simple gadget.

    Rcemment, un manager mexpliquait quil n tait pas confront des risques psychosociaux, que sonmarch lui offrait une bonne visibilit, quil dtenait les capitaux et les usines adapts, mais quil navaitpas les hommes, cest--dire des quipes motives, ce qui lui posait de nombreux problmes vis--visde ses clients, de son taux de service, etc. Dans une telle situation, le lien entre performance et bien-tre au travail est vident.

    Comme la dit Henri Forest, une distance sest cre entre les managers et les employs. Commentremdier ce problme par la formation, alors que certains managers consacrent 90 % de leur tempsau reporting ? Leur demander de passer chaque matin dans les ateliers ne suffit pas. Les entreprisesdoivent se poser deux questions.

    Quattend-on des managers ? De quoi ont-ils besoin ?On constate alors quils nont pas les bons outils et quun effort de formation est ncessaire pour leurpermettre dacqurir des comptences supplmentaires en organisation du travail et en rsolution deproblmes. Cela ncessite une organisation diffrente du travail, une nouvelle posture vis--vis dessalaris. Par exemple, un salari qui ne porte pas ses EPI (quipements de protection individuelle), lemanager de demain demandera pourquoi ne portez-vous pas vos EPI ? au lieu de lui en fairelinjonction.

    Loin de moi lide de vouloir stigmatiser les managers. Il revient lentreprise de sinterroger sur cequelle attend deux et sur les consignes quelle leur donne, en plaant les questions de sant au travail

    au cur du projet industriel et non pas en les dlguant aux quipes HSE ou RH. Une rvolution doitsoprer et il me semble que ce chantier est dj engag.

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    Bruno Leprat

    Pourrions-nous imaginer que lAnact certifie des formations initiales de managers ?

    Herv Lanouzire

    Ce n est pas le rle de lAnact. Son rle consiste participer lingnierie des dispositifs de formationpermettant aux entreprises et aux universits de passer des messages intgrant cette dimension.

    Bruno Leprat

    Charlotte Duda, les DRH ont-ils compris quinvestir dans la qualit de vie au travail contribue laperformance de lentreprise ?

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    Prsentation des rflexions du groupe sur la sant au travailet premires bauches de propositions

    Charlotte DudaPrsidente de la commission Sant, Association nationale des directeursde ressources humaines (ANDRH)

    Prsidente de la commission Sant, administratrice et membre du collge des conseillers delAssociation nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH), Charlotte Duda a prsidlANDRH de 2004 2009. Elle est vice-prsidente de lAssociation franaise de laccompagnementprofessionnel personnalis (AFAP) et administratrice de lAssociation nationale pour la formationprofessionnelle des adultes (AFPA) et de Centre Inffo. Directrice des ressources humaines dans lesecteur priv depuis 1989, Charlotte Duda a rejoint Stream International en 1999, entreprise deservices dans le domaine des hautes technologies. Psychologue clinicienne, elle a exerc 15

    annes environ dans diffrentes institutions du secteur social tout en poursuivant des activits d enseignement et

    de recherche. partir de 1983, Charlotte Duda a enseign puis dirig le Centre de formation des travailleurssociaux dvry.

    Jaimerais rappeler au pralable que les managers sont des salaris comme les autres, qu ilsnchappent pas aux problmatiques abordes ce matin et quils se trouvent au carrefour dinnom-brables contradictions. De plus, ils sont assez mal outills, soit parce que leur formation initiale estdficiente, soit parce quils sont issus dune promotion interne et nont pas reu de formationsuffisamment large. Face cette situation, les entreprises ne sont pas en mesure de transmettre les

    formations adquates sur les questions qui nous occupent aujourd

    hui.Il est important de rappeler que les entreprises sont diverses selon leur secteur d activit, leur taille(CAC 40, TPE, ETI), leur place dans la chane conomique (donneurs dordres ou sous-traitants), etc.Toutefois, une dmarche vertueuse visant la prise en compte des problmes de sant peut et doit treengage dans tous les cas.

    En tant que DRH, au patron voqu par Herv Lanouzire, j aurais rpondu que faites-vous vous-mme pour entraner vos troupes derrire vous ? . Car ce qui est en cause, c est la capacit transmettre lenvie de sengager dans un nouveau dfi en partageant sur l intrt et la nature desnouveaux enjeux.

