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831 Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 831-43 Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 831-43 © 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Doi : 10.1019/200720089 Article original Tabagisme dans les médias publics et privés du Togo Enquête nationale auprès de 393 journalistes et animateurs des médias du Togo A. Hounkpati 1 , J.F. Tessier 2 , K.A. Djagadou 1 , K.A. Balogou 3 , O. Tidjani 1 Résumé Introduction Une collaboration avec les reporters contribuera à la réduction considérable de l’épidémie tabagique. Dans le monde entier, aucune étude n’a encore évalué l’ampleur du tabagisme au sein des reporters. Objectifs Déterminer la prévalence tabagique dans les médias et évaluer les connaissances et attitudes antitabagiques des reporters. Méthodes Étude transversale par auto-questionnaire anonyme réalisée auprès des reporters des secteurs publics et privés du Togo du 1 er mai au 31 juin 2005 par la méthode du « porte à porte ». L’analyse des données est faite grâce au logiciel Epi-Info 3.3.2. Résultats Taux de participation de 82,44 %. La prévalence taba- gique était de 25 %. Le tabagisme masculin était prédominant (26,1 % versus 19,6 %, p = 0,03). L’âge moyen du début de l’intoxi- cation tabagique était de 17,09 ans (extrêmes : 6 et 30 ans). La cigarette était le mode de consommation (100 %). Une proportion de 79,3 % de fumeurs a projeté d’abandonner l’intoxication dans cinq ans. Seuls 6,2 % des journalistes et animateurs ont souvent parlé du tabagisme au microphone. Les propositions de lutte anti- tabac ont reçu l’assentiment de la majorité des reporters. Conclusion En raison de leur place dans la diffusion d’informa- tions, les médias doivent être associés à la lutte antitabac. Mots-clés : Tabagisme • Journalistes • Médias • Attitudes • Togo. Réception version princeps à la Revue : 27.06.2006. 1 ère demande de réponse aux auteurs : 24.08.2006. Réception de la réponse des auteurs : 14.12.2006. 2 e demande de réponse aux auteurs : 05.03.2007. Réception de la réponse des auteurs : 08.03.2007. Acceptation définitive : 17.03.2007. 1 Service de Pneumo-Phtisiologie et de Maladies Infectieuses du CHU Tokoin de Lomé, Togo. 2 Institut de Santé Publique, Épidémiologie et Développement (ISPED), Université Victor Segalen, Bordeaux 2, France. 3 Service de Neurologie du CHU Campus de Lomé, Togo. Correspondance : A. Hounkpati BP 20452 Lomé, Togo. [email protected]

Tabagisme dans les médias publics et privés du Togo

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Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 831-43

Rev Mal Respir 2007 ; 24 : 831-43 © 2007 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservésDoi : 10.1019/200720089

Article original

Tabagisme dans les médias publics et privés du TogoEnquête nationale auprès de 393 journalistes et animateurs des médias du Togo

A. Hounkpati1, J.F. Tessier2, K.A. Djagadou1, K.A. Balogou3, O. Tidjani1

Résumé

Introduction Une collaboration avec les reporters contribueraà la réduction considérable de l’épidémie tabagique. Dans lemonde entier, aucune étude n’a encore évalué l’ampleur dutabagisme au sein des reporters.

Objectifs Déterminer la prévalence tabagique dans les médiaset évaluer les connaissances et attitudes antitabagiques desreporters.

Méthodes Étude transversale par auto-questionnaire anonymeréalisée auprès des reporters des secteurs publics et privés duTogo du 1er mai au 31 juin 2005 par la méthode du « porte àporte ». L’analyse des données est faite grâce au logiciel Epi-Info3.3.2.

Résultats Taux de participation de 82,44 %. La prévalence taba-gique était de 25 %. Le tabagisme masculin était prédominant(26,1 % versus 19,6 %, p = 0,03). L’âge moyen du début de l’intoxi-cation tabagique était de 17,09 ans (extrêmes : 6 et 30 ans). Lacigarette était le mode de consommation (100 %). Une proportionde 79,3 % de fumeurs a projeté d’abandonner l’intoxication danscinq ans. Seuls 6,2 % des journalistes et animateurs ont souventparlé du tabagisme au microphone. Les propositions de lutte anti-tabac ont reçu l’assentiment de la majorité des reporters.

Conclusion En raison de leur place dans la diffusion d’informa-tions, les médias doivent être associés à la lutte antitabac.

Mots-clés : Tabagisme • Journalistes • Médias • Attitudes • Togo.

Réception version princeps à la Revue : 27.06.2006. 1ère demande de réponse aux auteurs : 24.08.2006. Réception de la réponse des auteurs : 14.12.2006. 2e demande de réponse aux auteurs : 05.03.2007. Réception de la réponse des auteurs : 08.03.2007. Acceptation définitive : 17.03.2007.

1 Service de Pneumo-Phtisiologie et de Maladies Infectieuses du CHU Tokoin de Lomé, Togo.

2 Institut de Santé Publique, Épidémiologie et Développement (ISPED), Université Victor Segalen, Bordeaux 2, France.

3 Service de Neurologie du CHU Campus de Lomé, Togo.

Correspondance : A. Hounkpati BP 20452 Lomé, Togo.

[email protected]

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[email protected]

Summary

Background Collaboration with journalists should help to reducethe tobacco epidemic. All over the world, no study assessed theextent of tobacco smoking in the bosom of reporters.

Objective To determine the prevalence of tobacco smokingamong reporters and to evaluate their attitudes towardstobacco.

Materials and methods A cross-sectional survey using an ano-nymised questionnaire was conducted among reporters workingfor both the public and private media in Togo between the1st May and the 31st June 2005 using the “from door to door”method. Data analysis was performed with Epi-Info 3.3.2.

Results The participation rate was 82.44%. The prevalence oftobacco smoking was 25%. Smoking was more common in men(26.1% versus 19.6%, p = 0.03). The average age that subjectshad started to smoke was 17.1 years (Range: 6 and 30 years)with all smokers reporting that they smoked tobacco only in theform of cigarettes. 79.3% of smokers thought that they would quitwithin the next five years. Only 6.2% reporters often talked aboutsmoking while on the microphone. A majority of the reportersapproved of anti-smoking initiatives.

Conclusion Because of their importance in the diffusion ofnews, the media must be enrolled in the fight against tobacco.

Key-words: Tobacco smoking • Reporters • Medias • Attitude • Togo.

