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Thèse.. .

T h èse · 2008. 9. 14. · El Gobierno Mexicano, a través de la Secretaría de Relaciones Exteriores, me otorgó una beca, de octubre de 1994 a noviembre de 1995. Fue un apoyo

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Thèse...

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Rémy VandameThèse de Doctorat - 18 décembre 1996

Importance de l'hybridation de l'hôte dans la tolérance à un parasite.Cas de l'acarien parasite Varroa jacobsoni chez les races d'abeilles Apis mellifera

européenne et africanisée, en climat tropical humide du Mexique.

Université Claude Bernard - Lyon 1Inst i tut d'Analyse des Systèmes

Bio log iques e t Soc io -économiquesLyon, France

Institut National de la RechercheAgronomique - Station de Phytopharmacie

e t S ta t ion de Zoo log ie -Apido log ieAvignon, France

Colegio de PostgraduadosInstituto de Fitosanidad

Campus CórdobaCórdoba, México

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Rémy VandameThèse de Doctorat - 18 décembre 1996

Importance de l'hybridation de l'hôte dans la tolérance à un parasite.Cas de l'acarien parasite Varroa jacobsoni chez les races d'abeilles Apis mellifera

européenne et africanisée, en climat tropical humide du Mexique.

Thèse soutenue le 18 décembre 1996,

sous le numéro d'ordre 96-306,

devant le jury composé de :

Mme F. Athias-Binche, Directeur de Recherches, Université P&M Curie, Paris 6 Rapporteur

M. M. Boulétreau, Professeur, Université C. Bernard, Lyon 1 Examinateur

M. M.E. Colin, Chargé de Recherches, INRA (Dpt de Phytopharmacie), Avignon Directeur

M. P. Joly, Professeur, Université C. Bernard, Lyon 1 Examinateur

M. P. Guérin, Professeur, Université de Neuchâtel, Institut de Zoologie, Suisse Rapporteur

M. J.M. Legay, Professeur, Université C. Bernard, Lyon 1 Président du Jury

M. G. Otero Colina, Professeur, Colegio de Postgraduados (Into de Fitosanidad), Mexique Directeur

M. G. Riba, Directeur de Recherches, INRA (Dpt de Zoologie), Paris Examinateur

Université Claude Bernard - Lyon 1Inst i tut d'Analyse des Systèmes

Bio log iques e t Soc io -économiquesLyon, France

Institut National de la RechercheAgronomique - Station de Phytopharmacie

e t S ta t ion de Zoo log ie -Apido log ieAvignon, France

Colegio de PostgraduadosInstituto de Fitosanidad

Campus CórdobaCórdoba, México

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Dédicace

Je souhaite, avant toute chose, dédier les quelques pages qui suivent à la plus inimaginable des fictions, à la plusinventive des inventions, à la plus mystérieuse des créations (seule incorruptible et tellement imprévisible), celle sansqui je ne serais pas là pour écrire ces lignes, ni vous les lire : la Vie.

D'aucuns l'admirent, d'autres la déifient ; certains la perçoivent, d'autres l'étudient et la comprennent. Chacun lanomme à sa manière, tous ont en commun de l'orner d'une majuscule. Qu'ils soient biologistes ou théologiens,apiculteurs ou écrivains, peintres ou philosophes, ils sont animés d'une même passion : celle d'approcher cette force àtout nécessaire. Leur démarche peut apparaître explicative, étreinte dans le creuset de la science ; pour certains d'entreeux, pourtant, elle n'en reste pas moins perceptive. L'explication n'a alors plus d'autre finalité que d'affiner la perceptionde la Vie. A tous ceux-là, à ces passionnés de Vie, je me permets de dédier ces pages.

Je veux enfin les dédier aux cinquante mille milliards d'êtres qui ouvrent annuellement cent mille milliardsd'antennes, deux fois plus d'ailes et trois fois plus de pattes, sur notre planète. J'ai nommé... les abeilles. Comment nepas être ému de rendre un hommage vibrant, pour ne pas dire piquant, à ces êtres de socialité et de labeur, lorsqu'on lesconnaît après les Mayas qui les disaient don de la terre, après les Egyptiens qui les appelaient larmes du soleil, ou aprèsVictor Hugo qui les peignait filles de la lumière...

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Remerciements

México, mai 1994. Une année après avoir défini un projet préliminaire, après moult aventures en recherche de mainsgénéreuses, le Mexique m'ouvrait ses frontières. Pour six cents jours. Au premier de ces jours tropicaux, j'ignorais lesdifficultés que j'allais rencontrer, de l'apprentissage de la langue à celui de mon sujet, en passant par la difficulté de l'ététropical, celle du travail dans des conditions matérielles plutôt modestes, celle encore d'être son propre chef et chefd'autres.

Lyon, décembre 1996. Long temps après, l'on s'aperçoit combien il fût enrichissant de surmonter les difficultés. Etsi j'ai pu passer le cap des cent premiers jours, c'est à de nombrables mais innombrées personnes que je le dois. Jesouhaite ici les remercier. Remercier aussi ceux qui sont intervenus avant ou après ces jours-là, pour influencer, peu ouprou, la destinée de mon travail. Aucun sentiment ne porte de grandeur physique, aussi l'espace consacré à chacun nereflète en rien la taille du "merci" que je lui adresse.

A Marc Colin, pour s'être évertué à suivre et orienter mon esquif, quand bien même s'interposaient vents tropicaux,marées atlantiques ou autres phénomènes aussi peu météorologiques que compréhensibles. Ni lui ni moi n'imaginions lalongueur du chemin sur lequel il m'engageait en m'ouvrant les portes de son laboratoire, il y a cinq ans.

A Luc Belzunces, roi du banjo électrophorétique (toujours aussi invisible), pour l'équilibre qu'il m'a donné, lorsquegambergeaient mes idées à la porte du laboratoire, lorsque ralentissait leur rythme à l'orée de jours troubles. Il est despersonnes que l'on regrette de ne connaître vraiment ; peut-être, avec le temps.

A Gabriel Otero Colina, quien me dió la posibilidad de llegar a México. El día que me contestó que "si, es posible",no sabia el tumulto que prendió. Solo deseo que la colaboración pueda seguir más adelante.

A Jean-Marie Legay, pour m'avoir fait confiance, lorsque tout indiquait la précarité de ma situation. Pour m'avoiraccueilli, orienté et mis en confiance aussi, lorsque, de retour du Mexique, j'avais peine à trouver par quel bout démarrersur cette ultime ligne droite (droite, vraiment ? ) qu'est la longue oscillation entre analyse et rédaction.

A Françoise Athias-Binche, pour avoir troublé des eaux restées calmes. Il est des sujets que l'on évite sans le savoir,et pourtant si riches de surprises ! Merci aussi pour avoir accepté si spontanément de s'atteler au patient travail qu'estcelui du rapporteur.

A Patrick Guérin, pour son écoute, lorsque (tremblant, dois-je le dire ? ), j'exposai mes résultats dans l'un des hautslieux de l'étude de Varroa. La chaleur de son accueil me laissait présager que, lui aussi, accepterait d'emblée de devenirrapporteur de mon travail.

A Pierre Joly, pour la solidité de son écoute à chaque question, aussi menue soit-elle, aussi sporadiques soient mesvisites. Il est des portes que l'on sait toujours ouvertes, où l’on sait possible toute discussion, sur la science ou surl’homme.

A Michel Boulétreau, pour l'un des cours qui m'ont le plus marqués lorsque j'occupais l'amphithéâtre. Aussi, pourl'attention et la confiance qu'il a apportées lorsque j'exposai mon travail mexicain pour la première fois après mon retouren France.

A Guy Riba, pour la chaleur de son accueil et la franchise de ses conseils, à une époque où j'hésitais quant àl'orientation à prendre. Si le contact est récent, je souhaite qu'il trouve la possibilité de se pérenniser et de se renforcer.

Aux chercheurs qui, durant les derniers mois, ont apporté leur grain de sable à la compréhension de mon travail.Ingemar Fries (Université d'Uppsala, Suède). Peter Rosenkranz (Université d'Hohenheim, Allemagne). Gérard Donzé etToni Imdorf (Liebefeld, Suisse). Steve Martin (BRU-Luddington, Grande-Bretagne). Tom Rinderer (USDA-BatonRouge, Etats Unis). Yves Le Conte (INRA-Apidologie, Avignon). Roland Allemand, Jean-Luc Chassé et CarlosBernstein (Université de Lyon). Et tant d'autres !

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Autres remerciements.

Le jeu des financements de thèse ne m'ayant pas été favorable, ma situation à l'automne 1993 ne m'aurait permis deréaliser une thèse, sauf l'intervention de diverses institutions et fondations que je veux remercier ici.

La Direction des Relations Internationales de l'INRA, par le biais de son programme de collaboration avec le Colegiode Postgraduados, m'a offert l'inégalable possibilité de séjourner deux ans au Mexique. En René Lésel, responsable dusecteur Amériques de la DRI, je veux saluer la personne qui m’a donné les meilleurs conseils, ne serait-ce que celui de"vivre un impossible rêve".

No hubiera cumplido ni la menor parte de mi trabajo sin la autorización y el apoyo de las autoridades del Colegio dePostgraduados, especialmente Angel Lagunes Tejeda, Francisco Escobar Vega y Daniel Téliz Ortíz. Agradezco tambienel continual apoyo logístico de Marco Antonio Gómez Flores.

El Gobierno Mexicano, a través de la Secretaría de Relaciones Exteriores, me otorgó una beca, de octubre de 1994 anoviembre de 1995. Fue un apoyo económico determinante para la realización de mi trabajo. Le Ministère des AffairesEtrangères, par la gestion et le soutien de ce programme de bourses, a joué un rôle tout aussi déterminant dansl'accomplissement de cette thèse.

La Région Rhône-Alpes, grâce à son programme EURODOC, a financé les six premiers mois de mon séjourmexicain, préalable indispensable à mon travail.

La Fondation Bleustein-Blanchet pour la Vocation, en me désignant Lauréat 1994, m'a aidé à dépasser un cap critiquedans mon cheminement, tant personnel et humain que scientifique.

La Fondation Elf et la Guilde Européenne du Raid, en appuyant une thèse aussi peu commune que peut l'être uneaventure, ont donné l'impulsion nécessaire au démarrage de mon projet.

L'Académie d'Agriculture de France, par une aide finale, me permettra bientôt de lever les doutes sur nombre depoints devenus obscurs au fil de l'analyse des résultats.

Mais encore.. .

Gracias a los compañeros del Colegio, quienes estuvieron en mi camino con una pequeña o una grande luz, durantedos años de ayuda y de amistad. Gabriel Miguel Silvia Gerardo Miguel Nestor Carlos Mayte Isabel Irma Jorge.

Merci aux apiculteurs et à leurs associations, plus que pour leur appui matériel ou moral, pour la passion del'abeille, l'obstination, la patience et surtout la motivation qu'ils m'ont apportées : Roger & Solange Ducloux, PascalJourdan, Paul Bouteille, Jean-Paul Fabre et autres apiculteurs.

Gracias a los apicoltures y técnicos de la región de Córdoba, por su inestimable apoyo material y humano : AnicetoSánchez Islas, Juana Pérez Nuñez, Emilio Sánchez, y otros apicoltures más. Tambien a Angel Luján y Norberto PulidoTobón por su ayuda.

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Remerciements tout spéciaux.

Abeilles, hommes de science et hommes de générosité ont jalonné les diverses étapes de l'accomplissement de cettethèse. Et pourtant... Pourtant, manquent tous ceux qui ont peuplé mes jours et mes années, tous ceux qui par unsouffle, par une plume, par un coup de main ou par un coup de pied, ont contribué peu ou prou à me faire avancer.Envers ceux-là, je ne peux décrire mes sentiments, cent pages n'y suffiraient pas, et ce serait indiscret. Mais qu'ilssachent que tous, ils sont là, et que, par une maladroite énumération, je leur dis simplement "merci".

A ceux qui reviennent sans cesse dans mon courrier ou dans mes idées. Agnès, de la plus grande île de ma mémoire,magnifique. Isabel, de la más grande tierra de mi memoria, fantástica. Hugo, lointain, avec qui le lien est heureusementplus qu’épistolaire. Sam et Estelle, du pays des enfants. Jean-Blaise, Principito, de la planète des grandes idées. Chantal,dont si souvent Moctezuma me parle. Thérèse, impétueux torrent d’idées vives. Yves, des cieux bleus ascendentiels etdes cieux sombres, cachés. Zora, dont les molécules jamais ne captureront la sensibilité. Isabelle, chez qui la Vie estpassion. William & Odile, habitants d'Hispaniac et découvreurs du nouveau monde. Paul, Raúl y Mario, estrellas en elcielo de las cuerdas y otros tubos. Laurent, du pays des fleurs. Miguel, mi primero maestro en español. Karine au paysdes merveilles, inénarable résitante de la secte Mac. Silvia, mi primera maestra en escrituras españoles. Nadège, dont lavitalité traverse les océans. El clan Licona, vice-embajada de francia en México. Arezki, qu'un jour je connaîtrai. Niki,ça va ? Οη νον, χ’εστ λ’ηορρευρ ! Fred, consumant sous des dehors flegmatiques. Clara, clave de toda la aventura.Didier, personne de légende. Perrine & Nicolas, et voilà. Sylvie, tourbillon de couleurs.

A ceux que j’ai en commun dans les veines. Loïc, fleuve que traversent les courants d'émotions contraires. Béatrice etJérôme, meneurs d’un fier esquif que trois flots portent. David, explosif, que la maîtrise de son énergie peut menerpartout.

A vous deux, surtout. Car c'est bien à vous que je dois tout cela.

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La gran abeja rojaes la que está en el oriente.La rosa roja es su jícara.La flor encarnada es su flor.

La gran abeja blancaes la que está en el norte.La rosa blanca es su jícara.La flor blanca es su flor.

La gran abeja negra La grande abeille rougees la que está en el poniente. est celle qui est à l'orient.El lirio negro es su jícara. La rose rouge est son calice.La flor negra es su flor. La fleur carmine est sa fleur.

La gran abeja amarilla La grande abeille blanchees la que está en el sur. est celle qui est au nord.El lirio amarillo es su jícara. La rose blanche est son calice.La flor amarilla es su flor. La fleur blanche est sa fleur.

La grande abeille noireest celle qui est à l'occident.

Chilam Balam de Chumayel. Le lys noir est son calice.Libro sagrado Maya. La fleur noire est sa fleur.

La grande abeille jauneest celle qui est au sud.Le lys jaune est son calice.La fleur jaune est sa fleur.

Chilam Balam de Chumayel.

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Livre sacré Maya.

Table des matières.

Introduction 1

Chapitre Premier : Lumière Bibliographique 5

1. Des abeilles et des hommes. 51.α. Evolution des abeilles. 51.β. Abeilles r et abeilles K. 71.γ. Dynamique des populations d'abeilles. 81.δ. Des abeilles et des hommes. 10

2. Des abeilles africanisées. 102.α. Origine et extension. 112.β. Adaptation des AHB. 122.γ. Identification. 122.δ. Cline d'africanisation. 132.ε. Démographie. 142.ζ. Des abeilles et des hommes. 15

3. Varroa jacobsoni, acarien phorétique et parasite. 153.α. Varroa jacobsoni. 163.β. Haplodiploïdie, sex ratio et LMC. 173.γ . Développement postembryonnaire. 193.δ. Phorésie. 19

4. Varroa jacobsoni, l'individu. 204.α. Entrée des fondatrices dans le couvain. 204.β. Ontogenèse de Varroa jacobsoni. 244.γ. Agrégation des fondatrices. 294.δ. Stade phorétique et dissémination. 304.ε. Infertilité des fondatrices. 324.ζ. Nombre de cycles reproducteurs et mortalité des fondatrices. 33

5. Varroa jacobsoni, la population. 335.α. Populations et infrapopulations de Varroa. 345.β. Dynamique des populations de Varroa. 355.γ. Pathologie Varroa et pathologies associées. 37

6. Varroa jacobsoni, la tolérance des abeilles. 386.α. Attractivité du couvain. 396.β. Durée d'operculation du couvain. 396.γ. Température du couvain. 406.δ. Infertilité des fondatrices. 406.ε. Comportement de nettoyage des abeilles. 416.ζ. Comportement de nettoyage du couvain. 426.η. Systématique de la tolérance. 43

7. Varroa jacobsoni, l'espèce. 44

8. Sujet d'une thèse : le triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique. 46

Chapitre Deuxième : Analyse descriptive du triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique 49

10. Dynamique des populations d'abeilles. 4910.α. Lieu de l'étude. 4910.β. Sélection des abeilles. 5010.γ. Dynamique des populations d'abeilles. 51

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11. Dynamique des populations de Varroa. 5211.α. Population de Varroa du couvain (VjC). 5211.β. Population de Varroa phorétiques (VjP). 5311.γ. Population totale. 5411.δ. Mortalité naturelle. 55

12. Populations de Varroa : calcul de r et K. 56

13. Examen de la descendance Varroa. 57

14. Stratégie reproductive. 6014.α. Agrégation et fertilité. 6114.β. Agrégation et descendance. 6214.γ. Descendance immature. 6214.δ. Varroa et la LMC. 64

15. Petite thèse. 65

Chapitre Troisième : Analyse explicative du triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique 67

16. L'hypothèse d'attractivité. 67

17. L'hypothèse de la durée d'operculation. 70

18. L'hypothèse du nettoyage des abeilles. 7118.α. Comportement des abeilles. 7118.β. Mutilation des acariens. 73

19. L'hypothèse du nettoyage du couvain. 74

20. Petite thèse. 76

Chapitre Quatrième : Le fil rouge, ou les relations Apis-Varroa dans le monde 79

21. Filtres et relations hôtes-parasites. 8021.α. Notion de filtres. 8021.β. Combats évolutifs. 8021.γ . Filtres et coévolution. 81

22. Varroa et les filtres. 8122.α. Numérisation des filtres et de la tolérance. 8122.β. Apis florea, dorsata et cerana, ou la compatibilité fermée. 8222.γ . Apis mellifera : lorsque s'ouvre la rencontre. 8322.δ. Papouasie : avant la compatibilité. 8422.ε. Brésil et Mexique : la compatibilité partiellement fermée. 84

23. Cline de tolérance à Varroa. 8523.α. Un troisième filtre ? 8523.β. Cline de tolérance à Varroa. 86

24. Coévolutions possibles. 87

Thèse 91α. La situation au Mexique. 91β. Cline d'africanisation des abeilles, cline de tolérance à Varroa. 92γ . Perspectives au Mexique. 93δ. Cline d'hybridation de l'hôte, cline de tolérance au parasite. 93ε. Perspectives en écologie évolutive. 98

Lexique & Bee' bliographie 100

Résumé 114

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Introduction

Οικοs : l'habitat.

Il est d'usage de débuter un ouvrage scientifique par la définition du concept principal qui l'animera. Aussisouhaitons-nous définir ici une science : l'écologie. C'est en effet l’écologie qui réunit les aspects entomologique,acarologique, éthologique et évolutif à la lumière desquels les relations entre l'abeille domestique et l'un de ses parasites,Varroa jacobsoni seront décrits au fil de cet ouvrage.

Etude de l'habitat. Ainsi fût définie l'écologie par Haeckel, son fondateur, en 1866. D'abord étude de l'habitat d'uneespèce animale ou végétale, l'écologie a peu à peu recouvert l'étude d'un ensemble d'espèces, puis l'étude des interactionscomplexes des espèces entre elles, et entre celles-ci et leur milieu (Barbault, 1992).

L'aspect le plus marquant des relations entre individus, qu'ils appartiennent ou non à la même espèce, est sans aucundoute l'échange d'énergie. De façon évidente, il y a échange d'énergie dans les relations prédateur-proie. De façon moinsévidente, mais peut-être aussi importante, il y a échange d'énergie dans les relations hôte-parasite. L'on mesurel'importance du phénomène de parasitisme lorsque l'on sait que plus de la moitié des espèces animales et végétalesconnues ont un mode de vie parasitaire (Minchella, 85). Dans ce dernier cas, Combes a proposé le qualificatifd'interaction durable, pour faire entendre la dimension temporelle de l'échange d'énergie (Combes, 1995).

Une interaction telle que la relation hôte-parasite relève d'une véritable course coévolutive, au sein de laquelle l'hôtecherche à fuir ou à éliminer le parasite, et le parasite cherche à rejoindre et tirer profit de l'hôte. S'expriment alors, pourl'hôte, un coût du parasitisme, et un coût de la résistance. L'hypothèse commune, bien que parfois vivement attaquée,veut qu'un équilibre soit atteint, au sein duquel ces coûts s'égalent. L'hôte héberge alors un nombre supportable deparasites, en dessous duquel il coûte beaucoup de descendre. Cette situation, fruit d'une coévolution hôte-parasite, est ditetolérance* .

Des recherches prospectives tendent à montrer comment s'instaure un processus de tolérance, par la simpleobservation de l'évolution entre un hôte et un parasite nouvellement mis en contact. Pourtant, un tel luxe dans lesconditions de recherches reste rare, car l'échelle de temps d'un processus coévolutif est souvent supérieure à l'échelle detemps de la vie humaine (et l'expérimentateur n'est qu'homme), et en tout cas supérieure à l'échelle de temps del'expérience. Il faut donc, la plupart du temps, se contenter d'une recherche rétrospective, lors de laquelle l'évolution qui amené à la réalité présente, s'est produite lors d'un passé qui n'a pas laissé de traces.

Le point de départ d'une telle recherche rétrospective sur la coévolution qui a conduit à la tolérance, est bien sûr ladescription précise des facteurs responsables de la tolérance. Pourtant, dans la complexité du vivant, il est difficiled'extraire LE ou LES facteurs qui résultent d'une coévolution. Aussi la comparaison entre les relations d'un parasite avecdeux espèces hôtes différentes peut-elle fournir un support de choix. Notamment, si la comparaison est faite entre deuxhôtes de différents seuils de tolérance à un même parasite. De plus, si la comparaison est faite dans les mêmesconditions expérimentales, toute responsabilité de l'environnement dans les différences de tolérance peut être écartée.

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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C'est dans ce cadre d'une comparaison des relations entre un parasite et deux hôtes différents, l'un sensible, l'autretolérant, le tout en un unique lieu, que nous avons entrepris notre étude, en mai 1994.

D'aucuns recourent au néologisme d'Apismelliferité pour décrire un parcours évolutif qui n'a rien à envier à celui del'Humanité, initié lors d'une fantastique création spécifique, menacé par moult extinctions, puis modelé par leschangements de climats et ramifié au fil des migrations : le parcours évolutif d'Apis mellifera, abeille bien connue.

L'Apismelliferité et l'Humanité, à l'origine complètement indépendantes l'une de l'autre, devaient pourtant serencontrer, il y a peut-être 15000 ans. Il faut dire que les réserves accumulées par les abeilles durant la bonne saisonavaient de quoi attirer la convoitise de nombreux membres du règne animal ; dont les hommes. Certes, les premierscontacts tinrent plutôt du pillage que de l'élevage, mais l'homme finit par découvrir le moyen d'assouvir sa faim de mieltout en préservant l'insecte producteur, il y a peut-être 4400 ans. L'abeille a fourni pendant des siècles l'unique source desucre et de cire de bien des civilisations ; elle est devenue le premier, et l'un des rares insectes domestiqués par l'homme.

Les routes de l'Apismelliferité et de l'Humanité ainsi rejointes, une forme de synergie devait se produire. Enintroduisant une abeille prolifique et domestiquée en de nombreux pays qu'elle n'avait pas encore atteints, l'hommeassurait bien sûr la pérennité de ses propres réserves en miel et en cire, mais permettait également un développementconsidérable de l'abeille. Pourtant, voulant trop parfaire cette harmonie, l'homme l'a troublée, en propageant avecl'abeille, bon nombre de ses parasites, dont l'un des plus destructeurs d'entre eux : Varroa jacobsoni.

Moins d'un siècle après son identification aux fins fonds de l'Asie par l'acarologue hollandais Oudemans, cet acarienest présent aujourd'hui dans presque toutes les colonies d'abeilles de notre planète. Il a donné lieu à un véritable tumultescientifique, concrétisé par 4000 publications en l'espace de 15 ans, dont un quart sans doute apportent des informationsscientifiques originales.

En 1994, une situation unique et probablement éphémère venait de se former, du Guatemala au Mexique et au suddes Etats-Unis : la présence simultanée de Varroa jacobsoni au sein de colonies d'abeilles européennes, hautementsensibles à ce parasite, et au sein de colonies d'abeilles africanisées, dont le précédent sud-américain laissait à penserqu'elles pouvaient être tolérantes à ce parasite.

Précisons qu'aucune des trois espèces de ce triptyque n'est originaire du Mexique. L'abeille européenne a été introduitepar les colons espagnols au XVIIe siècle, afin de produire du miel et de la cire. Elle s'est par la suite étendue à toutel'Amérique tropicale, subtropicale et tempérée, en excluant l'Amérique équatoriale pour des raisons d'interprétation dessignaux climatiques. A la suite de cette exclusion, l'abeille africanisée est apparue en 1956 au Brésil, puis s'est étendue àl'Amérique équatoriale, tropicale et subtropicale ; elle s'est implantée au Mexique en 1989. Enfin, Varroa jacobsoni aété introduit en Uruguay en 1971, puis s'est étendu à toute l'Amérique équatoriale, tropicale, subtropicale et tempérée ;il a été détecté au Mexique pour la première fois en 1992.

L'on voit que le triptyque considéré est unique au monde, puisque la zone où coexistent les trois éléments qui lecomposent ne comprend que les territoires situés à moins de 1000 mètres d'altitude, compris entre le Guatemala, leMexique et le sud des Etats-Unis. Il est récent, puisqu'il n'a été formé qu'en 1992, c'est à dire deux ans seulement avantle début de notre étude. Il est probablement éphémère, enfin, puisque les abeilles africanisées ont largement tendance àsupplanter les abeilles européennes, et que cette dominance sera probablement achevée avant quelques années.

La possibilité de coexistence en un même lieu de deux sous-espèces d'abeilles, l'une sensible, l'autre tolérante à Varroajacobsoni, était une situation unique. Elle fournissait la situation idéale pour la recherche de facteurs de tolérance, puisdes processus coévolutifs qui avaient pu les faire apparaître. Elle fournissait finalement le sujet du travail relaté au longdes pages suivantes.

Introduction. 3

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Dans la première partie de ce mémoire, il nous semblait important de synthétiser l'imposante bibliographie relativetant à l'abeille qu'à Varroa. L'originalité et les deux questions que posent le sujet de notre étude apparaîtront à la fin decette partie ; les deux parties suivantes seront consacrées chacune à la réponse de l'une de ces questions.

La seconde partie sera consacrée à répondre à l'une des questions : les abeilles africanisées au Mexique représentent-elles l'un des rares cas de tolérance des abeilles à Varroa ? Pour parvenir à cette fin, nous réaliserons une description laplus détaillée possible de la dynamique des populations des deux sous-espèces d'abeilles et des populations du parasite.Seule une telle connaissance permet en effet de détecter à quel moment et dans quelle mesure les dynamiques desdifférentes populations interfèrent.

La troisième partie sera consacrée à répondre à l'autre questions : si les abeilles africanisées sont tolérantes à Varroaau Mexique, est-ce pour la même raison qu'au Brésil, ou de quelle autre raison s'agit-il ? A cette fin, divers aspects ducomportement des abeilles et de Varroa sont examinés. De telles observations donneront lieu à une discussion sur lesimplications des aspects comportementaux dans la dynamique des populations.

La quatrième partie consistera en une relecture de l'histoire des relations abeilles-Varroa, à la lumière des théoriesévolutives, notamment la théorie de la coévolution. Les situations de tolérance connues seront examinées à la mêmelumière, et nous tenterons de décrire les différentes voies qu'elles pourront suivre par le futur.

Nos observations seront en fin synthétisées, puis confrontées et unies avec les résultats rapportés dans les trois-cent-vingt-deux publications précédemment citées. Sera alors présentée une proposition globale tendant à réunir toutes lesdonnées connues sur notre sujet à ce jour, c'est à dire, au sens littéral du terme, une thèse.

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Chapitre PremierLumière Bibliographique

Avant de débuter les observations au sein des colonies d'abeilles* , les divers facteurs, d'origine biologique ou humaine,expliquant de façon scientifique pour les uns, historique pour les autres, la formation du triptyque abeille européenne -abeille africanisée - Varroa, seront décrits. La biologie de l'acarien sera décrite, successivement aux niveaux individuel,populationnel et spécifique, ce qui permettra de préciser l'importance pathologique de Varroa et les divers mécanismesconnus de tolérance des abeilles à Varroa. A la lumière de ces explications biologiques apparaîtra l'originalité de lasituation actuelle au Mexique, et ce qu'elle promettait au début de notre étude.

1. Des abeilles et des hommes.

Voici 100 millions d'années, au Crétacé, à la de fin de l'ère secondaire, que les plantes à fleurs sont apparues à la surface denotre planète. C'est probablement au même moment qu'est apparue au sein des Insectes Hyménoptères la famille desApidés. Depuis la création de cette famille par Linné, en 1761, vingt-mille espèces d'insectes y ont été classées. Le plusancien représentant connu, Electrapis, a été découvert dans des terrains datant de l'Eocène supérieur (40-50 millionsd'années), dans l'ambre de la Baltique (Ruttner, 1988).

1 Evolution des abeilles.

La famille des Apidés renferme notamment les genres Apis, Melipona et Bombus , eux-mêmes contenant les espècesformant les sociétés d'insectes les plus évoluées. Sur la base d'abeilles fossiles et actuelles, Ruttner (1988) a proposéune phylogénie que nous résumons ici, qui conduit aux quatre espèces majeures du genre Apis ; ces espèces colonisentaujourd'hui la majeure partie de l'Asie, l'Afrique et l'Europe (voir figure 1). Electrapis peuplait l'Europe du nord à

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Apis cerana

Apis dorsataApis florea

Apis mellifera

Figure 1 (d'après Gould,1995). Répartitiongéographique originelledes quatre espècesmajeures du genre Apis.

l'Eocène, lorsque le climat y était tropical (40-50 MA), puis a laissé place à Synapis ,archétype d'abeille, ancêtre des représentants actuels du genre Apis (23-24 MA). Cette abeilleconstruisait un nid en plein air, donc n'a pas pu résister au refroidissement du Pliocène, ets'est retranchée dans le sud Asiatique.

L'on retrouve aujourd'hui dans cette région du globe une abeille très proche de cet ancêtre Synapis ; l'abeille géanteApis dorsata (voir figure 1). Les colonies de cette abeille construisent un unique rayon d'un à deux mètres de diamètre, àl'air libre, seulement disposé à l'abri de falaises escarpées et inaccessibles ; les abeilles, de la taille d'un frelon, ont unappareil venimeux leur procurant une défense efficace. Par des attaques groupées, ces abeilles ont la capacité de tuer degrands mammifères (Seeley, 1982, 1983).

L'abeille naine Apis florea s'est précocement séparée d'Apis dorsata, tout en occupant les mêmes zonesgéographiques. La réduction de la taille corporelle a permis à cette abeille de coloniser des zones de buissons, pour yconstruire des nids entourés de feuillages denses. Un tel habitat, offrant une protection naturelle conséquente, a entraînéla diminution de taille et d'efficacité de l'appareil venimeux (Gould et al., 1988).

L'étape décisive franchie au sein du genre Apis a été le développement d'une véritable stratégie de thermorégulationsociale (Southwick et al., 1971 ; Heinrich, 1994), vers la fin du Pliocène ou le début du Pléistocène (1.5 MA). Enconstruisant leurs nids dans des emplacements clos, sur la base de plusieurs petits rayons parallèles plutôt que d'un seulrayon gigantesque, et en formant une grappe d'abeilles étroitement serrées en hiver, les abeilles ont pu survivre à despériodes d'hiver de plusieurs mois, jusqu'à des températures avoisinant les -30°C (Seeley, 1985), et ainsi conquérir desterritoires a priori impropres à leur survie. Une conséquence de la construction du nid en un lieu clos, donc obscur, a étéle perfectionnement de la danse des abeilles, permettant la communication inter-individuelle (Lehrer, 1994). Cettestratégie de thermorégulation a ouvert la porte de la création à deux espèces d'abeilles, espèces "jumelles" de par la tailleet l'aspect des individus ou le mode de vie sociale : Apis mellifera et Apis cerana.

Chapitre premier : Lumière bibliographique. 7

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Apis cerana, tout d'abord, est restée cantonnée à l'Asie, mais possède une niche beaucoup plus étendue que cellesd'Apis florea et Apis dorsata. On la trouve présente en effet de l'Afghanistan au sud-est de la Russie, en passant parl'Inde, le sud-est Asiatique et la Chine. Les colonies, sur la base de 6 à 8 cadres, comportent de 6000 abeilles enThaïlande (Seeley, 1983) à 15000 abeilles au Japon (Okada, 1985). Peu agressive, cette abeille a pourtant développédiverses techniques d'intimidation, de l'agitation de l'abdomen face à de petits insectes à l'attaque en groupe face à de grosinsectes (Sharma, 1980).

Apis mellifera, encore appelée Apis mellifica, pour sa part, est apparue au Moyen-Orient. Parmi les questions faisantencore l'objet de débats, figurent la datation de sa séparation d'Apis cerana (Sheppard, 1996), ainsi que les raisons pourlesquelles a eu lieu cette séparation (Garnery, 1996). Depuis le Moyen-Orient, Apis mellifera a connu une longuemigration, selon deux routes différentes, au cours de laquelle elle a formé de nombreuses sous-espèces. L'une de cesroutes a permis de coloniser l'Afrique, formant notamment la sous-espèce A. m. scutellata au sud du continent. L'autreroute a permis de coloniser l'ensemble de l'Europe, formant notamment les sous-espèces A. m. caucasica en Russieoccidentale, A. m. carnica en Europe de l'est, A. m. ligustica en Italie et A. m. mellifera en France et en Angleterre.

1 Abei l les r et abeil les K .

Malgré l'occupation de territoires complètement différents par Apis mellifera et Apis cerana, l'on retrouve unegradation comparable des comportements au sein des sous-espèces connues, gradation étroitement liée au climat(Ruttner, 1988).

Les sous-espèces de milieu tempéré ont un cycle annuel très marqué, avec une population relativement faible enhiver (10 000 individus) et très importante en été (50 000 à 60 000 individus). L'été est mis à profit pour collecter unegrande quantité de nectar, lequel permettra d'assurer la thermorégulation de la colonie durant l'hiver. Le printemps

s'accompagne généralement de l'essaimage, c'est à dire de l'abandon de la colonie par la reineaccompagnée de la moitié des abeilles, pour aller fonder une nouvelle colonie. Il arrive queplusieurs essaims suivent ce premier essaim, mais leur probabilité de survie reste faible. Cescomportements de stockage et de thermorégulation confèrent aux colonies une certainerobustesse, malgré un climat qui limite leur reproduction, les faisant se rapprocher d'unestratégie de développement* de type K (MacArthur et al., 1967 ; Pianka, 1970). En outre,les abeilles de ces climats sont soumises à une faible menace des prédateurs, et sont doncmodérément agressives.

Figure 2 (d'aprèsBühlman, 1992) :dynamique annuelle de lacolonie d'abeilles, enclimat tempéré. Enabscisse : longévité de lacohorte (0 à 245 jours).En ordonnée : nombred'individus dans lacohorte (0 à 2 400abeilles).

Les sous-espèces tropicales, par contre, présentent un cycle annuel plus homogène, avecde moindres fluctuations des populations d'abeilles. L'essaimage est chose courante, donnantlieu à des essaims de petite taille, ce qui n'altère pas leur survie dans la mesure où l'hiver

n'est pas une menace conséquente. Ces colonies amassent peu de provisions, pour les mêmes raisons, mais ont recours àun comportement de désertion (abandon complet des colonies), lorsque les conditions se font difficiles. Cescomportements confèrent aux colonies une certaine labilité, supportée par un climat qui leur permet une reproductionimportante, les faisant se rapprocher d'une stratégie de développement* de type r (MacArthur et al., 1967 ; Pianka,1970). Par ailleurs, la menace des prédateurs (grands hyménoptères, comme les frelons ; oiseaux) pèsent lourdement surces colonies, entraînant la sélection d'abeilles présentant un comportement fortement agressif.

1 Dynamique des populations d'abeilles.

Dans toute leur complexité, les relations entre les abeilles d'une même colonie* sont loin d'être toutes connues, etfont à l'heure actuelle l'objet de moult recherches d'excellent niveau en sociobiologie (Mohammedi et al., 1996). Afind'éclairer les pages suivantes, les étapes marquant la dynamique des populations d'abeilles au cours des saisons, la vieindividuelle d'une abeille et ses activités successives, sont ici brièvement décrites.

L'on appelle colonie d'abeilles l'ensemble des individus peuplant une ruche. Cette appellation trouve son équivalenten écologie dans le terme de "population", mais reste ambiguë, dans la mesure où une abeille isolée est incapable desurvie. Pour décrire l'état de dépendance où se trouve une abeille vis à vis de sa colonie, il est souvent référé au conceptde "superorganisme" (Wilson, 1975 ; Moritz et al., 1992).

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La colonie d'abeilles est monogyne, c'est à dire qu'elle ne contient qu'une seule reine, mère de tous les autresindividus. Selon la saison et le climat, la colonie comporte 15 000 à 60 000 ouvrières et 0 à 6 000 mâles, égalementappelés faux-bourdons (Bühlman, 1992 ; voir figure 2). En climat tempéré, le nombre d'individus peuplant la colonieest une fonction directe des conditions floristiques, elles-mêmes dépendant des conditions climatiques. Au printemps,c'est à dire au maximum de floraison, la population atteint son apogée, en étant constituée d'abeilles de courte durée devie (de l'ordre de 25 jours). Ces abeilles fournissent un effort important pour la collecte du nectar, puis pour samaturation en miel. Le nectar est stocké et fournira l'apport énergétique indispensable à la survie de la colonie durantl'hiver. Les abeilles naissant en automne fournissent peu de travail, ce qui leur assure une durée de vie beaucoup pluslongue (jusqu'à 6 mois).

Les conditions hivernales provoquent un arrêt total de la ponte de la reine, donc une chute importante de lapopulation de la ruche. Afin de résister au froid, les abeilles forment une grappe dense, au sein de laquelle un lentmouvement de rotation permet aux abeilles d'être successivement à l'extérieur de la grappe, pour se nourrir sur lesréserves en miel accumulées pendant l'été, puis à l'intérieur de la grappe.

La reine, dans les premiers jours de sa vie, s'accouple à l'extérieur de la ruche, avec 6 à 30 mâles successivement ;une telle multiplicité a probablement pour justification d'assurer une certaine diversité génétique au sein de la colonie(Oldroyd, 1996). La reine stocke le sperme de mâle dans une spermathèque, pour l'utiliser durant toute sa vie, au rythmed'un spermatozoïde lors de chaque ponte. Un mécanisme musculaire permet à la reine de choisir de pondre un œuffécondé (diploïde), qui se développera en une femelle, ou un œuf non fécondé (haploïde), qui se développera en un mâle(ce mécanisme de parthénogenèse arrhénotoque sera explicité en 3.β). Un tel mode de développement a donné lieu à lathéorie de la sélection de parentèle ou kinselection (Maynard Smith, 1964 ; Breedet al., 1992). La reine étant fécondéesuccessivement par plusieurs mâles, lapopulation d'abeilles est divisée en sous-populations de soeurs, appelées "fratries".A l'heure actuelle, la question demeure desavoir si les comportements degardiennage ou d'élevage du couvain sontdirigés de façon sélective envers lesdiverses fratries.

La reine peut pondre jusqu'à 2 000

œufs par jour, pendant unevie de 3 à 5 ans. Trois joursaprès la ponte au fond d'unalvéole (ou cellule), l'œuféclôt et donne lieu à une larvede premier stade, pesant 0.1mg (voir figure 3). Cettelarve est intensément nourriepar les abeilles, ce qui permetde franchir successivement les

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cinq stades larvaires en 8 jours, pour atteindre un poids de plus de 100 mg. A la fin du stade L5, une réserve denourriture est constituée au fond de la cellule. La cellule est alors operculée par les ouvrières, c'est à dire fermée par unopercule de cire. Aussitôt après l'operculation, la larve consomme la réserve de nourriture, puis tisse un cocon. Le stadelarvaire est ainsi clos 36 heures après l'operculation, ce qui marque le début de la prénymphose, elle-même d'une durée de50 heures. La prénymphe, puis la nymphe, parcourent la métamorphose. Les différents âges du stade nymphal, d'unedurée de 8 jours, sont caractérisés par le développement physique de la nymphe : nymphe aux yeux blancs ; aux yeuxroses ; aux yeux violets ; aux yeux noirs et thorax clair ; aux yeux noirs et thorax jaune ; aux yeux noirs et thoraxnoir (Rembold et al., 1980). Après un développement total de 21 jours, la mue imaginale a lieu, et l'abeille adulteémerge de la cellule. L'ensemble des cellules contenant œufs, larves et nymphes est appelé couvain.

La vie adulte d'une ouvrière est rythmée par diverses activités requérant progressivement une maturation plusimportante du système nerveux, mais dont la succession est définie par les besoins de la colonie et les contraintes ouopportunités de l'environnement, dans une certaine "plasticité comportementale" (Giray et al., 1994). La vie d'uneouvrière, dont la durée est directement corrélée à l'effort fourni (Neukirch, 1982), peut être divisée en plusieurs grandesphases. Durant les cinq premiers jours de sa vie, l'ouvrière s'occupe du nettoyage de la colonie ; du cinquième auquinzième jour, alors que ses glandes cirières sont en activité, elle construit de nouveaux rayons et opercule le couvain,puis travaille à la défense de la colonie. Après quelques jours de vols d'orientation et de suivi des danses des butineuses,elle ne sort de la ruche pour butiner qu'entre le vingtième et le vingt-quatrième jours de sa vie. L'activité de butinagerequiert en effet des capacités développées du système nerveux, afin de pouvoir interpréter les signaux de l'environnementet communiquer avec les autres abeilles butineuses, et seules les plus âgées des abeilles sont capables de s'y appliquer(Zhang et al., 1995).

Le cycle de développement de la colonie décrit ci-dessus est celui rencontré en climat tempéré. En climat tropical,l'alternance des saisons est peu marquée et la floraison peut se produire à diverses époques de l'année, de façonrelativement irrégulière. En conséquence, les colonies élèvent du couvain toute l'année, mais en quantité assez modérée(voir § 1.β).

1 . Des abeilles et des hommes.

