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7 ème Université Buissonnière 25 & 26 janvier 2017 LaRochelle -La Fédération Nationale des Arts de la Rue 1 Synthèse de l'Université buissonnière #7 La septième Université buissonnière s'est tenue les 24 et 25 janvier à La Rochelle, en partenariat avec le CNAR Sur le Pont, la fédération Grand'rue de Nouvelle Aquitaine, et l'Université de La Rochelle. Elle a rassemblé plus de 250 personnes. Inspiré du Manifeste, son programme proposait un retour sur les droits culturels, une exploration des enjeux de l'espace public face aux restrictions de l'état d'urgence, un travail sur la coconstruction et ses outils (les SODAREP), et sur le 1% Travaux publics. L'idée étant, en cette année électorale, de décliner le contenu du Manifeste comme outil de programme.

Synthèse de l'Université buissonnière #7...Le premier a décliné une version illustrée et abrégée de son texte publié dans le Manifeste : « Les nouveaux arts de faire »

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7ème Université Buissonnière 25 & 26 janvier 2017 LaRochelle -La Fédération Nationale des Arts de la Rue

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Synthèse de l'Université buissonnière #7

La septième Université buissonnière s'est tenue les 24 et 25 janvier à La Rochelle, en partenariat

avec le CNAR Sur le Pont, la fédération Grand'rue de Nouvelle Aquitaine, et l'Université de La

Rochelle. Elle a rassemblé plus de 250 personnes.

Inspiré du Manifeste, son programme proposait un retour sur les droits culturels, une exploration des enjeux de l'espace public face aux restrictions de l'état d'urgence, un travail sur la coconstruction et ses outils (les SODAREP), et sur le 1% Travaux publics. L'idée étant, en cette année électorale, de décliner le contenu du Manifeste comme outil de programme.

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Plénière 1. Les droits culturels en action(s) L'Université Buissonnière #6, à Rennes, était entièrement consacrée aux droits culturels

récemment entrés dans la loi NOTre. Il ne semblait pas superflu d'y revenir cette année :

pas mal d'interrogations subsistent sur la manière dont les professionnels – et les élus-

peuvent les mettre en œuvre.

Pour dissiper des malentendus, nous avons convié Patrice Meyer-Bisch, considéré

comme « père » des droits culturels en Europe. Philosophe de formation, il est membre de

l'Observatoire de la diversité et des droits culturels et coordinateur de l'Institut international

d'éthique et des droits de l'homme et de la chaire UNESCO pour les droits de l'homme et

la démocratie à l'Université de Fribourg (Suisse).

Dans une intervention marquée par la volonté de prendre en compte les problématiques

de l'espace public, il a rappelé quelques fondamentaux des droits culturels :

« Chacun a le droit de s'entendre dire « ton histoire m'intéresse ».

Chacun doit pouvoir trouver les capacités d'exprimer ce qui est singulier en toi et qui est

universel. D'«extimiser une intimité.Ce qui est au centre des droits culturels, ce n'est pas

l'individu, c'est le tissage. Le lien social se fait par croisements et entrechocs. »

Une approche personnaliste, où chaque personne compte et qui suppose l'entretien d' un

« echosystème » culturel riche.

Il a également dissipé quelques malentendus parfois entendus sur l'opposition création/

droits culturels : On est un peu coincé en France par la notion d'œuvre. On pourrait parler

d'ouvrage, qui est un intermédiaire. Cette université buissonnière est un ouvrage. C'est

dans ce travail, ce labeur, le labour des mots qu'on se rencontre. Une pratique culturelle,

c'est le paradigme dans lequel on peut travailler ensemble.

Un discours marqué aussi par la prise en compte de la réalité physique de l'espace public

comme approprié, écrit, où l'art doit exprimer sa responsabilité.« Embellir la rue, c'est faire

qu'elle soit elle même une œuvre. Où commencent et où finissent les arts de la rue ? À

mon avis, l'architecture devrait en faire partie. »

Au passage, il a également réglé quelques comptes avec des mots valises souvent

ressassés, telles que celle de « patrimoine immatériel : « Je suis complètement contre le

patrimoine immatériel. Tout est physique. C'est dans mon corps que je peux dépasser mon

corps » . Et liquidé celle de « non public » : Si un théâtre s'aperçoit qu'il y a du non-public,

c'est qu'il n'est pas un théâtre public ! »

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Atelier 1. Comment repenser nos pratiques au regard des droits culturels ?

La question était posée sur la déclinaison des droits culturels en action dans les ateliers

répartis en cinq groupes. Des échanges et réflexions naissent plusieurs constats positifs,

et certains qui expriment une inquiétude.

Les droits culturels sont perçus comme un outil de dialogue avec les élus, permettant de

mettre en avant la question du sens, face à l'injonction à la demande d'animatoire et

d'événementiel. Ils remettent en question la vieille notion de « non-public » et posent la

question de la gratuité :

« on a enlevé les taxes, l'octroi, pourquoi ne rendrait-on pas tous les lieux culturels

gratuits ? »

C'est aussi une notion qui permet de sortir du face à face artiste/ élu.