Smoking among journalists in the private and public media in TogoA. Hounkpati, J.F. Tessier, K.A. Djagadou, K.A. Balogou, O. Tidjani

Introduction

Le tabagisme est l’une des causes évitables de mortalitéet de morbidité. Ce fléau n’épargne aucune région du mondeou couche sociale des populations. Il s’agit selon l’Organisa-tion Mondiale de la Santé (OMS) d’une épidémie. À l’échellemondiale, le tabac tue chaque année un adulte sur dix. En2030, on s’attend à ce qu’il tue un adulte sur six, soit plus de10 millions de décès par an [1]. Au moins sept de ces décèssur dix surviendront dans les pays à revenus faibles ou moyens[1]. Selon un rapport établi par la banque mondiale en 1999,500 millions de personnes finiront par décéder de leur taba-gisme si les types actuels de tabagisme se maintiennent.

Le rapport conjoint de l’OMS et de la Banque Mon-diale, paru le 8 août 2000, indique clairement que l’augmen-tation des taxes constitue un moyen de choix pour fairereculer la consommation de cigarettes notamment chez lespauvres, les jeunes, et les moins instruits. Ce même rapportmontre que cette augmentation des taxes ne conduit pas àune réduction nette du nombre d’emplois surtout dans lespays en développement. Une majoration de l’impôt indirectse traduisant par une hausse de 10 % du prix des cigarettes,inciterait 42 millions de personnes à cesser de fumer [2].

Par des actions législatives et de vastes campagnes antita-bac, les pays développés ont réussi à contrôler l’épidémie taba-gique. Par voie de conséquence, les compagnies cigaretièresbénéficiant de la mondialisation ont fait de grandes avancéesdans les pays en développement. Ainsi, la consommation dutabac s’accroît dans ces pays au rythme de 3,4 % par an [3].L’industrie du tabac exerce son influence sur ces pays en inter-venant sur la scène politique où son avis est pris en compte àcause de son poids économique ; en soutenant financièrementles services sociaux et les activités sportives ; en menant desactivités promotionnelles et publicitaires ; et en se faisant pas-ser pour les vendeurs d’un produit comme les autres [3].

En Afrique subsaharienne, le tabac constitue unemenace importante. La lutte contre le tabagisme passe et pas-sera par la diffusion d’informations exactes sur les risquesassociés au tabac. Les médias de masse jouent un rôle essentieldans la diffusion de ces informations au niveau du grandpublic et leur influence en particulier auprès des jeunes estmajeure. Ils constituent les premiers relais après les profes-sionnels de la santé. Ils peuvent contribuer à décourager lesjeunes gens qui veulent tenter de fumer. Ils peuvent encoura-ger les fumeurs à cesser. Ils peuvent contribuer à la protectionde la santé des non-fumeurs. Ils doivent soutenir et expliquerles mesures de contrôle du tabagisme. Ils peuvent surtoutinformer voire éduquer les décideurs. Enfin, ils peuvent corri-ger les fausses informations véhiculées par les compagniescigaretières [4]. Les industriels du tabac ont compris depuislongtemps l’importance des médias et les utilisent régulière-ment, y compris de façon détournée comme moyen de pres-sion et de promotion publicitaire. De ce fait, il est importantpour les professionnels de santé publique d’avoir une bonneconnaissance de la position des journalistes et animateurs demédias africains par rapport au tabagisme.

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Le Togo constitue un bon modèle pour réaliser une telleétude. Situé en Afrique de l’ouest, il fait partie du groupe despays pauvres très endettés. Il ne dispose pas d’industrie dutabac. Le Togo est le seizième des pays ayant ratifié la conven-tion cadre contre le tabac. Malgré cet effort dans la lutte con-tre le tabac, le marché togolais recèle une gamme variée decigarettes en raison de l’absence de taxes sur les cigarettes.Le tabagisme prend de plus en plus de l’ampleur surtout ausein des populations jeunes [5, 6]. L’influence des journalistessur les jeunes est prépondérante.

Les objectifs de notre enquête étaient de :– déterminer la prévalence de l’intoxication tabagique au seindes journalistes et animateurs des radios, télévisions, et pressesdes secteurs publics et privés du Togo ;– décrire les caractéristiques sociodémographiques des fumeursjournalistes ou animateurs des radios, télévisions, et presses dessecteurs publics et privés du Togo sur l’épidémie du tabagisme ;– évaluer leurs connaissances sur les problèmes liés autabagisme ;– évaluer leur rôle en matière de prévention (exemplarité,information).

Population étudiée

Cadre d’étude : le Togo [7]

Le Togo est un petit pays d’Afrique de l’ouest(56,785 km2) limité par le Bénin, le Burkina Faso et le Ghana.Sa population est composée de 37 tribus dont les plus impor-tantes sont les Ewé, Mina, et Kabyè réparties dans six 6 régionsadministratives. Mais, 40 % de la population se trouve dans larégion Maritime qui ne représente cependant que 11 % de lasuperficie du pays. La forte densité de cette région s’expliquepar l’importance de la population de la capitale et son agglo-mération. Notre étude a porté sur l’ensemble du territoiretogolais.

Population d’étude

Au Togo, l’effectif total des journalistes et animateurs desmédias est 406. Au cours de cette enquête, nous avons rencon-tré 393 reporters et 324 ont effectivement répondu au ques-tionnaire.

Méthodes d’étude

L’étude a concerné les journalistes et animateurs desmédias publics et privés du Togo. Pour la réaliser, nous avonssollicité et obtenu une autorisation du ministre de la communi-cation et de la formation civique chargé de l’application et de lacoordination de la politique du gouvernement dans le domainede la communication écrite et de l’audiovisuel. Ce ministère estaidé dans la réalisation de ses tâches par certains services cen-traux [8] et notamment la Haute Autorité de l’Audiovisuelle etde la Communication (HAAC) chargée de délivrer à la presse

écrite et à l’audiovisuel, l’autorisation d’installation ou d’émis-sion. Nous avons rédigé une lettre d’information à l’endroit desjournalistes et animateurs. Cette lettre d’information rédigée enfrançais, a été soumise à l’appréciation du président de la HAACqui nous a fourni une liste de médias publics et privés. Outre lesmédias listés par la HAAC, nous avons aussi réalisé l’enquêteauprès des journalistes et animateurs d’autres médias que nousavons rencontrés sur le territoire.

