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1 Bientôt 9 milliards d’habitants, et toujours la même planète. L’humanité atteint une période charnière de son histoire, car ce n’est pas un scoop, notre modèle de développement n’est pas durable. Virginie Raisson est analyste en géopolitique, directrice du laboratoire indépendant Lépac* et auteure de l’ouvrage : «2033, Atlas des Futurs du Monde» (Ed. Robert Laffont). Avec pour fil rouge la démographie, elle explore les grandes questions que soulève l’avenir de la planète : vieillis- sement, urbanisation, migrations, ressources énergétiques, etc. A quoi ressemblera le monde en 2030 ? Loin de vouloir tirer les cartes, Virginie Raisson joue avec elles et nous invite à réfléchir à ce que pourrait être le monde de demain. Des hommes et des lieux 6,5 milliards d’hommes en 2010 , 9 mil- liards en 2030, et certainement encore beaucoup plus à la fin du siècle. Si l‘on peut chiffrer les évolutions possibles de la population mondiale, sait-on com- ment celle-ci se répartira sur la surface du globe ? En 2030, 6 habitants sur 10 seront asiatiques alors que Japonais, Russes et Européens connaîtront un recul marqué de leur population. La TENDANCES N° 14 SEPTEMBRE 2011 CONSEIL DE DÉVELOPPEMENT DE LA LOIRE-ATLANTIQUE Les futurs du monde En 2030 l’âge médian en Europe sera de 46 ans alors qu’ il avoisinera les 23 ans en Afrique... à l’horizon 2030 Démographie : quand le futur s’en mêle mique des pays du continent ? Comment va se passer cette forte croissance de population dans des pays parfois instables politiquement et où l’équilibre sociale est souvent très fra- gile ? Tous ces éléments pourraient avoir des répercussions sur les futurs mouvements de population. Des hommes et des âges Au cours des prochaines décennies, la pyramide des âges mondiale se trou- vera fortement perturbée. Rien qu’en Europe, la comparaison entre la pyra- mide de 1950 et celle de 2033 est sans équivoque. Alors que celle de 1950 est somme toute assez classique, celle de 2033 fait apparaître un gonflement important de la population âgée. À cet effet «papy boom» s’ajoute celui de la baisse de la fécondité en dessous de 2,1 enfants par femme, soit le seuil de renouvellement des générations. Avec cette nouvelle organisation démogra- phique, comment seront assu- rées les retraites ? Quel sera le coût de la prise en charge médicale? Quand on sait que les dépenses de santé en fin de vie sont équivalentes aux dépenses de tout le reste de la vie, on prend la mesure du futur problème de prise en charge et d’accompagnement médical. surprise démographique des 20 prochaines années concerne l’Afrique. Ce continent qui recensait deux fois moins d’habi- tants que l’Europe en 1950 en comptera plus du double en 2030, soulevant alors de nombreuses questions . Quelles seront les ressources nécessaires au développement et au décollage écono- * Laboratoire d’études politiques et d’analyses cartographique

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Les futurs du Monde à l'horizon 2033

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Bientôt 9 milliards d’habitants, et toujours la même planète. L’humanité atteint une période charnière de son histoire, car

ce n’est pas un scoop, notre modèle de développement n’est pas durable. Virginie Raisson est analyste en géopolitique,

directrice du laboratoire indépendant Lépac* et auteure de l’ouvrage : «2033, Atlas des Futurs du Monde» (Ed. Robert

Laffont). Avec pour fil rouge la démographie, elle explore les grandes questions que soulève l’avenir de la planète : vieillis-

sement, urbanisation, migrations, ressources énergétiques, etc. A quoi ressemblera le monde en 2030 ? Loin de vouloir

tirer les cartes, Virginie Raisson joue avec elles et nous invite à réfléchir à ce que pourrait être le monde de demain.

Des hommes et des lieux6,5 milliards d’hommes en 2010 , 9 mil-liards en 2030, et certainement encore beaucoup plus à la fin du siècle. Si l‘on peut chiffrer les évolutions possibles de la population mondiale, sait-on com-ment celle-ci se répartira sur la surface du globe ? En 2030, 6 habitants sur 10 seront asiatiques alors que Japonais, Russes et Européens connaîtront un recul marqué de leur population. La

TENDANCES N° 14 SEPTEMBRE 2011

CONSEIL DE DÉVELOPPEMENT DE

LA LOIRE-ATLANTIQUE

Les futurs du monde

En 2030 l’âge médian en Europe

sera de 46 ans alors qu’ il avoisinera

les 23 ans en Afrique...

à l’horizon 2030

Démographie : quand le futur s’en mêle

mique des pays du continent ? Comment va se passer cette forte croissance de population dans des pays parfois instables politiquement et où l’équilibre sociale est souvent très fra-gile ? Tous ces éléments pourraient avoir des répercussions sur les futurs mouvements de population.