La colonisation de zones tempérées a imposé aux abeilles de faire des provisions importantes en miel durant l'été, afin depouvoir assurer la thermorégulation de la grappe d'abeilles durant l'hiver. Cette caractéristique, propre à l'espèce Apismellifera, a suscité l'intérêt d'une autre espèce, Homo sapiens, et la naissance d'une profession : l'apiculture. Lespremières peintures rupestres faisant apparaître des abeilles datent de près de 15 000 ans, et relatent l'expérience del'homme comme chasseur de miel, c'est à dire destructeur d'essaim autant que collecteur de miel. Pourtant, la destructiondes essaims, en s'approchant de la prédation, n'est pas dans l'intérêt du chasseur, qui détruit le producteur en prélevant lemiel et s'assure ainsi de ne pas voir la manne renouvelée. La conséquence logique est alors le développement de relationsmutualistes et la domestication de l'abeille, afin de la préserver tout en en tirant profit.

Les premières traces de la domestication des abeilles apparaissent chez les Egyptiens, il y a 4400 ans. Les troncsévidés d'un volume de 25 litres formant les premières ruches égyptiennes se retrouvent presque à l'identique dans la Grèceantique. Les observations scientifiques d'Aristote relatées dans le livre IX de l'HistoireNaturelle relevèrent d'une telle précision qu'elles firent autorité jusqu'à la fin du Moyen-Age.Les ruches de paille mises au point au début de notre ère furent abolies par Huber, quidéclencha une petite révolution, en 1814, en inventant la première ruche à cadres articulés. Laforme actuelle des ruches date des travaux de Dadant et Langstroth (in Dadant et al., 1986) etcombine enfin la sécurité et le confort nécessaires à la survie des abeilles avec la facilité et lamobilité nécessaires au travail de l'apiculteur.

Figure 3 : stades dedéveloppement del'abeille, de la ponte del'œuf à l'émergence del'abeille imaginale.

Durant les dernières décennies, un rôle de loin plus important que la production de miel, a été dévolu aux abeilles :la pollinisation des cultures (Corbet et al., 1993). La présence de grandes quantités de colonies auprès de nombre decultures (vergers et maraîchage) permet d'améliorer notablement la quantité et la qualité des productions.

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Le développement de la pollinisation et les impératifs économiques de rendement en miel ont engendré lamodernisation des ruches, et une technique de plus en plus courante : la transhumance des abeilles. Transhumance dequelques centaines de kilomètres lorsqu'il s'agit de produire des miels de crus particuliers, ou déplacement des coloniessur plusieurs milliers de kilomètres lorsqu'il s'agit d'introduire Apis mellifera dans des pays où elle n'est pasnaturellement présente. C'est ainsi que cette espèce a été introduite dans nombre de pays d'Asie, permettant d'établir uncontact jusqu'alors inexistant avec Apis cerana, Apis dorsata et Apis florea. De la mêmefaçon, les colons espagnols ont introduit l'espèce (notamment la sous-espèce A. m. ligustica)sur le continent Américain à partir du XVIIe siècle, afin de produire miel et cire.

Figure 4 (d'après Rinderer,1992 ; Dietz et al., 1995): extension de l'abeilleafricanisée, à partir duBrésil, foyer de 1957.En noir : partie des USAqui sera colonisée dans lesprochaines années ; enrayé : partie des USA quipourrait être colonisée(Dietz et al., 1995).

2. Des abeilles africanisées.

Seules les sous-espèces d'Apismellifera qui ont migré vers lesclimats tempérés d'Asie du nord etd'Europe ont acquis des capacités derésistance à des conditionshivernales rigoureuses (stratégie K,voir § 1.β). La résistance au froidleur est conférée essentiellement parle regroupement de l'essaim en unegrappe compacte, permettant ainsila thermorégulation sociale(Heinrich, 1994). L'allongement desjournées en fin d'hiver indique auxabeilles européennes la proximité dela période chaude et le début de lafloraison ; les abeilles défont alorsleur grappe, la reine reprend saponte interrompue durant l'hiver, etles abeilles débutent l'élevage decouvain.

Après leur introduction sur lecontinent Américain, les sous-espèces européennes d'Apismellifera se sont facilement adaptéesaux zones tempérées (Canada, USA,Chili, Paraguay, Uruguay,Argentine), et ont formé lapopulation d'abeilles européennes(dorénavant citées sous l'abréviationEHB* , pour european honey bees).Dans les zones plus proches del'équateur, ces abeilles se sontheurtées à des problèmesd'interprétation des signauxenvironnementaux (Rinderer et al.,1994). Elles ne savent notammentpas interpréter le déphasage entre lesjours longs et la production denectar et pollen par les fleurs. Ce

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problème, de plus en plus marqué que l'on s'approche de l'équateur, c'est à dire notamment au Brésil, explique que lessous-espèces d'abeilles européennes n'ont jamais connu de succès apicole en milieu équatorial. Les abeilles peuvent bienêtre élevées, mais leur productivité en miel reste faible, et elles ne sont en aucun cas capables de survivre plus de deuxou trois années sans intervention de la part de l'apiculteur (Nogueira-Neto, 1964).

2 Origine et extension.

Afin de parer à cette déficience, le gouvernement brésilien a débuté dans les années 50 des recherches visant à uneamélioration génétique des abeilles européennes. C'est ainsi que 170 reines d'une sous-espèce d'Afrique équatoriale, destratégie de développement r (voir § 1.β), Apis mellifera scutellata, ont été importées dans l'état de São Paolo, en 1956(Kerr, 1967). Quelques mois plus tard, 26 des colonies reconstituées à partir de ces reines ont déserté leurs ruches ; cescolonies se sont hybridées avec les quelques colonies présentes et ont fondé la base de ce qui est connu depuis quaranteans comme les abeilles africanisées (dorénavant citées sous l'abréviation AHB* , pour africanized honey bees).

Quarante années d'africanisation ont suffi à une rapide et inexorable colonisation de toute l'Amérique équatoriale,tropicale et subtropicale (voir figure 4). Après 15 ans, les AHB avaient envahi la moitié sud du Brésil, l'Uruguay, leParaguay et la moitié nord de l'Argentine. Depuis cette date, le sud de l'Argentine n'a jamais été colonisé, le climattempéré ne s'y prêtant pas. Les AHB ont continué leur progression vers le nord de l'Amérique du sud et l'Amériquecentrale, pour atteindre le Guatemala et le sud du Mexique en 1987 (Villa et al., 1988). L'état de Veracruz, où ont étéréalisées les expériences qui seront décrites ci-dessous, n'a été colonisé qu'en 1989.

Dès lors, un programme de lutte contre l'AHB a été mis en place par l'USDA au Mexique, afin de limiter laprogression de ces abeilles (Loper et al., 1992). Des caisses peintes en bleu, couleur attractive pour les abeilles, étaientdisposées en de nombreux endroits, ce qui permettait de capturer et détruire les essaims sauvages. Malgré cela, les AHBont atteint les Etats-Unis en 1993. En reportant aux Etats-Unis les caractéristiques climatiques de la limite sud del'africanisation (Kerr et al., 1982), il était prévu que les AHB ne pourraient s'adapter que jusqu'au nord du Texas (Taylor,1977). Pourtant, une étude récente montre que la température n'est pas le seul facteur limitant les AHB au milieu del'Argentine, et qu'elles seraient finalement susceptibles d'atteindre les frontières du Canada, au moins dans les zones deplaines (Dietz et al., 1995). Selon les auteurs, le territoire colonisé par les AHB avoisinerait alors les 30 millions dekilomètres carrés.

2 Adaptation des AHB.

Au Brésil, les AHB se sont rapidement révélées très agressives, trait hérité de leur origine partiellement africaine, cequi les a rendu très indésirables ; elles ne s'en sont pas moins fort bien adaptées au climat du Brésil, proche de leurclimat originel. Plusieurs de leurs caractéristiques ont concouru à cette adaptation, voire à la supplantation des abeilleseuropéennes.

Elles ont tout d'abord bénéficié d'une certaine "préadaptation", dans la mesure où elles ont été sélectionnées pour lespotentialités qu'offrait leur stratégie r, et que cette stratégie leur permettait de s'adapter immédiatement aux conditionsclimatiques brésiliennes (Rinderer, 1996). Ajoutons que le pillage très important exercé par les ouvrières AHB affaiblitles colonies EHB, accélérant le processus de leur implantation.

En outre, les colonies d'AHB ont la particularité d'élever plus de couvain de mâles que les colonies d'EHB. Rinderer(1985) a observé que les mâles AHB sont très dispersants, puisqu'ils fécondent de nombreuses reines EHB, alors que laréciproque est plutôt rare. Pour Hall et al. (1989) et Smith et al. (1989), ce rôle des mâles dans l'extension de la zoned'africanisation reste mineur face à celui des femelles, c'est à dire face à l'essaimage fréquent et sur de longues distances.

2 Identification.

Plusieurs techniques ont été proposées afin de discriminer AHB et EHB ; l'identification morphométrique reste laméthode la plus simple de mise en œuvre (Daly et al., 1978). Elle consiste à mesurer 25 caractères morphométriques de10 abeilles, prélevées dans la ruche à identifier (voir figure 5) : 14 caractères de l'aile droite antérieure, 3 caractères del'aile droite postérieure, 4 caractères de la troisième patte droite et 4 caractères du quatrième segment ventral de

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l'abdomen. Les auteurs précisent cependant que 4caractères de l'aile postérieure droite suffisent à unedétermination relativement précise (3 anglesd'intersection entre nervures alaires : A32 ; A38 ;A39 ; longueur de l'aile : WL). Rinderer (1986) amontré que la seule mesure de la longueur de l'aileantérieure permettait la discrimination EHB / AHBavec un taux d'erreur de seulement 14%. Cettetechnique morphométrique a été récemmentdéveloppée, proposant ainsi une identification baséesur la mesure de 47 caractères morphométriques(Rinderer et al., 1993).

Si la discrimination morphométrique reste trèsperformante au Brésil, il semble qu'elle ne le soit pasautant dans les zones où les AHB se sont implantéesaprès une longue migration, comme en Amérique centrale et en Amérique du nord (GuzmánNovoa et al., 1994). D'autres techniques ont donc été proposées, comme la chémotaxonomie,basée sur l'examen du spectre des hydrocarbures insaturés de la cuticule (Smith, 1990) et desglandes exocrines des abeilles (Lavine, 1990). L'abondance en certains hydrocarbures en C29,C31, C35 et C37 apparaît étroitement corrélée au niveau d'africanisation, et constitue donc unfacteur discriminant efficace (Smith, 1991). Par ailleurs, la teneur en certains hydrocarbures,esters simples et complexes de la cire produite par les différentes sous-espèces ou hybridesd'abeilles peut également fournir un facteur discriminant (Brand et al., 1991).

Figure 5 (d'après Daly,1978) : techniqued'identificationmorphométrique desabeilles africanisées. Labase de cette méthode estla mesure d’angles forméspar des pointscaractéristiques de lavenation alaire.

Enfin, une technique génétique a été décrite. L'ADN mitochondrial est porteur de gènesessentiels à la thermorégulation et possède des séquences nucléotidiques différentes chez les abeilles d'Afrique et cellesd'Europe (Hall, 1990). La coupure de cet ADN mitochondrial par les enzymes EcoR1 et Bcl-1, notamment, semblediscriminer très pertinemment les abeilles des deux sous-espèces, voire même le taux d'hybridation, le cas échéant(Sheppard et al., 1991). La même technique montre que les AHB au Brésil reflètent encore leur ascendance partiellementeuropéenne (Sheppard et al., 1991).

2 . . Cline d'africanisation.

La révélation d'une fréquence plus élevée d'allèles européens chez les AHB du nord que chez les AHB du sud du Brésila introduit la première suspicion d'une introgression génique (del Lama et al., 1990). Sheppard et al. (1991) ont montrépour la première fois que l'introgression de gènes d'EHB dans le génome d'AHB engendrait des abeilles parfaitementviables, ainsi permettant tous les niveaux d'hybridations entre les deux sous-espèces. Qui plus est, ces auteurs ontdémontré l'existence en Argentine d'une véritable zone de transition entre le nord tropical, occupé exclusivement par lesAHB, et le sud tempéré, occupé exclusivement par les EHB. Le centre de l'Argentine est en effet occupé par des abeillesmorphométriquement et génétiquement identifiées comme hybrides. La même étude a également montré que les AHB duBrésil différaient significativement d'Apis mellifera scutellata, de même que des AHB d'Amérique centrale.

La même année, Rinderer et al. (1991) ont réalisé plusieurs transects dans la péninsule du Yucatán, au sud-est duMexique, région par laquelle les AHB ont pénétré dans ce pays. Ils ont également montré que les identificationsmorphométrique et génétique suivaient une gradation, au sein de laquelle les abeilles du sud-est étaient majoritairementAHB, et les abeilles du nord-ouest majoritairement EHB. Une telle situation doit toutefois être attribuée au fait que lesAHB avaient à peine débuté la colonisation du Yucatán au moment de l'étude, ce qui signifiait que la situation tendraitvers une occupation totale par les AHB, tandis qu'en Argentine, le cline d'africanisation était dû à la géographie etconstituait donc une situation stable.

Ce même auteur a par la suite entrepris une identification morphométrique de l'ensemble des AHB du continentaméricain (Rinderer et al., 1994). Outre le fait que les AHB du Brésil soient apparues nettement différentes d'Apismellifera scutellata en Afrique, il a montré l'existence d'un véritable cline d'africanisation, s'étalant du Brésil au Mexique(voir figure 6). Des analyses enzymatiques ont confirmé l'existence de ce cline à l'échelle du Brésil (del Lobo et al.,

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1989). Un tel cline n'est pasdépendant que de la latitude,mais est également influencépar l'altitude, ce qui signifie quesa structure est données par desparamètres essentiellementclimatiques (Rinderer,communication personnelle).

Depuis ce constat, la zoneoccupée par les AHB dans lesAmériques s'est nettementétendue, et va continuer às'étendre ; l'on peut supposerque cette extension confronte deplus en plus les AHB à laprésence d'EHB d'une part,favorisant ainsi l'introgressiongénique, et d'autre part à desclimats défavorables.L'hypothèse est donc que lecline d'africanisation se marquede plus en plus, jusqu'à arriverà une situation d'équilibre au

sein de laquelle on rencontrerait (1) de pures AHB à basse altitude, au niveau de l'équateur, (2)de pures EHB, au sud de 30°S (milieu de l'Argentine) et au nord de 30°N (nord des Etats-Unis), ou dans les zones intermédiaires d'altitude, et (3) deux zones d'hybridation introgressiveentre les zones contenant des sous-espèces pures.

Figure 6 : représentationtridimensionnelle de lamorphométrie desabeilles européennes,africaines et africanisées,faisant apparaîtrel'existence d'un clined'africanisation (d'aprèsRinderer, 1994).

2 Démographie.

La dynamique des populations d'AHB et EHB n'est pas différente en tous points ; si lasurface de couvain, le nombre d'abeilles dans une colonie et leur longévité apparaissent

inférieurs dans les colonies d'AHB, la quantité de couvain élevé au moment d'un essaimage et la mortalité du couvain nediffèrent pas significativement entre les deux types de colonies (Winston, 1981). Les différences majeures tiennent àl'interprétation des signaux climatiques : contrairement aux EHB, les AHB intensifient l'élevage de couvain dèsl'apparition de floraison, sans attendre l'allongement des jours. Ceci constitue un réel avantage, car si la floraison et ladurée du jour sont étroitement liées en climat tempéré, elles sont souvent indépendantes en milieu équatorial et tropical(Rinderer, 1994).

La caractéristique comportementale la plus difficilement maîtrisable par les apiculteurs reste le comportement dedésertion des AHB. Ce comportement diffère d'un essaimage classique, lors duquel seule la moitié des abeilles quittent laruche, laissant ainsi une population résiduelle capable de poursuivre son développement. La désertion constitue uneadaptation au climat tropical : dès que les conditions de floraison sont mauvaises, l'ensemble des abeilles quitte la ruche,abandonnant tout le couvain (de Jong et al., 1983). Elles cherchent alors un emplacement plus propice, et peuventparcourir à cette fin plus de 100 kilomètres, en plusieurs étapes (Winston, 1992). Ce phénomène explique la granderapidité d'extension des AHB à tout le continent américain (voir § 2.β).

En conséquence, l'hiver constitue un facteur limitant à l'implantation des AHB, dans la mesure où leurs réserves enmiel en début de saison froide sont largement insuffisantes à la survie de la colonie durant la saison froide. Lorsque lesréserves passent sous le seuil critique qui devrait provoquer la désertion des ruches, les conditions climatiques empêchentles abeilles de quitter la ruche. Par ailleurs, leur comportement thermorégulateur est peu performant : la grappe forméeest plus lâche et plus facilement labile que chez les EHB (Camazine, 1988). Ces deux éléments combinés entraînent lamortalité de la presque totalité des colonies d'AHB durant l'hiver (Villa et al., 1993).

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2 Des abeilles et des hommes.

De par leur comportement, les AHB se sont formées une réputation internationale. De leurs origines africaines, ellesont en effet conservé une agressivité spectaculaire pour qui n'était habitué à travailler qu'avec des abeilles européennessélectionnées parmi les plus douces, comme les apiculteurs du continent américain. Alors que l'EHB est en règlegénérale très calme et n'attaque qu'en cas de menace importante pour la colonie, l'AHB fait preuve d'une agressivitéimportante, à la moindre alerte. Ce sont alors au moins 10 fois plus d'abeilles qui quittent la ruche (Collins et al., 1982)et poursuivent leur agresseur jusqu'à un kilomètre (Winston, 1992). L'envenimation par les AHB est due seulement aunombre élevé d'agresseurs, car il faut bien remarquer que le venin d'AHB en soi n'est pas plus toxique que le venind'EHB (Schumacher et al., 1990) ; qui plus est, les AHB injectent 36% moins de venin que les EHB, du fait de leurpetite taille (Rosenkranz, 1988). Finalement, l'interprétation catastrophiste de ce comportement, qui a suscité jusqu'à laréalisation de film-fictions, relève plus d'une réaction manichéiste que d'un danger réel : l'arrivée des AHB dans le suddes Etats-Unis a augmenté de seulement 5 à 10% le nombre de problèmes liés aux attaques d'insectes sociaux (Dietz etal., 1995).

Les méthodes de lutte contre l'invasion par l'AHB développées par l'USDA se révélant particulièrement peu efficaces,les apiculteurs des Etats-Unis devront probablement s'adapter au travail avec les AHB, tout comme leur collèguesd'Amérique latine (Camazine et al., 1988). Après quarante années d'africanisation, en effet, l'apiculture brésilienne s'estfort bien adaptée à l'AHB (de Jong, 1996). L'utilisation de vêtements efficacement protecteurs, donc diminuant lenombre de piqûres et l'émission de phéromones d'alerte, une adaptation des supports de ruches limitant les vibrationslors des visites de ruchers, l'utilisation d'enfumoirs plus gros lors de la visite, et surtout la maintenance des ruchers àl'écart des zones habitées, forment un ensemble de mesures qui ont considérablement réduit les désagréments liés à cetteabeille.

Par ailleurs, les apiculteurs ont découverts deux avantages principaux à l'AHB. D'une part, elle est meilleurepollinisatrice et nettement plus productive en miel, cire et propolis que l'EHB (Danka et al., 1986). D'autre part, elle estnaturellement tolérante, voire résistante à de nombreuses maladies, telles que la loque du couvain, l'acariose, lanosémose et surtout tolérante à Varroa jacobsoni (comme nous le verrons au § 1.8.), ce qui réduit considérablementl'usage d'antibiotiques et d'acaricides (de Jong, 1996). Le changement majeur occasionné par l'africanisation sur l'activitéhumaine apparaît finalement être une professionnalisation de l'apiculture, au détriment d'amateurs qui abandonnent cetteactivité.

3. Varroa jacobsoni, acarien phorétique et parasite.

Après une brève présentation de l'acarien phorétique Varroa jacobsoni et de son extension à travers le monde en quelquesannées seulement, nous décrivons ici trois de ses principales adaptations au parasitisme de l'abeille : le mode dereproduction parthénogénétique* arrhénotoque* , le raccourcissement relatif de la durée relative du développementpostembryonnaire et l'apparition de la phorésie. Ces descriptions théoriques permettront par la suite de comprendre labiologie de Varroa en tant qu'individu, population et espèce.

3 . . Varroa jacobsoni.

L'acarien Varroa jacobsoni est phorétique et ectoparasite obligé de l'abeille. Il a été découvert par Jacobson, puisdécrit en 1904 par le hollandais Oudemans. Ce dernier le classa initialement sous le nom de Varroa jacobsoni Oudemans(1904) dans la famille des Laelapidae. Par la suite, il fut reclassé dans la famille nouvellement créée des Varroidae(Gamasida : Dermanyssina) par Delfinado & Baker (1974).

La description initiale de Varroa a été réalisée à partir d'individus collectés dans des colonies d'Apis cerana, abeille dusud-est Asiatique (voir figure 7 et § 1.α). Le corps de la femelle Varroa adulte est nettement adapté au parasitisme et àla phorésie, puisqu'il est de forme ellipsoïdale, déprimé dorso-ventralement, et que les huit pattes sont terminées par une

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ventouse. La femelle mesure environ 1 500 µm dans sa plus grande longueur, ce qui est très grand pour un acarien. Lemâle adulte ne présente par contre pas de morphologie adaptée au parasitisme, puisque son corps est presque sphérique ;il ne dépasse guère 400 µm. La coexistence Apis cerana - Varroa a été remarquée par divers auteurs durant la premièremoitié du siècle, sans qu'aucun d'eux ne mentionne de problèmes particuliers causés par Varroa à l'abeille. Cettetolérance* doit probablement être expliquée par un processus coévolutif au cours duquel la pression de sélection exercéesur le couple hôte-parasite tend à diminuer la virulence parasitaire (Carton, 1988). Etayant cette hypothèse coévolutive,divers travaux de recherches menés en Chine, en Indonésie et au Viêt-nam se sont attachés à expliquer les facteursresponsables de la tolérance d'Apis cerana à Varroa. Il semble aujourd'hui presque certain que la combinaison de cinqfacteurs (faible attractivité du couvain d'ouvrières ; stérilité ; courte durée d'operculation ; nettoyage des abeilles et ducouvain ; tous facteurs qui seront décrits au § 6) suffise à expliquer la tolérance d'Apis cerana..

Les espèces d'abeilles asiatique (Apis cerana) et européenne (Apis mellifera) n'avaient initialement pas de zonegéographique de contact, mais leurs territoires respectifs n'étaient séparés que par un "no-bee-land" de 630 kilomètres delarge, au niveau de la frontière Iran - Afghanistan (Ruttner, 1988). C'est la modernisation des techniques apicoles, etnotamment de la transhumance des colonies d'abeilles, qui a permis un contact artificiel entre les espèces Apis cerana etApis mellifera. Cette seule barrière abolie, rien n'a plus limité le passage de Varroa sur Apis mellifera.

Un tel changement d'hôte s'est sans doute produit au cours des années 40 ou 50 (Grobov, 1976). Dès lors, laparasitose a connu une extension de plus en plus rapide, au gré des transhumances et des échanges commerciaux,l'infestation de nouvelles colonies étant autorisée par la phorésie. Varroa était détecté dans l'ensemble des républiquessoviétiques avant la fin des années 60 (Smirnov, 1978), dans les Pays de l'est au début des années 70, en Allemagne eten Tunisie en 1975, en Finlande en 1980, en France en 1982 (Colin et al., 1983), et enfin en Grande-Bretagne en 1992(Paxton, 1992). Parallèlement à cette progression, l'invasion des Amériques a été permise via le Japon par l'importationde reines, technique à laquelle recourent les apiculteurs afin d'améliorer la qualité génétique de leur cheptel. C'est ainsique Varroa a été détecté successivement au Paraguay (1971), au Brésil (1976), puis aux Etats-Unis (1987) et enfin auMexique (1992) (Rodriguez Dehaibes et al., 1992).

Dans la presque totalité des cas de colonisation des ruches d'Apis mellifera, Varroa s'est révélé hautement pathogène,du fait de l'absence des barrières posées par la coévolution avec Apis cerana. En climat tempéré, la population de Varroad'une ruche peut passer de 10 à plus de 10 000 individus en trois ans, c'est à dire dépasser le seuil létal pour la colonied'abeilles (Fries, 1994). En climat tropical, le problème est encore plus grave puisque ce temps est ramené à 18 mois.Seuls quelques cas de tolérance d'Apis mellifera à Varroa ont été rapportés, et font l'objet d'études plus ou moinsapprofondies (voir § 6).

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Figure 7 : femelle Varroaadulte en vue ventrale (àgauche) et antérieure (àdroite) ; mâle adulte envue ventrale (en bas).

3 . . Haplodiploïdie, sex ratio et LMC.

L'haplodiploïdie* est un système génétique caractérisant les espèces animales au seindesquelles les mâles se développent à partir d'œufs non fécondés et sont haploïdes, et lesfemelles se développent à partir d'œufs fécondés et sont diploïdes (Lincoln et al., 1982). Il s'agitd'une caractéristique commune à de nombreux groupes, allant des acariens aux hyménoptères, en passant par les rotifèreset les oxyures. Chez les hyménoptères sociaux, elle est de règle et joue probablement un rôle sur la socialité et lagénétique des sociétés en parentèle (Maynard Smith, 1964).

Elle se rencontre chez de nombreux invertébrés qui présentent une stratégie r-colonisatrice les conduisant dans desmilieux imprévisibles où, notamment, la rencontre d'un partenaire de sexe opposé est très aléatoire (Adamson, 1984). Aquelques exceptions près, l'individu dispersant est toujours la femelle, qui doit être fécondée avant son voyage. Lorsquela densité de colonisateurs sur le site d'arrivée est faible, une grande population à partir d'un nombre très réduit defondateurs, ce qui entraîne une absence notoire de panmixie et donne lieu au concept d'effet fondateur (founder effect).

L'apparition de l'haplodiploïdie est conditionnée au sytème de détermination du sexe. Le développement de l'œuf enun mâle doit en effet être gouverné par la présence d'un seul chromosome X, et non par la présence d'un chromosome Y,comme chez les mammifères. Seuls les groupes où le sexe est déterminé par un système du type XO permettent doncl'apparition de l'haplodiploïdie (White, 1973).

Diverses stratégies écologiques sont associées à l'haplodiploïdie. Notamment, les mâles des espèces haplodiploïdesétant hémizygotes, les gènes récessifs sont exposés directement à la sélection dans la mesure où ils s'expriment chez lemâle (Adamson, 1984 ; Crozier, 1985, in Werren, 1993). L'haplodiploïdie se prêterait donc bien aux cycles biologiquesoù il y a une consanguinité élevée, puisque les gènes récessifs létaux y sont très rares. Werren (1993) démontre à l'aided'un modèle que les espèces haplodiploïdes souffrent moins de la dépression de consanguinité que les espèces diploïdes,

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et peuvent donc mieux occuper des niches écologiques requérant des situations de consanguinité. Cet auteur précisecependant qu'à moyen terme (après 50 générations, par exemple), l'accumulation de gènes délétères peut devenir néfaste àune population, résultant par exemple en une réduction de la viabilité des œufs (Helle, 1965), nécessitant ainsi un toutpetit niveau d'outbreeding.

Une autre caractéristique de l'haplodiploïdie est que la femelle fondatrice* peut choisir le sexe de ses œufs lors de laponte, donc la sex ratio* (proportion de mâles) de sa descendance. Dans une population panmictique, cette observationporte relativement peu à conséquence, puisque les pressions de sélection tendent toujours à ramener la sex ratio vers unevaleur de 0.5 (Fisher, 1930). Par contre, Hamilton (1967) a rapporté que la sex ratio était souvent biaisée lorsque deuxconditions étaient respectées : 1) la reproduction a lieu en milieu confiné (c'est à dire que la reproduction entre individusapparentés ne peut être évitée) ; 2) les mâles ne sont pas dispersants (c'est à dire qu'ils ne peuvent s'accoupler qu'avec lesfemelles de leur entourage immédiat, souvent à cause de leur courte durée de vie).

Cet auteur a alors proposé la théorie de la compétition locale pour l'accouplement* (local mate competition* , ouLMC* ), laquelle stipule que d'un point de vue évolutif, il est sélectivement avantageux pour une femelle isoléed'engendrer dans sa descendance le nombre de mâles juste nécessaire pour féconder les femelles filles. Les avantages àcette stratégie évolutive sont : 1) de limiter le nombre de descendants, donc la charge parasitaire et le risque de mortalitéde l'hôte ; 2) d'optimiser le nombre de filles dans la descendance, donc l'effort de dispersion, puisque seules les filles sontdispersantes ; 3) de maximiser la dispersion des gènes maternels.

A mesure que le nombre de femelles dans ce milieu confiné augmente, c'est à dire quand l'on se rapproche de lapanmixie, les fondatrices tendent à engendrer une descendance dont la sex ratio sera équilibrée, sous l'effet des pressionsde sélection. Hamilton a proposé une règle de calcul de la sex ratio (sr) en fonction du nombre de femelles fondatrices(n) : sr = (n-1) / 2n (voir figure 8).

Les hyménoptères parasitoïdes comme Trichogramma evanescens ou T. brassicae (Wajnberg, 1994) et leshyménoptères pollinisateurs des figuiers (Werren, 1981) ont fourni des modèles très étudiés pour éprouver cette théoriede la LMC. Chez Nasonia vitripennis, il a en outre été montré que la première fondatrice infestant un milieu engendreune descendance dont la sex ratio est très fortement biaisée, tandis que la seconde fondatrice engendre une descendanceplus équilibrée (Werren, 1980). Si la détermination de la séquence des sexes dans la ponte est vraisemblablement souscontrôle génétique (Wajnberg, 1993), de nombreux facteurs tendent à approcher la sex ratio de l'équilibre, comme l'âge dela fondatrice, la petite taille de l'hôte ou des conditions physiques défavorables (King, 1987). Les conditions ambiantes

influencent aussi sa précision (Herre, 1987) ; plus les fondatrices sont isolées, plus la sexratio de leur descendance sera précise, et vice versa (Hardy, 1992). Enfin, le niveau deconsanguinité de la population (Herre, 1985) et la capacité des fondatrices à percevoir laprésence d'autres fondatrices (Stubblefield, 1990) affectent significativement la sex ratio.

Figure 8 : calcul de la sexratio de la descendance,en fonction du nombre defondatrices, selon la règleproposée par Hamilton(1967) : sr = (n-1)/2n.

Chez les acariens, contrairement aux insectes parasitoïdes, les mâles ne sont jamaisdispersants, ce qui offre de très bons modèles pourl'étude de la LMC (Athias-Binche, 1994 ;

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Sex ratio

Nombre defondatrices

Kaliszewski et al., 1995). Concernant Varroa, lesystème de reproduction haplodiploïde permet auxfondatrices de se reproduire malgré leur isolementlors de la reproduction, dans la majeure partie descas. L'haplodiploïdie constituerait une "protection"contre la dépression de consanguinité, au sens oùl'entend Werren (1993). Concernant la sex ratio,nous verrons plus loin que celle-ci est nettementbiaisée en faveur des femelles (voir § 4.γ ) commechez de nombreuses espèces haplodiploïdes, maisil n'a jamais été rapporté si les prédictions de laLMC s'appliquaient ou non à Varroa.

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3 . . Développement postembryonnaire.

L'étude des acariens, et notamment des Gamasides, montre une grande variété de types écologiques, l'évolution s'étantfaite à partir d'espèces édaphiques peu spécialisées pour aboutir à des espèces très spécialisées, voire des parasites. Entreautres stratégies adaptatives développées lors de cette évolution figure le raccourcissement de la durée du développementpostembryonnaire (Athias-Binche, 1987). Alors que les formes les plus primitives comportent cinq stases (larve,protonymphe, deutonymphe, tritonymphe, adulte), une phase a totalement disparu, ce qui laisse place à un mode dedéveloppement à quatre stases (larve, protonymphe, deutonymphe, adulte) chez les Gamasides.

Le développement complet à quatre stases actives se rencontre chez les espèces édaphiques endogées, qui sedéveloppent donc en milieu stable et tamponné, mais pauvre en ressources trophiques ; il s'agit d'un développement detype K-stratège. Le rôle de la larve tend par contre à diminuer chez les espèces des biocœnoses plus instables ; il s'agitalors d'un développement de type r-stratège. L'avantage sélectif de ce dernier type de développement est d'une partd'épargner les contraintes des milieux variables aux formes immatures, et d'autre part de réduire l'effort de reproduction enrendant possible la survie d'œufs, souvent produits en petit nombre, mais peu affectés par les risques de mortalité.

Chez certains Gamasides, comme Varroa, la larve mue in ovo, et l'éclosion libère une protonymphe (voir § 4.γ ), cequi réduit le cycle à trois phases actives. Ce cas intermédiaire aux extrêmes décrits ci-dessus est fréquemment rencontréchez les acariens phorétiques, comme les Macrochelidae, ou planticoles, comme les Phytoseidae.

3 . . Phorésie.

La phorésie* est le processus par lequel un animal recherche et s'attache à un autre animal pour une durée limitée,afin d'émigrer d'un site à un autre (Farish et al., 1971, in Athias-Binche, 1994). Elle est vitale pour les animaux depetite taille et peu mobiles, comme la plupart des acariens, qui colonisent des sites discontinus ou temporaires. Elle faitdonc partie d'une dynamique colonisatrice, en favorisant la dissémination de l'espèce, la conquête de l'espace et larecherche de ressources nouvelles (Athias-Binche, 1994). La phorésie se distingue du parasitisme en ce que le phorétiquen'a théoriquement aucune influence sur son hôte ; il est toutefois indubitable que des contraintes physiques s'exercent(poids, frein aérodynamique).

Athias-Binche reprend des termes de parasitologie pour définir : 1) la phorésie euryxène, lorsque le phorétique utilisede nombreux espèces-hôtes différentes ; 2) la phorésie éco-éthologique, lorsque le phorétique et l'hôte se cantonnent aupartage du même habitat ; 3) la phorésie spécifique ou sténoxène, lorsque le phorétique n'utilise que les individus d'unemême famille ou d'un même genre ; 4) la phorésie oioxène, lorsqu'il n'utilise que les individus d'une seule espèce.

La phorésie cyclique est nécessairement sténoxène, voire oioxène, puisqu'elle requiert la reconnaissance de signauxémis par l'hôte. La synchronisation du comportement du phorétique avec le cycle de développement de l'hôte se fait surla base de stimuli perçus par le phorétique (Athias-Binche, 1993). Ces stimuli sont vraisemblablement de naturechimique, nutritionnels ou olfactifs. Plusieurs phases rythment alors la phorésie : initiation du comportementphorétique ; recherche de l'hôte ; reconnaissance et réponse à des signaux attractifs ; attachement à l'hôte ; diapause ;désembarquement.

Bon nombre d'acariens présentant une phorésie cyclique sont paraphagiques durant au moins une partie de leur cycle,c'est à dire qu'ils se nourrissent d'exsudats de leur hôte. La paraphagie est l'un des moyens de communicationinterspécifique, et mène souvent, de façon graduelle, au parasitisme (Athias-Binche et al., 1993). Le parasitisme peutpourtant se produire sans perte de la phase phorétique. Selon Athias-Binche (1994), la phorésie appartient aux processusgénéraux de la symbiose, mais peut-être considérée comme une préadaptation au parasitisme, et tend à évoluer vers leparasitisme vrai.

Varroa est phorétique sténoxène de l'abeille et sa vie se déroule obligatoirement au sein de la colonie d'abeilles. PourAthias-Binche (1994), Varroa aurait ainsi évolué d'un mode de vie phorétique neutre vers un mode de vie parasitaire, etoffrirait l'un des rares exemples de deux modes symbiotiques différents présents chez un même stade : phorésie etparasitisme. La phorésie correspond à la dissémination des fondatrices, tandis que le parasitisme correspond à lareproduction de ces fondatrices.

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4. Varroa jacobsoni, l'individu.

L'individu-clef du cycle de développement de Varroa est la femelle adulte, dorénavant nommée "fondatrice". Deux phasessymbiotiques rythment alternativement la vie d'une fondatrice : la phase reproductive et la phase phorétique. Examinonsci-dessous les phénomènes majeurs marquant ces deux phases, tels qu'ils ont été décrits chez l'espèce Apis mellifera.

4 Entrée des fondatrices dans le couvain.

La fondatrice se reproduit exclusivement dans une cellule de couvain d'abeille, en général après une périodephorétique. Le facteur sine qua non de cette reproduction est donc l'entrée des fondatrices dans le couvain. De plus,l'entrée dans le couvain doit intervenir à un âge de couvain bien précis. Entrer trop tôt dans le couvain signifie, pour lafuture fondatrice, un risque important d'être détectée et retirée par les abeilles avant l'operculation du couvain. Entrer troptard est impossible, puisque le couvain est déjà operculé, c'est à dire hermétiquement fermé à toute entrée ou sortie deVarroa.

Deux études se sont attachées à mesurer la durée d'attractivité du couvain pour les Varroa phorétiques, c'est à dire lapériode pendant laquelle les futures fondatrices entrent effectivement dans le couvain. Dansla première étude, le poids des larves au moment de l'infestation des cellules a simplementété mesuré, puis converti en âge larvaire (Ifantidis, 1990 ; Thrasyvoulou et al., 1983). Lesfutures fondatrices infestent le couvain d'ouvrières lorsque les larves pèsent plus de 100 mg,soit dans les 15 heures précédant l'operculation ; elles infestent le couvain de mâle lorsqueles larves pèsent plus de 200 mg, soit dans les 45 heures précédant l'operculation. Laseconde étude relève sans doute d'une plus grande fiabilité puisqu'elle s'attache à observerdirectement l'infestation du couvain, en ruche vitrée (Boot et al., 1992). Dans cesconditions, les futures fondatrices entrent dans le couvain d'ouvrières 15 à 20 heures avantl'operculation, et dans le couvain de mâle 40 à 50 heures avant l'operculation. Ces âgeslarvaires correspondent tous à des larves au stade de développement suivant la quatrième muelarvaire, c'est à dire le stade de développement L5 (Rembold et al., 1980). Les cellulescontenant des larves L5 âgées seront dorénavant désignées sous le nom de "cellules idéales".

Figure 9 : processusd'entrée de la fondatriceVarroa dans la cellule decouvain. Lorsqu'uneabeille portant unefemelle Varroa phorétiques'approche d'une cellulepropre à être infestée,l'acarien quitte l'abeillepour descendre surl'opercule d'une cellulevoisine, entrer dans lacellule, marcher sur lalarve durant quelquessecondes, puis se glisserlentement entre la larve etla paroi de la cellule. Ceprocessus dure 65secondes.

L'utilisation de cellules artificielles transparentes en éclairage infrarouge a permis dedécrire avec précision le processus d'entrée dans une cellule de couvain (Boot et al., 1994).Ce processus dure environ une minute (voir figure 9). La femelle fondatrice s'immergeensuite dans la nourriture destinée à la larve d'abeille. Elle restera immobile jusqu'au débutde la nymphose, moment auquel débutera sa ponte ; il semble en effet que le seul contact avec la nourriture larvaireprovoque une réaction d'akinésie (complète immobilité), laquelle permettrait à la fondatrice de dépenser un minimumd'énergie en attendant de débuter sa ponte, et d'éviter d'être repérée par les abeilles nourrices en causant des vibrations eten émettant des odeurs propres à la signaler (Rath, 1992).

Les facteurs provoquant et influençant l'entrée des Varroa phorétiques dans le couvain ne sont pas encore tousconnus, loin s'en faut. Ils font pourtant l'objet de nombreuses recherches à l'heure actuelle, car l'intérêt est grand de lesconnaître, tant du point de vue fondamental que du point de vue appliqué à la lutte contre l'acarien. Dans l'état actuel desconnaissances, quatre classes de facteurs se distinguent, d'origine éthologique, chimique, mécanique ou thermique.

• Facteurs éthologiques.

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Afin d'entrer dans le couvain, la fondatrice doit se trouver à quelques millimètres seulement d'une cellule idéale (Bootet al., 1994). Pour ce faire, elle doit d'abord se trouver sur une abeille susceptible d'approcher une telle cellule, c'est àdire une abeille nourrice. En examinant la répartition des Varroa phorétiques dans une ruche où les proportions d'abeillesnourrices et d'abeilles butineuses sont égales, il apparaît effectivement que les deux tiers des Varroa se trouvent sur desabeilles nourrices, contre seulement un tiers sur des abeilles butineuses (Kraus, 1986). Si les acariens sont placés dansune situation de choix, dans un olfactomètre en Y, ces proportions sont encore plus distinctes l'une de l'autre,puisqu'environ 80% d'entre eux se dirigent vers les abeilles nourrices, contre seulement 20% vers les abeilles butineuses(Kraus, 1994). D'autre part, la répartition des Varroa placés dans un mélange d'abeilles nourrices provenant de différentescolonies n'est pas uniforme, ce qui montre que selon les colonies, les abeilles nourrices sont plus ou moins attractives(Kraus, 1995).

Par ailleurs, la proportion d'acariens entrant dans le couvain diminue si le nombre de cellules contenant des larves L5est artificiellement diminué, mais également si le nombre d'abeilles dans la colonie augmente (Boot et al., 1994). Cesdeux facteurs abaissent en effet la probabilité pour une future fondatrice de se trouver à proximité d'une cellule contenantune larve L5. La présence de jeune couvain (larves L1 à L4) minimise en fait la proportion de cellules contenant deslarves L5, probablement car ce couvain L1 à L4 entre en compétition avec le couvain L5 pour le soin aux larves.

Se trouver sur une abeille susceptible de l'approcher d'une cellule idéale n'est cependant pas suffisant pour qu'unefondatrice pénètre dans le couvain. Des observations ont en effet montré que les abeilles approchaient souvent des Varroaprès de cellules idéales, sans que ceux-ci ne quittent l'abeille (Boot et al., 1994). D'autres facteurs interviennent en effet,comme le sexe de la larve. Il est connu que le couvain de mâle d'abeille est de 8 à 10 fois plus attractif que le couvaind'ouvrière (Otten et al., 1988 ; Fuchs, 1990). Ceci s'explique par le fait que le succès reproducteur* (fitness* ) estnettement plus élevé dans le couvain de mâle (voir § 5.γ). Le problème est alors d'expliquer pourquoi les Varroan'entrent pas exclusivement dans le couvain de mâle. Le nombre de cellules de mâles dans une colonie est limité entre 5et 15% du couvain (Allen, 1965). Des simulations montrent que si les fondatrices Varroa n'infestent que le couvain demâle, le nombre de fondatrices par cellule augmente rapidement, et leur succès reproducteur diminue fortement au delà de300 Varroa par colonie. Lorsque 590 Varroa sont présents dans la colonie, 50% d'entre eux vont se reproduire dans lecouvain d'ouvrières (Fuchs, 1992).

Notons que la construction de cellules royales par les abeilles a pour effet d'augmenter très sensiblement le tauxd'infestation du couvain (de Jong, 1981 ; Harizanis, 1991). L'hypothèse peut alors être émise que la maturation desjeunes fondatrices leur permettant d'entrer dans le couvain est liée à un certain état des abeilles, accentué par laperturbation imposée par l'orphelinage, ou par l'élevage de reines.