Nous avons réalisé une enquête transversale et prospec-tive par auto-questionnaire. L’auto-questionnaire était rédigéen français. Il était inspiré de celui de l’OMS, lequel est validépar de nombreuses études [5, 6, 9-12]. Le questionnaire rap-porté en annexe 1, comportait trente-quatre items répartis enquatre grands groupes :– les caractéristiques démographiques étudiées autour de qua-tre items ;– le statut tabagique des journalistes et animateurs étudiéautour de trois items ;– la connaissance des journalistes et animateurs sur les méfaitsdu tabac étudiée autour de 13 items ;– les attitudes des journalistes et animateurs vis-à-vis du taba-gisme et des lois antitabac étudiées autour de 14 items.

Les questionnaires ont été distribués par la méthode duporte-à-porte dans les stations de radios, télévisions, et pressesécrites. Les questionnaires complétés ont été recueillis immé-diatement ou ultérieurement suivant la disponibilité du per-sonnel. L’enquête s’est déroulée du 1er mai au 31 juin 2005inclus et a été conduite par un professeur, un médecin, et unétudiant en médecine en instance de thèse. Nous avonsséjourné pendant 1 à 3 jours dans chaque ville ou villageayant des médias. Nous avons inclus tous les journalistes etanimateurs des secteurs public et privé du Togo qui étaientprésents lors de l’enquête, avaient donné leur accord aprèsavoir pris connaissance des objectifs de l’enquête et avaientrépondu effectivement à l’auto-questionnaire. Ont été exclusle personnel administratif, les secrétaires et les agents qui nesont ni journalistes ni animateurs de radios, télévisions oupresses et les journalistes et animateurs non-répondeurs après4 passages des investigateurs.

Les données ont été enregistrées et analysées sur micro-ordinateur à l’aide du logiciel Epi-Info version 3.3.2 (Epi2002). Le test de Khi2, le test exact de Fisher et Yates, le test Tde Student, et le test de Mantel-Haenzel ont été utilisés dèsqu’appropriés. Le seuil de signification des forces de liaison aété de 0,05.

Résultats

Nous avons réalisé l’enquête auprès de 94 médias, parmilesquels nous avons distingué :– 27 organes de presses écrites dont un seul organe public ;– 61 stations radios comprenant deux radios publiques et cin-quante-neuf radios privées ;– 6 chaînes de télévision : une télévision publique et cinq télé-visions privées.

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Au cours de notre enquête, nous avons rencontré393 journalistes et animateurs. Trois cents vingt-quatre ontrempli et rendu le questionnaire. Trente journalistes et anima-teurs ont refusé de remplir le questionnaire après avoir prisclairement connaissance de nos objectifs. Trente-neuf ontperdu ou n’ont pas rendu le questionnaire. Au total, le taux departicipation a été de 82,44 %.

L’enquête a couvert toute l’étendue du territoire natio-nal. Sur les 324 journalistes et animateurs interrogés,203 (62,7 %) étaient basés dans la région Lomé-commune.Dans les autres régions administratives du Togo, les investiga-teurs ont rencontré respectivement 47 (Région centrale),29 (Région de la Kara), 26 (Région des plateaux), 13 (régiondes savanes), et 6 (région maritime) journalistes et animateurs.

Caractéristiques sociodémographiques

des personnes interrogées

L’âge moyen des journalistes et animateurs était de31,02 ans (extrêmes : 20 et 77 ans). Les tranches d’âge lesplus représentées ont été celles de 20-39 ans (82,4 %). Lesjournalistes et animateurs (268) étaient majoritairement desexe masculin (82,7 % versus 17,3 % pour les femmes) soit unsex-ratio (H/F) de 4,7. Respectivement 55,2 % ; 37 % ; et6,2 % des enquêtés avaient un niveau d’instruction universi-taire, secondaire, et post-universitaire. Seuls 1,6 % des enquê-tés avaient un niveau primaire. Parmi les enquêtés, 55 %(n = 178) étaient mariés, 42,5 % (n = 138) étaient célibatai-res, 1,5 % (n = 5) était divorcé, et 1 % (n = 3) était veuf.La population étudiée était majoritairement chrétienne :72,8 % (n = 236). Les autres étaient soit de religionmusulmane : 21,9 % (n = 71), soit animistes 4 % (n = 13),soit se disaient athées 1,2 % (n = 4).

Prévalence du tabagisme

Parmi les reporters, la proportion des fumeurs actifs a étéde 25 % (9,9 % de fumeurs quotidiens et 15,1 % de fumeursoccasionnels) ; 18 % ont été des ex-fumeurs.

L’âge moyen des fumeurs et ex-fumeurs lors de l’initia-tion de l’intoxication tabagique était de 17,09 ans (extrêmes :6 et 30 ans). Près de la moitié (47,8 %) des fumeurs et ex-fumeurs ont commencé leur intoxication entre 15 et 19 ans.

Les hommes ont été plus nombreux à fumer que les fem-mes (26,1 % versus 19,6 %). Les ex-fumeurs ont comporté18,7 % des hommes et 14,3 % des femmes. Les non-fumeursont regroupé 66,1 % des femmes et 55,2 % des hommesenquêtés. Le tableau I indique le statut tabagique suivantl’âge, le sexe, le niveau d’instruction, la situation matrimo-niale, et la religion. Le tabagisme était plus important au seindes universitaires (59,3 % des fumeurs quotidiens et 59,6 %des fumeurs occasionnels étaient des universitaires).

Comportement des fumeurs

La cigarette a été le mode de consommation du tabac detous les fumeurs interrogés et 97,5 % (n = 79) d’entre eux

fumaient des cigarettes avec filtres. Le nombre moyen decigarettes fumées par jour était de 4,7 (extrêmes : 1 et 10).Une proportion de 40,7 % n’a pas eu de préférence pour lesmarques. Les marques de cigarettes les plus fumées ont été« Bond Street » (23,4 %), « Fine » (12,3 %), et « Marlboro »(7,3 %). Les marques « Royal », « Yes », et « Concorde » ontété fumées respectivement par 4,9 %, 3,8 %, et 3,8 % desenquêtés. Les marques « Slims », « Captain Black », et « Kingsize » ont été fumées chacune par un reporter.

Dans un tiers des cas (n = 118), les fumeurs interrogésont déclaré consommer régulièrement de l’alcool : 34,6 %(n = 112), Seuls deux d’entre eux ont reconnu la consomma-tion de substances additives : cola : 0,3 % (n = 1) et chanvreindien : 0,3 % (n = 1).

