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Systèmes d’Information « Innovation & création de valeur » Décembre 2007 La Recherche au CIGREF « PROMOUVOIR L’USAGE DES SYSTEMES D’INFORMATION COMME FACTEUR DE CREATION DE VALEUR ET SOURCE D’INNOVATION POUR L’ENTREPRISE »

Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

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S y s t è m e s d ’ I n f o r m a t i o n

« Innovation & création de valeur »

Décembre 2007

La Recherche au CIGREF

« PROMOUVOIR L’USAGE DES SYSTEMES D’INFORMATIONCOMME FACTEUR DE CREATION DE VALEUR ET SOURCE D’INNOVATION POUR L’ENTREPRISE »

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...Que l'informatique a commencéà envahir notre sphère de travailpuis notre sphère privée. Se trouve-t-il encore des jeunes pourpenser que tout s'est passé demanière ordonnée, prévisible,modélisée ?

Alors qu'ils laissent ici toute certitude : quarante ans que nousvoyons, tel Fabrice à Waterloo,débarquer sur le champ de batailledes innovations imprévues, quarante ans que nous constatonsles échecs de technologies donnéesarchi-gagnantes et à l'inverse, lessuccès de petits spores rachitiqueset souffreteux sur lesquels personnen'aurait misé et qui deviennentdes champions incontestés avantparfois de retomber plus tard etplus dûrement.

Ce que nous avons appris, parfoisdouloureusement, en tant queDSI, c'est que la technologie peutêtre belle, sophistiquée, novatrice,elle ne sera un succès que si sonusage trouve sa place dans la viequotidienne des utilisateurs :

« la technologie n'avance jamaisseule, elle n'est rien sans unmilieu prêt à la recevoir ».

Les membres du CIGREF sont tousdirectement concernés, au jour lejour, par ces problèmes complexesqui résultent de l'introduction denouvelles technologies dans nosentreprises : comment trouver lesclés qui nous permettront de lesutiliser comme outil de création devaleur ?

A l'inverse comment éviter lesprojets « technocratiques » qui neréussissent pas à provoquer l'ad-hésion et rejoignent le cimetièredes brillantes idées avortées ?

Depuis les premières tentativesd'informatisation, nous avonsessayé bien des recettes sur lagestion du changement, la formationdes utilisateurs, l'appropriation,les changements nécessaires d'organisation, la justification éco-nomique des projets. le plus souvent de manière empirique et

sans disposer d'un cadre globald'explicitation.

Car ce qui est vrai pour les techno-logies elles-mêmes l'est encoredavantage pour leurs usages :pourquoi tel projet est-il un succès ?pourquoi tel autre un échec ?pourquoi les utilisateurs refusent-ilsun outil qui, de l'avis de tous lesspécialistes, est génial, et sont-ilsfanatiques d'un « machin » que lesinformaticiens regardent avecmépris ?

Autant l'avouer : nous sommesbien souvent en pleine mer, sanscarte et sans repères, guettant lemoindre signe annonçant la terreproche... mais après tout n'est-cepas cette méthode qui a permis dedécouvrir l'Amérique ?

Alors, après toutes ces annéesd'accumulation d'expériencesimprévues, de tâtonnements, d'utilisation intensive de la « méthode » essai-erreurs toutesprit curieux éprouve le besoinde comprendre, d'analyser, dedonner du sens à ce qu'il a vécu,d'abord et avant tout pour éviter sipossible de répéter les mêmeserreurs.

« l'expérience est une lanterneque tout homme porte accrochéedans son dos et qui n'éclaire quele chemin déjà parcouru »

certes, mais la démarche scienti-fique est avant tout inductive : elleobserve des phénomènes et entire des lois qui permettront deprédire les conséquences desactions futures...

La recherche au CIGREF n'a pasd'autre objectif ni d'autre méthode :elle s'attache aux usages destechnologies de l'information enentreprise, sujet finalement peuexploré, elle se base sur les expériences vécues par ses membres, elle applique toute larigueur des chercheurs pour en tirerdes leçons, des lois, et finalementpermettre aux informaticiensd'aujourd'hui d'être un peu moinsperdus, seuls, au milieu de l'océandes projets…

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Quarante ans déjà...

La Recherche au CIGREF

Didier LambertPrésident du CIGREF

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« La technologie, c'est de laconnaissance » ne cesse de réaffirmer Joël Mokyr, Professeur àl'université de NorthWestern, undes derniers historiens écono-miques du progrès technologiquedepuis la première révolutionindustrielle. Dans « technologie »,il y a techné - la technique - et lelogos - la connaissance, celle-ciétant la condition de naissance et decréation de valeur par la première.Les DSI travaillent à partir de deuxsources de connaissance : les étudesdes sociétés de conseil et les nombreuxwhite papers qu'elles produisent,des sociétés spécialisées commeForrester, le Gartner ou le StandishGroup, et la connaissance produitepar l'échange entre groupes depairs comme ceux du CIGREF. Cetteconnaissance n'est pas suffisante :elle est d'un côté biaisée par saproximité avec les fournisseurs detechnologie, de l'autre elle estlimitée dans son ampleur et sapertinence par sa base empirique.C'est pour donner aux DSI unpoint de vue plus distant de cescontingences que le CIGREF a misen place en 2004 un programmede recherche. La recherche scien-tifique - dite recherche académique- a pour avantage de formuler deshypothèses de travail appuyéessur un processus de rechercherigoureux, formulant ses hypothèsesde travail et sa démarche épisté-mologique, capable de produireune connaissance dite « vraie » parceque fondée sur un tel processusconfrontant à la fois le déductif (lacohérence théorique) et l'inductif(l'enquête de terrain). Elle a pourinconvénient la lenteur de ce processus et parfois la difficulté derestituer ses résultats dans un langage prescriptif adapté auxpraticiens que sont les DSI1.Pour la longueur de temps, ilimporte de procéder comme Fochqui disait « c'est à long terme doncje commence tout de suite ». La recherche est un processuspermanent et sans fin. Toutes lespercées de ces cinquante dernièresannées dans le domaine des

technologies de l'information sontvenues de la recherche académique.Avec le développement de la III°révolution industrielle - dont certainschercheurs formulaient l'auguredès le milieu des années 1980 et lechiffres confirment depuis la fin desannées 19902 que nous y sommesentrés - c'est une transformationglobale des organisations, despratiques de travail, du cadreinstitutionnel, qui s'engage. Lessciences sociales prennent doncleur place dans la recherche entechnologie de l'information.C'est de cet angle que le CIGREF astructuré son premier programmede recherche en le centrant sur la création de valeur par les technologies de l'information.Les travaux qui vous sont présentésaujourd'hui répondent à trois critères :

- une vision pluridisciplinaire dela création de valeur qui alliecelle du technologue, de l'écono-miste, du gestionnaire et dusociologue.- une vision internationale, leCIGREF s'étant associé au pro-gramme de recherche international,financé par le Gouvernement duCanada et dirigé par le professeurRoger Miller, MINE.- un souci pragmatique qui estde confronter la connaissanceproduite à celle de l'expérienceconcrète des DSI, comme lereflète le travail réalisé sur lesrelations antre grandes entrepriseset PME innovantes.

Introduire un programme derecherche sur l'innovation par lestechnologies de l'information auCIGREF est en soi une innovation.Il reste - bien malheureusementpour les deux parties - un fossé àcombler entre recherche acadé-mique et pratique des DSI, là où,dans les pays qui y ont su prendrele leadership de la III° révolutiontechnologique, elle est pratique debase.Cela souligne d'autant plus l'urgence de cette innovation et delui donner une suite.

Pourquoi un programme de recherche ?

Claude RochetAncien conseiller

scientifique du CIGREF(2004 - 2007)

1 Cette problématique a fait l'objet du Cahier de recherche n°2 : De la connaissance à la création de valeur2 Cahier de recherche introductif " La révolution technologique reste devant nous "

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On évoque de plus en plus fréquemment la nécessité pour lesuniversités et les entreprises de serapprocher. Cela concerne aussibien l'enseignement, avec pourbut une meilleure insertion professionnelle des étudiants, quela recherche. De ce point de vue,le projet MINE France estexemplaire.

S'inscrivant dans le cadre du projetinternational MINE (Managementde l'Information dans la NouvelleEconomie), porté par le ProfesseurRoger Miller, de l'Ecole Polytechniquede Montréal, le projet françaispossède certaines spécificités quiillustrent les potentialités et lesdifficultés (surmontables) d'unecoopération accrues entre entre-prises et universitaires.

Tout d'abord, ce volet français duprogramme MINE n'aurait pasexisté sans l'appui du CIGREF. Ils'est inscrit dans une volonté duCIGREF de développer une activitéde recherche et a bénéficié direc-tement du financement de la thèsede l'une des membres de l'équipeMINE, Rouba Taha. Le CIGREF aégalement joué un grand rôle dansla mise en relation de l'équipe derecherche avec les DSI des entre-prises susceptibles de participerau programme. Cela nous conduittout d'abord à remercier le CIGREFen tant qu'institution et, plus indi-viduellement, les personnes lesplus directement impliquées dansce programme, Claude Rochet,directeur scientifique du CIGREFde 2002 à 2007, et Jean-FrançoisPépin, son Délégué Général. Celanous conduit également à penserque les associations professionnellesde ce type peuvent jouer un rôleimportant dans les rapprochementsentre universités et entreprises enservant d'intermédiaires entre cesdeux mondes.

Ensuite, contrairement à sonhomologue canadien, le projetfrançais ne bénéficiait d'aucunfinancement public. Dès lors, il afallu demander une participationfinancière aux entreprises qui souhaitaient participer au projet.Ce fut sans nul doute l'une des difficultés principales que nousavons rencontrées. En plus d'investirdu temps de leurs responsables,les entreprises étaient invitées àfinancer elles-mêmes ce projet.C'est probablement l'explicationprincipale du nombre limité d'étudesde cas réalisées, qui nous aconduit à modifier légèrement lesobjectifs de l'étude. Nous avonsessayé de compenser en profondeurce que nous avons perdu en diversité des cas étudiés. Nousremercions d'autant plus les quatreentreprises qui ont finalementparticipé au projet : une grandebanque, un concepteur et fabricantde biens d'équipements complexes,une grande entreprise du secteurde l'énergie et un concepteur etfabricant de biens d'équipementsproduits en série et principalementdestinés au consommateur final.

Problèmes de financement, diver-gences d'objectifs, difficultés àtrouver le temps nécessaire… lesobstacles ne manquent pas à lacoopération entre universités etentreprises. Le rapport que voustenez entre les mains est toutefoisla preuve que ce type de coopéra-tion est possible. En dépit de sesimperfections, dont nous assumonsseuls la responsabilité, nous espérons que ce document permetd'entrevoir les potentialités descoopérations de ce type. Nousavons en effet un but commun,faire avancer la connaissance dansle but d'améliorer les pratiques demanagement.

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Quelques jalons pour une nouvelle gouvernance des SI

La Recherche au CIGREF

Pascal CorbelMaître de Conférences

à l'Université de Versailles Saint-Quentin

Directeur adjoint du Larequoi

Jean-PhilippeDenis

Professeur à l'Université Paris-X

Nanterre

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Editorial Didier Lambert ..................................................

Editorial Claude Rochet ...................................................

Editorial Pascal Corbel et Jean-Philippe Denis .....................

Sommaire .....................................................................

Programme MINE France

Membres de l’équipe MINE France .................................

Résumé .....................................................................

Introduction ...............................................................

Chapitre 1

Objectifs, choix méthodologiques et grille d’analyse .....

1 - Objectifs de la recherche ................................................

2 - Choix méthodologiques ...................................................

3 - Jalons conceptuels et théoriques de l’articulation SI-I-CV .......

4 - Le modèle d’affaires comme concept central de réflexion et d’investigation ...........................................................

Chapitre 2

Les quatre études de cas : éléments essentiels ............

1 - Le cas d’une grande banque française ..............................

2 - Le cas d’un concepteur / constructeur de systèmes de production complexes .................................................

3 - Le cas d’une multinationale du secteur de l’énergie .................

4 - Le cas d’un concepteur / fabricant de biens d’équipements(principalement B to C) ..................................................

Chapitre 3

Principaux enseignements en matière de managementde projets informatiques ............................................

1 - La conduite du projet : du dosage entre besoin de coordination et créativité ............................................

2 - Une première implication : du dosage de la précision du cahier des charges ....................................................

3 - Une première implication : la gestion des temporalités .......

4 - La question de l’alignement stratégie / SI .........................

5 - L’évaluation du projet : une évaluation financière est-elle possible ........................................................................

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Sommaire

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Chapitre 4

SI et chaîne de valeur : premiers pas vers une typologie

1 - SI et chaîne de valeur portérienne ...................................

2 - SI et chaîne de valeur centrée sur le savoir .......................

3 - SI et articulation entre les deux types de chaîne de valeur ...

Chapitre 5

Principaux enseignements en matière de gouvernancedes SI .......................................................................

1 - Une problématique centrale pour le DSI comme pour les chercheurs ..............................................................

2 - Contrôle stratégie et gouvernance des SI : quelles articulations ? .....................................................

3 - Le problème de la gouvernance des SI : proposition d’un modèle rénové d’articulation entre contrôle et stratégie .....

4 - Conclusion et perspectives ..............................................

Conclusion .......................................................................

Bibliographie ..................................................................

Annexe 1 : détail des entretiens menés ......................

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La Recherche au CIGREF

Programme MINE France

Rapport de synthèse final

« Quelques jalons pour une nouvelle gouvernance

des SI »

Pascal CORBELJean-Philippe DENIS

pour l’équipe MINE France du LAREQUOI

Laboratoire de recherche en management

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Décembre 2007

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w Mourad Attarça, Maître de Conférences à l'Université de VersaillesSaint-Quentin

w Yves Bonhomme, Professeur associé à l'Université de VersaillesSaint-Quentin

w Hervé Chomienne, Maître de Conférences à l'Université de VersaillesSaint-Quentin

w Pascal Corbel, Maître de Conférences à l'Université de VersaillesSaint-Quentin

w Jean-Philippe Denis, Professeur à l'Université de Paris X Nanterre

w Philippe Hermel, Professeur à l'Université de Versailles Saint-Quentin

w Alain Kokosowski, Professeur à l'Université de Versailles Saint-Quentin

w Lydie-Marie Lavoisier, Maître de Conférences à l'Université deVersailles Saint-Quentin

w Claude Rochet, Professeur associé à l'Université d'Aix-Marseille III,conseiller scientifique du CIGREF de 2004 à 2007

w Karim Saïd, Maître de Conférences à l'Université de Versailles Saint-Quentin

w Rouba Taha, doctorante sous contrat Cifre au CIGREF, chargée duprogramme MINE France

Tous sont membres du LAREQUOI, laboratoire de recherche en managementde l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.

Membres de l'équipe MINE France

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Ce rapport propose une synthèsedes principaux enseignementsissus du programme « MINEFrance », mené en liaison avec leprogramme international MINEdirigé par Roger Miller et son équipe de l'Ecole Polytechnique deMontréal1. Le but de « MINEFrance » a été d'examiner plusparticulièrement, à travers unesérie d'études de cas, les relationsentre systèmes d'information(notamment dans le sens desinvestissements dans les TIC),innovation et création de valeur,en partenariat avec le CIGREF.

Nous commençons (chapitre 1)par poser les principaux jalonsthéoriques et méthodologiques denotre recherche. Celle-ci est principalement fondée sur unesérie d'entretiens semi-directifs(ce qui signifie : sur la base dethèmes pré-définis, mais en laissantune grande liberté à l'interviewé)dans plusieurs entreprises, quatreayant finalement accepté de parti-ciper à ce projet. Les fondementsthéoriques développés concernentnotamment les concepts d'efficience-coût et d'efficience par la créationde valeur, ainsi que la conceptionde l'investissement immatériel deBernard de Montmorillon, qui ontfortement contribué à orienter lesanalyses qui suivent.

Les quatre études de cas sont d'abord présentées sur un modeessentiellement descriptif (chapitre2), mais en prenant comme basede structuration les trois questionsfondamentales que notre analysethéorique nous a conduit à consi-dérer comme cruciales : quellestransactions créatrices de valeurassociées au modèle d'affaires ?Quelle problématique entrepre-neuriale sous-jacente au modèled'affaires pour concrétiser lepotentiel de création de valeur ?

Quels rôles et usages impulserpour le SI en conséquence ? Nousdéveloppons également les carac-téristiques des projets que l'onnous a présentés comme particu-lièrement significatifs au sein desentreprises étudiées, et qui ontservi de fondement au chapitresur la conduite des projets liés auSI. Nous montrons commentceux-ci ont contribué à infléchir lemodèle d'affaires de l'entreprise,montrant ainsi que l'impact de cetype de projet était loin de resterlimité à la simple efficience-coûtsouvent mise en exergue.

Le chapitre 3 développe pluspa r ticulièrement les problé -matiques liées à la conduite deprojets. Il montre, notamment àtravers une étude de cas sur unegrande banque française, commentle besoin de coordination peut secombiner à une certaine autonomielaissée aux acteurs sur le terrainet une certaine liberté de « varia-tion » autour d'un schéma directeur,qui est lui invariant et compris de tous. Nous en développonsquelques-unes des implicationspour le cahier des charges et lerythme de développement et dedéploiement de ce type de projet.Nous en développons égalementles conséquences au niveau de l'évaluation en soulignant les limites des évaluations à dominantefinancière et en insistant sur lecaractère de créateur de potentialitésdes investissements en SI.

Le chapitre 4 esquisse une typologied'interactions entre deux types dechaîne de valeur : la chaîne devaleur classique, proposée parMichael Porter, centrée sur lesactivités opérationnelles, et unechaîne de valeur davantage centrée sur la création et la trans-formation en valeur de nouveaux

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Résumé

1 Les résultats du programme MINE ont fait l'objet d'une publication dans un numéro spécial sur les « Games of Innovation » de l'International Journal of Innovation Management, vol.11, n°1, p.vii-xvi.

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savoirs. Nos études de cas montrent deux types d'interfaçagepossibles entre les deux chaînes.Le SI peut non seulement contribuerà l'efficience de chacune d'entreelles séparément, mais aussi (etpeut-être surtout) à un meilleurfonctionnement des interfacesentre les deux.

Le chapitre 5 montre en quoi lesévolutions récentes du contrôle degestion au niveau académiqueseraient susceptibles de faire échoà certaines des préoccupationsmanifestées par les personnesinterrogées dans le cadre de ceprojet de recherche. Il insiste,

dans la droite ligne des enseignementsque nous venons de mentionner,sur la nécessité de raisonner entermes d'exigences paradoxalespour pouvoir prendre en comptesimultanément des logiqu es d'efficience-coût et d'efficience parla création de valeur, de maîtrisedu présent et de préparation del'avenir, de contrôle par les résultatset de contrôle par les valeurs, etc.

Cela amène à repenser en profondeurles relations entre stratège etcontrôleur, deux rôles qu'un DSIest nécessairement amené à jouer,même si c'est avec un dosage différent d'une entreprise à l'autre.

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L'innovation est au cœur despréoccupations du CIGREF, commele souligne Didier Lambert, sonPrésident, dans son éditorial desCahiers de recherches du CIGREFn°3. Quoi de moins étonnantpuisque cette association d'entre-prises se donne comme but de « promouvoir l'usage des systèmesd'information comme facteur decréation de valeur et sourced'innovation pour l'entreprise » ?

Pourtant les relations entre systèmed'information (ci-après SI), innovationet création de valeur sont loin d'êtremaîtrisées, ni même établies defaçon systématique. Certes, nuln'oserait contester l'importanceconsidérable prise par les systèmesd'information dans les organisa-tions. Mais lorsqu'il s'agit d'investirdes dizaines, voire des centainesde millions d'euros dans un systèmede CRM, un ERP ou tout simplementdans la mise à jour de dizaines demilliers de postes informatiques,la pression se fait plus forte : detels investissements doivent, commed'autres, prouver qu'ils sont « ren-tables ». Il faut donc pouvoir lestraduire en flux financiers futurspositifs. Et là, les outils manquentsouvent pour évaluer la créationde valeur que l'on peut attribuer àun projet d'investissement en SI.

Résultat : les investissements enSI apparaissent, dans leur immensemajorité, décidés et déployés dansun souci de contribution à l'atteinted'une valeur largement considéréecomme une donnée. Il s'agit d'unprincipe que l'on qualifiera, aprèsJoffre et de Montmorillon2 , « d'ef-ficience-coût » selon une logiqueclassique d'économies.

Toutefois, ce que montrent entreautres les études de cas réaliséesdans le cadre de ce projet, c'estque, une fois réalisés, ces inves-tissements en SI sont aussi porteurs d'effets non anticipés etdès lors susceptibles de servir àautre chose que prévu au momentde la décision d'investissement. A l'extrême, ces effets sont susceptibles de profondémentmodifier, voire renouveler, la valeurmême du projet entrepreneurial.On parlera ici d'efficience selonune logique de création de valeur,cette dernière étant largementincertaine puisque par nature difficile à anticiper.

C'est donc sur ce constat que sefonde l'essentiel de notre analyse.Il ne s'agira pas pour nous de proposer des outils financiers demesure de la création de valeur, nide mettre en lumière des relationsmécaniques entre SI, innovationet création de valeur, tant la complexité du fonctionnement desorganisations limite l'utilité de cetype de modèle, aussi séduisantssoient-ils intellectuellement. Il s'agira plutôt d'essayer de mettreen exergue des formes d'interac-tions entre ces trois éléments,laissant toute sa place à « l'émer-gent » et même à l'improvisationet d'en déduire une réflexion sur lagouvernance des SI marquée parune volonté de dépassement de laseule logique de l'efficience-coût,toujours majoritairement privilégiée- notamment sous la pression desmarchés financiers - pour que soientaussi intégrées et appréhendéesles conditions de l'efficience selonune logique de création de valeur.

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Introduction

2 Joffre, P. et de Montmorillon, B. " Théories institutionnelles et management stratégique " in Martinet,A.C. et Thiétart, R.A. (coord.), Stratégie - Actualité et futurs de la recherche, Vuibert, 2001, p.229-248.Les concepts d'efficience-coût et d'efficience par la création de valeur font l'objet d'une clarificationdans le chapitre 1.

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Ce rapport est fondé sur la réalisationde quatre études de cas, basées surdes entretiens avec des personnesau cœur de cette interaction SI -innovation - création de valeur3 etanalysées à la lumière de travauxconceptuels principalement ancrésen stratégie d'entreprise et théoriedes organisations4. Nous commen-çons par préciser la manière dontont été conduites ces études decas et les fondements conceptuelssur lesquels est bâti ce projet(chapitre 1). Nous présentonsensuite brièvement les élémentsessentiels des quatre monographiesainsi réalisées (chapitre 2). Nousen tirons ensuite un certain nombred'enseignements à destination desmanagers et plus particulièrementdes DSI sur le management desprojets d'investissement en SI etleur évaluation (chapitre 3). Enfin,nous essayons de conceptualiser uncertain nombre des enseignementstirés de ces études de cas enmatière de participation du SI à lachaîne de valeur (chapitre 4) et degouvernance des SI (chapitre 5).

Avant de débuter, précisons que leprogramme se situe dans le cadreplus large d'un programme inter-

national initié et dirigé par leProfesseur Roger Miller, de l'EcolePolytechnique de Montréal consacréà l'analyse des pratiques desentreprises en matière d'innovation(et notamment de R&D). Le constat principal du programmecanadien est qu'il n'existe pas depratiques reliées universellementà de meilleures performances(mesurée par la croissance duchiffre d'affaires). En revanche, ilexiste des ensembles de pratiques,dénommés « jeux d'innovation »,qui améliorent la performance5.

Cette démarche a permis la miseen évidence de régularités auniveau mésoéconomique. Ladémarche qualitative choisie parl'équipe française a ainsi pour butd'affiner l'étude de l'articulationentre ces dimensions en intégrantplus directement le rôle du SI (ladémarche canadienne originaleest davantage centrée sur laR&D). La démarche française estdonc complémentaire du programmeinternational en visant à faireémerger des configurations inter-sectorielles ; elle porte sur le planmicroéconomique (l'entreprise) etaccorde au SI une place spécifique.

3 Nous remercions les quatre entreprises qui ont bien voulu participer à ce projet. Leur apport a été double puisqu'elles y ont à la fois apporté la matière empirique (elles ont donc investi du temps de leursresponsables) et le financement (ce programme de recherche n'ayant obtenu aucun financementpublic).

4 Nous nous sommes donc volontairement éloignés des approches les plus courantes dans le domainespécifique de la recherche sur les SI. Souscrivant à la thèse d'Orlikowski et Barley (in "Technology andInstitutions: What Can Research on Information Technology and Research on Organizations Learn fromEach Other ?", MIS Quarterly, vol.25, n°2, 2001, p.145-165) selon laquelle les recherches sur les organisations et sur les technologies de l'information ont beaucoup à gagner à se rapprocher, nous utilisons toutefois également des travaux plus spécialisés.5 Pour en savoir plus sur le programme MINE, on pourra se reporter à l'article de Miller, R. et Floricel,S. " Value Creation and Games of Innovation ", Research Technology Management, novembre-décembre 2004, p.25-37, ainsi qu'à l'article de N. Drouin dans les Cahiers de Recherche du Cigref n°2.

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La recherche menée dans le cadrede ce programme est d'abord filled'une conviction : l'importance dedépasser une vision très techno-déterministe de l'investissementen SI pour articuler la question dela création de valeur associée auSI avec le thème de l'innovation.

Ce thème ne recouvre pas seule-ment l'innovation en SI mais bienl'innovation rendue possible (etnécessaire) par le SI. Dans cesconditions, c'est l'efficacité decette articulation, et non l'investis-

sement en SI pris isolément, quiest seule susceptible d'être créatricede valeur, c'est-à-dire génératricede cash-flows futurs selon le langage financier.

Le programme MINE s'attachedonc, dans le contexte français(en complément de la recherchemenée par l'Ecole Polytechnique deMontréal au niveau international),à étudier les relations entre systèmes d'information, innova-tion et création de valeur (figure1.1).

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1- Objectifs de la recherche

Chapitre 1

Objectifs, choix méthodologiques

et grille d'analyse

Il nous semble important, avant de développer les enseignements quenous avons pu tirer de cette recherche, de rappeler ces objectifs et d'expliquer la démarche mise en œuvre par l'équipe de recherche pourcombiner rigueur scientifique et volonté d'aboutir à la production d'enseignements utiles pour les praticiens et, en particulier, pour les DSI.

Figure 1.1 : Quelle articulation entre SI, Innovation et CV ?

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L'objectif initial de cette rechercheétait de mettre en évidence desconfigurations différentes dansl'articulation entre ces troisconcepts. Le nombre d'entreprisesayant accepté de participer à ceprogramme de recherche ne nouspermet toutefois de ce point devue que d'esquisser quelques propositions qui demanderaient àêtre affinées et testées sur unéchantillon beaucoup plus large.En revanche, nos investigationsnous ont amenés vers plusieursquestions fondamentales liées aurôle du DSI : sur quels critèresrepose l'évaluation des investisse-ments en SI ? Sont-ils réellementtournés vers la création de valeur? Ces investissements peuvent-ilsseulement être évalués ? En quoile SI participe-t-il à la chaîne devaleur et à ses évolutions ? Quelle

place accorder à la gestion desrisques dans ces investissementset dans la fonction même de DSI ?Au vu de la diversité et de la profondeur de ces interrogations,on est en droit de revenir à unequestion plus fondamentale encore :comment (c'est-à-dire selon quelsprincipes et quels critères) assurerune gouvernance viable des systèmesd'information ?

Le but de cette recherche (et doncde ce rapport) est donc de tirer uncertain nombre d'enseignementsde la confrontation entre les étu-des de cas réalisées et une appro-che théorique quelque peu origi-nale dans le domaine de la recher-che en SI. Nous développons suc-cessivement ces deux aspects : ladémarche de l'étude empirique etses fondements conceptuels.

La recherche empirique adopte ladémarche classique des études decas, déjà adoptée dans d'autresprojets menés par certains deschercheurs de l'équipe6: trame dequestionnement générale, entretiensemi-directifs et ouverts, enregis-trement et retranscription intégraledes entretiens, groupes contrastéset opérant dans des contextesvariés pour effectuer une réplicationthéorique (services / industrie,business to business / consommationfinale, forme de développementinternational, degré de sophisticationdu système technique, taille…)7.