Enfin, il faut préciser que l'attractivité du couvain varie beaucoup selon les colonies, que les abeilles de celles-ciappartiennent ou non à la même sous-espèce ou race. Dans des conditions identiques d'exposition à l'infestation, lecouvain de race ARS-Y-C-1n'est ainsi infesté qu'à 20%,alors que le couvain de raceHastings ou Louisiane estinfesté à près de 40% (deGuzman et al., 1995). Demême, et toujours dans desconditions artificiellesd'infestation, le couvaind'abeilles africanisées sembledeux fois plus attractif que lecouvain d'abeilles européennes(Guzmán et al., 1996). Cecimontre que l'attractivité ducouvain dépend d'autres facteursque l'âge du couvain ou le choixde l'abeille hôte.

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• Facteurs chimiques.

La communication chimique présente uneimportance majeure chez les arthropodes. LeConte et al. (1989) ont fait l'hypothèsed'existence d'une substance émise par le couvainet qui servirait à Varroa de signal dedésembarquement et d'infestation. Afin de vérifiercette idée, un olfactomètre a été mis au point(voir figure 10). Il s'agit d'une arène carrée, aucentre de laquelle est disposé un Varroa, et àchaque angle de laquelle se trouve une entréed'air. A deux angles est diffusé un flux d'air pur,aux deux autres angles est diffusé un flux d'air odorisé. Dix esters ou mélanges d'esters d'acidesgras sont successivement propulsés dans le courant d'air pur, afin de comparer leur attractivitéavec celle d'un flux d'air passé sur un groupe de larves de mâles d'abeilles. Par ce moyen, leMethyl Palmitate (MP), l'Ethyl Palmitate et le Methyl Linolenate montrent une attractivitéimportante pour les Varroa. Une autre étude montre le MP comme phéromone sécrétée par lecouvain afin de provoquer l'operculation du couvain par les abeilles (Le Conte et al., 1990). Lanouvelle hypothèse est alors que les Varroa phorétiques se basent sur le MP, phéromone émisepar la larve, afin de pénétrer dans le couvain au moment adéquat.

Figure 10 (d'après LeConte et al., 1989) :distribution spatiale desVarroa en olfactomètre. Agauche, aucun champ n'estodorisé. A droite : leschamps haut-gauche etbas-droite sont odorisésavec 15 larves de mâlesd'abeilles.

La mesure au cours du temps de l'émission de ces mêmes esters par le couvain d'ouvrières etle couvain de mâles est alors venue confirmer ces données (Trouiller et al., 1990 ; Trouiller et al., 1991). Il est en effetapparu que, si la quantité en esters attractifs pour Varroa en laboratoire et en esters provoquant l'operculation du couvainpar les abeilles étaient normalement relativement basses, elles avaient un pic d'excrétion très marqué dans les heuresprécédant l'operculation.

Des données postérieures ont complété ce tableau. En plaçant une fondatrice Varroa sur une servosphère, c'est à direune sphère posée sur deux moteurs compensant les déplacements de l'acarien, il est possible d'enregistrer avec grandeprécision les réactions de l'acarien à un flux d'air odorisé (Rickli et al., 1992). Il apparaît alors que l'Acide Palmitique(PA) est plus attractif que le MP.

Etant donnée la faible volatilité de ces substances, l'hypothèse a été émise que leur action n'était pas réellementattractive, mais plutôt arrestante, c'est à dire que Varroa chercherait à toujours maintenir le contact avec une surfaceimprégnée de tels produits. Une autre expérience est donc réalisée en déposant une fondatrice Varroa sur unebiomembrane, dont seuls certains secteurs sont enduits d'extraits larvaires (Rickli et al., 1994). Les résultats montrentalors que les acariens, dès qu'ils ont pénétré une zone enduite d'extrait, se meuvent sur cette zone et pivotent sur eux-mêmes de plus de 45° dès que leurs organes sensoriels (situés à l'extrémité de leur première paire de pattes) quittent lazone. Ceci signifie que de tels extraits larvaires ont un effet arrestant plus qu'un effet attractif. Pourtant, les attractantsprécédemment identifiés (MP et PA) ne montrent aucune activité lors de tests sur la biomembrane (Rickli, 1994). Sil'attractivité chimique des larves L5 ne peut plus être mise en doute, il est finalement difficile de conclure quant àl'importance réelle des esters d'acide gras dans cette attractivité.

L'importance du MP a de nouveau été contestée lorsque les effets de ces attractants ont été testés dans une situationplus proche des conditions naturelles (Boot et al., 1994). Une quantité de MP susceptible de provoquer l'infestation ducouvain est déposée sur certaines larves L5, mais n'augmente jamais le taux d'infestation de façon significative. Commele précise l'auteur, le test peut-être biaisé, mais il confirme le doute décrit ci-dessus. Qui plus est, il apparaît que lesdosages élevée de MP au moment de l'operculation décrits plus haut n'ont pu être retrouvé dans d'autres analyses(Aumeier et al., 1993 ; Rickli, 1994 ; Boot et al., 1994).

Un autre biotest en laboratoire se voulant plus proche des conditions naturelles a été développé en parallèle(Rosenkranz, 1993). Les fondatrices Varroa sont déposées au centre d'une arène de plexiglass, à équidistance de quatretrous dans lesquels sont disposés larves ou extraits larvaires. Des larves L5 lavées au pentane perdent toute attractivité etpeuvent donc être utilisées comme leurres. Les attractants décrits ci-dessus, lorsqu'ils sont déposés sur de tels leurres,

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révèlent n'avoir qu'un très faible effet attractif sur les acariens (Aumeier et al., 1996). Au contraire, des hydrocarburessaturés et mono-insaturés semblent étroitement corrélés à l'infestation de ces cellules artificielles.

Bien qu'imparfaitement expliquée, l'attractivité chimique du couvain ne fait aujourd'hui plus aucun doute. Desfacteurs mécaniques et thermiques ont pourtant également une importance non négligeable ; l'attractivité du couvain esten effet vraisemblablement une composante multifactorielle.

• Facteurs mécaniques.

La taille des cellules de couvain est suspectée d'influencer sensiblement l'infestation. Deux études des mêmes auteurs,à douze ans d'intervalle, rapportent que la plus petite taille des larves et des cellules d'abeilles africanisées, par rapportaux abeilles italiennes, réduisent le taux d'infestation (Message et al., 1983, 1995). Des cellules dont les bords sontsurélevés deviennent proéminentes, et présentent de ce fait un taux d'infestation plus élevé que le couvain environnant(de Jong et al., 1988). De même, lorsque l'on comble le fond d'une cellule, les abeilles doivent en rehausser les paroislatérales, ce qui fait augmenter sensiblement leur infestation (de Ruijter et al., 1988).

Cet ensemble d'expériences suggère que des cellules "remarquables", par leur diamètre ou leur proéminence, sont plusaptes à être infestées que les autres. D'autres études précisent que le facteur déterminant n'est pas la taille de la larve,mais la distance entre la larve et le bord de la cellule ; ceci permettrait en fait une émission plus importante de signauxchimiques volatiles (Goetz et al., 1993 ; Boot et al., 1995).

• Facteurs thermiques.

L'importance de la température est également suspectée, depuis que l'on sait que ce facteur influence la répartition desacariens sur les abeilles (Le Conte et al., 1987). En plaçant des Varroa dans un gradient de température, lethermopréférendum des acariens a été déterminé dans une zone comprise entre 26 et 31°C, c'est à dire à des températuresplus basses que celle du couvain (Rosenkranz, 1988). Une étude contradictoire a conclu sur un thermopréférendumcompris entre 33.6 et 36.6°C (Pätzold, 1989).

Ces deux derniers résultats montrent une coïncidence entre le thermopréférendum et la température optimale dereproduction de Varroa, comprise entre 32.5 et 33.4°C ; des températures supérieures inhibent la reproduction del'acarien (Le Conte et al., 1990).

4 Ontogenèse de Varroa jacobsoni.

Une cellule de couvain fournit un environnement a priori optimal pour Varroa, avec sa température et sonhygrométrie régulées, le risque quasi-inexistant d'être confronté à un prédateur ou un compétiteur. Pourtant, la taille et lamue de la nymphe d'abeille réduisent fortement l'espace disponible à Varroa. Les pressions de sélections ont obligé àVarroa d'aboutir à une organisation très précise du temps et de l'espace disponibles ; à l'échelle individuelle, cetteorganisation revêt un aspect crucial pour la fondatrice (voir la schématisation de la synchronisation des cycles abeille-Varroa, figure 12).

• Activité de la fondatrice.

Le comportement de la fondatrice dans la cellule de couvain avant la ponte a été remarquablement bien décrit dans unrécent travail (Donzé et al., 1994). Aussitôt après l'operculation de la cellule par les abeilles, la larve entreprend de senourrir, puis débute le tissage du cocon, ce qui se terminera à 36 hpc (hours post-capping, ou heures aprèsl'operculation). Le premier repas de la larve constitue un signal pour la fondatrice Varroa, qui sort alors de sa phase dequiescence, monte sur la larve et se nourrit pour la première fois. Pendant le tissage du cocon, la fondatrice se déplacevivement sur la larve, afin d'éviter d'être écrasée contre la paroi de la cellule, tout en commençant à se nourrir et àdéféquer çà et là.

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Le cocon tissé, l'abeille entre dans un stade prénymphal immobile, pendant lequel la fondatrice construit uneaccumulation fécale (AF), majoritairement dans la section IV de la cellule, près du fond de la cellule (voir figures 11 et12). Pour ce faire, elle parcourt la paroi de la cellule, au niveau de l'anus de la larve, avant de choisir un emplacementpour déféquer ; pour les défécations suivantes, elle reviendra au même emplacement, sans toutefois parcourir la cellulecomme la première fois. Dans plus de 80% des cas, une seule AF, de couleur blanche et d'environ 2 à 3 mm de diamètre,est ainsi construite, entre 36 et 48 hpc. L'un des avantages probables à construire l'AF dans la partie postérieure de lacellule est sans doute d'en limiter les émissions odorantes à l'extérieur de la cellule, émissions susceptibles de signaler laprésence de Varroa dans la cellule, ce qui entraînerait les abeilles à ouvrir et vider la cellule. Dans la poursuite dudéveloppement de la descendance Varroa, cette AF revêtira une grande importance, tant pour la fondatrice que pour sesdescendants.

La fin du stade prénymphal est marquée par la mue nymphale, d'une durée de 30 minutes, pendant laquelle l'abeille semeut beaucoup, et dépose sa mue au fond de la cellule. Les mouvements de l'abeille tendent à éloigner la fondatrice del'AF, mais celle-ci parvient toujours à y revenir. Lorsque les pattes de l'abeille sont formées, les tarses de sa troisièmepaire de pattes sont unis, empêchant ainsi la fondatrice de se déplacer librement entre l'AF et la faceventrale du cinquième segment abdominal, qui est le lieu d'installation préférentielle du sited'alimentation (figure 10, astérisque). La fondatrice s'attache alors à déplacer l'une des deux pattesde l'abeille afin d'ouvrir le passage ; ce comportement peut durer jusqu'à 6 heures, et est couronné

Figure 11 (d'après Donzéet al., 1994) :structuration de la cellulepar la fondatrice Varroa.de succès dans environ 60% des cellules.

Notons que seule la grande taille deVarroa lui permet cette opération.

Dépôt du premier etsecond œufs.

Site del'accumulation

fécale.

Vue latérale de laprénymphe. Enrayé : zone de

contact avec la paroi.En grisé :

excréments del'abeille.

Vue latérale de lajeune nymphe.

Astérisque : site denourrissement.

bIII : basitarse III,en position naturelle,

que les Varroadéplaceront par la

suite.

Suite à cette opération, la fondatricese tient la majeure partie du temps sur laparoi de la cellule, près de l'AF,entreprend de fréquents déplacements surla larve pour se nourrir, puis retourneaussitôt vers l'AF. Cette séquenced'alimentation se produit toutes les heureset dure 2 minutes pendant laprénymphose, puis se produit toutes lesdemi-heures et dure 8 minutes pendant lanymphose. Le site d'alimentation estfixe, mais son emplacement dépend dusuccès éventuel du déplacement de latroisième patte de la nymphe. Si cetteopération a réussi, alors le sited'alimentation devient la face ventrale ducinquième segment abdominal ; si elle aéchoué, le site choisi est une face latéralede l'un des segments abdominaux 6 à 8.Cette dernière option comporte toutefoisle risque qu'une hémorragie de l'abeille,due au percement de sa cuticule par lafondatrice, entraîne la noyade de ladescendance Varroa.

• Oviposition de la fondatrice.

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Tandis qu'une femelle Varroa phorétique ne porte que des oocytes en cours de développement prévitellogénique,l'embryogenèse débute à environ 30 hpc (Steiner, 1992). L'ovaire de la fondatrice est le lieu de maturation des oocytes,et est entouré d'un tissu nutritif (Alberti et al., 1986). Les oocytes évoluent en un œuf de forme ovale, dont la taillevarie de 480 à 700 µm (Akimov et al., 1985).

Ce travail situe la première oviposition au milieu de la prénymphose, c'est à dire à 70 hpc. La fondatrice, après 5minutes de parcours sur la paroi de la cellule, s'approche du site d'oviposition, puis reste immobile pendant une minute,tout en tâtant la paroi de la cellule avec sa première paire de pattes (Donzé et al., 1994). Lorsque son premier œufémerge par l'orifice génital situé près de la plaque génitoventrale (Delfinado-Baker, 1984), la fondatrice le maintientcontre la paroi de la cellule durant une dizaine de minutes, à l'aide de ses deux premières paires de pattes. Ceci permettraà la protonymphe d'avoir les pattes orientées vers le substrat et de marcher immédiatement à l'éclosion de l'œuf. Cette

ponte a toujours lieu dans la zone II de la cellule, ce qui évite à l'œuf d'être entraîné avecl'exuvie, à la fin de la prénymphose.Figure 12 :

synchronisation du cyclede développement deVarroa (extérieur ducercle) avec le cycle dedéveloppement del'abeille (intérieur ducercle). Les chiffresindiquent le nombre dejours écoulés depuisl'operculation (Etablid'après Martin, 1994 etDonzé, 1994).

Outre ce premier œuf, la fondatrice pourra pondre 5, voire exceptionnellement 6 œufs(Ifantidis, 1983). Des études postérieures ont montré que le nombre d'œufs était normalementde cinq dans une cellule d'ouvrière (Martin, 1994) et six dans une cellule de mâle (Martin,1995). Une fondatrice adapte la taille de sa ponte : 1) à six œufs si elle est prélevée dans unecellule d'ouvrière immédiatement après l'operculation, pour être transférée dans une cellule demâle ; 2) à cinq œufs dans la manipulation inverse. Ceci laisse à penser qu'elle est réellementcapable de moduler la taille de sa ponte (Martin et al., sous presse). On peut donc penser que

Phasereproductive

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

-1

ω6

ω5

ω4

ω3

ω2

ω1

1

2

3

5

Prénymphe

Nymphe

Couvainoperculé

Infestationdu couvain

Emergence

Accouplement

Abeilleadulte

Ponte

Oeuf

Protonymphe

Deutonymphe

Adulte

Détailontogenèse

Tissagecocon ω2

Immature

Operculationcellule

0

Non fécondée

12

Emergenceimago

4

-5

-8

L2

Oeuf

L1

L3

L4

6

2

2

2

Phasephorétique

Accumulationfécale

'Leg push'

L5

Stadeslarvaires

Sortie des acariens

Alimentation

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la fondatrice Varroa se base sur un signal émis par le couvain à un certain stade de développement pour stopper sa ponte,ce qui révélerait une certaine plasticité phénotypique (Martin, communication personnelle).

Contrairement au premier œuf, les œufs suivants seront déposés non plus vers l'opercule de la cellule, mais plutôt àproximité de l'AF, dans la zone IV (Ifantidis, 1984 ; Donzé et al., 1994). Varroa est parthénogénétique* arrhénotoque*(voir § 3.β ; de Ruijter et al., 1983 ; Akimov et al., 1986), mais la séquence des sexes dans la descendance a longtempsfait l'objet de doutes. La première étude sur ce sujet postulait que le premier œuf était diploïde, le second haploïde, puisles suivants de nouveau diploïdes (Ifantidis, 1983). Des études cytologiques par comptage du nombre de chromosomes(Akimov et al., 1986 ; Rehm et al., 1989) ont montré en fait que le premier œuf était haploïde (n=7) et les suivantsdiploïdes (2n=14). Ce résultat fut confirmé en détruisant le premier œuf avant qu'il ne se développe (Ifantidis, 1990) ; ilfait donc partie du schéma classique de succession des sexes dans les cas d'haplodiploïdie.

Plusieurs calendriers de ponte ont été proposés. Pour Ifantidis (1983), le premier œuf est pondu à 60 hpc, puis estsuivi d'un nouvel œuf toutes les 30 heures. Des études ultérieures ont confirmé l'écart moyen de 30 heures entre chaqueponte, mais certaines situent la première oviposition à 60 hpc (Laurent et al., 1987 ; Nannelli et al., 1991 ; Martin,1994), tandis qu'une autre la situe à 70 hpc (Donzé, 1994).

La ponte des fondatrices peut être favorisée par les conditions environnementales. Ainsi, plus de fondatrices débutentl'oviposition dans des cellules de petite taille, ou dans des cellules précédemment occupées par du couvain de mâle(Milani et al., 1990). Il a été montré que la ponte des fondatrices était stimulée par le dépôt d'1 µg de JH III (HormoneJuvénile III) sur les nymphes infestées (Hänel, 1983). En guise de confirmation, le taux de JHIII de 3 sous-espècesd'abeilles est apparu inversement corrélé au nombre d'ovipositions des fondatrices (Hänel et al., 1986). Cette voie derecherche a néanmoins été close par une étude à grande échelle, qui montrait l'indépendance entre ces deux facteurs(Rosenkranz, 1989 ; Rosenkranz et al., 1990).

• Développement de la descendance.

Quelques heures après l'oviposition, une larve d'acarien devient apparente à l'intérieur de l'œuf, il s'agit d'undéveloppement ovolarvipare (Delfinado-Baker, 1984 ; Nannelli, 1986). Une telle larve a d'abord été décrite comme étanthexapode, stade de développement commun à tous les acariens (Mautz et al., 1986), mais une étude récente a montrél'inexistence de ce stade (Steiner, 1995), L'abandon du stade hexapode a probablement permis l'accélération del'ontogenèse de Varroa, en réponse au temps d'operculation réduit, ce qui représente un phénomène courammentrencontré chez les acariens (voir § 3.γ ; Athias-Binche, 1987).

A l'intérieur de l'exuvie larvaire se différencie une protonymphe, caractérisée par la présence de 3 paires de soiesintercoxales. Il n'est pas possible de distinguer le sexe de la protonymphe sans recourir à une étude cytogénétique. Ladeutonymphe, mâle ou femelle, se distingue par les 5 ou 6 paires de soies de la région intercoxale. La deutonymphefemelle a le corps typiquement ellipsoïdal et aplati de l'adulte, mais reste de couleur blanche. La jeune femelle adulteenfin, a un corps marron clair, tandis que la femelle âgée de plus de 24 heures a le corps marron foncé (Ifantidis, 1984).Ces deux derniers stades se distinguent aussi par le fait que la plaque sternale est faiblement sclérotisée à l'entour despattes de la jeune femelle, alors qu'elle est fortement sclérotisée chez la femelle âgée (Mayagoitia, communicationpersonnelle). La deutonymphe et l'adulte mâle ressemblent à la protonymphe femelle, mais s'en distingue par un corpsplus anguleux, moins gros, et de couleur légèrement verte.

Selon des études récentes (Martin, 1994, 1995), le développement d'un œuf diploïde, c'est à dire destiné à sedévelopper en une femelle, dure de 130 à 134 heures (voir figure 13). Celui d'un œuf haploïde, c'est à dire destiné à sedévelopper en un mâle, a une durée supérieure d'environ 15%, soit environ 154 heures. Tenant compte des 30 heuresséparant les deux premières ovipositions, la première femelle n'est donc mature que 6 heures après le mâle. Cesobservations signifient qu'une fondatrice peut engendrer 2 filles adultes si l'operculation dure 280 heures, 3 filles adultessi l'operculation dure 288 heures, toutes durées régulièrement rencontrées pour le couvain d'ouvrières en conditionsnaturelles. Ce potentiel élevé est nettement affecté par une mortalité juvénile importante, notamment au niveau desdeutonymphes ; le second descendant (première femelle) a une probabilité de survie de 94% le troisième descendant de38%, et le quatrième descendants de 13%. En moyenne, seules 1.45 femelles atteindront l'âge adulte.

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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Quant au couvain de mâle, la durée d'operculation est plus longue d'environ 48 heures ; outre le plus grand nombred'œufs déposés par la fondatrice dans le couvain de mâles, la probabilité sera plus importante pour ces œufs d'atteindrel'âge adulte. Une fondatrice peut engendrer potentiellement jusqu'à 5 filles adultes (Martin, 1995). En fait, si l'on tientcompte de la mortalité juvénile, seules 2.2 filles atteindront l'âge adulte.

Les conditions physiques régnant sur l'ontogenèse en influencent fortement le déroulement. La durée du stade œuf,par exemple, est augmentée de 24.5 à 54.1 heures si l'incubation est réalisée à une température de 30°C, au lieud'environ 32°C en conditions naturelles (Piletskaya, 1988). Afin d'évaluer l'importance des paramètres physiques ou del'alimentation, des travaux d'élevage en conditions complètement artificielles ont été réalisés. Une manipulation trivialede chercheurs américains a ainsi montré que la survie de Varroa sur un substrat alimentaire neutre (vêtement, métal, etc.)était plus courte que sur une abeille morte (!) (de Guzman et al., 1993). Par ailleurs, un sac formé d'une membrane deparafilm d'épaisseur 10 µm étant rempli d'une alimentation artificielle à base d'ARN, de cholestérol et d'hydrolysats delevure et de caséine, les femelles Varroa ont pu facilement percer la membrane, se nourrir, puis assurer l'oviposition(Bruce et al., 1988 ; Bruce et al., 1988). Dans ces conditions cependant, le développement de la descendance nedépassait pas le stade protonymphal.

• Accouplement de la descendance.

De très récentes observations ont détaillé le comportement d'accouplement entre le mâle et les femelles dès leurmaturité (Donzé et al., 1996). L'accouplement a presque toujours lieu auprès de l'AF, qui montre alors son importanceen tant que lieu de rendez-vous. Vers 230 hpc, le mâle s'accouple avec la première femelle, qui vient d'achever sa mueimaginale, atteignant ainsi la maturité. L'accouplement peut être répété jusqu'à 9 fois. Vers 270 hpc, alors que laseconde fille atteint la maturité, le mâle délaisse aussitôt la première femelle pour s'accoupler avec la seconde, 4 fois

successives. Si une troisième femelle atteint la maturité, le même scénario est répété. Après lepremier accouplement, la spermathèque ne contient aucun spermatozoïde, alors qu'après 2accouplements, elles en contient jusqu'à 26.

Figure 13 (d'après Martin,1994) : chronologie dudéveloppement de ladescendance Varroa.Les oeufs donnentsuccessivement lieu auxstases : larve,protonymphe,deutonymphe, adulte.

La mortalité juvénile atteint aussi les mâles Varroa, ce qui rend impossible la fécondationde ses sœurs. La descendance femelle restera alors infécondée dans une proportion des cellulesvariant de 10% à 46% (Camazine, 1986 ; Otten et al., 1988 ; Martin, 1995 ; Donzé, 1996).

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• Emergence de l'abeille et de la descendance Varroa.

Sitôt après l'accouplement, les filles Varroa sont souvent retrouvées entre les tergites de l'abeille (Martin, 1995).Ceci semble être une préparation à la mue imaginale imminente de l'hôte. Au moment où émerge l'abeille, pourtant,une grande partie de la descendance Varroa demeure dans la cellule. Les filles adultes fécondées, dès leur sortie de lacellule, cherchent à monter sur une abeille, et deviennent ainsi phorétiques. Les filles immatures, ne possédant pasl'appareil buccal nécessaire à percer les téguments des abeilles, survivront très peu de temps à l'émergence de l'abeille(Ifantidis, 1983). De même, le mâle conserve son allure juvénile ; ses pièces buccales régressées le rendent inapte à laphorésie, le condamnant à mourir peu de temps après l'émergence de l'abeille.

En conséquence, les filles adultes non fécondées avant l'émergence ne pourront pas non plus l'être après. Ellespourront également devenir phorétiques et entrer dans une cellule mais, faute d'avoir été fécondées, ne pourront paspondre d'œufs ou ne pondront que des œufs non viables. Chez d'autres acariens, les femelles infécondées peuventengendrer un fils, alors capable de les féconder, mais ce type de comportement semble interdit chez Varroa par larégression d'une partie du système génital chez les femelles adultes, dès le début de la phorésie (Martin, communicationpersonnelle).

4 Agrégation des fondatrices.

L'intensité parasitaire* est le nombre deparasites par hôte parasité. Une distributionaléatoire des parasites parmi un certain nombred'hôtes résulterait, non en une distributionhomogène (intensité égale pour tous les hôtes),mais en une distribution au sein de laquelle laprésence d'un individu donné n'influence pas ladistribution des autres individus ; une telledistribution aléatoire résulte en une distributionprécise des intensités parasitaires et est dite "dePoisson" (Southwood, 1978). Si la fréquence encellules de forte intensité est supérieure auxprédictions de la distribution de Poisson, ladistribution est dire agrégée.

Tableau 1 : Valeurs données par 5 auteursdu nombre de filles fertiles par fondatrice, en fonction du nombre de

fondatrices par cellules d'ouvrières (intensité individuelle).

Source 1 2 3 4

Moosbeckhofer, 1988 1.50 1.40 1.20 0.96Blum, 1989 1.50 1.58 1.13 0.83

Fuchs et al., 1989 1.40 1.09 1.16 0.91Martin, 1995 1.20 1.00 0.96 0.65

Donzé et al., 1996 1.07 1.16 1.46 0.84

Concernant Varroa, plusieurs études ontmontré une distribution agrégée des fondatrices dans les cellules de couvain (Fuchs, 1988 ; Moosbeckhofer et al.,1988 ; Le Conte et al., 1990). La question s'est dès lors posée de savoir si une telle agrégation correspondait à un hasardlié à une attractivité inégale des cellules idéales, phénomène relativement courant dans le monde vivant, ou à unenécessité biologique, comme la lutte contre la dépression de consanguinité à moyen terme (voir § 3.β). Cette questionn'est pas résolue à ce jour. Dès le début, il fut montré par des calculs purement théoriques, qu'une distribution agrégéepouvait en fait résulter d'un biais d'échantillonnage (Fuchs, 1988). Il est en effet connu que la ponte de la reine dans laruche n'est pas régulière dans le temps, mais subit des variations à l'échelle de quelques heures (de Grandi-Hoffman et al.,1993) ; dès lors, le nombre de cellules idéales offertes aux Varroa phorétiques, donc le taux d'infestation du couvain,varient sensiblement au cours du temps. Si l'échantillon étudié rassemble des sous-échantillons de couvain de différentsâges, c'est en fait le mélange de plusieurs distributions aléatoires qui fait conclure à une distribution agrégée. Sept ansplus tard, cette hypothèse théorique fut effectivement validée par des mesures biologiques (Martin, 1995).

Cherchant à quantifier l'effet de l'aggrégation, plusieurs auteurs ont déterminé le succès reproducteur* , c'est à dire lenombre de filles fertiles par fondatrice, en fonction du nombre de fondatrices par cellules (ou intensité individuelle) (voirtableau 1). Pour quatre des cinq auteurs, le nombre de filles fertiles reste stable ou chute dès lors que plus d'unefondatrice est présente dans la cellule ; ceci indiquerait que les fondatrices n'ont pas intérêt à s'agréger. Pour le cinquièmeauteur, au contraire, le nombre de filles fertiles augmente nettement avec l'intensité individuelle (Donzé et al., 1996).

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Pour cet auteur, une telle augmentation doit être attribuée au fait que dans une cellule pluriinfestée, plusieurs mâles sontengendrés, ce qui augmente la probabilité que l'un d'eux arrive à maturité et féconde les jeunes femelles.

4 Stade phorétique et dissémination.

Après émergence d'une jeune abeille avec les acariens qui se sont reproduits et développés à ses dépens, seules lesfondatrices et les filles adultes peuvent survivre (voir § 4.γ). Avant de débuter un nouveau cycle de reproduction, ellesresteront toutes phorétiques, durant quelques jours, ce qui porte deux conséquences : la dissémination de l'espèce et lamaturation des futures fondatrices.

Il a été montré que les Varroa phorétiques se distribuent de façon inégale sur l'abdomen des abeilles, avec unepréférence marquée pour la partie postérieure et le côté gauche (Fernández et al., 1993). D'autre part, le spectre deshydrocarbures de la cuticule de Varroa est qualitativement identique à celui de la cuticule de l'abeille, ce qui laissesupposer, soit que les hydrocarbures de l'abeille passent sur l'acarien, soit que l'acarien mimétise l'odeur de l'abeille(Nation et al., 1992). Deux faits montrent, l'un que les abeilles sont électriquement chargées,et l'autre, que les Varroa sont sensibles à la charge électrique en laboratoire ; ceci suggère uneimportance de la charge électrique dans les relations entre les deux protagonistes (Colin et al.,1990, 1992).

Figure 14 (d'après Boot,1992) : durée de la périodephorétique entre deuxcycles reproducteurs.

Les femelles Varroa montrentune préférence nette pour lesabeilles nourrices, c'est à dire lesabeilles les plus susceptibles des'approcher du couvain, offrant ainsiplus d'opportunités aux acariensd'entrer dans le dit couvain :environ deux tiers des Varroa sontphorétiques d'abeilles nourrices,alors que seulement un tiers desVarroa sont phorétiques d'abeillesbutineuses (Kraus, 1986). Uneexpérience plus récente enlaboratoire a confirmé cettepréférence (Kraus, 1994) : 80% desfemelles Varroa placées dans une

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Estimations

Observations

situation de choix entre des abeilles nourrices et butineuses dans un olfactomètre à deux branches (en Y) choisissent des'orienter vers les abeilles nourrices. Seules 20% choisissent les abeilles butineuses. Cette répartition indique uneadaptation fine par le biais d'une reconnaissance chimique de l'hôte.

Les 20% de Varroa phorétiques d'abeilles butineuses constituent le facteur essentiel de la dissémination de l'espèce,mettant à leur profit le phénomène de dérive des butineuses (Sakofski, 1989). Malgré un système sophistiquéd'orientation spatiale basé sur la position apparente du soleil, la lumière polarisée et les repères au sol, il est très courantque des abeilles butineuses pénètrent dans une ruche autre que la leur, au retour du butinage (Gould et al., 1989). Lafraction de ces abeilles portant des Varroa permet l'infestation de nouvelles colonies. Divers auteurs ont évaluél'importance de cette dissémination en soumettant des ruches saines à un traitement chimique anti-Varroa permanent eten comptant la mortalité des acariens jour près jour. En Allemagne, l'invasion des ruches varie de deux Varroa parsemaine au printemps, jusqu'à plus de trente en été (Sakofski et al., 1990). En Italie, cette invasion s'est révéléenettement plus élevée, en variant de cinq Varroa par jour au printemps, jusqu'à 70 en été (Greatti et al., 1992). Lorsqu'onsait que dix Varroa suffisent à constituer une population de 1000 individus en trois ans (Fries et al., 1994), l'invasiondes ruches par dérive de butineuses apparaît comme un élément important de la dynamique des populations de Varroa.

Outre la dissémination, la phorésie constitue une phase d'attente en attendant l'infestation du couvain pour unnouveau cycle reproducteur. La durée de la phorésie reste relativement mal connue, en partie du fait qu'aucun système demarquage fiable et durable de Varroa n'a pu être mise au point. Au cours de l'expérience majeure menée dans ce sens, uncadre de couvain fortement infesté par Varroa a été placé 24 heures dans une colonie non infestée (Boot et al., 1992).

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Une dizaine de jours plus tard, les abeilles émergentes étaient examinées, afin de compter les fondatrices Varroa qu'ellesportaient, et de déduire ainsi le temps qui s'était initialement écoulé entre l'émergence et leur entrée dans le couvain (voirfigure 14). Il est alors apparu que certaines fondatrices étaient entrées dans le couvain sitôt après leur émergence, ce quimontre que la phorésie n'est pas une nécessité absolue pour déclencher l'invasion. Il est aussi apparu que la majeurepartie des fondatrices étaient entrées dans le couvain dans les 8 jours suivants. Une bimodalité dans la distribution desdurées de phorésie apparaît, mais reste à confirmer. Si elle se confirme, elle peut signifier que les fondatrices âgées sontaptes à entrer dans une cellule de couvain, rejoignant ainsi des résultats antérieurs (de Ruijter, 1987), tandis que lesjeunes adultes doivent passer par une période de maturation phorétique. Deux autres études précises donnent des valeursde 10.7 jours pour les jeunes fondatrices, contre 4.5 jours pour les fondatrices âgées (Woyke, 1989 ; Calis et al., 1991).Une étude récente a montré une durée légèrement plus longue, soit 5.6 jours (Fries et al., 1996).

4 Infertilité des fondatrices.

Nous avons vu plus haut que la fonction première de la phorésie était la dissémination des fondatrices Varroa dansd'autres colonies d'abeilles. Pourtant, seules 20% d'entre elles demeurent sur des abeilles butineuses. Pour les autres, laphase phorétique semble être plus qu'une simple "file d'attente" après un cycle de reproduction, et avant d'entrer dans unenouvelle cellule afin de débuter un nouveau cycle. Il pourrait s'agir en fait d'une période de maturation du systèmereproducteur des futures fondatrices de Varroa (de Ruijter, 1987). Des perturbations de cette maturation permettraientpeut-être d'expliquer l'un des facteurs avérés de tolérance de certaines sous-espèces d'abeilles à Varroa, c'est à dire un tauxde fertilité* relativement bas (absence de reproduction d'une partie ou de toutes les fondatrices (voir § 6.δ).

Dans l'intention de déterminer si cette absence de reproduction était plutôt liée à l'état des fondatrices à leur entréedans la cellule, ou à l'état des cellules elles-mêmes, le taux de cellules où les fondatrices ne se reproduisaient pas a étémesuré, en fonction du nombre de fondatrices qu'elles contenaient (Fuchs, 1994). Soit I1 la proportion de cellulescontenant une seule fondatrice, ne se reproduisant pas. Si la non-reproduction est liée à l'état des fondatrices à leur entréedans la cellule, l'on peut s'attendre à trouver une proportion I2 = I1

2 de cellules infestées par deux fondatrices ne sereproduisant pas ; une proportion I3 = I1

3 de cellules infestées par trois fondatrices ne se reproduisant pas ; etc. Si lanon-reproduction est liée à l'état des cellules, l'on peut s'attendre à trouver des proportions égales I3 = I2 = I1. Lesmesures montrent que I2 = I1

1.54 et que I3 = I11.99. L'on se trouve donc une situation intermédiaire où la non-reproductivité

est liée plus étroitement à l'état des fondatrices à leur entrée dans la cellule qu'à l'état même des cellules.

Plusieurs hypothèses (que nous nommerons H1, H2, H3 et H4) ont été avancées pour expliquer l'absence dereproduction des fondatrices. La première d'entre elles (H1) se base sur une corrélation apparemment nette entre le tauxd'hormone juvénile (JHIII) et la proportion de fondatrices fertiles, sur des comparaisons d'espèces d'abeilles (Hänel, 1983)ou au cours du temps (Hänel et al., 1986). Une analyse plus approfondie a montré que les taux de JHIII étaient en fait lesmêmes chez des sous-espèces d'abeilles tolérantes ou non à Varroa jacobsoni (Rosenkranz et al., 1989 ; Rosenkranz etal., 1986).

Une seconde hypothèse (H2) stipule que, durant la phorésie, un signal du couvain serait perçu par les Varroa, ce quidéclencherait la maturation du système reproducteur et permettrait le déclenchement de l'oogénèse d'une future fondatriceVarroa (Laurent et al., 1987 ; Boot et al., 1995). En travaillant sur l'infestation artificielle des cellules, il est apparu quedes fondatrices introduites ne se reproduisaient que si elles présentaient un idiosome distendu au moment del'introduction (Beetsma et al., 1992). Ces observations ont été affinées en étudiant des fondatrices dont la durée dephorésie avait été prolongée jusqu'à 10 semaines dans des colonies sans couvain, mais avec une reine encagée (Stürmeret al., 1994). Lorsque ces fondatrices étaient introduites directement dans des cellules de couvain, seules 45% d'entre ellesse reproduisaient (82% chez les témoins). Si elles étaient placées 5 jours dans une ruche pourvue de couvain avant d'êtreartificiellement introduites, 70% d'entre elles se reproduisaient. Rosenkranz suggère l'existence d'un mécanisme on-offcontrôlant la maturation de la future fondatrice, donc son oviposition ; ce mécanisme serait régulé par des signaux ducouvain perçus par la fondatrice durant la période phorétique.

Une autre hypothèse (H3) a été avancée pour expliquer le même phénomène (Martin, 1995 ; Martin, 1996). Dansenviron 20% des cellules d'ouvrières observées par l'auteur, le mâle Varroa meurt avant d'avoir pu féconder ladescendance femelle. Cette descendance peut néanmoins survivre et infester le couvain, mais ne pourra pas débuterd'oviposition. Il n'a pourtant jamais été enregistré de mortalité supérieure des mâles chez les espèces d'abeilles tolérantes,

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en comparaison avec les espèces non tolérantes (Stürmer et al., 1994), ce qui semble discréditer quelque peu cettehypothèse.

Steiner (1994), quant à elle, a émis une nouvelle hypothèse (H4) en montrant que le seul facteur déterminant ledéveloppement du premier oocyte était le fait que la fondatrice s'alimente sur une larve L5 âgée. Si une fondatrice estintroduite dans une cellule de couvain plus de 24 heures après l'operculation, en effet, et quelle que soit son histoireantérieure, aucun développement d'oocyte n'aura lieu.

4 Nombre de cycles reproducteurs et mortalité des fondatrices.

Le nombre de cycles de reproduction parcourus par une femelle Varroa, malgré son importance en dynamique despopulations, fait encore l'objet de discussions. En transférant artificiellement une fondatrice dans une nouvelle cellule,dès son émergence de la cellule précédente, il a pu être montré qu'une fondatrice pouvait parcourir jusqu'à sept cycles,engendrant ainsi 35 descendants potentiels (de Ruijter, 1987). Le nombre de cycles parcouru en conditions naturelles estcependant plus faible (Schulz, 1984). Il a en effet été trouvé en petites colonies que seules 4.1% des fondatricesparcouraient 3 cycles (Wendel et al., 1990). Dans des colonies de taille normale, 30% des fondatrices réalisaient unpremier cycle reproducteur, 21% un second cycle et 14% un troisième cycle ; ces valeurs sont toutefois probablementsous-estimées, puisqu'une grande partie des fondatrices n'a pas été retrouvée. Elles prouvent toutefois que les valeursmesurées par les auteurs précédents relevaient de sous-estimations (Fries et al., 1993 ; 1996).

Les péripéties d'une vie de Varroa sont, on le voit, nombreuses et variées ; pourtant, comme toute vie ici bas, cellede Varroa finit par se terminer. Diverses études ont rapporté les valeurs de la mortalité de Varroa aux différents stades desa vie, ce qui nous permet de déterminer ici une courbe de survie (voir figure 15). Dans le couvain, la mortalité est de6‰ de la population totale par jour (Fries et al., 1994). Sur la base d'une observation rapportant la mort de 50% desabeilles d'une colonie durant l'hiver, en climat tempéré (Avitabile, 1978), et d'une autre observation rapportant unedistribution uniforme des Varroa dans la populationd'abeilles d'hiver (Ritter et al., 1989), la mortalité dela population de Varroa en hiver est estimée à 50%(Fries et al., 1994). En été, la majeure partie de lamortalité est liée à celle des abeilles mortes en dehorsde la ruche. Sachant qu'environ 10% de la populationde Varroa se trouve sur les abeilles butineuses, lamortalité journalière d'été est estimée à 0.5% de lapopulation de Varroa phorétiques.

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Ontogenèse

PhorésieReproduction

5. Varroa jacobsoni, la population.Figure 15 (déterminéed'après les valeurs deFries, 1994) : courbe desurvie d'une cohorte deVarroa. En ordonnée :pourcentage desurvivants. En abscisse :âge de la cohorte (enjours).

L'unité biologique supérieure à celle de l'individu est la population. Dans un premier temps,nous nous attachons ici à définir ce que sont une population de Varroa, et comment elle sesubdivise en infrapopulations. Ensuite, nous décrivons un problème d'ordre technique :l'estimation des populations. L'ajout d'une troisième dimension, temporelle, permettral'examen de la dynamique d'une population de Varroa dans des conditions "normales". Toutesbases seront alors enfin posées pour étudier de façon complète les caractéristiques de la phénologie et du comportementdes abeilles hôtes, et leurs implications considérables dans la dynamique des populations de Varroa.

5 Populations et infrapopulations de Varroa.

Plusieurs définitions de la population existent. Barbault (1992) définit la population comme étant un ensembled'individus d'une même espèce et occupant un même écosystème. Legay & Debouzie (1985) introduisent le concept destructure sociale ; pour eux, la population est un ensemble d'individus de la même espèce pouvant vivre en commun à

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un moment de leur cycle de développement et interagir alors sur les mécanismes de leur reproduction. Pour Combes(1995), enfin, la population est un ensemble d'individus d'une même espèce et qui ont des probabilités sensiblementéquivalentes de se reproduire entre eux (panmixie).

Pour qualifier les divisions des populations de Varroa, nous nous référons ici aux termes de parasitologie (Combes,1995). La population est alors l'ensemble des parasites habitants les hôtes de diverses espèces, mais d'une mêmebiocœnose. L'infrapopulation est l'ensemble des parasites habitant un individu hôte. La xénopopulation est l'ensembledes parasites habitant une espèce hôte d'une même biocœnose. La métapopulation est l'ensemble des populations deparasites "interconnectées", c'est à dire pour lesquelles existent des flux géniques faibles mais non nuls.

Pour appliquer ces termes à Varroa, il faut bien prendre en compte que l'hôte n'est pas un organisme mais unepopulation d'individus, dite superorganisme (voir §.1.γ ). Si l'on considère une colonie d'abeilles comme un uniqueindividu hôte, l'ensemble des Varroa qu'elle renferme est donc une infrapopulation. En climat tempéré, une telleinfrapopulation comprend couramment 500 à 5 000 Varroa.