    Les entreprises sont engages dans des enjeux business et des contextes de forte pression. S engager

    sur le fond, concernant les questions de sant et mettre en place les actions qui conviennentncessitent de les penser et de sengager dans la dure, ce qui nest pas toujours compatible avec lecourt-termisme qui a envahi le tissu conomique.

    Selon nous, pour convaincre de lintrt sinvestir sur ces questions, les priorits sont les suivantes :

    mettre en place des tableaux de bord ; partager les indicateurs ; tudier les dysfonctionnements et leur impact sur les finances et lorganisation ; engager lensemble des lignes de management ; dfinir des objectifs et en assurer le suivi dans la dure ;

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    sengager dans une responsabilit sociale globale.Dans le groupe de travail, nous nous sommes appuys sur les rsultats des travaux mens par leGP2S au Canada qui dmontrent que pour 1 dollar investi sur les questions de sant (mme prises ausens large, avec des actions de prvention du diabte par exemple), le ROI pour lentreprise peut allerde 1,5 dollar 3 voire 8 dollars.

    Par ailleurs, nous sommes convaincus que sant au travail et sant publique sont intimement lies. Eneffet, certains leviers de la sant ne relvent pas de lentreprise : lquipement des territoires, lelogement, le transport et les modes de garde sont des facteurs dterminants sur lesquels seulescertaines entreprises ont les moyens dagir. De mme, les branches ont ici jouer un rle trsimportant. Et pour revenir aux questions du maintien dans lemploi qui sont si importantes en matire decot de la sant, il est vident que nous avons dvelopper une vraie politique globale d accompagne-ment et de formation individuelle tout au long de la vie professionnelle.

    Bruno Leprat

    Quelle place recommandez-vous pour les mdecins du travail ?

    Charlotte Duda

    Il existe un paradoxe : nous parlons de plus en plus de sant au travail et les obligations augmententsignificativement pour les entreprises alors que les services de sant au travail se pauprisent. Lenombre de mdecins du travail diminue, ils continuent d tre normment investis sur les visitesmdicales alors que les entreprises ont un vrai besoin daccompagnement et daide pour prendreconscience et prendre en compte correctement leurs responsabilits. Les responsables ont besoin deformation et de conseils de la part des structures de sant au travail. Une quipe de direction efficacese doit dtre implique dans la prvention et la recherche du maintien dans lemploi et, selon moi, lesstructures dveloppes avec les SAMETH (Service dappui pour le maintien dans lemploi destravailleurs handicaps) ont dmontr travers la mise en place de plateformes pluridisciplinaires co-agissant avec lensemble des acteurs de la sant que leurs dmarches gnraient un vrai retour surinvestissement pour lentreprise et la collectivit. Le mdecin du travail est un acteur essentiel, maisnous ne devons pas en tre une personne dpendante , il doit sinscrire dans des espaces decoresponsabilisation et de coconstruction.

    Bruno Leprat

    Vous prnez galement la formation au reprage des signes de dysfonctionnement

    Charlotte Duda

    Face ce problme, je dirais quil faut privilgier lcoute : le rle des managers ne consiste pas surveiller et punir mais entendre les difficults ventuelles. La problmatique des signes prcurseursde dysfonctionnement renvoie aux espaces de parole et la formation des managers l coute maisplus globalement tout ce qui touche lhumain.

    Bruno Leprat

    Thomas Perrin, vous avez produit un livre blanc en 2011 : quel en tait le fil conducteur ?