Dans la droite ligne des recom-mandations de A. Pettigrew8, lesinformations recueillies lors des étudesde cas portent sur des problèmesde contenu et d'instrumentation,sur les processus organisationnelset sur les contextes dans lesquelsévoluent les groupes. L'ensemblede ces informations vise avant

tout à disposer d'informationsquant aux processus cognitifs àpartir desquels les dirigeants etresponsables de projets liés auxsystèmes d'information argumententet expliquent les choix effectués, demanière plus ou moins explicite,en matière d'articulation entresystèmes d'information, innova-tion et création de valeur.

Les explications, justifications,analyses et formalisations de nosinterlocuteurs s'avèrent particuliè-rement riches lorsque les interviewésexposent les questions nouvellesou de rupture qui se sont présen-tées (ou se présentent) à eux(déploiement de nouveaux projetsimpliquant les SI, acquisitions,processus d'intégration de filiales,etc.). Pour chaque groupe étudié,les réflexions sur ces momentsclés permettent de révéler lespoints critiques autour desquels se joue pour une bonne part la

2- Choix méthodologiques

6 Voir par exemple Denis, J-P. et Tannery, F. " Contrôle et stratégies de groupe : une approche confi-gurationnelle ", IXème Conférence de l'Association Internationale de Management Stratégique (AIMS),Montpellier, juin 2000.

7 Yin, R.K., Case Study Research: Design and Methods, Sage, Thousand Oaks, 1990.8 Pettigrew, A. "What is a Processual Analysis?", Scandinavian Journal of Management, vol.13, n°4,1997.

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question de l'articulation entre SI,innovation et création de valeur.

L'objectif n'est pas de multiplier lenombre d'entretiens dans chaquegroupe étudié car la priorité est deconnaître la manière dont lesresponsables les plus directementconcernés conçoivent cette articu-lation et la manière dont elle prendforme au sein de leur groupe etnon d'étudier de manière extensivele point de vue de chaque collaborateur.C'est pourquoi nos interlocuteurssont essentiellement des directeursdes SI, des responsables de projetsliés au SI, des responsables opé-rationnels au sein de certainesactivités (business level), auxquelss'ajoutent quelques interlocuteursde niveau direction générale (corporate level ; notamment au seinde la direction de la stratégie). Ledétail est donné en annexe 1.

Afin de pouvoir traiter la massed'informations, les entretiens,intégralement retranscrits, sontmis en forme pour ne garder, principalement à l'état brut, queles citations qui structurent laréflexion des interlocuteurs. Cette

mise en forme consiste à réorganiserla transcription intégrale autour dedifférents thèmes. Le matériauobtenu sous cette forme condensel'essentiel de chaque entretien eta le mérite d'être plus facile àinterpréter. Cette structurationouverte permet par ailleurs deconserver un matériau utilisabledurant toute la durée de la recher-che. Ainsi, au cours de chacune deses phases il a été possible derevenir sur les premiers entretiensdont toute l'information n'aura parforcément été mobilisée dans unpremier temps.

Cette manière de procéder nouspermet également d'appuyernotre argumentation sur les proposmêmes des personnes intervie-wées. On retrouvera donc dans cerapport de larges citations despropos de nos interlocuteurs, quipeuvent être distingués de nosinterprétations. Nous maintenonsainsi le maximum de transparencesur ce qui provient directementdes propos de nos interlocuteurset sur ce qui provient d'une interprétation de notre part.

Rappelons d'abord que le systèmed'information d'une entreprisen'est en aucun cas réductible àson système informatique. Dèslors que l'on raisonne en termesd'investissement, on peut toutefoisaffirmer sans trop de risques queles investissements des entreprisesdans leur système d'informationsont principalement focalisés surles technologies de l'informationet de la communication (TIC).C'est pourquoi on peut assimilerinvestissements en système d'in-formation et investissements dansles TIC.

Compte tenu du niveau élevé desinvestissements informatiquesdans les entreprises aujourd'hui, il est légitime que la question del'évaluation des gains de performancequ'ils engendrent occupe une placecentrale dans les préoccupationsdes dirigeants comme des cher-cheurs en systèmes d'informationet en management. Pourtant,poser la question en ces termesrevient à accepter une certainedose de techno-déterminisme. Elleimplique en effet de considérerque les TIC sont susceptibles parelles-mêmes de générer des gainsde performance. Or, cette vision aété largement remise en question.

15

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3- Jalons conceptuels et théoriques de l'articulationSI - I - CV

Page 17: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

3.1- Dépasser une vision techno-déterministe du système d'information

Kéfi et Kalika9, sur la base notammentdes travaux de Sampler, dressentun panorama des principalesapproches qui ont prévalu aucours du temps dans les travauxde recherche en systèmes d'infor-mation. Les premières, très techno-déterministes, ont attribué auxTIC des effets quasi-automatiquesde centralisation ou au contrairede décentralisation, établissantainsi une relation unidirectionnelleentre les systèmes informatiqueset l'organisation. Une approchealternative a émergé au cours desannées 1970 montrant, aucontraire, que les caractéristiquesdes systèmes informatiquesdépendaient du contexte organi-sationnel. Les approches récentestentent de concilier ces deuxapproches en raisonnant en termesd'interaction entre organisation etTIC.

Certains discours enthousiastessur les effets des nouvelles tech-nologies de l'information, etnotamment celles qui sont liées àInternet, ont toutefois montré quela vision techno-déterministe étaitloin d'avoir disparue. Il n'est doncpas inutile de rappeler pourquoiles TIC prises isolément ne peuvent être à l'origine de gainsde performances significatifs.

Le premier motif relève d'un constat de bon sens. L'ERP le plusperfectionné n'aura aucun impactsi les collaborateurs de l'entreprisepréfèrent continuer à utiliser lesanciens systèmes ou même si,contraints d'utiliser l'ERP, ils l'utilisent comme les anciens sys-tèmes. C'est donc bien l'utilisationdes systèmes informatiques quiest susceptible de générer desgains de performance significatifset non les outils eux-mêmes.Orlikowski10 l'a d'ailleurs montréde manière particulièrement nette

à travers l'étude approfondie del'utilisation du logiciel Lotus Notesdans trois contextes organisationnelsdifférents. Elle distingue ainsi :

w Une utilisation inertielle (Inertia)selon laquelle les utilisateurs seservent de la technologie touten conservant leurs pratiquesexistantes. Ce statu-quo peutdifficilement aboutir à des gainsde performance significatifs.

w Une utilisation d'application(Application) selon laquelle lesutilisateurs se servent de latechnologie pour améliorer l'ef-ficience de leurs méthodesactuelles de travail. Dans ce cas,il y a amélioration significativedes processus de travail sansmodification des structures.

w Une utilisation reposant sur lechangement (Change) selonlaquelle l'introduction de la nouvelle technologie sert desupport à des changementsstructuraux et organisationnels.C'est cette dernière utilisationqui peut aboutir aux gains deperformances les plus importants,même s'ils ne sont pas systé-matiques.

L'auteur introduit alors une dis-tinction conceptuelle qui noussemble particulièrement utile dansle cadre de la problématique quinous intéresse ici. Elle distingue latechnologie en tant qu'artefact,indépendante du contexte danslequel elle est utilisée et ce qu'elleappelle la « technologie en pratique »,c'est-à-dire la manière dont lesindividus dans l'organisation l'utilisent réellement. C'est bienl'impact de cette « technologie enpratique » qu'il va falloir évaluer.Or, cela implique de prendre encompte des éléments qui sortentdu champ de l'impact des TIC ausens strict et notamment duchamp de responsabilité d'un DSI.Les facteurs qui peuvent influencerl'utilisation qui est faite des

9 Kéfi, H. et Kalika, M., Evaluation des Systèmes d'Information : une Perspective Organisationnelle,Economica, Paris, 2004.10 Orlikowski, W.J. "Using Technology and Constituting Structures: A Practice Lens for StudyingTechnology in Organizations", Organization Science, vol.11, n°4, 2000, p.404-428.

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systèmes informatiques sont eneffet multiples.

Le processus d'implémentationpeut avoir une importance signifi-cative11. De nombreux travaux ontsouligné l'importance de l'implicationdes utilisateurs dans la mise enœuvre des TIC. Mais une DSI doitcombiner cette latitude laissée auxutilisateurs dans la manière dont ilspeuvent s'approprier la technologieavec des exigences antagonistesde rythme de diffusion et de standardisation des outils et processus. Or, le dosage entrecentralisation et décentralisationdans le processus de mise enœuvre peut influencer durablementl'impact de la mise en œuvre d'unnouveau système informatique.Gallivan12 a ainsi relié la manièreassez centralisée dont un systèmeclient/serveur avait été mis enplace dans une compagnie d'assu-rance au succès de la technologieen termes de diffusion mais à son échec quant au but ultimerecherché : instituer une culturedavantage orientée vers le client.

Mais le contexte organisationnelinitial a aussi une importanceconsidérable, comme l'a montréOrlikowski dans le cas cité de l'utilisation de Lotus Notes (lespremiers types d'utilisation ont étérelevés dans un cabinet de conseildont la culture était peu tournéevers le partage d'informations,contrairement à la troisième relevée dans une entreprise dusecteur informatique ayant participéà la conception de l'outil). Or, le « contexte organisationnel » intègrede multiples variables qui ne sontpas toutes maîtrisables et qui,lorsqu'elles le sont, relèvent deresponsabilités différentes. Dès lors,

l'impact du système d'informationne peut être isolé de l'ensembledes paramètres en jeu dans l'amé-lioration des performances d'uneentreprise. L'investissement enTIC, à l'image des dépenses deR&D ou de formation, ne peutdonc être directement générateurde gains de performance parcequ'il est fondamentalement uninvestissement immatériel. A cetitre, il est générateur d'un potentielde gains de performance qui peutêtre considérable… et qui reste àconcrétiser.

3.2 - Efficience-coût et/ou efficience par la création de valeur ?

Dès les années 1930, le prix NobelR.H. Coase a proposé une explica-tion, présentée comme définitive,à cette énigme que constituaitalors l'entreprise pour les écono-mistes. En effet, si le marché(coordination par les prix) constituele meilleur mode de régulation del'économie, qu'est-ce qui justifiel'existence de ces organisations -les entreprises - fondées sur lahiérarchie (coordination par l'au-torité) ? L'explication apportée parCoase a fait date : le recours aumarché est coûteux du fait dutemps consacré à s'accorder sur lateneur de l'échange et à surveillersa bonne exécution (négociationex ante, suivi ex post, etc.).L'existence de ces coûts de trans-action, dès lors qu'ils dépassentles coûts spécifiques engendréspar la coordination hiérarchique,justifie l'existence de l'entreprise(faire plutôt que faire-faire). Cetteexplication a été reprise et appro-fondie avec le succès que l'on saitpar O.E. Williamson.

17

11 Pour une synthèse, on pourra se reporter à Chomienne, H., Corbel, P. et Saïd, K. " Le manage-ment de l'intégration des TIC dans les organisations : une compétence stratégique ? " in A. BenYoussef et L. Ragni (coord.), Nouvelle économie, organisations et modes de coordination,L'Harmattan, 2004, p.341-358.12 Gallivan. M.J "Organizational Adoption and Assimilation of Complex Technological Innovations:Development and Application of a New Framework", The DATA BASE for Advances in InformationSystems, vol.32, n°3, 2001, p. 51-85.

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Page 19: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

L'entreprise n'existerait donc quepour pallier cette forme de déficience des marchés : l'existencede coûts de transaction. Un tel raisonnement justifie une focalisationsur les coûts. Elle conduit aussi àpenser que toute baisse des coûtsde transaction, qui peuvent êtreliés, par exemple, à l'émergencede nouvelles technologies, etnotamment des technologies del'information (TI), doit logiquementaboutir à une restriction du périmètredes entreprises au profit du marché (à l'image des « réseauxdynamiques » formalisés par Mileset Snow13). Externalisation, délo-calisations, instauration de relationsclient-fournisseur internes… cettelogique de l'efficience-coût sembleeffectivement omniprésente dansles entreprises aujourd'hui.

Mais cette conception très « éco-nomiste » de l'entreprise conduit àlaisser dans l'ombre la question dela finalité de l'acte entrepreneurial- celle-ci étant réduite ici à lamaximisation du seul profit et àson partage (la fameuse et décriéevaleur pour l'actionnaire). Uneconception managériale conduitcependant à rappeler que l'entre-prise, avant d'être qualifiée parson statut juridique ou son nom, ad'abord été un projet de combinai-son de ressources transforméespar l'alchimie de la compétence14

de l'entrepreneur en livrables(outputs) valorisés par des clients(le prix qu'ils payent pour obtenirces livrables) 15. Un projet entre-preneurial (figure 1.2), dont on nepeut constater qu'ex post l'accom-plissement, lequel se matérialiserapar des bénéfices… ou des pertes.

Les débats se focalisent depuis lemilieu des années 1990 sur le partage de la valeur générée par

les projets entrepreneuriaux.L'actionnaire est-il plus légitimeque les autres parties-prenantes àse l'approprier ? Considérant saprise de risques, associée à sonattribut de créancier résiduel duprojet, de nombreux penseurs etdécisionnaires, notamment anglo-saxons, le pensent et n'hésitentpas à prêcher pour la diffusiond'outils de mesure de la créationde valeur pour l'actionnaire (EVA,CFROI…). D'autres sont plusréservés et pointent parfaitementl'enjeu du débat16.

Notons cependant que s'interrogersur les modalités et conditions du partage conduit à occulter laquestion dans laquelle résidepourtant l'art du management :celle portant sur les conditions dela création de cette valeur moinsactionnariale ou partenariale…qu'entrepreneuriale. C'est précisé-ment sur ce point que la rechercheen management stratégique aconnu ses développements (et sesdébats…) les plus significatifs cesquinze dernières années.

Pour notre part, nous nouscontenterons de considérer leconcept de création de valeur sousson angle le plus restrictif : il y acréation de valeur dès lors qu'il ya un projet qui se concrétise pardes flux financiers positifs pourl'entreprise. Et puisque tout projetrepose sur une logique d'échange(avec les actionnaires, les fournis-seurs, les clients, les salariés,l'Etat, la société dans son ensemble…),ce que Coase puis Williamson ontconceptualisé sous le terme de « transactions », alors il n'y auracréation de valeur associée à uninvestissement que si celui-ciconduit à des transactions davan-tage créatrices de valeur : soit

13 Miles, R.E. et Snow, C.C. " Organizations : New Concepts for New Forms ", CaliforniaManagement Review, vol.28, n°3, 2004, p.62-73.14 Durand, R., Entreprise et évolution économique, Belin, 2000. Celui-ci synthétise les principauxapports des approches évolutionnistes en économie, qui s'inspirent notamment des travaux de J.A.Schumpeter.

15 Sur l'entreprise comme projet, voir Bréchet, J.P. et Desreumaux, A. " Pour une théorie stratégiquede l'entreprise - Projet, collectif et régulation ", Actes de la XIIIème Conférence de l'AssociationInternationale de Management Stratégique, Le Havre, juin 2004.

16 Charreaux, G. et Desbrières, P. " Gouvernance des entreprises : valeur partenariale contre valeuractionnariale ", Finance Contrôle Stratégie, vol.1, n°2, 1998, p.57-88.

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parce qu'il permet davantage d'économies dans l'accès ou lacombinaison des ressources(approche par l'efficience-coûtou de quête d'économies), lavaleur du projet entrepreneurialétant largement considérée commeune donnée ; soit parce qu'il permet

d'envisager une valorisation accruede cette combinaison de ressourceset de compétences par les parties-prenantes au projet, la valeur étantalors largement à (re)concevoir età faire (re)connaître (approchepar l'efficience selon la créationde valeur).

Toute création de valeur estcependant incertaine. Les conditionsde l'échange sont par nature évolutives sous l'impact d'évolutionsexogènes (évolution du pouvoir denégociation des fournisseurs, desattentes des clients, des régle-mentations, etc.) ou endogènes(par exemple innovation deconcurrents dévalorisant l'offre del'entreprise). Plus généralement,les transactions sont « enchâssées »dans des règles du jeu de niveauinstitutionnel ; les travaux d'unautre prix Nobel, D. North, l'ontmontré… comme les recherchesmenées par nos collègues canadiensqui pointent l'existence de différentsjeux d'innovation où les transactionscréatrices de valeur ne sont assu-rément pas identiques. Et l'enjeude l'investissement en SI est bienlà : engager des ressources envue de contribuer à créer unevaleur par nature incertaine.

3.3 - L'investissement en SI,un investissement immatérielpour des transactions (certes)plus efficientes… mais aussi(et surtout) plus efficaces !

Il est relativement aisé de voircomment, dans une tradition d'au-tomatisation des transactions, lesinvestissements en SI sont ainsisusceptibles d'améliorer l'efficience-coût d'une entreprise. Bases dedonnées communes, outils de travail collaboratifs, outils de gestiondes transactions avec l'extérieur(EDI, extranets, logiciels demanagement de la chaîne logis-tique…) concourent tous à réduireles saisies inutiles, consommatricesde temps et génératrices d'erreurs.Les gains de performance réaliséspeuvent alors sans trop de difficultésêtre affectés à un investissementdonné (même si la mise en œuvre decertains de ces outils s'accompagne

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Figure 1.2 : Paradigmes de l'efficience-coût et paradigme de l'efficienceselon la création de valeur dans l'entreprise

Page 21: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

de réorganisations dont il est difficile d'isoler l'impact).

Les outils informatiques sont toutefois également susceptiblesd'avoir un impact sur la logique de création de valeur du projetentrepreneurial. Les outils de ges-tion de la relation client (souventdésignés par l'anglicisme « CRM »)ne sont-ils pas conçus justementpour proposer une offre plus adaptée au profil d'un consommateurdonné ? Que dire des logiciels de « yield management » qui ontrévolutionné la tarification dans letransport aérien…

Peut-on toutefois attribuer aisé-ment ces économies ou ce supplé-ment de création de valeur auxinvestissements en SI eux-mêmes ?Comme nous l'avons illustré pré-cédemment, notamment à traversles travaux d'Orlikowski, les inves-tissements en SI n'auront desrésultats que si les acteurs(notamment les salariés) s'enemparent pour modifier leurs pra-tiques. En ce sens, les investisse-ments en SI ne sont créateurs quede potentialités qui restent àconcrétiser. Ils correspondentdonc tout à fait aux investisse-ments immatériels tels que lesdéfinit B. de Montmorillon.

En effet, dans une contribution stimulante et fort uti le, deMontmorillon17 s'est attaché à clarifier le concept d'investissementimmatériel (en R&D, formation,système qualité, etc.). L'investissementimmatériel est d'abord un investis-sement, c'est-à-dire selon lavision financière « une dépensequi conduit à l'acquisition ou à laconstitution d'un actif en vue de créer de la valeur »18. S'il est immatériel, c'est qu'il estpotentiellement générateur decash-flows futurs mais qui ne sontni aisément ni immédiatement

activables pour des motifs que lathéorie des droits de propriétééclaire fort bien : est-il en effetraisonnable de penser que lessalaires des chercheurs, ceux descollaborateurs en formation, ouencore les routines de l'organisationpuissent être aisément activées(inscrites à l'actif du bilan) et leurtransformation en flux de revenus(donc de création de valeur) spécifiée ?

L'investissement immatériel concernepour de Montmorillon l'ensembledes dépenses sources de « distinc-tion servuctive » (production deservices associés aux biens), qu'ilconsidère comme le facteur clé de la compétitivité à l'ère de lasociété post-industrielle caractériséepar la généralisation des presta-tions de services. Cette distinctionservuctive procède d'une articula-tion efficace entre 1/ des actifslogistiques et de support auxtransactions avec les clients, 2/des compétences (notammenthumaines) et 3/ des systèmes decoordination managériale.

Les dépenses en SI, même si ellespeuvent relever de la premièrecatégorie, relèvent a priori princi-palement de la troisième. Les classer dans telle ou telle catégorien'est toutefois pas le plus importantpuisque c'est le développementrespectif et complémentaire deces trois dimensions qui permettrala création d'une distinction servuctive, et donc une créationde valeur effective. Une telleapproche permet donc de prendreen compte à la fois le rôle centraldu SI (support d'interactions parexcellence) et le caractère indisso-ciable de « l'active coopération »des collaborateurs, qui relèveprincipalement de la gestion desressources humaines (non réduiteici à sa seule expression en tantque fonction).

17 Montmorillon, B. de " L'investissement immatériel " in Charreaux, G. (coord.), Images de l'investissement, Vuibert, 2001, p.259-282.18 Charreaux G., Gestion Financière, 4ème éd., Litec, 1996, p.13.

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Comme le démontre de Montmorillon,l'analyse de l'investissementimmatériel suppose non pas laremise en cause des logiquescomptables et financières maisleur dépassement. La réussite del'investissement immatériel supposeen effet « l'active coopération »des collaborateurs (salariés maisaussi éventuellement autres parties-prenantes), et ce de manièredurable. Le concept est empruntéà F. Von Hayek pour lequel « l'information possédée par lesindividus ne peut être utiliséequ'avec leur active coopération ».En d'autres termes, le systèmed'information peut contribuer àfaire circuler, stocker et traiter l'information mais ne peut garantirsa transformation en valeur pourl'entreprise et ses parties prenantes.L'articulation entre TIC et créationde valeur ne peut donc être penséesans intégrer les changementsdans les pratiques que permettront /

faciliteront les investissements enTIC, ce que nous avons désigné sousle terme générique d'innovation.

Concevoir l'investissement en SI entant qu'investissement immatérielau sens défini par de Montmorillonpermet ainsi d'expliquer pourquoisont si récurrentes des questionscomme celle de l'évaluation du SI :le problème se pose finalementdans les mêmes termes que pourles dépenses de R & D ou de formation, au niveau de l'entreprisecomme de l'Etat ! Dès lors, on ne raisonne plus seulement en termes d'efficience-coût (coûts detransaction que l'on cherche àréduire) mais aussi, et surtout, entermes d'efficience par la créationde valeur (investir pour des trans-actions davantage créatrices derichesses). Cette dernière remarqueconduit directement au concept demodèle d'affaires.

Nous développons les implicationsthéoriques de l'utilisation duconcept de modèle d'affaires pourcette recherche, avant d'en indi-quer les conséquences au niveaudu choix du cadre d'analyse.

4.1 - De l'investissement immatériel au modèle d'affaires

Pour B. de Montmorillon, l'inves-tissement immatériel doit être distingué de l'investissementfinancier sur un point essentiel : lerôle que joue l'entrepreneur danscelui-ci, qui consiste à combinerdifférents actifs productifs en vuede générer de la valeur. Toutmodèle d'affaires est donc porteurd'une proposition de valeur, par

conséquent, d'une problématiqueentrepreneuriale spécifique consistanten une certaine forme de combi-naison de ces actifs. En d'autrestermes, si le modèle d'affairesrésume la manière dont l'entreprisecrée de la valeur pour les clientsen maîtrisant ses coûts, la problé-matique entrepreneuriale résumela manière dont le « problème »est traité par l'entrepreneur pourque le potentiel dont est porteur lemodèle d'affaires soit traduit dansles faits.

Notons que le modèle d'affaires apour particularité d'être unconcept à la fois flou sur le planthéorique19 et largement utilisédans la pratique20. Son utilisation a

21

19 Voir Porter, M. "Strategy and the Internet", Harvard Business Review, mars 2001, p.62-78.

20 Comme le montrent Warnier, V., Demil, B. et Lecocq, X. " Le business model : l'oublié de la straté-gie ? ", Actes de la XIIIème conférence de l'AIMS, Le Havre, juin 2004.

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4- Le modèle d'affaires comme concept central de réflexion et d'investigation

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considérablement augmenté avecl'apparition des sociétés directementliées à l'émergence d'Internet etqui se singularisaient par desmodèles d'affaires originaux. Maisau-delà du fait qu'il a été forte-ment lié aux TIC et à l'innovation,le concept est aussi susceptiblesur le plan théorique de permettrela combinaison d'approches habi-tuellement considérées commeincompatibles21, notamment dufait de son caractère global maisfocalisé sur la notion de transaction(avec les clients… mais aussi lesfournisseurs, les actionnaires, lessalariés…).

Il s'agit donc, en recourant auconcept de modèles d'affaires, dechercher à identifier la nature destransactions dans lesquelles setrouve prioritairement engagéel'entreprise étudiée. L'identificationde celles-ci, fonction du modèled'affaires sous-jacent à l'activitéproductrice de richesses, permettrad'identifier la problématiqueentrepreneuriale spécifique del'entreprise : comment les SI, entant qu'actif support, peuvent-ilsaider à augmenter la valeur de cestransactions ? Quelle est la naturede l'active coopération recherchéede la part des collaborateurs entermes d'innovation pour concrétiserce potentiel ? Voilà donc posée lestermes de l'articulation SI - I -CV… mais de manière à ce qu'ellesoit désormais appréhendableempiriquement et fondée théori-quement.

Notons pour finir qu'un modèled'affaires est un élément fort dedistinction entre les entreprises, et qu'il est à ce titre réputé être

propre à chaque organisation. Letravail réalisé par Amit et Zott22

montre cependant, dans le cas desentreprises liées à Internet, qu'ilest clairement possible de définirdes configurations génériques per-mettant de rapprocher différentesentreprises au-delà des différencesde secteurs. Mais recourir auconcept de modèle d'affaires et à la notion de problématiqueentrepreneuriale a une implicationimportante.

4.2- L'articulation SI - I - CV :une articulation à penser auniveau « business »…

On peut, avec Campbell et alii23,considérer que la direction géné-rale d'un groupe multi-activitésest une structure de gouvernanceparticulière, située entre lesactionnaires et des domaines d'activités qui pourraient, poten-tiellement, évoluer de manièreindépendante. La direction généralese trouve dès lors en situation de concurrence, pour allouer lesressources entre ses différentesactivités et les réguler, notammentavec d'autres équipes dirigeantesprésentes sur le marché ducontrôle d'entreprise24.

Goold et alii25 formulent en consé-quence sans ambiguïté les questionsque tout siège d'un groupe diversifiédoit se poser : comment le siègecrée-t-il de la valeur ? Surtout, en crée-t-il davantage que n'encréeraient des sièges concurrentsprésents sur le marché du contrôled'entreprise ou des structuresalternatives de gouvernance (fondsd'investissement, fonds de pension,etc.) ?

21 C'est ce que tentent de faire Amit, R. et Zott, C. in "Value creation in e-business", StrategicManagement Journal, vol.22, 2001, p.493-520 pour caractériser les modèles d'affaires fondés surl'Internet.22 Ibid.

23 Campbell, A. ; Goold, M. and Alexander, M. "Corporate Strategy: The Quest for ParentingAdvantage", Harvard Business Review, mars-avril 199524 Ces développements s'inspirent de Denis, J.P. " Michael Goold, Andrew Campbell et le AshridgeStrategic Management Centre : les rôles de la Direction Générale entre contrôle, stratégie et gouver-nement ", in Bouquin, H. (Dir.), Les Grands Auteurs en Contrôle de Gestion , éditions EMS, 2005. 25 Goold M., Campbell A. et Alexander M., Corporate-Level Strategy: Creating Value in theMultibusiness Company, John Wiley and Sons, 1994.

Page 24: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

Ces questions les conduisent àproposer la métaphore de la « parenté » (parenting) pourcaractériser les rôles du centre età considérer que la recherche d'un« avantage de la parenté »(parenting advantage) doit être le but ultime de toute stratégie « corporate ». Cette métaphore etce concept sont très importantsd'un point de vue normatif. Ainsi,par exemple, la pertinence d'uneacquisition devrait être jugéeselon deux critères intimementliés : d'une part, le siège doit êtrecapable d'appliquer à l'entité viséeson style de management ; d'autrepart, la mise en pratique de cestyle de management doit générerdavantage de valeur que n'encréerait un siège concurrent pratiquant un autre style demanagement ou une autre structurede gouvernance.

Les auteurs recensent donc quatrerôles pour le centre par lesquelscelui-ci peut créer, ou détruire, de la valeur dans le cadre de sesrelations avec les domaines et uni-tés (figure 1.3) :

1- par son implication dans laformulation des diverses stratégiesdes domaines ;

2- par les choix en termes d'in-terdépendance, à plus ou moinsdévelopper les relations entredomaines et unités par la miseen place de mécanismes de prixde cession internes, de processuset procédures transverses, ouencore par l'élaboration dedirectives ;

3- par les actions de ses servicescentraux et fonctions de support,qui suppose pour le siège des'assurer, via la coordinationhiérarchique, que les fonctions-supports sont économes, efficaceset efficientes alors qu'un échangerégi par le mécanisme de prix(recours à des prestatairesexternes compétents) est réputéassurer spontanément cettemise sous tension.

