SYNTHÈSE DES DÉBATSLes grands défis de l’entreprise, les enjeux et les perspectives de 2019… tel était l’objet des trois tables rondes organisées conjointement par CGI Business Consulting et Les Échos. Elles ont réuni des personnalités d’exception qui ont accepté de témoigner de leurs expériences et de partager leurs réflexions autour de trois grands thèmes : l’entreprise inclusive et collaborative  ; l’entreprise protectrice et l’entreprise innovante et compétitive. Ensemble, ils ont dessiné les grandes tendances de 2019.

Benoît Froment et Caroline de Grandmaison ont ouvert les débats en dévoilant les résultats d’une enquête qui a été réalisée auprès de 1 400 clients répartis dans une quarantaine de pays. Le thème : les enjeux des entreprises pour 2019. Naturellement, la transformation digitale arrive dans le « Top 5 » de leurs préoccupations, avec des sujets majeurs comme l’exploitation de la data, l’analyse prédictive, la conformité réglementaire et la cybersécurité.

L’ENTREPRISE INCLUSIVE ET COLLABORATIVE

Le management et la mobilisation des hommes sont des éléments clés pour faire face à un environnement de plus en plus complexe. Alexandre Collinet prône la nécessité d’une entreprise

collaborative où tous les salariés s’engagent autour des mêmes valeurs, pour susciter le potentiel de créativité et d’innovation qui va contribuer à la réussite de l’entreprise. « Le manager ne doit pas tout faire mais faire travailler ensemble les équipes », dit-il. Ce qui est d’autant plus nécessaire que sa société recrute près de 150 nouveaux collaborateurs chaque année. « Nous avons mis en place des formations ad hoc de dix jours à destination des managers, intégrant les valeurs phares de la société pour qu’ils puissent ensuite former leurs propres collaborateurs » poursuit-il.

Claire Pedini souligne en effet l’importance de l’adhésion des salariés aux mêmes valeurs. À partir d’une étude réalisée en interne, le groupe a extrait cinq valeurs fondamentales : la capacité à être proche du client, d’agir en entrepreneur, d’innover, d’être agile et de développer l’ouverture et l’engagement. « Pour donner l’envie à nos collaborateurs de s’engager avec nous, il faut leur permettre de donner du sens à leur travail, particulièrement à travers l’autonomie », insiste-t-elle.

Benoît FROMENT Vice-président ressources humaines, CGI BUSINESS CONSULTING

Caroline DE GRANDMAISON Vice-présidente distribution, produits de luxe et grand public et industrie, CGI BUSINESS CONSULTING

Mardi 13 novembre 2018

1LES GRANDS DÉFIS DE L’ENTREPRISE 2019 #2 • Synthèse des débats du mardi 13 novembre 2018

Table-rondes animées par Florent VAIRET, LES ECHOS START

1) L’entreprise inclusive et collaborative

Alexandre COLLINET, Directeur général adjoint, LEBONCOINCaroline GUILLAUMIN, Directrice des ressources humaines, SOCIÉTÉ GÉNÉRALEClaire PEDINI, Directrice générale adjointe, chargée des ressources humaines, SAINT-GOBAINBiliana TODOROVIC, Directrice en charge des activités People, Change & Transformation, CGI BUSINESS CONSULTING

2) L’entreprise protectrice

Loïc GUEZO, Référent cyber-menaces, POLICE NATIONALEÉric PÉRES, Vice-président, CNILArnaud TANGUY, Chief Security Officer, AXAHervé YSNEL, Vice-président en charge des activités conseil sécurité, risque et continuité d’activité, CGI BUSINESS CONSULTING

3) L’entreprise innovante et compétitive

Arnaud CARTIGNY, Vice-président en charge des activités retail et luxe, CGI BUSINESS CONSULTING Florence CHAFFIOTTE, Directrice marketing, digital et innovation, MONOPRIXGilles COCHEVELOU, Chief Digital Officer, TOTALMichel de ROVIRA, Fondateur, MICHEL & AUGUSTINVania RIBEIRO, Chief Digital Officer, RATP

Alexandre COLLINET Directeur général adjoint, LEBONCOIN

LES GRANDS DÉFIS DE L’ENTREPRISE2019 #2 L’entreprise inclusive,

collaborative, protectrice, innovante et compétitive

#Défis2019

Claire PEDINI Directrice générale adjointe

chargée des ressources humaines, SAINT-GOBAIN

LES GRANDS DÉFIS DE L’ENTREPRISE 2019 #2

L’entreprise inclusive, collaborative, protectrice, innovante etcompétitive

2LES GRANDS DÉFIS DE L’ENTREPRISE 2019 #2 • Synthèse des débats du mardi 13 novembre 2018