L'infrapopulation ainsi définie, la définition d'une population de Varroa est un sujet critique. Trois niveaux de fluxpeuvent fournir une base à la définition de la population. 1) Entre des colonies aussi rapprochées que celles d'un rucher(regroupement de l'ordre de 5 à 50 ruches), le flux hebdomadaire peut atteindre jusqu'à 300 Varroa (voir § 4.ζ) L'onpourrait donc appeler population l'ensemble des Varroa hébergés par les diverses colonies d'un même rucher. 2) Entre descolonies éloignées d'un kilomètre, le flux hebdomadaire peut encore atteindre plusieurs dizaines d'individus. L'on pourraitalors appeler population l'ensemble des Varroa hébergés par les diverses colonies d'une région (plusieurs milliers decolonies) 3) Il est aujourd'hui difficile de considérer une population naturelle d'abeilles, dans la mesure où lesimportations et exportations de colonies d'abeilles sont chose courante dans le monde apicole. Avec ces colonies, denombreux parasites sont ainsi importés et exportés, dont Varroa. Ces échanges commerciaux assurent une relativehomogénéité au sein de l'espèce sur les divers continents. Il ne semblerait donc pas abusif d'appeler populationl'ensemble des individus de l'espèce Varroa jacobsoni, à l'échelle d'un continent. Le très faible polymorphisme génétiqueau sein de l'espèce (voir § 7) donne une certaine crédibilité à cette appellation.

Dans la suite du travail présenté ici, il sera toujours fait référence à l'ensemble des Varroa occupant une colonied'abeilles ; par contre, il ne sera jamais référé à l'ensemble des Varroa d'un rucher ou d'une région. Par souci desimplification, nous dénommerons donc "population" l'ensemble des Varroa occupant une colonie d'abeilles.

5 Dynamique des populations de Varroa.

Voyons donc dans un premier temps les différentes voies qui ont pu être proposées pour estimer la taille de lapopulation de Varroa peuplant une ruche, étape préalable à la description de la dynamique normale d'une population deVarroa, puis des effets d'autres climats sur cette dynamique.

• Estimation des populations.

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Plusieurs méthodes ont été proposées, dont les moins laborieuses sont basées sur une estimation d'après la mortaliténaturelle quotidienne ou hebdomadaire des Varroa. Les voix ont été nombreuses pour affirmer qu'il n'existait pas decorrélation simple entre la mortalité naturelle et la population totale (Rademacher, 1985 ; Accorti et al., 1986 ; Milani,1990 ; Büchler, 1994). Une équation de régression linéaire a pourtant été proposée , pour décrire la population totale (y)à partir de la mortalité naturelle durant 65 jours (x) : y = 5.8 x + 7.9 (r2 = 0.96) (Calatayud et al. , 1992 ; 1993).

En recourant à la modélisation, Omholt et al. (1991) ont montré que la mortalité d'automne et d'hiver pouvait fournirun bon élément pour l'estimation de la population, si seulement elle était considérée sur une longue période de temps, etsurtout ne tenait pas compte des femelles Varroa mortes dont le corps était clair (jeunes adultes non viables), pour nes'intéresser qu'à celles dont le corps était sombre (adultes âgées, qui se sont probablement reproduit). Ces mêmes auteursont leurs observations, pour proposer un modèle de régression logarithmique, et un modèle de régression exponentielle(Calatayud et al., 1995). Sur la base d'un comptage des Varroa phorétiques des abeilles adultes (de Jong et al. 1982), desméthodes alternatives ont par ailleurs été proposées, dont la mesure du taux d'infestation des abeilles adultes dans descolonies dépourvues de couvain (Accorti et al., 1986), ou la mesure du taux d'infestation desabeilles à l'émergence (Webster et al., 1992). Quant au printemps et à l'été, il s'avère que laseule estimation valable de la population est une estimation exhaustive, basée sur unéchantillonnage du couvain ET des abeilles adultes (Fries et al., 1991).

Figure 16 (d'après Fries etal. , 1994) : structure àtrois compartiments dumodèle de dynamique despopulations de Varroa.

• Dynamique des populations.

Entrée dans le couvain : 1. Nombre de cellules de couvain disponibles.2. Fraction vers le couvain de mâle/ouvrières.3. Durée de phorésie.

Taux de reproduction : 4. Durée d'operculation.5. Descendance femelle adulte par fondatrice.

6. Fertilité des fondatrices.7. Durée d'operculation.8. reproduction densité dépendante.9. Nettoyage du couvain infesté.

Taux de mortalité : 10. Fraction de non-reproductrices.11. Mortalité estivale phorétiques.12. Mortalité hivernale des phorétiques.

Entre 1978 et 1993, près de 4 000articles relatifs à Varroa ont été publiésde par le monde (Milani, 1993). Si l'onconsidère que seulement un quart d'entreeux portaient des informationsscientifiques originales, et que parmiceux-là, seulement la moitié avaienttrait à la biologie de cet acarien, ce sontencore plus de 500 publications qu'ilfaut consulter pour synthétiser lesconnaissances relatives à Varroa. Parmiles approches de synthèses de ce type, ilen est une qui a récemment débouchésur un modèle de dynamique despopulations de Varroa (Fries et al.,1994).

Ce modèle est structuré sur la basede trois compartiments (voirfigure 16) : les Varroa phorétiques, lesVarroa du couvain d'ouvrières et lesVarroa du couvain de mâle. Dans lesparamètres régulant les passages deVarroa d'un compartiment à l'autre,nous retrouvons tous les facteursphénologiques concernant l'abeille etVarroa (voir § 1.ε) . Le passage ducompartiment phorétique aucompartiment du couvain d'ouvrières oude mâle dépend en effet du nombre decellules disponibles (nombre decellules : voir § 1.γ ; attractivité ducouvain : voir § 4.α) , de la préférencepour le couvain de mâles (voir § 4.α) et

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de la durée de la phorésie (voir § 4.δ). Le nombre de Varroa émergeant avec l'abeille ou le mâle et entrant dans lecompartiment phorétique dépend de la durée d'operculation du couvain (voir § 6.β) et du nombre de descendants parfondatrice, lui-même étant une composante du taux de fertilité des fondatrices (voir § 4.ε) , de la durée d'operculation ducouvain (voir § 6.β), du nombre de fondatrices par cellules (voir § 4.γ), et du taux de mortalité du couvain (voir § 4.ζ).Il y a bien sûr une sortie à ce modèle, qu'est la mortalité des Varroa du couvain et des Varroa phorétiques (voir § 4.ζ).

La situation initiale considérée par le modèle est une population de 10 Varroa dans la ruche (voir figure 17). Lescycles de couvain successifs permettent l'accroissement exponentiel de cette population, tandis que le cycle annuel etl'absence de couvain pendant les mois d'hiver ont un effet inverse de réduction de 50% de la population. Finalement, ilne faut pas plus de 5 années aux 10 Varroa initiaux pour engendrer une population dépassant les 15 000 individus. Lepoids individuel d'une fondatrice Varroa avoisinant 450 µg (Pérez Santiago, 1995), le poids de la population Varroa estalors de 6.75 g, soit un millième du poids total des abeilles d'une colonie.

La population maximale de Varroa hébergée par une colonie d'abeilles est éminemment variable selon les paysconsidérés. En France, les maladies associées à Varroa (voir § 6.β), font qu'une colonie d'abeilles est souvent morteavant que la population de Varroa n'ait atteint 6 000 à 8 000 individus, seuil dépassé dès la quatrième année, selon lemodèle (si l'on considère qu'une colonie d'abeilles contient à ce moment-là 40 000 abeilles, la prévalence* est alors del'ordre de 20%). L'on considère même qu'une colonie d'abeilles est déjà sévèrement affectée lorsqu'elle héberge unepopulation de 2 000 Varroa, seuil dépassé dès la troisième année, selon le modèle (prévalence de l'ordre de 5%). EnAngleterre, pour une raison encore mal connue, la population peut atteindre un niveau beaucoup plus élevé, jusqu'à42 000 Varroa (Martin, communication personnelle).

Figure 17 (d'après Fries etal. , 1994) : évolutions dela population de Varroad'une ruche, en nombred'individus, durant 1825jours (5 ans). Au jour 0(debut Avril), lapopulation est de 10individus.

• Effet du climat et de l'espèce hôte.

La dynamique ainsi modélisée par le modèle de Fries est effectivement celle qui peut-êtreobservée en climat tempéré, avec un hiver rigoureux, et entraînant un développementmaximum des populations d'abeilles et de Varroa en juillet et août (Korpella et al., 1992). Ilexiste pourtant un effet considérable du climat sur la dynamique des populations d'abeilles, etpar conséquent sur la dynamique des populations de Varroa.

Une étude récente a porté surla comparaison pendant deux ans

0

3000

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9000

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15000

0 365 730 1095 1460 1825

de la dynamique des populationsde Varroa au sein de ruchessituées dans trois zonesclimatiques différentes du sud del'Espagne (García Fernández etal., 1995). En climatméditerranéen continentalocéanique et en climatméditerranéen continental, ladynamique a suivi une formebimodale, c'est à dire nettementaffectée par le climat. En climatméditerranéen subtropical, ladynamique a suivi une formeexponentielle, ce que les auteursattribuent au fait que lapopulation de Varroa ne décroît

absolument pas durant l'hiver. Ils notent par ailleurs que le maximum d'infestation se rencontre durant les mois d'avril etmai, avec cependant un retard de 3 mois pour le climat méditerranéen continental océanique. Ces données montrent d'unepart l'importance de la décroissance hivernale de la population, et d'autre part que le maximum de population n'est pluslié au maximum de température comme en climat tempéré, mais au maximum de floraison pollenifère.

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En climat méditerranéen de Californie, comparable au climat méditerranéen subtropical d'Espagne, la dynamique aaussi pris une forme exponentielle, avec une multiplication de la population par 300 dans l'espace d'un an (Kraus et al.,1995). Ces résultats se retrouvent dans une région du globe climatiquement symétrique à l'Espagne, c'est à dire à lalimite sud entre climat tempéré et climat tropical. En comparant trois zones du sud du Brésil, il est apparu que plus leclimat était froid, plus l'infestation en fin d'été était faible (de Jong et al., 1984 ; Moretto et al., 1991).

La sous-espèce d'abeilles hôtes porte également une grande importance. En Europe, une étude comparative montreque les populations de Varroa se développent légèrement plus vite au sein de colonies d'A. m. mellifera qu'au sein decolonies d'A. m. carnica, et plus rapidement au sein de colonies d'A. m. carnica qu'au sein de colonies d'A. m. ligustica(Otten, 1986). Peu de données existent sur la dynamique en climat tropical. Le changement majeur par rapport au climattempéré est probablement la présence quasi permanente de couvain dans les colonies d'abeilles. De cette façon, il n'y apas de décroissance hivernale de la population de Varroa, comme cela a été rapporté dans le sud de l'Espagne. Cependant,les abeilles de climat tropical ont en général un système de défense contre les prédateurs et les parasites, qui affecte ladynamique des populations de Varroa (voir § 6).

5 Pathologie Varroa et pathologies associées.

Après tant de pages écrites sur Varroa, il est temps de préciser de quelles façons cet acarien exerce un pouvoirpathogène sur les abeilles, aspect paradoxalement peu connu. Outre son action directement pathogène et la modificationde la composition de l'hémolymphe des abeilles, Varroa est surtout un important vecteur de virus et bactéries ; c'est làque semble se trouver son pouvoir pathogène le plus important.

• Affection des abeilles naissantes.

Lors de la visite d'une ruche fortement infestée par Varroa, les lésions externes les plus fréquentes concernent lamalformation des ailes, et peuvent affecter jusqu'à 6% (de Jong, 1984), voire 32% (Marcangeli et al., 1992) des abeillesnaissantes. En fait, ces malformations visibles à l'œil nu ne sont pas les seules et de nombreuses malformationsd'échelle micrométrique apparaissent chez les abeilles issues de larves infestées par plus de 3 acariens (Daly et al., 1988).Le poids des abeilles à l'émergence est réduit proportionnellement au nombre d'acariens supportés au stade larvaire, de8% chez les abeilles issues de larves infestées par 1 acarien, jusqu'à 25% chez les abeilles issues de larves infestées par 5acariens (Monetti et al., 1991). Par ailleurs, la durée de vie des abeilles adultes, en condition de laboratoire, est réduite de27.6 jours à 13.6 jours si elles ont supporté un acarien durant leur stade larvaire, voire 8.9 jours si elles ont dûsupporter plus d'un acarien (de Jong et al., 1983).

D'un point de vue physiologique, il apparaît que Varroa provoque une diminution de la taille des cellules des corpsadipeux des abeilles, réduisant par là-même leurs défenses immunitaires et leurs défenses vis à vis des pesticides(Drescher et al., 1988). Une diminution de la concentration en protéines de l'hémolymphe des larves d'abeilles de l'ordrede 10 à 20% a été rapportée par deux fois (Glínski et al., 1984 ; Weinberg et al., 1985). Enfin, l'apparition demarqueurs antigéniques après l'infestation pourrait résulter d'une réaction spécifique à Varroa (Dandeu et al., 1991).

• Pathologies associées.

Lors d'essais d'acaricides, il a été observé que certaines colonies saines pouvaient supporter des populations de plus de20 000 Varroa (Rosenkranz, communication personnelle), voire 42 000 Varroa (Martin, communication personnelle).Tous les troubles décrits ci-dessus réunis ne peuvent suffire à expliquer que d'autres colonies s'effondrent dès lors qu'ellescontiennent 4 000 à 5 000 Varroa. En fait, Varroa est pathogène essentiellement de par sa fonction de vecteur viral etbactérien (Ball, 1989).

Le virus de la paralysie aiguë des arthropodes (Acute Paralysis Virus, ou APV) est très probablement transmis parVarroa (Ball, 1985), ce qui n'est pas problématique en soi, puisqu'il est présent en permanence à l'état latent dans lesruches. Le problème intervient car Varroa est en fait activateur du virus (Anderson et al., 1988), comme l'attestent lesréponses positives au test Elisa (Allen et al., 1986). Des composants de la salive de Varroa, comme l'apyrase, pourraientinterférer avec les réponses immunes des abeilles, et ainsi déclencher la réplication de l'APV (Denholm, 1996). D'autres

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virus à l'effet non détectable lors de l'inspection d'une ruche, comme le Cloudy Wing Virus (CWV) ou le Black Queen-Cell Virus (BQCV), sont très probablement transmis ou activés de la même façon (Kulincevic et al., 1990 ; Varis etal., 1992).

Finalement, en utilisant Serratia marcescens comme marqueur bactérien, Glínski et al. (1992) ont montré la capacitéde Varroa à transporter cette infection bactérienne à 20% du couvain. Cette expérience confirmait de précédenteshypothèses suggérant que Varroa pouvait transmettre directement dans l'hémolymphe des bactéries des familles desEnterobacteriaceae et des Micrococcae (Glínski et al. 1990), voire Bacillus larvae, responsable de la loque américaine,maladie du couvain répandue (Alippi, 1992).

Même si cela n'a jamais été prouvé, il ne peut être exclu que la sensibilité des EHB d'Amérique à Varroa ait accentuéleur disparition, favorisant ainsi l'extension des AHB en un territoire vierge d'abeilles. On pourrait même supposer quele front d'africanisation (voir § 2.α) ait été précédé d'un front de pathogénie due à Varroa.

6. Varroa jacobsoni, la tolérance des abeilles.

En 1995, Delfinado-Baker & Peng (1995) ont intitulé un article "Pourquoi les acariens d'Apis cerana ont-ils préféré lesabeilles européennes ? Ce titre, malgré son aspect finaliste, illustre bien la nécessité d'observer Varroa dans son milieunaturel, sur son hôte originel, Apis cerana. En comprenant en détail les rapports entre l'abeille et Varroa, l'objectif est deconnaître les éléments du phénotype d'Apis cerana qui limitaient le développement des populations de Varroa, élémentssusceptibles de ne pas exister chez Apis mellifera. Ces facteurs phénotypiques de tolérance sont donc étudiés en tantqu'expression du génotype, éventuellement affecté par l'environnement. Pas moins de six facteurs phénotypiques, d'ordretant phénologique que comportemental, ont été incriminés ; s'il est difficile d'apprécier leurs effets isolés, leurcombinaison est nécessaire et probablement suffisante à expliquer la tolérance d'Apis cerana à Varroa : attractivité, duréed'operculation et température du couvain, infertilité des fondatrices, comportement de nettoyage des abeilles et ducouvain (Rosenkranz, 1994 ; Büchler, 1994).

6 Attractivité du couvain.

L'entrée dans le couvain au bon moment est un point crucial dans le cycle de développement de Varroa (voir § 5.b).La reproduction de Varroa chez Apis cerana est par ailleurs presque limitée au couvain de mâle (Koeniger et al., 1981 ;Koeniger et al., 1983). Il faut noter que les mâles ne contribuent pas du tout au développement de la colonie ; ledéveloppement de Varroa dans le couvain de mâle est dès lors peu nuisible pour la colonie, ce qui laisse supposer que cesont en fait les pressions de sélection qui l'ont conduit à éviter la reproduction dans le couvain d'ouvrières. La manièredont Varroa évite le couvain d'ouvrières n'a pas été déterminée. S'agit-il d'une faible attractivité du couvain d'ouvrières,ou les fondatrices testent-elles les cellules, en entrant puis en ressortant si elles ne trouvent pas certaines conditionsminimum ?

Chez Apis mellifera, l'attractivité environ 8 à 10 fois supérieure du couvain de mâle par rapport au couvaind'ouvrières n'est plus mise en doute (Otten et al., 1988 ; Fuchs, 1990). Si l'attractivité du couvain suscite denombreuses recherches depuis quelques années, c'est essentiellement pour l'intérêt appliqué qu'elle suscite. Elle n'a parcontre été que timidement avancée comme élément de tolérance de certaines sous-espèces d'Apis mellifera (de Guzmán etal., 1995 ; Guzmán Novoa et al., 1996), mais des études faisant apparaître une corrélation nette entre attractivité ettolérance n'existent pas à ce jour.

6 Durée d'operculation du couvain.

L'ontogenèse de Varroa doit obligatoirement être achevée avant l'émergence de l'abeille (voir § 4.γ ) ; de ce fait, ladurée d'operculation du couvain est un facteur fortement limitant de cette ontogenèse. Il existe en fait très peu de donnéesrelatives à la durée d'operculation du couvain d'ouvrières d'Apis cerana ; une première étude rapporte une durée

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approximative de l'ordre de 11 jours (Mishra et al., 1983). Une seconde étude, rapportant une durée d'operculationcomprise entre 268 et 272 heures, concluait que cette durée de 10 à 15 heures inférieure aux durées enregistrées enEurope (280 à 288 heures), pouvait suffir à expliquer la tolérance d'Apis cerana (Rosenkranz et al., 1994).

Nombre d'auteurs ont pressenti la sélection d'abeilles ayant une courte durée d'operculation comme la voie d'avenirdans la lutte contre Varroa (Schousboe, 1986 ; Woyke, 1989). En étudiant l'abeille tolérante A. m. capensis, en Afriquedu sud, il est ainsi ressorti qu'une durée d'operculation de seulement 230 heures permettait à seulement 58% desfondatrices d'engendrer au moins une fille adulte (Moritz et al., 1984). Les mêmes auteurs montrèrent ensuite quel'héritabilité de ce facteur était de h2 = 0.8 (Moritz, 1985), puis que le comportement de nettoyage des abeilles (voir §7.ε) avait probablement également une importance (Moritz et al., 1990) Les auteurs révélèrent finalement que la duréed'operculation était en fait de 264 heures, et que les données primitives avaient probablement été biaisées par une erreurd'échantillonnage (!) (Moritz et al., 1992).

D'autres travaux ont montré une corrélation de coefficient r2 = 0.48 entre la durée d'operculation et le niveaud'infestation, mais la différence de 11 heures entre le temps le plus court et le temps le plus long semble inapte àexpliquer seule les extrêmes de tolérance (Büchler et al., 1990). Le taux d'héritabilité de la durée d'operculation futensuite montré comme étant relativement bas, de h2 = 0.61 (Harbo, 1992), voire même h2 = 0.31 (Le Conte et al.,1994).

Ce long débat fut enfin clos par une étude approfondie de la chronologie du développement de la descendance Varroa(voir § 5.γ et figure 12). Ιl apparût alors que seule une durée d'operculation de 222 h, ce qui semble rigoureusementimpossible, permettrait de prévenir l'arrivée à maturité d'une seule descendante Varroa (Martin, 1994). Même une duréetrès improbablement réduite à 250 heures, soit 18 heures de moins qu'Apis cerana ou A. m. capensis et 33 heures demoins que les abeilles européennes (Rosenkranz et al., 1994) laisserait encore la possibilité à deux descendantes Varroad'atteindre la maturité. Cette dernière étude montre que toute tentative de lutte contre Varroa par la sélection d'abeillesprésentant un temps d'operculation réduit est vaine.

6 Température du couvain.

Un travail de terrain a montré que la température du couvain était égale chez Apis cerana et Apis mellifera enThaïlande (Rath, 1992). La thermorégulation du couvain d'Apis cerana ou de certaines sous-espèces d'Apis melliferaavait pourtant plusieurs fois été mise en cause pour expliquer la tolérance de ces abeilles à Varroa. L'augmentation de latempérature de 3°C par rapport à la température normale du couvain diminue de 8 heures l'intervalle entre deux pontes duparasite (Akimov et al., 1985). La température optimale pour l'ontogenèse de Varroa est en fait comprise entre 32.5 et33.4°C ; la reproduction est nettement réduite si la température dépasse 36.5°C, voire même stoppée si elle dépasse38°C (Le Conte et al., 1990 ; Kraus, 1996).

Au Brésil, Rosenkranz (1988 ; 1994) a montré que la température du couvain n'était pas significativement différenteentre les abeilles africanisées, tolérantes, et les abeilles européennes, non tolérantes. La température d'incubationn'intervient donc pas dans la tolérance. De plus, la durée d'operculation étant directement corrélée à la températured'incubation du couvain, la durée d'operculation à peine plus courte du couvain d'abeilles africanisées est en accord aveccette égalité de température (Rosenkranz et al., 1994).

6 Infertilité des fondatrices.

La fertilité, ou plutôt l'infertilité des fondatrices, est l'élément de la biologie de Varroa le plus étudié à l'heureactuelle. Malgré le doute initial (Koeniger et al., 1983), il a été décrit que Varroa pouvait également se reproduire dans lecouvain d'ouvrières aussi bien que dans le couvain de mâle d'Apis cerana (de Jong, 1988). Lors d'une infestationartificielle des cellules de couvain d'ouvrières, 90% des fondatrices n'ont pas pondu (Tewarson et al., 1992), ce qui posela question suivante : les fondatrices Varroa ont-elles "appris" à éviter le couvain d'ouvrières d'Apis cerana car elles n'ytrouvent pas tous les éléments permettant la ponte ? Dans un langage "évolutivement correct", y a-t-il eu sélection desfondatrices capables de distinguer le couvain où les conditions les plus favorables leurs sont fournies, c'est à dire lecouvain de mâle ?

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Le même type de situation de faible fertilité se retrouve chez l'abeille africanisée (AHB). Les observations réaliséesau Brésil mentionnent une proportion de 76% de fondatrices Varroa fertiles (c'est à dire engendrant une descendance) dansles colonies d'abeilles européennes (EHB), contre seulement 43% dans les colonies d'abeilles africanisées (Ritter et al.,1984 ; Camazine, 1986). Il fut ensuite montré que l'infertilité des fondatrices ne pouvait être attribuée à une différencede thermorégulation du couvain (Rosenkranz et al., 1994). Alors que la croissance des populations de Varroa n'estpresque pas limitée chez les EHB et entraîne la mort des colonies, elle est limitée à un niveau relativement bas avec unseul pic d'accroissement de la population en hiver, chez les AHB (Engels et al., 1986). Il semblerait en fait qu'unmécanisme de tout ou rien (on-off) contrôle la maturation de la future fondatrice durant la phase phorétique, donc sonoviposition ; ce mécanisme serait régulé par des signaux du couvain perçus par la fondatrice durant la période phorétiqueet/ou par la qualité de l'hémolymphe fournie à la fondatrice juste après l'operculation (voir § 4.ε) .

Ces résultats au Brésil ont suscité des études en Europe, lors desquelles le taux de fertilité a varié de 67.7% (Ifantidis,1990) à 71.5% (Fuchs et al., 1989), voire 73% (Schulz, 1984). Dans ce dernier cas, les 27% d'infertilité se répartissenten 16% des fondatrices ne produisant aucune descendance, 5% produisant une descendance immature, 6% ne produisantque des mâles. Le taux de fertilité n'a toutefois jamais été trouvé suffisamment bas pour conférer aux abeilles latolérance à Varroa. Une étude a tout de même pu montrer que le taux de fertilité était plus élevé en dehors du pic deproduction de couvain (Kulincevic, 1988). En Suède, chez un hybride de l'abeille européenne et A. m. monticola,importée du Kenya, le taux de fondatrices fertiles a été trouvé à 76%, soit à peine plus bas que le taux moyen en Europe(Thrybom et al., 1991).

En Papouasie-Nouvelle Guinée, la reproduction chez Apis cerana est limitée au couvain de mâle, comme en Asie ;par contre, chez Apis mellifera, absolument aucune des fondatrices n'est capable de reproduction ! Cette situationapparemment stable n'a pu être expliquée (Anderson, 1994). Au Viêt-nam, où existe la même situation, des Varroatransférés directement de cellules d'Apis cerana à des cellules d'Apis mellifera sont également restées infertiles à 100%(Boot, 1996). Précisons que le même phénomène d'infertilité totale de Varroa chez Apis mellifera était la règle originelleau Japon, puis que, lorsque des colonies d'Apis mellifera infestées ont été introduites d'Asie continentale, les Varroanouveaux venus se sont fort bien adaptés aux colonies du Japon, et sont devenus pathogènes (Fuchs, communicationpersonnelle).

Ces trois dernières observations (Papouasie, Viêt-nam, Japon) laisseraient supposer qu'un début de spéciation seserait produit au sein de l'espèce Varroa jacobsoni, à la suite duquel les Varroa capables de reproduction chez Apismellifera seraient distincts des Varroa capables de reproduction chez Apis cerana (Fries, communication personnelle ;Fuchs, communication personnelle).

6 Comportement de nettoyage des abeilles.

Une chercheuse Américaine a montré qu'Apis cerana avait un comportement d'épouillage individuel et social trèsmarqué vis à vis de Varroa (Peng et al., 1987a). Lorsqu'une femelle Varroa adulte est déposée sur le thorax d'une abeille,celle-ci débute immédiatement un auto-nettoyage (auto-grooming behavior), en se brossant tête, thorax et abdomen àl'aide de ses pattes antérieures ; le résultat de ce comportement est que 22.5% des acariens changent d'hôte dans lespremières secondes après le dépôt. S'il est suffisamment rapide, l'acarien va s'abriter dans le propodeum des abeilles,espace compris entre le thorax et l'abdomen, inaccessible au nettoyage de l'abeille. Dans ce cas, l'abeille débute unedanse de nettoyage (grooming dancing), incitant une à six abeilles voisines à s'approcher, examiner l'abeille infestée etattraper l'acarien dans leurs mandibules, pour le jeter au fond ou à l'extérieur de la ruche (allo-grooming behavior). Autotal, 99.6% des acariens déposés étaient retirés de leurs hôtes. Seules 16.6% des abeilles européennes avaient uncomportement semblable, et 0.3% des acariens étaient retirés. Corrélativement, 74% des Varroa mortes au fond desruches d'Apis cerana présentaient des mutilations corporelles.

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L'auteur attribue ce comportement à l'irritation provoquée par l'injection de salive de l'acarien lorsqu'il se nourrit del'hémolymphe de l'hôte ; il semble pourtant très improbable que Varroa ait le temps de se nourrir avant les premièressecondes au bout desquelles débute le comportement de nettoyage. Des observations en Thaïlande sont par la suitevenues confirmer les premiers travaux, en précisant cependant que l'allo-nettoyage cessait souvent avant que les abeillesn'aient sorti l'acarien de la ruche (Büchler et al., 1992). Les sites préférentiels choisis par Varroa pour échapper aucomportement des abeilles sont les intertergites latéraux II et IV, avec 96% de sélectivité pour le côté gauche de l'abeille(Delfinado-Baker et al., 1992, voir figure 18). Précisons qu'une pulvérisation d'isopentyl-acetate, composant principal dela phéromone d'alerte des abeilles, a pour effet d'accentuer ce comportement de nettoyage (Felicioli et al., 1996).

Après ces descriptions, il a été montré que lecomportement n'était pas aussi exacerbé que décritinitialement, et surtout beaucoup moins efficace (Fries etal., 1996). Si l'épouillage provoque souvent unchangement d'hôte, Varroa ne chute des abeilles que dans27% des cas chez Apis cerana, contre 20% des cas chezApis mellifera. Pour l'auteur, l'écart est trop faible pourexpliquer qu'une espèce d'abeilles soit tolérante, et l'autrenon-tolérante.

Malgré ces observations, le comportementd'épouillage des abeilles est incontestable (von Frisch,1956) ; une ouvrière nommée "Red 93", issue d'unesouche d'Apis mellifera sélectionnée pour ses capacités denettoyage, a ainsi prouvé occuper 84% de son temps ànettoyer son corps et ceux d'autres abeilles (Moore et al.,1995). En Slovénie, A. m. carnica occupe 18% du tempsdu nettoyage a nettoyer son propre corps, le reste étantFigure 18 (d'après

Delfinado-Baker et al.,1992) : emplacementspréférentiels de Varroapour échapper aunettoyage par lesabeilles.

consacré au nettoyage d'autres abeilles : 45% pour la base des ailes, 18% pour le pétiole, 2.8%pour les sternites (Bozic, 1995). Au Brésil, des résultats préliminaires non confirmés montrentque 38% des AHB et 5% des EHB sont capables de se débarrasser du parasite ; l'héritabilité dece comportement serait h2 = 0.71 (Moretto et al., 1993). En Suède, un hybride d'abeilleeuropéenne et d'Apis mellifera monticola n'ont pas montré de comportement de nettoyageparticulier (Thrybom et al., 1992).

Si l'existence du comportement d'épouillage des abeilles ne peut être mise en cause (Boecking et al., 1993), sonimportance dans la tolérance des abeilles à Varroa reste sans doute minime et apporte finalement peu d'espoir dans lalutte contre Varroa.

6 Comportement de nettoyage du couvain.

Un autre nettoyage exercé par les abeilles dans la ruche est celui du couvain, comportement dont l'intensité,l'efficacité et la rapidité varient notablement selon les ruches (Jones et al., 1964). Ce comportement permet aux abeillesd'être résistantes à Bacillus larvae, responsable de la loque américaine (Rothenbuhler, 1964), et à Ascosphera Apis, autremaladie répandue du couvain (Heath, 1982). Son occurrence est autant déterminée par l'origine génétique des abeilles quepar l'état sanitaire des colonies (Spivak et al., 1993). Il ne doit toutefois pas être confondu avec le comportement decannibalisme du couvain, visant à en conserver les éléments nutritifs, lorsque la disette empêche les abeilles de nourrir lecouvain, alors menacé de mourir de faim (Webster et al. 1987). Les premières études concernant le nettoyage du couvaininfesté par Varroa (removal behavior) ont été réalisées par Peng et al. (1987b), et ont montré qu'Apis cerana nettoyait35% du couvain d'Apis mellifera introduit si celui-ci était sain, mais plus de 90% s'il était fortement infesté par Varroa.

Une technique d'infestation artificielle du couvain a permis de montrer que les ouvrières d'Apis cerana nettoyaientplus de 90% du couvain d'ouvrières infesté en 4 jours, mais seulement 20% du couvain de mâle infesté, dans la mêmepériode (Rath et al., 1990 ; voir figure 19). Rath (1992) a alors suggéré que la forme particulière du cocon de mâled'Apis cerana était responsable de la limitation des émissions d'odeurs vers l'extérieur des cellules, protégeant ainsiVarroa pendant sa reproduction. En Allemagne, Boecking et al. (1991) ont montré que des colonies d'A. m. carnica

Chapitre premier : Lumière bibliographique. 39

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étaient capables de nettoyer environ 20% du couvain infesté par Varroa (Boecking et al., 1992 ; Boecking et al., 1992).Des données préliminaires au Brésil révèlent que les AHB nettoient 38% du couvain infesté, alors que les EHB n'ennettoient que 5% (Moretto et al., 1991).

Enfin, il a été montré que des cellules infestées avec des Varroa morts et lavés avec un solvant ne sont pas nettoyéespar les abeilles ; les cellules de mâles d'Apis cerana ne sontpas nettoyées si les Varroa introduits proviennent de la mêmeruche, mais le sont si ces Varroa proviennent d'autres ruches(Rosenkranz et al., 1993). Ceci montre que la détection est liéeà l'odeur des Varroa et à celle de leur colonie d'origine.

6 Systématique de la tolérance.

Dans le complexe formé par Varroa avec les différentesespèces et sous espèces d'abeilles au sein de nombreux climats,il est actuellement impossible de trouver une explicationglobale aux cas de tolérance connus, même si l'on exclut lesnombreux cas de tolérance proclamés mais non confirmés.Trois situations de tolérance restent indubitables, et forment labase d'une "systématique de la tolérance", que nous présentonsici.

• Le cas asiatique de tolérance d'Apis cerana.

L'hôte d'origine est tolérant* à Varroa, mais non résistant* ,ce qui signifie que l'on trouve toujours quelques dizaines oucentaines de Varroa dans les colonies d'Apis cerana. Lapopulation d'acariens demeure toutefois à un niveau trèsmodeste, car plusieurs mécanismes interagissent pour mener à la tolérance, fruit probable d'unelongue coévolution. La reproduction est limitée au couvain de mâles, beaucoup plus attractifpour Varroa. Le couvain d'ouvrières est inspecté et nettoyé par les abeilles dès qu'il est infesté ;les fondatrices Varroa échappant au nettoyage du couvain d'ouvrières demeurent infécondes dansla plupart des cas, peut-être parce que ce type de couvain ne fournit pas les signaux nécessaires àla maturation des oocytes ou au déclenchement de la vitellogénèse. Il est difficile de dire si c'estparce que le couvain d'ouvrières est peu attractif que les fondatrices Varroa n'y entrent presquepas, ou si l'évolution a sélectionné des fondatrices capables d'éviter ce couvain parce qu'il estdéfavorable à leur reproduction. Le comportement de nettoyage des abeilles adultes a peut-êtreun petit effet supplémentaire sur la tolérance.

Figure 19 (d'après Rath,1990) : nettoyage ducouvain infesté chez Apiscerana.En haut (cellule de mâle) :la cellule est operculéepar les abeilles, puis lalarve tisse son cocon.Quand les abeilles tententde nettoyer la celluleinfestée, elle ne peuventdécouper le cocon, Varroapeut donc achever sonontogenèse.En bas (cellule d'ouvrière): le cocon tissé parl'ouvrière est fin et peutêtre découpé par lesabeilles. La nymphe etVarroa sont nettoyés.

• Le cas asiatique de tolérance d'Apis mellifera.

Un seul cas est connu pour une résistance des abeilles à Varroa : la Papouasie-NouvelleGuinée. La résistance* signifie que les populations de Varroa ne peuvent ni se développer, nimême se maintenir dans ces colonies d'Apis mellifera originaires d'Europe. Seules la proximitéde colonies d'Apis cerana infestées et la dérive des abeilles permettent de maintenir une trèsfaible population de Varroa. L'unique raison invoquée est l'infertilité de 100% des fondatrices, dans le couvaind'ouvrières, comme dans le couvain de mâles.

Précisons que ce cas indubitable rappelle la situation originelle de Varroa au Japon, qui ne pouvait se développer dansdes colonies d'Apis mellifera, jusqu'à l'introduction de nouvelles souches de Varroa. L'hypothèse est alors apparue qu'unesous-spéciation était en cours au sein de l'espèce Varroa jacobsoni (voir § 8), et qu'un nouveau taxon de Varroa sedistinguait pour sa capacité de reproduction chez Apis mellifera.

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• Le cas sud-américain de tolérance d'Apis mellifera.

Mise à part Apis cerana, un seul autre hôte est connu pour être tolérant à Varroa à l'heure actuelle : l'abeilleafricanisée au Brésil. Dans ces colonies, la population de Varroa subit de légères variations aucours de l'année, mais reste toujours à un niveau très bas. La raison principale de cettetolérance est l'infertilité de près de la moitié des fondatrices. D'autres facteurs ont été invoqués,comme le nettoyage des abeilles adultes ou le nettoyage du couvain, mais leur importanceréelle n'a jamais été prouvée.

Figure 20 (d'aprèsDelfinado-Baker et al.,1989) : identificationmorphométriques deplusieurs morphes deVarroa.

7. Varroa jacobsoni, l'espèce.

Le système abeilles-Varroa était simple au début du siècle, dans la mesure où il concernait une seule espèce de parasites,une seule espèce d'hôtes, une seule région du monde et un seul type de climat. Au fil du développement des techniquesapicoles et des recherches scientifiques qui ont permis sa diffusion de par le monde en même temps que l'apparition denouvelles abeilles, hybrides de sous-espèces plus ou moins proches, la situation s'est progressivement compliquée. Aupoint que l'on ne peut plus parler d'un système hôte-parasite, mais d'un ensemble de sous-systèmes hôte-parasite. Lasituation est devenue très complexe et loin d'être stabilisée, et de nouveaux territoires, de nouveaux climats, de nouvellessous-espèces d'abeilles sont colonisés très régulièrement.

Toutes sortes de combinaisons existent : là où le système ne concernait qu'une seule espèce d'abeilles (Apis cerana)se trouvent maintenant deux espèces (Apis cerana et Apis mellifera) et des dizaines de sous-espèces ; là où le système nese développait que sous un seul type de climat (tropical), il se développe maintenant sous une grande diversité de climats(tropical, tempéré, continental, océanique, méditerranéen, et de nombreuses variations) ; là où le système était limité àune région du monde (sud-est Asiatique), il n'a maintenant presque plus de limites que celles des zones colonisées par lesabeilles (Asie, Afrique, Europe et Amériques).

Si l'on peut encore dire qu'à l'heure actuelle, il n'existe toujours qu'une seule espèce de parasite Varroa jacobsoni, ilest possible que cette situation change dans un avenir proche. D'un point de vue physiologique, le même phénomèned'infertilité totale de Varroa chez Apis mellifera observé en Papouasie et au Viêt-nam était également la règle originelleau Japon, et laisserait supposer qu'un début de spéciation se serait produit au sein de l'espèce Varroa jacobsoni. LesVarroa capables de reproduction chez Apis mellifera seraient distincts des Varroa capables de reproduction chez Apiscerana (voir § 6.δ).

Outre les biotypes définis précédemment, des morphotypes sont apparus au sein de l'espèce (Delfinado-Baker, 1988).Une étude discriminante sur 13 paramètres morphométriques de Varroa montre en effet que les Varroa prélevés sur Apiscerana et sur Apis mellifera en Asie ont une morphologie significativement différente (voir figure 20) ; de même, cespopulations se distinguent des populations européenne, sud-américaine et nord-américaine (Delfinado-Baker et al., 1989).Pourtant, toujours selon les mêmes auteurs, aucun élément n'autorise à dire qu'une sous-spéciation s'est déjà produite ausein de l'espèce Varroa jacobsoni.

Chapitre premier : Lumière bibliographique. 41

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D'autres études sont arrivées au même type de conclusions. Au sein de ce qui était alors l'URSS, est apparue unevariation continue (clinale) de la morphométrie des Varroa, doublée d'une variation en fonction de la saison de collectedes individus (Grobov et al., 1980 ; Akimov et al., 1991). Enfin, un travail montre que les Varroa du Brésil, du Japonet d'Inde diffèrent entre eux et des échantillons du reste du monde (Schousboe, 1989). L'analyse des hydrocarburescuticulaires n'a pas permis de distinguer les acariens originaires d'Europe des acariens originaires d'Amérique du nord(Nation et al., 1992). Le recours à l'analyse enzymatique a montré un très faible polymorphisme au sein de l'espèce ; iln'a pas permis de distinguer les acariens originaires d'Asie des acariens originaires d'Europe (Biasolo, 1989 ; 1992).

Les travaux réalisés à l'échelle de l'espèce Varroa jacobsoni restent finalement assez rares. Ils font en fait ressortir quel'étude morphométrique est largement insuffisante pour rendre compte des variations réalisées au sein de l'espèce, et quele recours aux outils du génie génétique est inévitable.Une étude récente a été réalisée dans ce sens, en recourantà la technique des RAPD (Random Amplification ofPolymorphic DNA), et a montré une variabilité génétiquetrès faible chez Varroa, puisque seules 7 à 9% des 143bandes observées étaient polymorphiques (Kraus et al.,1995). Des marqueurs spécifiques ont en outre permis dedistinguer les acariens originaires d'Apis cerana desacariens originaires d'Apis mellifera, les acariensoriginaires des USA des acariens originaires d'Allemagne,mais pas les acariens originaires du Texas de ceuxoriginaires de Californie.

Deux études de taxonomie moléculaire à grandeéchelle sont menées actuellement, et devraient déboucherprochainement sur un classement systématique desacariens de différentes origines, et ainsi de proposer unmodèle de coévolution du système abeille-Varroa(Anderson, communication personnelle ; Rinderer,communication personnelle).

8. Sujet d'une thèse :

le triptyque EHB-AHB-Varroa auMexique.

Parmi les nombreux sous-systèmes abeilles-Varroa, il enest un, unique au monde, récent et sans doute éphémère,qui a fait l'objet de notre étude : le système abeilleseuropéennes - abeilles africanisées - Varroa jacobsoni, auMexique.

Précisons qu'aucune des trois espèces de ce triptyquen'est originaire du Mexique. L'abeille européenne (EHB) aété introduite par les colons espagnols au XVIIe siècle ;l'abeille africanisée (AHB) a été hybridée en 1956 au

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Brésil, puis s'est étendue à l'Amérique équatoriale, tropicale et subtropicale ; elle s'est implantée au Mexique en 1989 ;Varroa jacobsoni a été introduit en Uruguay en 1971, puis s'est étendu à toute l'Amérique ; il a été détecté au Mexiquepour la première fois en 1992.

Le triptyque considéré est unique au monde, puisque la zone où coexistent les trois éléments qui le composent necomprend que les territoires situés à moins de 1 000 mètres d'altitude, compris entre le sud des Etats-Unis et leGuatemala. Il est récent, puisqu'il n'a été formé qu'en 1992, c'est à dire deux ans seulement avant le début de notre étude.Il est probablement éphémère, enfin, puisque les AHB tendent à dominer les EHB ; une telle dominance seraprobablement achevée avant quelques années.

Au jour où notre étude a débuté, en 1994, il était connu que l'EHB n'était pas plus tolérante à Varroa au Mexiquequ'elle ne l'était en Europe. Par contre, les relations AHB Varroa étaient à peu près inconnues. Le cas de tolérance desAHB au Brésil laissait à penser qu'il pouvait y avoir coexistence au Mexique d'une espèce d'abeilles sensibles à Varroa(EHB) et d'une espèce d'abeilles tolérantes (AHB). Deux questions simples se posaient alors :

1) Les abeilles africanisées au Mexique sont-elles tolérantes à Varroa ?