4- enfin, le centre est le seul àmême de gérer globalement leportefeuille d'activités du groupe.Ses décisions (ou non-décisions)en matière d'acquisition d'entre-prises, d'alliances, de fusions,de création, de regroupement,de séparation ou d'abandond'activités influencent alorsdirectement la dynamique desactivités elles-mêmes.

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Influence exercée

Liens entre unités

Choix de développement

Source : traduit de Goold M., Campbell A. et Alexander M., opus cité, p. 79

Fonctions supports et services centraux

Figure 1.3 : Les attributs de la parenté

Page 25: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

Les quatre modalités d'actions dusiège balisent l'espace de l'exerciceeffectif de la parenté dans ungroupe diversifié. L'intérêt ducadre de la parenté qui vient d'êtreétudié est qu'il traite réellementde la question de l'exercice ducontrôle exercé par la directiongénérale. Au cœur du problème,Goold et alii placent la question dugouvernement d'entreprise puisquela stratégie corporate concerne lamanière dont le centre crée de la valeur dans le cadre de ses relations avec ses domaines, filiales et unités.

Ce détour théorique est nécessairepour préciser un point qui nous estapparu fondamental au vu desinvestigations empiriques réalisées :

le fait que l'articulation SI - I -CV, telle qu'il nous semble pertinent de l'étudier, procèdepour l'essentiel du niveau businesset non du niveau corporate.

En effet, les travaux mentionnésmontrent une différence de rôlesentre le siège d'un côté, et leniveau « business » de l'autre : lacréation de valeur à ce secondniveau repose sur une capacité às'engager dans des transactionsavec les clients génératrices derevenus, et donc de valeur. Aussi,la question qu'il convient detraiter porte-t-elle sur lamanière dont les systèmesd'information et leur utilisationsont susceptibles de contribuerà ces transactions créatricesde valeur (figure 1.4).

Ce choix du cadre d'analyse ad'ailleurs été conforté par les propos de certains de nos interlo-cuteurs confirmant la nécessité duSI de s'adapter aux différentesactivités du groupe, aboutissant,en l'occurrence, à une réorganisa-tion de la DSI : « j'ai fait éclaterl'informatique par branches parceque c'était ingérable.

On était en central, on était

directement rattachés au PDG dugroupe et accusés d'être trop loin,de ne pas connaître les business,d'être trop lourds, trop chers.Donc on a éclaté et aujourd'hui il ya des DSI par branches d'activités ».

Ce premier repérage effectué, ilest maintenant possible d'expliquercomment nous relions l'articulationSI - I - CV et la notion de modèled'affaires (business model).

Figure 1.4 : Quelles relations entre SI et Innovation ?Pour des transactions davantage créatrices de valeur avec les clients

Page 26: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

4.3- Relier modèle d'affaireset SI

Pour investir de manière mieuxassurée, et peut-être aussi pluscréative, nous proposons d'appré-hender la question de l'investissementen SI à travers trois questions quireprennent les différents conceptsprésentés précédemment. Le but estici de dépasser la seule approchetournée vers l'efficience-coût,donc sur l'économie des ressources(sans, bien-sûr, l'ignorer) pourpenser l'efficience par la créationde valeur associée à un investisse-ment en SI. Ces trois questionssont les suivantes :

§ Quelles transactions créatricesde valeur associées au modèled'affaires ?

Quelle est la teneur des transactionsréellement au cœur du modèled'affaires (et donc du projet entre-preneurial) de l'entreprise, sourcede ses revenus ? Il s'agit ici d'unpréalable pour ne pas passer « àcôté de l'essentiel », c'est-à-direde la formule stratégique surlaquelle la croissance est assise.

§ Quelle problématique entre-preneuriale sous-jacente aumodèle d'affaires pour concrétiser

le potentiel de création devaleur ?

Puisqu'une entreprise est d'abordun ensemble de projets, concrétisésensuite, cette concrétisation nepeut pas ne pas être « probléma-tique ». Il s'agit donc d'isoler lesleviers cruciaux sur lesquels lemanager/entrepreneur peut etdoit s'appuyer dans le cadre dumodèle d'affaires pour que celui-cise traduise bien dans les faits.

§ Quels rôles et usages impulserpour le SI en conséquence ?

Cette dernière question vise à s'interroger quant à la manièredont le SI peut contribuer à unmeilleur traitement, ou à unemeilleure résolution, de la problé-matique entrepreneuriale identifiée.Loin de certains discours incantatoires,le SI est ici réellement replacédans son rôle « stratégique »,c'est-à-dire celui de support logistique des transactions créatricesde valeur.

Ces questionnements serontsystématiquement appliqués auxquatre études de cas que nousavons pu réaliser. Nous en développons maintenant lesenseignements essentiels.

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26 " C'est totalement différent. La banque d'investissement peut gagner pas mal d'argent sur peu d'affaires puisqu'on est avec des gros clients. C'est ce qui fait la différence avec le Retail […] ". " Dansla banque de détail, on peut se projeter à 5 ans et faire des scenarï à 8 - 10 ans ; pour la gestion d'actifs, on peine à se projeter à 3 ans ".27 Voir V. Warnier, X. Lecocq et B. Demil " Le business model : l'oublié de la stratégie ? ", Actes de la 13ème conférence annuelle de l'AIMS, Le Havre, juin 2004. Notons que certains chercheurs reprochent à ce concept son imprécision théorique (cf. le texte de M. Porter " Strategy and the Internet", Harvard Business Review, mars 2001). Ce flou relatif présente toutefois l'intérêt ici de permettre sonadaptation à la problématique spécifique du programme MINE : se concentrer sur l'articulation entre ladynamique d'innovation, le rôle des systèmes d'information et les transactions créatrices de valeur,quitte à s'écarter des schémas communément admis en stratégie.

Le groupe étudié est présent dansquatre métiers : banque de détail,services financiers, gestion d'actifset private banking, banque d'in-vestissement. Ceux-ci constituentune dizaine de business modelscar les différences entre métierssont présentées comme importantes.La banque d'investissement permetde générer des revenus sur labase de quelques transactions àfortes marges à partir de quelquesopérations et de produits surmesure ; à l'inverse, le modèle dela banque de détail repose sur lamasse des transactions et une

capacité en conséquence à indus-trialiser et commercialiser enmasse les produits26.

Les fondements des transactionscréatrices de valeur avec lesclients sont donc radicalementdifférents selon le modèle d'affaires adopté. Celui-ci appelleen conséquence des rythmes etdes formes d'innovation, ainsi quedes utilisations des supports technologiques et logistiques parnature différents selon les activitésconcernées et les modèles d'affairesqui les caractérisent27.

1- Le cas d'une grande banque française

Chapitre 2

Les quatre études de cas : éléments essentiels

Nous tentons, dans ce chapitre, de répondre aux trois questions fondamentales qui servent de base à notre analyse (voir chapitre 1,notamment la partie 4.3). Nous exposons ici successivement les quatre études de cas que nous avons pu mener à bien, dans une optiqueessentiellement descriptive - même si nous y faisons apparaître les constantes et les différences qui servent de fondements à nos analysesdans les chapitres suivants. Le but est de fournir au lecteur les élémentscontextuels qui ont guidés notre analyse, dans un souci de transparence.Le lecteur surtout intéressé par les enseignements que nous en tironspour les DSI pourra passer directement au chapitre suivant.

Page 28: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

Ce phénomène est renforcé par lefait que certaines activités, commela banque d'investissement, sontréalisées dans des industries « globales » (européanisation desclients, évolutions réglementaires)tandis que d'autres, comme labanque de détail, sont et resterontprobablement davantage « multi-domestiques » du fait de fortesspécificités locales.

Compte tenu des informationsauxquelles nous avons pu accéder,nous avons concentré notre analyse sur la branche « banquede détail ». Plus précisément, nosinvestigations se sont rapidementplus particulièrement centrées surun projet, en cours de finalisationau moment des interviews, qui acontribué à orienter nos analysessur les thèmes développés plushaut. Il s'agissait d'un projet derestructuration organisationnelleavec une forte composante informatique. Présenté comme un« nouveau modèle de banque »,ce projet est fondé principalementsur le recentrage des agences surla relation client. Il fournit en effetun ensemble d'informations mieuxstructurées au conseiller de clien-tèle, via un logiciel de CRM. Il permet également un partage pluslarge de ces dernières (tout collaborateur peut maintenant yaccéder) et permet de centraliserdavantage certaines opérations deback-office ou même de relationavec le client mais à faible valeurajoutée (mise en œuvre de centresd'appels).

Reprenons, à la lumière des informations que nous avons purecueillir sur les objectifs de ceprogramme, son déroulement etses premiers résultats, les troisquestions fondamentales que nousnous sommes proposés d'appro-fondir.

1.1- Quelles transactionscréatrices de valeur associéesau modèle d'affaires ?

D'une manière générale, le modèled'affaires de la banque de détailrepose sur la réalisation d'unegrande masse de transactions

génératrices de revenus indivi-duellement faibles et repose doncde manière importante sur la maîtrise des coûts d'exploitation.De ce point de vue, le ratioPNB/frais d'exploitation s'avèreêtre l'outil de mesure clé. Maiscette problématique est a prioricommune à l'ensemble desbanques de détail. C'est pourquoiil est important de descendre auniveau de chaque transaction pourmieux comprendre comment cettebanque en particulier tente de sesingulariser par rapport à sesconcurrents.

A ce niveau c'est le service et laqualité de la relation avec le clientqui sont présentés comme étantdiscriminants et susceptibles de « faire la différence » : « Les orien-tations principales de notre groupeconsistent d'abord à privilégier,avant toute chose, et quels quesoient les moyens pour y parvenir,la qualité des services au client(c'est notre leitmotiv) et, deuxiè-mement, la réactivité commerciale ».

Cette banque veut donc mettrel'accent sur le numérateur(efficience dans la création devaleur) au moins autant quesur le dénominateur (efficiencecoût). En particulier, elle chercheà maximiser le potentiel de chaquetransaction : «…la stratégie […]consiste, au contraire, à dire qu'àpartir d'un problème bien identifié,notre sens de l'innovation et notreingénierie vont vous proposer unmontage spécifique qui fera qu'onfera faire des économies à nosclients, à charge pour nous d'entirer la substantifique moelle.Ainsi, nous pourrons aligner destaux bien supérieurs à la concur-rence ». Ainsi, plutôt que de chercher à s'aligner systématiquementsur les taux les plus bas, ce quinécessite une orientation vers l'efficience coût, cette banque préférera jouer sur ses capacitésd'ingénierie pour proposer unecombinaison de produits bancairesqui ne seront pas les plus compé-titifs individuellement, mais dontla combinaison est, elle, compétitive.

27

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Ceci suppose une capacité à intégrer précisément les besoinsdu client et à y répondre demanière adaptée, donc à interagiravec lui. L'essentiel de la valeurest donc, ici, créée en front officepar ceux qui sont en contact directavec le client et interagissent aveclui. La focalisation passe alors de l'efficience des processus detraitement des transactions (backoffice) à l'efficacité des hommes etdes femmes qui co-construisent lavaleur avec le client.

Une fois identifiée la nature des transactions potentiellementcréatrices de valeur, se pose laquestion de savoir commentconcrétiser ce potentiel. Cetteconcrétisation passe, ici, par ledéveloppement de capacités d'innovation individuelles per-manentes : « Cela demande desinvestissements opérationnels, del'ingénierie, de la compétence,mais c'est, en même temps trèsrassurant pour le client : il saitqu'il est entouré d'experts pourl'aider à approfondir son cas etprendre du recul sur des taux plusflatteurs ici ou là. Ce ne sont pasles taux qui sont importants ! C'estle coût ! Quand vous articulez debons montages, vous pouvezréduire sensiblement les coûts etcela fait partie de notre démarchepermanente ».

Cela nous amène naturellement à laproblématique entrepreneuriale…

1.2- Quelle problématiqueentrepreneuriale sous-jacenteau modèle d'affaires pourconcrétiser le potentiel de création de valeur ?

Dans un tel cadre, l'acteur centralest le conseiller de clientèle et laproblématique entrepreneurialeest focalisée sur son implication :« On lui demande de prendre vraiment ses responsabilités entermes de management, d'acteurcommercial et d'interface client ».Cela a des implications en termesde recrutement, de formation, destructures et de style de management,destinés à maximiser cette impli-cation et cette responsabilisation :

§ Recrutement et intégration : « Autrement dit, ce qui m'intéresse,ce n'est pas d'avoir des moutonsdans le groupe [d'agences], ledoigt sur la couture du pantalon,qui exécutent ce que je leurdemande de faire, mais bien descollaborateurs qui ont intégré lapolitique du groupe, ses objectifset ses impératifs en termes de qualité de services et deréactivité, pierres angulaires dece que nous cherchons à faire ici »,« On a embauché 90 personnesen 4 ans : c'est fantastique, caril n'y a pas d'inhibition : vous leslancez dans la bataille, sansœillère. Il faut simplementcanaliser les énergies dans lebon sens du terme. On a laissélibre cours à leurs instincts. Onpouvait d'autant plus facilementcompter sur eux puisqu'ils n'avaient pas d'idées pré-conçues pour faire avancer leschmilblic ».

§ Formation : « Il y a aussi unvéritable appui en central auxactions marketing, une politiquede formation, donc responsabili-sation de l'acteur individuel.Tout cela existe aussi pour lesconseillers de clientèle…».

§ Structures : « Dans ce cadre,aidée par une hiérarchie courteet un appui d'animation, notrepolitique consiste à responsabi-liser l'acteur individuel pour l'initiative au quotidien », « Il ya aussi une hiérarchie courte quimet l'accent sur la suppressiondes échelons parasites ».

§ Style de management : « Monprincipe n'est pas le «Y a qu'à,Faut qu'on !» ; au contraire,c'est « Comment peut-on y arriverensemble ? » « Nous disons àtous : On a besoin de vos idées.Soyez créatif et inventif. Il n'y apas de petits chefs pour récupé-rer la mise ou pour verrouillerles initiatives ! Laissez librecours à votre instinct ».

Naturellement, cette grande auto-nomie et latitude de choix, doitêtre encadrée : « Et puis, il y a laclientèle qui, elle, a besoin d'avoir

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des règles qui soient communes etacceptées par tout le monde ». Laréglementation bancaire fournitun premier cadre fort : « c'estl'esprit d'initiative dans un cadreévidemment réglementé (loisScrivener, Murcef, Neiertz, com-munication financière) avec lesgrands équilibres à respecter…».La stratégie du groupe en fournitun deuxième : «[…] des collabora-teurs qui ont intégré la politiquedu groupe, ses objectifs et sesimpératifs en termes de qualité deservices et de réactivité, pierresangulaires de ce que nous cher-chons à faire ici ». Ce qui passepar la fixation d'objectifs et d'indi-cateurs clairs : « Pour autant, j'essaie toujours de dire clairementaux collaborateurs quels sont lesobjectifs qui m'ont été assignés(assurances-vie, actions, crédits,ventes associées, ouvertures decomptes, prescription sur les jeunesou sur le haut de gamme…)». « Naturellement, nous donnons lesens de ce qu'il y a à faire et de la mission, avec l'instrument d'observation qui permettra demesurer sur le terrain si les réali-sations correspondent aux canonsrecherchés ».

Les questions évoquées ici touchent toutes à la gestion desressources humaines au senslarge. C'est selon là que se situe le cœur de la problématiqueentrepreneuriale du modèled'affaires « banque de détail » del'entreprise étudiée. Ce constat neconduit toutefois pas à minimiserle rôle des fonctions de support,bien au contraire.

1.3- Quels rôles et usagesimpulser pour le SI en conséquence ?

Les fonctions support, dans un telcadre, doivent fournir aux collabo-rateurs situés en front office lesoutils nécessaires à la mise enœuvre de leurs capacités d'initiativeet d'ingénierie. Outre la rechercheclassique dans toute organisationd'une contribution à l'efficiencedes transactions, ces fonctionsjouent un rôle à trois niveaux :

§ Aides à l'animation : « Pourl'aider à être réactif et qualitatifdans son approche, il y a lastructure siège, je vous ai parlédes animateurs, et du marke-ting qui est là et qui l'appuie ».

§ La diffusion des capacitésd'ingénierie à travers lesproduits : les capacités d'ingé-nierie peuvent d'autant plus sedévelopper que les produitscombinables sont eux-mêmesdiversifiés et conçus pourrépondre à des besoins précis.C'est là que peuvent intervenirles relations avec les autresmétiers de la banque, susceptiblesde créer des produits « indus-trialisables » : « Nous adoronsle sur-mesure, c'est-à-dire lemouton à 5 pattes qui nous faitprogresser et avancer ; àchaque fois, nous avons leréflexe de nous demander si l'on peut l'industrialiser et leproposer sur une base mondiale.On développe alors tout desuite, derrière, l'outil qui va permettre de le gérer en batte-rie… Toute la [banque] est construite dans cet esprit : soucid'innovation et de répondre trèsvite avec originalité aux ques-tions particulières, et souci dechaîner derrière, avec unedémarche industrielle ».

§ Partage d'informations :l'information sur les produits etsur les clients doit être disponiblede manière à pouvoir rappro-cher les deux.

Dans ce cadre, le système d'in-formation devient un supportlogistique essentiel. Le termelogistique doit évidemment êtrepris ici au sens large comme l'ensemble des processus et outilspermettant au front office de fonctionner dans de bonnes conditions. Le terme « bonnesconditions » implique au minimum :

§ Un haut niveau de fiabilité : « Les problèmes de retail c'estla fabrication et l'industrialisa-tion parce que si le produit a dusuccès ou pas, il faut être capablede tenir la cadence ». « On n'a

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Page 31: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

pas le droit d'avoir le moindrebug ».

§ Un haut niveau de sécurité.

Mais le cœur du service rendu parle système d'information est parnature la mise à disposition desinformations nécessaires à ceux quivont concrètement être engagésdans les transactions créatrices devaleur avec les clients. Le SI doitdonc permettre un partage desinformations :

§ Sur les produits qu'il est possible d'utiliser et de combinerpour répondre au mieux à lademande du client. L'industrialisationdes produits financiers passeainsi avant tout par l'élaborationde logiciels ad hoc : « Pour larecherche en informatique, on a 50informaticiens qui ne travaillentque pour le développement denos outils de gestion. Commenos produits sont nouveaux, iln'y a pas d'outils dans le com-merce pour les faire tourner :on est donc obligé de dévelop-per nos softs ; il faut les valider,etc. C'est un énorme travail ».Ce dans le but de les intégrer ausystème global de la banqueétudiée : « En fait, on commenceà imaginer un premier produitsur-mesure avec Excel, puis ondéveloppe un soft si cela vaut lapeine, et on industrialise et c'estpublié sur le système central dela [banque]».

§ Sur les clients. De ce point devue, une augmentation du niveaude qualité passe notamment parle développement des outils degestion de la relation client, cequi constitue la part la plusimportante des investissementsdans le projet étudié.

1.4- Le projet étudié

Le projet que nous avons eu lachance de pouvoir étudier s'inscrittout à fait dans la continuité de cemodèle. Plus qu'un « nouveaumodèle de banque », il s'agit derendre plus efficientes les caracté-ristiques du précédent. Maiscomme pour le modèle d'affaireslui-même, il s'agit au moinsautant d'efficience dans la

création de valeur que d'effi-cience coût : « Le projet estconçu dans une seule optique :c'est d'améliorer l'efficacité auservice de la clientèle… C'est évi-demment clair ».

Pour cela aussi bien les investisse-ments informatiques (l'outil degestion de la relation client repré-sentait plus de la moitié de l'investissement total) qu'organi-sationnels visaient à dégager dutemps au conseiller de clientèlepour la relation client. Même si la dimension « efficience coût »n'est pas totalement absente(«[Le projet] est une remise encause, contraignante et coûteuse :cela doit se traduire, in fine, pardes économies et par une meilleureefficience. C'est un chantier énorme !» : les centres d'appel etla réorganisation de certaines activités de support ont aussi pourbut l'amélioration de la productivité),l'efficience dans la création devaleur est bien au centre du projet :« pour une fois, on s'est intéresséau numérateur, on s'est intéresséaux recettes et pas uniquementaux dépenses. Quand vous jouezsur les deux, les gens comprennentmieux », « Oui et l'idée aussi c'est :on met un outil pour vous donnerdu temps pour mieux vendre. Cen'est pas pour vous mettre dehorsc'est pour vous libérer du tempscommercial pour mieux gérercette relation client. Le phénomè-ne de productivité qu'on amènequi est une … qu'il voit, qui estquotidien, qui n'est pas pour leurpiquer le temps, c'est pour leur endonner pour vendre. C'est quandmême un message fort ».

Dès lors, la problématique entre-preneuriale s'en trouve aussiaccentuée (voir figure 2.1). Un tel investissement est en effet l'archétype même de l'investissementimmatériel qui ne crée que despotentialités. C'est bien, in fine, lamanière dont les conseillers declientèle utiliseront l'outil pourproposer des solutions mieuxadaptées aux besoins des clients

Page 32: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

qui permettront (ou non) de générer plus de valeur pour labanque. Difficile alors d'isoler l'impact de l'investissement en SI.

N'est-il pas alors tentant, soit d'attribuer l'ensemble des gainsde performance de l'organisationau SI, soit, à l'autre extrême du

spectre, de se concentrer sur lesgains en termes d'efficience coût ?Les économies réalisées grâce à la rationalisation de certaines activités de support ou grâce auxcentres d'appel sont plus faciles à mesurer - même s'ils ont aussi une dimension organisation-nelle)…

Le deuxième groupe étudié estprésent sur plusieurs activités denatures différentes, qu'une des-cription plus détaillée rendraitaisément reconnaissable. Nousavons surtout focalisé notre attention sur l'activité historiquedu groupe, tournée vers laconception et la construction desystèmes de production complexe,selon une logique de grands projets.

1.1- Quelles transactionscréatrices de valeur associéesau modèle d'affaires ?

Nous passons à un modèle d'affairesassez radicalement différent.Même si cette entreprise vend à la

fois des usines complexes et desservices associés, qui peuvent êtreun peu plus standardisés, l'essentielde l'activité est constitué d'unnombre relativement faible detransactions, chacune d'entre ellegénérant une forte valeur.

Dès lors, la création de valeurdans l'entreprise reposera néces-sairement sur deux piliers :

§ La capacité de dialoguer avecle client de manière à concevoirune offre qui, au-delà des élémentsstandardisés, réponde parfaite-ment à ses besoins, dans unelogique de sur-mesure (« On nefait pas beaucoup de produits

31

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Figure 2.1 : Evolution de la problématique entrepreneuriale dans le cas de la banque de détail

L’articulation SI - I - CVDans la banque de détail

avant le projet

La logique générale d’articulation SI - I - CV

L’articulation SI - I - CVDans la banque de détail

après le projet

Quelles transactions créatrices de valeur associées au modèle

d’affaires ?

Quelle problématique entrepreneuriale

sous-jacente au modèled’affaires

pour concrétiser le potentiel

de création de valeur ?

Quels rôles et usages impulser pour le SI en conséquence ?

=

=

=

=

=

=

2- Le cas d'un concepteur/constructeur de systèmesde production complexes

Page 33: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

standards »). Cela est nécessairepour obtenir les contrats.

§ La capacité à gérer des projetsde grande ampleur dans desdélais exigeants. Cela estnécessaire pour mener à bienles contrats. D'autant que despénalités financières directessont souvent prévues en cas denon-respect des délais, venant àgrever la rentabilité des transactions.

Ces deux piliers sont omniprésentsdans le discours des personnesinterviewées : « Il y a un aspectque je n'ai pas abordé en termesd'innovation, c'est la capacité àmieux travailler avec nos clientsou avec nos fournisseurs » ; « lanotion qu'on essaye de développer,c'est vraiment celle de permettrede travailler en temps réel avecnos clients ou avec nos fournis-seurs dans le cadre de leurscontrats. Je pense à un contrataux Etats-Unis […] qu'on n'auraitprobablement pas pu obtenir si leclient n'avait pas pu accéder, dansle cadre de sa démarche qualité, àl'ensemble de la documentationfournie par [l'entreprise]. A monavis, on n'aurait pas obtenu cecontrat si on n'avait pas eu ça.Donc, quand on parle d'extranet,c'est vraiment avec nos clients ouavec nos fournisseurs dans lecadre de projets communs ; maisc'est vraiment ça qui est fonda-mental »…

Ils sont en outre interdépendants :« Dès qu'on démarre un projet,avec le client, on définit un dossierde procédures de projet, on négocie avec le client ».

1.2- Quelle problématiqueentrepreneuriale sous-jacenteau modèle d'affaires pourconcrétiser le potentiel de création de valeur ?

C'est donc autour de ces deuxpil iers que s'organisera la problématique entrepreneurialede l'entreprise avec des conséquences

en matière de recrutement (hautniveau de compétences tech-niques), de formation, de style demanagement (prédominance dumode projet, accent mis sur laplanification et la traçabilité desopérations).

Le recrutement concerne principa-lement des personnes de hautniveau de qualification. Ainsi, lesingénieurs et les cadres représententainsi environ 30% des effectifs du groupe auquel appartient l'entreprise. En 2004, sur 7 000recrutements, 2 200 concernaientdes ingénieurs28.

Ces compétences seront bien sûrentretenues régulièrement par laformation (en 2004, plus de 70%des salariés ont bénéficié d'aumoins une action de formation)29.Les investissements ainsi consentisincitent à mener une politique degestion des ressources humainesvisant un faible turn-over du personnel.

Cela se traduira ensuite par la prégnance du management enmode projet : « En sachant quela culture projet a été très fortechez [nous] : on est une boîte quia eu très vite ce qu'on appelle uneculture de projets, une gestion de projets, un management deprojets, etc, etc. Ne serait-ce quepar notre passé : quand on produit6 [usines] par an, il faut le faire,quoi ! On comprend très bien l'intérêt d'avoir une gestion solideen ce qui concerne les projets ».

Enfin, cela conduira, notammentdans le cadre du management deces projets, à un mode de gestionplanifiée, où chacune des activitésest extrêmement cadrée, puiscontrôlée, avec en conséquenceune culture de la traçabilité desopérations : « Leur fonctionnementde projet est tout à fait standard,les outils pour suivre ce genre dechoses. Tout est décrit au niveaudu planning, au niveau nécessaireet on va retrouver, organisé

28 Source : site web du groupe.

29 Ibid.

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globalement par le planning, toutesles informations nécessaires pourque les gens puissent travailler » ;« Dans le [secteur], il y a ceux quifont, ceux qui contrôlent et ceuxqui décident que tout a été faitcorrectement et il y a en plus l'assurance qualité à côté ».

Enfin, se pose de manière aiguë leproblème de l'interfaçage entreceux qui conçoivent les offres etceux qui les mettent en œuvre.Cela est d'autant plus vrai dansl'entreprise étudiée que, pourcompresser les délais, il y a unrecouvrement entre phases deconception et de construction(alors que les concurrents américainsont, semble-t-il, une approcheplus séquentielle).

1.3- Quels rôles et usagesimpulser pour le SI en conséquence ?

Le SI doit logiquement fournir auxopérationnels chargés de concevoirles produits offerts par l'entrepriseet à ceux qui sont chargés de lesrendre opérationnels sur le terraindes outils pour faciliter leur travail.La DSI se vit très clairementcomme une fonction support, auservice des opérationnels : « […]nous devons écouter les besoinsdes gens du business, des opéra-tionnels, et leur apporter des solutions en nous appuyant sur latechnologie que nous possédons etdont nous devons théoriquementconnaître les limites et les possibilités ». La structure de sonfinancement, fondé pour l'essentielsur ses clients au sein du groupe,assurant ainsi « l'alignement business ».

Dans ce cadre, la politique est dese tourner autant que possiblevers les outils déjà disponibles surle marché : « Notre politique estclaire : c'est de dire que nous nesommes pas une société derecherche. Nous ne cherchons pasà déployer quelque chose qui existerait déjà sur le marché et quimarcherait. Notre objectif est desavoir ce qui existe et qui a faitses preuves sur le marché, d'êtretoujours au top level à ce niveau-là

et d'éviter, autant que faire sepeut, d'avoir à développer nous-mêmes quelque chose, pour nepas essuyer les plâtres et ne pasrentrer dans une logique de développement qui n'est pas lanôtre. C'est pas notre business ! ».Le but est autant de limiter lescoûts que de s'appuyer sur desoutils fiables, ayant déjà fait leurspreuves. Cela s'applique aussibien aux grandes applicationsstandards de bureautique, parexemple, qu'à des projets plussensibles.