Caroline Guillaumin abonde dans ce sens : « Si le dynamisme et l’envie doivent être présents chez les employés, la volonté de faire bouger les lignes doit venir, elle, de la direction. Sinon, c’est l’immobilisme assuré. » Au sein du groupe bancaire, il a ainsi été décidé de réduire les couches de la hiérarchie et des intermédiaires pour se recentrer sur 27 principaux métiers. En « obligeant » les directeurs à dialoguer avec leurs collègues des autres services afin qu’ils définissent ensemble des stratégies à mettre en place. La banque pousse même le concept plus loin en supprimant le comité exécutif de l’organigramme. « Ce qui oblige tout le monde à partager les informations. Le but étant que le travail de chacun améliore le résultat des autres services », complète-t-elle. Elle croit également à l’entreprise inclusive, cette capacité à dépasser les profils types pour intégrer des personnes différentes, telles que les personnes handicapées par exemple. « Pour cela, il faut donner des signaux clairs et explicites à nos collaborateurs. Le monde bancaire a besoin de diversité pour continuer à avancer », conclut-elle. Le principal défi pour les sociétés, quelles que soient leurs activités ou leur tailles, est de s’ouvrir à l’ensemble des compétences disponibles. « Il est important de faire de l’humain un vecteur de richesse, notamment grâce à la puissance de l’intelligence collective. Travailler ensemble contribue au succès de l’entreprise, et cela passe par

des expériences positives qui vont donner à l’ensemble du personnel l’envie de s’engager », résume Biliana Todorovic.

L’ENTREPRISE PROTECTRICE

Qui dit transformation numérique dit également mesures de protection. Loïc Guezo regrette qu’il n’existe que peu de chiffres officiels pour mesurer les conséquences réelles des cyber-attaques. Selon le Ministère de la Santé, un poste informatique infecté coûterait à la structure 45 000 euros. Les chefs d’entreprises jugent les cyber-attaques comme des menaces sérieuses. « Les sociétés doivent, bien

sûr, se doter des bonnes techniques de protection mais le meilleur rempart reste l’humain grâce, notamment, à la formation », observe-t-il. Il conseille, avant de se doter des bons outils technologiques, d’établir une feuille de route en désignant un responsable capable de définir les risques et les données à protéger, ne serait-ce que pour faire les bons investissements. Des propos corroborés par Eric Péres, pour qui le traitement des données est un véritable enjeu économique, un élément de différenciation qui permet aux entreprises de rester compétitives.

Selon lui, 65 % des attaques sont d’origine malveillante et 15 % sont humaines. « L’entreprise doit comprendre que la sécurité numérique n’est pas seulement l’affaire des directeurs des systèmes d’information (DSI), des techniciens informatiques ou du service juridique mais d’abord celle des salariés », martèle-t-il. Arnaud Tanguy valide ces propos : « Il faut mettre l’humain au cœur de cette sécurité. ». Il souligne, par exemple,

l’importance de sensibiliser les salariés au fait d’éviter de cliquer sur des liens de provenance inconnue qui risquent d’infecter le réseau. « L’approche doit être globale », poursuit-il.

Hervé Ysnel confirme la responsabilité des employés : la navigation sur les réseaux sociaux ou encore l’utilisation de mots de passe personnels peuvent rendre leurs entreprises vulnérables au piratage numérique. « Il faut que la prise de conscience de ce danger et la nécessité de sensibiliser les intéressés viennent de plus haut. Le comité exécutif comme le conseil d’administration doivent s’en saisir », poursuit-il. Il admet néanmoins qu’en France il y a peu de crises majeures car il y a une meilleure prise en compte de la sécurité numérique depuis la mise en place de la loi de 2018 sur le RGPD (Règlement général sur la protection des données).

L’ENTREPRISE INNOVANTE ET COMPETITIVE

L’innovation est partout, elle fait partie des priorités définies par les entreprises, spécialement en ce qui concerne la satisfaction des clients à travers leurs expériences d’achats. «  De plus en plus d’entreprises

Biliana TODOROVIC Directrice en charge des activités People, Change et Transformation, CGI BUSINESS CONSULTING

Hervé YSNEL Vice-président en charge des activités de conseil sécurité, risque et continuité d’activité, CGI BUSINESS CONSULTING

Arnaud TANGUY Chief Security Officer, AXA

Caroline GUILLAUMIN Directrice des ressources humainess

SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

Eric PÉRES Vice-président,

CNIL

Loïc GUEZO Référent “cyber-menaces”,

POLICE NATIONALE

LES GRANDS DÉFIS DE L’ENTREPRISE 2019 #2

L’entreprise inclusive, collaborative, protectrice, innovante etcompétitive

3LES GRANDS DÉFIS DE L’ENTREPRISE 2019 #2 • Synthèse des débats du mardi 13 novembre 2018

tendent vers l’hyperpersonnalisation du client en analysant ses comportement et attitudes d’achats dans le but de lui proposer le meilleur service adapté à ses besoins », explique Arnaud Cartigny.