Dans les réserves et questionnements exprimés, il y le flou qui subsiste parfois sur une

notion dont beaucoup ont du mal à se saisir dans la pratique. Le discours est parfois

ressenti comme moralisateur et la question est posée de l'équilibre à trouver quand les

droits culturels des uns peuvent entrer en conflit avec ceux des autres, et provoquer un

risque d'autocensure.

Beaucoup constatent que d'ores et déjà, à l'instar de M. Jourdain, ils mènent des ateliers,

des projets de territoire où la parole des habitants est prise en compte, et se relient avec

des énergies citoyennes. Ce qui pose la question de la définition des droits culturels, qui

rappellent les référents, ne sont pas juste solubles et réductibles dans le « projet de

territoire » ou dans le « participatif ». En revanche, ils posent la question de la valeur

donnée à un travail en profondeur auprès d'une population, par rapport à la « course aux

dates » pour son « œuvre », et face à des institutions (notamment les comités d'experts)

restés sur le critère malrucien d’ « œuvres majeures de l'humanité ». La question se pose

donc de la notion d’« expertise » et de l'évaluation de démarches et de processus plutôt

que d'œuvres.

La question fondamentale posée étant : comment peut-on juger sa propre action, savoir si

elle a permis de « faire humanité », « faire société » ?

Une jolie analogie avec l'escalade exprime le pas de côté (ou changement de paradigme)

induit par les droits culturels : « Autrefois, en escalade, ce qui comptait, c'était d'arriver au

sommet. Aujourd'hui le plus important, c'est le chemin que l'on emprunte pour y arriver. Et

pour trouver l'équlibre entre l'horizontalité de nos démarches et la verticalité de l'institution,

il faut faire cordée, plutôt que d'être face à un mur ! ».

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Plénière 2 : À la conquête de l'espace public

Cette deuxième plénière voyait l’intervention en binôme de Luc Gwiadzinski, géographe,

enseignant-chercheur à l’Université de Grenoble au laboratoire et anciennement Président

du Pôle des arts urbains, et de Laure Ortiz, professeur de droit public à l'Université de

Toulouse, et présidente de la FAI-AR.

Le premier a décliné une version illustrée et abrégée de son texte publié dans le

Manifeste : « Les nouveaux arts de faire ». Se présentant comme « un géographe un peu

perdu », il a proposé une exploration des chemins de traverse des pratiques artistiques

dans l'espace public, citant notamment « Les jeunes gens défroqués avant de devenir

urbanistes et architectes ». Il décrit la ville comme « un lieu de maximisation des

interactions et des séparations, trop importante pour être laissée à des spécialistes », où il

faut penser la créolisation et où la sécurité nait de l'accroissement de la présence

humaine. Avant de conclure : « La valeur des villes se résumé à la place qu'elles laissent à

l'improvisation ».

« Les possibles ne vont pas de soi », lui répond en substance Laure Ortiz, dans un

exposé qui décrit une ville « de plus en plus régalienne et de moins en moins publique ».

De la conception d'Habermas*, qu'elle décrit comme une « vision édulcorée refusant le

politique et la conflictualité », nous sommes passés à un espace orienté par des

techniques de pilotages, d'orientation des conduites humaines : « De plus en plus, les

politiques publiques administrent les usages de l'espace public. »

L'inquiétant, précise-t-elle, est que l'espace public est entré dans la loi, avec la loi de 2010

interdisant de dissimuler son visage dans l'espace public. L'extension de la définition

d'espace public va de pair avec l'extension des raisons de contraindre la mobilité ; avec sa

définition légale, public, aucun juriste n'est capable de dire si le domicile de l'assistante

maternelle qui garde vos enfants ou si votre voiture fermée sont des espaces publics.

Et la notion de trouble à l'ordre public, qui auparavant supposait un trouble matériel

(dégradation), une atteinte aux biens et aux personnes, ne cesse de s'étendre, incluant

une forme de « trouble moral ». « Les autorités publiques ont désormais toutes les armes

pour exiger ce qu'elles ont envie d'exiger », conclut-elle.

Quel lien avec les pratiques de l'art dans l'espace public ? La liberté qui devrait être la

règle est devenue l'exception. « Le régime de déclaration est un régime de fausse

déclaration, puisque l'autorité publique peut négocier des conditions. C'est un régime

d'autorisation. Et en transférant les coûts de la sécurité sur les collectivités et les

organisateurs de spectacles, on en vient à rendre obsolète la gratuité de l'autorisation du

domaine public. » conclut-elle, se référant au caractère payant de cet usage acté dans

une ordonnance du 21 avril 2006. L'utilisation gratuite de l'espace public pour une activité

artistique a donc selon elle un caractère d'exonération de plus en plus fragile, face au droit

communautaire européen qui donne à ces activités un caractère d’«entreprise ».

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« Se réapproprier l'espace public suppose donc, conclut-elle, de construire un contre-

référentiel définissant l'activité culturelle comme activité d'intérêt général et une activité.

En récusant le piège de s'afficher comme un service public (prestataire de service) comme

de l'enfermement dans le marché ».

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Texte intégral de l’intervention de Laure Ortiz

L’espace public: un espace pour l’expression artistique et citoyenne ?