D'un point de vue plus fondamen-tal, il n'est pas étonnant que lesoutils mis à disposition par la DSI correspondent tout à fait auxéléments du modèle entrepreneurialsoulignés plus haut. Il s'agitnotamment :

§ D'outils d'interfaçage avecles clients et les fournisseursdestinés à faciliter à la fois lecontact si important avec lesclients (peu nombreux, rappelons-le) et la gestion des projetsgrâce aux communications entemps réel avec les fournisseurs.Il est d'ailleurs intéressant quece type d'outil soit l'un des rarespour lesquels la DSI a commencéles développements avant derecevoir des commandes de sesclients internes. Elle a anticipéla demande. Neuf mois après ledéploiement de l'extranet, ilétait requis dans tous lescontrats : « aujourd'hui, toutesnos relations passent par lesréseaux : nos suivis de projets,toutes les relations contractuellesetc., maintenant se font sous leformat numérique ». Cela vatout à fait dans le sens de nospropositions : dans son activitéde veille technologique, la DSIsemble être particulièrementsensible aux nouvelles technologiessusceptibles d'apporter desavancées en matière de com-munication avec ses partenaires.Les aspects techniques cruciauxsont alors les problèmes desécurité / confidentialité maisaussi la compatibilité de systèmesmis en œuvre par des dizainesd'organisations différentes (jusqu'à

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700 fournisseurs interviennentsur un chantier de construc-tion). C'est aussi pour cela quel'emploi de solutions du marché,plutôt que développées en interne, s'impose. Il s'agit de sediriger vers les outils les plusstandards possible : « le seulmoyen d'utiliser les standardscommuns, c'est d'utiliser desoutils commerciaux, dernièreversion si possible et d'utiliserles outils du leader dans chaquecas ». Ces outils permettent nonseulement le partage d'informa-tions mais aussi d'applications,ce qui rejoint le deuxième typed'outils proposés…

§ D'outils d'ingénierie tenantcompte du caractère internationaldes activités de l'entreprise : « Autrement, ce que nous faisonsaussi aujourd'hui, sur [le principalchantier actuel], est de mettreen place tous les outils d'ingé-nierie permettant de travaillermondialement entre la France,l'Allemagne et les Etats-Unis ».Il s'agit donc de plus en plusd'informatique nomade, ce quiexacerbe encore les problèmesde sécurité déjà cités.

La DSI va également fournir desoutils en support du développementdes compétences. C'est le casnotamment dans les domainestouchant directement ou indirecte-ment à la sécurité et à la qualité.Elle commence par se les appliquerà elle-même : « Si vous voulez, ona, au sein de la DSI, développé unsystème de management de laqualité ; comme on est au sein[d'un groupe], on est un sous-groupe puisqu'on a nos propresfiliales, on a des directives demanagement de la qualité qui ontété définies au niveau du groupe,et donc on applique ces directivesau sein des différentes businessunits, mais certaines directionsfonctionnelles ont pris également,notamment au niveau de l'infor-matique, la décision de développerun système de management de la qualité. Et il repose sur une description de nos processus etsur une prévision annuelle de cesprocessus avec des revues de

direction en fin d'année qui font lebilan de tout ce qui a été fait entermes de qualité : ça va aussibien au niveau du traitement desréclamations de nos utilisateursqu'au niveau des audits internesque nous mettons en place, desprocess d'amélioration, d'innova-tion, de créativité qu'on met enœuvre ». Mais elle fournit aussides outils facilitant la mise enœuvre de ce type de démarchedans toute l'entreprise : « On a mis en place tout un système d'information pour la gestion dudéveloppement durable, et chaqueannée, il y a un bilan informatiséqui sort ».

1.4- Le projet étudié

Il nous paraît significatif que nosinterlocuteurs dans cette entrepriseont considéré comme particulière-ment adapté à notre sujet un projet qui consiste à mettre àdisposition à la fois des équipestravaillant sur un projet et duclient, l'ensemble des informationstechniques structurées autourd'un logiciel de gestion de la documentation. Il est intéressantde constater que ce projet regroupeles deux piliers que nous avons pumettre en exergue dans le modèled'affaires :

§ C'est un outil qui structure lesrelations avec le client et quipeut, à ce titre, constituer unatout concurrentiel pour obtenirdes contrats : « derrière, onmettra un paquet cadeau ànotre client qui va reprendre lagestion de [l'usine], on va mettreun paquet cadeau informatiquecomplet ; c'est-à-dire que tousles outils et tout l'historique desopérations sera dans un outilcomplet […], plus le logiciel decontrôle commandes ».

§ C'est un outil de gestion deprojet, facilitant la mise enœuvre de démarches d'ingénierieconcourante : « ça va depuis laconception 2D 3D de [l'usine]jusqu'à la gestion des fournisseurs,la gestion du planning, la gestiondes pièces détachées, la gestionde l'outillage, la gestion des

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expéditions, des matériels etautres, la qualification, la traça-bilité des opérations : vraimenttout est géré au niveau de cet[outil]».

On retrouve bien ici les deuxlogiques : efficience dans la créa-tion de valeur et efficience coût,entremêlées dans le même outil.Le point de départ est sans doutela première (c'est aujourd'hui un « plus » concurrentiel qui, àterme, sera sans doute l'un despoints obligatoires des appels d'offres dans ce domaine), mais laseconde est aussi très présentedans le discours de nos interlocu-teurs : « qu'est ce qu'on cherche àtravers tout ça ? C'est rendre lesgens plus efficaces ». Les buts deces systèmes sont en effet : « defaire collaborer les gens (c'est lapremière), d'avoir des modèlescommuns de données qui permet-tent de s'échanger des données,d'éviter d'avoir à ressaisir partoutles mêmes données, avec tous lesrisques d'erreurs qu'il peut yavoir, de fiabiliser tous les échan-ges de données et de permettre

surtout d'avoir une sorte de modèlenumérique des [usines] à construire,partagé par tout le monde et quisoit, en plus, récupérable aprèspar le propriétaire de [l'usine]pour pouvoir faire vivre ce modèleen fonction des évolutions de sapropre [usine]». Bien que s'agissantd'un outil structurant, nos interlo-cuteurs ont également mis l'accentsur le côté humain : « On équipeles gens de tel outil qu'ils doiventmettre en œuvre ; il faut qu'ilsréfléchissent beaucoup auxméthodes qu'ils vont devoir mettreen œuvre pour utiliser ces outils.S'ils sont efficaces dans lesméthodes et que les outils sontbien adaptés à ce qu'ils veulentfaire et qu'ils mettent des méthodesefficaces, il y aura une plus-valueénorme. Si les outils sont utilisésn'importe comment, la plus valuene sera pas forcément énorme.Là, il y a vraiment un enjeu trèsimportant. Il n'y pas que les outilset les nouvelles technologies, leshommes sont toujours là et sontvraiment au cœur du système.Ceux qui négligent cet aspect-làsont morts ».

35

La Recherche au CIGREF

Figure 2.2 : Le renforcement simultané des deux types d'efficiencedans le cas d'un concepteur de systèmes complexes de production

L’articulation SI – I – CVchez un concepteur / constructeur d’usines

clés en main

La logique générale d’articulation SI – I - CV

L’articulation SI – I – CV chez un concepteur / constructeur d’usines

clés en main

Quelles transactions créatrices de valeur associées au modèle

d’affaires ?

Quelle problématique entrepreneuriale

sous-jacente au modèled’affaires

pour concrétiser le potentiel

de création de valeur ?

Quels rôles et usages impulser pour le SI en conséquence ?

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Page 37: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

3- Le cas d'une multinationale du secteur de l'énergie

On retrouve donc dans le cadred'un modèle d'affaires différent lesaspects les plus importants de ceque nous avons pu mettre enexergue dans la première étude de cas : un projet avec une fortecomposante informatique, répon-dant aux besoins du modèle d'affaires de l'entreprise en jouantà la fois sur l'efficience coût et parla création de valeur. Nous y retrouvons aussi les particularitésd'un investissement immatériel au sens de B. de Montmorillon,créateur de potentialités d'amélio-ration dans la relation avec leclient (la « distinction servuctive »),mais seulement de potentialités,leur réalisation reposant sur la

volonté et les compétences descollaborateurs de l'entreprise. Cedeuxième cas montre toutefoiségalement, beaucoup plus que lepremier, que les gains en matièred'efficience coût peuvent euxaussi être difficiles à mesurer. Celanous amène donc, au-delà de ladérive possible vers une évaluationtrop centrée sur ce type d'efficience,à réfléchir à une manière alternatived'appréhender le contrôle desinvestissements en SI. Mais penchons-nous d'abord sur deuxautres cas, qui ont pour pointcommun de concerner des entre-prises moins centrées sur la relation client que les deux premières…

Il s'agit d'une entreprise intégréequi, outre quelques activités dediversification que nous n'aborderonspas ici, est organisée autour dedeux entités interconnectées,mais au modèle d'affaires profon-dément différent. La première esttournée vers la recherche de nouveaux gisements et la produc-tion du combustible. La secondevers la distribution. Il est intéressantde noter dès maintenant que cesdifférences dans le modèle d'affairesse traduisent par des divergencestrès significatives dans les ratiosde dépenses informatiques parsalarié d'une entité à l'autre.

3.1- La branche exploration-production

Dans le cas de l'exploration-production, toute l'activité estcentrée sur la recherche de nou-veaux gisements (ou de moyensde prolonger la vie des anciens).Le modèle d'affaires repose surla vente en grosses quantités desressources ainsi détectées etexploitées aussi bien à sa proprebranche de distribution qu'à d'autres

entreprises situées en aval de lafilière. Le cœur du projet entrepre-neurial est donc bien de trouverles ressources, celles-ci n'étantguère difficiles à écouler. Dès lors,la problématique est avant touttechnique30, ce qui a évidemmentdes conséquences sur le SI : « Tout le travail est un travail desimulation, et là, nous faisons tra-vailler effectivement : première-ment des ordinateurs puissants etdeuxièmement, évidemment, desoutils de calcul performants !Notre capacité à faire mieux quenos concurrents […] est là, dansnotre capacité finalement à mieuxanalyser la nature des couches età mieux visualiser la nature descouches. C'est fondamental ».

Au départ, la problématiqueentrepreneuriale est principale-ment centrée sur l'efficience coût(dans le sens d'une économie deressources) : « Je ne voudrais pasque l'informatique tire à elle seuletoute la couverture, mais, si vousvoulez, il y a 20 ans : en gros, sur10 forages que l'on faisait, unefois que l'on avait modélisé le

30 A cela s'ajoute toutefois une dimension que l'on pourrait qualifier de " politique ", consistant à négocier auprès des autorités les conditions de l'accès à ces ressources, ainsi que le partage desrevenus et des risques auprès de concurrents (les investissements et les risques sont tels que lesentreprises de ce secteur, même les plus grandes, n'investissent jamais seules sur un gisement).Nous développerons moins cet aspect, mais il a quelques conséquences importantes en termes de SI, notamment la préoccupation de définir des standards permettant l'échange de données avecles autres acteurs du secteur.

Page 38: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

sous-sol, en gros, 9 puits sur 10étaient secs. Donc, 9 fois sur 10, il n'y avait pas [de ressourcesénergétiques]. Aujourd'hui, alors,vous allez me dire, ce n'est pasbrillant, quand même, on est à 7puits sur 10 de faux. C'est-à-direque trois fois sur 10, nous trou-vons ; nous avons donc triplénotre capacité et nos résultats enune vingtaine d'années ». Cetteaugmentation des capacités decalcul, combinée à la raréfactiondes ressources énergétiques conduittoutefois à une évolution dumodèle d'affaires dont la naturepeut être comparée à celle de labanque de détail étudiée plus haut :il s'agit en fait d'un renforcementdes traits caractéristiques dumodèle d'affaires existant, condui-sant in fine, à un positionnementlégèrement différent et surtout àune problématique différente,mettant davantage l'accent sur lemanagement des connaissances.

En allant un peu plus loin dans ladéfinition de la problématiqueentrepreneuriale, on doit en effetprendre en compte que la décou-verte des ressources nécessite

une expertise pointue, et ce encore plus dès lors qu'il ne s'agitplus simplement d'aller chercherla ressource où on sait qu'elle setrouve, mais bien de trouver denouvelles zones où elle pourrait setrouver : « on a finalement assezpeu d'experts, et nos experts sontdes gens qui sont répartis dans lemonde entier […] Et, l'expérienceque l'on a acquise dans un paysest très intéressante à partagerdans un autre pays ». Dès lors,l'informatique doit aller au-delàdes simples capacités de calcul etde simulation : « Nous avons misen place deux moyens informa-tiques : c'est-à-dire des moyensqui permettent de visualiser fina-lement nos évènements sismiquesici au Brésil par des spécialistesanglais. Cela, nous le faisons,donc on a besoin d'outils pourcommuniquer et visualiser à distance.La deuxième chose est la gestiondes connaissances, c'est-à-direêtre sûrs que, finalement, nosexperts d'Angola qui ont fait cesdécouvertes (par exemple, lescarapaces de tortue ou peu importe)arrivent à mettre à la dispositiondes autres l'information ».

37

La Recherche au CIGREF

Figure 2.3 : Evolution de la problématique entrepreneuriale de la branche exploration/production

L’articulation SI – I – CVdans la branche EP

Il y a 20 ans

La logique générale d’articulation SI – I - CV

L’articulation SI – I – CVdans la branche EP

Aujourd’hui

Quelles transactions créatrices de valeur associées au modèle

d’affaires ?

Quelle problématique entrepreneuriale

sous-jacente au modèled’affaires

pour concrétiser le potentiel

de création de valeur ?

Quels rôles et usages impulser pour le SI en conséquence ?

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Page 39: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

3.2- La branche distribution

Le modèle d'affaires de la branchedistribution est profondément différent. Il s'agit de gérer l'appro-visionnement de très nombreuxpoints de distribution31. La problé-matique entrepreneuriale adonc une dominante logistique. Il n'est dès lors pas étonnant que le principal projet informatique

mentionné soit la mise en œuvred'un ERP. Là encore, cet investis-sement dont la vocation premièreest la rationalisation de l'utilisationdes ressources (efficience coût)semble aussi avoir eu un impactplus large, notamment dans lecadre de l'intégration de nouvellesentreprises au sein du groupe (figure 2.4).

31 Notons que nous avons rencontré une problématique assez proche dans le cadre d'entretiens com-plémentaires dans une autre organisation, la principale différence résidant dans le fait que les produitssont ici standardisés tandis que dans l'autre cas, il s'agissait de produits fabriqués sur-mesure

Figure 2.4 : Evolution de la problématique entrepreneuriale de la branche distribution en relations avec la mise en œuvre d'un ERP

L’articulation SI – I – CVdans le cadre du modèle

industriel traditionnel (toujours dominant)

La logique générale d’articulation SI – I - CV

L’articulation SI – I – CVdans le cadre d’un modèled’affaires davantage centré

sur les services

Quelles transactions créatrices de valeur associées au modèle

d’affaires ?

Quelle problématique entrepreneuriale

sous-jacente au modèled’affaires

pour concrétiser le potentiel

de création de valeur ?

Quels rôles et usages impulser pour le SI en conséquence ?

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Page 40: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

Notre quatrième étude de casporte sur une entreprise quiconçoit, fabrique et vend des volumes importants de produits devaleur relativement élevée, pourpartie à des professionnels, maismajoritairement à des particuliers.

4.1- Quelles transactionscréatrices de valeur associéesau modèle d'affaires ?

Nous sommes là dans le cas d'uneentreprise industrielle que l'onpourrait qualifier de « classique ».Le modèle d'affaires repose sur lavente de biens industriels quel'entreprise a elle-même conçus et fabriqués. Il s'agit donc, sur un marché très concurrentiel, deproposer un fort volume de produits,chacun d'entre eux présentant unedifférence suffisante entre lavaleur pour le client et les coûts deconception, de production et dedistribution. L'entreprise en questionest une organisation de grandetaille, internationalisée. Elle occupeune large partie de la gamme enprésentant à la fois des produits àprix relativement réduits et desmodèles hauts de gamme.

L'entreprise est présente sur deuxtypes de marchés :

§ Les marchés des pays déve-loppés (Europe occidentale,Amérique du Nord, Japon) quisont globalement arrivés àmaturité (marchés de renouvel-lement) et qui n'offrent que defaibles perspectives de croissance(en-dehors du développementde certaines « niches »). Laconcurrence y est exacerbée.Elle porte essentiellement surles prix mais aussi sur les services(financement, services aprèsvente), la qualité et les perfor-mances des produits, ainsi quesur l'innovation. Ces marchéssont par ailleurs soumis à descontraintes réglementairesimportantes, en particulier enmatière de sécurité des produitset de respect de l'environne-ment.

§ Les marchés des pays ditsémergents (Brésil, Chine, Inde,Russie, Turquie…) constituent uneseconde catégorie de marché.Ces marchés présentent de fortes- voir de très fortes - perspectivesde croissance car ce sont desmarchés de premier équipe-ment. Le développement de lademande y accompagne lacroissance du niveau de vie despopulations. L'attrait des entre-prises de ce secteur pour cesmarchés est fort malgré les spécificités de la demande.L'intensité concurrentielle surces marchés demeure cependantraisonnable.

Dans ce contexte, la taille constitueun facteur clé de succès sur cemarché. On assiste ainsi à un double mouvement de concentra-tion et d'internationalisation. Lesconcurrents sont par ailleurssimultanément engagés dans despolitiques de développement -qualitatif et quantitatif - de leuroffre (segmentation de l'offre, différenciation par l'innovation,développement de niches…) etdans des politiques de réductiondes coûts (rationalisation des outilsde production, externalisation,alliances concurrentielles…).

4.2- Quelle problématiqueentrepreneuriale sous-jacenteau modèle d'affaires pourconcrétiser le potentiel de création de valeur ?

Les trois axes de développementde l'entreprise étudiée sont dansla même logique :

§ L'internationalisation. L'entreprisea développé une offre spécifiquepour les produits émergents demanière à se développer sur cesmarchés.

§ Le renouvellement de l'offrede l'entreprise, se traduisantnotamment par un plan trèsambitieux de lancement de nou-veaux produits.

39

La Recherche au CIGREF

4- Le cas d'un concepteur/fabricant de biens d'équipements (principalement B to C)

Page 41: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

§ La réduction des coûts enjouant à la fois sur les coûts defabrication, de logistique et lesfrais généraux.

La problématique entrepreneurialeest donc double. Au niveau de laconception, il s'agira de proposer desproduits suffisamment innovantset qualitatifs, tout en limitant lescoûts. Au niveau de la productionet de la distribution, la probléma-tique est avant tout logistique. Ils'agira de proposer une largegamme de produits différents àdes millions de consommateurssitués dans des dizaines de paysdifférents. Dans les deux cas, onaura à gérer des compétencestechniques pointues et diverses età coordonner l'intervention desdizaines d'entreprises différentesintervenant dans la conceptioncomme dans la fabrication de cesproduits.

4.3- Quels rôles et usagesimpulser pour le SI en conséquence ?

Le SI vient en soutien de ces diffé-rents points, avec, semble-t-il uneforte orientation vers l'efficiencecoût. La dimension logistique y estforte : « La supply chain est unprocessus clé pour la survie del'entreprise et nous nous trouvonsnécessairement dans un schémad'alliance. L'ensemble des acteurscontribue à cette supply chain etla maîtrise en est fondamentalepour répondre à la demande etaux objectifs de l'entreprise dansles années à venir ».

Là encore, toutefois, la dimensionefficience par la création de valeurvient se mêler à l'efficience coût :une chaîne d'approvisionnementefficace réduit certes considéra-blement le niveau des stocks,mais c'est aussi un moyen de proposer un produit quasi-personnalisé dans des délaisacceptables au consommateur.

De même, la dimension innovationest forte dans le discours des

personnes interrogées : le SIcontribuera alors notamment à laréduction des délais de développe-ment des produits, ce qui est à lafois un moyen de créer plus devaleur (en ayant une gamme plusproche des besoins du marché : « La problématique de fond, l'im-portant, c'est qu'il faut avoir desavantages concurrentiels. L'avantageconcurrentiel, c'est quoi ? […] :sortir du produit vite, au momentoù on a dit qu'on devait le sortir »)et de réduire les coûts de dévelop-pement. Le SI peut aussi contribuerà modifier les méthodes de travailou à diffuser les « meilleures pra-tiques » : « Notre apport est ausside ramener des informations etdes best-practices pour les porterà la connaissance de ces gens-làafin de provoquer une démarched'innovation au sens de réinventeret de copier en intégrant de nouvelles façons de faire ».

Très lentement, car la culture del'entreprise est très ancrée dansson modèle d'affaires d'origine : « Les métiers nobles chez [nous],c'est de travailler à la conception,à l'ingénierie [produit] au senslarge et au produit, à la directiondu produit qui lui définit la stratégied'offre. Tout le reste est périphé-rique », ce dernier évolue. Commedans beaucoup de secteurs indus-triels, une partie de plus en plusimportante de la valeur est créedans ces services « périphériques ».Le financement de l'acquisition deces biens coûteux et leur mainte-nance occupent déjà une placeimportante dans les sources deprofits. A l'inverse, une partiecroissante de la valeur du bienmatérielle est produite et, dansune moindre mesure, conçue àl'extérieur de l'entreprise. D'oùl'omniprésence des relations avecles partenaires dans le discoursdes personnes interrogées. Làencore, les investissements dansle SI accompagnent une évolution,lente, mais sensible, du modèled'affaires de l'entreprise (voir figure2.5).

Page 42: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

On retrouve donc à nouveau cesdeux caractéristiques, récurrentesdans les cas étudiés, d'un entre-mêlement entre les deux logiquesd'efficience, bien accompagné parles SI… mais souvent sous la formed'une utilisation non anticipéed'outils initialement conçus avanttout pour répondre à l'une de cesdeux logiques. On voit aussi que leterme « stratégique », appliquéaux SI, n'a rien de galvaudé. Nonseulement le SI participe à l'évolu-tion de l'un des fondements de lastratégie de l'entreprise, son modèled'affaires, mais on retrouve à travers ces évolutions non antici-pées l'une des caractéristiquesque l'on reconnaît généralement à la stratégie : son caractère complexe et incertain, en somme« non programmable ». Cette uti-lisation d'un terme essentiellement

utilisé en informatique n'a riend'anodin. La logique de program-mation est en effet omniprésentedans l'entreprise car elle est sourced'efficience coût.

Elle l'est sans doute encore plusdans l'univers des systèmes d'in-formation. Or, la combinaison del'analyse de ces cas et de nosréflexions théoriques montre qu'ilfaut sans doute savoir, pour unDSI, sortir de cette logique de pro-grammation. La partie suivantepropose un cadre conceptuel susceptible d'aider à combinerlogique de programmation (car ilne s'agit en aucun cas de la laisserde côté) et logique de flexibilité,laissant toute sa place à l'émergent,en même temps que les deuxlogiques d'efficience (coût et création de valeur).

41

La Recherche au CIGREF

Figure 2.5 : Vers une évolution du modèle d'affaires ?

L’articulation SI – I – CVdans le cadre du modèle

industriel traditionnel (toujours dominant)

La logique générale d’articulation SI – I - CV

L’articulation SI – I – CVdans le cadre d’un modèled’affaires davantage centré

sur les services

Quelles transactions créatrices de valeur associées au modèle

d’affaires ?

Quelle problématique entrepreneuriale

sous-jacente au modèled’affaires

pour concrétiser le potentiel

de création de valeur ?

Quels rôles et usages impulser pour le SI en conséquence ?

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Page 43: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

L'un des dilemmes les plus récurrents en management estcelui qui porte sur le choix entrecentralisation des décisions, gage

de cohérence, et décentralisation,considérée comme plus motivantepour les collaborateurs et gage deflexibilité. La réponse à ce dilemme

32 Nous avons, dans la mesure du possible, essayé d'avoir aussi accès à des utilisateurs des systèmes mis en œuvre. Ce fut par exemple le cas dans le cadre de l'étude de la grande banque française. Il va de soi que l'analyse de ce type de discours sur un projet en cours ou terminé comporteun certain nombre de biais. Elle donne toutefois des indices intéressants sur les dimensions particulièrement cruciales de projets de ce type (les entretiens étaient conçus pour laisser nos interlocuteurs le plus libre possible de développer les thèmes qu'ils souhaitaient, et ce sans ordreimposé sinon un cadre très général).33 Pour une application au management stratégique, on pourra se référer à Martinet, A.-C. " Epistémologie de la stratégie " in Martinet, A.-C., Epistémologies et Sciences de Gestion,Economica, 1990, p.211-236 et " Le faux déclin de la planification stratégique " in Martinet, A.-C., et Thiétart, R.-A., coord., Stratégies - Actualité et futurs de la recherche, Vuibert, 2001, p.175-193 ou encore l'ouvrage de V. Perret et E. Josserand, Le paradoxe : Penser et gérer autrement les organisations, Ellipses, 2003.

1- La conduite du projet : du dosage entre besoin de coordination et créativité

Chapitre 3

Principaux enseignements en matière de management

de projets informatiques

Plusieurs des entrevues réalisées dans le cadre de cette recherche ont eulieu avec des responsables de projets à fort contenu informatique. Lesobjectifs et la mise en œuvre de projets de grande ampleur avec uneforte dimension informatique sont en effet souvent des révélateurs idéalsde la manière dont les SI peuvent contribuer à la création de valeur vial'amélioration de l'efficience-coût, mais aussi l'innovation créatrice devaleur. Ces récits sur les projets réalisés, sans leur donner un caractèreobjectif et neutre qu'ils n'ont pas32, mettent en exergue un certain nombre d'aspects perçus par les professionnels interviewés comme particulièrement cruciaux. Il nous a paru intéressant de les analyser, deles restructurer et de les confronter à un certain nombre de travaux derecherche effectués sur le sujet de manière à en tirer un certain nombred'enseignements sur la gestion de projets informatiques touchant aumodèle d'affaires d'une entreprise (pour le renforcer ou contribuer à lemodifier).

Nous adopterons ici une grille d'analyse qui conçoit le managementcomme un art complexe, consistant largement à doser de multiplesvariables en fonction d'exigences contradictoires33. C'est en fonction desdosages apparaissant dans cette étude comme les plus cruciaux quenous avons organisé ce chapitre. Difficile néanmoins de conclure un chapitre sur le management des projets à fort contenu informatique sansaborder le thème de leur évaluation. Nous montrons donc dans une dernière partie en quoi l'évaluation financière d'un projet informatiquepeut être délicate en proposant de se tourner vers des méthodes davantage qualitatives.

Page 44: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

dans un projet mené au sein de lapremière structure étudiée (lagrande banque française) nous aparu intéressante car elle laisseune large part à l'autonomie, touten évitant les dérives grâce àschéma directeur clair.

1.1.- Une forte autonomielaissée aux acteurs de terrain…

Dans le cas du projet étudié,chaque acteur était impliqué etdisposait d'une certaine autonomiedans la tâche qu'il avait en charge :« Mais en plus de ça, dans l'esprit,tout le monde était responsablec'est-à-dire que chaque personne,chaque individu avait la brique dumur et était responsable de sabrique. Et si sa brique ne marchaitpas, le projet était planté. Donc,chacun portait le projet. Et ça c'estfondamental. Il n'y avait pas unME, un MO, un gestionnaire, unorganisateur, un machin etc., non.Il y avait des acteurs dans le projet et chacun avait sa brique ».

Les avantages attendus d'une gestion de projet fondée sur des « task forces » relativement auto-nomes est double. D'une part, onpeut en attendre une plus fortemobilisation des acteurs de terrain.D'autre part, cela donne une certaine flexibilité permettant d'adapter le projet « cheminfaisant ».

Il semble que cette organisationait effectivement abouti à unedynamique positive. C'est vrai auniveau des responsables : « Maisoui et ça c'est important. Ça aussion était bien dans cet esprit projet, on était bien dans cettenotion aussi d'équipe projet quiétait d'abord de dire c'est notrebanque, on va la réussir. C'est-à-dire comment on va réussir pourque nos collègues réussissentavec nous. On ne livrait pas unsystème d'information, on livraitl'outil de demain pour nos collè-gues, pour nous, pour gérer labanque. Ce n'est pas tout à fait lemême esprit. C'est aussi important

à comprendre, on n'était pas fournisseur, on était banquier etc'était notre affaire tout en étantinformaticien et patron de projet ».Mais il semble que ce soit vraiégalement au niveau au-dessous34 :« Dans un projet de cette dimen-sion, avec les enjeux qu'il y avait,avec le défi qu'on mettait vis-à-visde tout le monde, il y avait unesolidarité énorme […]. Moi, combiende personnes venaient me voir,[…] il faut aller voir là, ça ne vapas, pas pour planter les gens,pour aider, pour dire attention, làon a le maillon faible. Ils ne s'ensortent pas, il faut aller les aider,c'est plutôt dans ce schéma-là. Etdonc c'est très important, il y avaitvraiment cet esprit de projet et devoir réussir quelque chose ».