Plusieurs raisons sont évoquées par les fumeurs pour jus-tifier leur tabagisme. Ils fumaient pour oublier les soucis :30,9 % (n = 25) ; pour plaire au groupe d’amis : 27,2 %(n = 22) ; pour être plus forts 13,6 % (n = 10) ; pour éviterl’ennui 9,9 % (n = 8) ; pour éviter le trac à l’antenne : 6,2 %(n = 5) ; pour se concentrer : 2,4 % (n = 2) ; et pour éviter lacolère : 1,3 % (n = 1). Une proportion de 2,4 % (n = 2) n’apas évoqué de raisons.

Diverses situations sociales sont identifiées par lesjournalistes fumeurs comme occasions de tabagisme. Ilsfumaient essentiellement en compagnie d’amis fumeurs :51,9 % (n = 42) ; avant de rédiger le journal ou uneémission : 23,6 % (n = 19) ; avant de monter sur scène :12,4 % (n = 10). Les autres occasions de tabagisme ont étéles boîtes de nuit, les moments des fêtes, les périodes de fraî-cheur, les moments de colère, les cas de solitude, et pour fairel’amour.

Respectivement, 40,8 % (n = 33), 34,6 % (n = 28), et4,9 % (n = 4) des fumeurs ont dépensé quotidiennement unesomme de 100 F CFA, 100 à 500 F CFA, et 500 à 1 000 FCFA pour se procurer du tabac. Seize fumeurs (19,7 %) n’ontpas évalué leur dépense quotidienne liée au tabac.

Concernant l’arrêt de l’intoxication tabagique, plus dela moitié des fumeurs (60,5 %) ont tenté de cesser de fumer.Les problèmes rencontrés par ces fumeurs lors cette tentativesont dominés par l’anxiété (37,1 %), l’insomnie (21 %), etl’indifférence au travail (16 %). Les autres problèmes ontété : une envie impérieuse de fumer (9,9 %), la peur d’aller àl’antenne (8,6 %), et une transpiration importante (7,4 %).

Quatre fumeurs actuels sur cinq ont affirmé qu’ils nefumeront pas dans 5 ans. Le tableau II indique les différentesraisons invoquées par les fumeurs pour ne plus fumer.

Parmi les enquêtés, 94,4 % (n = 306) ont affirmé que letabac est nocif pour la santé.

Seulement 6,2 % des enquêtés regroupant 22,2 % defumeurs et 17,3 % de non-fumeurs ont affirmé parler souventdu tabagisme à l’antenne ou dans les presses. Rarement,14,8 % des fumeurs (n = 12), 89,7 % des ex-fumeurs(n = 52), et 95,1 % des non-fumeurs (n = 176) ont parlé dutabagisme au cours de leurs activités professionnelles.

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Opinions des journalistes et animateurs

des médias sur les mesures antitabac

D’une façon générale, les mesures législatives antitabacont reçu l’assentiment des journalistes et animateurs du Togo.Le tableau III indique le degré d’accord ou de désaccord desenquêtés vis-à-vis des mesures législatives antitabac. La quasi-totalité (92,6 %) des enquêtés regroupant 100 % des fumeurs,95,1 % (n = 176) des non-fumeurs, et 74,1 % (n = 43) des ex-fumeurs, ont affirmé qu’il est de la responsabilité du médecinde convaincre les gens de ne plus fumer. Selon 92,6 % desenquêtés, il est de la responsabilité du journaliste de convain-cre les gens de ne pas fumer. Selon la majorité (94,8 %) desjournalistes, les fumeurs peuvent arrêter de fumer s’ils en ont lavolonté. La majorité des enquêtés (93,2 %) regroupant 100 %des ex-fumeurs, 100 % des non-fumeurs, et 72,8 % (n = 59)des fumeurs, ont estimé qu’il est désagréable d’être à côté d’unfumeur. Selon respectivement 90 % et 95,1 % des enquêtés,les journalistes devraient donner le bon exemple en s’abstenantde fumer ou devraient être plus actifs en parlant des dangersdu tabac et des groupes à risque.

À chaque contact avec un fumeur, 88,5 % des journalis-tes (comportant 100 % des ex-fumeurs, 97,5 % (n = 79) desfumeurs et 81,1 % (n = 150) des non-fumeurs), ont affirmédissuader le fumeur.

Tableau II.

Différentes raisons évoquées pour ne plus fumer et leur degréd’importance.

Forte n (%)

Modéréen (%)

Faiblen (%)

Nullen (%)

Protection de la santé 52 (64,1) 20 (24,7) 5 (6,2) 4 (5)

Pour donner un bon exemple aux enfants

42 (51,8) 30 (37) 6 (7,4) 3 (3,8)

Discipline personnelle 35 (43,2) 25 (30,8) 13 (16) 8 (10)

Pour donner un bon exemple aux adultes de votre entourage

41 (50,6) 30 (37) 5 (6,2) 5 (6,2)

Économie d’argent 41 (50,6) 30 (37) 5 (6,2) 5 (6,2)

Pour donner un bon exemple aux journalistes 33 (40,7) 33 (40,7) 10 (12,4) 5 (6,2)

Survenue de certains symptômes 37 (45,7) 22 (27,2) 13 (16) 9 (11,1)

Pour éviter une gêne à votre entourage 39 (48,2) 20 (24,7) 13 (16) 9 (11,1)

Pour céder à la pression de l’entourage 28 (34,6) 22 (27,2) 13 (16) 18 (22,2)

Tableau I.

Statut tabagique suivant l’âge, le sexe, le niveau d’instruction, et la religion.