2) Si oui , la cause en est-elle l'infertilité des fondatrices Varroa, comme au Brésil, ou alors dequelle autre cause s'agit-il ?

Ces deux questions font chacune l'objet d'un chapitre, à la suite de ce chapitre bibliographique. Dans le dernierchapitre, enfin, les éléments de réponse obtenus seront alors examinés sous le jour des théories de l'écologie évolutive.

Chapitre premier : Lumière bibliographique. 43

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Chapitre DeuxièmeAnalyse descriptive du triptyqueEHB-AHB-Varroa au Mexique

Dans cette seconde partie du mémoire, la situation actuelle au Mexique est analysée en détail, afin de répondre à lapremière question posée en introduction : les abeilles africanisées au Mexique font-elles partie du petit groupe d'abeillestolérantes à Varroa ? Dix-huit mois de description comparée de la dynamique des populations d'abeilles européennes(EHB) et africanisées (AHB), ainsi que des populations de Varroa qu'elles hébergent respectivement, permettront derépondre à cette question. En outre, les paramètres r et K caractérisant les dynamiques de populations, seront déterminés,et permettront d'orienter les recherches suivantes, dont l'objectif sera d'expliquer les phénomènes observés et d'émettredes hypothèses relatives à la stratégie reproductive de Varroa jacobsoni.

10. Dynamique des populations d'abeilles.

A Figure 21 : carte duMexique, et situationgéographique du lieud'étude.

vant de décrire la manière dont nous avons sélectionné les abeilles afin de mener notre étude,puis la dynamique de leurs populations au cours des dix-huitmois d'observation, il convient de décrire le site d'étude et la USA

Córdoba(Edo. de Veracruz)

Océan Atlantique

Océan Pacifique

Guatemala

météorologie du lieu.

10 Lieu de l'étude.

L'étude a été réalisée entre les mois d'août 1994 et janvier1996 au Campus Córdoba du Colegio de Postgraduados, situéà quelques kilomètres de la ville de Córdoba (latitude : 18°53'N ; longitude 96°56' W) (voir figure 21). Cette ville estsituée, dans l'état de Veracruz (sud-est du Mexique), à unecentaine de kilomètres du Golfe du Mexique (océanAtlantique). A 800 mètres d'altitude, elle fait encore partie des

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Tierras calientes, les terres chaudes, c'est à dire que latempérature ne descend qu'exceptionnellement audessous de 10°C. A une vingtaine de kilomètres plus àl'ouest débutent les pentes très raides de la SierraMadre Oriental, chaîne de montagne s'élevant enmoyenne à 3 000 mètres, dont le point culminant, levolcan Citlaltepetl (5700 mètres) se trouve à 30kilomètres de Córdoba. Cette chaîne de montagnes apour effet de stopper les masses d'air humide enprovenance de l'océan, provoquant des précipitationstrès importantes au niveau de Córdoba. Le climat,chaud et humide, est caractérisé par une températureannuelle moyenne de 23°C et des précipitationsannuelles d'environ 3 000 millimètres. Il est classé

0

100

200

300

400

500

600

700

0

5

10

15

20

25

30

35

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

°C mm

Figure 22 : donnéesmétéorologiques relevéesdurant les dix-huit mois del'étude (août 1994 -janvier 1996). La zonegrisée représente lestempératures minimum etmaximum, la ligneblanche la températuremoyenne (échelle degauche). Les barresreprésentent la somme desprécipitations mensuelles(échelle de droite).

comme climat tropical humide. Les conditions météorologiques qui ont présidé à notre étuden'ont pas échappé à ces moyennes (voir figure 22).

Ce climat engendre une végétation luxuriante, et les alentours du campus sont couverts decanne à sucre, laquelle fournit une alimentation minimum aux abeilles durant la récolte, dedécembre à juin. A 2 kilomètres (distance habituellement explorée par les abeilles), denombreuses collines sont cultivées de café, fournissant également une alimentationsubstantielle aux abeilles au moment de la floraison, en mars et avril. La floraison sauvage alieu de janvier à mai, et permet la production de miel.

10 Sélection des abeilles.

Tous les niveaux d'hybridation sont possibles, de l'EHB pure à l'AHB, ce qui rend la détermination à l'œil nu trèsdifficile. Afin de mener notre étude, il nous fallait donc avant tout sélectionner de façon objective des colonies d'abeilles

nettement africanisées et des colonies d'abeilles nettement européennes. Ce travail a été réaliséen déterminant le degré d'africanisation par la méthode morphométrique (Daly, 1978 ; voir §2.γ). Parmi quarante colonies qui n'avaient pas été traitées contre Varroa depuis plus d'un anet disponibles sur le campus, 20 colonies ont ainsi été sélectionnées (voir figure 23).

Figure 23 : déterminationpar la techniquemorphométrique du degréd'africanisation, pour 40colonies. L'indice centré"donne une valeur de 0 pourdes colonies parfaitementhybrides ; il correspond àune adaptation de l'indicestrict de Daly (1978),donné entre parenthèses.Les colonies marquées ennoir sont celles retenuespour l'étude.

Les 10 colonies d'AHB et les 10 colonies d'EHB sélectionnées ont alors été disposées endeux ruchers distincts, éloignés de 500 mètres. Il était nécessaire de séparer les ruchers afin delimiter l'infestation des colonies par suite de la dérive des butineuses (voir § 5.α). Pourlimiter le risque d'accidents liés à l'agressivité des AHB, celles-ci étaient gardées à l'abri d'unbois isolé du campus, en fait une ancienne pyramide Olmèque.

Les colonies ainsi sélectionnées étaient menées comme s'il s'agissait d'une exploitationapicole classique. Elles étaient visitées périodiquement, afin de déterminer leur état sanitaire et

• • ••• ••• •• •• ••• •• • ••

-2 -1.5 -1 -0.5 0 0.5 1 1.5 2 2.5

ColoniesEuropéennes

ColoniesAfricanisées

Colonies parfaitement hybrides

(-1.03) (-0.63) (-0.03) (0.47) (0.97) (1.47) (1.97) (2.47) (2.97) (3.47)

Chapitre deuxième : Analyse descriptive du triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique. 47

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maîtriser des problèmes du couvain, le cas échéant. Durant la floraison, des hausses étaient déposées sur les ruches, afinde récolter le miel en fin de floraison. Il est à noter que durant la saison des pluies, en août 1995, trois ruches AHB ontdéserté ; ce phénomène est classique avec les AHB et difficilement maîtrisable (voir § 2.ε). Ces colonies ont étéremplacées par des colonies semblables du point de vue du degré d'africanisation, de l'état général et de l'infestation parVarroa.

10 Dynamique des populations d'abeilles.

Les colonies ont été visitées tous les mois, afin de faire l'estimation la plus précise possible de la surface en couvainouvert, couvain operculé, miel et pollen. Plusieurs techniques ont été proposées pour arriver à une estimation trèsprécise de ces surfaces (Bühlman, 1992), mais requièrent toutes un temps de travail long, susceptible de perturber lescolonies, lorsque la mesure est fréquente, comme dans notre cas. Nous nous sommes donc limités à une estimationvisuelle des surfaces, sans doute moins précise, mais surtout moins laborieuse et moins perturbante. Un cadre mesure 41x 24 cm, et porte environ 4 000 cellules ; la surface occupée par les abeilles peut ainsi facilement être convertie ennombre de cellules. Précisons ici que le nombre de cellules de couvain de mâles est toujours resté très faible ; elles nesont donc pas prises en compte dans les analyses suivantes.

Le nombre d'abeilles est évalué à l'aide d'une règle quelque peu approximative. Bien que le ratio abeilles / cellule decouvain soit relativement fluctuant, plusieurs estimations donnent un ratio moyen de 1.2 (Winston et al., 1981). Lenombre de cellules de couvain multiplié par 1.2 donne donc une estimation du nombre d'abeilles.

Les AHB occupent en moyenne 23 686 ± 6342 cellules, soit en moyenne 28 423 abeilles par ruche. Ces valeurssubissent relativement peu de variations annuelles (voir tableau 2 et figure 24). Ces chiffres et leurs variations sontmodestes, en comparaison avec les colonies de climat tempéré, et relèvent sans doute d'une bonne adaptation au climattropical. La période de floraison, de février à juin, est assez marquée, tandis que d'autres floraisons peuvent intervenir àdes périodes aléatoires. De ce fait, en maintenant toujours du couvain, mais en modeste quantité, les abeilles s'assurentd'être prêtes pour débuter le butinage à la moindre floraison, tout en évitant de prendre le risque d'une forte mortalité ducouvain, en cas de longue période sans floraison. Le graphique montre nettement la période de récolte de nectar et depollen, qui se traduisent par un renforcement des colonies, de février à juin.

Les EHB occupent en moyenne 16575 ± 7319 cellules, soit en moyenne 19891 abeilles par ruche. A partir d'août,au lieu de s'affaiblir légèrement, comme les AHB, les EHB s'effondrent littéralement. En janvier, elles sont proches demourir, raison pour laquelle elles sont renforcées par l'introduction d'environ 10 000 cellules de couvain par ruche,couvain provenant de ruches peu infestées par Varroa. Nous verrons que cet affaiblissement est dû à Varroa. Pourl'analyse statistique, seuls 12 mois d'étude ont été considérés, puisque les six derniers moisreprésentent une répétition des six premiers mois. Pour les EHB comme pour les AHB, uneanalyse de variance à 3 dimensions montre que la sous-espèce d'abeille hôte et le moisd'échantillonnage influencent significativement le nombre de cellules occupées ; par contre,on ne retrouve pas d'effet des colonies (voir tableau 3).

Figure 24: nombre decellules occupées par lescolonies d'abeilles, aucours des 18 mois del'étude. La flèche indiquele renforcement descolonies EHB par environ10 000 cellules decouvain.

Floraison

0

10000

20000

30000

40000

A S O N D J F M A M J J A S O N D J0

10000

20000

30000

40000

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

PollenMielCouvain ouvertCouvain operculé

EHB AHB

Nombre de cellules par colonie :

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Tableau 2 : moyenne mensuelle, variance, coefficient de variation (CV = variance / moyenne),rapport de supériorité (Valeur AHB / Valeur EHB), du nombre de cellules occupées par les

abeilles, du taux d'infestation du couvain (intensité) et du nombre total de Varroa par colonie.

EHB AHB SupérioritéMoyenn

eVariance CV Moyenn

eVariance CV AHB / EHB

Nombre de cellules de :Couvain operculé 7 605 2 981 39.2 9 330 1 881 20.2 1.22Couvain ouvert 4 727 2 048 43.3 6 388 1 012 15.6 1.35

Miel 3 237 2 557 78.9 5 889 3 841 65.2 1.82Pollen 1 007 768 76.3 2 079 831 39.9 2.07Total 16 575 8 534 51.5 23 686 7 565 31.2 1.43

Taux infestation 27.8 12.9 46.4 11.6 5.4 46.5 0.42Nombre de Varroa 2 835 855 30.2 1 513 595 39.3 0.53

11. Dynamiquedes populations deVarroa.

Lors de la visite mensuelledes colonies, un échantillonde couvain d'ouvrières estprélevé afin d'évaluer lapopulation de Varroa ducouvain (VjC), et unéchantillon d'abeilles estprélevé afin d'évaluer lapopulation de Varroaphorétiques (VjP). De plus,la mortalité naturelle de la

population de Varroa est mesurée deux fois par semaine.

11 Population de Varroa du couvain (VjC).

Les échantillons, d'une surface de 20 cm2 environ, contiennent environ 250 cellules de couvain ; ils sont prélevésdans une zone de cadre contenant du couvain aussi près de l'émergence que possible. Dans certains cas, quelques coloniessont trop faibles pour fournir du couvain à ce stade, le nombre d'échantillons prélevés varie donc entre 8 et 10 par sous-espèce d'abeilles. Au laboratoire, 50 cellules de chaque échantillon sont ouvertes, afin de déterminer le pourcentage de cescellules infestées par Varroa, c'est à dire le taux d'infestation (intensité). Dans les cellules infestées, le nombre defondatrices infestantes est précisément déterminé. A cette fin, il est nécessaire de distinguer les fondatrices de leurs filles,ce qui pose problème lorsque les filles sont âgées de plus de 24 heures, et ont la même couleur que leur mère. Le critèreutilisé habituellement suppose que le nombre de filles adultes est égal au nombre de mues pupales déposées au fond de lacellule. Dans notre cas, les mues pupales sont souvent mêlées à celle de l'abeille, et leur comptage donne souvent desrésultats incohérents. Pour cette raison, nous avons eu recours à un autre critère : la sclérotisation très marquée de lacuticule des fondatrices à l'entour des coxa (premier segment des pattes). Chez les filles, même âgées de 48 heures, cettesclérotisation reste très faible, et prévient toute confusion.

Le taux d'infestation par Varroa fluctue au cours de l'année (voir tableau 2 et figure 25). Il diffère de façonsignificative en fonction de la sous-espèce d'abeilles hôtes et du mois d'échantillonnage, mais pas en fonction descolonies (voir tableau 3). Chez les EHB le taux d'infestation moyen du couvain est de 28%. Il est de 5% en août, etcroît très rapidement jusqu'en janvier, pour atteindre 50%. Aucune autre raison que l'infestation du couvain par Varroa

Tableau 3 : Comparaison du nombre total de cellules occupées par les abeilles, du taux d'infestation du couvain et de lapopulation totale des Varroa, pour une période de 12 mois. Pour ces trois facteurs, une analyse de variances à 3 dimensions

montre un effet significatif de la sous-espèce d'abeilles hôtes. Au sein de chaque sous-espèce d'abeille, une analyse de variance à2 dimensions montre un effet non-significatif des colonies et un effet significatif du mois d'échantillonnage.

Sous-espèced'abeilles

ANOVA 3 voies1 ddl

ColoniesANOVA 2 voies

9 ddl

Mois d'échantillonnageANOVA 2 voies

11 ddl

F p FEHB pEHB FAHB pAHB FEHB pEHB FAHB pAHB

Cellules occupées 10.28 <0.001 0.28 NS 1.16 NS 1.69 <0.05 1.43 <0.05Taux d'infestation 28.35 <0.001 0.29 NS 0.91 NS 2.24 <0.01 3.79 <0.001Nombre Varroa 19.24 <0.001 0.48 NS 0.99 NS 2.67 <0.01 4.12 <0.001

Chapitre deuxième : Analyse descriptive du triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique. 49

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n'a été détectée qui puisse expliquer la dégradation des colonies. Après le renforcement des colonies par du couvain sain,le taux d'infestation est ramené à 20%, puis se maintient stable jusqu'en août suivant. Dès ce moment-là, l'infestationaugmente de nouveau, sur le même modèle que l'année précédente.

Chez les AHB, le taux d'infestation moyen du couvain est de 11%. Alors qu'il estégalement de 5% en août, il suit le même modèle que chez les EHB, pour atteindre unmaximum de 20% en octobre. Puis, de novembre à février, apparaît un phénomènejamais décrit dans la littérature : la baisse du taux d'infestation au coursdu temps, pour atteindre une valeur de 8%, et se maintenir stable jusqu'en août.Comme chez les EHB, le modèle de la première année est alors répété, avec uneaugmentation puis une baisse du taux d'infestation.

Figure 25 : tauxd'infestation du couvainpar une, deux ou plusieursfondatrices Varroa(intensité parasitaire).La flèche indique lerenforcement des coloniesEHB par environ 10 000cellules de couvain noninfesté. Seul cerenforcement explique unediminution du tauxd'infestation chez lescolonies EHB.Un test χ2 indique si ladistribution desfondatrices au sein descadres, estsignificativementdifférente de ladistribution de Poisson :" (p<0.05),'" (p<0.01),''" (p<0.001).

Les variations de taux d'infestation pourraient toutefois ne refléter que des variations dansle nombre de cellules de couvain disponible. Afin d'éprouver cette hypothèse, la populationde Varroa du couvain (VjC) a été déterminée, en extrapolant à l'ensemble de la ruche le tauxd'infestation des 50 cellules de couvain examinées plus haut. Ce taux d'infestation, multipliépar le nombre de cellules de couvain operculé, donne le nombre de Varroa contenus dans lecouvain (voir figure 25). Les variations de VjC apparaissent suivre exactement lesvariations de taux d'infestation décrites ci-dessus, à une exception près. En janvier des deuxannées, en effet, il y a moins de 1000 cellules de couvain operculé chez les EHB, ce quientraîne une chute très importante dans la population de Varroa du couvain.

''''''

'''

''

''''''

''''''

' '''''' '' '''

'

'''

0

10

20

30

40

50

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

'''''' '''

'''''

0

10

20

30

40

50

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

EHB AHB

=1 =2 ≥3Nombre de fondatrices par cellule :

11 Population de Varroa phorétiques (VjP).

Afin de déterminer VjP, deux éléments sont nécessaires : le taux d'infestation des abeilles adultes, et le nombred'abeilles présentes dans la ruche. Pour déterminer le premier, un échantillon de 100 abeilles est prélevé en unemplacement aléatoire des ruches. Ces abeilles sont immergées dans l'alcool éthylique à 50% pendant plusieurs minutes,après quoi les Varroa sont séparés des abeilles et comptés. Le nombre d'abeilles de la ruche a été évalué à l'aide du ratio1.2 abeille / cellule de couvain décrit plus haut. Ce nombre, multiplié par le taux d'infestation des abeilles adultes,donne une estimation de VjP (voir figure 26).

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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0

1000

2000

3000

4000

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

Population totaleVarroa phoretiquesVarroa du couvain

0

1000

2000

3000

4000

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

EHB AHB

Figure 26 : estimation deVjC, VjP, et de lapopulation totale, ennombre d'individus parruche.La flèche indique lerenforcement des EHB.

Moyennes annuellesEHB AHB

Moyenne 2169 1217VjC

Variance 927 610

CV 42.7 50.1Moyenne 666 296

VjP

Variance 430 71

CV 64.6 23.9

Il apparaît une grande stabilité de VjP au cours du temps, chez les AHB (coefficient devariation : 23.9%). Chez les EHB, VjP varie plus nettement (CV : 64.6), et présente deuxpics, en janvier des deux années d'observation, c'est à dire lorsque les colonies sont presquedépourvues de couvain. Ceci indique qu'en janvier, les Varroa qui n'étaient pas dans le couvainsont devenus phorétiques.

Ces valeurs nous permettent de calculer la répartition des Varroa entre VjC et VjP (voirfigure 27). Pour les EHB comme pour les AHB, la proportion de Varroa phorétiques fluctueautour de 22%. A l'automne, alors que les populations s'accroissent, cette proportion estnettement plus basse, autour de 5 à 10%. Au printemps et en été, alors que les populationssont relativement stables, cette proportion est nettement plus élevée, autour de 30 à 40% (àl'exception de juin, où elle est particulièrement basse). Nous avons vu que la raison principalepour laquelle les femelles Varroa sont phorétiques durant une partie de leur cycle était de leurpermettre la dissémination vers d'autres ruches, par le biais du phénomène de dérive des

butineuses (voir § 4.δ). Il est intéressant de remarquer ici que le maximum de phorésie serencontre à l'époque où les ruches sont le plus fournies en couvain, c'est à dire à la meilleureépoque pour la colonisation de nouvelles colonies. Nous pouvons alors émettre l'hypothèseque les femelles Varroa sont soumises à un compromis* (trade off* ) entre la phorésie, dansun but de dissémination, et l'infestation du couvain, dans un but de reproduction. Ceci sous-entend qu'une balance existe entre l'attractivité des abeilles et celle du couvain ; ces facteursseront discutés plus loin (voir § 16).

Figure 27 : pourcentage deVarroa phorétiques parrapport à la populationtotale (VjP / VjT).

Moyenne annuelleEHB AHB

Moyenne

20.2 22.9

Variance 17.3 10.0CV 85.4 43.7 11 Population totale.

Dans les colonies EHB, la population moyenne estde 2 835 Varroa, pour une population moyenne de19 891 abeilles, soit un ratio Varroa / abeille de 14.2% ; dans les colonies AHB la population moyenne estde 1 513 Varroa pour 28 423 abeilles, soit un ratio de5.3 %. Cette population varie de façon significative enfonction de la sous-espèce d'abeilles hôtes, mais pas enfonction des colonies ni des mois d'échantillonnage(voir tableau 3). Alors que la population de Varroa desEHB n'est limitée dans sa croissance que par ledépérissement des colonies, il apparaît que la populationde Varroa des AHB est maintenue pour une raisoninconnue à un seuil inférieur à 2 500 Varroa. Une tellepopulation n'est toutefois pas négligeable, et ce seuil

0

20

40

60

80

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

AHBEHB

Floraison

Chapitre deuxième : Analyse descriptive du triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique. 51

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est supérieur aux seuils rencontrés dans les cas de tolérance d'Apis cerana et d'Apis mellifera au Brésil et en Papouasie,mais la population rencontrée chez les AHB n'atteint jamais un niveau susceptible de causer des dommages graves auxcolonies.

Ces données permettent de répondre à la première question posée en introduction : au Mexique aussi, lesabeilles africanisées sont tolérantes à Varroa. L'analyse de la dynamique des populations de Varroa procurerades éléments susceptibles d'orienter la recherche des raisons de cette tolérance dans la troisième partie.

11 Mortalité naturelle.

Des lames d'aluminium graissées étant posées au fond des ruches, tous les déchets de la ruche se collent sur ceslames, y compris les fondatrices Varroa mortes. Une grille placée devant l'entrée des ruches limite le nettoyage de ceslames par les abeilles. Deux fois par semaine, le nombre de fondatrices Varroa mortes est ainsi déterminé (voirfigure 28). Ces fondatrices proviennent d'une part de la mortalité sénile, et d'autre part de l'activité de nettoyage ducouvain par les abeilles.

La mortalité absolue* , c'est à dire le nombre de Varroa morts, suit approximativement la population totale desruches en Varroa. Afin de déterminer la mortalité relative* , c'est à dire le nombre de morts rapporté à la populationtotale, une corrélation simple a été recherchée entre d'une part la mortalité hebdomadaire absolue (M), et d'autre part lapopulation totale de Varroa (VjT) :

EHB : M = 0.064 VjT + 103.6 (r2 = 0.29 ; υ = 71 ; t0.05 = 1.62 ; p > 0.05)

AHB : M = 0.087 VjT + 62.1 (r2 = 0.48 ; υ = 71 ; t0.05 = 1.86 ; p > 0.05)

Aucun des coefficients de corrélation de ces régressions simples n'est significatif. Il est dès lors opportun derechercher une corrélation multiple entre d'une part la mortalité hebdomadaire absolue (M), et d'autre part la populationde Varroa du couvain (VjC) et la population de Varroa phorétiques (VjP) :

EHB : M = 0.063 VjP + 0.085 VjC

(r2 = 0.82 ; υ1 = 1 ; υ2 = 71 ; F0.05 = 323 ; p < 0.001)

AHB : M = 0.069 VjP + 0.124 VjC

(r2 = 0.94 ; υ1 = 1 ; υ2 = 71 ; F0.05 = 1112 ; p < 0.001) Figure 28 : mortalitéhebdomadaire absolue deVarroa (moyenne sur 10ruches). La mortalitéabsolue estimée, figuréeen trait pointillé, estdéterminée d'après lescoefficients de mortalitérelative de VjP (6%) et deVjC (pourcentagevariable, indiqué sur lesfigures).

Le coefficient de corrélation pour les Varroa des AHB étant élevé, l'on considère pourla suite que la mortalité relative de Varroa dans les colonies AHB est la somme de 6% deVjP et 14% de VjC. Pour les Varroa des EHB, la mortalité relative est la somme de 6% deVjP et d'une proportion variable de VjC. Il apparaît en effet qu'aucune proportion fixe deVjP ne permet d'estimer la mortalité avec fiabilité ; des approches successives montrentque deux périodes doivent être distinguées : entre février et octobre, c'est à dire lorsque les

0

100

200

300

400

500

Mortalité estiméeMortalité mesurée

0

100

200

300

400

500

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

7%

14%

7%

14%

EHB14%

AHB

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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colonies EHB sont fortes, cette proportion est de 7% de VjC ; entre novembre et janvier, c'est à dire lorsque les coloniessoufrent d'une forte infestation du couvain, cette proportion est de 14% de VjC (voir figure 28).

La mortalité relative (nombre de morts rapporté à la population totale) des Varroa phorétiques est donc fixe au coursdu temps et des sous-espèces. La mortalité relative des Varroa du couvain, lorsque les colonies sont saines et sont peuaffectées par la présence de Varroa est de 7% chez les EHB et 14% chez les AHB. La mortalité relative desVarroa est donc plus élevée dans le couvain d'AHB que dans le couvain d'EHB.

Il est difficile de préciser si cela doit être attribué à des problèmes alimentaires de Varroa qui entraînent une mortalitéà l'intérieur même des cellules, à une mortalité importante du couvain, etc. Enfin, la mortalité affectant VjC dans lescolonies EHB est élevée lorsque le taux d'infestation est élevé ; il est impossible d'attribuer ceci à la mauvaise conditiondu couvain résultant de la forte infestation, à une mortalité élevée de ce couvain, etc. Ces points seront approfondis dansla troisième partie de ce mémoire.

12. Populations de Varroa : calcul de r et K.

Pour chaque population de Varroa, nous déterminons le taux d'accroissement mensuel (Ro = VjT au mois M+1 / VjT aumois M). Les variations de Ro semblent suivre celles du taux d'infestation (voir figure 29). Un graphique est doncdéterminé, qui porte en abscisse le taux d'infestation du couvain, et en ordonnée le taux d'accroissement mensueld'accroissement naturel (voir figure 30). Un tel graphique permet le calcul d'une droite de régression caractérisant chaquepopulation de Varroa. Ces droites permettent elles-mêmes la détermination graphique des deux paramètres caractérisant la

dynamique de chaque population : l'ordonnée à l'origine est le taux intrinsèque d'accroissementnaturel* (r) et l'abscisse à l'origine est la capacité limite* (K) (Begon et al., 1996).Figure 29 : variations du

taux mensueld'accroissement naturel(Ro) des populationstotales de Varroa (VjT).

Le taux d'infestation du couvain a été utilisé préférentiellement au nombre absolu de Varroa.En effet, la colonie d'abeilles présente des variations, et de ce fait, c'est la densité de Varroa quiaffecte les colonies, plus que le nombre absolu de Varroa. D'après cette figure, nous

recherchons une équation de régression simple du tauxd'accroissement mensuel (Ro) en fonction du tauxd'infestation du couvain (TIC : pourcentage de cellulesinfestées) :

-0.4

0

0.4

0.8

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

AHBEHB

RoEHB = -0.015 . TICEHB + 0.512 (r2 = 0.55 ; υ =17 ; t0.05 = 2.57 ; p < 0.05)

D'où l'on déduit que rEHB = 0.51 et KEHB = 34.13%

RoAHB = -0.029 . TICAHB + 0.433 (r2 = 0.53 ; υ =17 ; t0.05 = 2.26 ; p < 0.05)

D'où l'on déduit que rAHB = 0.43 et KAHB = 14.93%

Le taux intrinsèque d'accroissement naturel r représente lacapacité potentielle de croissance offerte au parasite, par le

milieu sain. Il apparaît ici que les populations de Varroa portées par deux sous-espèces d'abeilles hôtes considérées,présentent des taux intrinsèques d'accroissement naturel voisins et non statistiquement différents (υ1 = 1 ; υ2 = 15 ; F0.05

= 4.07 ; p > 0.05). La croissance initiale de la population de Varroa n'est donc pas affectée par la sous-espèce de l'hôte ;le facteur responsable de la tolérance n'applique pas une pression constante sur la population des Varroa.

Chapitre deuxième : Analyse descriptive du triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique. 53

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Dans un milieu parfaitement sain et non parasité, la densité parasitaire peut donc s'accroître mensuellement au taux r.Cependant, plus la densité de la population est importante, plus la croissance de cette population est limitée. A unedensité d'infestation correspondant à la capacité limite K, la densité ne s'accroît plus mais ne décroît pas encore. A unedensité supérieure, la diminution des ressources entraîne une compétition intraspécifique, et la densité de la populationtend alors à décroître.

La capacité limite des populations de Varroa chez les EHB se trouve ici à une densité d'infestation d'environ 34% ducouvain. Ce résultat traduit eneffet l'ampleur à laquelle lescolonies sont affectées par untaux d'infestation supérieur à30% ; il est probable que cetteaffectation des colonies affectealors à son tour la croissancede la population de Varroa.

-0.4

-0.2

0

0.2

0.4

0.6

0.8

Taux mensuel d'accroissement net

0 10 20 30 40 50

Taux d'infestation du couvain (en %)

EHBAHB

Dans les colonies AHB, lacapacité limite n'est que de15% d'infestation du couvain,soit moins de la moitié de lavaleur déterminée chez lesEHB. Ces deux valeurs sontsignificativement différentes(υ1 = 1 ; υ2 = 15 ; F0.05 = 9.13; p < 0.01). Pourtant, il estclair qu'entre les mois d'août etoctobre, le taux d'infestationcroît selon le même modèle Figure 30 : représentation

du taux d'accroissementmensuel (Ro) en fonctiondu taux d'infestation ducouvain (TIC), permettantde déterminer lesparamètres r (ordonnée àl'origine) et K (abscisse àl'origine).

chez les AHB que chez les EHB ; c'est lorsque ce taux atteint 20% qu'un seuil semble êtredépassé, ce qui enclenche un mécanisme de régulation de ce taux (voir figure 25). Puisque lesAHB ne semblent pas être affectées de façon évidente par la croissance de la population deVarroa, il doit exister un autre facteur limitant la croissance de ces populations. Plusclairement, ces données montrent la capacité des AHB à manipuler la capacité limite despopulations de Varroa qu'elles hébergent. Ce facteur limitant affecte K, mais pas r ; l'on peutdonc affirmer ici que le facteur responsable de la tolérance des AHB est denature densité-dépendante.

13. Examen de la descendance Varroa.

Une description de la dynamique des populations de Varroa ne saurait se passer d'une analyse précise de la descendance desfondatrices. Une telle analyse permettra de vérifier si la tolérance des AHB est imputable à l'infertilité de toutes ou partiedes fondatrices, comme chez Apis cerana ou Apis mellifera au Brésil et en Papouasie.

Lors de l'examen mensuel des échantillons de couvain, tous les stades de Varroa étaient soigneusement récoltés. Lacollecte des œufs est le point crucial de cette opération, car, du fait de leur petite taille et de leur couleur blanchetranslucide, ils se confondent facilement avec la nymphe d'abeille. Il est souvent signalé dans la littérature que le premierœuf pondu est difficilement détectable, du fait qu'il se trouve juste sous l'opercule ; examinant des cellules aussi prochesque possible de l'émergence des abeilles, le premier œuf est déjà éclos dans la plupart des cas, ce qui nous évite ceproblème. Le stade de développement de tous les membres de la descendance Varroa prélevés est identifié d'après lamorphologie des individus (voir § 4.β).

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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Dans l'objectif de comparer la descendance Varroa dans les différentes cellules, des différentes colonies et desdifférentes sous-espèces d'abeilles hôtes, il est nécessaire d'estimer l'état de développement de la descendance àl'émergence de l'abeille. Le terme "potentiel" signifie que la détermination n'est qu'un calcul théorique, puisquel'ouverture de la cellule arrête évidemment le développement de l'abeille et prévient toute émergence future ! Le mâleVarroa est normalement au stade deutonymphe ou adulte, au moment où la cellule est ouverte ; à ce stade, il sedistingue aisément du reste de la descendance. Si un seul mâle est présent, on considère qu'il aurait eu la possibilité deféconder les femelles adultes avant l'émergence de l'abeille.

D'après une chronologie récentede l'ontogenèse de Varroa (Martin,1994 ; voir § 4.β), des règles sontdéterminées afin de prédire le nombrede filles adultes à l'émergencevirtuelle. Selon le stade dedéveloppement de l'abeille, unedeutonymphe Varroa peut avoir oune pas avoir le temps d'atteindre lestade adulte avant l'émergence del'abeille. Nous considérons fertile ladescendance des cellules contenant unmâle, et stérile la descendance descellules sans mâles.

Tableau 4 : règles de détermination du nombre de filles Varroa adultes à l'émergencevirtuelle de l'abeille. Par exemple, dans une cellule contenant une nymphe d'abeille au

stade de développement "fourreaux alaires gris", le nombre de filles adultes àl'émergence virtuelle est : [toutes les filles adultes + toutes les deutonymphes avec un

maximum de 2 + aucune protonymphe + aucun œuf].

Stade de développement Stade de développement des descendants Varroade l'abeille Filles adultes Deutonymphes Protonymphes Œufs

Abeille émergente Toutes 0 0 0Thorax gris Toutes Toutes ; max =

10 0

Fourreaux gris Toutes Toutes ; max =2

0 0

Thorax jaune Toutes Toutes ; max =3

0 0

Yeux noirs Toutes Toutes Toutes ; max =2

0

Durant les dix-huit mois del'étude et dans les 20 ruches étudiées(EHB et AHB), 16 210 cellules decouvain ont été ainsi ouvertes sousla loupe binoculaire, dont 2 898cellules infestées par Varroa. Moispar mois, la descendance virtuelle à

l'émergence est déterminée pour toutes les cellules infestées, et la moyenne est calculéepour l'ensemble des cellules (voir figure 31). Ces cellules étant ouvertes peu avantl'émergence, l'erreur commise lors de ce calcul reste faible. Il apparaît que la descendance,est relativement constante au cours du temps, ce que confirment des analyses de variances :la variance rencontrée ne dépend ni de la colonie, ni du mois d'échantillonnage, ni de lasous-espèce hôte (voir tableau 5). En bref, toutes les fondatrices produisent la mêmedescendance, selon la même chronologie.

Figure 31 : calcul mensuel dela composition de ladescendance Varroa àl'émergence virtuelle del'abeille (moyennes parfondatrices rencontrées).

Moyennes annuelles :EHB AHB

Mâle 0.82 0.85Femelle fertile 1.26 1.35

Femelleinfertile

0.05 0.04

Immature 1.24 1.19

0

1

2

3

4

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

ImmatureFemelle infertileFemelle fertileMâle

0

1

2

3

4

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

EHB AHB

Chapitre deuxième : Analyse descriptive du triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique. 55

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Tableau 5 : Comparaison du nombre de descendants de quatre classes à l'émergence virtuelle et des trois types de fertilité. Pources sept facteurs, une analyse de variances à 3 dimensions montre un effet non-significatif de la sous-espèce d'abeilles hôtes,

des colonies et du mois d'échantillonnage.

Sous-espèce d'abeillesANOVA 3 voies

1 df

ColoniesANOVA 3 voies

19 df

Mois d'échantillonnageANOVA 3 voies

11 df

F p F p F p

Mâles 1.65 NS 0.09 NS 0.93 NSFemelles fertiles 0.41 NS 0.07 NS 1.38 NS

Femelles infertiles 1.46 NS 0.13 NS 2.14 NSFemelles immatures 1.98 NS 0.17 NS 1.95 NS

Avec descendance 2.39 NS 0.04 NS 2.50 NSAvec descendance mâle 2.35 NS 0.04 NS 1.47 NS

Avec descendance adulte des 2 sexes 3.11 NS 0.07 NS 1.55 NS

Figure 33 : fréquence decellules infestées par 1, 2ou au moins 3 fondatricespar cellule.

Nombre de cellulesexaminées (selon lenombre de fondatrices parcellule) :

EHB AHB1 1548 7662 365 122

≥ 3 78 19

Afin de comparer nos résultats avec ceux des AHB au Brésil, il nous faut maintenant calculer le taux de fertilité desfondatrices. Une étude de synthèse a montré que la fertilité pouvaient être considérée de plusieurs manières différentes(Fries et al., 1994). Une fondatrice peut être considérée comme fertile : 1) dès lors qu'elle pond un œuf, que celui-ci aitou non le temps d'arriver à maturité avant l'émergence, que la descendance contienne des descendants des deux sexes ounon ; 2) dès lors qu'elle engendre une descendance mâle ; 3) dès lors qu'elle engendre une descendance des deux sexes,suffisamment tôt pour que celle-ci puisse atteindre la maturité avant l'émergence de l'abeille.

Considérons donc ces trois paramètres et leurs variations (voir figure 32). Le taux de fertilité, quelle que soit ladéfinition considérée, montre très peu de variations au cours du temps. L'analyse statistique montre effectivement que lavariance affectant le taux de variation ne reflète ni l'effet des colonies, ni l'effet du mois d'échantillonnage, ni l'effet de lasous-espèce hôte (voir tableau 5). Quelle que soit la sous-espèce d'abeilles considérée, le taux de fertilité des fondatricesest toujours compris entre 62% et 86%, la moyenne étant de 77.6%. Cette moyenne est comparable au taux de fertilitéde 76% de Varroa chez les EHB du Brésil. Il n'est par contre pas du tout comparable au taux de 43% chez les AHB duBrésil. Ceci signifie que, au contraire du Brésil, la tolérance des AHB au Mexiquen'est pas attribuable à l'infertilité des fondatrices. Figure 32: évolutions

temporelles du taux defertilité des fondatrices,selon les 3 définitionsconsidérées (voir texte).

40

60

80

100

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

descendance mature des deux sexes

descendance mâle

descendance de tous types

40

60

80

100

A S O N D J F M A M J J A S O N D J

EHB AHB

Pourcentage de fondatrices (en proportion de l'ensemble des fondatrices considérées) avec :

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14. Stratégie reproductive.

La détermination du taux d'infestation du couvain a permis de déterminer, mois par mois, que les fondatrices dans lescadres de couvain n'était pas toujours distribuées de manière homogène, c'est à dire conforme à la loi binômiale négative(voir figure 25). Chez les EHB, la distribution n'était pas conforme à la loi de Poisson pour 15 des 18 moisd'échantillonnage. Chez les AHB, elle n'était pas conforme pour seulement 5 des 18 mois d'échantillonnage. Une étudedes fréquences d'infestation (voir figure 33) montre que la différence entre EHB et AHB est hautement significative (χ2 =

31.8 ; p < 0.01).

La non homogénéité de la distribution a souvent été rapportée, et nosrésultats ne sont pas nouveaux dans ce sens. Par contre, la fréquence plusgrande de la distribution agrégée des fondatrices dans le couvain d'EHB quedans le couvain d'AHB demande à être interprétée.

0

0.25

0.5

0.75

1

1 2 3

AHB

EHB

Afin de préciser une telle interprétation, les données sont représentées sousune autre forme ; pour chaque échantillon considéré, les proportions decellules infestées par 1, 2 ou au moins 3 fondatrices sont placées sur ungraphique dont l'abscisse est le taux d'infestation de l'échantillon (voir figures25 et 34). Il apparaît sur ce graphique que, lorsque le taux d'infestation estbas, la distribution est conforme aux prédictions de la de Poisson ; c'est le casde la majorité des échantillons de couvain d'AHB. Par contre, si le tauxd'infestation est élevé, alors la distribution dévie des prédictions de manière

significative et de plus en plus forte ; c'est le cas de la majorité des échantillons de couvain d'EHB. Là encore, ladistribution est plus souvent agrégative chez les EHB que chez les AHB.

Il peut tout d'abord s'agir de la conséquence d'un phénomène purement mathématique. Lecoefficient de la loi de Poisson est en effet très lié à la moyenne, et augmente avecl'intensité parasitaire (Scherrer, 1984). Il est alors possible que le taux d'infestationgénéralement élevé du couvain d'EHB entraîne une distribution plus souvent agrégative.

Figure 34 : tauxd'infestation partiel ducouvain (par 1, 2 ou aumoins 3 fondatrices) enfonction du tauxd'infestation global del'échantillon de couvainconsidéré.Les courbes indiquent lesprédictions théoriques dela loi de Poisson.

Une autre hypothèse suppose un artéfact d'échantillonnage, c'est à dire le prélèvementd'échantillons présentant chacun une distribution aléatoire, mais d'intensité parasitairedifférente. L'étude de la distribution globale peut alors faire conclure à une distribution

0

5

10

15

20

25

30 Taux d'infestation partiel

0 10 20 30 40 50

Taux d'infestation global

Pois3Pois2Pois1

2 (EHB) ≥3 (EHB)

1 (AHB)

1 (EHB)

2 (AHB) ≥3 (AHB)

Chapitre deuxième : Analyse descriptive du triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique. 57

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agrégée (Martin, 1995, voir § 1.ζ).

Une dernière hypothèse, enfin, est que la différence dans la distribution se doit à une attractivité plus grande, ou pourle moins différente du couvain d'EHB. Dès lors surgit une question : quel mécanisme explique l'agrégation desfondatrices ? Cette question porte un intérêt appliqué et sera envisagée dans la troisième partie de ce mémoire.

Cette dernière hypothèse laisse supposer que l'agrégation pourrait en fait constituer un avantage pour les fondatrices.Ne disposant pas des éléments nous permettant de déterminer laquelle de ces trois hypothèses permet d'expliquer ladifférence de distribution entre les deux types de couvain, il est finalement intéressant d'examiner l'impact de la fertilitésur le succès reproducteur des fondatrices Varroa.

14 Agrégation et fertilité.

Pour la suite des analyses, et puisque l'analyse statistique n'a montré aucune différence significative dans l'évolutiontemporelle et spécifique de la descendance Varroa, les données collectées chez les Varroa des EHB ou chez les Varroa desAHB sont confondues. En reprenant les résultats des 2898 cellules observées précédemment, nous calculons à nouveaule taux de fertilité, mais en distinguant les cellules infestées pardifférents nombres de fondatrices. Nous avons donc des cellulesinfestées par une fondatrice (2314 cellules), deux (487 cellules),trois (81 cellules), quatre (13 cellules) ou cinq ou plus defondatrices par cellules (3 cellules). Les trois taux de fertilité sontdéterminés (voir figure 34).

70

80

90

100

1 2 3 4 ≥5

Nombre fondatrices / cellule

Avec descendance fertile

Avec descendance mâleAvec descendance

2314

487 8113 3

Pourcentage descellules considérées

La proportion de cellules contenant des fondatrices engendrantune descendance fertile, est de 74.6% dans les cellulesmonoinfestées. S'il y a plusieurs fondatrices, le taux de fertilitéaugmente considérablement, à 93.3%, puis 94.0%, 98.7% et enfin100%. Ceci tend à faire conclure que le succès reproducteuraugmente dès lors que les fondatrices s'agrègent dans le couvain,donc que l'agrégation est un avantage pour les fondatrices, ce qui vadans le sens des conclusions récentes (Donzé et al., 1996). Nousverrons plus loin que cette tendance doit en fait être largementmodérée.