Concernant la flexibilité, cela s'estnotamment traduit par l'abandonde fonctions difficiles à mettre enœuvre et non centrales dans leprojet et surtout par l'ajout defonctions non prévues. Ainsi : « onavait essayé d'orienter, c'est desdemandes très fortes au niveau duréseau de synchroniser l'agendaet le GRC avec Outlook, on aessayé, on a arrêté le projet. Onn'y arrivait pas, on n'a pas cherché, on n'a pas fait de procès,on laisse tomber ce plan là, oncontinue sur le reste ». Mais paral-lèlement : « On a embarqué destrucs sur la route, on trouvait desidées pas mal, on les embarquait »,« Et c'est vrai que dans la démarcheprojet on a eu 2-3 élémentsimportants qu'on a rajoutés « paschers », qu'on n'avait pas vus auniveau du projet et qui a fait laréussite du projet, ça a été tousles débranchements pour cetteintégration pour ce travail qui adonné une force aussi plus impor-tante au modèle ». Un tel modèlede fonctionnement n'implique passeulement une forte délégation deresponsabilité aux responsablesde projet. Elle a aussi des consé-quences sur la manière dont seraélaboré le cahier des charges.Nous y reviendrons dans la partie2.2.

43

34 Naturellement, le fait que cette analyse soit fondée sur le discours des responsables de projet etnon d'un échantillon global des acteurs impliqués nous oblige à une certaine prudence.

La Recherche au CIGREF

Page 45: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

Une telle flexibilité a semblénécessaire à nos interlocuteursdans un projet de cette nature : « Sur un grand projet, en prenantun langage militaire, il faut restermanoeuvrant c'est-à-dire qu'unprojet qui réussit est un projet oùles gens restent manoeuvrantc'est-à-dire qu'on suit une lignedirectrice, son objectif, mais sontcapables de s'adapter, d'improviser,de contourner les difficultés, d'endifférer la solution à plus tardparce qu'on peut vivre sans. Et je pense que c'est important depouvoir le faire parce que si unprojet où vous devez faire exacte-ment tout ce que le scénario aprévu, vous vous plantez parceque la vie ce n'est pas ça, il y ades difficultés qui surgissent quevous n'aviez pas prévues, desopportunités qui se présententque vous n'aviez pas anticipées.Donc, il faut à tout momentexploiter des opportunités, s'adapter,changer de cap, contourner lesdifficultés, faire un pas en arrièrepuis en refaire 3 d'après et sansarrêt ça sinon vous n'y arrivezpas. Il faut de l'autonomie, il fautde la décision ».

1.2- … qui laisse une grandeplace à l'improvisation ?

La conjonction de l'autonomie et dela flexibilité rappelle une métaphoreutilisée par plusieurs chercheurs,et notamment K. Weick35, celle desorchestres de jazz. Au sein de cesorchestres en effet, la coordinations'organise autour de « structuresminimales », de nature à la foisformelles (on improvise autourd'une partition) et informelle(compétences spécifiques développéespar les musiciens, connaissancequ'ils ont de leurs collègues).Certains auteurs ont déjà cherchéà transférer cette grille d'analyse à laconduite de projets en entreprise36.Est-elle pertinente ici ?

On retrouve certes certains deséléments au cœur de la métaphore.

D'abord, l'improvisation se dérouleautour d'un axe (le cahier descharges), que l'on pourrait assimilerà la partition. Cet axe était renforcédans le cas du projet étudié par lechoix d'un progiciel qui dès lorsimposait des contraintes. Ensuite,le modèle de gestion de projet utilisé ici cherchait à maximiser lesinteractions entre acteurs d'hori-zons différents : chaque groupecomportait en effet à la fois desinformaticiens et des gens « dumétier ». C'était aussi le cas ausommet de l'organisation, l'un desresponsables du projet GRC étantinformaticien et l'autre « banquier ».

Toutefois, le terme même d'impro-visation n'est pas nécessairementle plus adapté. On ne peut pasassimiler flexibilité et improvisation :« Tout était, pas improvisé, maisdécidé dans l'heure. Et puis je mesuis dit il faut qu'on mette les normes au point, des comités. Etpuis, je me suis rendu compte quej'étais en train de casser la dynamique, c'est-à-dire qu'unprojet comme ça il faut lui laisserun bordel maîtrisé pour parler trivialement. Il faut maîtriser etlaisser un peu de bordel sinon çan'avance pas si vous commencez àdire je veux un … tous les matins,il faut déposer quand vous voulezfaire un cahier des charges, il mefaut 25 pages d'annexes et il fauttout relire etc. ça y est, là vousprenez 3 mois et les mecs, ça neles intéresse plus. Donc il faut laisser ce qu'il faut de créativité,d'initiative, j'allais dire trivialementde bordel. Moi après, j'ai vite dit ilne faut surtout pas faire ça parceque je l'ai fait autrement. Mais ilne fallait surtout pas commencer à structurer parce que là vous cassez la dynamique ».

Si la métaphore est utilisée pourmettre en exergue la nécessitéd'un cadre minimal (un « schémadirecteur ») et de fortes interac-tions entre les acteurs, alors ellenous semble pertinente. En revanche,

35 Voir par exemple Weick, K. " Improvisation as a Mindset for Organizational Analysis ", OrganizationScience, vol.9, n°5, 1998, p.543-555.36 Voir Kamoche, K. et Pina e Cunha, M. " Minimal Structures : From Jazz Improvisation to ProductInnovation ", Organization Studies, vol.22, n°5, 2001, p.733-764.

Page 46: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

il faut garder à l'esprit que, dans lecadre d'un projet informatique, lesinterdépendances entre groupesde travail sont fortes. Ils avancenten parallèle sur un système quidoit in fine présenter une trèsforte cohérence. Globalement,dans le projet étudié comme dansles autres qui ont été évoqués parnos interlocuteurs, les rôles dechacun étaient clairement définis :il n'y a pas de place dans un telprojet pour de brillants « solos ».

Notons d'ailleurs que Weick37

introduit dans son analyse duconcept d'improvisation un ensemblede nuances, dues initialement àKonitz, qui conduisent à distinguerl'interprétation (quelques libertésprises autour d'une performancefondée sur la partition), l'embellis-sement (des phrases entières sontparfois déplacées, mais la mélodiereste reconnaissable), la variation(des séries de notes n'appartenantpas à la mélodie d'origine sont

insérées, mais la relation avec lamélodie originale reste claire), et l'improvisation au sens strict (la mélodie est alors réellementprofondément transformée). Lemanagement du projet quenous avons décrit dans ceslignes se rapproche plutôt dece qui est ici appelé « variation »(on introduit des parties non prévues,mais le projet d'origine reste par-faitement reconnaissable) qu'unevéritable « improvisation ».

Il n'en demeure pas moins quecette métaphore a le mérite derappeler en permanence cette tension entre planification et espacesde créativité qui doit être conservée,y compris pour un projet informa-tique pour lequel le premier termepeut sembler prédominant.

Nous revenons dans les deux partiessuivantes sur deux ingrédients quisemblent indispensables à la conduiteflexible d'un projet informatique.

Une organisation laissant de l'au-tonomie aux acteurs nécessite ladéfinition d'un schéma directeurclair. Il constitue à la fois un guidepour les décisions des responsablesde projet, accélérant ainsi la prisede décision et une force centripète,évitant que des groupes trop auto-nomes n'aboutissent à un résultatpeu cohérent. Toutefois, un schémadirecteur clair ne signifie pas pourautant un cahier des chargesextrêmement détaillé…

2.1- Un schéma directeur clair

Dans le cas du projet bancaire quisert de fil directeur dans ce chapi-tre, le but était très clair. « Lesanciennes applications doivents'arrêter donc la feuille de routeétait très claire, il n'y avait auneambiguïté vis-à-vis du système

d'information, vis-à-vis du modèlenon plus, c'était partager l'infor-mation quel que soit le canal ».

Il y avait donc une vision nette dece à quoi devait aboutir le projet,du résultat attendu. Cela a aboutinotamment à une plus granderapidité de décision. « Ce qui étaitformidable c'était de voir la rapiditéde décision. En fait, que ça soit de son côté ou du mien, les gensrentraient dans le bureau pourune demande de décision, unedemi-heure après ils sortaient, ilsl'avaient ». Les responsables duprojet étaient en effet à même d'identifier les éléments essentielssans lesquels le projet n'aurait pasatteint ses objectifs des aspectsplus secondaires, des « plus » produit dont il était possible de sepasser.

45

37 Weick, K., op.cit., p.544-545.

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2- Une première implication : du dosage de la précision du cahier des charges

Page 47: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

Mais un schéma directeur compor-te une direction, pas la voie pour yparvenir. C'est là où le cahier descharges global38 peut donner unecertaine dose de souplesse. Il doitdavantage fixer la finalité globale,qui n'a pas, en principe, vocation àvarier significativement pendant leprojet que le détail des prestations(par exemple des fonctions que doitremplir l'outil en fin de projet).Développons un peu cet aspect…

2.2- Mais un cahier des charges souple

Ne pas définir trop précisément lesfonctions du livrable peut certesconduire à un produit légèrementdifférent de l'idéal qui avait servide fondement au projet. Ainsi,certaines fonctions pratiques,mais pas indispensables au fonc-tionnement de l'ensemble peuventêtre abandonnées. Cela limite tou-tefois les risques de dépassementdes délais et des budgets. De plus,cela permet d'avoir un produitopérationnel permettant de mieuxen observer les utilisations avant,éventuellement, de le perfectionner :« Il vaut mieux livrer quelquechose d'imparfait pour vous donnerle temps de voir comment les gensl'utilisent (vous pouvez améliorer)que chercher à livrerZ le truc parfaitet, manque de pot, il est parfaitpour vous mais pas pour les utili-sateurs, donc il faut tout refaire ».

D'autre part, comme nous l'avonsdéjà évoqué, cela peut permettreà la créativité des acteurs du projetde s'exprimer et donc d'ajouter desfonctions non prévues. Des idéesintéressantes peuvent émerger « chemin faisant ». Ainsi, dans leprojet bancaire étudié : « Oui on aeu cet exemple, il n'était pasquestion de mettre dans la gestionrelation client le détail des écrituresd'un compte en disant il y a uneapplication qui la donne […] laposition des comptes, ce n'est pasla gestion de la relation client. Eton a vu l'opportunité de pouvoir

aller interroger la position decompte et de l'afficher dans unécran. Ça ne coûte pas cher etc'est la transaction la plus utiliséeaujourd'hui ». « Et surtout qu'onen a profité pour en faire unhabillage commercial c'est-à-direque quand vous avez la positiond'un compte vous avez toutmélangé, débit, crédit, etc. Quandon leur a dit on va vous faire unevue sur les débits-crédits pour uncommercial, quand il regarde lecompte il a une lecture du fonc-tionnement du compte donc il aune vision commerciale, combienil gagne, est-ce qu'il y a de grosvirements, comment ils dépensent.…Donc tout de suite ils avaientl'information commerciale. Doncon a fait d'une pierre deux coups,ça leur a évité d'aller sur l'applica-tion et en plus ils avaient la visioncommerciale. Donc pendant l'entretien, il regarde commentfonctionne le compte mais c'estplus facile quand vous pouvezregarder séparément les deux. Etdonc, effectivement, c'est ce quiest le plus utilisé, ce n'était pasdans le cahier des charges ».

Mais cela n'est pas possible si lecadre d'origine est trop strict : « Et si vous faites un forfait endébut de projet, vous ne pouvez pasfaire ça. Soit vous avez l'autoritésur le projet et vous décidez deprendre et de ne pas prendre. Et sic'est pour l'opportunité du projet,pour votre analyse de…, vos élé-ments de réussite du projet, dedire aux gens attendez vous faitesun effort de plus et on embarqueça parce qu'avec ça on va avoirune chance de plus de faire passerle projet sur l'opportunité qui seprésentait, c'est très important. Al'opposé si vous aviez un cahierdes charges carré en disant vousvous revenez 2 ans après, c'estfoutu ».

Si les principes que nous mettons enévidence ici nous semblent pouvoirêtre appliqués à de nombreux

38 Cette partie concerne le cahier des charges tel qu'il est défini par les " sponsors " d'un projet à l'usage des responsables projet. Il va de soi que le cahier des charges réglant les relations avec desprestataires externes intervenant dans le projet répond à d'autres exigences, notamment en termes deprécautions juridiques qui peuvent amener à une plus grande précision dans la définition du livrable.

Page 48: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

projets, il est évident que la naturemême de ce dernier peut conduireà une définition plus ou moinsdétaillée des résultats attendusd'un projet. Ici comme ailleurs, iln'existe pas de « one best way »

mais une adaptation spécifique dudosage entre l'exigence d'unevision suffisamment nette dulivrable attendu et le besoin deflexibilité inhérent à tout projet dece type.

La gestion d'un projet implique pardéfinition une dimension temporelle.Le respect des délais est capitaldans le cadre d'un projet de miseen œuvre d'un outil informatiqueou d'un projet de changementorganisationnel avec une dimension« SI ». Les délais conditionnent eneffet en grande partie les coûts.Mais cette dimension peut aussiêtre utilisée dans la gestion dudilemme coordination /autonomie.

3.1- Le rôle central des délais

Le constat de l'importance desdélais est banal. Mais du fait deson influence sur les coûts (« Onavançait parce qu'il faut être conscient d'une chose c'est quetous les soirs on avait dépensé300 jours supplémentaires »), ilpeut être considéré comme unevariable centrale de pilotage d'unprojet.

Il existe bien sûr une tension entrela recherche de qualité et lesdélais. Sans céder sur l'essentiel(le schéma directeur défini plushaut), il paraît parfois nécessairede sacrifier tel ou tel aspect secon-daire au nom du respect desdélais. D'autant que la relationqualité/délai n'est pas purementantagoniste. Des délais trop longspeuvent conduire à mettre àdisposition des utilisateurs un produit déjà dépassé. De plus,certains correctifs nécessaires nesont découverts que quand unproduit est utilisé sur une grandeéchelle. Mettre à disposition unpremier produit, même imparfait,permet de conserver des marges demanœuvre en termes d'adaptation.

Cette tension vers l'objectif detenir les délais ne doit pasmasquer les changements derythme qui ponctuent un projetde ce type. Il est d'ailleurs

intéressant de noter que l'un de nosinterlocuteurs a spontanémentutilisé la métaphore musicale enréponse à une question sur lesacteurs impliqués en amont duprojet : « Tous ceux qui vont avoirà le mettre en musique ». Nous lareprenons ici à travers la notion de« rythme » d'un projet.

3.2- Le rythme d'un projet

Les différenciations de rythme se font bien sûr au niveau de l'évolution des effectifs : « on étaitparti à 20, on est monté à plus de300 », l'augmentation des effectifsentraînant souvent dans un premiertemps un ralentissement de l'évo-lution du projet, une partie du tempsétant consacrée à l'intégration desnouveaux arrivants. Accepter cetype de ralentissement durythme peut ensuite faciliter unemontée en cadence d'autantplus prononcée. Il faut garder àl'esprit qu'un retour en arrière lié àune décision inappropriée estgénéralement bien plus dévoreusede temps qu'un ralentissementtransitoire au moment de fixer desoptions importantes, en particulieren début de projet.

Un autre aspect est important :ces changements de rythmes nesont pas toujours compris de l'extérieur. Deux mesures peuventpermettre d'atténuer cet écueil :

§ Laisser de l'autonomie à l'équipe projet. Demander desreportings trop fréquents parexemple peut conduire à mettreune pression inutile à desmoments de ralentissementapparent. Parallèlement, cetteautonomie raccourcit les délaisde décision « Et c'est pour çaqu'on a pu avancer vite etrespecter les délais et les budgets

47

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3- Une deuxième implication : la gestion des temporalités

Page 49: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

parce que la décision était prochede l'opérationnel parce quesinon quand vous commencez àdemander les décisions aucomité de pilotage qui se réunittous les deux mois, vous êtesmort ».

§ Ne pas négliger l'aspect « communication » dans lecadre du projet et pas seulementau moment sa mise en œuvreeffective : « d'abord, sur unprojet comme ça, il y a eu unevolonté complète des acteursque j'ai imposée, je pense que[le co-pilote du projet] étaitdans le même état d'esprit,d'une transparence complète,vous avez le droit de ne riencacher. Quelle que soit la per-sonne de l'équipe, donc il y avaitune transparence, on a mis tousnos modèles, tout notre planning,on l'a mis sur notre intranet, eninterne ». Il semble importanten particulier, lorsque celaest possible, de marquer lesavancées significatives duprojet par des évènementsde communication. Il s'agit enquelque sorte de « montrer quecela avance ».

Ces deux éléments sont d'ailleurs liéscar l'absence de communicationrisquerait assez naturellement desusciter une intensification ducontrôle pour compenser lemanque de visibilité sur le projet.

Un autre aspect de la gestion durythme d'un projet consiste à saisir des opportunités liés aucontexte dans lequel se déroule samise en œuvre. Selon Tyre etOrlikowski39, l'adaptation aux nouvelles technologies doit s'ef-fectuer de manière discontinuepar une succession de périodesd'adaptation importantes et depériodes de stabilité. Le rôle du

management est alors, d'une part,de créer les conditions nécessaires(« windows of opportunities ») pourque ces périodes d'adaptation et dechangement adviennent, d'autrepart, de valider et d'institutionnaliserles changements à la fin dechaque période.

Or, on peut supposer que lespériodes de changement intensesont plus participatives de manièreà ce que les utilisateurs s'appro-prient réellement les modificationsintroduites. Il est donc possibled'imprimer un mouvementd'oscillation entre des périodesmettant l'accent sur la créativitéet des périodes plus directivesmettant l'accent sur la stan-dardisation et la cohérenced'ensemble. Cela se rapprochede ce qu'A.C. Martinet40 qualifie deprocessus « d'équilibration » oùseraient mis en œuvre les moyensde dépasser certains paradoxesmanagériaux en permettant lepassage d'une situation d'équilibreà une autre au travers de l'acquisition, par apprentissage,de schèmes de comportement etde pratiques adéquates.

Globalement, c'est d'ailleurs l'en-semble de ce chapitre qui peutêtre associé à ce type de dynamiquefondée autour de couples « ago-antagonistes »41. Nous y avons misl'accent sur la nécessité de maintenir une certaine dose sinond'improvisation, au moins de souplesse dans la gestion de cetype de projet. Toute dérive d'unprojet, qu'il s'agisse de modificationsdu projet initial ou de décalagesdans le temps de certaines étapesn'est pas nécessairement négative.Certaines d'entre elles permettentd'intégrer des fonctions utiles tandis que certains sacrifices sontparfois nécessaires pour tenir les

39 Tyre. M.J et Orlikowski. W.J " Exploiting Opportunities for Technological Improvement inOrganizations ", Sloan Management Review, vol.35, n°1, 1993, p. 13-26.40 Martinet, A.-C. " Le faux déclin de la planification stratégique " in Martinet, A.-C., et Thiétart, R.-A.,coord., Stratégies - Actualité et futurs de la recherche, Vuibert, Paris, 2001, p.175-193.

41 Nous revenons sur les principes essentiels de la systémique ago-antagoniste au chapitre 5, partie 3.

Page 50: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

délais. De même, le rythme d'unprojet n'est pas linéaire et toutralentissement n'est pas anormal.Il n'en demeure pas moins que le schéma directeur doit êtrerespecté, aussi bien au niveau desfonctionnalités essentielles del'outil ou des outils mis en œuvreque des délais. La difficulté consisteà déterminer quand une de ces

dérives devient préjudiciable auprojet… Il s'agit donc de déterminerle dosage des principaux élémentsen jeu.

De ce point de vue, le problème classique de l'alignemententre stratégie, contexte organi-sationnel et démarche de mise en œuvre de la technologie peutdonner quelques indices.

La question de l'alignement entrestratégie et système d'informationde l'entreprise peut désormaisêtre considérée comme classiquedans la recherche en SI. De nom-breux travaux, notamment d'originesociologique, soulignent quant àeux la nécessité d'adapter ladémarche au contexte organisa-tionnel. Ces éléments peuventdonc contribuer à guider lesmanagers dans le dosage entredirectivité et souplesse, entrestandardisation et créativité ouentre qualité et délais.

4.1- Que disent les travaux derecherche ?

Sans chercher à être exhaustif, unrapide panorama des travauxmenés sur le sujet peut être utile.

Le principe de base de l'alignementstratégique prend ses racines dansl'hypothèse, classique en stratégie,que les performances de l'entreprisedépendent de la cohérence entrecontexte concurrentiel, stratégiede l'entreprise et structure organi-sationnelle42. Des chercheurs vontainsi transposer le même principeau management stratégique desSI.

Henderson et Venkatraman43 pro-posent ainsi de raisonner en termes d'analogie avec cetteapproche stratégique en distinguant :

§ Les éléments externes de lastratégie TI : l'envergure des TI entermes de technologies utilisées- équivalent du « business scope »de l'analyse stratégique - lescompétences systémiques -équivalent des compétencesdistinctives en stratégie - et lagouvernance des SI (intégrantnotamment les alliances, filialescommunes, licences, etc.).

§ Les éléments internes : l'archi-tecture du SI - équivalent de lastructure organisationnelle - lesprocessus liés aux TI et les compétences (au sens plus indi-viduel : « skills ») disponibles.

Selon eux, l'alignement doit sefaire à deux niveaux : alignementdes domaines d'activité et SI d'uncôté et entre éléments externes et internes du SI de l'autre. Ilsdistinguent alors quatre perspectivesd'alignement :

§ L'exécution de la stratégie.Il s'agit de la conception la plustraditionnelle du rôle du SI. Onpart de la stratégie, on aligne lastructure organisationnelle surla stratégie, puis l'infrastructure(éléments internes) du SI surl'organisation.

§ La transformation techno-logique. On part à nouveau dela stratégie générale de l'entre-prise. On aligne les élémentsexternes de la stratégie TI sur

49

4- La question de l'alignement stratégie/SI

42 Hypothèse qui se fonde notamment sur les travaux historiques d'A.D. Chandler (voir Chandler,A.D., Strategy and Structure : Chapters in the History of the American Enterpise, MIT Press, 1962).43 Henderson, J.C. et Venkatraman, N. " Strategic alignment : Leveraging information technology fortransforming organizations ", IBM Systems Journal, vol.32, n°1, 1993 et vol.38, n°2/3, p.472-484.

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Page 51: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

cette dernière, puis ceux de l'infrastructure TI sur la stratégieTI.

§ Le potentiel compétitif.C'est alors la stratégie TI quiprocurera des pistes d'orientationpour la stratégie générale. Onalignera alors l'organisation surcette stratégie générale.

§ Le niveau de service. Làencore, c'est la stratégie TI quisert de point de départ. On sefondera sur ces technologies pourfournir un niveau de serviceélevé au client. On devra doncaligner l'infrastructure TI sur ces objectifs, puis la structureorganisationnelle sur l'infras-tructure TI.

Certains chercheurs ont proposéd'inclure dans cette perspective ladémarche et les méthodes utiliséesdans la mise en œuvre de nouvellestechnologies de l'information44. Unauteur comme Gallivan45 illustreles remarques précédentes à partir de l'exemple d'une grandecompagnie d'assurance ayant utiliséles TIC d'une manière très « conservatrice » jusqu'à la miseen place de technologies fondéessur une architecture client/serveurdans leur division « systèmes d'information ». L'un des buts decette introduction était de modifierles rôles et les compétences dessalariés de cette division et leurculture de manière à ce qu'elles'oriente davantage vers sesclients. L'introduction de la tech-nologie a été planifiée de manièrecentralisée et a bénéficié de res-sources financières en formationimportantes. Ce processus assezbureaucratique de mise en œuvre,qui reflétait la culture de l'entrepriseet correspondait aux attentes de saDivision Informatique a aboutilogiquement à un succès en termesde diffusion de la technologie,mais aucunement en terme de

changement culturel. Un tel exempleest significatif de la difficulté duproblème. En effet, si la directionavait modifié le processus de miseen œuvre pour qu'il correspondemieux aux objectifs recherchés, lerisque était élevé de se heurter àdes résistances organisationnellesliées à l'incompatibilité des struc-tures existantes relativement àleur culture.

Dans le cas du projet sur lequelnous avons le plus de données,l'alignement entre ces trois élémentssemble quasi-parfait, ce qui peutexpliquer en partie le succès duprojet.

4.2- Le cas de la banque dedétail

Nous avons vu que ce projet visaità renforcer un modèle d'affairesqui consiste à faire du « sur mesurede masse » c'est-à-dire, d'un côtésur la capacité à générer des produits financiers standards performants et de l'autre, dans larelation entre conseiller et client,de trouver la combinaison la plusadaptée à la situation particulièrede chacun d'entre eux. Celanécessite de laisser une certaineautonomie aux différents acteurset notamment aux conseillers declientèle, autrement dit d'avoirune structure valorisant l'initiative.C'est aussi le cas de la structureprojet mise en place pour mener àbien ce projet.

Mais ce projet a également uneautre dimension : elle vise àimprimer une orientation clientplus forte à la structure. Cela semanifeste concrètement par :

§ La possibilité pour le clientd'accéder à sa banque par demultiples canaux, donc 7 jourssur 7, 24 heures sur 24.

§ La remise en cause de la « propriété » d'un client (donc

44 Pour une synthèse, voir Chomienne, H., Corbel, P. et Saïd, K. " Le management de l'intégrationdes TIC dans les organisations : une compétence stratégique ? " in A. Ben Youssef et L. Ragni(coord.), Nouvelle économie, organisations et modes de coordination, L'Harmattan, 2004, p.341-358.

45 Gallivan. M.J " Organizational Adoption and Assimilation of Complex Technological Innovations :Development and Application of a New Framework ", The DATA BASE for Advances in InformationSystems, vol.32, n°3, 2001, p. 51-85.

Page 52: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

des informations le concernant).Symboliquement, le conseillern'est plus propriétaire de « ses »clients.

§ Mais simultanément, l'outilvise à lui faciliter la tâche, doncà gagner du temps pour leconsacrer à la relation client : « c'est ça qui est important, onlibère du temps commercial ».

§ Un cœur de système consistanten un outil de gestion de la relation client.

§ La réduction du nombre deniveaux hiérarchiques au-dessusdu conseiller de clientèle.

Il est donc intéressant de noterque la structure mise en placepour mettre en œuvre ce projetétait elle-même très orientéeclient, celui-ci étant ici l'utilisateurdes outils proposés. La mise enplace systématique de binômesinformaticien/banquier pour chacunedes parties importantes de ce projet l'illustre parfaitement, demême que de nombreux proposde nos interlocuteurs responsablesde projet qui étaient manifestementà l'écoute des utilisateurs.

Le tableau 3.1. illustre la concor-dance entre stratégie, contexteorganisationnel et démarche demise en œuvre dans le cas de labanque étudiée.

Tous les cas étudiés renvoient àune problématique à laquelle lesDSI, comme d'autres responsablesd'investissements immatériels(l'un des auteurs a pu le constaterdans le cadre d'entrevues menées,pour un autre projet de recherche,avec des responsables de la propriété intellectuelle) : celle dela mesure de la rentabilité desinvestissements en SI. Il s'agit eneffet à chaque fois d'investisse-ments considérables, dont on

imagine mal qu'ils puissent ne pasfaire l'objet d'une évaluation apriori comme a posteriori. La ques-tion de l'évaluation est d'ailleurscentrale dans la recherche sur lessystèmes d'information puisqu'ils'agissait du thème principal d'environ 25% des 1 018 articlesde langue française et anglaiseexaminés par Desq et ses collè-gues46 dans le but de faire ressortirles spécificités de la recherche enmanagement des SI. Pourtant, les

51

46 Desq, S. ; Fallery, B. ; Reix, R. et Rodhain, F. " 25 ans de recherche en Systèmes d'Information ",Systèmes d'Information et Management, vol.7, n°3, 2002, p.5-31.