Fumeurs quotidiensN = 32 (%)

FumeursOccasionnels

N = 49 (%)

Ex-fumeursN = 58 (%)

Non-fumeursN = 185 (%)

Âge moyen : 31,02 ans Âge moyen à l’initiation : 17 ans

Sexe

Masculin (n = 268) 29 (10,8) 41 (15,3) 50 (18,7) 148 (55,2)

Féminin (n = 56) 3 (5,3) 8 (14,3) 8 (14,3) 37 (66,1)

Situation matrimoniale

Mariés (n = 178) 13(7,3) 32 (18) 57 (32) 76 (42,7)

Célibataires (n = 138) 16 (11,6) 15 (10,9) 1 (0,7) 106 (76,8)

Divorcés (n = 5) 2 1 0 2

Veufs (n = 3) 1 1 0 1

Niveau d’instruction

Primaire (n = 5) 0 0 1 4

Secondaire (n = 120) 11 (34,4) 16 (32,6) 17 (29,3) 76 (41)

Universitaire (n = 179) 19 (59,3) 29 (59,6) 36 (62,1) 95 (51,4)

Post-Universitaire (n = 20) 2 4 4 10

Religion

Catholique (n = 153) 14 (9,2) 14 (9,2) 32 (20,9) 93 (60,7)

Protestant (n = 83) 5 (6) 12 (14,5) 16 (19,5) 50 (60)

Musulman (n = 71) 6 (8,5) 18 (25,4) 7 (9,8) 40 (56,3)

Animiste (n = 13) 5 3 3 2

Athée (n = 4) 2 2 0 0

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A. Hounkpati et coll.

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Discussion

Cette enquête nous a permis d’évaluer la prévalencetabagique dans les médias de masse au Togo. Elle a couverttoute l’étendue du territoire du Togo. Il s’agit d’une enquêteprinceps en Afrique auprès des médias publics et privés. Cetteenquête a le mérite d’avoir sensibilisé les journalistes au pro-blème du tabagisme. Elle a permis de déterminer la préva-lence tabagique au sein des médias publics et privés du Togo :25 %. Les journalistes et animateurs des médias parlent rare-ment (74,1 %) du tabac au cours de leurs activités profession-nelles. Adhérant en majorité (75 %) aux propositionsantitabac, ils ont souhaité participer aux séminaires de forma-tions sur le tabagisme.

Grâce à l’implication du ministère de la santé, du minis-tère de la communication et de la formation civique, de laHAAC, et à l’abnégation des investigateurs, le taux de partici-pation a été élevé (82,44 %). Notre enquête comporte cepen-dant un certain nombre de limites. Celles-ci sont pour unegrande part liées aux difficultés rencontrées en raison de lacoïncidence de l’étude avec une importante période électo-rale. Celle-ci a eu de grosses répercussions sur le fonctionne-ment normal des médias. Un certain nombre de radios(12,5 % du total des médias nationaux) ayant été fermé ousaccagé. De plus, nous avons essuyé un certain nombre derefus (n = 30) de la part des journalistes contactées lorsqu’ilsont pris connaissance de nos objectifs. Trente-neuf personnesont perdu ou n’ont pas rendu le questionnaire. Nous avonsaussi exclu de l’étude les journalistes ou animateurs quin’avaient pas rendu leur questionnaire après quatre passagesou quatre faux rendez-vous. Enfin, notre questionnaire n’apas pris en compte ni le rôle du tabagisme passif, ni le degréde dépendance des fumeurs, ni les différentes étapes d’évo-lution de la motivation du fumeur de Prochaska et

Di Clemente et aucun outil validé ne permet actuellementd’évaluer la motivation. À noter tout de même que 60,5 %ont déjà tenté un sevrage et que 4 fumeurs sur 5 envisagentun arrêt dans les 5 ans !

Les résultats de notre enquête reposent sur la validité desdonnées recueillies par auto-questionnaire classiquement uti-lisé dans ce type d’étude. L’auto-questionnaire était dérivé decelui recommandé par l’OMS et validé par de nombreusesétudes [5, 6, 9-12].

La prévalence de l’intoxication tabagique est en netteaugmentation au sein de la population togolaise. Cette préva-lence est passée de 15,3 % en milieu scolaire en 1989 [5] à20,9 % en 2004 chez les étudiants en médecine [6]. Dans lemonde, la prévalence est variable selon les pays et les différen-tes couches socioprofessionnelles. En 1994, Chabara et coll.[13] ont décrit une prévalence du tabagisme de 33,3 % dansla population générale égyptienne. Au sein des étudiants enmédecine, Tessier et coll. [12], Shu et coll. [14], Louw et coll.[11], et Ndiaye et coll. [15] ont noté respectivement des pré-valences de 3 % en Chine en 1989, 11 % en chine en 1990,12 % en Afrique du sud en 1995, et 34,6 % au Sénégal en2001.

La prévalence tabagique parmi les journalistes et anima-teurs des secteurs publics et privés du Togo est du même ordrede grandeur que la prévalence observée dans la populationgénérale nigériane (22,6 %) [16]. Elle est également de mêmeordre de grandeur que celle observée par Youssef et coll. [17]dans la population générale d’Alexandrie (Égypte) en 2002.Cependant, elle est inférieure à la proportion de fumeursobtenue en Tunisie en 1996 par Fakhfakh et coll. [18]. Elleest le double de celle des étudiants en médecine de l’universitéde Pretoria (12 %) [11]. Dans tous les cas, l’initiation du phé-nomène est précoce comme le montre l’enquête effectuée parNdiaye et coll. (10 ans) [19] et cette étude (6 ans). L’installa-

Tableau III.

Degré d’accord ou de désaccord des enquêtés vis-à-vis des mesures législatives antitabac en fonction du statut tabagique.

Tout à fait d’accord Tout à fait en désaccord

Effectif Effectif

Fumeur Ex-fumeur Non-fumeur Fumeur Ex-fumeur Non-fumeur

Une mise en garde contre les dangers de tabac devrait figurer sur les paquets de cigarette.

77 57 183 1 1 1

La publicité pour le tabac devrait être complètement interdite 68 46 172 4 12 8

L’usage du tabac devrait être restreint dans les lieux publics fermés

73 54 176 1 2 8

Le prix des produits tabagiques devrait être fortement majoré 68 39 169 - 14 6

La vente de tabac aux enfants devrait être totalement interdite. 81 58 182 - - 3

Dans les hôpitaux, on ne devrait avoir le droit de fumer que dans certains endroits bien déterminés.

77 43 148 4 7 16

Les professionnels de la santé devraient être spécialement formés à aider les gens qui veulent cesser de fumer.

76 54 183 3 4 -

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tion du tabagisme dans les différentes couches de la société estun fait réel. Si aucune mesure n’est entreprise pour stopperl’épidémie tabagique au sein de la société, les pays en dévelop-pement connaîtront une terrifiante morbidité et mortalité àl’instar des pays développés. Les coûts socio-économiquesqu’induiront ces morbidités et ces mortalités réduiront ànéant tous les efforts du développement de nos pays.

