187
Table des matières Avant-propos 3 1 Membranes cellulaires et bicouches fluides 5 1.1 Généralités sur les membranes cellulaires .................... 8 1.2 Liposomes ..................................... 17 1.3 Physique des membranes ............................. 21 1.4 Travaux récents de cisaillement de vésicules ................... 35 2 Techniques expérimentales 41 2.1 Préparation des vésicules ............................. 43 2.2 Expériences de micropipette ........................... 49 2.3 RICM ....................................... 66 2.4 Cisaillement alternatif de vésicules géantes ................... 82 3 Cisaillement de vésicules géantes 97 3.1 Introduction .................................... 99 3.2 Micro-rhéologie de vésicules géantes ....................... 99 3.3 Autres expériences ................................ 115 3.4 Dynamique de migration des fluctuations .................... 121

Table des matières - ICS, Institut Charles Sadron · À forte concentration, les bicouches s’empilent en phase lamellaire de tensioactifs, les smec-tiques lyotropes [5]. Aux faibles

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Table des matières

Avant-propos 3

1 Membranes cellulaires et bicouches fluides 5

1.1 Généralités sur les membranes cellulaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .8

1.2 Liposomes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

1.3 Physique des membranes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21

1.4 Travaux récents de cisaillement de vésicules . . . . . . . . . . . . . . . . . . .35

2 Techniques expérimentales 41

2.1 Préparation des vésicules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .43

2.2 Expériences de micropipette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49

2.3 RICM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .66

2.4 Cisaillement alternatif de vésicules géantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . .82

3 Cisaillement de vésicules géantes 97

3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .99

3.2 Micro-rhéologie de vésicules géantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .99

3.3 Autres expériences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .115

3.4 Dynamique de migration des fluctuations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .121

3.5 À la recherche d’artefacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .122

3.6 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .125

4 Modification de membranes fluides 131

4.1 Interaction membrane lipidique - gliadine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .133

4.2 Associationα-cyclodextrine / PEG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .137

Conclusions et perspectives 153

A Fabrication des micropipettes 157

B Préparation de GUV chargées en gliadine 161

C Interaction entre une bicouche lipidique et un substrat 163

Références bibliographiques 171

Avant-propos

Les membranes fluides sont des assemblages moléculaires constitués de lipides ou d’autres

molécules amphiphiles. Ces membranes sont dynamiques : d’une part, elles sont soumises à

l’agitation thermique qui les fait fluctuer ; d’autre part, elles interagissent physiquement avec

leur environnement et subissent une multitude de forces mécaniques de frottement, de cisaille-

ment, d’adhésion. . . La physique des membranes étudie expérimentalement et théoriquement le

comportement mécanique de ces membranes, et notamment de leurs fluctuations. Dans le milieu

vivant, les bicouches fluides constituent les parois des cellules, servant de support à un grand

nombre de protéines et autres molécules. Pour isoler la membrane de son environnement biolo-

gique, on utilise des modèles simples, les liposomes, qui sont donc des membranes artificielles.

L’organisation spatiale des molécules qui les constituent est la même que dans les membranes

cellulaires.

Les vésicules géantes appartiennent à la grande famille des liposomes. Ce sont des objets tri-

dimensionnels en forme de petits sacs fermés, et d’une taille de plusieurs microns de diamètre.

À l’échelle moléculaire, une vésicule géante est un objet déformable qui fluctue sous l’effet de

l’agitation thermique. À cette échelle, on peut l’assimiler à une membrane plane de dimensions

infinies. Mais par sa taille, qui est proche de celles des cellules, c’est un objet facilement ob-

servable au microscope. Il est donc naturel que la vésicule géante constitue un support de choix

pour étudier la relation qui existe entre la modification des propriétés d’une membrane lipidique

et les conditions de contraintes mécaniques auxquelles on la soumet.

Ce domaine d’étude a été fortement développé à partir des années 90 par des travaux portant

sur les phases lamellaires, systèmes de bicouches empilées. Très vite, les travaux ont porté

sur les vésicules elles-mêmes : des études expérimentales et théoriques récentes ont consisté à

soumettre des vésicules à un cisaillement continu en les plaçant dans un écoulement de fluide.

Ces études ont démontré l’existence d’une relation entre les caractéristiques de l’écoulement

3

4 Avant-propos

et les distorsions de la membrane. Le but de notre travail est d’observer les modifications des

fluctuations alors que la vésicule est soumise à un écoulement alternatif, mais aussi de contrôler

la réponse de bicouches modifiées par l’inclusion de diverses molécules.

Notre exposé est organisé de la façon suivante : dans le chapitre 1, nous replaçons les mem-

branes dans leur contexte originel en présentant quelques aspects de la physico-chimie des

membranes cellulaires. Nous y présenterons aussi les bases de la physique des membranes qui

nous permettront d’analyser nos résultats expérimentaux. Le chapitre 2 décrit les techniques ex-

périmentales utilisées, et le chapitre 3 présente nos résultats. Enfin, le dernier chapitre présente

quelques expériences où les vésicules sont associées à d’autres molécules, de façon à modifier

les propriétés physiques des membranes.

CHAPITRE 1

Membranes cellulaires et bicouches fluides

5

6 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

Sommaire

1.1 Généralités sur les membranes cellulaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

1.1.1 Un peu d’histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

1.1.2 Composition chimique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .10

1.1.3 Mouvements moléculaires et fluidité . . . . . . . . . . . . . . . . . .13

1.1.4 Dynamique des membranes cellulaires . . . . . . . . . . . . . . . . .14

1.2 Liposomes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

1.2.1 La famille des liposomes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17

1.2.2 Les liposomes dans l’activité scientifique et industrielle . . . . . . . .18

1.3 Physique des membranes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21

1.3.1 Géométrie des surfaces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21

1.3.2 Modes de déformation d’une surface . . . . . . . . . . . . . . . . . .25

1.3.3 Membranes et fluctuations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27

1.3.4 Morphologie de systèmes membranaires . . . . . . . . . . . . . . . .30

1.4 Travaux récents de cisaillement de vésicules . . . . . . . . . . . . . . . . .35

7

Un tensioactif est une molécule amphiphile constituée d’une partie hydrophile et d’une partie

hydrophobe [1,2]. Les deux parties étant connectées de façon covalente, l’habituelle séparation

de phase macroscopique "eau-huile" ne peut pas avoir lieu ; cependant, les forces thermodyna-

miques responsables de la séparation de phase sont bien présentes, conduisant à la localisation

préférentielle de ces molécules aux interfaces eau-huile et eau-air, ou encore induisant des phé-

nomènes de ségrégation locale, les séparations de phase mésoscopiques [3]. Par exemple, des

tensioactifs placés dans un milieu aqueux s’auto-assemblent afin de minimiser le contact entre

la partie hydrophobe et l’eau. Il existe de nombreuses géométries d’assemblage possibles se-

lon la nature des molécules amphiphiles et surtout selon l’encombrement stérique relatif des

parties hydrophile et hydrophobe [4]. Nous nous intéressons aux situations où l’encombrement

des deux parties est comparable, ce qui amène à des structures auto-assemblées de géométrie

planaire. Ces structures à deux feuillets ou couches de tensioactifs sont donc des bicouches

auto-assemblées (cf figure 1.1).

(a) Coupe de vésicule unila-mellaire

(b) Coupe de micelle

(c) Bicouche de tensioactifs

Figure 1.1 –Vue en coupe de trois structures formées par les tensioactifs :a) structure en bicouchesphérique appeléevésiculeou liposomeunilamellaire, beaucoup plus grande qu’une micelle, encapsulantune solution aqueuse ; b) micelle sphérique dont l’intérieur est hydrophobe ; c) bicouche de tensioactifs, lastructure de base des biomembranes.

8 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

À forte concentration, les bicouches s’empilent en phase lamellaire de tensioactifs, les smec-

tiques lyotropes [5]. Aux faibles concentrations, les bicouches peuvent former plusieurs struc-

tures fermées [6], topologiquement équivalentes à des sphères, des tores, des "bretzels". . . Les

structures du type sphérique, nommées vésicules ou liposomes, occupent une place particulière

parmi les systèmes possibles.

Dans le monde du vivant, les parois cellulaires sont des structures auto-assemblées en bi-

couches de tensioactifs naturels, les phospholipides, même si elles contiennent aussi beaucoup

d’autres molécules [7,8]. Nous avons choisi dans cette introduction de consacrer une place im-

portante aux parois cellulaires. En effet, nous verrons dans la section suivante que les efforts en

biologie pour comprendre la nature des parois cellulaires ont contribué de façon déterminante

à la vision moderne des membranes auto-assemblées. Par ailleurs, les questions posées par les

membranes cellulaires sont toujours une source d’inspiration et un moteur importants pour les

recherches en physique des bicouches fluides.

Enfin, les liposomes occupent aussi une place centrale dans de nombreuses formulations in-

dustrielles en cosmétique, en pharmacie, en chimie. . . Nous consacrerons la section 1.2 à la pré-

sentation des liposomes et de leurs applications. L’équilibre thermodynamique de ces systèmes,

biologiques ou industriels, est maintenant bien compris. Nous décrirons dans la section 1.3 les

éléments essentiels pour comprendre la physique des systèmes de bicouches auto-assemblées,

en particulier en ce qui concerne leur comportement fluctuant. L’intérêt pour les effets hydro-

dynamiques est plus récent, nous évoquerons dans la dernière section quelques contributions

expérimentales et théoriques.

1.1 Généralités sur les membranes cellulaires

Toutes les cellules vivantes ont une architecture compartimentée où chacun des organites

cellulaires est spécialisé dans une fonction bien précise comme l’illustre la figure 1.2. Tous ces

organites sont limités par une membrane lipido-protéique dont la forme peut être complexe.

Cette membrane est un objet hétérogène et dynamique qui se déforme, se restructure, et joue

une rôle primordial dans les échanges intermembranaires.

1.1. GÉNÉRALITÉS SUR LES MEMBRANES CELLULAIRES 9

Membrane plasmique

Membrane nucléaire

Vésicule de sécrétion

Réticulum endoplasmiquerugueux

Noyau

Lysosome

Mitochondrie

Appareil de Golgi

Figure 1.2 –Schéma de cellule: le noyau contient l’information génétique de la cellule, l’appareil deGolgi modifie et distribue des protéines ou des lipides aux autres organites ou à d’autres membranes enles encapsulant dans des vésicules, les mitochondires produisent de l’ATP, le réticulum endoplasmique estassocié aux ribosomes dans la production de protéines...

1.1.1 Un peu d’histoire . . .

Le concept de lamembrane cellulaireest né en 1855, et fut établi par Carl Nägeli, un bio-

logiste autrichien [9]. Nägeli proposait l’existence d’une enveloppe isolant l’intérieur de la cel-

lule du milieu extérieur. D’autres modèles ont été imaginés au cours des décennies suivantes,

de plus en plus élaborés, à partir d’observations de cellules et grâce au progrès des techniques

expérimentales. Gorter et Grendel, en 1925, montrèrent que la membrane était constituée d’une

bicouche lipidique. En 1930, Danielli ajouta au modèle précédent la présence de protéines mem-

branaires. À partir de 1972, quand apparurent des images de membranes prises au microscope

électronique qui n’étaient expliquées par aucun des modèles existants, Singer et Nicholson pro-

posèrent leur interprétation [10–12]. Ce modèle, reconnu universellement, est toujours utilisé

aujourd’hui. Il décrit la membrane comme une bicouche lipidique à laquelle sont associées des

protéines transmembranaires et des protéines périphériques (cf figure 1.3). De plus, les lipides et

10 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

les protéines transmembranaires sont en perpétuel mouvement : la membrane est unestructure

fluide.

Feuillets

Protéine transmembranaire

Oligosaccharide

Protéine transmembranaire

Coeur hydrophobe

Glycoprotéine GlycolipideProtéine périphérique

Bicouche de phospholipides

Phospholipide

Cytosol

Extérieur

Chaines grasses

Tete hydrophilepolaireProtéine

périphérique

Figure 1.3 –Schéma en coupe d’une membrane cellulaire

Dans les paragraphes qui suivent, nous décrirons plus précisément la nature chimique de la

membrane, et ses caractéristiques mécaniques.

1.1.2 Composition chimique

Les deux espèces moléculaires principales présentes dans les membranes cellulaires sont les

lipides et les protéines. Le rôle principal des lipides est structurel, alors que celui des protéines

est le plus souvent fonctionnel [8].

Les lipides sont des molécules amphiphiles qui peuvent s’associer pour former une membrane

lipidique. Il existe plusieurs grandes classes de lipides membranaires : les diacylphosphoglycé-

rides (appelés communémentphospholipides), les glycolipides, les sphingolipides, et les stérols.

Certaines membranes ne possèdent qu’une sorte de lipide comme la membrane cytoplasmique

de la bactérieEsherichia coliqui n’est constituée que de phospholipides. Des exemples de

composition de membranes sont présentés dans le tableau 1.1.

La composition des chaînes hydrocarbonées a aussi son importance : le nombre d’insatura-

tions et la longueur de la chaîne sont des paramètres primordiaux intervenant dans la fonction

des lipides. Par exemple, dans certains tissus comme ceux du cerveau, on trouve des mem-

1.1. GÉNÉRALITÉS SUR LES MEMBRANES CELLULAIRES 11

branes riches en lipides polyinsaturés [13], alors que dans la plupart des autres cellules, on

trouve en majorité des phospholipides saturés [13, 14]. En effet, sous l’effet d’une oxydation

les phospholipides insaturés changeraient de forme. Un trop grand nombre d’oxydations rédui-

rait la cohésion des molécules lipidiques ce qui conduirait à une déformation de l’ensemble

de la membrane, et éventuellement à sa destruction. Enfin, les feuillets interne et externe de la

membrane ne sont pas symétriques : leurs compositions sont souvent différentes, en raison de

la fonctionalisation de la membrane (cf tableau 1.2) [16,17].

Tableau 1.1 –Composition lipidique de différentes membranes

Myéline Erythrocyte Mitochondrie E. Coli Chloroplaste

Lipide/Protéine(en poids)

3 : 1 1 : 3 1 : 3 1 : 3 1 : 1

Glycolipide 35 1 80

donta

MGDGDGDGSQDG

412316

Phospholipide 32 56 95 100 12

dontb

PCPEPIPSPGDPG

1114

7

23202

11

48288

11

80

155

12

Sphingolipide 8 18

Cholestérol 25 25 5

aMGDG, DGDG : monogalactosyl, digalactosyl diacylglycérol ; SQDG : sulfolipide.bPC, PE, PI, PS, PG : phosphatidylcholine, éthalonamine, inositol, sérine, glycérol ; DPG : diphosphatidylgly-

cérol.N.B. : toutes les compositions sont données en % de la quantité totale de lipides.

Les lipides les plus abondants dans les cellules animales sont les phospholipides. Leur fomule

chimique générale est représentée sur la figure 1.4.

12 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

(a) Phosphatidyléthanolamine

(b) Phosphatidylsérine

(c) Phosphatidylcholine

(d) Sphingomyéline

Figure 1.4 – Présentation de différents phospholipides; la partie hydrophile est représentée encaractères gras.

1.1. GÉNÉRALITÉS SUR LES MEMBRANES CELLULAIRES 13

Tableau 1.2 –Composition lipidique de la membrane du globule rouge chez l’Homme

Nature du Répartition en %phospholipide feuillet interne feuillet externe

Phosphatidylcholine 76 24Phosphatidyléthanolamine 20 80Phosphatidylsérine ≈ 0 ≈100Sphingomyéline 82 18

La membrane de nombreuses cellules est aussi composée de cholestérol (cf figure 1.5). Le

cholestérol accroît la rigidité de la membrane en s’insérant entre les molécules lipidiques plus

longues. Il diminue ainsi la perméabilité de la bicouche aux molécules hydrophiles et réduit la

mobilité des molécules de la membrane [8,18].

chaine hydrocarbonéenon polaire

tete polaire

chainede cyclesstrérol

Figure 1.5 –Structure du cholestérol

1.1.3 Mouvements moléculaires et fluidité

La membrane cellulaire est un objet dynamique, qui peut se déformer, ouvrir et refermer des

pores, fusionner ou encore permettre le déplacement latéral de la plupart de ses composants.

Cette fluidité est importante pour le bon fonctionnement de la cellule ; elle est assurée par plu-

sieurs types de mouvements moléculaires :

• une diffusion latérale : les molécules se déplacent de façon aléatoire dans la monocouche.