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Tableau 3.1. Relations stratégie/contexte/démarche

StratégieContexte

organisationnelDémarche

Création de valeur pardu « sur mesure de

masse »…

Valorisation de l'autonomie et de l'initiative

Structure décentralisée

Cahier des chargessuffisamment souple.

… fondé sur la relationclient

Orienté client (du moins cherche-t-on

à accentuer cetteorientation).

Prise en compte directe des besoins

des utilisateurs et notamment des

conseillers de clientèle

5- L'évaluation du projet : une évaluation financière est-elle possible ?

Page 53: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

caractéristiques liées à leur caractèreimmatériel rend cette évaluationparticulièrement difficile. Ils sonten effet créateurs de potentialitésd'amélioration de l'efficience (coûtou par la création de valeur) de l'entreprise. Peut-être est-cepourquoi les auteurs cités plushaut aboutissent à cette conclusionpessimiste : « En définitive, cettelittérature abondante, témoignaged'une recherche active, a produitpeu de résultats réellementconvaincants ».

Dès lors, doit-on mesurer cespotentialités et, si oui, comment ?Mais comme c'est la réalisationeffective de ces potentialités qui intéresse l'entreprise, doit-onraisonner en termes de gainseffectifs performances ? Maisalors, comment isoler l'impact duSI ? Ce sont là les principalesquestions que nous nous proposonsd'explorer dans cette partie.

Le problème de l'évaluation desinvestissements en SI occupe uneplace de choix parmi les sujetsd'études (comme l'illustre l'existenced'un comité de pilotage spécifiqueau sein du CIGREF). Il nous sembletoutefois qu'elle bute sur une difficulté pas toujours explicitée et que la sophistication desméthodes ne nous paraît pas en mesure de surmonter : uninvestissement immatériel estcréateur de potentialités, il metà la disposition des collaborateursde l'entreprise un environnementsusceptible de mener à des performances supérieures en termes d'efficience dans l'utilisationdes ressources et/ou dans la création de valeur. Mais la miseen œuvre de ces potentialitésdépend in fine de facteurs quela DSI ne maîtrise que trèspartiellement. Nous commenceronspar rappeler comment le problèmeest généralement abordé dans lestravaux de recherche sur le sujet,puis nous soulignerons les difficultésd'une mesure directe des gains

de performance liés à des investis-sements dans les SI.

5.1- La difficile application del'approche classique

L'approche que nous qualifions icide « classique » parce qu'elle estla plus enracinée, de manière plusou moins explicite, dans lesmanuels de finance, est issuedirectement de l'économie néo-classique. Bien qu'elle ait subi de nombreuses adaptations ou « altérations »47, elle repose fon-damentalement sur la maximisa-tion des flux monétaires actualisésapportés par les investissements.Seront donc préférés les investis-sements dégageant la valeuractuelle nette la plus élevée (ousans rationnement des capitaux,tous les projets dont la VAN estpositive).

L'application concrète d'un telparadigme implique la traductionen valeurs monétaires des amélio-rations de la performance pouvantêtre associées à l'investissementréalisé. Il s'agira soit d'économiessur les coûts (liées par exemple à l'automatisation de certainesopérations), soit de création devaleur (par exemple, l'augmentationdes ventes associée à la segmen-tation plus fine des besoins desclients permise par un système deCRM).

Les limites d'une évaluation purementfinancière de l'investissement enSI ont été soulignées depuis longtemps. B. Quinio48 tire ainsitrois enseignements majeurs de larecherche menée sur ce thème :

§ Les bénéfices d'un investisse-ment en SI sont largement qualitatifs, non convertibles enunités monétaires : ils ne peuventdonc pas être introduits dans uncalcul de rentabilité financièreclassique.

§ Ces bénéfices sont diffus, à lafois dans le temps et d'un point

47 Pour une synthèse, voir Charreaux, G. " L'approche économico-financière de l'investissement " in Charreaux, G. (coord.), Images de l'investissement, Vuibert, 2001, p.13-60.

48 Quinio, B. " Les réticences à évaluer économiquement les projets de SI : propositions d'explication ",Systèmes d'Information et Management, vol.3, n°2, 1998, p.43-64.

Page 54: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

de vue fonctionnel. Une partiedes critères d'évaluation doitdonc être fixée chemin faisantpour prendre en compte d'éventuelseffets imprévus.

§ Les coûts d'organisation (lesbénéfices passent souvent parla réorganisation des processus)peuvent être nettement supérieursà ceux du développement tech-nique.

Selon cet auteur, des méthodesmultidimensionnelles et itérativespermettent de prendre en compteces particularités. Il s'agira toujoursde mettre en balance trois dimen-sions : l'investissement (techniqueet organisationnel), les bénéfices(financiers et qualitatifs) et leniveau de risque. Mais les critèresdevront être adaptés au contextespécifique de l'application de laméthode. Il attribue donc la réticence de certaines organisationsà évaluer économiquement leursprojets de SI essentiellement à des freins comportementaux(certains acteurs peuvent avoirintérêt à maintenir un certain flouautour des aspects économiquesdes projets de SI, y compris chez les utilisateurs, comme il lemontre à travers un exempledétaillé).

Selon nous, et sans d'ailleurs quecela ne rende leur utilisation inutile (toutes les méthodes d'éva-luation sont imparfaites, mais onimagine mal les organisationssans aucune forme de contrôlefinancier), ces méthodes restentfondées sur le postulat que leseffets d'un investissement en SIsont directs, et peuvent donc,dans une certaine mesure, êtreisolés des effets d'autres décisions managériales. Or,nous l'avons vu l'investissementimmatériel peut également êtreconceptualisé comme créateur depotentialités. Ce type d'investisse-ment est alors d'une autre natureque les investissements classiques,souvent matériels : ils ont pourvocation d'augmenter le potentield'utilisation de ces actifs. Ainsi, leSI d'une compagnie aérienne a-t-ilpour but d'améliorer le taux de

remplissage des avions, donc leurtaux d'utilisation. Mais cette amé-lioration ne sera effective que siles salariés, les voyageurs, lesagences de voyages, etc. utilisenteffectivement l'outil, et l'utilisentdans le sens souhaité. C'est la raison pour laquelle, selon B. deMontmorillon, ces investissementsne sont pas « activables » au sensclassique du terme (s'ils apparaissentparfois à l'actif du bilan, c'est pourune valeur comptable qui n'a pasgrand-chose à voir avec leur valeurfinancière - c'est-à-dire avec celledes flux financiers positifs actualisésqui peuvent leur être associés).Autrement dit, ils ne peuvent fairel'objet d'une évaluation financièredirecte. Voilà qui remet en causeencore plus radicalement l'approcheclassique de l'évaluation écono-mique des investissements en SI.

Dès lors, deux solutions extrêmesse présentent : essayer de mesurerles potentialités créées par leSI sans se préoccuper de leurutilisation effective ou neprendre en compte que ce quiest mesurable et directementaffectable aux technologiesutilisées. Voyons quelles seraientles implications et les difficultés de mise en œuvre de ces deuxapproches.

5.2- L'évaluation des potentialités

Il s'agira alors de suivre un certainnombre d'indicateurs, souventpréexistants au projet, que la miseen œuvre du projet est censéeaméliorer : « Puisque tous les ansil y a une enquête réseau de lavision des clients donc on verrabien : est-ce que les indicateursont évolué dans le bon sens, […]est-ce qu'on a les mêmes sensibi-lités de qualité [dans les groupesqui travaillent avec des postes service client], … ça on va lesavoir par les baromètres qui vontremonter naturellement puisque laclientèle est sous surveillance en permanence sur l'approchequalité. Je pense qu'on n'a pasbesoin d'indicateurs complémen-taires pour le faire ».

53

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Non seulement une telle conceptionserait difficile à défendre (ensomme la DSI proposerait desoutils créateurs d'un fort potentielde création de valeur et d'économiessur les coûts, les autres directionsétant responsables de leur réalisa-tion ou non…), mais elle seraitsurtout contre-productive. En effet,l'ensemble de ces cas montre àquel point les différents points clésde ces différents projets sontimbriqués, aussi bien en termesde résultats (capacité à générer dela valeur via des transactions/capacité à améliorer l'efficience-coût de l'organisation), que deprocessus (lien entre contexte del'organisation, démarche de miseen œuvre des outils et utilisationde ces derniers).

5.3- Les résultats directementmesurables

Il s'agit alors en général desimpacts liés à l'automatisation decertaines tâches, générant demanière quasi mécanique desgains de productivité. Outre unesous-estimation considérable del'impact des investissements enSI, conduisant sans doute à leslimiter, une telle approche metl'accent de manière quasi-exclusivesur l'efficience coût et risque alorsde conduire, dans la conception et la mise en œuvre du projet, à mettre plus particulièrementl'accent sur ces aspects, ce quipeut conduire à négliger l'impactdu projet en termes de création devaleur (puisque le projet seraitalors perçu différemment par lescollaborateurs qui sont au cœur dusuccès du projet dans sa dimen-sion création de valeur).

Un tel constat nous conduit àremettre en cause le principemême d'une évaluation financièreclassique d'un investissementimmatériel. Cela n'exclut certes

pas la mise en place de quelquesindicateurs quantitatifs. Mais cesindicateurs ont surtout pour objetd'inciter à un raisonnement en termes de création de valeur pourl'investisseur, de manière à ce quece point de vue financier ne soitpas perdu de vue : « Alors, ils nenous le disent pas tout de suitemais il va falloir nous expliquercombien vous avez gagné avectout ça. Donc maintenant on acommencé à travailler pourdémontrer, pour commencer àmettre les bons compteurs pourpouvoir en rendre compte et pourpouvoir dire que ça rapporte ».Mais pour avoir une vision plusglobale des apports d'un projet, ilnous semble qu'une évaluationplus qualitative, en termes depotentiel / risques, est plus adaptée.

5.4- Vers une évaluation plusqualitative

Abandonner l'idée d'une évalua-tion financière aboutissant au cal-cul d'une valeur actuelle netted'un projet ne signifie en aucuncas renoncer à une évaluationrigoureuse de ce dernier. Nousproposons ici une démarche (plusqu'une méthode, tant elle deman-de à être adaptée à chaquecontexte), fondée sur les ques-tions fondamentales qui ont servide guide à notre étude.

Il s'agira de poser avant le projetles questions suivantes :

§ Cet investissement est-il sus-ceptible de remettre en causeou de faire évoluer le modèled'affaires de l'entreprise (ou dudomaine d'activité stratégique -DAS - pour les entreprisesmulti-activités) ? Si oui, il s'agitd'un projet stratégique, quinécessite son suivi par les plushautes instances de décision del'entreprise et, corollairement,la présence du DSI au sein de

49 Nous entendons par là, fondée sur la confrontation d'une somme de dépenses et de cash-flowsactualisés.

Page 56: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

ces instances (comex, codir…).La réponse à cette questionn'est certes pas toujours trèstranchée (nous l'avons vu dansle cas de la banque de détail etde son projet présenté commeun « nouveau modèle debanque » et qui se situait enréalité dans le prolongement du modèle affiché50). Sinon, lerenforce-t-il ?

§ Comment se situe-t-il dans laproblématique entrepreneurialede l'entreprise ou du DAS ? Va-t-il modifier les besoins del'entreprise en termes de

compétences ? Est-il susceptibled'aider à la réalisation d'un desaspects clés de cette problé-matique ?

La méthode d'évaluation consisteraensuite à essayer de répondre àces différentes questions : dansquelle mesure l'investissementa-t-il contribué à faire évoluerou à renforcer le modèle d'affaires ? A-t-il contribué à renforcer une ou plusieursdes compétences clés à la base de la problématiqueentrepreneuriale ?

55

50 On peut toutefois soupçonner, notamment du fait que les opérationnels interrogés évoluaient dansun contexte particulier de clientèle haut-de-gamme, que ces principes ne caractérisaient pas nécessai-rement aussi bien les transactions de toutes les agences du groupe de sorte que les évolutionsrecherchées seraient plus fortes qu'en apparence.

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Page 57: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

Nous commençons par rappelerrapidement le principe de la chaînede valeur telle qu'appréhendée parPorter avant d'analyser, à traversles propos des personnes interro-gées, les apports du SI à ce typede chaîne de valeur.

1.1- La chaîne de valeur de M. Porter

Porter propose de décomposer lesactivités de toute entreprise en :

§ Activités principales. Il s'agitdes activités qui contribuentdirectement à la mise à dispositiondu produit au client : logistiqueinterne (réception, stockage et affectation des moyens deproduction), de la production, dela logistique externe (stockageet distribution des produits auxclients), de la commercialisationet de la vente (force de vente,

mais aussi activités marketing),les services (associés au produit).

§ Activités de soutien : lesapprovisionnements (achat dematières premières, fournitures,équipements), le développementtechnologique (qui ne se limitepas aux seuls services de R&D),la gestion des ressourceshumaines et l'infrastructure (autresservices indispensables à sonfonctionnement, notammentadministratifs et financiers).

Selon lui, toutes ces fonctions setrouvent dans n'importe quelleentreprise, même si c'est avec uneimportance variable, ce qui donneà son concept de chaîne de valeurune dimension universelle. Chaqueactivité doit ensuite être décom-posée en sous-activités selon unelogique davantage contingente.

1- SI et chaîne de valeur portérienne

Chapitre 4

SI et chaîne de valeur : premiers pas vers une typologie

En management stratégique, dès lors que l'on aborde la question de lacréation de valeur, un outil d'analyse devient presque incontournable : la chaîne de valeur de M. Porter51. L'un des auteurs de ce rapport a toutefois proposé un outil d'analyse complémentaire, tenant compte dupoids croissant des aspects immatériels de l'activité des entreprises (à lafois au niveau des investissements et au niveau des produits proposés)et du poids du savoir dans la construction de l'avantage concurrentield'une entreprise. Nous proposons dans ce chapitre d'analyser comment,d'après les données dont nous disposons, le système d'information peutcontribuer au fonctionnement de ces deux types de chaînes de valeur età leur articulation.

51 Porter, M., L'Avantage concurrentiel, Dunod, Paris, 1999 (première édition : 1986).

Page 58: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

L'avantage concurrentiel va provenirà la fois de la performance de l'entreprise dans chacune de cesactivités (le plus souvent, il provientsurtout de quelques unes de cesactivités, où les performances del'entreprise dépassent celles deses rivales) et des liaisons au seinde la chaîne de valeur (via l'opti-misation globale de la chaîne -arbitrages entre des activités - etune meilleure coordination desactivités).

1.2- Le rôle du SI dans cecadre

La contribution des systèmes d'information à la bonne gestionde la chaîne logistique est claire-ment présentée comme décisivedans le cas du concepteur / fabricantde bien d'équipement. Les outilsinformatiques permettent le suiviet l'optimisation à chaque maillonde la chaîne logistique, comme parexemple :

§ Au niveau des relations avecles partenaires industriels : « Avec la montée en puissancedu concept d'entreprise étendue,[nous] partageons de plus en plusnos processus avec l'extérieur.Nos façons de faire, dans ledomaine du développementinformatique sont, de ce fait, unpeu bousculées. Je pousse donc

assez fort l'idée, dans le cadred'un processus partagé, de nepas chercher systématiquementà ouvrir nos systèmes mais àtravailler davantage sur lesinterfaces et solliciter des servicesextérieurs chaque fois que l'onpeut ».

§ Au niveau de la distribution : « Le projet nouvelle distributionest un projet quasiment rattachéau Président ; ça avait étédemandé par [le Président], àl'époque. Son objectif est de livrer un [produit] à un clientdans les 15 jours. Quand on ditdans les 15 jours, c'est 3 fois 5jours. C'est-à-dire en gros 3semaines. Parce que ça a condi-tionné un peu, en fait, des réorganisations et surtout ça amis l'ensemble des processussous tension ».

§ Au niveau de l'optimisationde la fabrication par rapport àla demande formulée par leréseau de distribution : « Là, ona ce qu'on appelle un cycle, lecycle CFO, conférence de fixa-tion des objectifs, où, tous lesmois, vous avez en fait, laréponse industrielle à la deman-de commerciale […] Mais, enrègle générale, on est à 85 %, àpeu près, 90 % de réussite ».

57

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Figure 4.1. La chaîne de valeur de PorterSource : Porter, M. L’avantage concurrentiel, Dunod, 1986/1999

Infrastructure

Développement technologique

Approvisionnement

Logistiqueinterne(appro.)

ProductionLogistiqueexterne

(distribution)Vente Services

Marge

Gestion des ressources humaines

Page 59: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

2- SI et chaîne de valeur centrée sur le savoir

§ Au niveau de l'ordonnance-ment : « Et du coup, derrière,vous avez aussi d'autres outilsqui viennent et qui permettentde suivre. C'est-à-dire qu'on ades indicateurs, qu'on appellechez nous des SSAR, STAR ouDSTAR où, en fait, on mesure,là aussi, on a de l'informatique,on mesure la qualité d'ordon-nancement des usines ».

§ Au niveau de l'après-vente :« On trace les [produits] par,notamment, une base de donnéesqu'on appelle la BCM ou BCV quiveut dire base centrale mondialeou base centrale [produits]. Là,on garde tous les [produits]

fabriqués par [nous] ». Il s'agitd'un enjeu important au regard desnouvelles dispositions concernantla responsabilité des fabricantsdans le recyclage des produitsusagés.

Ce rappel sur l'importance du SIdans la création de valeur par lesopérations physiques était néces-saire, mais ne constitue pas lecœur de notre argumentation. Ilne constitue en effet pas unapport particulièrement original.Plus intéressante est, selon nous,le développement du rôle du SIdans une chaîne de valeur centréesur le savoir.

La chaîne de valeur de Porter estcentrée sur les aspects physiquesde transformation des produits.Elle met aussi au cœur de la chaîne de valeur les activités opérationnelles, les grands projetsponctuels étant impulsés par lesfonctions de soutien. Or, aujourd'hui,de nombreux praticiens et théori-ciens s'accordent pour placer lesavoir au cœur de l'avantageconcurrentiel des entreprises. Nonseulement la production et l'exploitation de savoir alimententen qualité et en innovation les produits de l'entreprise, mais ellesdeviennent souvent des sourcesde revenus directs (comme l'atteste l'explosion des revenusliés aux licences sur des droits dela propriété intellectuelle auniveau mondial). L'un des auteursde ce rapport a donc proposé un

outil d'analyse complémentaire,conçu sur le même principe, maiscentré sur le savoir52.

2.1- La chaîne de valeur centrée sur le savoir

Les entreprises mènent desactions destinées à la fois à accroîtrele stock des savoirs qu'elles maî-trisent et à les exploiter pour créerde la valeur. J.-P. Bréchet et A.Desreumaux53, à propos des idéesen sciences de gestion, évoquentun cycle exploration - intégration -exploitation. Il nous semble qu'ilpourrait s'appliquer à d'autres typesde connaissances. Il constitueraitalors une architecture intéressantepour un modèle de l'entreprisecentrée sur le savoir. Nous avonsdonc élaboré un modèle fondé surce cycle (voir figure 4.2).

52 Corbel, P., Vers une chaîne de valeur centrée sur le savoir ?, synthèse de travaux en vue de l'ob-tention de l'habilitation à diriger des recherches en sciences de gestion, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2006.53 Bréchet, J.-P. et Desreumaux, A. " Sciences de gestion et pratiques de management - Le cas dumanagement stratégique " in Réseau des IAE, Sciences de Gestion et Pratiques Managériales,Economica, 2002, p.7-22

Page 60: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

La phase d'exploration regroupetoutes les opérations d'investigationdestinées à renouveler le stock deconnaissances de l'organisation(recherche, veille technologique…).La phase d'intégration correspondà tout ce qui concourt à combinerles savoirs nouveaux et anciens :identification du savoir, stockagedu savoir codifié, pratiques facili-tant le transfert du savoir taciteentre individus (appropriation - ou« socialisation » si on reprend lestermes de Nonaka et Takeuchi54)et leur combinaison à proprementparler (donc la rencontre de savoirsdifférents) - comme par exemplela mise en place de groupes deprojet multidisciplinaires. Enfin, laphase d'exploitation consiste àtransformer ces savoirs en valeurpour l'entreprise.

Si l'on admet que c'est l'exploita-tion de connaissances (existantesou nouvelles) qui crée aujourd'huil'essentiel de la valeur dans lesentreprises55, la représentationd'une chaîne de valeur centrée surdes processus d'acquisition, de créationet d'exploitation des nouveauxsavoirs (donc du cycle exploration

- intégration - exploitation) pourraitdonc s'avérer complémentaire dela classique représentation porté-rienne. Ces processus deviennentalors les activités primaires de lachaîne de valeur. Les activités « support » changent de nature :elles consistent à fournir les ressources nécessaires pou rmener à bien ces activités deconception. Il s'agit des activitésadministratives et financières, de lagestion des ressources humainesqui occupe nécessairement uneplace cruciale dans une approchefondée sur le savoir, mais aussi dusystème d'information qui met à disposition des individus et des équipes qu'ils constituent les informations nécessaires àl'acquisition, la génération et l'exploitation de savoirs. Il estpossible, à partir d'un tel modèle,dans le même esprit que le modèleoriginal de Porter, d'analyser lesétapes les plus créatrices devaleur dans l'organisation, four-nissant ainsi un outil d'analysestratégique susceptible d'aider àappréhender la stratégie et lemodèle d'affaires d'une organisationd'une manière différente.

59

54 Nonaka, I. et Takeuchi, H., La connaissance créatrice, De Boeck Université, Paris, Bruxelles, 1997.

55 Voir par exemple Wright, R.W. ; van Wijk, G. et Bouty, I. " Les principes du management des res-sources fondées sur le savoir ", Revue française de gestion, n°105, 1995, p.70-75.

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Figure 4.2 : Une chaîne de valeur fondée sur le savoirSource : Corbel, P. opus cité (note 52), p. 34

Exploration Intégration Exploitation

Acquisition et création de connaissances nouvelles

Exploitation des connaissances existantes

Système d’information

Fonction administrative et financière

Gestion des ressources humaines

§ Recherche

§ Veille technologique

§ Appropriation

§ Combinaison

§ Stockage§ Identification

§ Incorporationaux produitset processus

§ Vente (ex.transfert detechnologies)

Page 61: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

L'optique de la chaîne de valeurcentrée sur le savoir n'est pas dese substituer à la chaîne de valeurportérienne. Cela reviendrait ànier le rôle des opérations detransformation et logistiques dansla création de valeur.

Il nous semble donc beaucoup plusintéressant d'examiner commentces deux types de chaîne de valeursont susceptibles de s'articulerdans les entreprises.

Or, les études de cas menés dansle cadre du projet MINE Francelaissent entrevoir deux types d'articulations possibles.

3.1. Le cas le plus courant :deux chaînes perpendiculaires

Les deux types de chaîne de valeurpeuvent alors être analysés commedes processus quasi indépendants.Les deux chaînes de valeur cor-respondent alors à deux processusdifférents, qui ne se rencontrentque ponctuellement. D'un côté desactivités de conception fondées surle savoir alimentent les activitésopérationnelles en nouveaux produitset en nouvelles technologies - ausens large - de production. Del'autre, les activités courantessont assez régulières et génèrentpeu de nouveaux savoirs (dumoins relativement aux activitésspécifiques).

C'est ainsi que l'on peut lire diffé-remment le projet que nous avonspu étudier dans le cadre d'unebanque de détail. Une chaîne devaleur centrée sur le savoir alimenteen nouveaux produits financiersdes chaînes de valeur portérienne,correspondant à différents servicesbancaires.

Le projet étudié peut être analysénon seulement comme unmoyen d'améliorer l'efficiencedans le fonctionnement de cetype de chaîne « classique »,mais aussi comme un moyend'améliorer l'articulation entreles deux types de chaînes.

3- SI et articulation entre les deux types de chaînesde valeur

Fonctions de soutien : SI, DAF,RH

Chaîne de valeur centrée sur le savoir

Croisement au niveau

de l’exploitationet de la frontièreavec l’intégration

Chaînes de valeur classiques

Figure 4.3 : Deux types de chaînes de valeur séparés

Page 62: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

Le cas du projet de réorganisationd'une banque de détail autour d'unsystème « multi-canal » illustre biencette possibilité d'articulation. Leprojet avait pour but apparent unesimple amélioration de l'efficiencede chaîne de valeur porterienne :« Je pense que tout ce problème,recentrer le modèle sur la questionde la relation client multi-canalavec des rôles de plus en plus fortoù on optimise tous les phénomènesde productivité qui sont retrouvésaprès vingt ans d'expérience dansle modèle et dégager énormémentde temps pour l'activité commer-ciale. Et re-cibler les vendeursdans leur métier de vendeur etleur donner les outils pour vendreet pas simplement enregistrer lavente »… « on n'a pas mis enavant uniquement la dimensionproductivité, il y a aussi la dimen-sion commerciale, la dimensionsatisfaction client ».

Mais l'outil va en réalité bien plusloin qu'une simple amélioration del'efficience, il constitue une aide à la mise en correspondance deproduits et de clients : « Surtoutqu'il y a un plus, une aide, desorientations stratégiques qui peuvent être données par l'outilsur le ciblage des clients … Il estvraiment dans cette phase d'avantvente, de préparation de la vente,d'aide à la vente, savoir quel produit proposer en fonction declient, etc. Donc, c'est bien le support à la vente qu'on n'avaitpas avant, quoi qu'on en dise, quiarrive dans le réseau avec unevison complète du managementsur tout ce qui se passe ».

Or, ce portefeuille de produits estalimenté par un autre processus,assez indépendant, qui sembledavantage fonctionner sur la based'une chaîne de valeur centrée surle savoir : « En permanence, ilsinnovent quand même dans lesmontages tous les 3 ou 6 mois,sortir un nouveau montage quiagrège un produit structuré avecun autre truc, ça n'arrête pas. Etdonc, ça vient à la fois du banquierconseil qui lui revient de chez ledirecteur financier qui lui a dit qu'ila tel problème à résoudre ».

La banque dispose en effet devéritables services de recherchesusceptibles de créer de manièrecontinue de nouveaux savoirs etsurtout de combiner des savoirsexistants pour répondre à des problèmes concrets : « Pour larecherche en informatique, on a50 informaticiens qui ne travaillentque pour le développement de nosoutils de gestion. Comme nos produits sont nouveaux, il n'y apas d'outils dans le commercepour les faire tourner : on est doncobligé de développer nos softs ; il faut les valider, etc. C'est unénorme travail ».

Cela signifie que le processus estlancé de manière intégrée, géné-ralement pour résoudre le problèmeparticulier d'un (gros) client. Noussommes ici dans un cadre de sur-mesure, donc du cas évoquéci-dessous d'une intégration desdeux chaînes. Pour une partie aumoins des solutions ainsi créées,le processus ne s'arrête toutefoispas là. Il est suivi d'un véritableprocessus « d'industrialisation »,destiné à alimenter le portefeuillede produits à disposition duconseiller de clientèle : « En fait, oncommence à imaginer un premierproduit sur-mesure avec Excel,puis on développe un soft si celavaut la peine, et on industrialise etc'est publié sur le système centralde la [banque] ».

On passe alors d'une logique desur-mesure à une logique demasse : «[Ils inventent un] modèle[…] qui peut servir pour un grosclient sur un montant d'une cen-taine de millions ; s'ils arrivent à ledécouper et à l'industrialiser et [à]placer les produits sur une échellede 10 000-20 000 euros et à le dif-fuser, là, ils feront de la margeparce qu'ils font plus de marge sur12 000 euros multipliés par 100000 clients que sur un seul client.Des fois ça ne marche pas. C'est leglobal de leur mécanique quistructure ces produits et qui faitqu'ils peuvent gagner de l'argenten se battant sur les risques, tout dépend après s'ils peuventl'industrialiser en le découpant entranches, ça dépend des produits.

61

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Page 63: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

S'ils ont la mécanique derrièrepour l'industrialiser ou d'avoir deslots, des sous ensembles qu'ilsvendent chez des distributeurs quiplacent eux-mêmes les produits ».

Cette dernière remarque illustred'ailleurs très bien la relative autonomie de la chaîne de valeurcentrée sur le savoir : non seulementles solutions d'origine, sur-mesure,sont facturées au client, mais lesservices chargés de la conceptionde nouveaux produits financiersen distribuent également une partie via d'autres réseaux de distribution (ceux d'autres banques) :elle génère donc directement desrevenus pour le groupe.