Dans plusieurs études africaines, le tabagisme reste l’apa-nage des hommes [6, 15-23]. Dans notre étude, la prévalencetabagique a été de 26,1 % chez les hommes et 19,6 % chez lesfemmes (p = 0,03). Louw et coll. [11] ont trouvé des préva-lences de 16,2 % pour les hommes et 9,4 % pour les femmeschez les étudiants en médecine de l’université de Pretoria.Selon les estimations de l’OMS, les prévalences mondialessont de 47 % chez les hommes et 12 % chez les femmes [24,25]. La prévalence du tabagisme féminin dans les médias duTogo est supérieure aux estimations générales de l’OMS. Cefait évoque deux notions : d’une part, le tabagisme fémininest actuellement en progression dans les pays en voie de déve-loppement [1, 15]. D’autre part, l’industrie du tabac est par-venue à renverser la perception initialement négative dutabagisme féminin. En effet, les compagnies du tabac ne ces-sent de recruter de nouvelles fumeuses par :– la création de cigarettes « féminisées » (allongement et amin-cissement de la cigarette ; tabac plus doux et moins âcre ; filtrepour réduire la coloration par les goudrons).– la conception des emballages pour impliquer élégance etsveltesse.– la publicité du tabac dans les magazines féminins où l’on as-socie la cigarette au succès social et à la confiance en soi [1].

Les femmes perçoivent dès lors la cigarette comme unmoyen d’émancipation et d’affirmation de soi. Cette recher-che d’émancipation, de sa personnalité, et de l’affirmation desoi se démontre dans cette enquête. La tranche d’âge compriseentre 15 et 19 ans correspond à l’âge de la découverte dumonde, à la recherche d’un style de vie ou de son modèle.L’apparition et l’aggravation du tabagisme féminin sont essen-tiellement dues au fait de la publicité qui assimile ce dernier àun moyen d’émancipation, d’affirmation d’une certainemodernité et surtout un atout essentiel de l’élégance fémi-nine. Dans tous les cas, le tabagisme demeure un problème dela jeunesse au Togo. La sensibilisation doit donc s’adresserdans une large proportion à la population de moins de 20 ans.

La cigarette est le mode de consommation le plus fré-quent dans le monde. Les chiffres de cette étude sont compa-rables à ceux observés par Ndiaye et coll. [19] à Dakar (91 %)et Koffi et coll. [23] à Abidjan (90,9 %). Cette importanceaccordée à la cigarette serait liée, d’une part à la publicité et àla création de nouvelles marques de cigarette. D’autre part,cette importance serait liée au fait que parmi les produitstabagiques, la cigarette est le plus simple d’usage. L’utilisationd’une nouvelle marque de cigarette pourrait être interprétéecomme une évolution ou un désir de nouveauté.

Contrairement aux résultats de cette étude, Ndiayeet coll. [19] ont rapporté 56,4 % de gros fumeurs (plus de

20 cigarettes par jour) parmi les médecins fumeurs à Dakar.Cette différence peut s’expliquer par la présence d’industriedu tabac à Dakar. Le Sénégal constitue avec le Ghana, lesdeux pays de la zone ouest africaine où il existe une industriede tabac [26]. Il aurait été intéressant dans notre étude demesurer le monoxyde de carbone exhalé pour chaque enquêtépour estimer si les réponses étaient fiables ou sous estimées.

Tout en affirmant connaître la nocivité du tabac, lesreporters fument. Il est probable que les risques exacts associésau tabac sont mal connus y compris la dépendance nicotini-que. Une enquête d’appréciation des risques liés au tabagisme(actif ou passif ) est donc nécessaire. Cette étude permettra dedéterminer les informations précises à fournir aux profession-nels de la communication sur les risques liés au tabac. Cecipourra alors être effectif grâce aux séminaires impérativementorganisés sur les risques liés au tabagisme à l’endroit des jour-nalistes et animateurs. Ces séminaires permettraient un enga-gement plus motivé des journalistes et animateurs dans lalutte antitabac.

Cette étude a montré que les médias participent peu à lalutte antitabac. La lutte antitabac ne doit plus être réservée auxprofessionnels de la santé. Toutes les couches socioprofession-nelles doivent résolument y participer. Les premiers acteurs dela lutte antitabac (les décideurs politiques et professionnels dela santé) doivent associer les médias. Les médias constituent lemoyen le plus sûr pour atteindre la majorité de la population.Parmi les devoirs, la responsabilité des journalistes à parlerdavantage des dangers du tabac a été plus appréciée. Le com-portement du journaliste doit être exemplaire car un journa-liste fumeur perd de sa force persuasive pour conseiller ouinterdire aux auditeurs de fumer. Mais, sa vigueur antitabagi-que pourrait être d’autant plus grande qu’il est lui-même unancien fumeur. La législation la plus appréciée a été : « Les pro-fessionnels de la santé devraient être spécialement formés àaider les gens qui veulent cesser de fumer ». Ces résultats sontd’une importance capitale. Ils doivent conduire les pouvoirspublics à promulguer les textes législatifs antitabac afin deréduire considérablement l’épidémie tabagique. En Afrique dusud, les résultats similaires obtenus lors d’une enquête ont con-duit les pouvoirs publics à promulguer le « Tobacco ControlAmendment Act », lequel décrète comme « espace non-fumeur » tous les espaces publics y compris les espaces profes-sionnels et les moyens de transports publics [27].

Conclusion

Cette enquête s’inscrit dans la perspective de la luttecontre la pandémie tabagique à l’échelle nationale. Il ressortde ce travail que le tabagisme s’est installé de manière perma-nente au sein de la population togolaise. La cigarette est lemode d’utilisation du tabac le plus répandu. L’initiation est deplus en plus précoce.

La lutte antitabac passe et passera par la diffusion cons-tante des risques liés au tabac. Il est indispensable d’organiser

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des séminaires de formation à l’endroit des journalistes sur latabacologie et les pathologies liées au tabac. La sensibilisationdes masses populaires sur les risques liés au tabac et les mesu-res de prévention et de protection de la santé publique consti-tuent des moyens de lutte qui engagent les décideurspolitiques. Ceci paraît important pour l’État togolais à quil’assemblée nationale a donné l’autorisation de ratifier le 14octobre 2005, la convention-cadre de l’OMS pour la lutteantitabac. Cette étude montre un besoin de formation desprofessionnels de la santé aux techniques d’aide au sevrage.(Plus de la moitié des fumeurs – 60,5 % – ont tenté sans suc-cès de cesser de fumer).