C’est le mode de diffusion qui requiert le moins d’énergie pour une molécule et donc,

c’est le plus courant. Le coefficient de diffusion latérale peut être étudié par différentes

14 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

techniques expérimentales : la FRAP (Fluorescence Recovery After Photobleaching) ou

la spectroscopie R.M.N. permettent de mesurer la diffusion sur de longues distances à

l’aide de phospholipides marqués ; le coefficient de diffusion est de l’ordre de10−12 m2.s−1

[19]. D’autres techniques, basées sur la diffusion de neutrons, sont plutôt employées pour

mesurer la diffusion sur de courtes distances ;

• une diffusion rotationelle où, dans une monocouche, les molécules tournent sur elles-

mêmes avec un coefficient de diffusion rotationelle de l’ordre de108 s−1 ;

• un passage des molécules d’une bicouche à l’autre (appelé aussiflip-flop). Il se fait à une

fréquence de l’ordre de10−8s−1. Le mouvement de flip-flop est tellement rare qu’il peut

mettre plusieurs jours pour s’achever. En effet, il implique le passage de la tête hydrophile

d’une molécule de lipide à travers la zone centrale hydrophobe de la membrane, ce qui

paraîta priori impossible. En réalité, ce phénomène existe et permet de symétriser dans

une certaine mesure la distribution des lipides membranaires entre les deux feuillets de

la bicouche. De plus, dans les membranes naturelles, des protéines peuvent favoriser ce

mouvement.

• une flexion des chaînes grasses.

L’importance de ces mouvements moléculaires dépend directement de la forme de la molé-

cule tensioactive, c’est-à-dire de sa formule chimique et de sa configuration. La longueur de la

chaîne carbonée et le nombre d’insaturations qu’elle comporte jouent un rôle primordial. Par

exemple, les chaînes courtes interagissent peu entre elles et les doubles liaisons en configura-

tion cisont un encombrement stérique important. En règle générale, la fluidité d’une membrane

augmente avec la proportion d’acides gras insaturés, et une membrane composée de tels lipides

restera fluide même à des températures peu élevées.

En effet, en règle générale, un abaissement de température conduit à une réduction des mou-

vements moléculaires, et on peut assister à un changement de structure de la membrane qui

peut perdre sa fluidité et se transformer en une phase gel. Cette transition fait encore l’objet de

nombreuses études et nous présentons dans le tableau 1.3 les températures de transition entre la

phase gel et la phase liquide pour quelques phospholipides courants.

1.1.4 Dynamique des membranes cellulaires

La membrane cellulaire remplit un grand nombre de fonctions, parmi lesquelles l’échange

de substances entre l’intérieur et l’extérieur de la cellule, et l’adhésion spécifique à des cellules

voisines. Son rôle est vital pour la cellule car un défaut dans la structure d’une membrane

1.1. GÉNÉRALITÉS SUR LES MEMBRANES CELLULAIRES 15

Tableau 1.3 –Température de transitionTm de quelques phospholipides

Nom abrégé du lipide Tm [C]

C12 :0 (DPLC) -1.8di C14 :0 (DMPC) 24.5di C16 :0 (DPPC) 41.5C16 :0 - C18 :1 (POPC) 11C18 :0 - C18 :1 (SOPC) 6C18 :1 - C18 :0 9di C18 :1 (c9) (DOPC) -22di C18 :1 (c6) 1C18 :0 - C18 :2 -15di C18 :2 -53di C18 :3 -60

plasmique ou d’une membrane interne à la cellule pourrait entraîner un endommagement du

contenu de la cellule, ou une altération de son fonctionnement. Par nature, la membrane est

fluide et donc très déformable. Les propriétés mécaniques des membranes cellulaires dépendent

essentiellement de leur composition chimique, mais aussi de facteurs environnementaux comme

la température ou le pH du milieu. Il est donc souvent nécessaire d’isoler la cellule de son

environnementin vivoafin de déterminer l’influence de chacun de ces facteurs sur les propriétés

mécaniques des cellules.

Un grand nombre d’expériences visant à comprendre la déformabilité des membranes a été

inspiré par quelques phénomènes biologiques jusqu’alors incompris, comme le passage de leu-

kocytes à travers la paroi endothéliale ou la résistance des globules rouges au cisaillement du

flux sanguin. Dans le premier cas, l’un des travaux mené sur ce sujet a montré [20] que les

cellules endothéliales exposées au cisaillement voyaient leur rigidité augmentée. Ces résultats,

obtenus avec une micropipette, ont été confirmés par l’étude en A.F.M. de la topographie de

la surface de ces cellules placées dans un écoulement continu [21]. Plus récemment, les leuko-

cytes ont été étudiés du point de vue du changement de leurs propriétés d’adhésion, de défor-

mabilité et de résistance à l’écoulement [22]. Concernant l’étude des globules rouges, Evans a

étudié l’élasticité de leur membrane de façon théorique en analysant les différentes forces qu’ils

subissent (viscosité, cisaillement, tension), et expérimentalement en mesurant leur élasticité à

l’aide de la technique de la micropipette [23, 125]. Ces expériences ont d’ailleurs permis de

mettre au point et de développer cette technique que nous décrirons dans le chapitre 2.

16 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

Les membranes artificielles comme les membranes supportées ou les liposomes ont aussi été

étudiés par des techniques variées comme l’AFM, les pinces optiques [30], ou la micropipette,

pour explorer certains aspects de leur mécanique (viscosité, élasticité,. . . ). Nous reviendrons

sur cet aspect dans la suite de ce chapitre.

Dans le cas de grandes déformations intervenant lors d’événements majeurs de la vie de la

cellule comme la croissance ou la division cellulaire, les propriétés mécaniques des cellules ne

sont pas seulement dues à la bicouche lipidique externe mais aussi au cytosquelette qui supporte

cette bicouche. Toutes les cellules eucaryotes1 ont un cytosquelette qui donne à la cellule sa

forme, sa capacité à se déplacer, et qui gère l’organisation interne de la cellule.

ou microfilaments ; structure de 5 à 9 nm de diamètre

cylindres creux de 25 nm de diamètre extérieur ; structure très rigide en tubuline (protéine)

c)

a) filaments d’actine:protéine d’actine polymérisée

filaments intermédiaires : structure faite

diamètre : 10 nmd’un assemblage de plusieurs protéinesb) microtubules :

Figure 1.6 –Différents types de filaments constituant le cytosquelette

Le cytosquelette est un ensemble de protéines assemblées en un réseau complexe de mi-

crotubules, de microfilaments et de filaments intermédiaires. La résistance de la cellule aux

contraintes mécaniques est essentiellement assurée par les filaments intermédiaires grâce à leur

grande déformabilité. Les microtubules jouent un rôle essentiel dans l’organisation spatiale des

1Les celluleseucaryotespossèdent un noyau délimité par une membrane. Les cellules ne possédant pas denoyau comme les bactéries, sont appeléesprocaryotes

1.2. LIPOSOMES 17

organites de la cellule. Les filaments d’actine, quant à eux, génèrent des protrusions à la surface

de la cellule, provoquant un changement de forme ou un déplacement de la cellule.

Il est possible de modéliser l’architecture du cytosquelette. Le premier modèle, proposé par

Ingber en 1993 sous le nom detensegrity[31], a été suivi par d’autres modèles, chacun ayant

ses propres équations constitutives, permettant de prévoir suivant le cas la réponse du réseau à

une contrainte de torsion, de cisaillement, d’extension ou de compression [32–35].

1.2 Liposomes

Nous avons vu dans les paragraphes précédents que l’intérêt pour les membranes cellulaires a

motivé de nombreuses études des bicouches fluides. En fait, la membrane cellulaire demeure un

objet trop complexe pour être compris dans son intégralité. La plupart des recherches physiques

doivent être effectuées sur des parois reconstituées, des bicouches de phospholipides à un seul

constituant, ou avec un petit nombre de constituants. Ces objets, des bicouches auto-assemblées

refermées sur elles-mêmes, portent le nom de liposome ou de vésicule. Leur importance dé-

passe le cadre des modèles de membranes cellulaires ; ils sont non seulement les objets d’étude

dans plusieurs sciences fondamentales et appliquées, mais aussi les principaux constituants de

nombreuses formulations industrielles [36].

1.2.1 La famille des liposomes

Les liposomes sont des capsules dont la paroi est composée d’une ou plusieurs bicouches de

molécules tensioactives. Cette paroi est une membrane fermée, déformable, perméable à l’eau,

qui encapsule une solution aqueuse (cf. figure 1.1(a)). Les liposomes sont facilement produits

en laboratoire et présentent des différences importantes de taille et de structure selon leur com-

position chimique et selon la méthode de préparation utilisée. On les classe généralement en

quatre catégories :

• Vésicules multilamellaires (Multi Lamellar Vesicles ou MLV) :

Ce sont les plus simples à obtenir. On les prépare en séchant sous vide une solution de lipides

de manière à évaporer le solvant, puis on hydrate le film résultant avec une solution aqueuse.

Au bout de quelques minutes, on obtient une suspension de vésicules multilamellaires d’une

taille comprise entre 100 nm et quelques microns. Les liposomes multilamellaires sont des

assemblages de lipides en multicouches fermées et séparées entre elles par une couche d’eau.

18 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

Cependant, le volume encapsulé est très faible par rapport au volume de la vésicule.

• Petites vésicules unilamellaires (Small Unilamellar Vesicles ou SUV) :

Un traitement physique des liposomes multilamellaires, par exemple aux ultrasons, conduit à

un réarrangement des molécules tensioactives et à la formation de vésicules unilamellaires de

taille homogène, de l’ordre de 25 nm de diamètre.

• Vésicules unilamellaires de grande taille (Large Unilamellar Vesicles ou L.U.V.) :

La technique la plus courante pour obtenir ce type de vésicules est dite "par inversion de phase".

Les lipides sont solubilisés dans un solvant organique volatil comme l’éther ou le chloroforme.

On y ajoute une solution aqueuse de manière à obtenir deux phases : le solvant organique et

l’eau, les lipides se situant à l’interface des deux phases, et leur partie hydrophile étant dirigée

vers l’eau. Un traitement de ce mélange aux ultrasons et une évaporation lente et partielle du

solvant permet aux lipides de se réorganiser pour optimiser leurs interactions avec l’eau et le

solvant organique dont la quantité diminue. Le mélange a alors l’aspect d’un gel qui se liquéfie

au fur et à mesure de l’évaporation du solvant. Des vésicules unilamellaires se forment et leur

taille varie de 0.1 à 1 micron.

• Vésicules géantes unilamellaires (Giant Unilamellar Vesicles ou G.U.V.) :

La taille de ces vésicules est comprise entre 5 et 100 microns de diamètre. Il existe principale-

ment deux méthodes pour les préparer : la formation spontanée, et l’électroformation [44–47].

La première est surtout utilisée lorsqu’on veut obtenir des vésicules très flasques, ou si la mo-

lécule amphiphile est insensible au champ électrique (polymère multibloc par exemple), ou

encore si le milieu est trop concentré en ions (solution salée par exemple). La seconde, en re-

vanche est plus rapide et fournit des vésicules unilamellaires en plus grande quantité. Ces deux

méthodes seront détaillées dans le chapitre 2.

1.2.2 Les liposomes dans l’activité scientifique et industrielle

Les liposomes sont des systèmes physico-chimiques du domaine colloïdal, leur taille étant

comprise entre quelques nanomètres et plusieurs dizaines de micromètres [?, 48]. Par consé-

quent, les forces d’agitation thermique jouent un grand rôle dans la diffusion et la dispersion de

ces objets, ainsi que dans la détermination de leur forme. C’est donc en physique et en physico-

chimie que l’on retrouve les études du comportement de bicouches fluides en solution. Cette dis-

cipline, la "physique des membranes", a contribué à écrire un très beau chapitre de la physique

statistique de ces trente dernières années [3]. Elle constitue encore un domaine de recherches

1.2. LIPOSOMES 19

très actif, particulièrement en ce qui concerne le comportement dynamique des membranes.

Ces recherches s’articulent autour de l’objet "membrane", caractérisé par certaines propriétés

élastiques, à partir desquelles il s’agit de prédire et de caractériser le comportement indivi-

duel et collectif des objets et structures formés par les bicouches auto-assemblées. Notons que

ces objets peuvent aussi être décorés par d’autres espèces tensioactives ou macromoléculaires.

Nous reviendrons plus en détail sur la description physique des membranes dans le paragraphe

suivant. Les questions posées sur les membranes en physique ont aussi trouvé un écho impor-

tant en mathématiques, où la géométrie différentielle ou la topologie d’objets bi-dimensionnels

possédant une élasticité de courbure constituent des domaines importants de recherche. Remar-

quons aussi que la nature colloïdale des vésicules en fait des systèmes modèles pour étudier

entre autres les problèmes physico-chimiques d’agrégation de particules, de sédimentation, de

mesure de forces électrostatiques ou de dispersion.

Sans trop revenir sur l’intérêt déjà évoqué des liposomes pour la biochimie et la biologie

de la membrane cellulaire, il est important de souligner que les études sur les protéines mem-

branaires se font en grande partie grâce à des liposomes, dans ce que l’on nomme "études de

reconstitution". Ainsi, les changements de conformation induits par des champs extérieurs tels

que le pH, la salinité, la lumière, etc. . . se font sur des liposomes ancrant ou incorporant diffé-

rentes molécules dans leurs membranes. Aussi, des études aussi diverses que la reconstitution

de l’histoire des cellules dans l’évolution des espèces [49], le développement de réacteurs de

photosynthèse artificiels [50], ou encore l’activité de pompes ioniques membranaires se font sur

des liposomes [51].

En chimie, les liposomes fournissent aussi un système qui permet d’effectuer des réactions

sur un tout petit espace, et ils sont étudiés en catalyse, pour la synthèse de particules colloïdales

ou encore pour des études de biominéralisation [52].

Les grands domaines d’application des liposomes sont la cosmétique et la pharmacologie. Du

point de vue industriel, le marché des produits cosmétiques, occupé à 10% par les liposomes,

représente un chiffre d’affaires de l’ordre de la dizaine de milliards d’euros. Mais ce sont les

marchés des médicaments qui sont en plus grande progression, avec par exemple un chiffre

d’affaires comparable à celui des cosmétiques dans le seul créneau du transport de substances

actives pour le largage dans les poumons. C’est d’ailleurs pour le transport de médicaments dans

l’organisme, un domaine de la pharmaceutique qui représentera d’ici 5 ans, selon les estima-

tions, 39% de toute cette activité "drug delivery", que les liposomes sont les plus utilisés [53].

On comprend aisément, en présence de tels enjeux, que de nombreuses recherches fondamen-

tales, appliquées et de développement, s’effectuent dans les laboratoires publics et privés. Sans

20 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

un souci d’exhaustivité, nous donnons dans la suite quelques exemples de produits déjà sur le

marché ou en développement, où les liposomes jouent un rôle clé.

Les premiers produits cosmétiques à base de liposomes ont été introduits par deux entreprises

françaises en 1987. L’avantage commun à tous ces produits est leur capacité d’encapsulation et

le transport de molécules actives. De plus, dans le cas des applications en cosmétique, le li-

posome lui-même présente des propriétés actives bénéfiques pour la peau, selon les fabricants.

On invoque par exemple la présence d’ions phosphore, la présence de certaines chaînes grasses

aussi présentes dans le complexe de la vitamine F, ou encore celle de protovitamines du groupe

B. En tout état de cause, les formulations à base de liposomes ont un spectre assez large. Utili-

sées comme des formulations de base remplaçant crèmes, gels et autres potions, elles peuvent

aussi contenir hydratants, antibiotiques, protéines recombinantes pour réparer les dégâts du so-

leil sur la peau. Produits anti-vieillissement, écrans solaires résistant au lavage, produits après-

rasage comptent aussi parmi les formulations à base de liposomes. Fermons ce paragraphe en

rappelant d’abord que beaucoup des mécanismes responsables de l’efficacité de ces formula-

tions sur la peau n’ont pas encore été élucidés, et que la prétendue efficacité est même contestée

dans un certain nombre de cas.

Depuis longtemps, les liposomes apparaissaient comme des transporteurs potentiels de médi-

caments. En effet, le transport dans l’organisme par ces petits sacs devrait permettre d’amener

des doses plus importantes aux tissus malades, tout en diminuant les effets toxiques associés

aux grandes doses. Ceci est particulièrement important pour les substances dites à fenêtre d’ac-

tivité réduite, pour lesquelles la limite de concentration toxique est très proche de la limite de

concentration de traitement. Mais c’était sans compter sur le système immunitaire qui détruit

ces transporteurs au niveau du foie et de la rate. En découvrant que des liposomes enrobés

par des polymères n’étaient plus reconnus par le système immunitaire, ALZA, une entreprise

américaine, a inventé le concept de liposome furtif, déjà commercialisé pour transporter un

médicament anti-cancer. Cet exemple constitue désormais un exemple classique de la fertilité

croisée de concepts venant de plusieurs domaines : la physico-chimie, la physique de la matière

molle et des polymères, la pharmacologie. Du point de vue des développements futurs, les li-

posomes furtifs pourraient à l’avenir devenir intelligents : en attachant des ligands spécifiques

à la surface extérieure du liposome, on espère pouvoir cibler le type de cellule ou de tissu où le

transporteur doit livrer sa charge . . .