Par ailleurs, ces valeurs nous permettent de tester leshypothèses selon lesquelles l'infertilité des fondatrices est due : 1) àl'état des fondatrices entrant dans les cellules ; 2) à l'état des

Figure 35 : évolution dutaux de fertilité, selon lestrois définitionsconsidérées, en fonctiondu nombre de fondatricespar cellule.

cellules elles-mêmes (Fuchs, 1994 ; voir § 5.ε) . Si l'on pose que I1 est le taux d'infertilitéparmi les cellules infestées par une seule fondatrice, I2 le taux d'infertilité parmi les cellulesinfestées par deux fondatrices (etc.), l'on trouvera I2 = I1

2 dans le cas de l'hypothèse 1, mais I2 =

Tableau 6 : proportion de cellules contenant des fondatrices infertiles, selon le nombre de fondatrices présentes. Testdes hypothèses d'infertilité des fondatrices due : 1) à l'état des fondatrices entrant dans les cellules ; 2) à l'état des

cellules.Selon Fuchs (1994), l'infertilité est liée à l'état des fondatrices entrant dans les cellules plus qu'à l'état des cellules

elles-mêmes, puisque I2 se rapproche plus de I12 que de I1 ; I3 se rapproche plus de I1

3 que de I1 ; etc.

Nombre de fon- Nombre de Taux de fertilité Taux prédit Taux observédatrices / cellule cellules (% des cellules) Hypothèse 1 Hypothèse 2

1 2314 74.6% I1 = 0.254 I1 = 0.254 I1 = 0.254

2 487 93.3% I2 = I12 = 0.065 I2 = I1 = 0.254 I2 = I1

1.97 = 0.067

3 81 94.0% I3 = I13 = 0.016 I3 = I1 = 0.254 I3 = I1

2.05 = 0.060

4 13 98.7% I4 = I14 = 0.004 I4 = I1 = 0.254 I4 = I1

3.16 = 0.013

5 3 100.0% I5 = I15 = 0.001 I5 = I1 = 0.254 I5 = I1

... . . . = 0.000Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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I1 dans le cas de l'hypothèse 2 (voir tableau 6). L'examen des données montre que l'on se situe, comme dans le travail deFuchs, dans une situation intermédiaire entre les deux hypothèses. Il se confirme donc que l'infertilité des fondatrices estliée à leur propre état, et non à l'état des cellules où elles entrent.

14 Agrégation et descendance.

Après avoir évalué la fertilité des fondatrices, il est opportun de connaître la quantité et la qualité des descendants(comme figure 31), mais en distinguant cette fois-ci le nombre de fondatrices par cellules (voir figure 36 - gauche). Lenombre de filles fertiles diminue de façon importante lorsque le nombre de fondatrices augmente, ce qui est cohérent avec

l'augmentation de la fertilité. Le nombre de filles immatures, par contre, reste à peu prèsconstant. Enfin, le nombre de filles fertiles diminue de façon considérable : si lafondatrice est seule, elle engendre 1.29 filles fertiles, puis 0.95 (2 fondatrices), 0.62 (3fondatrices), 0.25 (4 fondatrices), 0.18 (5 fondatrices) filles fertiles.

Figure 37 : nombre de fillesfertiles par fondatrice, enfonction du nombre defondatrices par cellule.Régression simple :- à 12 jours : r2 = 0.97υ = 3 ; t0.05 = 15.7 ; p <0.001- à 14 jours : r2 = 0.94υ = 3 ; t0.05 = 13.4; p <0.001

Ces données amènent à moduler la conclusion formulée précédemment, selon laquellel'agrégation (ou plus exactement un nombre maximal de fondatrices par cellules) étaitavantageuse pour augmenter le succès reproducteur des fondatrices. L'agrégation permet eneffet aux fondatrices de diminuer le nombre de filles infertiles, mais elle fait aussi et

surtout chuter le nombre de filles fertiles de manièrehautement significative (voir figure 37). Nous pouvons doncconclure que le nombre des fondatrices diminue

0

0.5

1

1.5

2

1 2 3 4 5

12 jours14 jours

fortement leur succès reproducteur* (fitness* ).

Nous avons vu que l'haplodiploïdie était une adaptationdes espèces dont les fondatrices étaient fréquemmentconfrontées à la reproduction en milieu fermé, c'est à direavec obligation d'accouplement avec un mâle apparenté (voir§ 3.β). Les espèces haplodiploïdes souffrent moins de ladépression de consanguinité que les espèces diploïdes, etpeuvent donc mieux occuper des niches écologiquesimpliquant des risques de consanguinité. Cependant,l'accumulation de gènes délétères peut devenir néfaste à unepopulation, nécessitant ainsi un tout petit niveaud'outbreeding (Werren, 1993). Seule cette nécessité

d'outbreeding peut encore justifier l'agrégation des fondatrices. Et en effet, les fondatrices se reproduisent isolément dansles trois quarts des cas (2 314 cas sur 2 898 cellules infestées observées), et s'agrègent dans seulement un quart des cas(584 cas sur 2 898).

Là encore, les fondatrices se trouveraient donc dans une situation de compromis* (trade off* ), au sein de laquelleelles devraient choisir entre : 1) se reproduire seules la majeure partie du temps (trois fois sur quatre, ici), favorisantainsi leur fitness ; 2) s'agréger de temps à autres (une fois sur quatre, ici), favorisant ainsi l'outbreeding, donc sacrifiantleur fitness propre, mais favorisant la fitness de leur descendance.

14 Descendance immature.

L'examen de la descendance a révélé que les fondatrices engendraient en moyenne 1.22 filles fertiles, 0.05 fillesinfertiles et 1.30 filles immatures à l'émergence virtuelle. Sachant que le potentiel de ponte de chaque fondatrice estlimité (voir § 4.β), il semble surprenant qu'un nombre aussi élevé de descendants immatures soit engendrés. D'un pointde vue évolutif, ceci apparaît même comme un non-sens, pour deux raisons. D'une part, la fondatrice semble gaspillerun potentiel reproducteur limité, à des fins inutiles. D'autre part, dans une perspective de développement à long terme duparasite, il lui est important de maximiser le nombre de descendants "utiles" tout en minimisant la charge parasitairepour la larve d'abeille (donc le nombre de descendants "inutiles", dangereux pour la survie du couple hôte / parasite).

Chapitre deuxième : Analyse descriptive du triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique. 59

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L'estimation de la descendance à l'émergence estalors refaite, en simulant une durée d'operculation de 14jours, comme chez le couvain mâle d'Apis cerana, siteoriginel de reproduction de Varroa. A cette fin, denouvelles règles sont établies à partir des paramètrespermettant la détermination de la nature de ladescendance à l'émergence virtuelle (voir tableau 7). Lenombre de filles infertiles est alors très peu changé,tandis que le nombre de filles immatures est réduit d'untiers en moyenne (figure 36 - droite). Par contre, lenombre de filles fertiles est nettement supérieur lors dela reproduction dans un temps d'operculation de 14jours, en comparaison à un temps de 12 jours ; cettedifférence est très hautement significative (n = 3 ; υ1 =1 ; υ2 = 15 ; F0.05 = 18.13 ; p < 0.05). Dans les cellulesmono-infestées, le nombre de filles immatures par

0

1

2

3

4

1 2 3 4 ≥5 1 2 3 4 ≥5Nombre de fondatrices par cellules

ImmatureInfertileFertileMâle

12 jours 14 jours

Figure 36 : nombre dedescendants parfondatrice, à l'émergencevirtuelle de l'abeille,selon le nombre defondatrices par cellules.Deux duréesd'operculation sontconsidérées : la duréeréelle, de 12 jours ; unedurée simulée, de 14 jours.

fondatrice est ramené de 1.29 à 0.44, ce qui semble plus en accord avec des règles limitantl'investissement parental à la descendance susceptible d'atteindre la maturité avant l'émergencede l'abeille. Dès lors, nous pouvons émettre l'hypothèse que les fondatrices Varroa nesont pas encore adaptées à se développer dans un temps d'operculationramené de 14 jours (hôte originel : Apis cerana) à 12 jours (hôte actuel : Apismellifera).

De manière plus synthétique, quels que soient le temps d'operculation et le nombre defondatrices par cellule, il y a très peu de variation du nombre de mâles dans la descendance, ce qui peut s'expliquer par lefait que la présence d'au moins un mâle dans la descendance est un point crucial, et il serait risqué de fonder une stratégied'économie de l'investissement parental sur ce point. Il semble donc que la stratégie en vigueur soit la même que chez laplupart des espèces haplodiploïdes, c'est à dire, dans un premier temps, pondre un oeuf haploïde, puis dans un secondtemps, pondre 4 à 5 oeufs diploïdes. Cette stratégie à été développée dans une situation où la durée d'operculation était de14 jours d'operculation (larve de 200 mg, soit le double d'une larve d'ouvrière), mais elle n'est absolument pasplastique. Malgré 500 à 1 000 générations de Varroa sur son nouvel hôte, cette rigidité est clairement apparente etentraîne deux conséquences :

- Varroa ne s'est pas adapté à un temps d'operculation réduit de 14 jours (Apis cerana) à 12 jours (Apis mellifera).Les fondatrices continuent de pondre selon la même chronologie que dans leur milieu originel. Une grande partie de ladescendance n'a donc pas le temps d'arriver à maturité.

- Varroa ne s'est pas non plus adapté à un développement sur une larve dont le poids est passé de 200 mg (mâle) à100 mg (ouvrière). Le nombre d'oeufs pondus (donc la charge parasitaire) reste le même que dans la situation originelle.Ce n'est pas un problème quand la fondatrice est seule, mais plus le nombre de fondatrices par cellule est élevé, plus il ya gêne entre fondatrices ou compétition entre protonymphes et deutonymphes de Varroa, ce qui entraîne une maturationtardive de la descendance. Là encore, une grande partie de la descendance n'a donc pas le temps d'arriver à maturité.

Tableau 7 : règles de détermination du nombre de filles Varroa adultes à l'émergence virtuelle de l'abeille,pour un temps d'operculation simulé de 14 jours (d'après Martin, 1994).

Stade de développement Stade de développement des descendants Varroade l'abeille Filles

adultesDeutonymphes Protonymphes Œufs

Abeille émergente Toutes Toutes ; max =2

0 0

Thorax gris Toutes Toutes ; max =3

Toutes ; max = 1 0

Fourreaux gris Toutes Toutes Toutes ; max = 2 Toutes ; max =1

Thorax jaune Toutes Toutes Toutes Toutes ; max =2

Yeux noirs Toutes Toutes Toutes Toutes ; max =

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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14 Varroa et la LMC.

Nous avons vu que l'haplodiploïdie permettait aux fondatrices de déterminer la sex ratio de leur descendance (voir §3.β). Dans les milieux où la reproduction a lieu entre partenaires apparentés, ce mode reproducteur a permis ledéveloppement de stratégies reproductives, par sélection précise de la sex ratio de la descendance. La théorie de la"compétition locale pour l'accouplement" (local mate compétition ou LMC ; Hamilton, 1967), suppose qu'unefondatrice seule dans un milieu fermé n'engendrera dans sa descendance que le nombre de mâles minimum pour féconderl'ensemble des femelles produites ; la sex ratio sera alors fortement biaisée. Plus le nombre de fondatrices sera élevé,plus la sex ratio tendra vers l'équilibre de 0.5 ; si n est le nombre de fondatrices par cellules, la proportion optimale demâles dans la descendance est (n-1)/2n.

Dans le cas de Varroa, pour un temps d'operculation de 12 jours, la sex ratio de la descendance Varroa produiteapparaît être de 0.39 dans le cas d'une mono-infestation, puis croît avec le nombre de fondatrices par cellule, pouratteindre 0.69 (voir figure 38). Ceci montre une proportion de mâles très au-delà des prédictions de Hamilton ; l'onpourrait concevoir en effet que la sex ratio soit atteinte plus rapidement que ce qui est prévu par la théorie, mais il estdifficilement explicable qu'elle dépasse le seuil de 0.5.

Pour un temps d'operculation simulé de 14 jours, la sex ratio est de 0.30 dans le cas d'une mono-infestation ;lorsque le nombre de fondatrices par cellules croît, la sex ratio croît, puis se stabilise autour de l'équilibre de 0.5. Il estintéressant de remarquer que, s'il ne s'agit pas d'un artéfact d'échantillonnage, la sex ratio de Varroa suit uneévolution parallèle à celle prédite par la théorie de la LMC. Cependant, cette théorie a été décrite pour desespèces où le nombre de descendants par fondatrice était élevé, alors qu'une fondatrice engendre au maximum 6descendants ; il est dès lors impossible, pour une si petite population, d'obtenir une sex ratio aussi biaisée que ne leprévoit la théorie.

Toujours si l'on admet qu'il ne s'agit pas d'un artéfact d'échantillonnage, il existe plusieurs manières d'interpréter lefait que Varroa entre dans le cadre des prédictions de la LMC. La première explication possible est que, comme nousl'avons suggéré précédemment (voir § 14.β), les fondatrices Varroa trouvent un intérêt à s'agréger dans une certaineproportion de leurs cycles (un sur quatre, selon nos données), afin de maximiser la fitness de leur descendance par le biais

de l'outbreeding, même si leur propre fitness s'en trouve fortement amenuisée.

La seconde explication possible est que les fondatrices sont incapables d'éviterl'agrégation. Il a en effet été montré que la présence d'extraits cuticulaires d'autres fondatricesn'altérait pas le comportement d'une fondatrice nouvelle venue (Bernes, 1996). A ce sujet,Stubblefield (1990) écrit que la répartition des sexes dans la descendance peut dépendrefortement de leur capacité à percevoir la présence de leurs congénères. Si d'une part, lescellules de couvain sont inégalement attractives, et si d'autre part, les fondatrices Varroasont effectivement incapables de percevoir la présence d'autres fondatrices dans la cellule,

Figure 36 : calcul de la sexratio (proportion de mâlesdans la descendance) enfonction du nombre defondatrices par cellules,pour le tempsd'operculation réel (12jours) et un tempsd'operculation simulé (14jours). alors leur distribution dans le couvain sera

nécessairement agrégée. En réponse à cetteagrégation, les fondatrices seraient alors contraintes

0.00

0.25

0.50

0.75 Sex ratio

1 2 3 4 5Nombre de fondatrices par cellules

14 jours12 joursOperculation

← Théorie LMC

d'adapter la sex ratio de leur descendance, afin deminimiser la charge parasitaire.

15. Petite thèse.

La question posée au début de cette partie étaitsimple : les AHB au Mexique sont-elles tolérantes àVarroa jacobsoni, à l'égal des AHB du Brésil ? Aufil de la description de la dynamique des populationsd'abeilles et des populations de Varroa, les

Chapitre deuxième : Analyse descriptive du triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique. 61

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observations ont finalement entraîné l'étude de divers aspects de la biologie de Varroa, tous intimement liés.

L'examen de la dynamique des populations de Varroa, dans un premier temps, a montré que ces populations subissentune croissance non régulée chez les EHB, alors que le dépassement d'un seuil de 20% d'infestation du couvain chez lesAHB marque le début d'une décroissance de ces populations. Malgré moult oscillations, les populations de Varroa chezles AHB ne dépassent jamais le seuil de 2 500 individus par colonie d'abeilles, seuil cependant plus élevé que celuirencontré dans les autres cas connus de tolérance (Apis cerana, Apis mellifera en Papouasie et au Brésil). La conclusions'impose que les AHB du Mexique sont tolérantes à Varroa. En outre, le calcul et K montre que cette tolérance est due àun facteur densité-dépendant.

L'examen de la descendance des fondatrices Varroa, dans un second temps, a montré que les taux de fertilité et lacomposition de la descendance étaient tout à fait comparables chez les deux sous-espèces d'abeilles hôtes. En particulier,77% des fondatrices produisent une descendance fertile, valeur comparable avec les Varroa des EHB du Brésil, mais pasavec celles des AHB du Brésil. En outre, il a été confirmé que l'infertilité était due à l'état des fondatrices entrant dans lescellules, pas aux cellules elles-mêmes.

L'examen de la descendance dans les cas où les fondatrices étaient agrégées, dans un troisième temps, a montré que lesuccès reproducteur des fondatrices (fitness) était fortement diminué lorsque celles-ci étaient plusieurs par cellules. Enoutre, il est apparu que, malgré 500 à 1 000 générations sur Apis mellifera, Varroa ne s'est pas adapté à un tempsd'operculation réduit à 12 jours, au lieu de 14 jours chez son hôte initial (couvain mâle d'Apis cerana). En conséquence,une grande partie de sa descendance n'atteint pas la maturité avant l'émergence de l'abeille. Enfin, la simulation d'unedurée d'operculation de 14 jours laisse à penser que, dans son milieu originel (Apis cerana), Varroa adapte la sex ratio desa descendance de manière parallèle aux prédictions de la LMC.

Cette description, aussi complète que possible, appelle bien sûr une partie explicative, c'est à dire la recherche de lamanière par laquelle les AHB tolèrent Varroa. Parmi diverses hypothèses de la littérature, la préférence ira aux facteursdensité-dépendants. Deux éléments rapportés lors des manipulations précédentes ouvrent d'ores et déjà deux voies derecherche : les variations du rapport VjC / VjT et l'agrégation des fondatrices suggèrent une importance de la balanceentre l'attractivité du couvain et l'attractivité des butineuses ; la mortalité élevée dans le couvain d'AHB suggère parailleurs une importance du comportement de nettoyage du couvain.

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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Chapitre TroisièmeAnalyse explicative du triptyqueEHB-AHB-Varroa au Mexique

La tolérance des abeilles africanisées à Varroa jacobsoni étant avérée, le triptyque mexicain EHB-AHB-Varroa offre unesituation tout à fait unique en son genre : la coexistence naturelle de deux sous-espèces d'abeilles dont l'une est sensibleà Varroa et l'autre est tolérante. Il s'agit d'une situation probablement éphémère, puisque les AHB tendent à dominer etremplacer les EHB, et il semble fort prometteur de l'exploiter.

Exploiter cette situation signifie tirer parti de la coexistence entre colonies tolérantes et non-tolérantes en un mêmelieu pour tenter de répondre à la seconde question posée en introduction : pourquoi les AHB du Mexique sont-ellestolérantes à Varroa ? D'après les travaux précédents, la raison n'est pas une fertilité différentielle des fondatrices entresous-espèces hôtes. Des indices montrant par ailleurs que le facteur responsable de la tolérance est de nature densité-dépendante, une attention toute particulière doit être apportée aux hypothèses ayant trait à l'attractivité et au nettoyage ducouvain par les abeilles.

Dans cette troisième partie quatre hypothèses vont donc être successivement examinées pour tenter d'expliquercertains cas de susceptibilité des abeilles. Ces hypothèses seront respectivement l'attractivité du couvain, la duréed'operculation du couvain, le comportement de nettoyage des abeilles adultes et le comportement de nettoyage ducouvain.

16. L'hypothèse d'attractivité.

L'entrée dans une cellule de couvain adéquate au bon moment constitue un préalable crucial à la reproduction d'unefondatrice Varroa. Il existe en fait un équilibre entre l'attractivité des abeilles adultes, à fin de dissémination etl'attractivité du couvain, à fin de reproduction (voir § 4.α). Un changement de cet équilibre entraîne une attractivitésupérieure du couvain, donc l'entrée de la fondatrice dans la cellule. Mais l'attractivité du couvain est elle-même unecomposante multi-factorielle. Les facteurs responsables de l'attractivité, relativement mal connus, font l'objet denombreuses recherches à l'heure actuelle, notamment pour comprendre pourquoi le couvain de mâle d'Apis mellifera est8 à 10 fois plus attractif que le couvain d'ouvrières. Malgré le faible nombre d'études se focalisant sur la comparaison del'attractivité du couvain de différentes espèces ou sous-espèces d'abeilles, il est intéressant de comparer ici l'attractivité ducouvain d'EHB avec celle du couvain d'AHB.

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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Afin de tester l'attractivité du couvain dans des conditions d'expérimentation les plus proches possible des conditionsnaturelles, nous choisissons de ne pas travailler en conditions contrôlées de laboratoire, mais dans les ruches. Le conceptde base est d'enfermer durant 24 heures quelques abeilles portant des Varroa phorétiques, sur une zone de couvaincontenant une majorité de larves L5 ; les abeilles operculent alors la majorité du couvain, permettant ainsi de déterminerquelle proportion des acariens entrent dans le couvain durant ce temps. Concept simple, mais la création d'une cage oùdes abeilles restent en contact avec les abeilles de la ruche, sans que ni les premières ne sortent, ni les secondes n'entrent,reste de réalisation problématique (voir figure 39). Cette cage doit être absolument imperméable au passage des Varroa,alors que leur petite taille (1100 x 1500 µm) leur permet de passer dans le moindre interstice.

Les dimensions intérieures de la cage sont fixées à 4 x 4 cm, recouvrant environ 150 cellules de couvain ; la hauteurest de 1 cm, ce qui permet auxabeilles de l'intérieur de semouvoir sans contraintes, etaux abeilles de l'extérieur de sedéplacer sur la cage, et ainsid'être en contact avec lesabeilles de l'intérieur. Lesparois de la cage doivent faireau moins 3 cm de large, afin derecouvrir plusieurs cellules,seul moyen d'empêcher lasortie des Varroa, maiségalement d'empêcher que lesabeilles n'aient le temps decreuser un passage sous lesparois durant les 24 heures del'expérience. Quant au matériau

Liens élastiques

Couvainoperculé

Couvain ouvert

Grillage maille : 500 µm

Paroilargeur : 3 cmhauteur : 1 cm

Pollen

utilisé pour les parois : le bois ne convient pas car sa rigidité ne permet pas de plaquer auxcellules recouvertes ; le polystyrène, déchiqueté très rapidement par les abeilles, ne convientpas non plus ; c'est finalement une mousse tendre qui convient le mieux, puisqu'elle plaquehermétiquement aux cellules, tout en n'étant pas déchiquetée par les abeilles. Sur cettemousse, un grillage de matière plastique et de 10 x 10 cm est fixé ; la maille de ce grillageest d'environ 500 µm, prévenant ainsi le passage des Varroa. Le tout, enfin, est maintenu

Figure 39 : schéma decadre de couvain, portantla cage grillagée utiliséepour mesurer l'attractivitédu couvain.

fermement en place sur le cadre par deux liens élastiques.

Pour la réalisation du biotest, six ruches de force et de taux d'infestation équivalents sont choisies (3 EHB et 3AHB) ; 4 abeilles sont prélevées dans chacune de ces six ruches. D'autre part, une ruche hybride EHB-AHB fortementinfestée par Varroa est choisie ; dix abeilles portant chacune un Varroa phorétique y sont prélevées. Les 34 abeilles et10 Varroa ainsi collectés sont conservés ensemble durant une heure au laboratoire. Par ailleurs, un cadre de couvaincontenant du couvain prêt à être operculé (larves L5) est prélevé dans chacune des six ruches sus mentionnées. Les 34abeilles et 10 Varroa sont en fermés par la cage sur une zone contenant au moins 100 larves L5 et quelques cellulesremplies de miel. Le cadre est alors replacé dans sa ruche d'origine pour 24 heures. L'opération est répétée pour les sixruches.

Après 24 heures, les cadres sont débarrassés des abeilles autres que celles contenues à l'intérieur des cages, puisramenés au laboratoire. Les abeilles dans les cages sont anesthésiées au CO2, puis les cages sont ouvertes, afin decompter le nombre de Varroa restés sur les abeilles. L'examen des cellules de couvain operculées (entre 50 et 80% ducouvain de stade L5) permet de vérifier que les Varroa non retrouvés sur les abeilles sont effectivement présents dans lecouvain.

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L'expérience implique donc 30 Varroadans les EHB et 30 Varroa dans les AHB.Elle est répétée 4 fois, mettant en jeu untotal de 240 Varroa. Dans un unique cas,les abeilles ont creusé un passage sous laparoi de la cage ; l'expérience a alors étérépétée. Dans trois autres cas, 11 ou 12Varroa ont été retrouvés ; il s'agitprobablement d'acariens déjà présentsavant le début de l'expérience, et qui ontdonc été décomptés du nombre présentdans le couvain.

Varroa entrant dans le couvain

Varroa demeurant sur les abeilles

66%

34%

EHB

38%

62%

AHB

L'examen des résultats montrentqu'environ deux tiers des Varroa sontentrés dans le couvain d'EHB, alors qu'untiers est demeuré phorétique (voirfigure 40). A l'inverse, seulement untiers des Varroa est entré dans le couvaind'AHB, alors que deux tiers sont demeurés Figure 40 : proportion de

Varroa entrant dans lecouvain ou demeurantphorétiques durant lebiotest d'attractivité.

phorétiques. La différence est très hautement significative (χ2 = 4.34 ; p < 0.001), et nouspouvons conclure de cette expérience que le couvain d'EHB est deux fois plusattractif pour Varroa que le couvain d'AHB.

Ce constat soulève en premier lieu la question des raisons provoquant une telle différenced'attractivité. Les abeilles et les Varroa disposés à l'intérieur de chaque cage proviennent tous des mêmes ruches donc nepeuvent être source de la différence. Par contre, les abeilles environnant les cages, les cires et les larves operculées àl'intérieur des cages sont propres à chaque ruche, notamment à chaque sous-espèce. L'un de ces trois éléments (abeilles,cires et larves), ou leur combinaison, agit sans doute pour moduler l'infestation. Il est bien sûr possible que les signauxémis par la larve soient différents entre les deux sous-espèces. Si c'est le cas, la différence se trouve-t-elle au niveau dessignaux chimiques, mécaniques (taille et poids des larves) ou thermiques (température du couvain) ? Des étudescomparatives de ces différents signaux, notamment des signaux chimiques, apporteraient sans aucun doute des élémentsfondamentaux pour la suite de notre étude, voire pour la compréhension de la biologie de Varroa.

L'infestation différentielle pourrait aussi être liée à un phénomène de maturation des fondatrices Varroa. Il semble eneffet que des signaux émis par les abeilles ou le couvain permettent une maturation de la fondatrice, permettant alors ledéclenchement de l'oogenèse, puis l'invasion du couvain (voir § 5.ε) . Ceci demande de savoir si cette maturation desfondatrices est liée à la constitution chimique même de la cuticule des abeilles ou de la cire, à la nature du nectar ou dupollen collectés par les abeilles, à la nature de l'alimentation fournie aux premiers stades larvaires, etc. Clairement, desexpériences recourant à des échanges entre ruches, comme la greffe de larves EHB dans des colonies AHB, le transfert decouvain AHB dans des colonies EHB (etc.) apporteraient de précieuses informations.

Il est difficile de prédire l'importance d'une faible attractivité du couvain sur la dynamique des populations de Varroa.Si la faible attractivité du couvain est simplement due à la faible intensité des signaux du couvain, l'effet probable estune simple augmentation de la durée de phorésie (normalement 5.6 jours). Si la faible attractivité est due à la faibleintensité du signal déclenchant la maturation de la fondatrice, l'effet probable est que la fondatrice n'atteindra jamais ouqu'après un long temps l'état de maturation physiologique pour infester le couvain. En prenant des valeurs arbitraires, ilest facilement concevable qu'une augmentation de 5% (5.9 jours) ou de 200% (17 jours) peuvent avoir des répercussionstrès différentes sur la vie d'une fondatrice Varroa, en réduisant ou non le nombre de cycles reproducteurs entrepris. Uneaugmentation de la durée de phorésie peut aussi bien n'avoir aucune conséquence, dans la mesure où la durée de vie d'unorganisme se compte en général en effort collecteur ou reproducteur fourni, plus qu'en nombre de jours. Si la phorésieest une phase de quiescence, elle reste un période de dépense d'énergie pour Varroa qui doit échapper en permanence auxcomportements de nettoyage des abeilles.

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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L'effet d'une faible attractivité du couvain sur la dynamique des populations de Varroa reste donc inconnu ; lesfacteurs responsables de ce phénomène sont pourtant de grand intérêt dans le cadre de la lutte alternative à la luttechimique contre Varroa, et des études approfondies dans ce sens revêtent un aspect impératif.

17. L'hypothèse de la durée d'operculation.

Une courte durée d'operculation a souvent été pressentie comme un important facteur de tolérance par de nombreuxauteurs. Il est notamment apparu au Brésil que le couvain d'AHB avait une durée d'operculation de 8 heures plus courteque le couvain d'EHB (Rosenkranz et al., 1994). Une étude de la chronologie du développement de Varroa a finalementmontré qu'il était fort peu probable que la durée d'operculation soit suffisamment réduite pour expliquer quelque cas detolérance que ce soit (Martin, 1994). Dans le cadre de la présente étude, il était pourtant indispensable de mesurer ceparamètre.

Le protocole expérimental consiste à sélectionner, dans six ruches différentes (3 EHB et 3 AHB), une zone decouvain de 40 cm2 largement pourvue en larves L5 (au moins 150 cellules). Cette zone est marquée d'un repère coloréaux quatre angles, puis photographiée toutes les 8 heures (1h ; 9h ; 17 h) durant 3 jours (voir figure 41). Dix joursaprès l'operculation de la première cellule, les zones de couvain sont à nouveau photographiées, toutes les 8 heuresdurant 3 jours, afin de déterminer l'heure d'émergence des abeilles. L'ouverture des ruches au milieu de la nuit perturbantsans doute les colonies, la photographie des cadres était réalisée dans le rucher même, ce qui n'était réalisable qu'à l'aided'une lampe électrique et d'un film de haute sensibilité (ASA 1000).

L'examen des photographies a posteriori permet de déterminer, pour chaque cellule de couvain observée, l'heureapproximative d'operculation de la cellule et l'heure approximative d'émergence de l'abeille ; la durée pendant laquelle lacellule a été operculée est alors déduite, avec une précision de quatre heures. Au total, la durée d'operculation a étédéterminée pour 451 cellules de couvain d'EHB et 484 cellules de couvain d'AHB. La meilleure représentation desdonnées est obtenue en classant les durées d'operculation en dix classes de temps de quatre heures (voir figure 41). Descourbes de fréquence cumulée font apparaître une distribution très similaire des durées d'operculation. Un histogrammeen fréquences montre toutefois que, malgré un pic de fréquences situé au même niveau pour les deux types de colonies

(277 à 280 heures), la distribution est située légèrement au dessus de ce pic pour les AHB. Ladurée d'operculation moyenne des EHB est de 278.9 ± 6.9 heures (soit 11.62 jours). La duréed'operculation moyenne des AHB est de 278.4 ± 7.0 heures (soit 11.60 jours). Un teststatistique montre que la différence entre ces moyennes n'est pas significative (χ2 = 1.09 ; p> 0.05).

Figure 39 : courbescumulées des fréquencesdes durées d'operculationde 451 cellules d'EHB et484 cellules d'AHB (àgauche). Histogramme enfréquences (à droite). Cette égalité de la durée d'operculation nous montre que ce second facteur étudié ne peut en

aucun cas être responsable de la tolérance des AHB à Varroa, ni même partiellement. Ce

0

10

20

30

40

<264

265-2

68

269-2

72

273-2

76

277-2

80

281-2

84

285-2

88

289-2

92

293-2

96

>296

AHB

EHB

0

25

50

75

100

<264

265-2

68

269-2

72

273-2

76

277-2

80

281-2

84

285-2

88

289-2

92

293-2

96

>296

AHB

EHB

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résultat reste en harmonie avec l'égalité de composition de la descendance des fondatrices Varroa des deux types decolonie, constatée dans la seconde partie.

Nous n'avons pu mesurer la température d'incubation du couvain, faute de matériel adéquat. Il est néanmoins connuque la corrélation est très forte entre la température du couvain et la durée d'operculation (Rosenkranz et al., 1994), ce quisous-entendrait que la température d'incubation est équivalente dans les différentes ruches. Ceci est aussi en harmonieavec une même composition de la descendance Varroa, puisque la température du couvain est aussi connue pour affecterl'ontogenèse des descendants. Il est donc clair que la durée d'operculation du couvain, pas plus que satempérature, n'ont d'importance pour expliquer la tolérance des AHB au Mexique.

18. L'hypothèse du nettoyage des abeilles.

Durant quelques années, le comportement de nettoyage des abeilles adultes d'Apis cerana a été soupçonné d'être le

facteur déterminant de la tolérance d'Apis cerana à Varroa. Ces soupçons ont duré l'intervalle séparant deux publications,l'une décrivant ce comportement (Peng et al., 1987a), l'autre en démontrant l'inefficacité probable pour expliquer latolérance de ces abeilles à Varroa (Fries, 1996). L'existence de ce comportement n'est pas mise en doute, mais doitprobablement être rapprochée du comportement hygiénique, tant individuel que social, depuis longtemps connu (vonFrisch, 1956), plus que d'un phénomène extraordinaire propre à Apis cerana. La situation de coexistence d'abeillestolérantes et sensibles permet ici de quantifier l'importance de ce comportement en observant des abeilles sur lesquellesest déposé un Varroa phorétique, puis en recherchant parmi les femelles adultes Varroa mortes au fond des ruches, laproportion d'entre elles portant des marques de ce comportement hygiénique.

18 Comportement des abeilles.

Les observations sont faites de deux ruches vitrées monocadres, de volume intérieur 50 x 35 x 5 cm. Dans chaqueruche est introduit un cadre prélevé dans une ruche, pourvu de couvain de tous âges (œufs, larves, nymphes, abeillesnaissantes), d'environ 2 500 abeilles et une reine. L'un provient d'une ruche EHB, l'autre d'une ruche AHB. Ces deuxruches sont placées à l'intérieur du laboratoire, un tube transparent permettant aux abeilles de sortir librement pourbutiner ; le côté du tube extérieur au laboratoire est entouré d'un papier de couleur, permettant aux abeilles de repérerfacilement l'entrée. Une couverture maintient les ruches à l'obscurité, et n'est retirée que durant le temps desobservations, sans perturbation notable.

Par ailleurs, un cadre de couvain fortement infesté est prélevé dans une tierce ruche, puis placé à l'étuve (32°C ; 70%HR), afin qu'émergent des abeilles porteuses de femelles adultes Varroa. Ces Varroa sont prélevés, marqués d'un point depeinture, puis replacés sur les abeilles pour une durée d'au moins 24 heures, ce qui leur permet de perdre l'odeur de lapeinture, susceptible de les rendre remarquables par les abeilles.

Une femelle Varroa est prélevée à l'aide d'un pinceau fin humidifié, puis déposée par une petite ouverture sur uneabeille de l'une des ruches vitrées. Lors d'observations préliminaires, la réaction des abeilles à ce dépôt apparaîtrelativement intense durant les deux minutes suivantes, puis diminue pour disparaître en quelques minutes dans lamajeure partie des cas. Nous décidons donc, pour les observations suivantes, d'observer le comportement des abeillesdurant les 8 minutes suivant le dépôt, temps divisé en six périodes : 30"-1' ; 1'-2' ; 2'-4' ; 4'-6' ; 6'-8'.

La manipulation est répétée dix fois consécutives, en un temps total approchant 1h40. Deux heures plus tard, lesabeilles et le fond des ruches sont soigneusement observés, afin de compter les acariens. L'expérience est ainsi répétéecinq fois, c'est à dire englobant 50 Varroa pour chaque ruche. Les cadres sont replacés dans les ruches d'origine, et descadres d'autres ruches sont prélevés. Le triplicat implique 150 Varroa pour chaque sous-espèce d'abeilles dans l'expérienced'observation.

Durant chaque période de l'observation, quatre événements sont recherchés, deux concernant les abeilles, deuxconcernant les Varroa déposés (voir figure 42) :

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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0

20

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60

80

100

0''-30'' 30''-1' 1'-2' 2'-4' 4'-6' 6'-8'

Temps après le dépôt du Varroa

Varroa tombant de l'abeilleVarroa changeant d'abeilleAllo-nettoyageAuto-nettoyage

0

20

40

60

80

100

0''-30'' 30''-1' 1'-2' 2'-4' 4'-6' 6'-8'

EHBAHB

Figure 42 : comportementde 120 abeilles de chaquesous-espèce, durant 8minutes suivant le dépôtd'une fondatrice Varroa, etrésultat de cecomportement.

- un comportement d'auto-nettoyage (auto-grooming behavior), c'est à dire un brossagepar l'abeille de sa tête, son thorax et son abdomen, à l'aide de ses première et troisièmepaires de pattes.

- un comportement d'allo-nettoyage (allo-grooming behavior), c'est à dire un nettoyagede l'abeille par ses congénères. Celles-ci recherchent activement l'acarien, en parcourant toutle corps de l'abeille infestée à l'aide de leurs antennes. Nos observations n'ont cependantjamais montré d'allo-nettoyage aussi intensif que dans le cas d'Apis cerana. Chez cette abeille, en effet, les abeillesmontent sur l'abeille infestée, n'hésitent pas à lui écarter les ailes pour éventuellement attraper l'acarien dans leurmandibule. Dans nos expériences, les abeilles ont au mieux parcouru de leurs antennes le corps de l'abeille infestée, sansjamais attraper l'acarien déposé.

- le changement d'hôte. Sous l'effet du comportement des abeilles, la femelle Varroa déposée passe sur une autreabeille.

- la chute ! Toujours sous l'effet de ce comportement, la femelle Varroa peut tomber des abeilles, comportementefficace dans le seul cas où elle tombe jusqu'au fond de la ruche. Dans de nombreux cas, cependant, ce comportementmême n'est pas efficace, car l'acarien tombé parvient à monter sur une abeille passant à sa portée.

L'examen des résultats (voir figure 42) montre une réaction d'auto-nettoyage nettement plus marquée de la part desAHB que de celle des EHB. Dans les 30 secondes suivant le dépôt, 80% des AHB ont une réaction d'auto-nettoyage,alors que seules 58% des EHB ont cette réaction. Cette réaction va décroissant au cours du temps, et n'est presque plusobservable chez les EHB après 8 minutes d'observation. Elle persiste quelques 2 minutes supplémentaires chez les AHB,mais finit également par disparaître.

L'allo-nettoyage est relativement faible durant la première minute après le dépôt, c'est à dire pendant que l'abeille estoccupée à se nettoyer elle-même. Puis, incapable d'atteindre son but, elle stimule ses congénères lors de contactsantennaires ; celles-ci s'approchent alors, et parcourent son corps de leurs antennes. Durant la seconde minuted'observation, les AHB ont recours à ce comportement dans 57% des cas, alors que les EHB n'y ont recours que dans44% des cas. Comme pour le comportement précédent, l'allo-nettoyage va disparaissant au cours du temps, et il est peude cas où l'on peut encore l'observer à la fin des 8 minutes.

Le résultat de ce comportement hygiénique sur les Varroa peut s'apprécier en nombre de Varroa changeant d'abeille.Sur 150 Varroa déposés, 57 ont changé d'abeille hôte dans les colonies AHB, contre seulement 25 dans les coloniesEHB. La majeure partie de ces changements a lieu dans la seconde minute d'observation. Le nombre de Varroa tombantdes abeilles au fond des ruches, sous l'effet du comportement des abeilles, n'est, lui, que de 15 des 150 Varroa chez lesAHB, contre seulement 9 chez les EHB. Cette proportion reste très faible chez les deux sous-espèces.

Deux heures après ces dépôts, il apparaît que dans les colonies EHB, 139 Varroa sont demeurés sur les abeilles, 9gisent au fond des ruches, 2 restent introuvables. Dans les colonies AHB, 134 Varroa sont demeurés sur les abeilles, 10gisent au fond des ruches, 6 restent introuvables. Seuls 8% des Varroa sont définitivement nettoyés par les EHB, contre

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11% par les AHB. Cette somme de résultats nous montre que les AHB ont une réaction immédiate au dépôt du parasite,ce qui se traduit par un comportement de nettoyage beaucoup plus marqué que les EHB. Malgré cela, l'efficacité dansl'élimination reste très faible, chez les deux sous-espèces d'abeilles.

L'on ne peut exclure que le comportement de nettoyage des abeilles, soit artéfactuel et conséquent à la marque depeinture faite sur les Varroa. Quoi qu'il en soit, l'efficacité du comportement de nettoyage, même chez les AHB, apparaîttrès modérée, en regard de ce qui a pu être rapporté en Chine par Peng et Fries. Avant de conclure, examinons l'état desVarroa collectées parmi les débris des ruches.

18 . . Mutilation des acariens.

Lors du comptage de la mortalité naturelle des Varroa, 150 Varroa ont été récoltésdans des ruches de chaque sous-espèce, à 3 reprises, à un intervalle de deux mois, pourêtre observés à la loupe binoculaire. Toute mutilation éventuelle, due au

comportement des abeilles, est recherchée. Conformémentaux observations antérieures de la littérature, trois types demutilations ont été distingués (voir figure 43) : absenced'une des pattes de la première paire ; absence du prétarsede la première paire de pattes ; présence de marques demorsures sur l'idiosome.

Figure 44 : proportion deVarroa mortes présentantun corps intact, ou desmutilations du prétarse dela première paire depattes, de la premièrepaire de pattes, ou ducorps. L'examen des données (voir figure 44) montre que les

mutilations sont détectées en proportions similaires sur le prétarse 1, la patte 1 et le corps. Il montre surtout la grandemajorité des fondatrices présentant un corps intact, tant chez les EHB (90.6%) que chez les AHB (85.1%). Cespourcentages, bien que significativement différents (n = 6 ; χ2 = 5.17 ; p < 0.05), restent très inférieurs aux 30%rapportés sur Apis mellifera et Apis cerana en Chine (Fries et al., 1996).

AutresPatte 1Pretarse 1Varroa intactes

90.6%

EHB

85.1%

AHB

Malgré un comportementde nettoyage plus marqué chezles AHB que chez les EHB, ilest très peu probable quece comportement denettoyage des abeillesadultes interfère avec ladynamique despopulations de Varroa. Si

Figure 43 : mutilationd'une fondatrice Varroa.Seules subsistent deux deshuit pattes. La flècheindique des traces demorsures d'abeilles surl'idiosome.

une telle interférence existe, tout au plus est-il permis de supposer qu'elle porte desconséquences de faible portée.

19. L'hypothèse du nettoyage du couvain.

La dernière des quatre hypothèses émises au début de cette partie du mémoire concernait le nettoyage par les abeilles ducouvain infesté par Varroa. L'implication d'un tel comportement dans la tolérance à Bacillus larvae et à Ascosphera Apis

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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est connue depuis fort longtemps (Jones et al., 1964), et il apparaîtrait peu surprenant de retrouver également un certainniveau d'implication dans la tolérance à Varroa. Les précédentes évaluations de l'intensité de ce comportement ontprocédé d'une infestation artificielle du couvain d'abeilles ; le protocole expérimental entraîne cependant une réaction nonnégligeable des abeilles, et le nettoyage d'une partie du couvain témoin. Afin d'éviter ce biais, il importait de rechercherles preuves de l'existence d'un tel comportement dans des conditions naturelles.

Cet objectif posé, nous avons recouru à l'observation du devenir du couvain operculé, dans des conditions de forteinfestation. La manipulation a été réalisée en novembre, c'est à dire à la période d'infestation maximale du couvain. Danssix colonies de force comparable (3 EHB et 3 AHB), une zone de couvain de 140 cm2, bien pourvue en larves au stade dedéveloppement L5, est repérée et marquée par des repères colorés. L'observation quotidienne de ces zones de couvainpermet de marquer avec une précision de 12 heures la date d'operculation de chaque cellule.