Pour respecter les objectifs decette banque d'essayer de trouverles solutions les plus adaptées àses clients en combinant si besoinplusieurs produits de manière àéviter un alignement sur lesprix/taux les plus bas sans surcoûtpour le client, le conseiller doitpouvoir mettre en relation facile-ment les caractéristiques du client

et la base de produits alimentéepar ces services de conception.D'où le caractère central de l'outilde CRM intégré à ce projet : ilfournit une aide à la décision auconseiller, aide d'autant plus pré-cieuse que le portefeuille de pro-duits de la banque est constam-ment renouvelé.

Au-delà de la simple efficienced'une chaîne de valeur classique,le nouveau système a donc uneffet sur l'articulation entre lesdeux chaînes de valeur.

3.2. Le cas des structures projet : la chaîne portérienneintégrée à la chaîne de valeurcentrée sur le savoir

Dans le cas du concepteur/cons-tructeur de systèmes de produc-tion complexes, on ne retrouvepas cette indépendance entre lesdeux types de chaîne. Elles sem-blent beaucoup plus intégrées,avec une prédominance desaspects liés à la conception.

L'apport du SI est alors différent.Il a un rôle déterminant en termesde conception. Sans surprise, lesoutils d'ingénierie occupent uneplace centrale dans le dispositif.L'accent est mis sur les capacités decalcul : « Nous avons quand mêmedes machines à 64 processeursparallèles », mais aussi sur la

capacité à gérer les relations avecles multiples fournisseurs dans le cadre de grands projets : « aujourd'hui, toutes nos relationspassent par les réseaux : nos suivis de projets, toutes les relations contractuelles etc., maintenant se font sous le formatnumérique ».

Figure 4.4 : L'intégration de la chaîne de Porter

Exploration Intégration Exploitation

Système d’information

Fonction administrative et financière

Gestion des ressources humaines

Chaîne de Porter(activités primaires)

Page 64: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

Dans ce cadre, nos interlocuteursont spontanément mis l'accent surun outil permettant d'intégrer lesactivités de conception et les activités opérationnelles : « ça vadepuis la conception 2D 3D de[l'usine] jusqu'à la gestion desfournisseurs, la gestion du plan-ning, la gestion des pièces déta-chées, la gestion de l'outillage, lagestion des expéditions, desmatériels et autres, la qualifica-tion, la traçabilité des opérations :vraiment tout est géré au niveaude cet [outil] ».

En somme, les technologies del'information sont susceptibles decontribuer à l'amélioration de l'efficience des opérations « phy-siques » de l'entreprise, maisaussi à la production de savoir(deux entreprises sur les quatreétudiées ont insisté sur les capacitésde calcul mises à disposition par la DSI, les deux autres ayant aussi mentionné des outils deconception) et aussi (surtout ?) àl'interfaçage entre les deuxchaînes. Or, dans une économie

fondée sur le savoir, l'interfaçageentre ces chaînes pourrait s'avérercrucial pour la compétitivité desentreprises.

Il est intéressant de ce point devue de voir que nous avons puidentifier deux types d'interfaçagedifférents entre ces deux types dechaînes de valeur et que les outilsinformatiques utilisés semblaientbien correspondre aux besoins decette interfaçage. Le fait qu'il s'agit dans les deux cas plus particulièrement développés dansce chapitre de deux projets,récents, coûteux et considéréscomme cruciaux pour l'avenir deces deux entreprises va dans lesens de cette réflexion. Les outilsde réflexion conceptuels que nousproposons ici, aussi perfectiblessoient-ils, pourraient peut-êtrecontribuer à alimenter la réflexiondes DSI sur la situation de leurentreprise par rapport à ces deuxchaînes de valeur et à la manièredont les outils qu'ils proposentpeuvent contribuer à améliorerl'interfaçage entre les deux.

63

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Page 65: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

56 Comme le soulignent de nombreux auteurs, " contrôle de gestion " est une traduction pauvre de " management control " qui laisse supposer que l'activité de contrôle serait une simple activité de surveillance et de vérification alors qu'il viserait également à assurer une " maîtrise " de l'organisation.Nous préférerons néanmoins lors de cet exposé parler de " conduite " plutôt de " maîtrise " du développement : ce terme rend à notre avis mieux compte de l'incertain, de l'aléa, de la complexité qui caractérisent l'environnement des décisions et actions stratégiques comme de contrôle.

Inutile de rappeler que la gouver-nance est fondamentalementaffaire de contrôle exercé sur l'ensemble d'un processus. Si l'onse réfère à la littérature sur lemanagement control - qui donnera

en français le contrôle de gestion56

- on note que celle-ci a vécu unchangement de paradigme passélargement inaperçu des praticiensmais aussi des chercheurs d'autresdisciplines du management.

1- Une problématique centrale pour le DSI commepour les chercheurs

Chapitre 5

Principaux enseignements enmatière de gouvernance des SI

Les chapitres de ce rapport, qu'ils concernent la fixation des objectifs, laconduite des projets ou encore l'évaluation des résultats conduisentnaturellement à une réflexion sur l'articulation entre stratégie et contrôle en matière de SI. En d'autres termes, et dans une optique autrequ'exclusivement financière, ces différents points interrogent la questiondes principes et critères propres à fonder la gouvernance des SI.

C'est à cette réflexion que s'attache ce chapitre. Dans un premier temps,il sera rappelé que les chercheurs se sont longtemps satisfaits d'uneconception très mécaniste du problème : la stratégie était réduite à une problématique de prise de décision et le contrôle était cantonné à l'évaluation des résultats de la décision traduite en objectifs.

En nous fondant sur les travaux de R. Simons, nous commençons parmontrer la nécessité de dépasser une telle conception de l'articulationentre contrôle et stratégie pour instruire de manière satisfaisante laquestion de la gouvernance des SI.

La seconde partie montrera que, ces dix dernières années, de profondesdéconstructions du concept de décision, ainsi que des leviers d'exercicedu contrôle, conduisent au repérage d'articulations complexes entrecontrôle et stratégie.

Ce repérage justifiera, dans un troisième temps, la proposition d'unmodèle rénové propre à fonder des principes et paramètres d'une gouvernance dynamique des SI. Ce modèle sera en particulier argumenté à partir des entretiens réalisés lors des différentes étapes duprogramme MINE France.

Page 66: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

Dès 1965, R.N. Anthony définissaitle management control comme « le processus par lequel lesmanagers s'assurent que les res-sources sont obtenues et utiliséesde manière efficace et efficientedans l'accomplissement des objectifs de l'organisation57 ». Pourmieux intégrer les relations entrestratégie et contrôle de gestion,Anthony58 a substitué à sa définitioninitiale celle selon laquelle ce dernier est « le processus parlequel les managers influencentd'autres membres de l'organisationpour appliquer les stratégies ».Nul doute que dans cette définition,cohérente avec la gouvernancetelle qu'elle est largement conçueaujourd'hui, c'est le choix duverbe « appliquer » qui pose leplus question puisqu'il donne àpenser que le processus decontrôle ne serait impliqué dans le processus stratégique qu'expost, pour inciter « l'intendance »à suivre.

En cohérence avec cette vision,l'approche, que l'on peut qualifierde « classique », du contrôle stra-tégique propose que celui-ci doitassurer trois types de tâches59 :

1/ établir des normes (ou stan-dards) pertinentes pour mesurerla performance ;

2/ mesurer au regard de cesnormes les résultats effectivementobtenus ;

3/ évaluer la performance auregard des standards préétablis.Il s'agit de fournir des informa-tions sur les raisons qui expli-quent les différences entrerésultats escomptés et résultatsobtenus et, le cas échéant, decomparer ces mêmes résultats àceux de concurrents.

Cependant, cette approche ducontrôle et de son articulationavec la stratégie a fait l'objet deprofondes remises en cause.Comme le notent Band etScanlan60, malgré son caractèreséduisant lié à sa forte logiqueinterne et à sa simplicité concep-tuelle, elle n'en pose pas moins deconsidérables problèmes lors desa mise en pratique.

Ainsi, cette approche ne tientpas compte des problèmesd'incertitude, de complexité,de changement et donne à penser que le futur n'est que lastricte reproduction du passé.Ensuite, elle tend à considérercomme objective l'informationfournie par le contrôle et nonambigus les objectifs fixés ; latentation est alors grande deréduire la mesure de la perfor-mance à un seul critère, parexemple d'ordre financier, ce quipeut inciter les managers à agir àl'encontre du développement àlong terme de l'organisation, parexemple en sous-investissantdans les projets de recherche et développement61. Enfin, il aégalement été reproché à cetteconception de considérer que lecontrôle n'intervenait qu'encomplément de la planificationstratégique pour s'assurer de labonne mise en œuvre du plan,plutôt que de le considérer commeun réel contrepoids à la planifica-tion pour, le cas échéant, remettreen cause les choix effectués.

Ces critiques rejoignent dans unelarge mesure celles adressées àl'approche traditionnelle du contrôlede gestion : hypothèses de stabilitéet de simplicité, postulat culturelde régulation par le couple objectifs-moyens, de cloisonnement des

65

57 Anthony, R.N., Planning and Control Systems: A Framework for Analysis, Harvard Business SchoolPress, 1965, p.17.

58 Anthony, R.N., The Management Control Function, Harvard Business School Press, 1988, p.10.59 Asch, D. "Strategic Control: A Problem Looking for a Solution", Long Range Planning, Vol. 25, n°2,1992, p.105-110.

60 Band, D.C. et Scanlan, G. "Strategic Control Through Core Competencies", Long Range Planning,Vol. 28, n°2, 1995, p.102-114.61 Hoskisson, R.E. et Hitt, M.A. "Strategic control systems and relative R&D investment in large multi-product firms", Strategic Management Journal, vol. 9, 1988, p.605-621.

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Page 67: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

responsabilités, d'articulation entrecourt terme et long terme, fictiond'un décideur héroïque et rationnel.

On comprend à la lumière de cesconsidérations l'attention que leschercheurs ont porté au cadrerénové en matière de managementcontrol proposé par un autreProfesseur d'Harvard, Simons62.Selon lui, le contrôle recouvre « les processus et procédures formels fondés sur l'informationque les managers utilisent pour

maintenir ou modifier certainesconfigurations des activités del'organisation ».

Définition qui vise à rendre comptedu fait que le contrôle - qu'on luiadjoigne les attributs de « straté-gique » ou « de gestion » - amoins vocation à concourir à lamise en œuvre de la stratégie formulée à un instant T pour unhorizon moyen / long terme qu'àparticiper au processus de forma-tion de la stratégie dans l'action.

Pour Simons, une utilisation habiledes quatre leviers doit permettre :1/ de pousser les acteurs à êtreattentifs à l'ensemble des oppor-tunités qui peuvent être saisiesmais également de focaliser leurattention sur les bonnes opportu-nités ; 2/ de contrôler une desdimensions de la stratégie telles

qu'elles ont été mises en évidencepar Mintzberg ; 3/ de motiver etde surveiller.

§ Le levier « systèmes decroyances » (beliefs systems)est utilisé pour communiquerles valeurs de l'organisation,pour inspirer et pour diriger larecherche de nouvelles opportu-

62 Simons, R., Levers of Control - How Managers Use Normative Control Systems to Drive StrategicRenewal, Harvard Business School Press, 1995.

Compétences

Valeur Ressources

SYSTEMESDE VALEURS

SYSTEMESDE BORNAGE

SYSTEMES DE CONTROLEINTERACTIF

SYSTEMES DE CONTROLEDIAGNOSTIC

Gouvernance

Figure 5.1 : Les leviers du contrôle de Simons

Page 68: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

nités. Il communique des valeurset une vision qui donnent du sensaux acteurs de l'organisation.Ces systèmes dynamisent lesénergies individuelles et poussentà chercher de nouvelles oppor-tunités de développement pouraccomplir les missions de l'orga-nisation. Ils contrôlent dès lors lastratégie en tant « perspective ».

§ Le levier « systèmes de bor-nage » (boundary systems)vise à limiter le champ derecherche d'opportunités enfixant des limites quant auxchoix acceptables, ceci afin delimiter les risques encourus. Ildonne des limites à la libertéindividuelle et balise le champstratégique de l'entreprise en luiassignant des frontières. L'unedes tâches des dirigeants estainsi de choisir dans quels territoires et domaines ou activités l'entreprise exercerases missions et dans lesquelselle s'abstiendra d'intervenir.Sans une telle définition deslimites, le risque est de voir lesressources de la firme dilapidéesdans des activités où elle nesera jamais capable de créer unavantage concurrentiel soutenable.Ces systèmes contrôlent donc lastratégie dans sa dimension de« position ».

§ Le levier « systèmes de contrô-le diagnostic » (diagnosticcontrol systems) est utilisé pourmotiver, surveiller et récompenserl'atteinte de buts préétablis. Celevier doit permettre de déclinerla stratégie et les variables critiques pour la performancejusqu'au terrain par l'établissementd'objectifs appropriés et de surveiller que les résultats sontconformes aux attentes. Cessystèmes coordonnent lesactions et surveillent la bonnemise en œuvre de la stratégietelle que planifiée. Ils assurentdonc un contrôle de la stratégieen tant que « plan » et sontnaturellement critiques pour un bon

fonctionnement de l'organisationcar ils assurent une cohérencedes actions des diverses fonc-tions et focalisent l'attention des individus sur les buts àatteindre.

§ Le quatrième levier qui regroupeles systèmes de contrôleinteractif (interactive controlsystems) est utilisé pour stimulerl'apprentissage organisationnelet favoriser l'émergence et laprise en compte des idées etstratégies qui se forment au filde l'action. Ils sont mobiliséspour influencer la recherched'opportunités et inciter à desexpérimentations qui in finepourront constituer de véritablesstratégies émergentes et réalisées.Ce levier contrôle donc la stratégieen tant que processus incrémentalqui se forme et émerge dansl'action (« patterns of action »).

Avec ces leviers du contrôle (figure5.1), Simons propose une synthèsepertinente : dans la mesure où lesactions de contrôle prennent corpsdans un univers managérial soumisà paradoxes, toute théorie perti-nente en la matière ne peut êtreque de nature dialectique. Denombreuses contributions mettenten effet en évidence le fait que lemanagement des organisationsest condamné à évoluer dans ununivers paradoxal. Ne pas en tenircompte emporte des risquesmajeurs, les mêmes facteurs quiont permis à un moment le succèspouvant paradoxalement conduiresur la durée à l'échec63. Il est intéressant que cette question desparadoxes devient peu à peu centrale pour la recherche encontrôle depuis, entre autres, queles contributions retiennent unevision de la stratégie qui ne seréduit pas à sa seule dimensiondélibérée.

Ce que montre bien ce travail deSimons, c'est qu'un contrôle et unegouvernance viables supposent de

67

63 Voir Miller, D. " The Architecture of Simplicity ", Academy of Management Review, vol. 18, n° 1,1993, p. 116-138.

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Page 69: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

2- Contrôle, stratégie et gouvernance des SI : quelles articulations ?

pallier les manques et insuffisancesinhérents à tout instrument par lamise en place d'une architectureglobale des systèmes de contrôle,ici des SI.

Cependant, si, avec Simons, l'onsort d'une conception figée de lastratégie pour reconnaître quecelle-ci est aussi un processus quiémerge dans (et de) l'action, ilconvient de mentionner que leproblème s'est largement compliquéces dernières années. Que l'onpense à la reconnaissance desrôles joués par les ressources,

compétences et capacités dyna-miques pour l'exploitation et la(re-)création d'un avantageconcurrentiel « soutenable » sur ladurée ; ou encore à l'incitation à développer des stratégies derupture pour bouleverser, à sonavantage, les règles du jeu envigueur au sein d'une industrie.

Assurément, ces « nouvelles »conceptions emportent un défipour le management control plusimportant encore que celui retenupar Simons et qu'il est pertinentde compléter.

Les recherches dont la visée a étéde mieux relier contrôle et stratégiedepuis dix ans ont été très large-ment attirées par un (ou plusieurs)des pôles présentés ci-après (figure5.2), selon les représentations auxquelles elles souscrivent quant àce qu'est la stratégie et selon lesconceptions qu'elles privilégientquant à ce que signifie le terme decontrôle.

2.1- Les pôles d'attraction desrecherches sur la question del'articulation entre contrôle etstratégie

§ Le contrôle, levier dedéploiement du « contenu »de la stratégie

Les recherches se sont d'abordintéressées à l'inadéquation desfondements tayloriens du modèle

Figure 5.2. : Les pôles d'attraction des recherches sur l'articulationentre contrôle et stratégie - implication pour la gouvernance des SI

Levier de déploiement du contenu

de la stratégie

Levier d’alignementde variables pour

focaliser les énergies

Levier d’exercice de la vigilance managériale sur lebien fondé de la stratégie

Levier de conduitedu processus de

changement stratégique

Page 70: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

classique du contrôle de gestionpour un contrôle des nouvelles formes organisationnelles et deproduction. Des avancées impor-tantes ont été réalisées sous cetteimpulsion. Les travaux de Porteret, en particulier, le concept dechaîne de valeur ont été pris pourréférence théorique en matière destratégie et il a été finalement pro-posé l'abandon du paradigme clas-sique du contrôle au profit de celuidu pilotage64.

L'idée avancée est de mesurerd'une manière plus réaliste lescoûts, imputés à des activités, et d'impulser le contenu de la stratégie dans les comportementsopérationnels. La thèse centraleest qu'il faut dépasser la tradition-nelle logique du cloisonnement auprofit d'une vision transverse del'organisation. On se trouve alorsdans la logique du « contrôle degestion stratégique » fondé surune vision en processus, del'Activity Based Costing voire del'Activity Based Management,décliné aujourd'hui sous la formed'un tableau de bord prospectif65.

§ Le contrôle, levier deconduite du processus de changement stratégique

De nombreux autres travauxdéveloppés au cours des dix dernières années ont montré quele contrôle, dans sa cohérenceavec la stratégie, joue des rôlesdifférents. S'il apparaît parfoispertinent qu'il soit le gardien desobjectifs et qu'il pousse au confor-misme, il peut aussi, dans d'autrescas, être un processus clé d'ap-prentissage organisationnel.

Comme le note Bouquin66, siSimons s'est progressivementémancipé de la typologie

d'Anthony67, c'est suite à cettereconnaissance d'interactionscomplexes et largement contradic-toires entre contrôle et stratégie.Selon Simons, comme nous l'avonsprécisé, le contrôle est utilisé parles dirigeants pour favoriser etguider l'émergence des stratégies,leur permettre d'actualiser leurprojet en fonction des succès etéchecs constatés, des opportunitésnouvelles et des « pertes en ligne ».Pour Simons, comme nous l'avonsrappelé, le contrôle ne doit doncpas seulement être vu commel'outil d'une mise en œuvre maîtriséedu contenu de la stratégie délibéréemais qu'il doit aussi, et surtout,contribuer à guider son processusde formation dans l'action.

§ Le contrôle, levier « d'alignement » pour focaliser les énergies

Pour d'autres travaux, un contrôlestratégique satisfaisant doit viserune focalisation des énergies parun alignement convenable entrediverses variables stratégiques,organisationnelles et de contrôle.Bungay et Goold68 proposent ainsid'aligner le contrôle avec les facteurs clés de succès de la stratégie- les facteurs essentiels à la création d'un avantage concurren-tiel à long terme. L'objectif est demettre en place une logique decontrôle qui permette de s'assurerque les mesures comme l'attentiondes managers sont dirigés vers les aspects déterminants de laperformance.

Bartlett et al.69 ont égalementcontribué à développer le thèmede l'alignement. Pour ces auteurs,le contrôle stratégique doit viser àfocaliser les énergies individuelles,communiquer la culture organisa-tionnelle et contrer les « mauvais »

69

64 Voir notamment Lorino P., Méthodes et pratiques de la performance, Paris, éd. d'Organisation,1997.

65 Ou " balanced scorecard ", voir Kaplan R.S, Norton D.P., The Balanced Scorecard. TranslatingStrategy to Action, Harvard Business School Press, 1996.66 Bouquin H., " Contrôle et Stratégie ", Encyclopédie de Comptabilité, Contrôle, Audit, Economica,2000, p. 533-545.

67 Typologie qui fait encore largement référence et distingue la planification stratégique, le contrôle de gestion et le contrôle opérationnel.

68 Bungay S. et Goold M., " Creating a strategic control system ", Long Range Planning, vol.24, 1991,n° 3, p. 32-39.

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comportements. Un « environnementde contrôle » pertinent supposealors un alignement de divers éléments relatifs à la gestion desressources humaines, au managementde la performance, à la culture ouencore aux normes en vigueur ausein de l'organisation. Pour cesauteurs, l'environnement decontrôle regroupe à la fois lescontrôles formels et informels quidoivent agir dans le sens d'un renforcement mutuel.

Certo et Peter70 soutiennent enfinqu'un contrôle stratégique efficacesuppose une congruence et unecomplémentarité entre quatreparamètres : la structure, les incitations, les systèmes d'infor-mations et la culture, lesquels doivent être cohérents avec lesobjectifs stratégiques et contribuerà leur atteinte. L'idée défendue estque, si la structure doit être penséeen cohérence avec la stratégiepoursuivie, le contrôle stratégiquedoit être conçu de même. Enconséquence, puisqu'un changementde stratégie doit souvent se traduire par des changements entermes de structures, alors il doiten aller de même pour le contrôlestratégique.

§ Le contrôle, levier d'exercicede la vigilance quant au bienfondé de la stratégie

Schreyögg et Steinman 71 ont proposé une approche que l'onpeut qualifier de « critique » à l'égard du contrôle stratégique.Celle-ci est ancrée tant dans lalignée des travaux sur l'apprentissageorganisationnel développés à lasuite d'Argyris et Schön72 que dans

celle de Weick. Pour ces auteurs, ilconvient de substituer à l'approchetraditionnelle, qui repose sur unprincipe de réaction (feed-back),une approche rénovée de typeproactive (feed-forward) propre àintégrer les phénomènes d'incerti-tude, de complexité et de rationalitélimitée (au sens de HerbertSimon). Suivis ensuite parPrebble73, ils estiment que la fonction première du contrôlestratégique est de soumettre leshypothèses, objectifs et plans del'organisation à des critiques etremises en cause continuelles. Ils'agit donc de développer unecapacité à procéder à des appren-tissages en double boucle et à tester sans cesse la pertinence des« mises en scène » en vigueur ausein de l'organisation. L'exercicedu contrôle stratégique doit alorsêtre situé à un niveau suffisammentélevé au sein de l'organisationpour être en mesure de saisir l'ensemble des opportunités,menaces et facteurs de contingencequi pourraient affecter la pertinencedes choix stratégiques. Le contrôlestratégique doit donc être orientévers le futur plutôt que vers lepassé ; cela conduit Schreyögg etSteinmann à faire la distinctionentre trois types de contrôle stratégique. Le « contrôle desprémisses » repose sur une évaluation systématique et conti-nue de la pertinence des normes ethypothèses qui sous-tendent lesplans établis ; ce contrôle n'inter-vient donc pas après l'action maisau cours de celle-ci, par l'exerciced'une vigilance continue.

69 Bartlett C.A., Christensen C.R., Pearson A.E., Andrews K.R., Bower S.L., Business Policy : Textand Cases, Irwin, 1991.

70 Certo S.C., Peter J.P., Strategic Management : Concepts, Decisions, Cases, Mc Graw-Hill, 1991.71 Schreyögg G., Steinmann H. " Strategic Control : A New Perspective ", Academy of ManagementReview, vol.12, n°1, 1987, p. 91-103.

72 Voir par exemple Argyris, C. et Schön, D.A., Apprentissage organisationnel - Théorie, méthode,pratique, DeBoeck Université, 2002.73 Prebble J.F. " Towards a Comprehensive System of Strategic Control ", Journal of ManagementStudies, vol. 29, 1992, p. 391-409.

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Le « contrôle de la mise en œuvrede la stratégie » doit permettred'identifier et d'apprécier les facteurset événements critiques qui n'auraient pas été pris en comptedurant la phase de formulation etde planification stratégique ; pourSchreyögg et Steinmann, cecontrôle doit porter sur l'ensembledu processus stratégique et deschoix associés, et non pas seule-ment sur les projets nouveauxplus particulièrement porteurs derisques. Enfin, la « surveillancestratégique », complémentairedes deux types de contrôle précé-dents, a pour vocation de surveillerl'ensemble des événements quiémergent au fil de l'action et peuventconstituer des menaces pour laconcrétisation des choix straté-giques ; la collecte d'informationsdoit alors être étendue et ouverteà tous types d'événements. Auxtrois étapes de contrôle straté-gique mises en évidence parSchreyögg et Steinmann, Prebbleajoute le « contrôle d'alerte ». Ils'agit d'une forme particulière desurveillance stratégique quiconsiste à anticiper les événe-ments susceptibles de conduire à une crise et d'envisager lesréponses appropriées quidevraient, le cas échéant, êtreapportées le plus rapidement possible. Par ailleurs, Prebble invite à raffiner le contrôle desprémisses en mettant l'accent surles prémisses clés pour le succèsafin d'éviter une saturation liée àun trop plein d'informations.

2.2- Des attractions mutuellement instructivespour la question de la gouvernance des SI

L'effort de structuration proposéci-dessus est riche d'enseignementspour la gouvernance des SI.

D'abord, il montre clairement queles conceptions forgées par les

recherches sur l'alignement stra-tégique des SI, se trouvent trèslargement attirés par le pôle « alignement et focalisation »repéré ici. Celui-ci a indéniablementpermis une avancée conceptuelle.D'abord, ces travaux mettent enévidence le fait que le contrôlestratégique doit avant toutcontribuer à un alignementconvenable entre divers élémentsexternes et internes à l'organi-sation, alignement qui définit laphilosophie de contrôle en usageet permet d'orienter l'ensemblevers une même direction. Cesapproches montrent bien en quoile contrôle est nécessaire dans unenvironnement où la nécessité dedifférenciation, de managementdans la complexité, d'ambiguïté etde risques sont autant de facteursqui poussent à l'éclatement del'organisation. Le contrôle contribuealors à la création d'un « momentstratégique »74 dans la mesure oùune philosophie de contrôle participe à la stabilisation de « misesen scène », d'un « paradigme »(c'est-à-dire d'un système d'hypo-thèses cohérentes concernant lefonctionnement de l'entreprise etde son environnement) qui façonneles représentations au sein de l'organisation quant à l'environne-ment dans lequel elle évolue et àla place qu'elle y occupe.

En ce sens, le contrôle contribue àla définition de l'identité de l'en-treprise dans l'esprit des acteursqui participent au jeu organisa-tionnel. Cette seconde série detravaux trouve donc un écho fortdans les travaux qui considèrent lasimplicité comme source d'avantageconcurrentiel75. On se doit enrevanche d'insister sur le fait qu'une telle vision qui prône

71

74 Concept emprunté à Miller D. et Friesen P.H., " Innovation in conservative and entrepreneurialfirms: two models of strategic momentum ", Strategic Management Journal, 1982, p. 1-25.75 Voir Miller, D., article cité, 1993.

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Page 73: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

l'exacerbation de la cohérenceentre variables n'est pas sansentraîner des dangers dans ununivers managérial soumis àdes paradoxes76, où les succèsd'hier peuvent être à l'origine deséchecs de demain77. Importe alorstout autant pour le contrôle straté-gique de permettre l'exerciced'une vigilance pertinente pour, lecas échéant, favoriser des remisesen cause.

Par transitivité, ce sont doncl'ensemble des approches quiprônent un alignement straté-gique des SI qui sont condamnéesà ne rendre qu'imparfaitementcompte de la complexité duproblème de la gouvernancedes SI. Ceci est d'autant plusimportant que chacun des pôles,pris isolément, ne peut visiblementprétendre épuiser la question,complexe, des principes et critèresde l'articulation entre contrôle,stratégie et gouvernance des SI. Il faut donc aller plus loin et s'efforcer d'intégrer les autresavancées pour penser les condi-tions de l'articulation entre cespôles.

On comprend mieux, à la lumièrede cette analyse, le succès rencontré par le cadre rénové par Simons, fait de subtiles interactions entre contrôle et stratégie. Au centre de sa conceptionréside le principe que le contrôleoscille sans cesse entre des pôlescontradictoires : pour lui, dans lamesure où les actions de contrôleprennent corps dans un universparadoxal, toute théorie pertinenteen la matière ne peut être que de nature dialectique. Il ressorteffectivement du repérage effectuéprécédemment une contradictionentre les approches qui considèrentle contrôle comme un levier pouraligner et focaliser les énergies, cequi appelle une adhésion sans

réserve des membres de l'organi-sation, et celles qui prônent uneremise en cause continuelle, et quifait dès lors la part belle auxesprits critiques.