Finissons cette présentation des liposomes en soulignant que nous n’avons pas évoqué toutes

les applications possibles de ces systèmes. De nombreux autres domaines d’activité, tels l’agri-

culture ou les industries alimentaires [54] utilisent aussi des formulations à base de liposomes

1.3. PHYSIQUE DES MEMBRANES 21

pour la solubilisation de substances ou le largage contrôlé. Et, peut-être comme mesure indica-

tive, faudrait-il rajouter qu’environ 1500 articles sont publiés par an sur les liposomes, et que

21782 brevets concernant les liposomes ont à ce jour été déposés aux Etats-Unis.

1.3 Physique des membranes

La bicouche fluide est un objet quasi bidimensionnel. En effet, lorsque l’on s’intéresse au

comportement des membranes de phospholipides, ou des systèmes composés de membranes

comme les vésicules, les tailles pertinentes pour les études de déformation, de résistance mé-

canique, de fluctuations ou d’adhésion sont très supérieures à l’épaisseur de la bicouche. La

membrane peut donc être caractérisée par un petit nombre de paramètres matériels, comme

les modules élastiques ou la perméabilité. Ces paramètres dépendent bien sûr des caractéris-

tiques des molécules : longueur et rigidité des queues hydrophobes, taille et nature chimique

des têtes hydrophiles... Mais ces détails ne sont pas pertinents aux grandes échelles. Les mem-

branes constituées de tensioactifs ou de phospholipides différents, mais possédant les mêmes

paramètres matériels, ont un comportement identique. C’est ce caractère universel que décrit la

physique des membranes.

Dans cette section, nous commencerons par présenter les outils mathématiques nécessaires

à la description de la géométrie des surfaces, puis nous introduirons les concepts physiques

décrivant les déformations possibles des membranes fluides. Nous passerons ensuite en revue

quelques résultats de la physique statistique des membranes, qui permettent de comprendre

le rôle de l’agitation thermique des solutions dans le comportement fluctuant des bicouches

fluides. Enfin, nous aborderons brièvement les questions relatives aux changements de forme

des vésicules. Rappelons que cette section ne prétend pas à l’exhaustivité ; un traitement plus

complet de ces questions peut être trouvé dans plusieurs ouvrages de référence [3,55,56].

1.3.1 Géométrie des surfaces

Une surface deR3 est décrite par un vecteurr, paramétré par deux variablesu et v comme

r=r(u,v) (cf figure 1.7) [57].

22 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

u=cste

n

v=cste

Figure 1.7 –Surface géométrique et courbes paramétriques

L’élément de longueur élémentairedl est donné par la première forme fondamentale :

dl2 =

(∂r

∂udu +

∂r

∂vdv

)2

=

(∂r

∂u

)2

du2 + 2∂r

∂u

∂r

∂vdu dv +

(∂r

∂v

)2

dv2

= Edu2 + 2Fdu dv + Gdv2 (1.1)

L’élémentF est nul pour toute description paramétrique orthogonale. L’élément de surface

élémentairedS est donné par :

dS =

∣∣∣∣∂r

∂u∧ ∂r

∂v

∣∣∣∣ du dv =√

g du dv =√

EG− F 2 du dv (1.2)

où g = EG− F 2 est la métrique, qui est toujours positive. La représentation de Monge, adap-

tée aux surfaces presque plates, repère la surface par la hauteurh(x, y), paramétrée par les

coordonées cartésiennes du plan [x, y]. On a alors :

r ≡ (x, y, h(x, y)) ;∂r

∂u=

(1, 0,

∂h

∂x

);

∂r

∂v=

(0, 1,

∂h

∂y

)et :

E = 1 +

(∂h

∂x

)2

; F =∂h

∂x

∂h

∂y; G = 1 +

(∂h

∂y

)2

(1.3)

Notons que les courbes paramétriques ne sont pas orthogonales. Dans la représentation de

Monge, les éléments de longueur et de surface élémentaires s’écrivent à partir des expressions

1.3. PHYSIQUE DES MEMBRANES 23

1.1 et 1.3 :

dl2 =

[1 +

(∂h

∂x

)2]

dx2 + 2∂h

∂x

∂h

∂ydx dy +

[1 +

(∂h

∂y

)2]

dy2

= dx2 + dy2 +

(∂h

∂xdx +

∂h

∂ydy

)2

dS =√

g dx dy =

√1 +

(∂h

∂x

)2

+

(∂h

∂y

)2

dx dy (1.4)

La courbure d’une surface est une quantité locale, définie en chaque pointP . On choisit à cet

effet la normale à la surface au pointP ,

n =

∂r

∂u∧

∂r

∂v∣∣∣∣∣∂r

∂u∧

∂r

∂v

∣∣∣∣∣(1.5)

Puis on définit la courbure de la surface en étudiant les courbes résultant de l’intersection de

la surface et du plan passant par la normale. La forme de ces courbes dépend bien sûr de la

direction définie par l’intersection du plan normal et du plan tangent. En général on peut écrire :

~ρ = ρ n

où ρ est un scalaire dont le signe dépend du choix de l’orientation de la normale. Ce scalaire

s’écrit comme le rapport de la seconde forme fondamentale à la première forme fondamentale :

ρ =Ldu2 + 2Mdu dv + Ndv2

Edu2 + 2Fdu dv + Gdv2

où l’on voit explicitement que la courbure dépend de l’orientationdv

dudans le plan tangent. Les

coefficients de la seconde forme fondamentale s’écrivent :

L = n

(∂2r

∂u2

); M = n

∂2r

∂u∂v; N = n

(∂2r

∂v2

)

On peut montrer que la courbure a deux extrema lorsque l’on fait un tour complet autour de

la normale. Les valeurs de ces extrema sont les courbures principalesρ1 et ρ2. Elles obéissent

24 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

aux équations :

H =1

2(ρ1 + ρ2) ; K = ρ1ρ2

oùH etK sont respectivement la courbure moyenne et la courbure gaussienne. Elles dépendent

explicitement des coefficients des deux formes fondamentales :

H =EN + GL− 2FM

2(EG− F 2); K =

LN −M2

EG− F 2

Trois exemples simples permettent de comprendre ces concepts. Sur la surface d’une sphère,

la valeur de la courbure ne dépend pas de l’orientation. On a donc deux maxima dégénérés :ρ1 =

ρ2 = 1/R , oùR est le rayon de la sphère. Les courbures moyennes et gaussiennes s’écrivent

H = 1/R; K = 1/R2. Sur un cylindre, le minimum de la courbe est nul. On aρ1 = 1/R et ρ2

= 0. La courbure moyenne est la moitié de celle d’une sphère avec le même rayonH = 1/2R,

et la courbure gaussienne nulle. Sur un point de selle symétrique, on aρ1 = −ρ2 = 1/R. La

courbure moyenne est nulle, et la courbure gaussienne négative :K = −1/R2.

Si la surface est décrite par la représentation de Monge, le calcul explicite de la normale et

des différentes courbures donne :

n ≡(−∂h

∂x,−∂h

∂y, 1

)g−1/2 oùg est la métrique définie par l’expression 1.2

L =∂2h

∂x2g−1/2 ; M =

∂2h

∂x∂yg−1/2 ; N =

∂2h

∂y2g−1/2

H =1

2

[(1 +

(∂h

∂x

)2)

∂2h

∂x2− 2

∂h

∂x

∂h

∂y

∂2h

∂x∂y+

(1 +

(∂h

∂x

)2)

∂2h

∂y2

]g−3/2

K =

[∂2h

∂x2

∂2h

∂y2−(

∂2h

∂x∂y

)2]

g−2

Ces résultats se simplifient lorsque la surface est faiblement courbée, proche d’une configu-

ration plane car

(∂h

∂x

) 1;

(∂h

∂y

) 1 :

H =1

2

(∂2h

∂x2+

∂2h

∂y2

); K =

∂2h

∂x2

∂2h

∂y2−(

∂2h

∂x∂y

)2

1.3. PHYSIQUE DES MEMBRANES 25

Le théorème de Gauss-Bonnet est un résultat mathématique d’une certaine importance pour

la description physique des membranes, comme nous le verrons plus loin [55]. Il montre que

l’intégrale sur la surface de courbure gaussienne est une constante topologique :∫K dS =

∫ρ1ρ2 dS = 4 π (1− genus)

Le genus peut être décrit grossièrement comme le nombre de trous ou d’"anses" dans une

surface. Ainsi, le genus d’une sphère est nul, celui d’un tore vaut 1, celui d’une forme en bretzel

vaut 2, etc. . .

1.3.2 Modes de déformation d’une surface

Au repos, la forme d’une membrane de phospholipides dépend de sa composition. Si les

deux feuillets sont symétriques, la membrane est plate. Si la composition de chaque feuillet est

différente, la membrane a une forme spontanée non plane, décrite par la courbure spontanée

ρ0(r). Lorsque que la membrane est soumise à des forces extérieures, elle peut se déformer.

Une déformation arbitraire peut se décomposer selon trois modes de déformation, montrés sur

la figure 1.8 [58]. L’extension pure ou la compression pure impliquent une modification de la

valeur de l’aire par phospholipide. La courbure est un mode de déformation sans modification

de l’aire par molécule. Enfin, le réarrangement de matière conserve aussi l’aire, mais implique

des cisaillements bidimensionnels dans le matériau. Pour un feuillet élastique, telle une mem-

brane de caoutchouc, cette déformation implique un certain coût énergétique. Pour les mem-

branes fluides, cette déformation n’implique pas, à l’équilibre, une modification de l’énergie de

la membrane car les molécules se déplacent librement dans le plan de la membrane. Les modes

de déformation de courbure impliquent aussi un certain coût énergétique. Dans la limite élas-

tique où les contraintes sont proportionnelles aux déformations, la densité d’énergie associée est

quadratique avec le taux de déformation. Pour la déformation de courbure, elle s’écrit [41,59] :

ec =1

2kc(ρ1 + ρ2 − 2ρ0)

2 + kgρ1ρ2 (1.6)

où kc et kg sont deux constantes élastiques associées aux modes de déformation de courbure.

La constantekc est la rigidité ou module de courbure, et la constantekg est la constante de

rigidité gaussienne. Notons que l’énergie est quadratique dans les déformations par rapport

à la forme au repos où l’on aρ1 + ρ2 = 2ρ0. Notons aussi, comme conséquence directe du

26 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

extension

réarrangement de la matière

courbure

Figure 1.8 –Types de déformation des membranes

théorème de Gauss-Bonnet, que la contribution gaussienne à l’énergie totale d’une membrane

reste constante, pendant des déformations qui ne changent pas son caractère topologique. Les

constanteskc et kg ont les dimensions d’une énergie et sont de l’ordre de10−19J [13], soit

aussi de l’ordre de quelqueskBT , l’énergie d’agitation thermique dans une solution. Il existe

plusieurs modèles qui permettent de prédire approximativement les valeurs dekc et dekg. Par

exemple, pour une membrane d’épaisseurd, constitué d’un matériau de module d’YoungY et

d’un coefficient de Poissonε, on a [115] :

kc =Y d3

12(1− ε2); kg =

Y d3

12(1 + ε)

D’autres modèles existent, mais en pratique on caractérise les bicouches fluides par les va-

leurs des modules mesurés. Certaines de ses valeurs sont présentées dans le tableau 2.3. Nous

verrons plus loin les méthodes permettant de mesurer la rigidité de courbure.

Pour la déformation d’extension, on écrit dans la limite élastique,

eext =1

2Ke

(A− A0

A0

)2

(1.7)

où A0 est l’aire de la membrane au repos. La constanteKe est la compressibilité de la mem-

1.3. PHYSIQUE DES MEMBRANES 27

Tableau 1.4 –Mesures des modules d’élasticité et de courbure [13]

Nature du phospholipide Ke (mN/m) kc (10−19J)

diC13 :0 239± 15 0.56± 0.07diC14 :0 234± 23 0.56± 0.06C18 :0/1 235± 15 0.9± 0.06

diC18 :1 (c9) 265± 18 0.85± 0.1diC18 :1 (t9) 229± 12 1.03± 0.11

diC20 :4 250± 10 0.44± 0.05

brane. Elle peut être mesurée par les variations de tension de surfaceσ de la membrane :

σ = σ0 + Ke

(A− A0

A0

)

1.3.3 Membranes et fluctuations

L’agitation thermique de la solution provoque des déformations constantes dans la forme

des membranes. Elles s’écartent donc de leur forme optimale par des modes de déformation

activés thermiquement : on parle alors de fluctuations de la membrane. La compressibilité de la

membrane impliquant des énergies bien plus importantes que les déformations de courbure, ce

sont celles-ci qui sont excitées préférentiellement. Pour une bicouche symétrique, la forme au

repos est plane etρ0 = 0. Dans ce cas, l’énergie d’une membrane d’aireA, attaché à un cadre

d’aireA0 s’écrit dans la limite des faibles déformations et en représentation de Monge,

F =kc

2

∫ (∂2h

∂x2+

∂2h

∂y2

)2

dx dy +σ

2

∫ [(∂h

∂x

)2

+

(∂h

∂y

)2]

dx dy

oùσ est un multiplicateur de Lagrange qui assure la conservation de l’aire de la membrane. Ce

multiplicateur de Lagrange est le paramètre conjugué à l’aire du système. Il s’agit donc de la

tension de surface de la membrane car il mesure l’énergie nécessaire à une variation de l’aire

du cadre. En introduisant la représentation de Fourier des modes de déformation :

hq =

∫∫ei(qxx+qyy)h(x, y)dx dy

28 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

l’énergie devient :

Fq =kc

2

∫∫dqx dqy

(2π)2(kcq

4 + σq2) hq h−q

Chaque mode de vecteur d’ondeq est donc indépendant, et la densité de probabilitéP(hq)associée à l’ensemble des valeurs hq s’écrit :

P(hq) ' exp

(− Fq

kBT

)

L’écart quadratique moyen de la distribution est la transformée de Fourier de la fonction de

corrélation des hauteurs, aussi nommée facteur de structure :

< hqh−q > = A0kBT

kcq4 + σq2

Notons aussi que la différence entre l’aire réelle de la membrane et l’aire projetée sur le plan

s’écrit comme l’intégrale du facteur de structure :

A− A0

A0

=1

2

∫ qmax

qmin

q dq

kBT

kcq4 + σq2

(1.8)

=kBT

8πkc

lnkcq

2max + σ

kcq2min + σ

(1.9)

=kBT

8πkc

lnσmax + σ

σmin + σ(1.10)

On introduit les vecteurs d’onde de coupure,qmin et qmax associés respectivement aux plus

grandes et aux plus petites déformations possibles. La plus grande déformation est de l’ordre

de la taille du systèmeqmin ' π2/A0, alors que la plus petite est de l’ordre de l’épaisseur de la

membraneqmax ' π2/d2. La relation 1.10 est connue sous le nom de relation d’Helfrich. Dans

les conditions pratiques d’utilisation de la relation d’Helfrich, on aσmin σ σmax et l’on

écrit 1.10 comme :

A− A0

A0

=kBT

8πkc

lnσmax

σ(1.11)

C’est une relation constitutive reliant la fraction de surface consommée par les modes de dé-

1.3. PHYSIQUE DES MEMBRANES 29

formation de courbure et la tension de la membrane. Nous verrons au chapitre 2 comment cette

relation peut être exploitée pour mesurer la rigidité de courbure. Dans cette thèse, nous mesu-

rerons souvent la relation entre la tension et l’excès de surface pour des vésicules. Il convient

donc d’étudier la quantité d’aire consommée par des fluctuations autour d’une forme sphérique.

La forme de la vésicule est développée en harmoniques sphériques :

r(θ, φ) = R0

(1 +

∑l,m

ulmYlm(θ, φ)

)

avecYlm les harmoniques sphériques etulm l’amplitude de chaque mode. La somme se fait sur

les deux indicesl et m. Le model = 0 est une constante, déjà incluse dans la définition du

rayon. Dans les conditions expérimentales habituelles, le volume reste constant :V = 4/3πR30.