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    Les solutions proposes dans le livre blanc APICILsur les questions de sant au travail

    Thomas PerrinDirecteur gnral adjoint Dveloppement, groupe APICIL

    Directeur adjoint Dveloppement du groupe APICIL depuis 2012, Thomas Perrin est un cono-mtre, diplm de luniversit Paris IPanthon-Sorbonne. Il dbute son parcours en 1996 dans unestart-up Internetet rejoint AGF Sant en 1997, pour prendre en charge les tudes marketing puis lesprojets clientssant. Nomm responsable dveloppement commercial du rseau sant en 2005, ilprend ensuite la responsabilit du canal tlphone pour Allianz France en 2007. Il devient en 2008consultant en stratgie et management et intervient auprs dassureurs, de mutuelles et de groupesde protection sociale pour les accompagner sur des problmatiques de stratgie de croissance et de

    dveloppement. Dernirement, il tait directeur chez Exton Consulting.

    la base de ce livre blanc, nous nous posions les questions suivantes : peut-on concilier performancesociale et performance conomique ? Le retour sur investissement des efforts consentis sur le bien-tredes salaris est-il mesurable ? Or nos travaux ont montr un lien trs fort entre ces notions ; desindicateurs comme labsentisme, le turnover ou le prsentisme (dont le cot peut tre suprieur celui de labsentisme) sont rvlateurs.

    Bruno Leprat

    Quelles sont les conditions ou facteurs cls de la russite ?

    Thomas Perrin

    Lengagement de la structure est primordial. De mme que l coute et lexamen de la problmatique desant propre lentreprise. Pour aider les entreprises, quelle que soit leur taille, nous proposons unedmarche de questionnement individuel et collectif des collaborateurs pour dterminer les axes detravail suivre.

    Bruno Leprat

    Quelle est la finalit de ces programmes daction ? Quel objectif vous donnez-vous ?

    Thomas Perrin

    En tant que spcialistes de la protection sociale, nous souhaitons dpasser ce champ et prendre unenouvelle place dans lcosystme ; cest le sens de notre implantation dans la rgion lyonnaise. Il nousincombe de reprer les problmes et de donner aux entreprises des moyens pour les prendre encharge. Nous les accompagnons sur lvaluation et la mise en uvre de programmes. Les besoins sontvaris : formation, quipement, organisation du travail, action sociale, etc. Notre objectif est desensibiliser 10 % des 900 000 salaris que nous couvrons cette problmatique.

    Jajoute quune baisse de notre chiffre daffaires serait un bon indicateur de russite : elle montrerait quechez chacun de nos clients, le cot de la sant et de la protection sociale a diminu.

    Bruno Leprat

    Jean-Emmanuel Ray, vous avez la parole.

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    Revisiter le droit du travail

    Jean-Emmanuel Ray

    Professeur luniversit Paris 1 - Panthon-Sorbonne

    Professeur luniversit Paris 1 Panthon-Sorbonne depuis 1990, Jean-Emmanuel Ray dirige lemaster 2 professionnel Dveloppement des ressources humaines en apprentissage. Il est parailleurs professeur de droit du travail pour les lves du magistre finance de la Sorbonne, delicence et des masters 2 professionnel et recherche - juristes de droit social. Il assure galement lescours dintroduction gnrale au droit et de droit du travail l Institut dtudes politiques de Paris(IEP) et Mines ParisTech. Diplm de la section politique, conomique et sociale de lIEP de Parisen 1974, il a poursuivi des tudes de 3e cycle de droit social et de sciences politiques. Docteur

    (1983) puis agrg de droit (1984), il a enseign luniversit dAngers de 1985 1990.

    Pour les tudiants auxquels je madresse, gs de 18 24 ans, lentreprise reprsente du stress, de lasouffrance, le suicide, les managers fous, les horaires dingues, les objectifs irralistes. l gard des

    jeunes gnrations, limage que donne lentreprise delle-mme est en soi un problme et jespre quece colloque permettra daider redorer cette image. Mais rappelons que, selon un rcent sondage etcontrairement ce quaffirment les journalistes, 80 % des salaris ont du plaisir travailler, et pas lecontraire.

    Il est certain que la sant a envahi le droit du travail, qu un CHSCT est aujourdhui en mesure debloquer une restructuration et que lintrt universitaire pour la sant sest considrablement accru. Dupoint de vue de la sant au travail, le droit revt un rle majeur. En 2002, la loi sur la sant mentale aentran une rupture fondamentale du champ de la sant au travail. Puis la loi sur le harclement morala donn aux collaborateurs un levier puissant de dnonciation des drives managriales et de lapression applique sur les salaris.