Néanmoins, en dépit de sa richessepeu contestable, ce même repéragecomme les évolutions récentes desthéories stratégiques montrent quele cadre de Simons mérite d'êtrecomplété. D'abord, si on peut critiquer l'exacerbation du principede cohérence sur lequel se fondentles approches par « alignement »,celles-ci ont pour intérêt de rappelerla diversité des paramètres àprendre en compte et la nécessitéd'une consonance satisfaisantedes « signaux » véhiculés par lessystèmes de finalisation, d'organi-sation, d'animation de l'entreprise,y compris donc ceux véhiculés parles leviers du contrôle repérés parSimons. Or, les travaux de Simonstraitent insuffisamment de laquestion des diverses formes quepeut prendre la mise en œuvresimultanée des leviers pour uncontrôle pertinent de la stratégieselon les circonstances. On noteraen outre que ses travaux, en retenant une définition étroite dumanagement control centrée surles processus et les procédures,laissent une place limitée à d'autres paramètres clés de ladimension organisationnelle, pourtantcentraux pour les recherches attirées par le pôle « alignement »et comme le savent tous les DSI.

Ensuite, l'accent mis sur la remiseen cause de la stratégie par d'autresapproches plus critiques dépassela question de la vigilance à exercer sur les incertitudesstratégiques retenue par Simons :il est en effet nécessaire d'intégrerégalement le fait que la stratégieest aussi affaire de discours, de

76 Voir Martinet A.-C. " Epistémologie de la stratégie ", in Martinet A.-C. (coord.), Epistémologies etsciences de gestion, Economica, 1990, p. 211-236 ; Koenig G., Management Stratégique. Paradoxes,Interactions, Apprentissages, Nathan, 1996 ou Perret, V. et Josserand, E. (dir.), Le paradoxe : Penseret gérer autrement les organisations, Ellipses, 2003.77 Miller D., The Icarus Paradox - How Exceptional Companies Bring About Their Own Downfall,Harper, 1990.

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schémas mis en mots et en images,de « paradigmes » dont la perti-nence doit sans cesse être évaluéeet remise en question par le groupedirigeant78.

Enfin, on notera que Simons s'intéresse au seul contrôle de lastratégie concurrentielle menéedans le cadre d'un domaine d'activités (business strategy)79. Or,les approches par les ressourceset les compétences80, malgré leursdivergences, convergent sur unpoint essentiel : les frontièresentre « interne » et « externe »,stratégies « business» et « corporate »,

méritent d'être largement relativi-sées. Il importe dès lors de penserles implications en termes decontrôle de cette dilution des frontières.

C'est donc à la proposition d'unmodèle qui complète le cadre proposé par Simons que s'attache,sur la base du repérage effectué,la section ci-après. La pertinencedu modèle est par ailleurs argu-mentée par des citations issuesdes entretiens menés dans lecadre du programme MINEFrance.

Il ressort des analyses précédentesque la gouvernance des SI ne peutêtre que de nature dynamique,faite de mise sous tension, d'actions et de contre-actions permanentes, d'ago-antagonisme.

La théorie des systèmes ago-antagonistes, constituée sous l'impulsion de l'endocrinologue E.Bernard-Weil, est une approchequi repose sur l'analyse de couplesqui ont la propriété d'avoir desactions à la fois antagonistes, qui« correspondent à des effets

opposés sur certains récepteursde ces actions » et agonistes, qui« correspondent à des effets demême sens sur d'autres récepteurs(ou d'autres parties du mêmerécepteur) »81.

Cette partie de l'exposé formulera

donc les couples ago-antagonistesqui doivent être gérés dans lecadre de la gouvernance des SI,

entendue au sens d'articulation entrecontrôle et stratégie SI (figure5.3).

73

78 Voir Gray B. " The enactment of Management Control Sytems: a critique of Simons ", Accounting,Organizations and Society, Vol. 15, Nos. 1 / 2, 1990, p.145-148.79 Explicitement, Simons ne se donne pour objet de recherche que le contrôle à exercer sur la stratégie de niveau " business ".

80 Il s'agit d'une approche qui met l'accent sur le rôle de ressources et de compétences stratégiquesspécifiques dans l'obtention et la défense d'avantages concurrentiels, ainsi que dans le déploiementd'une entreprise vers de nouvelles activités (voir partie 3.1).

81 Bernard-Weil, E. " La science des systèmes ago-antagonistes et les stratégies d'action paradoxales" in V. Perret, E. Josserand, Le paradoxe : Penser et gérer autrement les organisations, Ellipses,2003, p.28.

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3- Le problème de la gouvernance des SI : proposition d'un modèle rénové d'articulation entre contrôle et stratégie

Page 75: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

3.1- Trois couples ago-antagonistes, « objets »privilégiés de contrôle de lastratégie

Par principe, nous posons que lecontrôle à exercer sur le dévelop-pement stratégique supposel'équilibration sous tension de trois couples ago-antagonistes « frontières » (AB, AC, BC), que l'onqualifiera « d'objets » privilégiés àcontrôler puisque de leur misesous tension permanente et perti-nente dépend la viabilité sur ladurée.

§ Exploiter / renouveler lescompétences centrales : lecouple AB - AB

Pour envisager les manœuvressusceptibles de conduire à unavantage concurrentiel défendabledans la durée - à défaut de pouvoirêtre assuré de son caractèrepérenne - il est critique d'identifier

les ressources et compétences,racines du développement desactivités. Dans ces conditions, ilimporte assurément pour unedirection générale de développerdes capacités d'identification, afind'anticiper le devenir de ces res-sources critiques, et des capacitésà les préserver afin d'éviter leurdégradation ou leur imitation pardes concurrents. Ainsi, par exemple,pour Hamel et Prahalad 82 uneexploitation optimale du potentielpasse par la conception d'unearchitecture stratégique conçue etmise en place pour permettre ladiffusion des compétences centralesvia une circulation satisfaisante desactifs identifiés comme cruciauxentre départements, fonctions oudivisions.

« Le problème du knowledgemanagement (KM) est devenuun problème clé chez nous. On afinalement assez peu d'experts,

82 Hamel G, Prahalad C.K., Competing for the future, Harvard Business School Press, 1994.

Figure 5.3 : Les couples ago-antagonistes d'articulation stratégie / contrôle critiquespour la gouvernance des SI

Source : Denis, J.P., « Retour sur les principes d’articulation entre contrôle et stratégie - une perspective ago-antagoniste » in H. Laroche, P. Joffre et F. Fréry,

Perspectives en management stratégique, tome IX, EMS

Cadrer la prise de risques (BC)

Susciter un opportunisme audacieux (BC)

Exploiter et préserver lescompétences centrales

(AB)

Contexteet options stratégiques

Strucure et moded’organisation

Processus etprocédures de gestion

Contexte et options stratégiques

Strucure et moded’organisation

Processus et procédures de gestion

Coordonner, délimiter et imputer clairement

les responsabilités(B)

Réviser les objectifset la stratégie

déployée(C)

Identifier les incertitudesmajeures et surveiller les

événements imprévus(AC)

Identifier les contraintesmajeures à respecter au

regard de la stratégiedéployée (AC)

Pousser à l’atteinte des objectifs prédéfinis

et au conformisme(C)

Favoriser l’adaptation et les coopérations

entre unités(B)

Renforcer et renouvelerles compétences

centrales(AB)

Exercer un effet de levier sur les ressources actuelles (A)

Transcender les ressources actuellespar un effet de tension (A)

Page 76: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

et nos experts sont des gens quisont répartis dans le mondeentier, ils peuvent être enAngola, au Brésil ou n'importeoù. Je pense par exemple à desexperts capables d'interprétertelle couche géologique, ils nesont pas forcément disponiblespartout. Et, l'expérience quel'on a acquise dans un pays esttrès intéressante à partager dansun autre pays. Par exemple, lesstructures géologiques qu'ontrouve ici en Angola, on retrouveexactement les mêmes structuresgéologiques à Rio de Janeiro aubrésil. C'est exactement lamême chose parce que, à unecertaine époque, si vous voulez,c'était accolé, c'était un seulcontinent. Donc, aujourd'hui,nous avons des experts, avecune filiale allemande en Angola,et nous voulons que ces expertscommuniquent finalement cequ'ils ont récupéré avec les gensqui vont travailler sur les équi-valents géologiques qui sont del'autre côté de l'Atlantique à Riode Janeiro ».

Mais il est également nécessairede viser la création de ressourcesnouvelles, sources de développe-ments futurs. Les compétencescentrales doivent donc être renouvelées pour faire face à d'éventuels changements de l'en-vironnement ou pour envisagerdes voies de développementrenouvelées, jusqu'alors non identifiées. La (re)-création dupotentiel appelle ici capacitésd'apprentissage, pour viser lacréation de nouvelles ressourceset compétences à partir des multiples expériences passées eten cours ou de projets individuelsportés par certains dans l'organi-sation. De même, celle-ci appelledes capacités d'innovation, pourque les ressources, compétences,capacités dynamiques dont disposel'organisation à un instant donnédonnent naissance à de nouvellescompétences (ou à de nouvellesformes d'utilisation) dans le futur.

La gouvernance des SI doit doncpermettre de veiller à une exploi-tation satisfaisante des compétences

centrales mais également à leurrenforcement et à leur renouvellementpar la recherche d'opportunitésnouvelles et de nouvelles modalitésd'usage des ressources dans lecadre de la gouvernance des SI.

« En Angola, on a des zones quel'on appelle des chenaux. Voussavez qu'un chenal est un lit de rivière ; nous avons un lit derivière, par exemple, des sédi-ments de déposent dans ce litde rivière ; on s'est, en fait, aperçuqu'il pouvait y avoir des produc-tions de ressources énergé-tiques dans ces chenaux : unvieux lit de rivière mais enfoui à3 000 m de profondeur. C'est unlit de rivière qui était là il y a 45millions d'années, en l'occurrence.Un de nos experts en traite-ment, dont l'un qui a travaillélongtemps à l'INRA, a ainsiréussi à fabriquer un logiciel quiarrivait à bien identifier et àbien matérialiser ces zones dechenaux à 3 000 m de profon-deur. Nous avons donc foré là-dedans et trouvé des quantités deressources énergétiques tout àfait impressionnantes. Typiquement,ça, c'est un exemple, où l'infor-matique de simulation a permisde faire progresser la techniqueet d'arriver à visualiser descorps sédimentaires, des objetsgéologiques que l'on n'arrivaitpas à voir correctement jusqu'àprésent ».

§ Identifier les contraintes /veiller sur les incertitudes :le couple AC - AC

Il est d'usage, lors d'un diagnosticstratégique, de chercher à évaluerce que sont les variables straté-giques essentielles, comme parexemple les facteurs clés de succèsdont il apparaît nécessaire de s'assurer d'un degré de maîtrisesatisfaisant. Les systèmes decontrôle doivent en conséquencepermettre de veiller à la bonnemise en œuvre de la stratégie et aurespect de ces contraintes, le souhaitétant de focaliser l'attention desacteurs sur les objectifs qu'il estimpératif d'atteindre.

75

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Page 77: Systèmes d'information Innovation et Création de valeur

« Le projet est conçu dans uneseule optique : c'est d'améliorerl'efficacité au service de la clientèle… C'est évidemmentclair. (…) », « Je pense que tout ceproblème, recentrer le modèlesur la question de la relationclient multi-canal avec des rôlesde plus en plus fort où on opti-mise tous les phénomènes deproductivité qui sont retrouvésaprès 20 ans d'expérience dansle modèle et dégager énormé-ment de temps pour l'activitécommerciale. Et, re-cibler lesvendeurs dans leur métier devendeur et leur donner les outilspour vendre et pas simplementenregistrer la vente ».

Néanmoins, en stratégie d'entre-prise les sources d'incertitude sontmultiples : tout projet entre enlutte-coopération avec les projetsd'autres acteurs dont les manœuvrespeuvent annuler, ou amoindrir, les effets attendus. De même,concevoir un plan stratégique suppose de former des hypothèsessur un futur par essence incertainet qu'il importe, en conséquence,de confronter en permanence auxfaits tels qu'ils se concrétisent.Outre les contraintes et autresfacteurs clés de succès dont il estpressenti que s'ils ne sont pasrespectés, la stratégie est vouée àl'échec, c'est donc, de manièreprivilégiée, sur les opportunitésnouvelles qui émergent dans l'action et les risques majeurs quedoit être concentrée l'attention :des processus et dispositifs decontrôle trop soucieux de leur rôlede gardien des objectifs préétablisen situation d'incertitude et d'aléan'emporteraient-il pas, en effet, lerisque d'être contre-productifs siles hypothèses qui ont prévalu à laconception du plan se trouvaientfinalement contredites sur la durée ?Qu'il s'agisse de s'interroger sur lesens à donner à des évènementsnon anticipés ou de comprendre

les causes d'un « problème » stratégique et de travailler sur lessolutions envisageables.

§ Cadrer et susciter la prisede risques : le couple BC - BC

Les points qui viennent d'être évoqués le rappellent : la stratégieappelle des raisonnements proba-bilistes puisqu'elle est indissociablede la notion de prise de risques. Acet égard, pour éviter des prisesde risques inconsidérées, Lorangeet Chakravarthy83 ou Allaire etFirsirotu84 estiment qu'une gouver-nance satisfaisante des unités ausein des organisations complexessuppose de s'interroger sur la naturede l'asymétrie d'informationssubie par le niveau central vis-à-vis des actions de ses unités.Comme on le sait, la coopérationefficace est coûteuse et suppose delimiter le risque de comportementsdéviants de la part de l'agent, que ce soit par un contrôle descomportements ou des résultats.

« Naturellement, nous donnonsle sens de ce qu'il y a à faire etde la mission, avec l'instrumentd'observation qui permettra demesurer sur le terrain si lesréalisations correspondent auxcanons recherchés ».

Cependant, loin d'être exclusivementnégatif, l'opportunisme est aussi àsolliciter pour encourager la prised'initiatives et les innovationslocales. En effet, nombre d'évolutionspositives sont liées à des connais-sances singulières développéespar des unités locales qui,confrontées à des contextes spéci-fiques, apportent des réponsesinnovantes. On notera à cet égardque l'asymétrie de connaissancesest finalement d'autant moins àcraindre que l'activation de laconnaissance n'est de toute façonpossible qu'avec l'active collabora-tion de ceux qui la détiennent85. Il

83 Lorange P., Chakravarthy B.S., Managing the strategy process. A framework for multibusiness firm,Prentice Hall, 1991.84 Allaire Y., Firsirotu M., L'entreprise Stratégique : Penser la Stratégie, Gaëtan Morin, 1993.

85 Voir Charreaux (1999) pour une analyse de la référence croissante aux travaux de F. Von Hayekdans les développements récents de la théorie positive de l'agence.

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s'agit alors de mettre en place les processus nécessaires pouridentifier les innovations potentiel-lement créatrices de valeur et,lorsque cela est possible, de lesdéployer à plus large échelle. Celaest bien illustré par la citation quinous avait aidé à caractériser l'unedes formes d'interaction entre lesdeux types de chaînes de valeurdans le chapitre précédent :

« [Ils inventent un] modèle […]qui peut servir pour un grosclient sur un montant d'une centaine de millions ; s'ils arriventà le découper et à l'industrialiseret [à] placer les produits surune échelle de 10 000-20 000euros et à le diffuser, là, ilsferont de la marge parce qu'ilsfont plus de marge sur 12 000euros multipliés par 100 000clients que sur un seul client.Des fois ça ne marche pas. C'estle global de leur mécanique quistructure ces produits et qui fait qu'ils peuvent gagner del'argent en se battant sur lesrisques, tout dépend après s'ilspeuvent l'industrialiser en ledécoupant en tranches, çadépend des produits. S'ils ont la mécanique derrière pour l'industrialiser ou d'avoir deslots, des sous ensembles qu'ilsvendent chez des distributeursqui placent eux-mêmes les produits ».

3.2- Trois couples ago-antagonistes, «leviers»privilégiés de gouvernance

Nous considérons que ces « objets »de contrôle sont structurants pour(et structurés par) trois autrescouples, « leviers » de contrôleprivilégiés, qui relèvent chacun del'une des dimensions du schémade conception précédemmentexposé (A, B, C).

§ « La conquête du futur » :le couple A - A

Favoriser l'émergence des stratégiessuppose d'inciter les acteurs à êtreattentifs à toutes les opportunitésque le groupe peut saisir. Dans cesconditions, les concepts de tensionet de levier proposés par Hamel et

Prahalad contribuent à renouvelerla question des voies et moyensdu contrôle du développementstratégique. Ces concepts permet-tent en effet de raffiner ceux desystèmes de « croyances » et de « normes » proposés par Simons :les doctrines, chartes, credos, slogans qu'il évoque peuvent être,à notre avis, autant de moyens de démultiplier les effets de la tension comme du levier par unecommunication appropriée. Cesdeux éléments clés de la « créationde la stratégie », dont la structu-ration est réciproque, contribuenten effet à susciter la recherched'opportunités tout en délimitantl'espace de prise de risques tolérés : pousser les uns et lesautres à transcender les limitesfixées par les ressources disponi-bles, mais dans une directionconforme à celle définie par lavision, constitue assurément unemanière d'organiser la prise derisques.

« Toute l'entreprise est cons-truite dans cet esprit : le soucid'innovation et de répondre trèsvite avec originalité aux ques-tions particulières, et souci dechaîner derrière, avec unedémarche industrielle ». Le faitque cette posture est le principalmoteur de l'innovation : « Enpermanence, ils innovent quandmême dans les montages tousles 3 ou 6 mois, sortir un nouveau montage qu agrège unproduit structuré avec un autretruc, ça n'arrête pas. Et donc, çavient à la fois du banquierconseil qui lui revient de chez ledirecteur financier qui lui a ditqu'il a tel problème à résoudre ».

§ L'agencement des relations :le couple B - B

Par-delà l'injonction au downsizinget à la réduction des fonctionscentrales, plusieurs travaux ontmontré que, selon la dynamiquede développement retenue parchaque groupe, le design et lataille pertinente du sommet (entermes d'effectifs) peuvent êtretrès différents, à l'image des missions dévolues aux fonctions

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support86. Dès lors, un sommet detaille importante donne à penserque les fonctions clés et les décisions sont concentrées auniveau central, ce qui a pour effetde réduire l'asymétrie de connais-sances entre centre et unités, etdonc de limiter les initiatives decelles-ci puisque cela va générale-ment de pair avec une valorisationdu conformisme. Ce constat estrévélateur du fait que le dévelop-pement est largement dépendantdes connaissances mobilisées,construites et enrichies simultané-ment par les uns et les autres.Ainsi, le siège peut être fournisseurd'informations, de savoir-faire et deressources autres que financières,et les unités être engagées dansun réseau de relations, certesavec le siège, mais aussi avecd'autres unités.

« La direction générale [de labranche distribution] a biencompris et utilise réellementl'outil comme un vecteur demise en place d'une nouvellestructure ».

Cependant, les recherches sur lesgroupes multinationaux ont égale-ment mis en évidence une doublenécessité fort intéressante pournotre propos : d'une part, de mettreen place un contexte administratifpermettant la résolution de pro-blèmes émergents sans interventiondu niveau central ; d'autre part,de favoriser « l'empowerment »par la délégation, sur des champsde compétences bien délimités, de responsabilités globales à différentes unités. Le réseau intégréqui en découle, vecteur privilégié decoopération, constitue assurémentune capacité dynamique spécifiqueet difficilement imitable qui présenteaussi l'avantage de multiplier lescentres de compétences d'où peuvent émerger les innovationsporteuses de développementsfuturs. On en déduit qu'il importe delaisser des marges de manœuvreset des espaces de liberté aux

unités, de favoriser les coopérationsau sein de l'organisation, pourlaisser s'exprimer les contradictionset les différences de points de vue :tous ces éléments peuvent êtresources d'évolution et être à l'origine des succès de demain.

§ L'exercice de la vigilance :le couple C - C

Les recherches reconnaissent trèslargement aujourd'hui que leparadoxe premier du contrôle estde devoir simultanément s'assurerde l'atteinte des buts prédéfinis en consommant un minimum deressources, donc d'une exploitationsatisfaisante du potentiel présent,et de ne pas brider (voire de développer la capacité à) l'innovationet la créativité, sources d'évolution,de progrès, de (re)-création dupotentiel stratégique.

Cela passe par une double capacitéà pousser à une atteinte demanière toujours plus efficientedes objectifs (apprentissage simple boucle ou par exploitation)mais également à remettre encause les normes établies(apprentissage double boucle oupar exploration) lorsque les circonstances l'imposent, qu'ellessoient de nature exogènes (chan-gement dans l'environnement) ouendogènes (développement denouvelles ressources, compétences,capacités), circonstances qui peu-vent être sources de nouvellesdynamiques de croissance nonprévues.

Il convient alors de réfléchir auxdispositifs et processus qui doiventêtre utilisés de manière « diagnostic »pour s'assurer, avec la plus grandeéconomie d'attention, de l'obtentionde résultats satisfaisants au regardde la stratégie développée par legroupe. Mais il faut égalements'interroger sur les processus etdispositifs à utiliser de manièreinteractive pour qu'une vigilancesatisfaisante soit exercée sur lesincertitudes stratégiques.

86 Voir Goold M., Young D., Effective Headquarters Staff, Ashridge, 1998.

87 Voir Bartlett C.A, Ghoshal S., Managing Across Borders : The Transnational Solution, HarvardBusiness School Press, 1989.

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doit, par bien des aspects, setransformer en « contrôleur »s'il veut accompagner l'émer-gence des stratégies, favoriserla saisie d'opportunités, dyna-miser les capacités d'innovation.Dans la mesure où il joue un rôleclé dans ces processus, le « contrôleur » est, à son tour,appelé à prendre en chargebien des attributions des « stratèges » alors qu'il était àl'origine censé n'en recevoir queles ordres et les plans d'actionsdont il lui incombait de surveillerla traduction dans les faits.

Si la modification des représenta-tions que nous appelons ici de nosvœux ne peut certainement pas être, selon les cas de figure(stratégies développées, naturede l'activité, etc.), posée dans les mêmes termes, une telle interrogation est cependant,croyons-nous, salutaire pour unegouvernance non pas statique,mais réellement dynamique, desSI.

Pour conclure, il paraît importantde revenir sur le fait que le cadredéveloppé par Simons, sur lequels'est largement appuyée notredémarche, bouleverse les distinc-tions telles qu'elles ont pu s'instituerà partir de la typologie fondatriced'Anthony ; conception la plusenseignée, qui imprègne largementles pratiques et donne à penserque le contrôle est subordonné à la stratégie. Les travaux qui militent pour un alignement stra-tégique des SI n'échappent pas,parfois, à une telle conception quine nous paraît pas susceptible dedéclencher une gouvernancedynamique des SI.

Au terme de cette section, et dansla lignée de l'étude CIGREF - McKinsey quant à l'évolution de rôlesdes DSI, nous ne pouvons qu'appeler à une modificationde la représentation que lesuns et les autres formentquant à leurs rôles dans lagouvernance des SI. En effet, le« dirigeant » (ou le « stratège »)

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4- Conclusion et perspectives

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Cette synthèse du programme « MINE France » est le résultatd'un travail collectif fondé sur lecroisement d'approches théo-riques assez différentes de cellesqui sont généralement développéesdans la recherche sur les systèmesd'information et des entretiensmenés dans les quatre entreprisesqui ont accepté de participer auprojet. Certains des entretiensexploratoires réalisés dans d'autresentreprises au début du projet ontégalement été pris en comptepour appuyer nos analyses.Néanmoins, cet échantillon réduitne nous a pas permis de faireémerger, comme nous l'espérions,un ensemble de configurationsque nous aurions pu comparer aux« jeux d'innovation » mis en exerguepar nos collègues canadiens à partir de l'analyse statistique dequestionnaires.

Nous avons donc essayé de tirer lemeilleur parti possible de cesentretiens en essayant de regagneren profondeur, ce que nous avionsperdu en capacité de généralisation.L'examen des relations entre SI,innovation et création de valeurest en effet complexe et il nous a semblé intéressant d'examinerla question sous des angles différents.

Nous l'avons donc fait sous l'anglede la conduite des projets à fortcontenu en SI. L'un des principauxbuts de cette analyse était demontrer sur quelles variables ilétait possible de jouer pour prendre en compte les aspectsémergents de ce type de projet,dont il serait illusoire de penserpouvoir prévoir tous les effets apriori. Or, c'est justement dans cesévolutions imprévues que se

nichent les innovations potentiel-lement créatrices de valeur. Lesétudes de cas montrent qu'il estpossible de jouer sur l'autonomielaissée aux acteurs, à condition del'encadrer par un schéma directeurclair et sur l'alternance de phasesparticipatives et directives, d'accé-lération et de ralentissement pourlaisser les acteurs s'approprier leschangements. Nous en tirons desconclusions en matière d'évaluationdes investissements en SI eninsistant notamment sur la nécessitéde bien prendre en compte le faitqu'ils ne sont créateurs de poten-tialités d'amélioration, beaucoupplus que de performances directes.

Nous l'analysons ensuite sousl'angle de la chaîne de valeur.Nous montrons que la chaîne devaleur conçue par Porter peut utilement être complétée par unechaîne de valeur davantage centréesur les activités liées à la créationde savoir et à son exploitation.L'étude des cas montre qu'aumoins deux types d'articulationentre ces deux types de chaînesde valeur sont possibles et que le SI a une forte contributionpotentielle non seulement pour lefonctionnement de chacune d'entreelles, mais aussi pour améliorerl'interfaçage entre les deux.

Enfin, nous essayons de tirer del'ensemble un certain nombred'enseignements sur la gouver-nance des SI en nous appuyonssur le cadre d'analyse proposé parSimons, conférant au contrôle degestion un véritable rôle straté-gique, fondé sur la nécessité degérer des exigences paradoxales.Nous montrons, à travers un certain nombre de citations desresponsables interrogés, que ces

Conclusion

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exigences rejoignent les préoccu-pations des DSI.

Nous sommes parfaitement cons-cients que beaucoup des pointsabordés dans ce rapport nécessi-teraient des approfondissements àtravers des études complémentaires.

Mais nous espérons qu'il suffira àinterpeller les DSI sur des aspectsaussi importants que la place laissée à l'émergent dans laconduite des projets SI, que

l'évaluation financière de ces mêmesprojets, que la mesure de leurcontribution à la chaîne de valeurde l'entreprise ou que les interac-tions contrôle/stratégie en montantqu'il était parfois nécessaire debousculer les schémas intellectuelsdominants : précision du cahierdes charges, mesure financièredes bénéfices, chaîne de valeuruniquement centrée sur les activitésopérationnelles, subordination ducontrôle à la stratégie…

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L'essentiel des informations qui ont servi de fondement à notre analyseont été obtenues à partir d'entretiens semi-directifs en face à face. Envoici le récapitulatif.

Au sein de l'établissement bancaire :

§ Le directeur des systèmes d'information groupe. Un entretien enface à face (durée : environ 2h30) et un entretien téléphonique(durée : 30 minutes) ;

§ Deux anciens responsables de l'application GRC au sein du projetétudié (durée : 2h15) ;

§ La directrice adjointe de la stratégie (durée : 1h) ;

§ Le directeur et le directeur adjoint d'un groupe d'agences (durée :1h40) ;

§ Le directeur général d'une filiale spécialisée dans la conception deproduits financiers innovants (durée : 1h10).

Au sein du fournisseur de biens d'équipement complexes :

§ Le directeur des systèmes d'information (durée : 40 minutes) ;

§ Le responsable qualité et communication, systèmes d'information(durée : 1h50) ;

§ Deux responsables du projet étudié (durée : 1h35).

Au sein de la multinationale du secteur de l'énergie :

§ Le directeur des systèmes d'information (durée : 1h20) ;

§ Le responsable de la R&D de la branche " exploration-production "(durée : 1h35) ;

§ Le responsable architecture, direction des systèmes d'informationet télécommunications (durée : 1h35).

Au sein du fournisseur de biens d'équipement principalement B to C :

§ Deux responsables au sein de la direction programmes transverseset entreprise étendue (durée : 1h30) ;

§ Le directeur technique des systèmes d'information (durée : 1h) ;

§ Le responsable marketing technique SI (durée : 1h30) ;

§ Le responsable programmation, ordonnancement et documentationproduit (durée : 1h45).

Ces entretiens ont fait l'objet d'un enregistrement et d'une retranscriptionintégrale sur papier puis d'un travail de synthèse et de classement despropos par thèmes. Ils ont été complétés par l'analyse de documentscomplémentaires (rapports annuels, documents remis par nos interlocuteurs…).

Annexe 1 : détail des entretiens menés