Le model = 1 correspond à une simple translation de la sphère. L’énergie de courbure dans

cette représentation se met sous la forme :

F =1

2

∞∑l=2

(l − 2)(l − 1)[kcl(l + 1) + σR2

0

]où l’on garde les termes quadratiques enulm. L’écart quadratique moyen des amplitudes est,

d’après l’équipartition de l’énergie :

〈|ulm|2〉 =kBT

(l − 2)(l − 1) [kcl(l + 1) + σR20]

À l’ordre quadratique, la valeur de la surface s’écrit :

A = 4π R20

(1 +

1

∞∑l=2

l∑m=−l

|ulm|2 (l + 2)(l − 1)

)

et l’excès de surface relatif a une forme similaire à l’expression d’Helfrich pour le cas d’un

plan :

A − 4π R20

4π R20

=kBT

lmax∑l=2

2l + 1

kcl(l + 1) + σR20

' kBT

8πkc

ln

kcl

2max

R20

+ σ

6kc

R20

+ σ

30 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

La description en harmoniques sphériques est importante pour l’analyse d’images directes

de vésicules très fluctuantes, où l’on peut mesurer le poids relatif des amplitudesulm [61, 62].

Néanmoins, pour les mesures d’excès de surface par la méthode d’aspiration par micropipette,

on peut se contenter d’utiliser la relation 1.11.

1.3.4 Morphologie de systèmes membranaires

On trouve une grande variété de formes et de topologies possibles dans les systèmes membra-

naires. Un chapitre sur les membranes cellulaires dans un ouvrage de biologie, ou l’observation

d’un film de phospholipides qui gonfle dans une solution, révèlent rapidement la grande va-

riété de formes, d’assemblages, d’organisation cristallines et de types d’interactions présents

dans une solution de membranes. Pour les grandes concentrations de phospholipides, les mem-

branes s’organisent. Elles forment des phases cristal liquide : empilements lamellaires, phases

cubiques bicontinues, empilements hexagonaux de cylindres. . . Ce sont en général des phases

stables ; les variations de température et de concentration permettent d’établir les lignes de tran-

sition de phase. Aux concentrations plus faibles, les membranes forment des objets isolés, le

plus typique étant la vésicule, variété topologique identique à la sphère, mais qui peut prendre

des formes assez éloignées de la forme sphérique. D’autres objets fermés peuvent aussi être

observés : tores, bretzels, et bien d’autres. Souvent aussi, plusieurs objets séparés par une dis-

tance plus ou moins importante sont connectés entre eux par de minces "fils", des cylindres de

membranes établissant un passage par exemple entre deux vésicules. En outre, de nombreux

paramètres extérieurs peuvent être responsables d’une modification de la forme des vésicules :

• des modifications de température, de pression, des phénomènes d’adhésion, ou la réponse

à une contrainte mécanique ;

• la présence d’un champ électrique ;

• une réaction chimique entre les lipides membranaires et une substance active peut induire

une destabilisation locale de la membrane, et éventuellement des modifications dans ses

propriétés mécaniques ; souvent, il y a formation de différents domaines plus ou moins

étendus dans lesquels l’organisation de la bicouche est totalement changée. Ceci est cou-

rant dans de nombreux phénomènes biologiques comme les réactions enzymatiques, l’en-

docytose, ou encore lors de la réunion de couples ligant-récepteur à la surface d’une mem-

brane cellulaire ;

• enfin, la modification locale de la composition chimique de la membrane, et donc, de sa

courbure, induit des changements spectaculaires de forme. Par exemple, la microinjection

1.3. PHYSIQUE DES MEMBRANES 31

d’ions lanthanides ou de macromolécules entraîne le passage d’une forme sphérique à

une forme discocyte [63], ou la transformation d’une vésicule en un chapelet de petites

vésicules reliées entre elles, transformation dite depearling illustrée sur la figure 1.9.

Figure 1.9 –Images de vésicules multilamellaires de SOPC en forme de perles: instants après le dé-but du processus depearling : a) 0s, b) 70s, c)150s, d) état d’équilibre après 900s (barre=20microns)[66,69]

La dernière décennie a assisté au développement des premiers travaux théoriques cherchant

à classer et à expliquer les formes observables et les facteurs gouvernant les transitions entre les

différentes formes. Tous les modèles impliquent d’une façon ou d’une autre l’énergie de cour-

bure d’Helfrich (équation 1.6). Le modèle le plus simple concerne les formes observées pour

des membranes parfaitement symétriques. L’énergie d’Helfrich est minimisée sous la contrainte

de la conservation de la surface et du volume de la membrane. Le seul paramètre de contrôle

est alors le rapportv entre le volume imposéV et le volume sphérique qui occuperait la surface

disponible4/3πR3. En pratique, le nombre de phospholipides dans la bicouche ne varie pas au

cours d’une expérience, et le volume est fixé par les conditions d’équilibre osmotique entre l’in-

térieur et l’extérieur de la vésicule. On observe alors une série de formes illustrées sur la figure

1.10. Pourv = 1, la forme optimale est sphérique. En imposant des volumes relatifsv de plus

en plus petits, on passe de formes prolates aux formes oblates, puis à des formes réentrantes

dites stomatocytes. En pratique, les fréquences d’échange entre les deux monocouches sont très

petites, et une vésicule peut garder une asymétrie induite par le processus de formation.

Plusieurs modèles permettent alors de rendre compte de cette asymétrie. Dans le modèle de la

courbure spontanée, on analyse l’énergie d’Helfrich avecρ0 6= 0, sous les mêmes contraintes de

conservation d’aire et de volume. On a ici un deuxième paramètre de contrôle qui est le rapport

32 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

Figure 1.10 –Formes possibles des membranes pourc0=0 et pour différentes valeurs dev ; v1 et v2

correspondent respectivement à la transition prolate-oblate et oblate-discocyte [64]

de la courbure spontanée à la courbure qu’aurait une sphère d’aire4πR20 : c0 = 2ρ0/R0. Les

figures 1.11 et 1.12 illustrent les formes prédites pour différentes courbures réduites en fonction

du volume relatifv. On voit par exemple apparaître, des formes en poire qui n’étaient pas dans

le diagramme àc0=0 (cf. figure 1.10).

Figure 1.11 –Formes possibles des membranes pourc0=2.4 et pour différentes valeurs dev ; lestransitions v1 et v2 correspondent respectivement à une transition discontinue et continue [64]

Figure 1.12 –Formes possibles des membranes pourc0=3 et pour différentes valeurs dev ; la formecorrespondant àv=0.584 est asymétrique [64]

La courbure spontanée ne capture pas tous les phénomènes induits par une asymétrie des

deux feuillets de la bicouche. En particulier, lors d’un changement de forme, chacune des mo-

1.3. PHYSIQUE DES MEMBRANES 33

nocouches peut être amenée à adopter une aire par molécule légèrement différente de l’aire par

molécule inscrite pendant la fabrication de la vésicule. Le modèle d’élasticité des différences

d’aires ou ADE prend en compte cet effet en rajoutant un terme à l’énergie d’Helfrich de la

forme [?, 64,68] :

FADE =k

8A0d2(∆A−∆A0)

2 (1.12)

où k est la constante de compressibilité élastique de chaque monocouche etd l’épaisseur de

la monocouche. La valeur de la différence de surface∆A0 est reliée à la courbure moyenne

totale∆A = 4d

∫HdA. Les deux paramètres de contrôle de ce modèle sont donc le rapport

α = k/kc et la différence d’aires à l’équilibre∆A0. La valeur deα est souvent choisie proche de

l’unité. En effet, pour deux feuillets élastiques, on peut montrer que le rapport est fixé àα=3/π.

Les diagrammes de phase pour ce modèle sont tracés dans l’espace [v,∆A0]. Une attention

spéciale a été portée aux régions du diagramme qui décrivent la formation de petites vésicules

à partir de la vésicule mère, ou "budding". Ce modèle a aussi été utilisé pour étudier les formes

d’équilibre des vésicules de genus non nul. Nous montrons par exemple dans les figures 1.14(b)

et 1.15 les formes d’équilibre de tores et de bretzels.

Figure 1.13 –Tube multilamellaire cylindrique de myéline : images d’un enroulement en doublehélice; a)début de l’enroulement, b)au bout de 20mn, c)au bout de 30mn, d)au bout de 40 mn(barre=40µm) [69]

Les descriptions précédentes supposent une distribution homogène des phospholipides dans

la vésicule. Dans de nombreux cas, on peut avoir à faire à des inhomogénéités : mélanges de

phospholipides, régions avec des phospholipides agrégés (radeaux), inclusions membranaires,

polymères greffés, etc. . . Ces effets peuvent conduire à des effets surprenants : lepearling, déjà

34 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

(a) Diagramme de phase où la différence d’aire∆Aest représenté en fonction du volume réduitv

(b) Formes de bretzel : genus=2 ; les lettresse réfèrent aux zones du diagramme de phase1.14(a)

Figure 1.14 –Formes de genus=2 [65]

présenté sur la figure 1.9, ou encore l’enroulement de tubes de myéline lors de l’addition de

polymères substitués avec des groupes hydrophobes (cf figure 1.13).

Figure 1.15 –Tores : genus=1 [65]

1.4. TRAVAUX RÉCENTS DE CISAILLEMENT DE VÉSICULES 35

1.4 Travaux récents de cisaillement de vésicules

Les effets des écoulements hydrodynamiques sur les vésicules ont fait l’objet de plusieurs

travaux, d’abord inspirés par les problèmes qui se posent en physiologie, dans le contexte de

la circulation des globules rouges dans le système sanguin. On cherchait à comprendre les dif-

férentes formes de globules rouges observées et leurs relations avec la chute de pression dans

les vaisseaux capillaires, dont le diamètre est souvent plus petit ou du même ordre de grandeur

que la taille du globule. Les premières réflexions sur le couplage membrane-écoulement ont

surtout été dirigées vers les descriptions des différents modes de relaxation des objets membra-

naires [70, 71]. Il s’agissait ici de comprendre l’effet de l’hydrodynamique sur les corrélations

temporelles des fluctuations des membranes. De nombreux travaux ont été menés dans les sys-

tèmes de membranes organisées, mais aussi dans les systèmes de vésicules, où l’on montre par

exemple que pour des membranes imperméables, avec les conditions de non-glissement entre le

fluide et la paroi, les modesulm décrivant la forme de la vésicule, relaxent exponentiellement :

〈ulm(t)ulm(0)〉 = |ulm(0)|2 exp

(− t

τlm

)avec :

τlm =ηR3

0

kc

Z(l)

l(l + 1) +σR2

0

kc

où : Z(l) =(2l + 1)(2l2 + 2l − 1

l(l + 1)(l + 2)(l − 1)

Dans ces équations, on voit apparaître le temps caractéristique des fluctuations de membranes :

τkc = ηR30/kc. Pour des vésicules de 20µm de rayon dans l’eau, aveckc=22kBT , on aτkc '0.1s.

La description des effets hydrodynamiques dans des champs d’écoulement est plus lourde à

mettre en œuvre. Des travaux théoriques sont souvent soutenus par des résolutions numériques

des équations gouvernant le mouvement du fluide et de la membrane [77]. C’est justement le

couplage entre la déformation de la membrane et le champ de vitesse du fluide qui n’est pas

facile à traiter. En effet, une fois que les couplages écoulement-membrane ont été définis –

perméabilité, écoulement. . . –, il faut calculer à la fois le champ de vitesse à bas nombre de

Reynolds dans le régime de Stokes, avec des conditions aux bords sur une surface de forme

arbitraire, puis déterminer cette forme avec les conditions d’équilibre entre les forces élastiques

et les forces visqueuses dérivant du champ de vitesse. Numériquement, il a été possible de

traiter un certain nombre de situations. Pour une membrane se déplaçant dans un écoulement

uniforme, les vésicules peuvent adopter des formes très éloignées de la sphère [72] (cf. figure

1.16).

36 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

Figure 1.16 –Formes obtenues lorsqu’une vésicule est poussée avec une force uniforme dans unenvironnement visqueux; a) vue verticale, la force est dans le plan de la figure ; b) vue frontale, laforce pousse vers le bas de la figure [72]

Une vésicule placée dans un écoulement de cisaillement est également déformée (cf. figure

1.17). Cette déformation dépend des propriétés mécaniques de la bicouche lipidique, de la taille

de la vésicule, et de la viscosité du milieu environnant. Là encore, théorie et expériences sont

en accord [76,78,79]. Pour des taux de cisaillement faibles, la vésicule s’oriente en formant un

angle maximal de 45 avec les lignes de courant, et elle se déforme. Le paramètre qui permet

d’évaluer cette déformation est obtenu en assimilant la vésicule à une ellipse et en mesurant la

longueur de ses axes. Ce paramètre est une fonction deγ et de l’excès de surface de la mem-

brane. Ainsi, pour pouvoir se déformer et atteindre une forme allongée, la vésicule consomme

une partie des fluctuations de sa membrane et donc devient plus tendue.

Il a aussi été montré que la vésicule subit une force d’ascension qui peut la décoller du sub-

strat sur lequel elle reposait. Cela avait été observé dès 1836 par Poiseuille, qui avait remarqué

la tendance qu’ont les globules rouges à s’éloigner d’une paroi. Plus récemment, d’autres tra-

vaux portant sur les globules rouges ont eu pour but d’améliorer les conditions expérimentales et

la précision des résultats. Expérimentalement et théoriquement, il a été montré qu’une vésicule

non adhérente se décolle partiellement de son substrat et que l’axe de la vésicule forme un angle

avec la paroi [73–75]. Une expérience typique issue des résultats de A.Viallat est reportée sur la

figure 1.18. Sur cette série d’images, la vésicule est photographiée de côté et la direction qu’elle

prend est symbolisée par un trait blanc. L’orientation devient indépendante du taux de cisaille-

ment (γ) quand ce dernier atteint une valeur critique (de l’ordre de quelquess−1), qui dépend

du volume réduit de la vésicule. La vitesse de décollement dépend de plusieurs paramètres :

le taux de cisaillement, le rayon initial de la vésicule et sa distance à la paroi. Son expression,

obtenue théoriquement, est de la formevlift = UγR30/h

2 où U dépend du volume réduit de la

vésicule. Pour les faibles valeurs deγ, la vésicule connaît deux mouvements simultanés : une

translation le long du substrat et une rotation autour de la zone de contact avec le substrat. Ces

1.4. TRAVAUX RÉCENTS DE CISAILLEMENT DE VÉSICULES 37

Figure 1.17 –Vésicules dans un cisaillement; le taux de cisaillement augmente des figures a) à i)de γ=0 s−1 à γ=15 s−1 [78]

deux mouvements se font avec une vitesse indépendante du volume réduit, mais directement

proportionnelle àγ.

Enfin, un cas plus complexe, mais très étudié dans le contexte de l’adhésion cellulaire est

celui où il existe une force d’adhésion entre la vésicule et le substrat [81]. Par des expériences en

fluorescence, il est possible de montrer par exemple, que les lipides de la membrane se déplacent

latéralement [82]. De plus, la vitesse de déplacement des lipides est proportionnelle à la vitesse

de l’écoulement : elle est donc maximale au sommet de la vésicule. Plusieurs études se sont

Figure 1.18 –Vesicule vue de côté pour a)γ = 0 s−1, b) γ = 0.4s−1, c) γ = 0.9s−1, d) γ = 1.1s−1,e) γ = 2.5s−1 [73]

38 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

intéressées à la relation entre la force agissant sur la vésicule et la vitesse d’écoulement [83,84].

Expérimentalement, on observe souvent le comportement d’accrochage puis de roulement de

leukocytes ou de billes colloïdales fonctionnalisées dans des chambres d’écoulement dont la

paroi est couverte de molécules adhésives. Il s’agit de prévoir les fréquences des événements

adhésifs sous écoulement.

Dans le domaine des phases organisées, des problématiques similaires ont été abordées, de

façon à comprendre par exemple, les changements de symétrie cristalline induits par le cisaille-

ment, ou encore le comportement rhéologique des suspensions. En particulier, certains travaux

de Roux [85–88] ont porté sur le cisaillement de phases lamellaires. Les phases lamellaires

ont à la fois une organisation cristalline et des caractéristiques proches de celles des liquides

comme la viscosité. Il a été démontré qu’elles sont stabilisées par des répulsions électrosta-

tiques et par des forces d’ondulation. Soumettre un tel système à un cisaillement perturbe son

organisation spatiale et peut provoquer des transformations radicales de sa structure. Les expé-

riences réalisées ont montré que pour une valeur limite du taux de cisaillement, caractéristique

de la composition du système, les bicouches se cassent, se courbent, et des vésicules multila-

mellaires apparaissent. Des diagrammes de phase ont pu être établis selon la composition du

système et le taux de cisaillement appliqué et en fonction de la température. Les structures qui

peuvent être formées sont des oignons de petite ou de grande taille, et dans un état plus ou moins

ordonné. De plus, on a pu observer par diffusion de neutrons que les bicouches de la phase la-

mellaire (Lα) s’orientent selon la direction du cisaillement. Des travaux plus récents ont montré

que cette orientation est différente selon le taux de cisaillement (γ) imposé : à faibleγ, les la-

melles sont parallèles au flux, à unγ fort, l’orientation est perpendiculaire, et àγ intermédiaire,

l’orientation est biaxiale [89–91]. L’équipe d’Escalante a suivi la transformation de phasesLα

en vésicules multilamellaires par la mesure de la viscosité du système en fonction duγ appli-

qué. Ils ont pu identifier trois étapes lors de cette transformation, dont la durée d’existence varie

avec la nature des constituants du système.