Un credo que suit le groupe Monoprix. « Notre principal défi est de maximiser le plaisir de nos clients en minimisant les contraintes liées à leurs parcours d’achats, comme l’attente aux caisses », observe Florence Chaffiotte. Ce qui

a amené ce groupe de distribution à passer un partenariat avec Amazon pour livrer en moins de deux heures les commandes en ligne des clients urbains. Y a-t-il un danger à passer un tel partenariat ? Florence Chaffiotte affirme plutôt « qu’il y a davantage de risques à rester hors du cercle de l’innovation. Avec Amazon, nous ne faisons pas le même métier mais nous partageons les mêmes valeurs. Nos clients sont très satisfaits de ce service. Cette alliance nous permet d’aller plus vite, un facteur clé du succès. » À l’heure actuelle, Monoprix construit, avec le supermarché en ligne britannique Ocado, un entrepôt de préparation des commandes entièrement automatisé. « Ce qui va nous permettre d’améliorer la productivité de 90 %. Il est maintenant possible de préparer une commande en moins de sept minutes », s’enthousiasme la directrice.

Une ligne de conduite que suit volontiers Gilles Cochevelou. « Nous résolvons tous nos problèmes grâce au digital, que ce soit pour améliorer la performance dans nos usines, pour réduire les coûts, pour améliorer nos services auprès de nos clients ou pour créer de nouveaux services », assure-t-il. Passer des partenariats avec d’autres entreprises fait déjà partie de la culture du groupe. Par exemple, pour les travaux de forage, celui-ci a signé avec Google pour intégrer l’intelligence artificielle dans l’analyse des données sismiques afin de mesurer les risques possibles. « Après deux mois, nous obtenons déjà des résultats intéressants. Il y a trois ans, une telle approche aurait été jugée impensable par le Comex. Nous avons contractualisé nos échanges R&D et ce processus d’exploration géophysique ne constitue qu’une brique dans l’ensemble de nos données. Il n’y a donc pas de risques de piratage », insiste-t-il encore.

Arnaud CARTIGNY vice-président des activités retail et luxe, CGI BUSINESS CONSULTING

Gilles COCHEVELOU Chief Digital Officer

TOTAL

Olivier MATHIOT Co-fondateur, PRICEMINISTER ;

Vice-président, FRANCE DIGITALE ; Président, THECAMP

L’innovation est également un facteur de performances et un créateur de richesses indéniables dans le domaine de la mobilité. Vania Ribeiro fait travailler les différents services sur la fluidité et le parcours des voyageurs grâce à la gestion et la diffusion des données en temps réel pour la régularisation des déplacements. « Il faut penser la mobilité comme un corps. Le transport de masse est le squelette de la mobilité et le digital en est le muscle qui va permettre de faciliter le transport des voyageurs au quotidien. Nous devons ainsi chercher l’innovation à l’extérieur et collaborer avec diverses start-up pour trouver des réponses adaptées à leurs attentes. C’est grâce aux partenariats que nous créons de la valeur », dit-elle.

Cependant, l’innovation n’est pas que digitale. Michel de Rovira sépare la technologie et la richesse des idées : « Pour nous, l’innovation se passe dans nos cuisines à tester de nouvelles recettes à proposer à nos

clients. Le partage des bonnes idées se fait en interne en utilisant Whatsapp. Ce qui permet à chacun de ceux qui travaillent avec nous de réagir et d’enrichir leurs idées. Nous sommes comme des chasseurs de papillons, nous partons à la chasse aux idées. Quelle que soit la méthode choisie, il souligne « qu’une entreprise qui n’innove pas est une entreprise qui meurt ».

Olivier Mathiot constate que le monde entrepreneurial est tombé dans la « friendly économie ». Les ennemis d’hier finissent par s’entendre et à collaborer. Selon lui, les principaux risques qui menacent dorénavant les entreprises sont leur incapacité à donner un sens au travail – surtout auprès de la nouvelle génération –, de perdre de l’agilité en devenant trop grandes trop vite et de perdre les consommateurs par manque de transparence et d’accès à l’information. « Plutôt que de les fidéliser, c’est à nous de leur rester fidèles », assure-t-il. Pour lui, l’innovation ne doit pas empêcher de penser sur du long terme : « Les entreprises doivent éviter de tomber dans la dictature du court terme. Il faut toujours anticiper le coup d’après pour la génération suivante. C’est là que réside la clé de leur succès et de leur survie ! » n

Florence CHAFFIOTTE

Directrice marketing, digital et innovation, MONOPRIX

Vania RIBEIRO Chief Digital Officer,

RATP

Michel DE ROVIRA Fondateur, MICHEL & AUGUSTIN