    Par ailleurs, la jurisprudence a cr une obligation de scurit de rsultat. En tant que professeur dedroit, jobserve que cette obligation est un levier essentiel pour les salaris, les syndicats et le CHSCT,mais est-ce une bonne ide pour lefficacit de la politique de sant et de bien-tre au travail ? Unemployeur qui investit beaucoup dans la gestion des conflits et la sant au travail serait considrcomme automatiquement fautif en cas daccident ou dincident (chute dans un chantier, harclementmoral ponctuel). Cette obligation dmobilise les services RH.

    Quelle est la place de la vie professionnelle et personnelle dans notre monde ? Chacun de nous

    rencontre des problmes bien spcifiques et lquilibre entre travail et vie prive chappe totalement audroit. En effet, le droit du travail a t conu sur un mode manufacturier centr sur le physique alorsquaujourdhui ce sont plutt les neurones qui sont mis lpreuve.

    Pour aborder cette problmatique toute nouvelle, je ferais trois propositions :

    il faut changer le mode de dsignation du CHSCT qui occupe aujourdhui une place centrale ; le dialogue social doit tre internalis, salaris et syndicats peuvent se passer dexperts ; la lutte contre le harclement moral doit tre cantonne aux personnes qui ont besoin de protection.

    Bruno Leprat

    Franois Cochet, vous allez parler des CHSCT.

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    Faire des CHSCT un lieu de dbat sur le travail :amlioration de la relation dirigeants / salaris

    Franois CochetDirecteur des Activits Sant au travail, SECAFI

    Directeur des activits Sant autravaildepuis 2009, Franois Cochet est galement prsident de laFdration des intervenants en risques psychosociaux (FIRPS) qui regroupe les principaux cabinetsde conseil travaillant sur ces problmatiques. Franois Cochet rejoint SECAFI (groupeALPHA) en1985 pour dvelopper les missions demandes par les comits dentreprise sur les changementstechnologiques. partir de 1994, les CHSCT obtiennent le droit de demander laide dun expert surles changements importants dorganisation ou en cas de risque grave . SECAFI devient expertagr des CHSCT. Membre du comit de direction deSECAFIde 2000 2009, Franois Cochet a

    dvelopp dans les 8 bureaux de SECAFI des quipes pluridisciplinaires qui regroupent une centaine deconsultants permanents:ergonomes, psychologues du travail, sociologues, ingnieurs, prventeurs, mdecins du

    travail. Titulaire dun doctorat dconomie et dune licence dhistoire, il a travaill sur le thme de lautomatisation etdu travail au CNRS, de 1982 1985, dans l quipe conomie du changement technologique de luniversitLyon II.

    Je pense au contraire de Jean-Emmanuel Ray que le dialogue social a bien besoin des facilitateurs quesont les experts !

    Le cabinet SECAFI ralise chaque anne plusieurs centaines d expertises la demande des CHSCTsur des changements importants dorganisation ou des situations de risque grave. Mon propos est devous faire un bref retour dexprience sur ce qui se passe dans les CHSCT autour de la question bien-tre et performance .

    Paradoxalement, il existe des CHSCT o on ne parle pas vraiment du travail ! Le prsident aborde lesquestions sous langle des cots du travail, des qualifications, de la rglementation. Les syndicats luirpondent en termes demploi, de scurit, de lenvironnement du travail. Cest souvent dans cesCHSCT que lon observe des blocages juridiques, un formalisme excessif, des attitudes dilatoires

    Tous ces sujets de discussion ont leur intrt. Ils traitent de nombreux dterminants du travail, de toutce qui permet au travail de sexercer mais pas du travail lui-mme. Ils n abordent pas lactivit de travailpour reprendre le terme des ergonomes.

    Notre rle dexpert des CHSCT est prcisment daider cette instance remonter la question dutravail lui-mme. Identifier dans les situations de travail daujourdhui ce qui fonctionne bien et quil fautprserver et ce qui pose problme et doit tre corrig. Mais il faut aussi aider les partenaires sociaux imaginer les situations de travail futures probables qui vont rsulter de la mise en uvre d un projet. Enquoi seront-elles efficaces et favorables la sant des salaris ? En quoi poseront-elles problmes ?En identifiant ce qui rend les salaris fiers ou honteux de leur travail, bien dans leur peau ou stresss,on identifie aussi les conditions dun travail efficace et de la performance des entreprises.