Contribution de Laure Ortiz, Professeure de Droit public, Sciences Po Toulouse.

Présidente de la FAI-AR

La sollicitude des pouvoirs publics pour créer des conditions sûres, équilibrées et équitables des

manifestations culturelles dans l’espace public (Mission Nationale pour l’Art et la Culture dans

l’Espace Public (MNACEP) ; mission confiée au Préfet Hubert Weigel…) doit être mise en

perspective avec trois dérives fondamentales qu’expriment la notion juridique d’espace public,

l’extension de la notion d’ordre public et l’évolution des modes de gestion du domaine public. Elle

doit aussi tenir compte du risque (qui peut paraitre encore prospectif) d’une captation des activités

artistiques et culturelles dans le régime des activités à caractère économique.

L’espace public, espace de normalisation matériel et symbole

Tout a été dit sur la polysémie de la notion d’espace public. Dans une vision héritée des théories d’Habermas des années 60-70, l’espace public est identifié à « l’espace de la délibération citoyenne » : le lieu, physique, virtuel, symbolique et métaphorique, « où se forme une opinion publique éclairée par la confrontation raisonnée des convictions et des intérêts ». L’espace public est le lieu démocratique par excellence, intermédiaire entre l’Etat et la société. Depuis les années 1990, le concept n’a cessé de subir des glissements sémantiques et se banaliser comme l’a montré A. Fleury. L’idéalisation de l’espace public s’est accompagnée d’une euphémisation de sa signification politique, c’est-à-dire de l’occultation des luttes, conflits d’intérêt, de classe et d’idéologies dont il est l’objet. L’espace public est, depuis, investi par une pluralité de sens, de représentations, d’usages et de pratiques sociales et politiques. Il est un langage qui charrie autant de valeurs que de malentendus. L’idée ici n’est pas d’en proposer une interprétation univoque mais de préciser comment l’espace public devient de plus en plus le lieu du pouvoir et de la médiation marchande. Réifié, matérialisé, l’espace public est devenu objet de politiques publiques, normé et normatif, dans lequel les citoyens sont convertis en spectateurs, consommateurs ou passants et de moins en moins « des corps parlants » (J-Cl Milner). Au prétexte de prendre en compte les rythmes et les formes diversifiés de la sociabilité et d’en aménager intelligemment la cohabitation, tout l’espace communicationnel, et pas simplement l’espace physique intersticiel de l’habitat, est envahi par les techniques d’orientation, de canalisation et de pilotage des conduites humaines, par la production guidée de signes, de sens et de valeurs (morales et marchandes). Saisie par les doctrines sans cesse renouvelées d’une science disciplinaire de gouvernement, l’espace public, grâce à l’indétermination de ses frontières, fournit au pouvoir prétexte à une extension illimitée de son ingérence. C’est bien la

raison pour laquelle l’introduction de la notion d’espace public dans le droit, avec la loi n° 2010-1192

du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public, a soulevé chez les

juristes une inquiétude quasi unanime1. Au-delà de la restriction circonstancielle que la loi de 2010

lui apporte, la juridicisation de la notion d’espace public constitue une étape de plus dans l’usage

extensif des « territoires, zones espaces » que la puissance publique entend régir.

Espace public, scène de l’ordre public matériel et immatériel

1La loi en question ne circonscrit les espaces concernés que pour son application, en grande partie par crainte d’une

censure par le conseil constitutionnel ou de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Mais outre les incertitudes qui

grèvent déjà ces limites, d’autres interprétations législatives seront possibles, à l’avenir. Voir l’analyse de Olivia Bui-Xuan, « L’espace public. L’émergence d’une nouvelle catégorie juridique ? Réflexions sur la loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public », RFDA, 2011, n° 3, pp. 551-559.

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L’extension « territoriale » du pouvoir de police prolonge celle des finalités d’ordre public qui

légitiment son intervention. Celles-ci ne se limitent plus à la sécurité, la tranquillité et la salubrité

publiques, voire aux bonnes mœurs, dont, traditionnellement, les mesures de police doivent prévenir

les troubles « matériels et extérieurs ». En intégrant dans les composantes de l’ordre public, le respect

de la dignité de la personne humaine opposable à sa propre liberté (affaire du lancer de nains2) et en

ajoutant à sa dimension matérielle (la défense des personnes et des biens) une dimension

immatérielle (la défense des valeurs fondamentales d’une société et ce qu’elle considère comme une

condition du « vivre ensemble » ; par exemple être à visage découvert sur l’espace public), le droit a

élargi le pouvoir de police, désormais autorisé à s’immiscer jusque dans « les consciences ». La

prévention des troubles à l’ordre immatériel ou sociétal affranchit les autorités de police des limites

circonstancielles de temps et de lieux dans lesquelles des décennies de jurisprudence avaient

circonscrit leur pouvoir 3. Exceptionnelle et limitée dans l’espace et dans le temps, la restriction des

libertés publiques peut sur ce nouveau fondement devenir générale et absolue. Comme l’écrit