D'après les expériences précédentes, nous savons que la durée d'operculation moyenne est de 11.6 jours (voir § 17).Durant les 10 jours suivant l'operculation, les cellules repérées sont examinées chaque jour. Pour celles qui ne sont plusoperculées, c'est à dire qui ont été ouvertes par les abeilles, deux paramètres sont déterminés :

- l'état vital de la larve ou la nymphe : celle-ci est évidemment morte si elle est absente de la cellule, ou présentemais avec des signes évidents de nécrose (aspect translucide, couleur grise ou noire) ou des signes de début de nettoyagepar les abeilles (tête ou thorax manquants), etc. En l'absence de tels signes, elle est considérée comme vivante et saine.

- l'état d'infestation de la cellule : celle-ci est évidemment infestée si des Varroa de n'importe quel sexe et stade dedéveloppement sont présents sur la larve ou les parois ; ou si des accumulations fécales, de couleur blanc vif, sontvisibles sur les parois de la cellule. En l'absence de telles traces, la cellule est considérée comme non infestée.

Onze jours après l'operculation, ces cellules étaient ouvertes, afin de déterminer si elles étaient infestées ou non. Autotal 1 706 cellules de couvain d'EHB et 2 367 cellules de couvain d'AHB ont ainsi été observées. Ceci permet decalculer la proportion de couvain nettoyé par rapport au couvain total ; la proportion de couvain sans signe évident demaladie mais nettoyé, par rapport au couvain total ; la proportion de couvain infesté et nettoyé, par rapport au couvaininfesté (voir figure 45).

L'examen des résultats fait apparaître une mortalité importante du couvain d'EHB : 7% du couvain est mort etnettoyé par les abeilles, contre seulement 1.5% chez les AHB. Ceci doit probablement être rapproché du fait que Varroaest un important vecteur de bactéries et virus du couvain, et que la principale conséquence d'un taux d'infestation estavant tout une forte mortalité du couvain (voir § 6.β).

Il apparaît ensuite un taux élevé de couvain apparemment sain et apparemment non infesté nettoyé par les abeilles :au total, 24% chez les AHB et 17% chez les EHB. Trois hypothèses pourraient expliquer ce qui peut apparaître commeun gaspillage.

1) Malgré l'absence de signes évidents de maladies, le couvain concerné est détecté et nettoyé pendant la périoded'incubation virale ou bactérienne.

2) Toujours malgré l'absence de signes évidents, le couvain a été infesté avant l'observation, donc nettoyé par lesabeilles, mais les fondatrices Varroa sont déjà sorties au moment de l'observation. Cette hypothèse, pourtant, ne pourraitexpliquer l'excès de nettoyage que durant les trois premiers jours, car après, les accumulations fécales ne peuvent laisserde doute.

3) Les abeilles détectent l'infestation dans une certaine zone du couvain, mais avec insuffisamment de précision, etn'ouvrent pas exactement les cellules infestées.

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Nombre de jours après l'operculation

Couvain vivant infestéCouvain vivant non infestéCouvain mort

EHB AHB

Enfin, il apparaît que les EHB nettoient environ 8% du couvain infesté, c'est à dire quatre fois moins que les AHB,qui nettoient 32% du couvain infesté. Si l'on ajoute que le taux d'infestation moyen du couvain était de 42% chez lesEHB et 24% chez les AHB, ce qui signifie que le couvain infesté était près de deux fois plus difficile à trouver chez lesAHB que chez les EHB, alors l'efficacité du comportement de nettoyage du couvain des AHB apparaît grandementefficace. Il pourrait être objecté que le couvain est ouvert "au hasard", comme suggéré plus haut, mais ceci se traduiraitpar une quantité trois fois plus importante de couvain ouvert "par erreur" que de couvain ouvert à bon escient. L'on peutd'ores et déjà conclure que les AHB détectent et nettoient un tiers du couvaininfesté, quand les EHB n'en nettoient pas un dixième. Figure 45 : proportion de

couvain nettoyé par lesabeilles, durant les 10jours suivantl'operculation : couvainmort et couvain vivantnon infesté par rapport aucouvain total ; couvainvivant infesté par rapportau couvain infesté.

Pourtant, des expériences complémentaires sont indispensables afin de préciser sil'ouverture excessive de couvain sain par les EHB résulte d'erreurs des abeilles. Le recours à latechnique d'infestation artificielle du couvain par un nombre précis de fondatrices Varroapermettra de contrôler que le couvain nettoyé coïncide bien avec le couvain infesté.

Issues de milieu tropical, les AHB ont un passé lourd de rencontres avec prédateurs etparasites ; plus lourd que celui des EHB. Elles ont donc dû développer de nombreusesstratégies de défense, allant du système venimeux aux divers comportements de nettoyage. Latolérance à Varroa telle que nous l'avons décrite semble être principalement le fruit d'un comportement de nettoyageexacerbé. Il est cependant remarquable que les AHB nettoyent le couvain dans une période relativement courte, entre 5 et7 jours après l'operculation. Si ce couvain était nettoyé dans les premiers jours après l'operculation, les fondatricesdébuteraient aussitôt un nouveau cycle de reproduction ; le nettoyage n'entraînerait alors qu'un allongement de la périodephorétique. La seule manière pour les abeilles de diminuer réellement le succès reproducteur (fitness) des fondatricesserait donc de nettoyer le couvain après que celles-ci aient réalisé leur effort de reproduction, la ponte de la majorité deleurs œufs, mais avant qu'une seule des filles Varroa n'ait eu le temps de s'accoupler. Cela signifie, nettoyer le couvainentre 6 et 11 jours après l'operculation.

Bien sûr, il est impossible de dire ici si la coïncidence entre cette fenêtre théorique de 6 à 11 jours et la fenêtremesurée de 5 à 7 jours est imputable à un hasard ou à une stratégie. S'il s'agit d'une stratégie, il est clair que l'histoirecommune de l'AHB et de Varroa est trop récente pour donner lieu à une stratégie ; celle-ci pourrait alors résulter del'adaptation préalable à la lutte contre un autre parasite.

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20. Petite thèse.

Cette troisième partie a permis d'apporter des éléments de réponse à la seconde et simple question posée en début dumémoire : pourquoi les AHB au Mexique sont-elles tolérantes à Varroa jacobsoni ? Après l'examen successif de quatrehypothèses, la tentation est forte de donner des conclusions fermes tant les éléments de réponse sont suggestifs. Il nesemble pourtant pas superflu de réaliser quelques expériences simples avant de conclure définitivement. Précisons que laseule raison pour laquelle ces expériences n'ont pu être faites en parallèle à la rédaction de ce mémoire est que les deuxopérations ont été réalisées à 10 000 kilomètres l'une de l'autre !

Nous savions d'après la seconde partie de ce mémoire que la préférence devait être donnée à des facteurs de toléranceliés à l'attractivité du couvain et à son nettoyage par les abeilles plus qu'à tous autres facteurs. Ce sont effectivement cesfacteurs qui ont donné les différences les plus marquées entre EHB et AHB.

Si le couvain d'AHB est apparu deux fois moins attractif aux fondatrices Varroa que le couvain d'EHB, rien n'estmoins sûr qu'il s'agisse là de la clef recherchée à la tolérance. Il est en effet possible qu'une faible attractivité ne porteque très peu à conséquences dans la dynamique des populations de Varroa. Qui plus est, nous avons montré en secondepartie que le facteur responsable de la tolérance était un facteur densité-dépendant. Or, si la faible attractivité portait àconséquences, l'on conçoit difficilement que ce soit de manière densité-dépendante ; ceci n'exclut pas, toutefois, que lafaible attractivité agisse de concert avec un autre facteur de tolérance. Sans doute la détermination de la durée de la périodephorétique permettra de montrer si une faible attractivité porte réellement un impact sur la dynamique des populations deVarroa.

Il est par contre certain que ce résultat porte une importance considérable pour l'éclaircissement du processus d'entréede Varroa dans le couvain, encore mal connu à l'heure actuelle. Si ce sont effectivement les signaux chimiques émis parle couvain qui servent de guide aux fondatrices Varroa pour entrer dans le couvain, comme le supposent de nombreuxauteurs, alors la comparaison des spectres chimiques des larves d'abeilles des deux sous-espèces fournira de précieusesindications. Précieuses pour la compréhension du processus d'infestation comme pour le contrôle non-chimique del'acarien.

La durée d'operculation, et par conséquent la température d'incubation du couvain, ne sont pas apparussignificativement différents entre EHB et AHB, ce qui est en accord avec la nature densité-dépendante du facteur detolérance recherché. L'on voit mal en effet, comment la durée d'operculation du couvain pourrait être réduite par un tauxd'infestation élevé !

Le comportement de nettoyage des abeilles adultes, premier des deux facteurs susceptibles d'être densité-dépendants,révèle une différence entre les deux sous-espèces d'abeilles. Les AHB réagissent beaucoup plus vigoureusement aucontact d'une femelle Varroa que les EHB ; pourtant, cette vigueur ne leur permet pas de se délivrer de l'acarien.

Le comportement de nettoyage du couvain infesté, d'après les résultats de la seconde partie, était le seul facteursusceptible de répondre à l'exigence de densité-dépendance ainsi qu'aux observations de dynamique de populations(notamment la mortalité parasitaire élevée dans le couvain d'AHB). Les AHB ont en effet montré leur capacité à détecterun tiers du couvain infesté, quand les EHB n'en détectaient qu'à peine un dixième ! Malgré quelques incertitudespersistantes comme le nettoyage de couvain sans raison évidente par les EHB, ombres qui seront prochainement levéespar des expériences complémentaires, il semble que là soit la clef recherchée. Un tel comportement de nettoyage exacerbéest probablement la simple résultante d'un passé chargé de nombreuses rencontres avec des prédateurs et des parasites.

Bien sûr, l'impact du nettoyage du couvain est discutable, dans la mesure où les adultes Varroa présents dans lescellules nettoyées ne sont pas éliminés par les abeilles, mais peuvent entrer dans une nouvelle cellule et débuter unnouveau cycle de reproduction. Des expériences menées récemment en Suède ont pourtant montré que seules 14% desfondatrices pouvaient parcourir trois cycles reproducteurs. Des expériences complémentaires au Mexique s'attacheront àvérifier que les fondatrices issues de cellules nettoyées par les abeilles parcourent également un nombre de cyclesrestreint. Dans ce cas, le recours à la modélisation permettra de quantifier l'impact réel du comportement de nettoyage ducouvain.

Chapitre troisième : Analyse explicative du triptyque EHB-AHB-Varroa au Mexique. 73

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Chapitre QuatrièmeLe fil rouge, ou les relationsApis-Varroa dans le monde

Les données concernant les relations abeille-Varroa surgissent de tous les continents, et de nombreux cas de tolérance ontété signalés. L'étude de ces cas focalise de nombreux travaux, dans la mesure où elle pourrait répondre à l'espoir demettre au point une technique de lutte non chimique contre Varroa efficace et durable. Lorsque, en Août 1995, j'aicommuniqué mes résultats du Mexique à Ingemar Fries (Université d'Uppsala, Suède), il m'a répondu que "le taux defertilité était étonnamment haut, en comparaison des autres cas connus de tolérance". Pour Peter Rosenkranz (Universitéde Hohenheim, Allemagne) mes travaux venaient encore compliquer le réseau des données, et il semblait de plus en plusdifficile de "dessiner une ligne rouge à travers l'ensemble des résultats".

Trouver le fil rouge, tenter de donner un unique système explicatif capable de décrire l'ensemble des relations entre legenre Apis et l'espèce Varroa jacobsoni, avec toutes les variantes connues de par le monde, tel devient finalement laprétention de ce quatrième chapitre.

La théorie des filtres menant à la création d'un système hôte-parasite, décrite par son auteur, Claude Combes, dansson ouvrage intitulé "Interactions Durables - Ecologie et évolution du parasitisme" (1995), paraît adaptée à la recherched'un tel fil rouge. Après avoir rappelé succinctement les bases de cette théorie, nous retracerons l'historique des relationsmarquantes entre certaines espèces et sous-espèces du genre Apis et l'espèce Varroa jacobsoni, c'est à dire le fil rougeproprement dit. Quelques paragraphes supplémentaires permettront de donner une vision nouvelle des relations AHB-Varroa aux Amériques, permettant d'harmoniser nos résultats avec ceux du Brésil, a priori contradictoires. Enfin, noustenterons d'évaluer les évolutions possibles des différentes relations de tolérance.

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21. Filtres et relations hôtes-parasites.

Les idées présentées ici sont celles de Claude Combes publiées en 1995, dans son ouvrage "Interactions Durables -Ecologie et Evolution du Parasitisme".

21 . . Notion de filtres.

Pour qu'un système hôte-parasite (SPH) puisse se former, deux filtres successifs doivent être franchis : le filtre derencontre et le filtre de compatibilité.

Le filtre de rencontre conditionne la possibilité de contact entre l'hôte et le parasite. Cefiltre se divise lui-même en un filtre de biocœnose, requérant que l'hôte et le parasite habitentle même écosystème (cohabiter), et un filtre éthologique, requérant que leurs comportementsrespectifs permettent leur contact (rencontrer).

Figure 46 (d'aprèsCombes, 1995) : quatrecombinaisons d'ouverturedes filtres de rencontre (R)et de compatibilité (C).

Le filtre de compatibilité conditionne lapossibilité de vie commune et durable pour lesdeux partenaires. Ce filtre se divise en un filtred'exigence, requérant que le parasite trouve chezl'hôte la réponse à ses exigences spatiales etmétaboliques (accepter), et un filtreimmunitaire, requérant que l'hôte ne puissedétruire le parasite par son systèmeimmunitaire ou quelque autre procédé (être

accepté).

Considérant que chacun de ces deux filtres peut être ouvert ou fermé, l'on peut rencontrer quatre combinaisons,chacune d'elles ouvrant la porte à la création ou non-création du SPH (voir figure 46). Lorsque les deux filtres sontfermés, le SPH ne peut exister. Lorsque seul le filtre de rencontre est ouvert, le SPH n'existe pas, mais le parasite subitune pression de sélection propre à l'ouvrir. Lorsque seul le filtre de compatibilité est ouvert, le SPH n'existe pas, maisun changement de biocœnose ou de comportement peut l'ouvrir. Lorsque les deux filtres sont ouverts, le SPH existe.

21 . . Combats évolutifs .

Le jeu des filtres impose donc diverses pressions sur le SPH, potentiel ou existant. Les pressions de sélection sur legénome des parasites tendent continuellement à ouvrir les filtres, tandis que les pressions de sélection sur le génome deshôtes tendent continuellement à les fermer. Les processus de mutation et de sélection des mutants placent donc l'hôtepotentiel et le parasite potentiel dans une véritable course aux armements.

En ce qui concerne les hôtes, il devront sélectionner des processus leur permettant d'éviter la rencontre avec lesparasites, puis surtout de résister aux parasites, c'est à dire de leur rendre le milieu hostile. Pourtant, cette transformationdiminue la qualité de l'adaptation des hôtes à leur milieu, car elle fait appel à une consommation d'énergie ou desubstances normalement allouées à d'autres fonctions, comme le déplacement ou la reproduction. L'on peut donc parlerde coût de la résistance. Ce coût croît de façon exponentielle avec la perfection de la résistance ; si l'on suppose possibleune résistance totale, celle-ci relève d'un tel coût que l'hôte n'est plus compétitif face à ses congénères moins résistants.Ce phénomène limite vers le bas la résistance de l'hôte.

Par ailleurs, le pouvoir pathogène du parasite est limité vers le haut, dans la mesure où le succès du parasite dans latransmission de ses gènes l'oblige à se reproduire le plus longtemps possible et à permettre à son hôte d'avoir desdescendants, qui seront ultérieurement parasités par ses propres descendants.

Chapitre quatrième : Le fil rouge, ou les relations Apis - Varroa de par le monde. 77

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Au fil des mutations et sélections successives, le SPH arrive donc théoriquement à un équilibre situé entre larésistance de l'hôte et la virulence, équilibre auquel, pour l'hôte, le coût de la résistance égale le coût du parasitisme(Minchella, 1985). Cet équilibre atteint, tout individu s'en écartant, hôte ou parasite, sera contre-sélectionné.

21 . . Filtres et coévolution.

Tant que les conditions de milieu, l'hôte et le parasite ne seront pas modifiés, il est permis de croire que la situationrestera stable, et le SPH restera entre les frontières du coût de la résistance et du coût du parasitisme. Par contre, si unnouveau SPH est formé, il devient intéressant d'essayer de prédire comment il pourra évoluer avec le temps. Dans cesens, il est à nouveau utile de recourir au jeu des filtres décrit ci-dessus. Deux situations peuvent caractériser le SPHnouvellement formé, qui détermineront son devenir.

Dans le cas où les deux filtres sont largement ouverts dès le départ, la pathologie parasitaire sera importante, et l'onassistera à l'élimination des hôtes les plus sensibles et des parasites les plus virulents. Pourtant, les pressions sur l'hôteseront immédiatement fortes, alors qu'elles ne s'exerceront qu'à long terme sur le parasite, ce qui entraînera une sélectionmajoritairement sur l'hôte.

Dans le cas où les deux filtres sont fermés ou presque fermés dès le départ, la pathologie parasitaire restera faible, etil y aura disparition des parasites les moins virulents. Par contre, il se produira une sélection des parasites capables devirulence. Au cours du temps, la pathologie du parasite ira donc en s'accroissant.

Dans ces deux cas, la situation de départ est un déséquilibre, et la tendance sera à aller vers une situation d'équilibre, àlaquelle il y aura égalité entre le coût de la virulence provoquée par le parasite et le coût de la résistance opposée parl'hôte.

22. Varroa et les filtres.

Cette théorie des filtres est générale aux systèmes hôtes-parasites ; il est maintenant intéressant de chercher à l'appliqueraux divers systèmes abeilles-Varroa connus, tendant ainsi à définir le fil rouge.

22 . . Numérisation des filtres et de la tolérance.

Définissons ici le niveau de tolérance (NTOL) comme étant le nombre de Varroa qu'héberge une colonie au maximumdu cycle annuel. Pour rendre possible la comparaison entre espèces d'abeilles ou entre climat, ce nombre est ramené enpourcentage du nombre d'abeilles au maximum du cycle annuel. Pour les abeilles d'Europe, la population maximumpeut atteindre 10 000 Varroa, pour une population de 50 000 abeilles ; le niveau de tolérance est alors de NTOL = 20%.Ce niveau correspond à la situation classique de sensibilité des abeilles servant de base à la modélisation (Fries, 1994).Nous appellerons résistance la référence inférieure (0%), situation à laquelle aucun Varroa ne peut survivre dans lacolonie considérée.

Pour comparer les niveaux de tolérance des différentes abeilles, les règles permettant de donner des valeursnumériques aux filtres sont ici établies. Pour ce qui est du filtre de rencontre (FR), deux seules positions exclusives sontenvisageables : soit il n'y a pas rencontre (FR = 0), soit il y a rencontre (FR = 1).

Quant au filtre de compatibilité (FC), toutes les valeurs comprises entre 0 et 1 peuvent apparaître. Parmi lesnombreux mécanismes de tolérance proposés au fil de la bibliographie, seuls deux d'entre eux ont un effet durable etprouvé dans la tolérance : l'infertilité des fondatrices et le nettoyage par les abeilles du couvain infesté. Nous définironsdonc ces deux mécanismes comme correspondant à deux sous-filtres : le filtre de fertilité (FF) est la proportion defondatrices se reproduisant, alors que le filtre de nettoyage (FN) est la proportion de cellules de couvain d'ouvrièresinfestées non nettoyées par les abeilles. Mathématiquement, le filtre de compatibilité est donc le produit des valeurs deces deux filtres : FC = FF x FN.

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22 . . Apis florea, dorsata et cerana, ou la compatibilité fermée.

La distribution de trois des quatre espèces majeures du genre Apis est encore aujourd'hui restreinte au sud-est del'Asie. Varroa étant également originaire de cette région du globe, le filtre de rencontre entre Varroa jacobsoni d'une part,Apis cerana, Apis dorsata et Apis florea d'autre part était donc initialement totalement ouvert (FR = 1).

Les relations entre Varroa et les espèces Apis dorsata et Apis florea sont fort méconnues (Mossadegh, 1991). Uneunique publication rapporte l'absence totale de l'acarien au sein des colonies de ces abeilles (Koeniger et al., 1983).L'infestation par l'acarien est possible, puisque le filtre de rencontre est ouvert (FR = 1). D'autres acariens que Varroa ontparasité ces abeilles : Euvarroa sinhai (Varroidae) se développe chez Apis florea, tandis que Tropilaelaps clarae(Laelapidae) se développe chez Apis dorsata (Koeniger, 1990 ; Morin et al., 1993). Selon Koeniger (1990), il a dûexister un ancêtre commun à ces acariens, qui était parasite de l'ancêtre commun des abeilles. Au fil de l'évolution de laphylogénie des abeilles, les acariens se seraient diversifiés par divergence des hôtes, c'est la spéciation sympatrique(Euzet & Combes, 1980). La coévolution entre les différentes espèces d'abeilles et ces parasites a alors abouti à unespécialisation des couples hôtes-parasites. Divers comportements des abeilles (comme le nettoyage du couvain infesté) etdu parasite (comme la synchronisation de leur cycle avec celui de l'abeille, sur la base de signaux du couvain) ontconduit à l'établissement de ces couples spécifiques. La spécialisation des couples interdirait aujourd'hui aux parasites lechangement d'hôte. Ceci signifie que le filtre de compatibilité est fermé (FC =0).

Dans le cas d'Apis cerana, il existe une multitude de données, toutes s'accordant pour déclarer que le filtre de rencontreavec Varroa est largement ouvert (FR = 1), alors que le filtre de compatibilité est en grande partie fermé. Plusieursraisons ont été invoquées afin d'expliquer la fermeture de ce filtre, et se répartissent dans les deux subdivisions du filtre.

Concernant le filtre "accepter", d'une part, la grande majorité des fondatrices évitent le couvain d'ouvrières, pour ne sereproduire que dans le couvain de mâle. Remarquons que ce phénomène est probablement la résultante de la pression desélection exercée par les abeilles sur Varroa, par leur comportement de nettoyage du couvain ; sans cela, il est probableque le couple se serait effondré. Le nombre de cellules de couvain où les fondatrices peuvent se reproduire est doncconsidérablement limité. Qui plus est, seules 12% des fondatrices qui entrent dans le couvain d'ouvrières s'yreproduisent (FF = 0.12) (Tewarson et al., 1992). Concernant le filtre "être accepté", d'autre part, les abeilles ont uncomportement intensif de nettoyage de leur corps (Peng et al., 1987a), mais ce phénomène est probablementinsignifiant, et peut-être non spécifique, pour la dynamique des populations de Varroa (Fries et al., 1996). Par contre, lenettoyage qu'elles exercent sur le couvain d'ouvrières permet d'en retirer un tiers des rares fondatrices qui s'y reproduisent(FN = 0.66) (Tewarson et al., 1992 ; Rath et al., 1990). Le filtre de compatibilité peut être calculé d'après les valeurs deces deux filtres : FC = FF * FN = 0.08.

D'après les valeurs données dans la bibliographie, la population de Varroa peut couramment atteindre 200 Varroa(Rath et al., 1992) pour une population d'environ 10 000 abeilles (Muttoo, 1956). Le niveau de tolérance est alors NTOL

= 2%.

Pour conclure cesconsidérations relatives à Apiscerana, il est bien évident que,cette abeille constituant l'uniquehôte d'origine de Varroa, sarelation à Varroa reste l'uniquecas de tolérance sélectionnée.L'on peut supposer que latolérance a été sélectionnée aucours de milliers d'années, et que

Tableau 8 : le fil rouge, pour les trois espèces d'abeilles asiatiques.Valeurs numériques des filtres de rencontre (FR), de fertilité (FF), de nettoyage (FN)

et de compatibilité (FC = FF x FN)

FR FF FN FC NTOL

Apis dorsata / Apis florea 1 ? ? 0 0%

Apis cerana 1 0.12 0.66 0.08 2.0 %

le niveau de tolérance de 2% correspond au fameux équilibre entre le coût de la résistance des abeilles et le coût de lavirulence du parasite. Pour la suite, l'on pourra même considérer que c'est le niveau de tolérance auquel devront aspirertoutes les autres abeilles confontées à Varroa.

Chapitre quatrième : Le fil rouge, ou les relations Apis - Varroa de par le monde. 79

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L'ensemble de ces remarques considérant les cas où le filtre de rencontre était initialement ouvert sont synthétiséesdans un tableau, lequel représente la première étape de la recherche du fil rouge (voir tableau 8).

22 . . Apis mellifera : lorsque s'ouvre la rencontre.

Les relations liant Apis mellifera à Varroa sont récentes, puisque le transfert latéral de Varroa depuis Apis cerana versApis mellifera ne s'est produit que pendant les années 1950. Avant cela, le filtre de rencontre était donc fermé (FR = 0).

Le filtre de rencontre artificiellement ouvert (FR = 1), il est intéressant d'examiner l'état des autres filtres. Si environ15% fondatrices restent infertiles, il apparaît qu'il s'agit d'une constante difficile à éliminer pour Varroa plus que d'unvéritable filtre du type accepter (FF = 0.85) Quant au comportement de nettoyage du couvain, il est vrai qu'environ 5%des cellules infestées sont nettoyées (Boecking et al., 1992), mais ceci relève plutôt d'une valeur classique due aunettoyage normal que d'un filtre de type être accepté (FN = 0.95).

Il s'est finalement rapidement avéré qu'aucun filtre ne pouvait freiner le développement de Varroa, et que lacompatibilité entre Varroa et la grande majorité des sous-espèces d'Apis mellifera était à son maximum : FC = FF x FN

= 0.81. Il existait un potentiel de développement de Varroa chez Apis mellifera, et ce potentiel est devenu réalité lors del'ouverture du filtre de rencontre. Il est clair que si ce couple ne s'est pas effondré à l'heure actuelle,c'est pour l'unique raison que l'apiculture cherche à maintenir l'espèce Apis mell ifera .

La bibliographie donne des valeurs de 10 000 Varroa pour 50 000 abeilles, par colonie, ce qui permet de calculer leniveau de tolérance d'Apis mellifera : NTOL = 20%.

22 . . Papouasie : avant la compatibilité.

Trois situations particulières de relations Apis mellifera-Varroa méritent une attention spéciale et l'examen desfiltres, car elles sortent de la situation classique de sensibilité maximum décrite ci-dessus : il s'agit des cas de laPapouasie, des AHB au Brésil et des AHB au Mexique.

En Papouasie, le filtre de rencontre était initialement fermé (FR = 0), ce qui était dû, non à l'absence de Varroa danscette zone, mais à l'absence de l'abeille Apis mellifera. Le filtre de rencontre a ensuite été ouvert par l'importation d'Apismellifera (FR = 1), mais la situation est restée simple, puisque 100% des fondatrices Varroa ne se reproduisent pas (FF =0) (Anderson, 1994). Quant au filtre de nettoyage du couvain, aucune information n'est disponible (FN = ?), mais l'onpeut calculer la valeur du filtre de compatibilité : FC = FF x FN = 0. Le niveau de tolérance est bien sûr NTOL = 0%, cequi permet de parler, non pas de tolérance, mais véritablement de résistance.

Les recherches en cours sur cette île montrent une situation particulièrement intéressante qui n'est pas sans rappelerla situation originelle au Japon (Fuchs, communication personnelle). L'hypothèse en cours de vérification par DenisAnderson est qu'un début de spéciation se serait déjà produit au sein de l'espèce Varroa jacobsoni. Le taxon originel deVarroa (Varroa jacobsoni) comprendrait des individus formant un couple stable avec Apis cerana, mais incapables dereproduction dans le couvain d'Apis mellifera, peut-être pour des raisons d'interprétation des signaux du couvain. Cetaxon serait celui qui se trouvait à l'origine au Japon, et actuellement en Papouasie.

De ce taxon Vj1, se serait séparé un second taxon Vj2, qui pourrait à terme former une espèce indépendante, etcomprenant des individus qui auraient "appris" à se reproduire chez Apis mellifera, ou plus exactement qui auraient étésélectionnés pour leur capacité à se reproduire chez Apis mellifera (Anderson, communication personnelle). Ce taxonVj2 serait celui qui a colonisé les colonies d'abeilles du monde entier.

Si cette hypothèse se vérifie, elle montre combien les situations de tolérance sont frêles, et constitue un cas d'écoled'ouverture du filtre de compatibilité (voir tableau 9).

22 . . Brésil et Mexique : la compatibilité partiellement fermée.

Concernant la situation des AHB du Brésil, aucun des deux protagonistes n'était originellement présent sur lecontinent sud-américain, ce qui interdisait toute rencontre (FR = 0). L'abeille africanisée a été hybridée en 1956 au

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Brésil ; Varroa a ensuite été introduit dans ce pays en 1976, permettant ainsi la rencontre entre les deux espèces (FR =1).

La tolérance élevée des AHB du Brésil à Varroa a depuis longtemps été signalée. Le facteur de loin le plus importantest la fertilité de seulement 43% des fondatrices (Ritter et al., 1984), duquel le filtre de fertilité est déductible (FF =0.43). Un autre facteur de tolérance intervient, qu'est le nettoyage d'un tiers environ du couvain infesté par les abeilles(FN = 0.66) (Moretto et al., 1991). De ces deux filtres, nous pouvons calculer la valeur du filtre de compatibilité (FC =FN * FF = 0.29).

Par ailleurs, les colonies d'AHB au Brésil peuvent comporter 50 000 individus, pour une population de Varroamaximale de 1000 individus (Engels et al., 1986). Le niveau de tolérance des AHB du Brésil est donc de 2%. Il estremarquable que cette valeur correspond exactement à NTOL = 2 % chez Apis cerana.

Examinons enfin nos données, afin de pouvoir comparer la situation des AHB du Mexique avec les autres situations

Tableau 9 : le fil rouge, élargi des trois espèces d'abeilles asiatiques à l'espèce Apis mellifera et quelques sous-espèces remarquables. Les données actuelles et la connaissance de la colonisation passée des divers territoires

permettent de déduire les valeurs pour le passé. Valeurs numériques des filtres FR, FF, FN et FC ainsi que du niveau de tolérance NTOL.

Passé Présent

FR FC NTOL FR FF FN FC NTOL

Apis dorsata / florea 1 0 0% 1 ? ? 0 0 %Apis cerana 1 0.08 2% 1 0.12 0.66 0.08 2 %

Apis mellifera 0 0.81 0% 1 0.85 0.95 0.81 20 %

Papouasie 0 0 0% 1 0 ? 0 0 %AHB - Brésil 0 0.28 0% 1 0.43 0.66 0.28 2 %

AHB - Mexique 0 0.66 0% 1 0.85 0.66 0.56 5 %

décrites ici. Le filtre de rencontre était, là encore, initialement fermé entre Varroa et les AHB au Mexique (FR = 0), puisil a été ouvert en 1992 (FR = 1). Selon nos propres résultats, le filtre de compatibilité est en partie fermé, puisque lespopulations de Varroa ne dépassent pas 2 500 individus pour 50 000 abeilles, soit NTOL = 5%. Toujours selon nospropres résultats, l'ouverture du filtre de fertilité chez les AHB du Mexique est égale à celle des abeilles d'Europe (FF =0.85), mais il existe un filtre de nettoyage important (FN = 0.66). La valeur du filtre de compatibilité peut alors êtrecalculée, et l'on obtient une valeur FC = FF x FN = 0.29.

Cet ensemble de données permet de construire la seconde étape du fil rouge (voir tableau 9). La comparaison dessituations au Brésil et au Mexique montre que, dans l'état actuel des connaissances, la différence de tolérance des AHB àVarroa n'est pas liée à une différence de nettoyage du couvain. Une différence apparaît dans la proportion de fondatricesinfertiles, propre à expliquer la tolérance différentielle des deux sous-espèces.

23. Cline de tolérance à Varroa.

La comparaison des situations au Brésil et au Mexique, où les travaux ont prétendument été réalisés avec des AHBcomparables, des Varroa comparables et sous des climats comparables, fait ressortir des différences nettes en termes detolérance des abeilles à Varroa. Ces différence appellent deux types de commentaires.

Chapitre quatrième : Le fil rouge, ou les relations Apis - Varroa de par le monde. 81

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23 . . Un troisième filtre ?

Les données font tout d'abord apparaître ce qui semble être un illogisme (voir tableau 9). Alors que le niveau detolérance au Brésil et au Mexique approche ou égale le niveau de tolérance originel, le filtre de compatibilité est loind'être aussi fermé que chez Apis cerana. Cet illogisme apparent peut être interprété de deux manières différentes.

La première manière d'interpréter l'illogisme est de supposer l'existence d'un troisième facteur de tolérance, nonencore mis en évidence. Il pourrait s'agir de l'attractivité du couvain, ce qui confirme la nécessité de réaliser desexpériences complémentaires. Si l'on admet que le rapport des niveaux de tolérance doit égaler le rapport des filtres decompatibilité, la valeur du troisième filtre (dénommé F) peut être estimée. Une valeur similaire indiquant une fermeturede F est ainsi obtenue à partir des données :

• Comparaison AHB au Brésil (BR) / Apis cerana (AC) : NTOL-BR / NTOL-AC = 2% / 2% = 1, alors FC-BR / FC-AC = 1, donc FC-BR = FC-AC

Comme FC-BR = FF-BR x FN-BR x F , alors F = FC-AC / (FF-BR x FN-BR)D'où F = 0.08 / (0.43 x 0.66) = 28%

• Comparaison AHB au Mexique (MX) / Apis cerana (AC) :NTOL-MX / NTOL-AC = 5% / 2% = 2.5, alors FC-MX / FC-AC = 2.5, donc FC-MX = 2.5 x FC-AC

Comme FC-MX = FF-MX x FN-MX x F , alors F = (2.5 x FC-AC) / (FF-MX x FN-MX)D'où F = (2.5 x 0.08) / (0.85 x 0.66) = 35%

La seconde manière d'interpréter l'illogisme est plus simple et plus probable : il peut ne pas exister de relationsimple entre le niveau de fermeture des filtres et le niveau de tolérance. Il se peut que les facteurs de tolérance connusaient un retentissement complexe sur la dynamique des populations de Varroa, et suffisent à expliquer le niveau detolérance. Alors que l'infertilité des fondatrices peut affecter leur durée de vie, mais pas leur fitness, le nettoyage ducouvain semble beaucoup plus conséquent, puisque le potentiel reproducteur des fondatrices est nettement affecté,abaissant ainsi nettement la fitness.

Seul le recours à la modélisation, par l'adaptation du modèle déjà développé par Ingemar Fries permettra de montrer siles deux filtres considérés sont suffisants ou si un troisième filtre doit être recherché.

23 . . Cline de tolérance à Varroa.

Une question a été évitée depuis de nombreuses pages, mais ne saurait l'être jusqu'à la dernière. L'identificationmorphométrique préliminaire à toutes les expériences décrites nous a permis d'affirmer que les AHB étaient comparablesau Brésil et au Mexique ; il n'est qu'une seule espèce Varroa connue, ce qui permet de dire que les Varroa au Brésil et auMexique sont également comparables ; les climats des régions d'expériences au Brésil et au Mexique sont égalementcomparables. Si toutes les conditions d'expériences sont ainsi comparables, pourquoi les relations abeilles-Varroa nesont pas comparables ?

L'élément de réponse fondamental qui peut être apporté ici est lié au travail de T.E. Rinderer, de Baton-Rouge. Pourcet auteur, il existe un véritable cline d'africanisation, s'étalant, vers le nord, du milieu du Brésil au milieu des Etats-Unis, et vers le sud, du milieu du Brésil au milieu de l'Argentine (voir figure 44 et § 2.δ). Selon cet auteur, la méthodede Daly d'identification morphométrique des AHB utilisée pour notre étude permet effectivement d'identifier la tendanceeuropéenne ou africanisée des abeilles, mais ne permet pas de situer avec précision les abeilles hybrides au sein del'intervalle. Pour ce faire, il faudrait recourir à une autre méthode d'identification, morphométrique également, mais deplus grande finesse, ce qui sera fait dans un futur proche. Pour Rinderer, les abeilles identifiées comme africanisées auMexique sont en définitive intermédiaires entre les AHB du Brésil et les EHB (voir figure 6).

Le cline nord est particulièrement intéressant puisqu'il recouvre les deux pays dont la comparaison est l'objet de ceparagraphe : le Brésil et le Mexique. Au Brésil, alors que les abeilles possèdent le degré d'africanisation maximum, ellespossèdent également un niveau de tolérance très bas (NTOL = 2%), expliqué au moins par deux filtres (FF et FN). AuMexique, alors que les abeilles possèdent un degré d'africanisation moyen, elles possèdent un niveau de tolérance moyenà Varroa (NTOL = 5%), expliqué par au moins un filtre (FN), mais pas par le filtre de fertilité.

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Nous émettons doncl'hypothèse que le clined'africanisation desabeilles du continentaméricain est couplé àun cline de tolérance desabeilles à Varroajacobsoni .

Nord USA :EHB 'pures'

Brésil :AHB 'pures'

Zone d'introgression

progressive AHB / EHB

Clined'africanisation

Nettoyagedu couvain

Infertilitédes fondatrices

Cline detolérance à

Varroa

Ce cline est le fruit de deuxfacteurs de tolérance (voirfigure 47) : 1) l'infertilité desfondatrices relève de lacomposante "accepter" du filtrede compatibilité. Elle estélevée au Brésil (43%), maisnormale au Mexique (85%). Ilserait bien sûr intéressant deconnaître si, entre les deuxpays, ce facteur prend desvaleurs intermédiaires et passeprogressivement de 43% à85%, ou s'il passe brutalement d'une valeur à l'autre, le long d'une frontière nette ; 2) lenettoyage du couvain relève de la composante "être accepté" du filtre de compatibilité. Il estaussi élevé dans les deux pays (35%). Dans quelques années, lorsque le cline d'africanisationse sera stabilisé, avec des abeilles moyennement africanisées au Mexique (avec un nettoyagetoujours de 35%) et des EHB au nord des Etats-Unis (avec un nettoyage probable de 5%), il

Figure 47 : carte desAmériques et présentationdu cline d'africanisation etdu cline couplé detolérance à Varroa.

sera là encore intéressant de vérifier si, entre les deux pays, ce facteur prend des valeurs intermédiaires et passeprogressivement de 35% à 5%, ou s'il passe brutalement d'une valeur à l'autre. Il est nécessaire, pour confirmer cettehypothèse, de chercher des points complémentaires du cline d'africanisation, qui permettront de vérifier qu'ils'accompagne effectivement d'un cline de tolérance.

24. Coévolutions possibles.

Au fil des dernières pages, la spéculation s'est faite de plus en plus présente ; elle devient maintenant la règle. Laconnaissance des évolutions susceptibles d'affecter les systèmes hôtes-parasites (voir § 21.γ ) permet d'émettre en effetquelques hypothèses quant à l'évolution des systèmes Apis-Varroa (voir figure 48).

Les relations entre Apis dorsata et Apis florea d'une part, Varroa d'autre part, sont probablement très anciennes, etl'on peut supposer qu'elles ont déjà subi de nombreuses pressions de sélection. Si le filtre de compatibilité n'est pasouvert aujourd'hui, cela montre que le facteur d'incompatibilité est d'importance majeure. La situation se maintiendraalors à l'identique.

Les relations entre Apis cerana et Varroa sont probablement également anciennes, et la tolérance des abeilles est sansdoute le résultat d'une longue coévolution. Si l'on admet qu'un équilibre est établi entre le coût de la tolérance et le coûtde la virulence des parasites, et sauf changement des conditions environnementales, l'on peut supposer que la situationperdurera.

Les relations entre Apis mellifera et Varroa sont par contre très récentes (moins de 50 ans). Le coût de la virulence duparasite est tel que les colonies non entretenues par des apiculteurs périssent dans l'espace de quelques années. Sil'entretien par ces apiculteurs n'avait pas lieu, plusieurs possibilités existeraient. Soit le parasite ferait disparaîtrel'espèce Apis mellifera, purement et simplement. Soit, comme le prévoit un schéma classique d'épidémiologie, la

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virulence de Varroa diminuerait au cours du temps, que cela soit dû au développement des mécanismes de tolérance parles abeilles, ou à la sélection de Varroa peu pathogènes par rétroaction (feedback) négative. Dans ce dernier cas, l'on peutprévoir que la situation d'équilibre se situera vers NTOL = 2.0 %.

Pourtant, aucune de ces deux situations ne se réalisera, dans la mesure où les apiculteurs entretiennent plusieursmillions de colonies d'abeilles de par le monde ; lorsqu'il s'agit d'abeilles sélectionnées, elles le sont la plupart du tempspour des qualités de productivité plus que pour des qualités de tolérance à Varroa. La sensibilité des abeilles estcompensée par des traitements anti-Varroa, ce qui entraîne la persistance de colonies sensibles à l'acarien. Cette activitéempêche l'extinction de l'espèce Apis mellifera ; il est par contre difficile de prédire si elle laissera la possibilité d'unesélection d'abeilles tolérantes ou de Varroa peu pathogènes. Le filtre de compatibilité pourrait en effet demeurer à sonniveau actuel de 20%.

Les relations entre Apis mellifera en Papouasie et Varroa sont elles aussi assez récentes, et les pressions de sélectionsur Varroa sont excessivement fortes, dans la mesure où pas une seule fondatrice ne peut se reproduire. L'évolution de cesystème dépend de la nature du facteur interdisant la reproduction de Varroa. S'il s'agit d'un facteur incontournable,comme dans le cas d'Apis dorsata et Apis florea , la résistance devrait se maintenir, avec NTOL = 0%. Pourtant, Varroapeut de reproduire au sein de toutes les autres sous-espèces d'Apis mellifera, et il est possible que l'évolution sélectionnedes fondatrices capables de contourner ce facteur. La situation devrait alors évoluer pour atteindre le niveau de toléranced'Apis cerana, c'est à dire NTOL = 2%. C'est probablement une transformation de ce type qui s'est produite au sein dutaxon de Varroa capable de reproduction chez Apis mellifera, si toutefois l'on admet l'hypothèse de spéciation émise parAnderson. Une évolution possible en Papouasie est celle qui s'est produite au Japon : l'introduction de Varroa de cetaxon, immédiatement capables de reproduction.

Les relations entre AHB au Brésil et Varroa sont également récentes, et il est remarquable que le niveau de tolérancede 2% de ces abeilles est identique à celui rencontré chez Apis cerana, et constitue probablement un équilibre entre lecoût de la virulence du parasite et le coût de la tolérance, auquel cas ce niveau de tolérance est appelé à perdurer au seuilde NTOL = 2%.