    Lenjeu dun fonctionnement utile du CHSCT est d arriver ce que les reprsentants du personnel et lesdirigeants de lentreprise arrivent changer sur la question du travail. Ce qui irrite les salaris auquotidien est aussi ce qui empche de bien faire du premier coup. Dans les mtiers du service, laprescription des comportements ne sera jamais aussi pertinente que le jugement du salari qui on fait

    confiance et qui on donne les moyens d

    changer sur son travail pour corriger ses erreurs etsamliorer en continu. Lorsque le CHSCT arrive sur ces questions, que les dirigeants coutentvraiment ce qui est dit et en tiennent compte dans leurs actions, la confiance devient possible.

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    Les CHSCT qui franchissent cette tape deviennent de vritables ressources pour les entreprises quiveulent rconcilier bien-tre et performance. Cest aussi en revenant la question du travail que lesrelations sociales pourront retrouver un niveau de confiance qui fait tant dfaut dans nos entreprises.

    Le CHSCT doit permettre aux reprsentants du personnel et aux dirigeants de dbattre du travail.

    Bruno LepratPatrick Lvy Waitz, vous tes lauteur avec Yves Messarovitch du livre Jaime ma bote - elle non plus(ditions Hachette Littratures, 2006). Comment crer de la motivation lorsque rgnent la performanceet lindividualisation du rsultat ?

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    Les nouvelles formes de travail pour concilierbien-tre individuel et performance collective ?

    Patrick Lvy WaitzPrsident de lInstitut du temps gr (ITG)

    Dirigeant dentreprises, consultant en stratgie et ressources humaines, Patrick Lvy Waitz estgalement prsident de lInstitut du temps gr (ITG).

    Au risque de vous tonner, selon moi, la question de la sant au travail nest pas le sujet : le vrai sujetest celui de lentreprise, du travail et de lenvironnement dans lequel on se trouve. Pour appuyer monpropos, voici trois chiffres : en Ile-de-France, 18 % du temps est consacr au transport. Dans cecontexte, il y a donc une question sur les rythmes de travail. Sur la dure de travail : avec 1 679 heurestravailles par an (en moyenne) contre 1 869 en Union europenne et 1 904 en Allemagne. De mmedans la dure hebdomadaire de travail, les Franais travaillent en moyenne 35,2 heures par semainesoit lgrement en dessous des 36 heures hebdomadaires dans l Union europenne. Pourtant, pour laproductivit : avec 45,40 produits en une heure par un travailleur franais, la France se classe loindevant la moyenne des pays europens 37 /heure. La France est ainsi devant les tats-Unis

    (41,50 /heure) et mme devant la Sude (44 /heure). Dans notre socit, les mcanismes de travailde la socit anglo-saxonne simposent la ntre alors quelle est fonde sur un modle de typerhnan.

    Si les lois Auroux sont bnfiques aux salaris, j aimerais souligner combien la longueur dun PSEdcid par une entreprise, par la dure de ce processus, est nfaste au moral des salaris. Lincertitudeet la baisse de motivation que cela gnre chez les salaris sont problmatiques.

    De plus, 58 % des salaris estiment quil faut se mfier des employeurs selon une enqute parue en2012, 56 % dentre eux observent que les actes de leurs dirigeants ne sont pas en conformit avec leurdiscours. Ce signal remet en cause notre mode de socit verticale, top down.

    Comment recrer du lien ? Selon moi, lengagement est maximal lorsque lon sadresse ceux qui sontles plus proches du terrain car dans notre ancien mode de gestion, les prises de dcision ne prennentpas en compte la ralit du terrain, ce qui gnre un cart considrable entre le projet et sa mise enuvre. De ce fait, le salari ne voit plus le sens de son action ni lutilit de son travail.

    Par consquent, la coconstruction nest pas un vain mot : pour un manager, s enqurir, auprs dunsalari de niveau n-3, des problmes quil rencontre permet de trouver plus facilement la solutionauprs du n-2 et sa mise en uvre. Il faut que les managers puissent effectuer une transmissionefficace de linformation du terrain et assurent la transp