Christian Bernard, « Dans l’espace public, la liberté individuelle doit s'exprimer dans les limites

culturelles de la communauté nationale à une période donnée » [« Le moment laïcité » 3/3; Institut

jacques Cartier]. La notion d’ordre public offre la possibilité de contraindre à la normalisation, à la

standardisation des conduites culturelles, sociales, marchandes dans un espace sous le sceau d’une

majorité tentée d’imposer sa vision du monde sur un mode aussi communautariste, exclusif,

xénophobe que ceux qu’elle dénonce. L’ espace public – « catégorie juridique aux contours

insaisissables », « inutile et inutilisable »– n’est plus l’espace de liberté et de création citoyenne du

vivre ensemble mais un espace administré, plus policier que policé ; un lieu aux limites imprécises

dans lequel la puissance publique s’impose comme l’intercesseur nécessaire et le codificateur des

modes d’interaction sociale ; un lieu enfin de mise en scène de l’Etat dans sa fonction sécuritaire, à

travers de vains artefacts comme la vidéosurveillance.

L’espace public à péage

Malgré l’abrogation de la censure, les « arts de la rue » sont soumis à un régime d’autorisation sous la fiction d’un régime obligatoire de déclaration préalable4. Par le biais des conditions que les préfets peuvent imposer aux artistes dès la réception de ladite déclaration, la compétence des maires est passée de fait corps préfectoral. L’évolution des régimes de police dans ce domaine se caractérise d’une part, par la hausse des exigences en matière de sécurité et d’autre part, par le transfert sur les organisateurs des coûts des dispositifs à mobiliser. Or cette évolution n’a rien de conjoncturel : l’état d’urgence et les menaces objectives que le risque terroriste fait peser sur les manifestations de tous ordres sont hors de cause dans l’évolution retracée. Au contraire, la politique actuelle vise une normalisation durable de l’usage de l’espace public basée sur un double aggiornamento de son référentiel : 1. la remise en cause du principe de gratuité de l’usage du domaine public ; 2. la redéfinition responsabilités respectives de la collectivité nationale, des collectivités locales et du secteur privé dans les droits d’usage. L’ordonnance du 21 avril 2006 pose le principe de l’occupation payante du domaine public (hors d’une affectation normale réduite à l’usage trivial anonyme) et de l’utilisation du matériel municipal par les associations culturelles. Selon l’article L. 2125-1 du Code Général de la Propriété des Personnes Publiques, « l'autorisation d'occupation ou d'utilisation du domaine public peut être délivrée gratuitement aux associations à but non lucratif qui concourent à la

2Robert Hanicotte, « Espace Public, impasse des libertés », La Semaine juridique, JCPA, N° 26,2 juillet 2012, 2227. Voir

l’affaire du lancer de nain : CE 1995, Morsang-sur-Orge, et même date Vilel d’Aix-en-Provence ; l’affaire tecknival : TA Châlons-en-Champagne, ordo. 29 avr. 2005, Conservatoire du patrimoine naturel, Ligue de protection des oiseaux et Fédération des conservatoires d'espaces naturels c/ Préfet Marn. Note Ph. BILLET, « Le juge des référés, la rave-party et les petits oiseaux », JCP Adm. Et Collectivités territoriales n° 21, 23 mai 2005, 1216]…. 3Laure Ortiz, L’érosion de nos libertés. Entretien avec Anne Gonon, Stradda, n° 39, 2016. http://horslesmurs.fr/stradda-

fait-peau-neuve-2/ 4sanctionné pénalement par l’article 431-9 du code pénal : jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 7500 euros d’amende.