Les relations entre AHB au Mexique et Varroa, enfin, sont les plus récentes de tous les cas ici décrits. Ces abeillessont tolérantes à Varroa. Pourtant, le niveau de tolérance déterminé (5%) est encore nettement plus élevé que le niveau de2% supposé représenter un équilibre. Il est possible que Varroa ne soit pas suffisamment pathogène pour exercer unepression de coévolution sur le système ; dans ce cas, le niveau de tolérance restera stable à 5%. Il est pourtant plusprobable que la virulence représente un coût encore trop élevé pour les abeilles, et que la coévolution amène le systèmevers l'équilibre de 2 %.

Figure 48 : six casparticuliers de relationsApis-Varroa, valeurs desfiltres et du niveau detolérance

AHB MexiqueFertilité : 0.85Nettoyage : 0.66Autre : 0.35 ?Tolérance : 5 %

Apis dorsata / floreaFertilité : ?Nettoyage : ?Tolérance : 0 %

AHB BrésilFertilité : 0.43Nettoyage : 0.66Autre : 0.28 ?Tolérance : 2 %

A. mellifera PapouasieFertilité : 0.00Nettoyage : ?Tolérance : 0 %

Apis ceranaFertilité : 0.12Nettoyage : 0.66Tolérance : 2 %

Apis melliferaFertilité : 0.85Nettoyage : 0.95Tolérance : 20 %

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Les sept situations connues et remarquables qui caractérisent les relations entre Varroa et diverses espèces et sous-espèces du genre Apis ont été successivement examinées. A partir de ces considérations sur la situation actuelle, leurs

Tableau 10 : le fil rouge, quatre espèces et trois sous-espèces d'abeilles ; passé déduit, présent mesuré, futur spéculé.Valeurs numériques des filtres de rencontre FR, FF, FN et FC ainsi que du niveau de tolérance NTOL.

Passé Présent FuturFR FC NTOL FR FF FN FC NTOL FR FC NTOL

Apis dorsata / florea 1 0 0% 1 ? ? 0 0 % 1 0 0 %

Apis cerana 1 0.08 2% 1 0.12 0.66 0.08 2 % 1 0.08 2 %

Apis mellifera 0 1 0% 1 0.85 0.95 0.81 20 % 1 0.81 20 %0.08 2 %

Papouasie 0 0 0% 1 0 ? 0 0 % 1 00.08

0 %2 %

AHB - Brésil 0 0.08 0% 1 0.43 0.66 0.28 2 % 1 0.28 2 %

AHB - Mexique 0 0.66 0% 1 0.85 0.66 0.56 5 % 1 0.66?

5.0 %2.0 %

situations de par le passé ont été approchées. Enfin, les diverses voies par lesquelles pourront évoluer les diverssystèmes abeilles-Varroa ont été proposées (voir tableau 10). Le "fil rouge" est maintenant aussi complet que possible.Sa construction a montré les nombreuses situations ou le manque de données rend incertaine l'interprétation de lasituation. Les recherches doivent bien sûr être approfondies, afin de compléter notre connaissance du système abeilles-Varroa.

Chapitre quatrième : Le fil rouge, ou les relations Apis - Varroa de par le monde. 85

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Thèse

Depuis l'année 1992, une situation unique et éphémère se rencontre sur la côte Atlantique du Mexique : la coexistence

de colonies d'abeilles européennes (EHB), présumées sensibles à l'acarien Varroa jacobsoni, et de colonies d'abeillesafricanisées (AHB), présumées tolérantes. Cette situation a motivé un travail de dynamique comparée des populations deVarroa, au sein des deux sous-espèces d'abeilles.

. La situation au Mexique.

Nous nous sommes attachés à montrer les évolutions temporelles et spécifiques des populations de Varroa, durant unepériode de dix-huit mois. Sans surprise, les EHB sont apparues hautement sensibles à l'acarien. Par contre, les AHBsont apparues tolérantes, mais pas au même niveau que les AHB du Brésil. Dans ce pays, en effet, la population deVarroa rencontrée est au maximum de 1 000 à 1 200 individus par ruche ; nous en avons trouvé jusqu'à 2 500, auMexique. Nous avons en fait montré que la population de Varroa n'était pas maintenue en permanence à un niveau baspar les abeilles, mais qu'elle s'accroissait fortement à l'automne. Lorsqu'un certain seuil d'infestation est dépassé, unerégulation vient pourtant limiter cette croissance, et ramener la population à un niveau d'environ 500 individus auprintemps.

L'examen de la descendance engendrée par les fondatrices nous a permis de conclure que leur taux de fertilité étaitélevé, donc qu'il ne pouvait être la cause de la tolérance des abeilles, comme c'est le cas au Brésil. Par ailleurs, ce mêmeexamen nous a permis de montrer la stratégie reproductive de Varroa.

Cette stratégie apparaît pourtant particulièrement rigide, maintenue identique quel que soit le nombre de fondatricespar cellules de couvain, ce qui entraîne l'immaturité d'une grande partie de la descendance à l'émergence des abeilles. Dessimulations ont montré que cette stratégie est probablement la même que dans sa forme initiale de conception pour unedurée d'operculation de quatorze jours, comme chez l'hôte d'origine de Varroa. Le changement d'hôte a permis à Varroa dese développer dans des cellules de couvain operculées pendant douze jours seulement, et la rigidité de la stratégiereproductive a entraîné, là encore, l'immaturité d'une grande partie de la descendance à l'émergence des abeilles.

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Les mêmes simulations, à travers le calcul de la sex ratio de la descendance, ont permis de conclure que cette stratégiereproductive semblait répondre approximativement aux prédictions de la LMC (local mate competition), dans desconditions de durée d'operculation de 14 jours, comme chez Apis cerana. Le passage sur Apis mellifera et la reproductionlimitée par une durée d'operculation de 12 jours entraînent l'obtention de descendance dont la sex ratio est beaucoup plusbiaisée que ne le prévoit la théorie de la LMC.

En conséquence de ces premiers résultats, nous nous sommes attachés à la mesure de divers paramètrescaractéristiques des colonies d'abeilles ou des populations de Varroa, paramètres susceptibles d'expliquer la tolérance desAHB à Varroa. Un biotest nous a permis de montrer que, pendant une durée de vingt-quatre heures, le couvain d'EHBétait deux fois plus attractif pour Varroa que le couvain d'AHB. Ce constat ne fournit toutefois pas une explication à latolérance, mais il montre que l'attractivité du couvain doit être étudiée plus en détail. En outre, c'est la principaleouverture vers une recherche appliquée à la lutte contre Varroa mise en évidence par notre étude.

La durée d'operculation du couvain, égale pour les deux sous-espèces d'abeilles, ne s'est pas révélée opportune pourexpliquer la tolérance. L'examen d'abeilles portant une fondatrice Varroa a révélé un comportement de nettoyage exacerbédes AHB, mais donnant lieu à un piètre résultat en termes de mortalité de l'acarien. Ce comportement, nonspécifiquement déclenché par Varroa, n'explique probablement pas la tolérance.

Le suivi du nettoyage du couvain par les abeilles, enfin, a révélé la capacité des AHB à nettoyer environ un tiers ducouvain infesté par Varroa. Les EHB, dans les mêmes conditions, n'en nettoyaient qu'à peine un dixième. Cettedifférence explique sans doute la majeure partie de la tolérance des AHB, dans la mesure où un tel nettoyage annule lesuccès reproducteur (fitness) des fondatrices Varroa.. Pourtant, il est probable que la tolérance soit de naturemultifactorielle, et ce comportement de nettoyage n'explique probablement pas la tolérance à lui seul.

. Cline d'africanisation des abeilles, cline de tolérance à Varroa.

Ces observations nous ont mené a rechercher le "fil rouge", c'est à dire une explication globale des relations particulièresliant l'espèce Varroa jacobsoni et sept espèces et sous-espèces du genre Apis. Il est apparu que le recours à un système defiltres donnait une vision satisfaisante de la situation. Deux filtres doivent être franchis, afin de former un couple hôte-parasite Apis-Varroa : un filtre de rencontre entre les deux espèces, puis un filtre de compatibilité.

Dans les sept cas considérés, le filtre de rencontre est actuellement ouvert, que ce soit de façon naturelle pour lesespèces d'abeilles asiatiques, ou de façon artificielle pour les abeilles d'Europe, d'Afrique et d'Amérique. Le filtre decompatibilité, par contre, est plus ou moins ouvert, selon les couples considérés. Il est pleinement ouvert chez lesabeilles européennes, aussi est-il intéressant de comparer ces abeilles avec les sous-espèces d'abeilles tolérantes à Varroa.Ce filtre est lui-même basé sur deux composantes :

- la composante "accepter l'hôte" est l'infertilité des fondatrices dans le couvain d'ouvrières ; cette composanteexplique la plupart des cas de tolérance connus, comme les cas d'Apis cerana en Asie, ou d'Apis mellifera en Papouasieet au Brésil, mais elle n'explique pas le cas des AHB au Mexique.

- la composante "être accepté par l'hôte" est le nettoyage, par les abeilles adultes, du couvain infesté par Varroa. ; siun tel nettoyage a été rapporté de nombreuses fois, son importance en tant que facteur de tolérance a toujours étésecondaire à l'importance de l'infertilité des fondatrices. Pour la première fois, ici, nous évoquons la possibilité del'importance première de ce facteur dans un cas de tolérance.

Pourtant, cette proposition semble insuffisante à expliquer seule les cas de tolérance des AHB. Pour éclaircir cettesituation, il faut probablement suspecter l'existence d'un troisième filtre. Dans la mesure où nous avons pu montrer quel'attractivité du couvain n'était pas la même dans toutes les colonies d'abeilles, il sera intéressant de vérifier si cetteattractivité peut avoir une répercussion sur la dynamique des populations de Varroa, chez les AHB au Mexique.

Enfin, nous faisons un triple constat : 1) le constat de l'existence d'un cline d'africanisation des abeilles peuplant lesAmériques ; 2) le constat de la situation différentielle de tolérance des abeilles africanisées du Brésil et du Mexique ; 3)le constat de l'existence de filtres différemment ouverts dans ces deux pays.

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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Ce triple constat nous amène à la conception d'une hypothèse, selon laquelle le clined'africanisation des abeilles du continent américain est couplé à un cline de tolérance desabeilles à Varroa.

. Perspectives au Mexique.

Deux questions s'étaient posées à la lecture de l'imposante bibliographie relative à Varroa : les AHB au Mexique sont-elles tolérantes à Varroa ? Si oui, pourquoi ? La problématique était simple, et l'enchaînement d'expériences nous apermis de répondre clairement à la première question, puis de donner des éléments avancés de réponse à la secondequestion. Ces expériences ont ouvert moult voies de recherches, qu'il nous paraît intéressant de résumer ici.

Dans la perspective de répondre définitivement à la seconde question, il nous semble important de procéder à desexpériences complémentaires au Mexique. Concernant l'attractivité du couvain, le biotest peut être élargi afin decomparer l'attractivité de couvain de multiples âges et origines pour des fondatrices Varroa d'origines égalementmultiples. Une expérience, malgré la difficulté de sa mise en œuvre, devrait être menée afin de mesurer la durée de lapériode phorétique des fondatrices, dans les deux types de colonies ; seule une telle mesure pourra montrer fermementl'impact éventuel de l'attractivité différentielle sur la dynamique des populations de Varroa.

Parallèlement, l'analyse de prélèvements d'extraits cuticulaires de couvain montrera si cette attractivité différentielledoit être attribuée à une différence de signaux chimiques, ou s'il faut rechercher d'autres raisons. Si une telle différenceapparaissait dans le bouquet d'émissions chimiques, elle fournirait sans aucun doute une base inégalable à une techniquede lutte durable contre l'acarien Varroa jacobsoni.

Toujours au Mexique, il serait intéressant de comprendre les mécanismes sous-tendant le nettoyage du couvain parles abeilles. Les abeilles détectent-elles le couvain infesté sur la base d'émissions gazeuses à travers l'opercule descellules, ou sur la base de vibration mécaniques ? Le nettoyage du couvain à un âge bien précis relève-t-il d'un hasard oud'une stratégie héritée d'une préadaptation ?

. Cline d'hybridation de l'hôte, cline de tolérance au parasite.

Un concept-clef de l'écologie évolutive est fort débattu à l'heure actuelle : celui de la coévolution. Ce concept a étécristallisé dans la théorie de la Reine rouge par Van Valen (1973), sur la base d'une nouvelle de Lewis Carroll (Alice àtravers le miroir), au sein de laquelle Alice et la Reine rouge se trouvent dans un paysage mobile, et doivent donc courirpour rester sur place. Van Valen considère que la composante la plus importante de l'environnement d'une espèce estl'ensemble des autres espèces de l'écosystème avec lesquelles elle interagit. Même si l'environnement physico-chimiquene change pas, les espèces doivent évoluer dans le temps pour répondre aux changements évolutifs des autres espècesconstituant l'écosystème : les espèces doivent évoluer, ne serait-ce que pour maintenir leur fitness.

Le concept de coévolution se base sur la reconnaissance, au moins implicite, qu'un réseau d'interactions s'établitentre les diverses espèces d'un même écosystème ; si une espèce dépend strictement d'une autre pour sa survie, commedans le cas du parasitisme, alors toute modification de l'hôte entraîne la sélection d'une nouvelle forme, mieux adaptée,du parasite. Enfin, Carton (1986 ; 1988) ajoute que pour parler de coévolution, il faut montrer l'origine génétique de cephénomène, donc la modification conjointe des génomes des deux espèces.

La difficulté de ce concept réside moins dans sa définition théorique que dans la vérification de son existence et lacompréhension de ses mécanismes. Plusieurs modèles peuvent être étudiés, dont la qualité principale doit être laspécificité du couple formé par les deux espèces. La spécificité hôte-parasite étant souvent de règle, la parasitologiefournit d'excellents modèles ; de plus, l'on mesure chaque jour l'impact que peuvent avoir les parasites sur unécosystème. A ce double titre, la parasitologie intéresse l'écologie comme l'évolution (Combes, 1995). De même, les

Thèse. 89

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couples hôtes-parasitoïdes servent de modèle au concept de coévolution ; ils offrent, outre leur spécificité, des temps degénération courts, ce qui accroît la probabilité d'observer des réponses réciproques (Boulétreau, 1986).

En définitive, et pour appliquer à la parasitologie les principes de la coévolution, Combes (1995) écrit que deuxcoévolutions influencent le devenir d'un couple hôte-parasite. L'une pour les caractères influençant la rencontre (l'hôtetend à éviter le parasite ; le parasite tend à rencontrer l'hôte), l'autre pour les caractères influençant la compatibilité(l'hôte tend à "rendre la vie impossible" au parasite ; le parasite tend à vivre dans le milieu hôte). De ces coévolutionsdécoule l'existence de couples hôtes-parasites. Ces couples sont caractérisés par leur degré de pathogénie : nulle si l'hôteparvient à échapper au parasite (ce dernier ne survit pas) ; moyenne si un équilibre s'établit entre le coût de la résistanceet le coût du parasitisme ; forte si le parasite arrive à vaincre les défenses de l'hôte (ce dernier disparaît alors).

L'importance des modèles de parasitologie ainsi replacée dans le cadre de l'écologie évolutive, il nous semblefinalement intéressant de synthétiser les éléments de discussion qu'apporte la situation que nous avons décrite auMexique à divers débats qui animent ces disciplines.

• Comment coévoluent les couples hôte-parasite ?

Combes (1995) rappelle que les relations hôte-parasite n'entrent pas tout à fait dans le concept de la Reine rouge,dans la mesure où hôte et parasite n'évoluent pas exactement au même plan, mais que l'hôte tend à distancerincessamment la parasite, tandis que le parasite cherche à rejoindre l'hôte : en termes évolutifs, dans un couple enéquilibre, l'hôte devance toujours le parasite.

Frank (1991) a conçu un modèle mathématique afin de montrer l'importance du polymorphisme génétique dans cettecourse évolutive. Mais les approches expérimentales montrant l'existence de la coévolution dans les couples hôtes-parasitoïdes de manière rétrospective restent rares. Une approche prospective a alors montré que le polymorphismegénétique de l'hôte lui permettait de devenir résistant au parasitoïde (Henter, 1995), mais que le polymorphismegénétique du parasitoïde lui permettait à son tour de surpasser cette résistance (Henter et al., 1995).

La coévolution gène pour gène, entre certaines plantes et leurs prédateurs, relève d'un fonctionnement relativementsimple et a donc pu être assez facilement démontrée pour une trentaine de couples hôte-parasite (Thompson et al., 1992).Pourtant, elle est la conséquence d'un système polygénique dans la plupart des cas, ce qui résulte en la difficulté de sadémonstration (Frank, 1992), et une allure d'apparence chaotique des relations hôte-parasite (Seger, 1988). Minchella(1985) précise que, si la coévolution est conditionnée par le génome des deux partenaires, elle reste de naturemultifactorielle et est clairement influencée par l'environnement.

• Nos observations au Mexique présentent une situation intéressante, dans le cadre de ces mécanismes coévolutifs.Chaque sous-espèce d'abeilles considérée reflète une histoire évolutive différente : les abeilles européennes relèvent d'uneévolution en milieu tempéré européen, entraînant une adaptation à des conditions hivernales rudes, mais peu de défensesvis à vis des prédateurs et des parasites (stratégie K) ; les abeilles africanisées relèvent d'une évolution en climat tropicalafricain, entraînant une adaptation à des conditions variables et peu prévisibles, ainsi qu'à la lutte contre moult prédateurs(agressivité) et parasites (stratégie r). Alors que les sous-espèces d'Europe et d'Afrique sont nombreuses et variées, seulesdeux d'entre elles, aux histoires radicalement différentes, ont été introduites en Amérique, ce qui a permis la création d'unvéritable continuum dans l'introgression génique des hôtes.

Ce cline d'hybridation des hôtes est d'une part le résultat de l'adaptation différentielle aux divers climats rencontrés, etd'autre part l'origine de comportements différentiels, selon le lieu considéré. Dans les cas où la résistance est avérée, sanature multifactorielle est claire : elle peut mettre en jeu l'inadéquation des signaux du couvain aux nécessités de Varroa,entraînant la faible attractivité du couvain et l'infertilité des fondatrices, ou le nettoyage du couvain infesté par lesabeilles.

La résistance différentielle à Varroa, selon que l'on s'intéresse à une extrémité ou l'autre du cline, laisse supposer queles facteurs de résistance sont essentiellement d'origine génétique, au moins dans le cas de l'infertilité des fondatrices oula faible attractivité du couvain. Ce qui ne peut toutefois pas exclure une importance de l'environnement dansl'apprentissage des comportements menant à la résistance, comme le nettoyage du couvain infesté. Dans tous les cas,s'agissant de phénomènes complexes, le support est certainement polygénique, entraînant la variabilité comme laplasticité de la tolérance.

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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Nos observations confirment donc que la résistance ou la tolérance peuvent être de nature multifactorielles. Unapprofondissement de ce travail permettra de confirmer qu'elles reposent sur des bases génétiques et environnementales.

•• D'une coévolution à l'autre : transition entre couples hôte-parasite.

Considérons deux couples hôte-parasite faisant intervenir le même parasite, sur deux hôtes phylogénétiquementproches (comme des sous-espèces de la même espèce, voire des individus de la même sous-espèce) ; si ces deux couplesprésentent différents niveaux de tolérance, il semble intéressant de connaître la manière dont se fait la transition d'un hôteà l'autre, d'un niveau de tolérance à l'autre. Il apparaît par exemple qu'une telle transition peut se faire de manière brutale,ou de manière graduelle.

Un bon exemple est fourni par l'étude de végétaux à longue durée de vie, chez lesquels des populations de parasitespeuvent coévoluer différemment d'un hôte à l'autre (Edmunds, 1978). Chaque individu hôte développe des défensespropres, malgré la proximité physique d'autres hôtes, tandis que les parasites contournent de manière adaptée cesdéfenses. La conséquence en est une pathologie d'intensité très variable, d'un couple à l'autre, et le développement depopulations parasitaires très inégal selon les hôtes, à tel point que l'utilisation d'hôtes très sensibles comme "puits àparasites" a pu être envisagée (Whitham, 1989).

Ces deux cas sont extrêmes, et montrent un fractionnement complet des populations de parasites, chaque populationétant inféodée à un unique individu hôte. La transition d'un niveau de tolérance à un autre ne peut alors être autrementque brutale. Une transition légèrement plus progressive est apparue lors de l'étude de deux espèces de souris résistantes àun nématode, mais dont les aires de répartition se mélangeaient très peu. La petite zone d'introgression génique des hôteshébergeait des hybrides des deux souris, qui se sont révélés fortement sensibles au parasite. En fait, la recombinaison desgénomes parentaux aboutissait à la perte de la résistance, et limitait de ce fait l'importance de la population hybride(Sage et al., 1986 ; Moulia et al., 1991).

La transition est enfin apparue franchement progressive, dans les deux cas suivants. Le premier cas concerne l'étudedes relations entre deux moules, l'une résistante et l'autre sensible, à un trématode parasite. L'hybride des deux moules arévélé une sensibilité intermédiaire au parasite, car c'est l'introgression des gènes de l'hôte sensibles qui permet leparasitisme des hybrides. La résistance, dans ce cas, est liée à la fermeture partielle du filtre de compatibilité (Coustau etal., 1991 in Combes, 1995).

Le second cas concerne un monogène branchial de poissons d'eau douce. Ce parasite nage près du fond, et parconséquent, rencontre plus fréquemment une espèce de poissons vivant en eau peu profonde qu'une espèce vivant enpleine eau. Plus un poisson possède des gènes de la première espèce, plus il fréquentera des zones à faible hauteur d'eau,et plus il rencontrera le parasite. Il s'agit là de l'unique preuve d'un cas de fermeture du filtre de rencontre (Le Brun et al.,1990 ; 1992).

•• Nos observations au Mexique se situent au niveau de la fermeture du filtre de compatibilité. A la différence desétudes précédentes, les hôtes ne sont pas des espèces, mais des sous-espèces différentes (EHB et AHB), qui se répartissenttout au long d'un cline de 15 000 kilomètres, sur un territoire de 30 millions de kilomètres carrés.

Au moins deux facteurs sont impliqués dans la tolérance à Varroa. L'infertilité des fondatrices Varroa et l'attractivitédu couvain semblent être d'origine purement génétique, puisqu'il s'agit vraisemblablement de l'interprétation de signauxde l'hôte par le parasite. Le nettoyage du couvain est par contre un facteur éthologique, et en tant que tel, il est difficilede préciser si son origine est d'ordre génétique ou environnementale. Pourtant, la comparaison d'hôtes sensibles etd'hôtes tolérants dans les mêmes conditions expérimentales élimine la possibilité d'une origine environnementale de cecomportement.

Le passage d'un hôte à l'autre est progressif le long d'un cline. Il implique l'introgression progressive de gènesd'africanisation, lesquels sont responsables de nombreux caractères. En premier lieu, des caractères de défense contre lesennemis de la colonie, qu'il s'agisse de défense contre les prédateurs (agressivité) ou de défense contre les parasites(nettoyage du couvain). En second lieu, des caractères phénologiques, comme les signaux émis par le couvain afin deprovoquer certains comportements des abeilles, signaux qui peuvent éventuellement fournir des guides aux parasites.

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••• Dans quelle direction coévoluent les couples hôte-parasite ?

Il a longtemps été accepté comme évident qu'un couple hôte-parasite "jeune" présentait une pathologie élevée, puisque la coévolution l'amenait vers une faible pathologie. Un tel empirisme est pourtant fortement combattu aujourd'hui.

Une importante contradiction à cette hypothèse est une nouvelle fois la sensibilité différentielle d'hôtes vivant dansles mêmes conditions physico-chimiques, comme nous l'avons vu plus haut (Edmund, 1978 ; Whitham, 1989).

Afin d'expliquer cette variabilité, Rosenzweig (1973) explique que la sélection naturelle force un parasite à devenir"imprudent", c'est à dire pathogène, au risque d'entraîner sa propre perte. En construisant un modèle mathématique, ilmontre que cette imprudence entraîne une réponse défensive de la victime ; la coévolution ainsi mise en place tend àamener le couple vers un "équilibre dynamique", au sein duquel le bénéfice net des évolutions de chaque partenaire estnul. De cette manière, la pathogénie peut être d'intensité très variable, mais tend nécessairement à se stabiliser autourd'un degré de virulence intermédiaire, ce qui s'est vérifié en conditions expérimentales (May et al., 1983).

Que la pathologie aille en diminuant n'est pas non plus une évidence. Une étude a montré que des schistosomes (lesparasites) présentaient un pathogénie plus importante pour des mollusques (les hôtes) sympatriques que pour desmollusques allopatriques, ce qui signifie que la cohabitation hôte-parasite a permis aux parasites de s'adapter à leurshôtes, donc devenir plus pathogènes avec le temps (Ebert, 1994). Morand et al. (1996), suite à un travail demodélisation, généralisent même cette observation en disant qu'un couple hôte-parasite "jeune" présente, de façongénérale, une faible pathologie, puis que celle-ci va croissant, jusqu'à un certain équilibre. Pour eux, cette évolutiontraduit le "retard évolutif" du parasite, vis à vis de l'hôte.

C'est finalement Combes (1995) qui, à l'aide de sa théorie des filtres, donne une vue synthétique de ces diversesinterprétations (voir § 21). Pour lui, tout dépend du degré d'ouverture des filtres au moment où est formé le couple hôte-parasite. Si les filtres sont ouverts, la pathologie est forte, et la sélection tend à éliminer les parasites les plus virulentset les hôtes les plus sensibles, c'est à dire à fermer les filtres. Au contraire, si les filtres sont fermés, la pathologie estfaible, et la sélection tend à favoriser les parasites les plus virulents et les hôtes les plus sensibles, c'est à dire à ouvrirles filtres.

••• Nos observations au Mexique et l'hypothèse que nous en avons déduite entrent tout à fait dans ce cadre, puisque lecouple EHB-Varroa présente d'entrée une forte pathologie, liée à une ouverture totale des filtres, tandis que le coupleAHB-Varroa présente une faible pathologie, liée à la fermeture partielle du filtre de compatibilité (voir § 22). De plus, lecline d'introgression de gènes AHB dans le génome EHB semble s'accompagner d'un cline de fermeture progressive de cefiltre. Pour valider cette hypothèse, il est bien sûr impératif de mesurer les degrés de pathologie et de fermeture des filtresen d'autres points du cline d'hybridation des abeilles (Colombie ou Venezuela, par exemple).

Si cette hypothèse se vérifie, elle signifie l'existence d'un continuum de couples hôte-parasite, au long desAmériques. Il s'agirait alors d'un modèle de choix pour suivre les coévolutions des divers couples hôte-parasite. Desrecherches prospectives pourraient en effet montrer une évolution de la pathologie des divers couples, de manièrecroissante pour les couples du sud (AHB-Varroa), de manière décroissante pour les couples du nord (EHB-Varroa). Ellespourraient aussi montrer que cette évolution de la pathologie est en fait conséquente à une ouverture progressive desfiltres au sud, et à une fermeture progressive au nord.

Enfin, ces diverses expectations laissent croire qu'il existe déjà, à l'heure actuelle, un couple abeille-Varroa dontl'ouverture intermédiaire des filtres correspond au niveau de pathologie intermédiaire prédit par May et al. (1983), àl'équilibre au sein duquel Alice et la Reine rouge courent à la même vitesse et compensent parfaitement le changementdu paysage prédit par la théorie de Van Valen (1973), à l'équilibre où les mutations du parasite compensent parfaitementcelles de l'hôte, comme le prédit la définition de la coévolution.

Rechercher, et surtout observer, ces couples évolutivement plus ou moins stables est bien sûr de grand intérêt. Unetelle étude pourrait permettre une nouvelle démonstration de la solidité de la théorie de la coévolution. Elle permettraitpeut-être même, ce qui est plus riche, d'en révéler des failles, et donc de la consolider.

Abeilles et Varroa au Mexique - Thèse de Rémy Vandame - Lyon 1, 1996.

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. Perspectives en écologie évolutive.

Il est nécessaire (mais non suffisant) d'affiner le regard sur les relations Apis-Varroa à la lumière des filtres de rencontre etde compatibilité. Si le modèle formé par ces deux arthropodes n'est pas spectaculairement original en lui-même, ladiversité de situations qu'il présente de par le monde et la connaissance que nous en avons, motivée par la volonté demaintenir fortement représentée l'espèce Apis mellifera, sont, elles, uniques. Cette diversité et sa connaissances'accompagnent d'une échelle de temps courte, puisque l'extension de Varroa à toutes les zones peuplées par Apismellifera s'est réalisée durant les cinquante dernières années.

Une étude capitale que nous nous attacherons à réaliser sera la caractérisation très fine du cline d'africanisation, et del'évolution de la phénologie des abeilles et de Varroa, comme celle des divers facteurs de tolérance, tout au long de cecline. Cette étude alliera donc pour le moins entomologie, parasitologie, éthologie, génétique, écologie et évolution,afin d'expliciter la manière dont des phénomènes microscopiques, individuels et populationnels évoluent le long d'uncline, lui, macroscopique.

Le modèle abeilles-Varroa est unique, en termes de diversité, connaissance et échelle de temps. Plus que saconnaissance propre, le suivi des évolutions affectant ce modèle fournira sans aucun doute des observations permettantd'affiner autant que d'éprouver les diverses théories de l'écologie évolutive.

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Lexique.Certains termes ont été définis de différentes manières selon les auteurs. Afin de lever toute ambiguïté, nous les définissons ici et précisons lasignification de certaines abréviations. L'astérisque indique que la définition provient de "Dictionary of ecology, evolution and systematics"(Lincoln et al., 1982).

Africanized honey bees) : abeilles africanisées.Arrhénotoquie* : voir "haplodiploïdie".Capacité limite* (K) : nombre maximum d'individus d'une population que peut supporter une aire ou habitat donné.Colonie d'abeilles : population d'abeilles contenue par une seule ruche.EHB : (European honey bees) : abeilles européennes.Fertilité : l'on considère une fondatrice Varroa fertile dès lors qu'elle engendre une descendance, peut importent le sexe et la viabilité, fut-ce un

seul œuf.Fondatrice : femelle adulte Varroa, après avoir débuté un cycle reproducteur.Fitness* : voir "succès reproducteur".Haplodiploïdie* : système génétique existant chez certains animaux dans lequel les mâles se développent à partir d'œufs non fécondés

(haploïdes), et les femelles se développent à partir d'œufs fécondés (diploïdes).Intensité : nombre moyen de parasites par hôte.

: voir "stratégie K" et "capacité limite".Mortalité absolue : nombre absolu d'individus morts dans une période de temps donnée.Mortalité relative : nombre d'individus morts dans une période de temps donnée, exprimé en pourcentage de la population totale.

Local mate competition) : compétition locale pour l'accouplement.Parthénogenèse* : développement d'un individu à partir d'un gamète femelle, sans fécondation par un gamète mâle.Phorésie : phénomène par lequel un animal s'attache sur un autre animal, afin de se disséminer.Population de Varroa : terme utilisé dans cet ouvrage pour désigner ce qui correspond à une infrapopulation de Varroa, c'est à dire l'ensemble

des Varroa hébergés par une colonie d'abeilles.Prévalence : nombre moyen d'hôtes parasités. : voir "stratégie r" et "taux intrinsèque d'accroissement naturel".

Résistance : qualité d'une colonie au sein de laquelle les populations de Varroa sont incapables de se maintenir, fut-ce à un niveau réduit.Sensibilité : qualité d'une colonie au sein de laquelle les populations de Varroa ne sont pas (ou peu) limitées dans leur reproduction.Sex ratio : proportion de mâles dans une population.Stratégie K* : sélection produisant une capacité compétitive supérieure dans un environnement prédictible, dans laquelle l'accroissement

rapide est peu important, car la population est maintenue à un niveau près de K (capacité limite de l'habitat).Stratégie r* : sélection favorisant un taux d'accroissement de populations rapides, typiques des espèces colonisant des environnements à vie

courte, ou d'espèces dont la taille des populations fluctue fortement.Succès reproducteur* (ou fitness) : capacité compétitive relative à un génotype donné, conférée par des adaptations morphologiques,

physiologiques ou comportementales, exprimée et habituellement quantifiées comme le nombre moyen de descendants survivants d'ungénotype donné, comparé avec le nombre moyen de descendants survivants d'un génotype compétiteur.

Taux intrinsèque d'accroissement naturel* (r) : taux d'accroissement potentiel d'une population dans un environnement infini (paramètremalthusien).

Théorie* : principe généralement accepté scientifiquement, supporté par un corps d'expériences, pour donner une explication des faitsobservés. Base pour une future discussion sur la recherche.

Tolérance : qualité d'une colonie au sein de laquelle les populations de Varroa ne peuvent se maintenir qu'à à un niveau réduit.Trade off : compromis entre deux situations.

Lexique. 95

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English summary.

Importance of host hybridization in the tolerance to a parasite.Example of the parasitic mite Varroa jacobsoni, in colonies of european andafricanized honey bees Apis mellifera, in humid tropical climate of Mexico.

Studying coevolutionary processes is mainly a retrospective mode of research, proceeding from particular ecologicalsituations. Host-parasites relations, by a comparison of a parasite and two hosts of the same species, can offer goodways of studies of such coevolutive processes

Since the year 1992, a unique situation exists near coastal Mexico : the coexistence of european honey bees Apismellifera (EHB), presumably sensitive to the mite Varroa jacobsoni, and of africanized honey bees (AHB), presumablytolerant. This is a unique model in terms of diversity, knowledge and time-scale, thus we observed in detail thedynamics of the three populations, as well as the factors of tolerance.

• We showed that EHB were highly sensitive to Varroa mite. On the contrary, AHB were tolerant (2500 mites/hive),but not at the same level than AHB in Brazil (1000 mites/hive). Varroa populations increased strongly in autumn, thena regulation lowers the population at 500 mites, at spring.

The observation of foundresses offspring led us to conclude that their fertility rate was high, thus it could not be thetolerance factor, like is the case in Brazil. It also revealed Varroa reproductive strategy. Offspring sex ratio calculusshowed that this strategy was very near LMC predictions (local mate competition).

• We measured various parameters that could explain AHB tolerance to Varroa. A biotest showed a twice higherattractivity from EHB brood than from AHB brood to Varroa. This fact cannot explain tolerance alone, but is the mainaperture of our study to an applied control of Varroa.

Post-capping duration, same for both susb-species, cannot explain tolerance. Observation of foundresses having aphoretic mite showed a strong grooming behaviour of AHB, but with a poor results in terms of mite mortality. Thiscannot explain tolerance.

Brood observation revealed AHB ability to remove one third of infested brood, thus cancelling Varroa foundressesfitness. This could explain a great part of AHB tolerance, though it must multifactorial.

• Those observations led us to look for the "red line", that is a global explanation for relationships between Varroaand seven species or subspecies of genus Apis. A screen system provided a good description of the situation. To form anApis-Varroa couple, both a meeting-screen and a compatibility-screen should be overpassed. The last one, which closureexplains three cases of tolerance of Apis mellifera subspcies to Varroa, is made of a foundresses-fertilitry screen and aremoval screen. However, we suspect the existence of a third screen.

Three notes (africanization cline of honey bees in america ; differential tolerance from AHB in Brazil and inMexico ; differential aperture of screens in those two countries) led us to the hypothesis that the africanizationcline of honey bees in american continent is coupled with a tolerance cline of bees to Varroa.

• Our study shows the major importance than can take resistance genes introgression in a sensitive genome, in termsof tolerance to a parasite.

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Resumen en español.

Importancia de la hibridización del huesped en la tolerancía a un parásito.Ejemplo del ácaro parásito Varroa jacobsoni, en colmenas de abejas europeas y africanizadas, en climato tropical

humedo de México.

El estudio de los procesos coevolutivos es sobretodo relacionado con investigaciones retrospectivas, a partir desituaciones ecológicas particulares. Las relaciones huesped-parásito, en comparación de las relaciones entre un parásito ydos huespedes de misma especie (una sensible, la otra resistante) pueden ser modelos para el estudio de tales procesos.Desde el año 1992, una situación única se encuentra sobre las cuestas atlánticas de México : la coexistencia de abejasApis mellifera europeas (EHB) presumidas sensibles al ácaro Varroa, y de abejas africanizadas (AHB), presumidasresistantes. Se trata de un modelo único, en terminos de diversidad, conocimineto, y tiempo, por lo que estudiamos lasdinámicas de las tres poblaciones asi como los factores responsables de la tolerancia.

• Comprobamos que las EHB estaban altamente sensibles al ácaro. Al contrario, las AHB aparecieron resistantes(2500 Varroa/colmena), pero no al mismo nivel que las AHB de Brasil (1000 Varroa/colmena). La población de Varroacrece fuertemente en el otoño, despues de que una regulación la reduce a 500 individuos en la primavera.

El examen de la descendencia de las fundadoras permitió concluir que la tasa de fertilidad de estas estaba elevada, porlo cual no podía ser responsable de la tolerancia, como en Brasil. Tambien nos permitió descubrir la estrategíareproductiva de Varroa. El calculo de la sex ratio de la descendencia probó que esa estrategía acercaba a las predicciones dela LMC (local mate competition).

• Medimos varios parámetros capaces de explicar la tolerancia de las AHB a Varroa. Un bioensayo nos permitióprobar que la cría de EHB es dos veces más atractiva para Varroa que la cría de AHB. Este resultado no parece poderexplicar solo la tolerancia, pero constituye la principal apertura de nuestro estudio para al control de Varroa.

La duración de operculación de la cría, igual para las dos subespcies de abejas, no explica la tolerancia. Laobservación de abejas llevando una fundadora Varroa reveló un comportamiento de limpieza muy fuerte de las AHB, perocon poco efecto sobre la mortalidad del ácaro. Este comportamiento no explica la tolerancia.

La observación de la cría reveló la capacidad de las AHB para limpiar alrededor de un tercero de la cría infestada porVarroa. Esta capacidad, cancelando el succeso reproductivo (fitness) de Varroa, parece poder explicar la mayor parte de latolerancia de las AHB. Sin embargo, la tolerancia es ciertamente multifactorial.

• Estas observaciones nos llevaron a buscar el "hilo rojo", es decir una explicación global de las relacionesparticulares entre Varroa jacobsoni y siete especies o subespecies del genero Apis. El uso de un sistema de filtros diouna vision satifechosa de la situación. Para formar un conjunto Apis-Varroa, se tienen que pasar un filtro de encuentro, yun filtro de de compatibilidad. Este ultimo es compuesto de un filtro de fertilidad de las fundadoras, y un filtro delimpieza de la cria. Se sospecha la existencia de un tercero filtro, como la attractividad de la cría para las fundadorasVarroa.

Tres hechos (gradiente de africanización de las abejas en las américas ; tolerancia diferencial de las AHB de Brasil yMéxico ; apertura diferencial de los filtros en estos paises) nos llevan a construir un hipotsesis segun el cual, elgradiente de africanización de las abejas del continente americano es coplado con un gradiente detolerancia de las abejas a Varroa jacobsoni .

• Nuestro estudio comproba la importancia mayor que puede tener la introgresión de genos de resistancia en ungenome sensible, en términos de tolerancia a un parásito.

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Résumé (Summary : previous page ; Resumen : página anterior).

L'étude de processus coévolutifs relève majoritairement de recherches rétrospectives à partir de situations écologiquesparticulières. Les relations hôtes-parasites, par la comparaison des relations entre un parasite et deux hôtes de la mêmeespèce, l'un sensible, l'autre résistant, peuvent fournir de bons modèles d'étude de tels processus coévolutifs.

Depuis l'année 1992, une situation unique et éphémère se rencontre sur la côteAtlantique du Mexique : la coexistence d'abeilles Apis mellifera européennes (EHB),présumées sensibles à l'acarien Varroa jacobsoni, et de colonies d'abeilles africanisées(AHB), présumées tolérantes. S'agissant d'un modèle unique en termes de diversité,connaissance et échelle de temps, la dynamique des trois populations ainsi que les facteursresponsables de la tolérance ont fait l'objet d'une étude approfondie.

• Nous avons montré que les EHB étaient hautement sensibles à l'acarien. Par contre,les AHB sont apparues tolérantes (2 500 Varroa/colonie), mais pas au même niveau queles AHB du Brésil (1 000 Varroa/colonie). La population de Varroa s'accroît fortement àl'automne, puis une régulation ramène la population à 500 individus au printemps.

L'examen de la descendance engendrée par les fondatrices a permis de conclure que leurtaux de fertilité était élevé, donc qu'il ne pouvait être la cause de la tolérance des abeilles,comme c'est le cas au Brésil. Ce même examen a permis de révéler la stratégiereproductive de Varroa. Par ailleurs, la sex ratio de la descendance est structurée de manièreparallèle aux prédictions de la LMC (local mate competition).

• Nous avons mesuré divers paramètres susceptibles d'expliquer la tolérance des AHB àVarroa. Un biotest a permis de montrer que le couvain d'EHB était deux fois plus attractifpour Varroa que le couvain d'AHB. Ce constat ne semble pas expliquer à lui seul latolérance, mais constitue la principale ouverture vers une recherche appliquée à la luttecontre Varroa mise en évidence par notre étude.

La durée d'operculation du couvain, égale pour les deux sous-espèces d'abeilles, estinapte à expliquer la tolérance. L'examen d'abeilles portant une fondatrice Varroa a révéléun comportement de nettoyage exacerbé des AHB, mais donnant lieu à un piètre résultaten termes de mortalité de l'acarien. Ce comportement n'explique pas la tolérance.

Le suivi du couvain a révélé la capacité des AHB à nettoyer environ un tiers ducouvain infesté par Varroa. Cette capacité, en annulant le succès reproducteur (fitness) desfondatrices Varroa, semble expliquer la majeure partie de la tolérance des AHB. La naturemultifactorielle de la tolérance reste cependant indubitable.

• Ces observations nous ont mené a rechercher le "fil rouge", c'est à dire uneexplication globale des relations particulières liant l'espèce Varroa jacobsoni et septespèces et sous-espèces du genre Apis. Le recours à un système de filtres donne une visionsatisfaisante de la situation. Pour former un couple Apis-Varroa, il faut franchir un filtre

de rencontre, puis un filtre de compatibilité. Ce dernier, dont la fermeture explique trois cas de tolérance de sous-espècesd'Apis mellifera à Varroa, se décompose en un filtre de fertilité des fondatrices et un filtre de nettoyage du couvain.L'existence d'un troisième filtre, comme l'attractivité du couvain pour les fondatrices Varroa, est suspectée.

Un triple constat (cline d'africanisation des abeilles peuplant les Amériques ; tolérance différentielle des AHB duBrésil et du Mexique ; ouverture différentielle des filtres dans ces pays) nous amène à la conception d'une hypothèseselon laquelle le cline d'africanisation des abeilles du continent américain est couplé à un cline detolérance des abeilles à Varroa jacobsoni.

• Notre étude montre l'importance capitale que peut prendre l'introgression de gènes de résistance dans un génomesensible, en termes de tolérance à un parasite.