Des hommes et des âges Au cours des prochaines décennies, la pyramide des âges mondiale se trou-vera fortement perturbée. Rien qu’en Europe, la comparaison entre la pyra-mide de 1950 et celle de 2033 est sans équivoque. Alors que celle de 1950 est somme toute assez classique, celle de 2033 fait apparaître un gonflement important de la population âgée. À cet effet «papy boom» s’ajoute celui de la baisse de la fécondité en dessous de 2,1 enfants par femme, soit le seuil de renouvellement des générations. Avec cette nouvelle organisation démogra-

phique, comment seront assu-rées les retraites ? Quel

sera le coût de la prise en charge médicale?

Quand on sait que les dépenses de santé en fin de vie sont équivalentes

aux dépenses de tout le reste de la vie, on

prend la mesure du futur problème de prise en charge

et d’accompagnement médical.

surprise démographique des 20 prochaines années concerne l’Afrique. Ce continent qui recensait deux fois moins d’habi-tants que l’Europe en 1950 en comptera plus du double en 2030, soulevant alors de nombreuses questions . Quelles seront les ressources nécessaires au développement et au décollage écono-

* Laboratoire d’études politiques et d’analyses cartographique

2 I loire-atlantique 2030 • Tendances N°14 • SEPTEMBRE 2011

Quel dynamisme aura notre société si l’essentiel de l’épargne est consacré à la retraite (les financements publics pourront-ils suivre) ? Enfin la solidarité intergénérationnelle risque éga-lement d’être mise à mal : quand près de 3/4 des votants auront plus de 50 ans, on peut penser qu’ils privilégieront le finance-ment des maisons de retraite davantage que celui des crèches ! Loin d’être anecdotique, il s’agit là de vraies questions de sociétés auxquelles il faudra répondre.

Une main d’oeuvre très deman-déeL’évolution démographique telle qu’elle est envisagée ne sera pas sans consé-quence sur la répartition de la main-d’oeuvre au niveau mondial. L’Europe sera le seul continent à perdre de la population active alors qu’en Afrique, l’augmentation sera spectacu-laire (+ 125 % de personnes en âge de travailler d’ici à 2050). Au scénario d’évolution de la main d’oeuvre pourrait correspondre le scénario des migra-tions de population. Car l’Europe pour-rait bientôt manquer de main-d’oeuvre dans plusieurs secteurs d’activités non délocalisables (soins et services à la personne, restauration, bâtiment, arti-sanat, etc.), imposant de combler ce déficit grâce à l’immigration.Abondance de ressources naturelles, proximité des marchés européens et main-d’oeuvre abondante : sous réserve d’investissements, l’Afrique pourrait offrir à son tour un terrain favorable aux délocalisations indus-trielles. Certains pays comme le Sénégal, le Mozambique ou l’Ouganda

pourraient ainsi capter d’importants flux de main-d’oeuvre intra-continen-taux. Ces mouvements pourraient se révéler d’autant plus importants que l’Europe semble pour sa part de plus en plus réfractaire à l’immigration.

PIB : un ordre nouveauLes puissances d’aujourd’hui ne seront pas forcément celles de demain... Car en se conjuguant, la démographie et l’éco nomie pourraient bien modifier le classement économique mondial. En amplifiant la croissance démogra-phique de l’Inde et de la Chine et en convertissant leurs populations en consommateurs, l’augmentation des revenus des deux géants asiatiques pourrait bientôt les hisser au tout en haut des bilans économiques mon-diaux, au détriment des économies matures mais moins stimulées comme l’Europe, le Canada ou le Japon.

Pour l’essentiel, la croissance urbaine des prochaines décennies sera le fait des pays en dévelop-pement et émergents, en Asie et en Afrique. Jadis liée à l’exode rural, l’urbanisation est désor-mais davantage alimentée par la croissance naturelle des popula-tions déjà citadines. En 2030, on prévoit que la population urbaine sera aussi importante que la population mondiale de 1987, soit 5 milliards d’habitants. Emplois, logements, pollutions, tensions sociales : pour les pays concernés, une telle évolution pose de nombreuses questions.

Économie : La puissance redistribuée

Répartition de la population européenne par tranche d’âge

1950

2033

Source : «2033, Atlas des Futurs du Monde», Virginie

Raisson, 2010. ©

Droits réservés « Lépac ».

Crèche ou maison de retraite ?

5 milliards de citadins

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thèse d’un recours massif au nucléaire, le coût des investissements néces-saires dans le secteur des énergies renouvelables ralentit leur développe-ment : jugées trop coûteuses et trop longues à amortir, elles devront donc sans doute attendre que le prix du baril de pétrole devienne inabordable. Finalement, c’est donc vers le charbon

que de nombreuses économies pour-raient bien se tourner dans les pro-chaines décennies. Facile à exploiter et à transporter, largement distribué à l’échelle de la planète, le charbon pré-sente également l’avantage d’offrir des réserves encore très abondantes et d’être donc bon marché. À ce profil économique et stratégique avantageux

Ressources limitées & consommation effrénéeToujours plus d’énergieD’ici à 2030, la demande en énergie primaire pourrait bondir de 30 % soit une hausse beaucoup plus marquée que la croissance démographique mondiale sur la même période. En réalité, cette augmentation de la demande énergétique mondiale pro-cède bien moins de la croissance de la population que de celle de la produc-tion industrielle. On relève ainsi que la Chine, dont l’économie repose sur l’exportation de produits manufacturés, pourrait absorber à elle seule 40 % de la demande supplémentaire en éner-gie.