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satisfaction d'un intérêt général ». La jurisprudence du conseil d’Etat exige un «intérêt communal certain». L’article 2125-3 précise : « La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ». De plus, l’article L2213-6-1 du CGCT créé par LOI n°2009-526 du 12 mai 2009 - art. 101 autorise le maire, dans la limite de deux fois par an, à « soumettre au paiement d'un droit l'accès des personnes à certaines voies ou à certaines portions de voies ou à certains secteurs de la commune à l'occasion de manifestations culturelles organisées sur la voie publique, sous réserve de la desserte des immeubles riverains ». La rétrocession d’une partie des sommes collectées aux organisateurs peut se faire sous forme de subvention dans les conditions prévues par la loi. En l’occurrence, les dispositions de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations et de l’article 1er du décret n° 2001-495 du 6 juin 2001 rendent obligatoire la conclusion d’une convention d’objectifs définissant l’objet, le montant et les conditions d’utilisation de la subvention attribuée aux organismes de droit privé bénéficiant d’une subvention supérieure à 23 000 € par an. L’aggiornamento se base sur la nécessité de rétablir un partage équitable des charges publiques entre contribuables et usagers. Si les collectivités territoriales se sont montrées jusqu’à présent assez réticentes à mettre en œuvre ces prérogatives fiscales, il est clair que la montée en charge des transferts financiers que l’Etat menace de faire peser sur elles en matière de sécurité les pousse à réviser leur position. C L’état d’urgence n’est qu’un accélérateur de la mutation du système de régulation de l’espace public et des activités singulières qui s’y déroulent, quand bien même celles-ci ne seraient que la manifestation de libertés fondamentales (liberté d’expression, de manifestation, de réunion, de communication et de création). Les pouvoirs publics disposent déjà d’un arsenal juridique et fiscal étendu pour soumettre les activités à des contraintes hors de proportion avec les moyens des Arts de la rue (possibilité de demander le remboursement des coûts de sécurité générés pour la collectivité si les forces de police concourent à la satisfaction d'un intérêt particulier) et probablement antagonique avec leur éthique et la liberté de création. On peut deviner, sans être grand clerc, que l’instrumentalisation du discours sécuritaire aidera à lever les limites posées in extremis à la remise en cause du principe de gratuité à l’occasion des débats parlementaires sur les lois de 2006 et 2009. Face à ce discours, il importe donc, pour les entrepreneurs de spectacles, en premier lieu d’être en mesure de justifier quantitativement et qualitativement l’intérêt public local que tire la collectivité de l’activité culturelle ou artistique au-delà du public usager. Il importe en deuxième lieu, non seulement de rappeler l’Etat à sa mission première de sécurité, mais d’être en mesure de discuter de la nécessité, l’adéquation et la proportionnalité des mesures de sécurité imposées, lesquelles ne peuvent, à mon sens, s’apprécier dans leur pertinence technique qu’à l’échelon local ( cf la bataille contre le référentiel national de la mission Weigel). En troisième et dernier lieu, les entrepreneurs de spectacles doivent prendre conscience qu’ils ne résisteront pas à la logique de transferts des coûts en renvoyant simplement l’Etat à ses missions fondamentales de sécurisation des populations, sans s’interroger sur le statut qu’ils revendiquent pour leur activité. « L’exception culturelle » ou les « droits culturels » ne suffiront pas à préserver les artistes et organisateurs d’évènements culturels des effets dévastateurs de l’assimilation croissante des activités sociales à des activités marchandes, quand bien même elles sont à but non lucratif. S’afficher comme une entreprise pour récupérer la TVA d’un côté et revendiquer un statut de prestataire de service public de l’autre, c’est, dans un cas, accepter de se placer dans une logique de redevance ; dans l’autre c’est accepter de se plier à une logique de commande publique.

Laure Ortiz

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Atelier 2 Pratiques de réappropriation de l'espace public dans le contexte de l'état d'urgence

Les référents des ateliers ont rappelé le contexte : l'imminence du rapport de la

commission Weigel, dont on sait que les préconisations (lieux clos, barrières, contrôles)

vont à l'encontre des pratiques et de l'éthique de la profession. Rappelons les mots du

Préfet Weigel lors de la première réunion du groupe de travail auquel la Fédération est

associée : « il faut que les arts de la rue fassent leur révolution culturelle et jouent à

l'intérieur. »

Dans les différents groupes, cet atelier a été l'occasion de faire un constat partagé :

L’état d'urgence, d'exception, est en train de devenir la norme, et de grignoter peu à peu la

liberté de création, d'expression, de rassemblement et de circulation dans l'espace public.

Beaucoup de participants ont des expériences aberrantes à relater : cela va du village

auquel on veut imposer une fermeture de l'espace pour un spectacle joué à l'occasion du

11 novembre un dimanche à 10 heures du matin, à la parade fermée de Nanterre

encadrée par des militaires. L'inquiétude est de mise face aux événements de l'été,

puisque ce rapport émet des « préconisations » dont on sait qu'elles seront très

majoritairement suivies à la lettre par des élus soucieux de déployer le parapluie. A fortiori

quand ce sont de petites collectivités, ayant peu de moyens : « c'est une perche tendue

aux élus pour annuler un événement qu'ils ne soutiennent pas vraiment », soulignent des

participants. Car, comme les référents et bon nombre de participants l'ont rappelé, les

surcoûts d'une organisation « sécurisée » ne sont pas pris en charge par l'État, et

représentent à titre d'exemple 50000 euros pour Châlon et 200000 euros pour Aurillac. Et

les bénéficiaires de ces surcoûts sont des sociétés privées de sécurité aux pratiques

professionnelles et sociales discutables. En admettant même qu'une collectivité assume

les surcoûts ou que l'Etat verse sa quote part, c'est faire bénéficier de l'argent public fléché

« culture » à ces sociétés.

Les débats ont porté sur la stratégie à adopter en vue de la sortie de ce rapport, face à un

état d'esprit sécuritaire largement partagé par la population et qui induit aussi de la

censure et de l'autocensure (cas de spectacles où un personnage brandissait une arme).

La riposte à l'échelon local :

La priorité est donc d’informer la profession du fait ces mesures ne sont que des

préconisations et que chaque organisateur doit négocier avec l’autorité compétente les

mesures adaptées à la situation et au site. Il a été envisagé préparer une liste d’arguments

et de solutions alternatives sur la base de ceux avancés par les DT qui nous représentent

à la commission (risques liés au barrièrage).

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Les professionnels le rappellent : ils ont toujours sécurisé leurs événements. La sûreté, en

revanche n'est pas de leur ressort. Mais ils sont habitués de la gestion des flux de

population peuvent souligner, auprès des élus, ce qu'ont d'aberrant et de contreproductif

certaines mesures : Filtrages provoquant la concentration de files d'attentes, groupes

béton pour bloquer l’entrée des véhicules dans une enceinte qui de fait empêchent l’accès

pompiers... La profession dispose d'un argument fort : « fermer, c'est créer des risques ».