En dépit du constat selon lequel les journalistes et ani-mateurs sont loin d’avoir intégré dans leur profession la lutteantitabac, il existe une prise de conscience : 81,2 % desenquêtés ont été tout à fait d’accord qu’ils devraient être plusactifs dans la lutte antitabac qu’ils ne l’ont été. La presquetotalité des journalistes et animateurs ont approuvé la législa-tion antitabac proposée.

Les résultats de cette enquête doivent contribuer à l’éla-boration d’une stratégie nationale de lutte contre le tabagismeà travers les médias. Une utilisation efficiente des médias demasse et une connaissance suffisante des méfaits du tabac parles journalistes et animateurs pourront rendre la lutte antita-bac plus optimale. Il paraît urgent d’élaborer un programmed’éducation et d’information du public à travers les médiasainsi qu’un programme de formation des professionnels de lasanté sur les méthodes de sevrage souhaitées par la majoritédes journalistes. L’aboutissement de ces programmes couplés àla mise en place de centres de désintoxication sera la réductionde l’épidémie de tabagisme.

Cette enquête ouvre la voie pour d’autres études afin demieux cerner ce fléau au sein des médias.

Remerciements

Son Excellence Madame Suzanne Aho, Ministre de lasanté, pour son engagement dans la lutte antitabac au Togoet toutes les sollicitudes pour la réalisation de cette enquête.

Son Excellence Monsieur Pitang Tchalla, Ministre de lacommunication et de la formation civique, pour avoir donnél’autorisation pour la réalisation de l’enquête et surtout lesconsignes d’accueil des investigateurs dans tous les médiasavant notre passage.

Monsieur Combévi Agbodjan, Président de la HauteAutorité de l’Audiovisuelle et de la Communication pournous avoir laissé la liste des médias et donné des avis utilesconcernant la lettre d’information aux journalistes.

Références

1 Crofton J, Simpson D. Le tabac : une menace pour la planète.Ed. J.Prignot (Belgique) 2003 ; 1-84.

2 WHO/World Bank. Rapport conjoint du 08 août 2000.3 Banque Mondiale. Rapport sur le développement dans le monde

1993 : Investir dans la santé. Washington, 1993.4 Mackay J : How To Use The Media In : Educating Medical Students

About tabacco : Planning and Implementation. SouthWood Press1996 ; 141-58.

5 Tidjani O, Kassankogno V, Tatagan-Agbi K, Tamakloe M : Tabag-isme en milieu scolaire (enquête transversale dans les lycées et collègesde Lomé en 1989) Rev Sc Med Biol Togo 1990 ; 5 : 9-14.

6 Hounkpati A, Adjoh K, Tidjani O : Habitudes de fumer, attitudes etConnaissances des étudiants en médecine (FMMP) de Lomé – Togo.Communication présentée à la 35e conférence de l’Union Internatio-nale Contre la Tuberculose et les Maladies respiratoires. 2004 Paris.

7 Central Intelligence Agency Factbook : http//www.odci.gov/cia/pub-lication/pint/to.html. Last update 1st august, 2003.

8 République Togolaise. Décret N° 2001-113/PR portant attributionet organisation du ministère de la communication et de la formationcivique.

9 Cooreman J : Habitude tabagique du personnel soignant d’un grandhôpital parisien. Bull de l’UICTMR 1988 ; 63 : 20-1.

10 Tredaniel J : Les habitudes tabagiques des médecins généralistesfrançais. Résultats d’une enquête auprès d’un échantillon représenta-tif de 1012 médecins. Bull Ordre National des Médecins 1993 ; 17 :10-5.

11 Louw S, Birkholtz F : Smoking among health care students. Reportpresented to the Faculty of Medicine at the University of Pretoria.Pretoria, South Africa, 1995.

12 Tessier JF, Fréour P, Belougne D, Crofton J : Smoking habits and atti-tudes of medical students towards smoking and anti-smoking cam-paigns in nine Asian countries. Int J Epidemiol 1992 ; 21 : 298-304.

13 Chabara S : Egypt joins the war against smoking. Egypt today 1994 ;15 : 108-13

14 Shu AM, Zhou YC, Weng XZ : Survey of smoking habits and atti-tudes of medical students. Beijing Medicine 1990 ; 12 : 92-5.

15 Ndiaye M, Ndir M, Quantin X, Demoly P, Godard P, Bousquet J :Habitude de fumer, attitudes et connaissances des étudiants en méde-cine de la faculté de médecine, de pharmacie, et d’odonto-stomatolo-gie de Dakar. Rev Mal Respir 2003 ; 20 : 701-9.

16 Obot IS : The use of tobacco products among Nigerian adult : a gen-eral population survey. Drug Alcohol depend 1990 ; 26 : 203-8.

17 Youssef RM, Abou-Khatwa SA, Fouad HM : Prevalence of smok-ing and age of initiation in Alexandria, Egypt. East Mediterr HealthJ 2002 ; 8(4-5) : 626-37 Erratum in East Mediterr Health J 2003 ;9 : 580.

18 Fakhfakh R, Hsairi M, Achour N : Epidemiology of tobacco use inTunisia : a review. Prev Med 2005 ; 40 : 652-7.

19 Ndiaye M, Wone I, Sow ML : Le tabagisme parmi les médecinsexerçant à Dakar. Rev Pneumol Clin 2001 ; 57 : 1-11.

20 Nejjari C, Tessier JF, Crofton J, Fréour P : Les étudiants en médecineface au tabac dans les pays d’Afrique. Commission Tabac et Santé deUICTMR Inserm U 330, Université Bordeaux II. P 8-63.

21 Tessier JF, Fréour P, Crofton J, Nejjari C, Belougne D : Smokingbehaviour and attitudes of medical students towards smoking andanti-smoking campaign – A survey of 10 African and Middle Easterncountries. Tobacco Control 1992 ; 1 : 95-101.

22 Yassine JF, Bartal M, Biaze M : Smoking among medical students inCasablanca. Rev Mal Respir 1999 ; 16 : 59-64.

23 Koffi N, Bouzid S, Kouassi B, Ngom A, Kouakou B : Le tabagisme enmilieu africain à Abidjan. Méd Afr Noire 2003 ; 50 : 159-62.

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24 World Health Organization : The Tobacco Epidemic : A Global Pub-lic Health Emergency. Tobacco or Health Programme. Tobacco Alert(World Health Organization). May 1996 ; 101-8.