Quelle énergie demain ? Selon certaines sources, nous aurions déjà franchi le pic pétrolier, indiquant que peu à peu, la production de brut ne pourra plus plus croître avec la demande. Face à cette pénurie annon-cée, la question se pose donc des alter-natives énergétiques. Tandis que les réserves de gaz diminuent et que l’ac-cident de Fukushima écarte l’hypo-

Aujourd’hui, le PIB de Tokyo est équivalent à celui du Brésil

Source : « 2033, Atlas des Futurs du Monde », Virginie Raisson, 2010. © Droits réservés « Lépac ».

A l’heure où la concurrence inter-nationale impose de monter en gamme, les populations nombreuses de l’Inde et de la Chine offrent à ces pays des facteurs particulière-ment favorables à l’innovation, qu’il s’agisse de la disponibilité de cer-veaux, du dynamisme des diasporas ou du nombre d’étudiants à l’étran-ger. Cependant, en dépit des avan-tages comparatifs que leurs popula-tions nombreuses leur procurent, l’Inde et la Chine doivent aussi répondre à une demande de plus en plus grande de matières premières et de ressources énergétiques ou alimentaires, soulignant ainsi la fragilité des deux puissances émer-gentes.

L’Asie : réserve de la matière grise de demain

Consommation d’énergie primaire par région de 2006 à 2030

Aujourd’hui

• 1,2 million d’habitants pour une moyenne d’âge de 38,2 ans

• Croissance de la 2e et de la 3e couronne nantaise, l’espace rural se repeuple

• Le secteur agroalimentaire et l’industrie sont les secteurs phares des années 2000 en Loire-Atlantique

• Un pôle énergétique principalement basé sur les énergies fossiles

2030

• Plus d’1,5 millions d’habitant et 44,3 ans en moyenne• 18 000 ha urbains consommés, Nantes sera une ville de

plus en plus dense• Une main-d’oeuvre orientée vers l’innovation et les ser-

vices à la personne.• Tensions de recrutement dans ce domaine car les départs

en retraite seront massifs• Développement de parcs éoliens terrestres et offshore

Vision future de la Loire-Atlantique

Conseil de Développement de la Loire-Atlantique

Co-Directeurs de la publication : Marcel Verger, Alain Sauvourel Rédaction : Céline Philiponet, Jean-Luc Tijou, Virginie Raisson Mise en page et illustration : Céline Philiponet Crédits photo : Fotolia Impression : CODELA

CODELA - 21 Bd Gaston Doumergue - 44 200 Nantes Tél : 02 40 48 48 00 Fax : 02 40 48 14 24 Courriel : [email protected] Site web : www.codela.fr/cdla/presentation

CONSEIL DE DÉVELOPPEMENT DELA LOIRE-ATLANTIQUE

2017diamant

2028argent

2030

or

2044cuivre

2042

fer

2559

lithium

2137titane

correspond cependant un bilan écolo-gique qui l’est beaucoup moins. Car à l’échelle mondiale, la combustion du charbon constitue déjà l’une des princi-pales sources d’émission de gaz à effet de serre responsables des dérègle-ments climatiques. Difficile par consé-quent d’envisager le charbon comme une réponse durable à la question énergétique...

La fin d’un âge d’or ?Sur le plan géopolitique, il est probable qu’un grand nombre de conflits naissent de la raréfaction progressive des ressources fossiles… ou minérales. Au rythme actuel de leur consomma-tion, un grand nombre de minerais pourraient en effet bientôt s’épuiser. Or comme pour celle de l’énergie, cette diminution des réserves procède avant tout du modèle de croissance qui domine l’économie mondiale. Dans ce système en effet, toute augmentation de revenus se trouve convertie en pro-duction de biens matériels, imposant de prélever davantage de ressources et de matières premières. Dans la mesure où les ressources planétaires

sont limitées, notre mode de dévelop-pement se trouve donc peu à peu com-promis par leur épuisement progressif. Déjà, on repère les premiers signes de tension sur les ressources : émeutes de la faim, manifestations contre la vente de terres arables à des pays étrangers , tensions sur l’eau au Proche-Orient ou dans le bassin du Nil , etc.

Repenser le modèleQu’on l’analyse au plan écologique, énergétique ou même alimentaire, notre modèle de développement n’est donc désormais plus soutenable, menaçant la planète de troubles crois-sants. Pour autant, le monde n’est pas condamné. À nous en effet de réinven-ter des modes de vie, de transport et d’alimentation écologiquement durables et socialement équitables ; des modèles de croissance ou «l’avoir plus» laisse la place à «l’être mieux».

État des réserves en 2010

Pour en savoir plus :• www.lesfutursdumonde.com

• www.lepac.org