Enfin, une étude particulièrement pertinente pour nos travaux est celle publiée par Yamamoto

et Tanaka, qui concerne le comportement d’une phase lyotrope très diluée, sous cisaillement

[92]. Dans cette étude, une phase lamellaire de tensioactifs, diluée à 1.8%, est placée dans une

rhéomètre Couette, et initialement orientée de façon à ce que les lamelles soient parallèles aux

parois de la cellule. L’échantillon est illuminé en lumière blanche, et observé en réflexion : un

pic de Bragg est détecté, qui prouve la présence de la phase lamellaire et permet de calculer la

distance moyenned entre les lamelles. Les auteurs montrent que ce pic de Bragg évolue avec

le taux de cisaillement, imposé par la rotation d’un des cylindre de la cellule Couette. Dans

1.4. TRAVAUX RÉCENTS DE CISAILLEMENT DE VÉSICULES 39

la gamme de taux de cisaillements étudiée,γ[1..15s−1], il apparait clairement que la distance

d diminue avecγ. Ce comportement est interprété comme la signature d’une diminution des

fluctuations des lamelles.

40 CHAPITRE 1. MEMBRANES CELLULAIRES ET BICOUCHES FLUIDES

CHAPITRE 2

Techniques expérimentales

41

42 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

Sommaire

2.1 Préparation des vésicules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .43

2.1.1 Méthodes de fabrication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .43

2.1.2 Mécanisme de formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .46

2.1.3 Transfert des vésicules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .47

2.2 Expériences de micropipette . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49

2.2.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49

2.2.2 Principe de l’expérience de succion . . . . . . . . . . . . . . . . . .50

2.2.3 Calcul des grandeurs caractéristiques de la membrane . . . . . . . . .52

2.2.4 Notre montage expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .57

2.3 RICM . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

2.3.1 Principe et montage expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . .66

2.3.2 Détermination du profil de la vésicule. . . . . . . . . . . . . . . . . .74

2.3.3 Spectre de fluctuations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .76

2.3.4 Caractérisation du premier anneau de Newton . . . . . . . . . . . . .77

2.4 Cisaillement alternatif de vésicules géantes . . . . . . . . . . . . . . . . .82

2.4.1 Le dispositif expérimental . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .82

2.4.2 Étalonnage du dispositif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .84

2.4.3 Modifications induites par la présence d’une sphère dans l’écoulement89

2.1. PRÉPARATION DES VÉSICULES 43

Dans ce deuxième chapitre, nous présentons les différentes techniques expérimentales que

nous avons utilisées pour mesurer l’influence d’un cisaillement alternatif sur des vésicules

géantes. Ces vésicules sont facilement observables et manipulables sous un microscope optique.

Leur mode de préparation est décrit dans la section 2.1. Ces vésicules sont souvent manipulées

à l’aide d’une micropipette sous le champ du microscope. Cette technique permet de mesurer la

relation qui existe entre la tension d’une membrane et l’excès de surface consommé par les fluc-

tuations. Nous décrivons le montage et analysons en détail dans la section 2.2 les formules que

nous utiliserons pour évaluer le module de courbure des vésicules. Les résultats que nous avons

obtenus à l’aide de la micropipette ont été confirmés et complétés à l’aide de l’observation en

microscopie par contraste interférentiel en réflexion (R.I.C.M.). Cette technique, décrite dans la

section 2.3, permet de connaître l’état de tension d’une membrane au voisinage immédiat d’un

substrat. Enfin, nous terminerons ce chapitre par la description de notre appareillage de cisaille-

ment alternatif. Ce montage original permet de créer un gradient de cisaillement autour de la

vésicule étudiée sans la déplacer. Nous décrirons la configuration expérimentale et analyserons

les mouvements du fluide dans un tel système.

2.1 Préparation des vésicules

2.1.1 Méthodes de fabrication

Différentes techniques permettent de former des vésicules géantes. Dans les paragraphes sui-

vants, nous décrivons deux d’entre elles. La première, dited’électroformation, est une technique

mise au point empiriquement à la fin des années 1980, et utilisée dans de nombreux travaux por-

tant sur des GUV. La publication d’Angelova [47] a clarifié les conditions optimales de mise en

œuvre de cette technique. La seconde, ditede formation spontanée, présente d’autres avantages.

Méthode d’électroformation.

Cette méthode est la plus efficace pour préparer des vésicules géantes unilamellaires en

quelques heures. Le lipide est solubilisé dans du chloroforme à une concentration de 0,2 mg/ml.

Environ 50 microlitres de cette solution sont déposés sur une lame de verre de 10cm2 envi-

ron, dont une face est recouverte d’ITO (Indium Titane Oxide). Le dépôt est fait à l’aide d’une

seringue sur la face conductrice de la lame. Après une dizaine d’heures de séchage dans une

enceinte sous vide, le solvant est totalement évaporé. La lame de verre est alors recouverte par

44 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

une seconde lame, elle aussi conductrice, les deux faces conductrices étant scellées en vis-à-vis

avec une cire inerte (Vitrex, Danemark), de manière à former une cellule fermée d’environ 1mm

d’épaisseur. Cette cellule est enfin remplie avec une solution de sucrose1 concentrée à 0.1M,

rendue étanche, et branchée à un générateur de tension. Le protocole que nous avons utilisé

consiste à imposer une tension alternative d’une amplitude de 5 V et d’une fréquence de 10 Hz

(cf. figure 2.1)

d’ITO

joint étanche film sec de phospholipides

tension alterative5V,10Hz

lames recouvertes

Figure 2.1 –Préparation des vésicules

La pousse des vésicules selon cette méthode se déroule en plusieurs étapes (cf. figure 2.2).

Tout d’abord, le film de phospholipides vibre dans la direction du champ électrique et se gonfle

(cf. figures 2.2a et b). Puis, de petites vésicules multi et unilamellaires apparaissent à la surface

du film. Elles continuent à augmenter de taille, et les vésicules unilamellaires qui atteignent

10 à 20 microns de diamètre ont tendance à être facilement déstabilisées par les mouvements

du fluide environnant : elles fusionnent pour former de plus grosses vésicules, ou au contraire,

se détruisent, et leur membrane se redépose sur la couche inférieure de vésicules (cf. figure

2.2c). Enfin, environ 30 minutes après le début de la pousse, la plupart des vésicules unila-

mellaires sont formées, et elles augmentent de taille régulièrement (cf. figure 2.2d). Les plus

grosses peuvent atteindre une centaine de microns de diamètre (cf. figure 2.3). La population de

vésicules obtenue est très polydisperse en taille.

1Le sucroseest plus couramment appelésaccharose.

2.1. PRÉPARATION DES VÉSICULES 45

d)

a) b)

c)

Figure 2.2 –Formation des vésicules géantes unilamellaires

Figure 2.3 –Vésicules au bout d’une heure de formation : image sous microscope en mode trans-mission ; objectif x40

Formation spontanée de vésicules géantes.

Cette technique consiste à hydrater un film de phospholipides, et à attendre quelques jours, de

façon à ce que les molécules s’auto-organisent. Nous avons testé cette méthode sur deux types

de substrats différents :

• Pousse entre deux lames de verre :la cellule de pousse est similaire dans sa géométrie à

celle utilisée pour l’électroformation, mais on utilise de simples lames de verre non métal-

lisées.

• Pousse sur une pastille de téflon :on dépose environ 30µl d’une solution de phospholipide

concentrée à 1mg/5ml dans du chloroforme sur une pastille de téflon d’environ 1cm de

diamètre. Pour un bon étalement de la solution, le téflon a été préalablement rayé avec du

papier de verre de manière à former des sillons assez profonds et ainsi rendre la surface

46 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

suffisamment rugueuse. Le film de phospholipide déposé sur cette surface est séché pen-

dant environ vingt-quatre heures sous vide. La pastille est alors déposée dans un flacon

ouvert sous une atmosphère saturée en vapeur d’eau. On laisse la vapeur d’eau hydrater le

film lipidique pendant vingt-quatre heures, puis on recouvre la pastille sur quelques milli-

mètres avec une solution de sucrose. Le tout est laissé au repos à environ 37C. Au bout

de quelques jours, on observe une sorte de petit nuage blanc, constitué de vésicules, dans

la solution à proximité de la surface de téflon. Ce petit nuage est prélevé et peut être utilisé,

une fois transféré dans une solution de glucose. Dans le cas de la pousse entre lames de

verre comme dans celui de la pousse sur téflon, on obtient un mélange très inhomogène de

vésicules unilamellaires, multilamellaires et d’agrégats de phospholipides. On peut trouver

aussi des vésicules non sphériques. D’une manière générale, les vésicules obtenues ainsi

sont beaucoup plus molles que celles obtenues par électroformation.

Choix de la méthode de formation

Quelques expériences menées sur des vésicules unilamellaires obtenues par formation spon-

tanée sur du téflon ont révélé que leurs propriétés mécaniques étaient très proches de celles

des vésicules électroformées. De plus, très peu de vésicules unilamellaires de grande taille sont

obtenues par cette méthode. Nous avons donc choisi de n’utiliser que la méthode d’électrofor-

mation pour fabriquer nos vésicules géantes.

2.1.2 Mécanisme de formation

Bien que ce phénomène ne soit pas encore complètement expliqué, l’effet d’un champ élec-

trique sur des cellules vivantes a été observé depuis longtemps [37, 38]. Selon les caractéris-

tiques du champ électrique appliqué, les érythrocytes peuvent s’allonger, fusionner, changer

de forme ou réaliser une combinaison de ces phénomènes. Le mécanisme de la formation de

vésicules géantes unilamellaires en présence d’un champ électrique oscillant n’est pas encore

très bien connu. Plusieurs explications ont cependant été suggérées, parmi lesquelles une inter-

action électrostatique directe entre l’électrode et la bicouche, des réactions électrochimiques,

l’injection dans la membrane de charges venues des électrodes. . .

Sens et Isambert proposent une explication basée sur la déstabilisation du film lipidique due à

une accumulation de charges de part et d’autre de la bicouche [93]. Le champ appliqué induirait

une tension sur la bicouche suffisamment forte pour engendrer des fluctuations qui gonflent le

2.1. PRÉPARATION DES VÉSICULES 47

film et le courbent. Ce processus serait une première étape dans la formation des vésicules.

Plusieurs paramètres jouent un rôle important dans la formation des vésicules lipidiques uni- ou

multilamellaires, comme les propriétés électriques des lipides, leur encombrement stérique, la

longueur de chaîne, ou encore l’asymétrie de la membrane et la pression osmotique du milieu.

Molina a proposé un modèle basé sur la géométrie et sur la thermodynamique des systèmes

dispersés [94, 95]. Ce modèle décrit l’énergie nécessaire à la formation du liposome comme la

somme de l’énergie mécanique de la surface, de l’énergie de courbure, et de l’énergie liée à

la variation de l’excès de potentiel chimique. Ce dernier terme provient de la modification de

la tension de surface de l’eau par la présence de phospholipides. Molina définit une relation

entre la variation du potentiel chimique, la surface occupée par la tête du tensioactif, le rayon

de la vésicule, et l’épaisseur de sa membrane. Les calculs obtenus semblent en accord avec les

données expérimentales pour plusieurs phospholipides. De plus, il montre que les fusions de

vésicules sont thermodynamiquement favorables car elles permettent la formation de vésicules

de plus grande taille qui sont plus stables.

2.1.3 Transfert des vésicules

Les vésicules sont préparées par électroformation selon la méthode décrite au paragraphe

2.1.1 dans une solution de sucrose de concentration 0.1mol/l, soit 4% en concentration mas-

sique. Une fois que les vésicules ont atteint la taille d’environ 40µm de diamètre, le champ

électrique est stoppé. La cellule étanche d’électroformation sert alors de réserve de vésicules,

dont la durée de vie à température ambiante est d’environ une journée. Il est bien sûr possible

d’observer les vésicules dans la cellule de formation (cf. figure 2.3), mais il est nécessaire en-

suite de les transférer dans une autre cellule dite d’observation, décrite ci-après, afin de les

disperser et les manipuler. Pour une campagne de mesures on prélève quelques microlitres de

cette solution mère que l’on dépose dans la cellule d’observation, qui contient déjà environ 3

ml d’une solution de glucose. La solution de glucose est iso-osmotique à la solution mère de

sucrose : la concentration molaire en sucrose est de 0.113 mol/l, équivalant à une concentration

massique de 2%. Les tableaux ci-après donnent à titre d’information les paramètres de densité

et d’osmolarité des solutions de glucose et de sucrose pour diverses concentrations.

L’effet de la dispersion des vésicules contenant du sucrose dans la solution de glucose est

une migration de ces dernières vers le bas de la cellule d’observation. Elles peuvent ainsi être

facilement repérées au microscope. Enfin, dans le cas d’une observation en contraste de phase,

la différence d’indice optique entre le sucrose et le glucose permet de définir aisément le contour

48 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

de la vésicule.

Tableau 2.1 –Densité et osmolarité de solutions aqueuses de glucose [29]

concentrationmassique

concentrationmolaire (mol/l)

densitéosmolarité

(Os/kg)

1 % 0,056 1,0020 0,0572 % 0,112 1,0058 0,1155 % 0,282 1,0175 0,29510% 0,576 1,0375 0,62720% 1,199 1,0797 1,449

Tableau 2.2 –Densité et osmolarité de solutions aqueuses de sucrose [29]

concentrationmassique

concentrationmolaire (mol/l)

densitéosmolarité

(Os/kg)

1 % 0,029 1,0021 0,0302 % 0,059 1,0060 0,0605 % 0,149 1,0178 0,15610% 0,303 1,0380 0,33620% 0,632 1,0810 0,788

2.2. EXPÉRIENCES DE MICROPIPETTE 49

2.2 Expériences de micropipette

2.2.1 Introduction

Observée au microscope, la membrane d’une vésicule libre apparaît comme un objet qui

ondule. L’amplitude des fluctuations donne une idée de l’état de tension de la membrane. En

fait, seules les ondulations de plus grandes longueurs d’onde sont visibles au microscope, et

une grande partie des fluctuations s’établit à un niveau sub-optique. Nous avons montré dans la

section 1.3 que ces fluctuations emmagasinent une certaine portion de la surface de la vésicule :

cette surface est donc plus grande que la surface apparente, visible au microscope. La technique

de la micropipette permet de mesurer la relation entre l’excès de surface et la tension. Une

vésicule est aspirée partiellement et de façon contrôlée dans une micropipette, ce qui a pour effet

d’imposer une tension connue, et l’excès de surface ainsi consommé est directement mesurable

par une analyse du contour de la vésicule.

Vésicule fluctuante Vésicule tendue

Figure 2.4 –Vésicules d’environ 40 microns de diamètre

La technique de la micropipette a été imaginée par Rand et Burton en 1964, puis a été amé-

liorée par Evans et Hochmuth en 1977 [96–98]. Depuis les années 80, elle est utilisée inten-

sivement pour l’étude de cellules et de vésicules géantes unilamellaires [99]. En effet, c’est

une technique très performante pour l’étude des propriétés mécaniques des membranes car elle

permet d’appliquer des tensions très faibles. D’autre part, l’extension de la membrane dans un

capillaire d’un diamètre petit devant celui de la vésicule permet une bonne précision sur la me-

sure de l’excès de surface consommé. L’utilisation d’une micropipette permet de caractériser

50 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

plusieurs grandeurs physiques intrinsèques de la membrane : sa tension, sa viscosité [100], son

élasticité, sa perméabilité [101]. . . Il est aussi possible de mesurer des forces d’interaction entre

deux membranes [102], ou entre une membrane et un substrat [103].

Une analyse fine de l’ensemble des contraintes et des déformations que subit la vésicule au

cours de son aspiration a été publiée [104]. Notamment, la déformation au niveau du bord du

capillaire a été analysée en détail. Elle dépend de plusieurs paramètres tels que la tension de

la membrane, sa viscosité, sa taille, le diamètre de la micropipette, et la pression d’aspiration.

Plusieurs théories ont été proposées afin de modéliser la forme de la membrane au cours de

son aspiration [105]. Ces travaux intéressent les biologistes car ils permettraient de comprendre

comment des cellules peuvent se déformer, traverser des passages très étroits, et retrouver leur

forme initiale sans être endommagées : passage de globules blancs à travers la paroi endothé-

liale, circulation des globules rouges dans des vaisseaux capillaires. . .