25 World Health Organization. Tobacco or health. A global statusreport. Geneva 1997. WHO ISBN 92-4-156184-X.

26 Ministère de l’économie et des finances du Sénégal. Division desenquêtes économiques. Bureau de la statistique : Rapport des activités1996. Dakar Sénégal

27 British Medical Association. Towards smoke-free public places. Brit-ish Medical Association 2002. (London) p.1-36.

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Annexe 1

Ce questionnaire est destiné pour apprécier les attitudes et les connaissances des journalistes sur le tabagisme. Il est anonyme et les réponses que vous donnez sont confidentielles.Répondez s’il vous plaît en toute sincérité. Merci.

N ...............(n’inscrivez rien) Ville ou Canton ................................

Lieu de travail...................................................................................

Répondez clairement ou mettez une croix dans la case correspondante.

1. Sexe : masculin Féminin Âge (ans) .......

2. Niveau d’instruction : Primaire Secondaire Universitaire Post-Universitaire

3. À quelle affiliation religieuse appartenez-vous ? :....................................................................................

4. Êtes-vous :

Célibataire Marié

En Ménage Divorcé ou Séparé(é) Veuf(ve)

5. Avez-vous déjà fumé ? Oui Non Sinon passez à la question (14)

6. Avez-vous déjà fumé quotidiennement pendant 6 mois ou plus ? Oui Non

7. Fumez-vous actuellement ?

Quotidiennement Occasionnellement Pas du tout (passer à la question 14)

8. Combien fumez-vous actuellement par jour ? Cigarettes industrielles avec filtre

Cigarettes industrielles sans filtre Cigarettes roulées à la main

Pipes Cigares

9. Quelle(s) marque(s) de tabac ou de cigarettes fumez-vous habituellement ?

.............. Si vous n’avez pas de préférence cochez

10. Utilisez-vous d’autres formes de tabac qui n’ont pas été mentionnées ?

Oui Non

Si oui, lesquelles.................................................................

11. Pourquoi fumez-vous ?

Pour éviter le trac au micro ou devant la caméra ? Oui Non

Pour oublier les soucis Oui Non

Pour plaire aux autres Oui Non

Pour être plus fort, plus imposant Oui Non

Pour être plus beau (belle, sexy) Oui Non

Autres raisons : (préciser) ..........................................................................

12. À quelle occasion fumez-vous ?

Pour monter sur scène (aller au micro) Oui Non

Avant de rédiger le journal ou une émission Oui Non

Lorsque vous êtes avec des amis fumeurs Oui Non

Autres occasions : (préciser) ......................................................................

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13. Avez-vous déjà fait une tentative sérieuse pour cesser de fumez ? Oui Non

Si oui, quels problèmes avez-vous rencontré lors de cette tentative ? : Cocher

La fatigue intense La sueur intense

La peur d’aller au micro L’indifférence pour le travail

L’insomnie L’anxiété (soucis)

14. Quelle sera votre attitude vis-à-vis du tabac dans 5 ans ?

Je fumerai certainement tous les jours Je fumerai probablement tous les jours

Je ne fumerai probablement pas tous les jours Je ne fumerai certainement pas tous les jours

Je ne fumerai jamais

15. Si vous décidez de ne plus fumer, quel serait pour vous le degré d’importance des raisons suivantes : tableau IV

16. Pensez-vous que fumez est nocif pour la santé ?

Tout à fait d’accord moyennement pas tout à fait d’accord

Pas du tout d’accord ne sait pas

17. Combien dépensez-vous par jour à cause du tabac ?

1- 100 F

2- 100 F – 500 F

3- 500 F – 1000 F

4- plus de 1000 F

18. Quel âge aviez-vous lors de la 1ère bouffée ?................................

19. Pour chacune des maladies suivantes, pouvez-vous évaluer l’importance que vous attribuez aux rôles du tabac ? tableau V

forte modéré faible nulle

Survenue de certains symptômes

Protection de votre santé

Economie d’argent

Discipline personnelle

Pour céder à la pression de l’entourage

Pour éviter une gêne à votre entourage

Pour donner un bon exemple aux journalistes

Pour donner un bon exemple aux enfants

Pour donner un bon exemple aux adultes

De votre entourage

Déterminant favorisant associé sans rapport ne sait pas

Cancer du poumon

Bronchite chronique

Cancer de la bouche

Cancer de la gorge

Maladie du cœur

Maladie des artères

Cancer de la vessie

mortalité néo-natale

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20. Utilisez-vous autres excitants : alcool chanvre indien (haschisch, marijuana) Cocaïne héroïne Autres : (préciser)

21. Parlez-vous dans vos émissions des dangers liés au tabac ?

Souvent Parfois Rarement Exceptionnellement

22. Pouvez-vous indiquer votre degré d’accord ou de désaccord vis-à-vis des informations suivantes ?

Il est de la responsabilité du médecin de convaincre les gens de ne plus fumer.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

Il est de la responsabilité du journaliste de convaincre les gens de ne plus fumer.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

La plupart des fumeurs peuvent s’arrêter s’ils en ont la volonté.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

C’est désagréable d’être à côté d’une personne qui fume.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

Les journalistes devraient donner le bon exemple en s’abstenant de fumer

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

Les journalistes devraient être plus actifs qu’ils ne l’ont été en parlant des dangers du tabac et des groupes «à risques».

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

À chaque contact avec un fumeur, lorsqu’il serait naturel de le faire, vous devriez le dissuader de fumer.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

23. Un certain nombre d’opinions ont été exprimées sur les moyens de réduire le tabagisme par une action législative.

Seriez-vous en accord ou en désaccord avec les opinions suivantes ?

Une mise en garde contre les dangers du tabac devrait figurer sur les paquets de cigarettes.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

La publicité pour le tabac devrait être complètement interdite.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

L’usage du tabac devrait être restreint dans les lieux publics fermés.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

Le prix des produits tabagiques devrait être fortement majoré.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

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La vente de tabac aux enfants devrait être totalement interdite.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

Dans les hôpitaux, on ne devrait avoir le droit de fumer que dans certains endroits bien déterminés.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

Les professionnels de la santé devraient être spécialement formés à aider les patients qui veulent cesser de fumer.

Tout à fait d’accord moyennement d’accord indifférent

tout à fait en désaccord

Nous vous remercions bien vivement d’accepter de répondre à ce questionnaire.