Autre constat : toutes sortes de rassemblements continuent à se tenir dans l'espace

public. Les villes (heureusement) n'ont pas fermé leurs marchés accueillant des milliers de

personnes ; à partir de là, quelle logique contraindrait à fermer le périmètre mitoyen

accueillant des spectacles ?

L'urgence est donc de lancer en amont le dialogue avec les collectivités, et leurs

associations représentatives (Association des maires de France, FNCC) en appuyant

l'idée de coresponsabilité : responsabilité partagée entre les organisateurs, les élus, les

artistes, les citoyens.

Riposte nationale

Face à cela, la Fédération a adopté à la quasi-unanimité une attitude ferme et unie :

« Nous ne jouerons pas derrière des barrières ». Attitude qui s'est concrétisée par une

lettre au Président de la République affirmant notre position. 5

5Depuis, trois administrateurs ont rencontré Régine Hatchondo à la DGCA. Le résultat est accablant : il est demandé à

la profession de se soumettre à toutes les consignes de sécurité, contre la promesse d'une contribution du ministère...

dont les responsables auront changé d'ici là.

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Plénière 3/

Administratrice du collectif le Bruit du Frigo, Jeanette Ruggeri a détaillé quelques actions

de ce collectif qui a pour objet de « Donner de la générosité aux espaces publics, en faire

des espaces de vie ». Le Bruit du Frigo a été initialement créé par Gabi Farage pour

prendre en compte la parole des habitants et des usagers dans l'architecture. Il fonctionne

soit en répondant à des appels d'offres publics et des commandes artistiques, soit en

initiant ses propres projets subventionnés.

De longue date, ce travail de construction participative, pérenne ou éphémère, sur

l'espace public se fait en concertation avec les pouvoirs publics. « Non sans difficultés, a

détaillé Jeanette Ruggeri, notamment en raison de la difficulté à faire bouger les cases

administratives ». Quand on crée des œuvres artistiques en forme « refuges urbains » où

le passant ou l'habitant peut dormir une nuit, relève -t-on du tourisme, de l'aménagement,

de la politique de la ville ? Les cases habituelles ne correspondent pas à la réalité des

pratiques.

Jany Rouger lui succédait et s'est exprimé depuis sa double casquette de musicien-

collecteur de cultures traditionnelles, d'élu local et d'ancien président de l'agence culturelle

Poitou Charentes (aujourd’hui siégeant au CESER et vice-président de la FNCC. Il nous a

livré son intervention écrite :

VERS LA CO-CONSTRUCTION

Rencontrer la culture de l’autre

Jany Rouger

D’où je parle…

Itinéraire d’un enfant de paysan, à qui l’école a permis de s’ouvrir au monde, et

paradoxalement de redécouvrir sa propre culture…

Vivre les droits culturels, c'est faire l’expérience de l’altérité.

Rencontrer la culture de l'autre, c'est d'abord frapper à la porte du voisin. L'exotisme est au coin de la rue.

Quand j'ai commencé à m'intéresser à la culture de mes parents, de mes voisins, de mon canton, ce n'est pas

parce qu'elle m'était familière ; elle l'était sans doute par certains aspects, mais elle m'était aussi étrangère,

parce qu'elle était rejetée par l'école, et par la culture officielle. L'autre, c'est d'abord cette part de soi que l'on

rejette dans les oubliettes du "culturellement correct".

Sillonner les routes paysannes de mon Bocage natal à l'écoute des "musiques au bois dormant" des violoneux,

ou des parlanges des villages m'a sans doute permis de me réconcilier avec cette part de moi-même que j'avais

laissée à la porte de l'école, ou abandonnée de peur qu'elle ne m'encombre sur les chemins du progrès, auquel

me destinait le monde qui m'entourait.

Et se réconcilier avec soi-même, c'est épanouir sa dignité culturelle, c'est se mettre en capacité de dialogue

avec l'autre. Le chemin de la rencontre de l'autre passe par la reconnaissance de l'autre qui est en soi !

Pour ce qui me concerne, c'est la rencontre avec cette culture populaire locale qui m'a aidé à rencontrer les

autres cultures populaires, qu'elles soient celles de mes proches voisins ou de communautés plus lointaines.

Si les droits culturels sont ceux de la personne, et partie prenante des droits humains de chacun d’entre nous,

ils sont en réciprocité ceux du respect et de la reconnaissance des autres, et de la culture de l’autre. Pourquoi

introduire ainsi le sujet ? C’est que la co-construction repose d’abord sur ce respect de l’autre.

Avant de proposer des éléments sur la co-construction, quelques mots sur le parcours qui m’a nourri. Après

l’engagement associatif, l’engagement en tant qu’élu.

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A Parthenay : rendre le citoyen acteur.

Une politique culturelle, qui vise à développer la créativité de chacun et son ouverture au monde, est le socle

fondamental de toute politique publique.

C’est pourquoi la culture n’est pas une compétence ou un secteur, mais bien une responsabilité fondamentale

des pouvoirs publics.