Dans les paragraphes suivants, nous allons décrire la technique d’aspiration d’une vésicule

géante unilamellaire dans une micropipette, et voir comment sont déterminés ses modules

d’élasticité et de courbure.

2.2.2 Principe de l’expérience de succion

L’expérience de succion dans une micropipette consiste à suivre la déformation d’une vé-

sicule au cours de son aspiration dans un capillaire fin appelé micropipette. Cette aspiration

est obtenue par l’application successive de valeurs décroissantes de la pression à l’intérieur

du capillaire. Une vésicule partiellement aspirée dans une micropipette peut être représentée

schématiquement de la façon suivante :

Pe

2RPi2r

L

Figure 2.5 –Schéma d’une vésicule partiellement aspirée dans une micropipette

Divers mécanismes physiques sont mis en jeu au cours de l’expérience de succion. Pour des

pressions d’aspiration inférieures à une certaine valeur, aspirer la vésicule a pour effet de déplier

2.2. EXPÉRIENCES DE MICROPIPETTE 51

la surface fluctuante de la membrane, et donc de faire apparaître une partie de l’excès de surface

contenu dans les fluctuations. Au delà de cette valeur de la pression d’aspiration, lorsque la sur-

face est entièrement dépliée, accroître la succion a pour effet d’étirer la membrane, en diminuant

la densité de surface des molécules tensioactives. Chacun de ces deux régimes correspond donc

à une sollicitation particulière de la membrane, et dans la pratique, une zone de transition appa-

raît au voisinage de cette pression seuil. Ainsi, la technique permet de mesurer successivement

les modules de courbure puis d’élasticité de la membrane, lorsque la pression d’aspiration est

augmentée progressivement. Il existe bien sûr une valeur maximale de la pression d’aspiration

pour laquelle la vésicule, soumise à une tension trop importante, se rompt.

Dans la mesure du possible, un certain nombre de conditions expérimentales doivent être

remplies pour permettre une analyse correcte des données expérimentales, et par la suite le

calcul des modules de courbure et d’élasticité. Ces conditions sont les suivantes :

• le volume intérieur de la vésicule reste constant : la bicouche lipidique n’est pas imper-

méable, mais les échanges d’eau entre le milieu intérieur et le milieu extérieur sont contrôlés

par l’égalité de la pression osmotique dans les deux milieux. Le travail nécessaire à la modifi-

cation du volume étant bien plus grand que l’énergie nécessaire à la déformation de la vésicule,

le volume reste constant lors d’une sollicitation.

• le nombre de molécules lipidiques qui composent la bicouche est fixé, et il n’y a pas de

perte ni d’ajout de matière au cours de l’expérience. En ce qui concerne la partie de la vésicule

qui se trouve à l’extérieur de la micropipette, il n’y a pas d’autre vésicule assez proche qui

pourrait alimenter en phospholipide la vésicule étirée, en servant ainsi de réservoir. Quant à la

partie aspirée de la vésicule, on suppose qu’elle glisse librement sur les parois internes de la

micropipette, et qu’il n’y a pas de perte de matière, grâce à l’existence d’un film d’eau entre le

verre et la bicouche lipidique. On peut éventuellement traiter l’intérieur de la micropipette.

• la partie de la vésicule aspirée dans la micropipette est cylindrique et se termine par une

calotte sphérique, car il n’y a pas de mouillage de la paroi de verre.

• les bords de la micropipette en contact avec la vésicule ne présentent pas d’aspérité qui

pourrait empêcher le glissement de la membrane sur le verre.

• la tension de la membrane est une grandeur intensive, qui est supposée être constante sur

toute la surface de la membrane.

• les propriétés d’une membrane varient avec la température et l’on doit travailler à tempéra-

ture constante. Dans la pratique, on travaille à température ambiante.

52 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

2.2.3 Calcul des grandeurs caractéristiques de la membrane

L’analyse du film vidéo d’une expérience de succion permet de mesurer, pour chaque valeur

de la pression d’aspirationpi imposée, les paramètres géométriquesL et R de la vésicule (cf.

figure 2.5), c’est-à-dire sa longueur aspirée et son rayon externe. On sait alors calculer d’une

part la tension latérale de la membrane, et d’autre part l’aire apparente de la vésicule aspirée.

Ces deux grandeurs étant connues, on peut alors calculer les modules de courbure et d’élasticité

de la membrane. Dans le suite, nous montrerons comment calculerkc, le module de courbure.

La mesure du module d’élasticité,Ke, est très bien référencée, et n’entre pas dans le cadre de

notre travail(cf. équation 1.7, tableau 2.3).

Calcul de la tension de la membrane

Du point de vue mathématique, la tension de la membrane est identique à la tension de surface

d’une goutte de liquide. La différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur de la vésicule

est donc reliée à la tensionσ de la membrane par la loi de Laplace. Sip est la pression qui règne

dans la vésicule, on peut écrire pour la partie de la vésicule à l’intérieur de la micropipette :

p− pi =2 σ

r(2.1)

et pour la partie à l’extérieur de la micropipette :

p− pe =2 σ

R(2.2)

En posant∆P = pe − pi, il vient :

σ =∆P

2

r

1− r

R

(2.3)

On peut voir sur la figure 2.6 les valeurs de pressionpi et de tension, pour deux états d’aspi-

ration d’une vésicule soumise à une expérience de succion.

2.2. EXPÉRIENCES DE MICROPIPETTE 53

∆P =2.8.10−2 Pa ,σ = 1, 27.10−7 N.m−1 ∆P = 5.2 Pa ,σ = 2, 4.10−5 N.m−1

Figure 2.6 –Vésicule de DOPC soumise à des tensions différentes.

Aa , σ

siuation finalesituation initiale

A 1

, σ0a

Figure 2.7 –Schéma du déroulement d’une expérience d’aspiration

Taux d’augmentation de la surface apparente

La relation d’Helfrich permet d’extraire le module de courbure d’une membrane si l’on

connaît la variation d’excès de surface avec la tension appliquée (cf. équation 1.11). Néan-

moins, l’évaluation de l’excès de surface d’une vésicule demanderait la mesure de sa surface

vraie. Il faudrait par conséquent savoir tendre la vésicule jusqu’à atteindre un lissage total de

ses fluctuations. Cette expérience est en fait irréalisable, car l’énergie requise, qui augmente ex-

ponentiellement avec le taux de réduction des fluctuations (cf. section 1.3), devient finalement

du même ordre de grandeur que l’énergie nécessaire pour provoquer une déformation élastique

bi-dimentionnelle de la membrane. Dans une telle expérience, on atteint le domaine de transi-

tion décrit plus haut avant d’avoir entièrement déplié les fluctuations, et la surface projetée de

la membrane n’est pas sa surface vraie non contrainte.

54 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

On sait en revanche mesurer, pour chaque état d’aspiration de la vésicule, sa surface apparente

Aa. Par conséquent, on sait calculer l’augmentation relative de surface apparente lorsque la

pression d’aspiration augmente. Nous allons voir comment relier le taux d’augmentation de

surface apparente et les paramètres constitutifs de la relation d’Helfrich (cf. paragraphe 1.3.3).

La surface apparente d’une vésicule libre de rayonR0 s’écrit simplement :

Aa0 = 4πR2

0 (2.4)

Lorsque la vésicule est aspirée dans la micropipette (cf. figure 2.5), sa surface apparente

Aa s’écrit comme la somme des surfaces des parties de la vésicule situées à l’extérieur et à

l’intérieur de la micropipette. La partie externe est assimilée à une sphère tronquée de surface

Aaext et la partie interne, notéeAa

int, est considérée comme la somme d’un cylindre et d’une

calotte sphérique de rayonr.

Aa = 2 π R2

[1 +

√1−

( r

R

)2]

︸ ︷︷ ︸Aa

ext

+ 2 π r (L− r) + 2 π r2︸ ︷︷ ︸Aa

int

, (2.5)

soit :

Aa = 2 π R2

[1 +

√1−

( r

R

)2]

+ 2 π r L (2.6)

En fait, dans toutes nos expériences, le diamètrer de la micropipette est de l’ordre deR/4.

Ainsi, l’expression précédente peut être simplifiée en négligeant les termes du deuxième ordre

en (r/R). Il vient :

Aa = 4 π R2 + 2 π L r − π r2 (2.7)

Cette approximation revient en fait à supposer que la surface externeAaext se calcule comme

la surface de la sphère de rayonR diminuée de la surface du disque de rayonr, et non pas de la

calotte sphérique de rayon de courbureR dont la base est le disque précédent.

Le volumeV de la vésicule est quant à lui supposé inchangé tout au long de l’expérience (cf.

paragraphe précédent). On a :

V = V0 =4

3π R3

0 (2.8)

et R0 est le rayon apparent de la vésicule libre. Par ailleurs, lorsque la vésicule est aspirée,

2.2. EXPÉRIENCES DE MICROPIPETTE 55

ce même volumeV peut être défini comme la somme de trois termes, correspondant respecti-

vement à une sphère de rayon R, tronquée du volume de la calotte déjà citée, un cylindre de

longueur(L − r) et de diamètrer, et d’une demi-sphère de rayonr. Pour les mêmes raisons,

on peut ignorer l’existence du volume de la calotte sphérique. Ainsi, on exprime aisément le

volume de la vésicule aspirée, surestimé du volume de cette calotte :

V =4

3π R3 + π r2 (L− r) +

2

3π r3 (2.9)

Comme nous l’avons vu au chapitre 1, le module de courburekc est relié à la surface vraie

A, que l’on ne sait pas mesurer. Pour contourner ce problème, Evans a utilisé une astuce qui

consiste à exprimer l’incrément relatif de surface apparente en fonction de la pression d’as-

piration, par rapport à un état de référence correctement choisi. On obtient ainsikc avec une

excellente approximation.

On définitα comme l’incrément relatif de surface apparente entre deux états de pression

d’aspirationp1 etp2 donnés avecp1<p2 :

α =Aa

2 − Aa1

Aa1

(2.10)

En introduisant la surface vraieA dans l’équation ci-dessus, on fait apparaître l’équation

d’Helfrich :

α =

A

Aa1

−A

Aa2

A

Aa2

=

kBT

8πkc

lnσ2

σ1

1 +kBT

8πkc

lnσmax

σ2

(2.11)

La tension de membrane d’une vésicule de phospholipide aspirée mais encore fluctuante, se

situe typiquement dans le domaine10−7–10−5 N.m−1 ; le dénominateur dans l’équation 2.11

est donc très proche de l’unité, à typiquement2% près (cf. chapitre 1). Ainsi, dans l’équation

ci-dessus, on négliger la correction du dénominateur, et l’on obtient alors une relation directe

entre le module de courburekc et l’incrément relatif de surface apparenteα. Dans la pratique,

on définit un état de succion de référence, que l’on choisit comme l’état "minimal" d’aspiration,

obtenu pour une pression d’aspiration la plus faible possible, qui permet néanmoins la mesure

d’une longueur aspiréeL0 dans la micropipette. La relation que nous allons utiliser dans la suite

56 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

est donc :

α =Aa − Aa

L0

AaL0

=kBT

8πkc

lnσ

σL0

(2.12)

Il reste à exprimerα en fonction des paramètres géométriques de l’expérience. On a :

α =4π(R2 −R2

L0

)+ 2πr(L− L0)

4πR2L0

=

(R

RL0

)2

− 1 +1

2

r

R2L0

∆L (2.13)

Reprenons à présent l’équation de conservation du volume (2.9). Il vient :

R =

(R3

0 −3

4r2L +

1

2r3

) 13

(2.14)

soit encore :

(R3 −R3L0

) = −3

4r2 ∆L (2.15)

et finalement, en développant au premier ordre en∆L :

(R

RL0

)2

= 1− 1

2

r2

R3L0

∆L (2.16)

Finalement, l’expression 2.13 s’écrit :

α =1

2

r

R2L0

∆L

(1− r

RL0

)(2.17)

Comparons notre démarche à celle rapportée par Evans [107]. Evans considère les équations

de départ de conservation du volume (2.9) et de la surface (2.7). Le volume de la vésicule restant

inchangé pendant l’expérience, on adV = 0, c’est-à-dire :

dR = − r2

4R2dL (2.18)

De même, l’équation (2.7) donne :

2.2. EXPÉRIENCES DE MICROPIPETTE 57

dAa = 8π R dR + 2π r dL = 2π r dL(1− r

R

)(2.19)

et l’incrément relatif de surfaceα par rapport à une surface aspirée de référenceAL0 s’écrit :

α =dAa

AaL0

=1

2

r

R2L0

∆L(1− r

R

)(2.20)

Ainsi, les formules (2.20) et (2.17) sont tout à fait similaires, car le rayonR de la vési-

cule varie typiquement de quelques pourcents au cours d’une expérience de micropipette. Nous

comparerons quantitativement ces deux formules dans la section suivante.

2.2.4 Notre montage expérimental

Description du montage

Le montage réalisé au laboratoire est inspiré de celui mis au point par E. Evans [39]. Il est

présenté sous forme d’un schéma sur la figure 2.8 et ses différents éléments constitutifs sont

décrits ci-après.

La cellule d’observation (1), réalisée au laboratoire, s’adapte à la platine du microscope.

C’est une cuvette parallélépipédique de dimensions (26x62x3mm3). Le fond de la cellule est

constitué d’une lamelle de verre (60x25x0.17mm3), qui permet l’observation de quasiment

l’ensemble du volume de la cellule. La cellule peut par ailleurs être totalement ou partiellement

recouverte par une lamelle de verre, afin de diminuer la surface ouverte à l’air. D’une manière

générale, l’effet de l’évaporation de la solution de vésicules pendant le temps caractéristique

d’une expérience (1 heure) est très faible, en grande partie à cause du volume important de

la cellule. Les bords internes de la cellule sont biseautés, afin de permettre une entrée de la

micropipette par le dessus, avec un angle assez faible par rapport à l’horizontale, de l’ordre de

5. Nous préparons des micropipettes selon une méthode décrite dans l’annexe A, de façon à

obtenir des rayons internesr de l’ordre de quelques microns.

La micropipette (2) est placée à une extrémité d’un porte-micropipette (Narishige , modèle

HI-7) lui-même fixé à un module micrométrique (Newport) de déplacement XYZ (3), solidaire

de la platine du microscope. L’inclinaison du porte-micropipette est réglable. Un tube souple en

téflon de 1 mm de diamètre externe relie la micropipette à un système hydraulique qui contrôle

la pression du fluide dans le circuit.

58 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

1

2

3

4 5

6

7

X

Figure 2.8 –Schéma du montage utilisé pour réaliser les expériences de micopipette

Le système hydraulique est constitué de deux bacs d’eau dont l’un est fixe (5), l’autre est

mobile (4). Ce dernier peut être déplacé verticalement à l’aide d’un système motorisé avec une

sensibilité d’environ 2µm. Établir la libre communication du fluide entre les deux bacs permet

d’égaliser les niveaux ; l’ensemble du circuit est alors à la pression atmosphériquepatm. Quand

la communication entre les bacs (4) et (5) est coupée, déplacer verticalement la bac mobile (4)

conduit à imposer une pressionpi à l’intérieur de la micropipette. Lorsque la micropipette est

libre, ne coinçant pas de vésicule, la modification depi génère un écoulement de fluide, entrant

ou sortant de la micropipette suivant le cas. Cependant, le flux correspondant est extrêmement

faible, et les niveaux dans la cellule (1) et dans le bac (4) ne sont pas modifiés sur une durée

de quelques minutes. La différence de pressionpatm - pi imposée est mesurée grâce à une

sonde (6) branchée entre les bacs (4) et (5). Cette sonde (DP 103-08, Valydine) est constituée

essentiellement d’une fine membrane d’acier placée entre deux armatures qui créent un champ

magnétique. Sous l’effet de la pression, la membrane se déforme, et le capteur délivre une

différence de potentiel qui est lue sur un voltmètre digital (7). En début d’expérience, il est

nécessaire d’égaliser les niveaux avant de fermer la connexion entre les bacs (4) et (5). Le

capteur de pression est quant à lui étalonné après chaque démontage du circuit. La précision sur

la pression correspond à une hauteur d’eau de 1µm, soit 0.01 Pa.

2.2. EXPÉRIENCES DE MICROPIPETTE 59

L’ensemble du circuit est rempli d’eau distillée, préalablement dégazée. La micropipette est

quant à elle changée régulièrement, et remplie de la solution de dispersion des vésicules (du

glucose en général). Il n’y a aucune incidence sur les résultats de l’expérience du fait du lent

mélange de l’eau distillée du circuit et de la solution contenue dans la micropipette.

Le microscope qui permet l’observation des vésicules est un Nikon inversé (TE200), équipé

des objectifs x10, x40, x40 longue distance, et x100 à huile. Nous disposons également d’un

objectif spécifiqueLeica, muni d’une lame quart d’onde (longueur d’onde 541 nm), pour l’ob-

servation en mode RICM (cf. section suivante). L’observation en mode DIC est possible avec

l’objectif x40. Une caméra CCD (Hamamatsu C5405)et une carte d’acquisition vidéo insé-

rée dans un ordinateur complètent le montage. Ainsi, il est possible de suivre en temps réel le

champ d’observation du microscope sur l’écran d’ordinateur, et également d’enregistrer sur le

disque dur les films des expériences. Un logiciel d’acquisition programmé au laboratoire permet

l’acquisition vidéo ainsi que le traitement des films après leur enregistrement.

Déroulement de l’expérience classique de succion

La première étape d’une expérience de succion d’une vésicule géante à l’aide d’une micropi-

pette est un ajustement fin de la pressionpi à la pression atmosphérique. Ceci est réalisé lorsque

la micropipette est dans sa position finale, c’est-à-dire au voisinage immédiat de la vésicule que

l’on veut étudier. Pour ce faire, quand les bacs (4) et (5) sont déconnectés, on amène la micro-

pipette au voisinage de la vésicule en question, et on ajuste la hauteur du bac mobile (4) jusqu’à

ce que la vésicule ne soit ni aspirée ni repoussée par un éventuel flux de liquide circulant dans

la micropipette. La pression lue dans ces conditions sur la capteur (7) correspond à la pression

de référence.

L’expérience classique de succion consiste alors à suivre la déformation de la vésicule au

cours de son aspiration dans la micropipette, obtenue par l’application de valeurs successives

décroissantes de la pressionpi. Une vésicule partiellement aspirée dans une micropipette peut

être représentée schématiquement par la figure 2.5. En pratique, lorsque la pressionpi est mo-

difiée, la longueurL de la partie aspirée de la vésicule change, atteignant une nouvelle position

d’équilibre en quelques secondes. Une fois cet équilibre atteint, on enregistre une quinzaine

d’images de la vésicule pour permettre l’analyse ultérieure.

Une fois l’expérience terminée, on utilise un logiciel de traitement d’images mis au point au

laboratoire, afin de mesurer les valeurs de la longueurL aspirée et du rayon extérieurR de la

vésicule pour chaque pressionpi appliquée. On peut alors calculer le module de courburekc à

60 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

partir de l’évolution de la surface apparente avec la pression (équation 2.12).

Analyse des erreurs expérimentales

En pratique, un certain nombre de facteurs sont à l’origine d’erreurs expérimentales que nous

analysons ici :

• la précision optique "théorique" est donnée par la taille du pixel : avec l’objectif x40, un

pixel correspond à 0.21µm, et avec l’objectif X100, un pixel correspond à 0.083µm .

• une source d’erreur plus importante provient de l’image elle-même : la membrane apparaît

avec une épaisseur optique de plusieurs pixels, et l’interface eau-membrane n’est pas nette.

Il s’ensuit une imprécision sur la détermination des longueursL etR d’environ 1.5µm avec

l’objectif x40 et 0.4µm avec l’objectif x100.

• également, au début de l’aspiration, la partie de la vésicule qui est à l’intérieur de la mi-

cropipette fluctue. Par conséquent, la position de l’extrémité de la vésicule aspiréeL varie

d’environ 2µm autour d’une position moyenne. Dans ce cas, nous prenons pourL la valeur

moyenne mesurée sur une quinzaine d’images.

• enfin, il est connu que la partie extérieure de la vésicule aspirée n’est pas sphérique [105] :

le rayon, mesuré selon la direction de la micropipette est plus petit que celui mesuré selon la

direction perpendiculaire à l’axe de la micropipette. L’écart typique entre ces deux rayons

est d’environ 2%. Nous calculons alorsR comme étant la moyenne de ces deux mesures.

Observations expérimentales et étalonnage du montage

Une courbe typique d’évolution deR en fonction deL au cours d’une expérience de succion

est donnée sur la figure 2.9. Comme on s’y attend,R décroît avecL, variant de quelques pour-

cents, quandL est augmentée d’un facteur cinq. On remarque que la décroissance deR se fait

par palier : on atteint ici la précision de l’image, puisque l’on ne peut pas déterminerR à mieux

qu’un pixel près.

Un phénomène plus frappant et inattendu est la décroissance importante deR au moment de

la première aspiration. Ce phénomène provient du fait que la vésicule libre est posée sur le fond

de la cellule : les effets légers de la gravité et l’interaction attractive membrane-verre, induisent

une déformation de la vésicule, créant une zone au voisinage immédiat de la surface de verre

où la membrane est plane.

Sur la figure 2.10 est présentée une vésicule photographiée de profil, obtenue en couchant le

2.2. EXPÉRIENCES DE MICROPIPETTE 61

20.2

20.4

20.6

20.8

21

21.2

21.4

0 5 10 15 20 25

R (

µm)

L (µm)

R0m

Rinter

points expérimentauxdroite d’interpolation

Figure 2.9 –Evolution du rayon extérieurR de la vésicule au cours d’une expérience de succion:Rm

0 est le rayon mesuré de la vésicule initialement libre ;Rinter est le rayon obtenu lorsqu’oninterpole les pointsR=f(L)

microscope. On constate sur cette image que le rayonr′ du disque de contact vésicule-substrat

vaut environ un tiers du rayonR, le rayon équatorial de la vésicule posée. Nous verrons dans

la suite qu’il y a peu d’adhésion de la membrane sur le verre, puisqu’une couche d’eau de cent

nanomètres environ existe entre le substrat et la vésicule. De plus, la membrane fluctue dans

cette zone de "contact".

D’un point de vue qualitatif, on s’attend bien à ce qu’une telle déformation de la membrane

au voisinage de la surface de verre entraîne une modification du rayon équatorial mesuré. En

revanche, il n’est pas trivial d’estimer quantitativement cette modification. Dans le cas parti-

culier représenté sur la figure 2.10, on peut faire un calcul simpliste qui confirme qualitative-

ment l’augmentation de l’ordre du pourcent du rayon équatorial d’une vésicule posée sur du

verre. Supposons le cas d’une vésicule de rayonR0 égal à20µm, et de tension de membrane

σ0 = 10−9N.m−1 lorsque la vésicule est librement suspendue. Si cette vésicule posée sur le

substrat acquiert un disque de "contact" de rayonr′ = R/3, tout en voyant sa tension modifiée

à la valeurσ0 = 10−8N.m−1, on peut aisément trouver le rayon équatorialR1 de la vésicule

posée, en imposant les conditions de conservation de volume et de surface vraie en utilisant la

62 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

2 R

2 r’

Figure 2.10 –Vésicule d’environ 20µm de diamètre vue de profil

relation d’Helfrich. On trouve alors que le rayon équatorial de la vésicule posée est supérieur de

1% au rayonR0. Ceci est bien l’ordre de grandeur de la diminution du rayonR mesuré lorsque

la première pression d’aspiration est imposée à la vésicule posée (cf. figure 2.9). On peut pen-

ser que cette première aspiration, imposant une tension de membrane supérieure à la tension

imposée par l’attraction membrane-verre et par la gravité, fait passer la vésicule de sa forme

affaissée à une forme quasi-sphérique. Dans ce cas, on commet sans doute une erreur moindre

en estimant le rayonR0 de la vésicule libre comme égal à l’extrapolation des valeurs mesurées

R(L) àL = 0 plutôt que comme la valeur mesuréeRm0 en absence d’aspiration (cf. figure 2.9).

Dans toutes nos expériences, le volume vrai de la vésicule sera calculé à partir de la valeur du

rayonR0 extrapolée comme décrit ci-dessus.

L’expérience de micropipette fournit donc une série de triolets (pi, R, L) à partir desquels on

peut calculer d’une part la tension de membraneσ (équation 2.3) et d’autre part la variation re-

lative de surface apparenteα (équations 2.17 ou 2.20). En fait, calculerα par l’une ou l’autre de

ces équations ne modifie en rien les résultats, comme le montre la figure 2.11, où l’on compare

les valeurs deα calculées par les formules 2.17 et 2.20. Dans le cas du calcul par la formule

originelle d’Evans, on a également calculéα en prenant pourR sa valeur interpolée à la pres-

sionpi correspondante, et l’on voit sur la figure 2.11 que cela donne des résultats pratiquement

identiques en mesurantR, qui est légèrement bruité (cf. figure 2.9).

Ainsi, le module de courbure d’une vésicule se calcule comme étant la pente de la droite

moyenne des points expérimentaux ln(σ)=f(α), et nous utiliserons dans la suite la formule

d’Evans, avec pourR sa valeur interpolée.

2.2. EXPÉRIENCES DE MICROPIPETTE 63

−15.5

−15

−14.5

−14

−13.5

−13

−12.5

−12

−11.5

0.002 0.004 0.006 0.008 0.01

ln σ

α

R mesurés, α calculé avec (2.21)

R interpolés, α calculé avec (2.18)

R interpolés, α calculé avec (2.21)

y = 718.7 x − 16.4

Figure 2.11 –Tracé d’une courbe ln(σ)=f(α) par 3 calculs différents: pour le calcul classique (N),α est calculé par l’équation 2.20 oùR est mesuré pour chaque tension ; pour les autres courbes,Rinterpolé

Mesures du module de courburekc

Les premières expériences réalisées sur ce montage ont consisté à mesurer le module de

courburekc de vésicules géantes préparées avec différents phospholipides.

Nous avons choisi des phospholipides dont la température de transition des chaînes est in-

férieure à la température de travail (environ 20C). Ils ont tous la même partie hydrophile à

base de glycérol, mais leur partie hydrophobe diffère par le nombre de chaînes grasses, par leur

longueur et par le nombre d’insaturations qu’elles comportent. Les formules chimiques de ces

phospholipides sont représentées sur la figure 2.12.

Les valeurs dekc obtenues pour les phospholipides utilisés sont présentées dans le tableau 2.3,

ainsi que les résultats que l’on peut trouver dans la littérature pour ces mêmes phospholipides.

Les travaux de E. Evans sur plusieurs phospholipides ont montré que plus la chaîne grasse est

longue et plus elle comporte d’insaturations, plus le module de courbure est élevé [13,126]. De

même, nous pouvons constater à partir de nos résultats que le DLPC qui comporte une chaîne

en C12 a lekc le plus faible (6.1kBT), et le DOPC qui comporte deux chaînes en C18 avec une

64 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

Tableau 2.3 –Comparaisonkc expérimentaux /kc dans la littérature.

Phospholipidestestés

Formulesabrégées

kc

expérimentaux(kB T)

kc

littérature(kB T)

DPLC 12 : 0 PC 6.1 8.3 [43]POPC 16 : 0− 18 : 1 PC 9.7 6.1 [43]SOPC 18 : 0− 18 : 1 PC 11.9 21.9 [13]DOPC di C18 : 1 PC (c9) 22.4 20.7 [13]

insaturation sur chacune d’elles a lekc le plus élevé (22.4kBT). Nous retrouvons donc un ordre

croissant dekc avec la longueur et le degré d’insaturation des quatre phospholipides testés. Cela

signifie que les lipides qui ont les chaînes hydrophobes les plus longues et les plus insaturées

forment les bicouches les moins flexibles. Par la suite, nous n’utiliserons que du DOPC pour

nos expériences.

Ces résultats montrent que la flexibilité de la membrane diminue avec la longueur des chaînes

saturées. Cependant, certaines membranes de phospholipide comportant une longue chaîne po-

lyinsaturée en configuration cis sont au contraire plus flexibles que des membranes de phospho-

lipides de même longueur mais saturés.

Il faut garder à l’esprit que la nature chimique des lipides, le nombre d’insaturations que com-

porte leur partie hydrophobe, la composition chimique de la membrane (mélanges de lipides,

inclusion de molécules non lipidiques,. . . ), mais aussi la température sont autant de facteurs qui

conditionnent le module de courbure d’une membrane.

2.2. EXPÉRIENCES DE MICROPIPETTE 65

(a) DLPC (1,2-dilauroyl-sn-glycero-3-phosphatidylcholine)

(b) SOPC (1stéaroyl-2-oleoyl-sn-glycero-3-phosphatidylcholine)

(c) POPC (1palmitoyl-2-oleoyl-sn-glycero-3-phosphatidylcholine)

(d) DOPC (1,2-dioleoyl-sn-glycero-3-phosphatidylcholine)

Figure 2.12 –Formule chimique des différents phospholipides utilisés.

66 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

2.3 RICM

La microscopie par contraste interférentiel en réflexion (R.I.C.M.) est une technique optique

récente, utilisée principalement dans les domaines de la biologie cellulaire, de l’étude des sur-

faces, et du mouillage. Elle permet d’observer et de caractériser des films minces ; c’est une

technique de choix pour l’étude de certains phénomènes d’interaction entre deux surfaces très

proches, comme par exemple l’adhésion. Le cas qui nous intéresse est celui de l’observation

d’une membrane au voisinage d’une lame de verre, avec une solution aqueuse intersticielle, en

général, de glucose.

2.3.1 Principe et montage expérimental

Considérons le cas d’une vésicule géante au voisinage d’une lame de verre. La distance

vésicule-substrat est déterminée par les multiples forces en présence : gravité, force répulsive de

Helfrich, forces de Van der Waals, et forces électrostatiques. Si cette distance est suffisamment

faible, typiquement de l’ordre de la longueur d’onde lumineuse d’observation, un éclairage en

réflexion génère des interférences entre le faisceau réfléchi par la lamelle et celui réfléchi par la

membrane. De nombreuses informations sont contenues dans ces interférences. Cette technique

a par exemple été utilisée en biologie pour l’observation qualitative de l’adhésion de cellules

sur un substrat de verre??. Des résultats plus quantitatifs ont été obtenus ; l’épaisseur de la

membrane de la vésicule a été mesurée, ainsi que le profil en 3 dimensions de la membrane

au voisinage du substrat [111]. L’analyse de Fourier à deux dimensions permet également de

remonter au spectre de fluctuations de la membrane [112].

La configuration expérimentale est représentée sur la figure 2.13. La vésicule est observée

avec une lumière incidente monochromatique. Le rayon luminueux d’intensitéI0 est en partie

réfléchi à l’interface verre-eau ainsi qu’à l’interface eau-membrane. Dans une première partie,

nous calculons les interférences de ces deux faisceaux réfléchis, en supposant que le verre et la

membrane sont tous deux des milieux semi-infinis. Dans la seconde partie, l’épaisseur finie de

la membrane est prise en compte, et nous traitons le cas d’une membrane unilamellaire.

Cas d’une membrane semi-infinie

Le rayon incident donne naissance à deux rayons réfléchis d’intensitésI1 etI2 et de phasesΦ1

et Φ2 (cf. figure 2.13). Si l’on noteθ l’angle d’incidence, eth(M) la distance verre-membrane

2.3. RICM 67

Processus de visualisationdes interférences

I0

nVerre

Huile

Objectifx100

n

Vésicule

n

I1 I2

2

θ

Μ 1

0

Figure 2.13 –Principe de l’observation en RICM

au pointM repéré dans le plan de la lame de verre, l’intensité résultant de l’interférence des

faisceauxI1 et I2 s’écrit :

I(M, θ) = I1 + I2 + 2√

I1 I2 cos(2 k h(M) cos θ + Φ2 − Φ1) (2.21)

où k, le nombre d’onde dans le fluide intersticiel, vaut 2πn1/λ, λ étant la longueur d’onde, et

n1 l’indice de réfraction du milieu. Les intensitésI1 et I2 se calculent à partir de l’intensité

incidenteI0 :

I1 = r201 I0 (2.22)

I2 = (1− r201)

2 r212 I0 (2.23)

et chaque coefficient de réflexionrij à un interfacei− j donné s’exprime à partir des équations

de Fresnel :

rsij(θ) =

ni cos θi − nj cos θj

ni cos θi + nj cos θj

(2.24)

rpij(θ) =

nj cos θi − ni cos θj

nj cos θi + ni cos θj

(2.25)

Les indicess et p désignent les polarisations de l’onde réfléchie perpendiculaire et parallèle

68 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

au plan d’incidence. Les coefficientsni etnj sont les indices de réfraction des couchesi et j, à

l’interface desquelles a lieu la réfraction.

Dans notre cas, l’indice de réfraction du verre vautn0 ' 1.49, celui de la solution aqueuse

intersticielle vautn1 ' 1.33 et celui de la membrane vautn2 ' 1.5. L’indice du verre étant plus

élevé que celui de la solution aqueuse, le déphasageΦ1 vaut 0, alors qu’à l’inverse, le déphasage

Φ2 vautπ.