Au sein de la FNCC : une Fédération de collectivités pour la culture

L’engagement de la FNCC pour les droits culturels, s’appuyant sur les textes de l’UNESCO.

Le texte d’orientation de la FNCC : des politiques publiques de la culture pour les personnes par les

territoires.

Comment construire des politiques en commun ?

Quels sont les éléments de réussite de la co-construction des politiques publiques ?

Identifier les partenaires ?

- Deux grandes catégories d’acteurs : les pouvoirs publics et les acteurs

- Au sein des pouvoirs publics, en fonction des projets, collectivités territoriales et représentants de

l’Etat

- Qui sont les acteurs ? Préalable nécessaire sur une représentation légitime…

- Exemple du SOLIMA : les trois entités doivent être présentes à toutes les étapes de la mise en place.

Les conditions fondamentales du partenariat :

- La communauté d’intérêt au niveau des finalités : que ce qui motive l’action soit du même ordre au

niveau des partenaires.

- La parité d’estime : qu’il puisse y avoir un rapport entre les partenaires qui ne soit pas d’ordre

hiérarchique.

- Le partage du pouvoir : par nature, être partenaire avec quelqu’un c’est accepter de renoncer à une part

de ses propres conceptions et de ses propres responsabilités.

- Le temps de construire : quand on travaille en partenariat, ça suppose le temps de construire ce

partenariat.

Etapes de la co-construction

- Diagnostic partagé

- Propositions d’un phasage et des actions à conduire

- Co-construction n’est pas co-décision

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Ateliers 3

Les ateliers succédant à cette troisième plénière se partageaient autour de deux sujets : les

SODAREP (schémas d'orientation pour le développement des arts dans l'espace public) et

le 1% Travaux publics.

I. Le 1% travaux public

CR de l'atelier mené par Fabienne Quéméneur

Pour expliciter cette notion assez technique Fabienne a partagé son expérience d'ateliers

menés autour du 1% travaux publics, qui a surtout rassemblé des acteurs du milieu culturel.

Ce récit a résumé et suscité de multiples interrogations portant à la fois sur le fond et le sens

d'une telle mesure, son application et sa gestion.

- Le sens des actions potentiellement financées par le 1% Travaux publics :

Peut-on fabriquer du désir sur cette base ? Comment faire pour résister à

l'instrumentalisation qui ferait d'un projet un vecteur de communication un peu déviant, voire

un pansement qui permettrait de « supporter les travaux près de chez soi en rigolant » ? La

question du sens est cruciale aujourd’hui. *

– La gouvernance

Le 1% (qui est un horizon) d'opération lourdes d'aménagement public peut générer des

fonds considérables. Comment les gérer, sur quelles procédures les attribuer ? Si des fonds

d'intervention sont mis en place, à quel échelon territorial ?

– Technicité et calendrier

À quel moment l'artiste est-il associé à un aménagement et un marché public ? Quelle

relation avec les urbanistes et architectes ? Comment faire pour que l'intervention artistique

ne se réduise pas à l'animation, voire au pansement, d'un projet d'aménagement ?

_ Traces :

Comment inscrire un projet d'art vivant dans le temps, en garder des traces prenant elles -

mêmes la forme d'un objet artistique ?

Cinq groupes de travail ont planché sur les questions posées.

1. Susciter le désir

L'idée est de faire de l'artiste à la définition des villes et des territoires du futur. Sont lancées

les idées d' « artiste municipale » ou de « brumisation artistique permanente » (pour en finir

avec les festivals ! De donner à l'artiste un rôle comparable à celui de l'écrivain public, en

créant une forme de « dispensaire artistique ».

Au coeur de ces idées foisonnantes, il y a une affirmation politique : la conviction que ce

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sont les humains et leur tissage relation qui fabriquent la trame vivante de la ville.

Quelques inquiétudes s'expriment, dont le risque de la prime au marketing pour ceux qui

sauront ficeler les bons dossiers propres à séduire aménageurs et élus. (La question s'est

posée à Rennes, avec la mise en concurrence d'équipes occupés à forger un langage

commun avec une agence de marketing).

Il est également exprimé un besoin de partage de ressources et d'expériences.

2. La gestion

Deux modes de gestion d'attribution des fonds sont possibles : soit la mise en place de

commissions réunissant maître d'ouvrage, maître d'œuvre, DRAC, urbanistes,

philosophes...

Soit un fonds collecte l'argent à la manière des sociétés de droits d'auteur. Une collectivité

peut également choisir d'associer des artistes à un projet d'aménagement dès l'amont.

La question de compétences nouvelles à acquérir est aussi posée.

Au-delà, l'association des artistes à l'aménagement des territoires pose aussi la question de

quels territoires nous souhaitons. Comment les retravailler en plaçant l'art et la culture au

centre et comment prendre en compte les droits culturels dans ces aménagements ?

Quelles collectivités sont concernées ?

3. Savoir-faire et compétences

Comment fonctionne un marché public d'aménagement, et où l'artiste doit-il se situer ? Avec

qui entamer le dialogue ? Faut-il se rapprocher des maîtres d'œuvre, architectes et

urbanistes ? Cela suppose une connaissance technique des procédures que les artistes ne

maîtrisent pas forcément, et un risque de complexité accrue. Une objection apparaît : le

risque de devoir, encore plus qu'habituellement, se frotter au politique.

Le constat est fait qu'il ne s'agit pas de mélanger les rôles et les degrés d'intervention : « un

artiste ne peut pas changer ses plans, nous, on le peut ».

Le besoin de ressources, éventuellement d'un lexique, est de nouveau exprimé.

4. La trace

Quand un projet de territoire s'arrête, il peut créer un choc de déprime en retour. L'idée est

de travailler sur son prolongement au travers des traces (vidéo, photos, dessin, éditions). Il

y a une zone d'invention à trouver, où la trace devient elle aussi un objet artistique et susciter

des réflexions – ce qui justifie que le financement la prenne en compte. Actuellement, il est

difficile de chiffrer ce travail de recherche qui suit une action.

II. Les SODAREP

L'acronyme SODAREP (qui n'existe actuellement que dans les textes de la Fédération)

signifie Schéma d'Orientation des Arts de la Rue et de l'Espace Public. Il s'agit d'un outil

de co-construction des politiques publiques, dans le sillage de ceux créés pour les

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musiques actuelles : les SOLIMA, et pour les arts visuels, les SODAVI. Un processus

horizontal et non -hiérarchique de concertation permanente associant l'ensemble des

acteurs d'une profession aux élus et techniciens des collectivités, aux représentants de

l'Etat et à d'autres acteurs de la société civile. La démarche emprunte à celle de

l'observation participative et partagée, mais entend aller au-delà de l'analyse et proposer

des actions.

L'objectif :

Favoriser une logique de coopération et complémentarité plutôt que de concurrence entre

les acteurs de la profession ;

Travailler dans une logique d'intérêt général, de transparence et d'égalité entre acteurs de

la profession, élus, services de l’État, des collectivités et citoyens. C'est ce dernier mot qui

singularise la démarche des SODAREP vis-à-vis de celle des autres réseaux : la co-

construction doit laisser une place au citoyen, dans une démarche d'application concrète

des droits culturels.

Les stratégies et moyens :

Qui peut impulser cette démarche, et comment ?

Les SODAREP veulent partir de démarches pragmatiques, tenant compte de ce qui existe

et de ce qui manque comme présence artistique sur le territoire pour construire ces lieux

de concertation. Une démarche qui se heurte aux difficultés concrètes du manque de

temps des acteurs. Le rythme en est un élément fondamental à définir. Le SODAREP est

un processus, un dialogue qui se construit dans la durée, inventorie les ressources

présentes sur le territoire et doit aboutir à une permanence de la concertation, qui doit

aussi être rythmée par des décisions.

La question de l'échelle se pose. La carte n'est pas le territoire et plusieurs participants

d'atelier ont souligné qu'une communauté d'intérêt ne suivait pas forcément la logique de

découpage administratif territorial.

La communauté d'intérêt est en effet la première étape de cette construction. Cette notion

de communauté d'intérêt semble intéresser les DRAC. Comment se met-elle en place ?

Le rôle de l'État est questionné : peut-il avoir un rôle d'incitateur et donner une légitimité

aux professionnels en tant qu'acteurs de politiques culturelles ?

Plusieurs soulignent que cette construction de schémas de développement culturels

devrait être un devoir pour les collectivités, et non une simple option. Tout en soulignant

qu'il ne s'agit surtout pas d'instaurer une modélisation, mais de partir des expériences

dans leur diversité.

Quelles conclusions tirer de ce qui existe déjà dans les autres disciplines ?

Contrairement aux SOLIMA, dont la démarche est liée à l'État par un comité de suivi, le

CGDC. Les SODAREP s'expérimentent actuellement sans inscription dans les textes

officiels. Les professionnels ont tenté de faire en sorte que le décret du ministère de la

Culture et communication à paraître sur les labels intègre dans leurs mission la création

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d'espaces de concertation, mais c'est un combat de longue haleine.

En résumé, l'objectif est aujourd'hui d'expérimenter, de défricher le terrain, sachant que

plus d'exemples seront probants, mieux l'idée s'imposera.

Quatrième plénière

Synthèse finale de l'Université buissonnière

Après les restitutions d'ateliers, le débat final de l'Université buissonnière a surtout porté

sur l'actualité : la menace pesant sur les festivals de l'été avec l'attente des préconisations

de la mission Weigel à paraître en mars. La question est posée aux participants :

refusons-nous clairement de jouer derrière des barrières ? Et que faisons-nous pour éviter

cette situation de contrainte ?

Le débat a été vif sur la notion de ruse avec les contraintes, et le risque d'autocensure.

Mais une position ferme a été adoptée par les participants, avec la décision d'une lettre

ouverte adressée au Président de la République.

La question de Châlon a été également posée et reste toujours sans réponse. Aucun

directeur n'est nommé et l'inquiétude est de mise pour un rendez-vous fondamental de la

profession.

Et aussi...

Cette synthèse serait fort incomplète si elle oubliait celles, savoureuses, proposées par

Aline et compagnie à la fin de chaque plénière, qui maîtrisent l'art de retenir la phrase qui

fait mouche et de restituer avec humour !