Pour des objets tels que ceux que l’on étudie, l’intensité lumineuse réfléchie aux interfaces

verre-eau et eau-membrane est très faible, et comparable aux réflexions parasites qui se pro-

duisent sur les surfaces internes de l’objectif. Il est donc nécessaire d’améliorer le constraste

des figures d’interférence, en éliminant les rayons parasites. Pour cela, on place un polariseur

après la source lumineuse, et une lame quart d’onde à la sortie de l’objectif ; après avoir traversé

l’objectif, le rayon est polarisé circulairement. Les rayons réfléchis par les interfaces traversent

une deuxième fois la lame quart d’onde, et sont donc à nouveau polarisés linérairement, avec

un déphasage de 90 degrés par rapport au rayon incident. Ainsi, un analyseur placé avant l’ocu-

laire laisse passer la lumière polarisée provenant de l’objet observé, mais pas les rayons issus

de réflexions dans l’objectif. Le schéma du montage expérimental est donné sur la figure 2.14.

miroir

Interfaces

lame quart d’onde

Objectif

polariseur

analyseur

source de lumière monochromatique

camera

Figure 2.14 –Schéma de principe du montage RICM

2.3. RICM 69

Les caractéristiques physiques du faisceau lumineux incident sont d’une part une faible cohé-

rence, et d’autre part une certaine focalisation. En effet, la source lumineuse que nous utilisons

est une lampe au mercure, et la lumière passe à travers un objectif de microscope. Ainsi, les

franges d’interférence d’ordre supérieur sont éliminées. Enfin, deux conditions se combinent

pour finalement simplifer l’expression de l’intensité réfléchie totale [111] : d’une part, l’angle

d’incidence maximalθmax est suffisamment faible pour que la variation desrij(θ) soit du

deuxième ordre enθ ; d’autre part, la polarisation du rayon incident étant circulaire, l’inten-

sité réfléchie totaleI devra s’écrire comme l’intégrale de1

2(Is(θ) + Ip(θ)) afin de tenir compte

des deux directions de polarisations et p. Rädler et Sackmann ont montré que tous les termes

quadratiques enθ2 s’annulent, ce qui permet de prendre une expression unique pourrij [111] :

rs,pij ≈ ni − nj

ni + nj

(2.26)

L’intensité totale réfléchie au point M s’écrit comme l’intégrale sur l’ensemble des angles

d’incidence permis, de l’intensité I(M,θ). On suppose une répartition simple des intensités lu-

mineuses incidentes avec l’angle : pour les angles inférieurs à un angle limiteθmax, l’intensité

vautI0 alors qu’elle est nulle au-delà. En utilisant la notation des nombres complexes, il vient :

I(M) =

∫ ϕ=2π

0

∫ θmax

0

I(θ) sin θ dθ dϕ

= 2 π I0

∫ θmax

0

∣∣r01 +(1− r2

01

)r12 ei(2kh(M) cos θ +π)

∣∣2 sin θ dθ (2.27)

etθmax, l’angle d’incidence maximal des rayons lumineux dans le milieu liquide intersticiel est

relié, d’une part à l’indicen1 du liquide, et d’autre part à l’ouverture numérique d’illumination

ONi de l’objectif :

ONi = n1 sin θmax (2.28)

L’intégrale précédente donne finalement :

I(M) = 4 π sin2 θmax

2

I1 + I2 + (2.29)

2√

I1 I2

sin

(2 k h(M) sin2 θmax

2

)2 k h(M) sin2 θmax

2

cos

[2 k h(M)

(1− sin2 θmax

2

)+ π

]

70 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

Ainsi, l’intensité réfléchieI varie entre les valeurs minimaleImin et maximaleImax deI(M)

obtenues pour des valeurs de la fonctioncos respectivement égales à−1 et+1. Le contrasteν,

défini traditionnellement par :

ν =Imax − Imin

Imax + Imin

prend ici la valeur :

ν =2√

I1 I2

I1 + I2

sin y

y(2.30)

avecy = 2k h(M) sin2 θmax

2. On voit ainsi l’influence de la configuration expérimentale parti-

culière du montage : d’une part le contraste diminue avec l’ouverture numérique et la distance

de la membrane à la paroi (équation 2.30) ; d’autre part, la phase des interférences est décalée

d’un facteur1 − sin2 θmax

2(équation 2.29). Toutes ces propriétés ont été analysées et vérifiées

dans les travaux antérieurs, entre autres au moyen d’analyses numériques [109, 110, 112]. Ces

articles renseignent notamment sur les conditions expérimentales optimales pour la visualisa-

tion des membranes, et le moyen d’extraire les renseignements d’intérêt.

En fait, l’analyse des données expérimentales s’avère bien plus simple quand on se place

dans les conditions expérimentales correspondant à une incidence normale. Pour ce faire, il faut

réduire l’ouverture numérique en fermant suffisamment le diaphragme d’ouverture de l’objectif.

On perd alors en résolution spatiale mais on gagne en profondeur de champ. Ainsi, avec une

longueur d’ondeλ = 541.6 nm, une distance typique vésicule-substrat de 80 nm, une ouverture

numérique de l’ordre deONi = 0.4, la fonctiony précédente vauty ' 0.05. On peut donc

considérer que l’on est en incidence normale si l’on ignore les franges d’interférences d’ordre

supérieur. L’équation 2.21 prise pourθ = 0 devient dans ce cas bien plus simple :

I(M) = I1 + I2 + 2√

I1I2 cos (2kh(M) + δ) (2.31)

et δ = π dans cette configuration. Dans ce cas, le contraste s’écrit :

ν =4√

I1I2

I1 + I2 + 2√

I1I2

(2.32)

2.3. RICM 71

Cas d’une bicouche d’épaisseur finie

Nous prenons à présent en compte le fait que la membrane a une épaisseur finie, et nous

considérons uniquement le cas d’une vésicule unilamellaire. Le rayon réfléchi à l’interface eau-

membrane, est lui-même le résultat de l’interférence entre un premier rayon, réfléchi à l’inter-

face eau-bicouche, et un second rayon réfléchi à l’interface bicouche-eau. Si l’on suppose que

la membrane a une épaisseurd, l’intensitéI2 du faisceau réfléchi à l’interface eau-membrane

s’écrit :

I2 = (1 − r201)

2 |r′12|2

I0 (2.33)

avec :

r′12 = r121 − e−i2kd

1 − r212 e−i2kd

(2.34)

et r12 est le coefficient de réflexion de Fresnel (équation 2.26) pour un interface simple eau-

membrane, pris au sens interface entre deux milieux semi-infinis. Par conséquent, le déphasage

entre le rayon réfléchi à l’interface verre-eau et le rayonI2 n’est plusπ mais vaut

δ = arctan Im(r′12)/Re(r′12) (2.35)

La figure 2.15 représente la nouvelle fonctionI(M)/I0, dans laquelle on prend en compte

les nouvelles expressions deI2 (équation 2.33) etδ. On constate bien que l’intensité moyenne

est faible, de l’ordre de10−3, ce qui justifie les artifices du montage expérimental, pour élimi-

ner au maximum les rayons parasites. Par ailleurs, on constate queI(M) varie sinusoïdalement

avec la distanceh au substrat. Cette variation n’étant pas monotone, il n’existe pas d’équiva-

lence univoque entre l’intensité d’un pixel et la hauteurh correspondante. Plus exactement, la

dépendance univoque entreh et I dépendra d’une part de la distance moyenneh et d’autre part

de l’amplitude des fluctuations. Par exemple, pour une vésicule placée àh=100 nm, présen-

tant des fluctuations d’amplitudes inférieures à 50 nm, la relationI(h) sera univoque, alors que

pour cette même vésicule placée à une distanceh ' 50 nm, le calcul de l’altitudeh(M) est

impossible.

Pour palier en partie à ce problème, et notamment pour étudier des vésicules dont la distance

moyenne au substrat est comprise entreh = 0 et h=100 nm, une technique courante consiste à

adsorber sur la lame de verre une fine couche diélectrique d’adaptation d’impédance ; généra-

lement, on adsorbe une couche d’environ 60 nm de fluorure de magnésiumMgF2 [111]. Les

72 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

0.0024

0.0026

0.0028

0.003

0.0032

0.0034

0.0036

0.0038

0.004

0.0042

5e-08 1e-07 1.5e-07 2e-07 2.5e-07 3e-07

I/I 0

h (m)

Figure 2.15 – Intensité théorique des interférences: la fonction est normalisée par rapport à I0

et dépend de la distance membrane-verreh ; on peut montrer que l’amplitude de la sinusoïde estproportionnelle à l’épaisseur de la membrane.

calculs montrent que dans ce cas, la fonctionI(M) est déphasée deπ/2 par rapport à la fonction

représentée sur la figure 2.15, devenant ainsi monotone pour 0<h<100 nm.

Dans notre étude, nous avons principalement utilisé le mode d’observation RICM pour des

observations qualitatives, et nous n’avons pas traité nos lames de verre en les recouvrant de

MgF2.

Observation des vésicules en mode RICM

La figure 2.16 montre deux images typiques de vésicules géantes au voisinage d’une lame

de verre. La figure 2.16(a) montre une vésicule plutôt tendue et la figure 2.16(b) une vésicule

plus flasque. La figure 2.17 montre un schéma de la forme de ces vésicules, vues de profil.

Lorsque la vésicule est tendue, l’interaction verre-membrane modifie très peu la forme de la

vésicule ; au contraire, lorsque la tension de la membrane est suffisamment faible, l’interaction

verre-membrane déplie une partie de la surface cachée, créant une région où la membrane est

parallèle au substrat. Dans cette région, la membrane reste fluctuante ; l’adhésion est très faible

2.3. RICM 73

O P

(a) Photographie d’une vésicule tendue (b) Photographie d’une vésicule fluctuante

Figure 2.16 –Photographies de vésicules en RICM(barre = 5 microns)

a) b)

altitude : hsubstrat

[x,h(x)]

RC

0substrat

Figure 2.17 –Schéma des vésicules de la figure 2.16 vues de profil

et un film d’eau sépare la membrane du substrat. Les anneaux que l’on observe dans les deux

figures 2.16(a) et 2.16(b) représentent les lignes de niveau qui vont permettre de calculer le

profil à 3 dimensions de la membrane. Dans la zone centrale fluctuante, une analyse de Fourier

permet de calculer le spectre des fluctuations. Enfin, il est possible de calculer l’épaisseur de la

membrane à partir du contraste de l’image.

Notons que tous ces calculs sont simplifiés par l’utilisation d’un logiciel d’aquisition et de

traitement d’image, qui récupère les images de la caméra et donne accès à l’intensité de chaque

pixel sous la forme d’une valeur entière comprise entre 0 et 255 : le ton de gris du pixel.

74 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

2.3.2 Détermination du profil de la vésicule.

La détermination du profil d’une vésicule est relativement simple ; considérons la vésicule

représentée sur la figure 2.16(a). Comme dans tout phénomène d’interférences, la succession

entre une frange claire et une frange sombre (ou inversement) correspond à une variation de la

différence de marche entre les deux faisceaux qui interfèrent, deλ/(2n). Dans le cas particulier

qui nous intéresse, cette différence de marche est obtenue pour une différence d’altitude de la

membrane deλ/(4n1). Ainsi, une fois connue l’altitude du premier anneau, on peut calculer

l’altitude de tout autre point de la vésicule, situé à une plus grande distance du centre que cet

anneau de référence.

Dans le cas particulier de la vésicule de la figure 2.16(a), on se propose de calculer le profil

de la vésicule le long du rayon (OP). On utilise la courbeI(x) qui représente l’intensité des

pixels le long de ce rayon (cf. figure 2.18). Cette figure montre très bien l’effet de diminution

du contraste citée plus haut, au fur et à mesure que l’altitude augmente. Pour les raisons citées

plus haut, l’altitudeh d’un point dans cette région de la membrane ne peut être calculée rigou-

reusement à partir de l’équation 2.31. En revanche, une méthode simple consiste à ne prendre

en considération que les minima et les maxima du profil, que l’on fait correspondre à un mul-

tiple entier deλ/(4n1). Les triangles sur la figure 2.19 représentent ces points, le premier étant

pris arbitrairement à l’altitudeh=0. Enfin, on constate sur la figure 2.19 que l’altitude maximale

mesurable est typiquement de l’ordre du micromètre. Au delà, le contraste des interférences est

proche de zéro.

À partir du profil de la vésicule ainsi obtenu (cf. figure 2.19), on peut calculer le rayon de

courbureRc de la membrane au voisinage de la paroi, et déterminer la grandeur appelée angle

de contact entre la vésicule et le substrat. Pour calculer le rayon de courbure, on ajuste les points

expérimentaux à un arc de cercle ; la hauteurh(x) pour un arc de cercle s’écrit :

h(x) = h0 + Rc −√

R2c − x2 (2.36)

et h0 est l’altitude du premier anneau (cf. figure 2.17). Lorsqu’on compare le rayonRc ainsi

calculé au rayonR0 mesuré en transmission, on obtient en général une bonne adéquation dans

le cas de vésicules tendues ; en revanche, dans le cas de vésicules flasques présentant une région

de contact aplatie (cf. figure 2.16(b)), le rayon de courbure obtenu par (2.36) peut dévier sensi-

blement de sa valeur observée en transmission. On peut alors calculer l’angle de contact défini

comme l’angle entre l’axe des abscisses et la droite qui fite au mieux les points situés entre la

2.3. RICM 75

155

160

165

170

175

180

185

190

195

0 1 2 3 4 5 6 7

inte

nsité

lum

ineu

se

distance au centre de la vésicule (µm)

Figure 2.18 –Intensité de la lumière le long du segment OP de la figure 2.16(a)

0

0.1

0.2

0.3

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1

0 1 2 3 4 5 6 7

altit

ude

(µm

)

distance au centre de la vésicule (µm)

Figure 2.19 –Profil de la vésicule représenté à partir des extrema de la figure 2.18

76 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

région centrale, où la courbeI(h) est relativement plate, et le premier anneau (cf. figure 2.18).

On peut également calculer l’épaisseur de la membrane. En effet, le coefficient de réflexion

r′12 peut être approximé àr′12 ' 2r12 sin kd (équation 2.34). Dans ce cas, la grandeurImax − Imin

I1devient :

Imax − Imin

I1

=8r12

r01

sin kd (2.37)

et l’épaisseurd se calcule directement à partir des mesures deImax, Imin et de l’intensité du

fond I1, réfléchie par le verre en l’absence de vésicule.

2.3.3 Spectre de fluctuations

Lorsqu’une vésicule placée au voisinage immédiat d’un substrat, est suffisamment flasque

pour s’écraser un peu, on observe en mode RICM les fluctuations de sa membrane. Si les condi-

tions expérimentales citées plus haut sont remplies, il existe une relation univoque entre le ton

de gris d’un pixel de la région de la membrane observée, et son altitude. On peut alors calculer

le spectre des fluctuations de la membrane dans cette région. D’une manière générale, plus la

région aplatie de la membrane est grande, plus on accède à des vecteurs d’onde petits. À l’autre

extrémité du spectre, c’est-à-dire pour les grands vecteurs d’onde, on est en théorie limité par

la résolution de l’objectif. Nous rappelons brièvement le mode de calcul du spectre des fluctua-

tions, ainsi que les paramètres physiques qui deviennent mesurables. Un point quelconque de

la surface de la membrane est repéré par son altitudeh(x). Si l’on observe une zone carrée de

surfaceA = L × L, les ondulations de la membrane peuvent être décomposées en une série

discrète de Fourier, dont les composantshq sont donnés par :

hq =1

A

∫d2x h(x) e−iqx

et

h(x) =∑

q

hq eiqx (2.38)

Les vecteurs d’ondeq ≡ (qx1 , qx2) prennent les valeursq ≡ (n2π/L, m2π/L), pour les

indices entiersn et m compris chacun entre0 et N , le nombre de pixels qui composent la

longueurL d’un côté du carré observé. Nous avons ici, pour des raisons pratiques, normalisé

différemment les transformées de Fourier.

L’énergie libre du système fluctuant, composée de l’énergie de courbure et de tension de

2.3. RICM 77

membrane présentées au paragraphe 1.3.3, est ici augmentée de l’interaction membrane-substrat

V (h) ; elle s’écrit :

F (h(x)) =

∫d2x

1

2kc(∇2h)2 +

1

2σ(∇h)2 + V (h)

(2.39)

En insérant la série de Fourier définie plus haut dans l’équation de l’énergie libre, on obtient

l’énergie libre par mode :

F (hq) = A

∫d2qkcq

4 + σq2 + V ′′1

2|hq|2 (2.40)

et q =√

q2x1

+ q2x2

. Par ailleurs, le potentiel d’interactionV (h) a été remplacé par son approxi-

mation harmoniqueV ′′ = (∂2/∂h2)Vh=0 à la distance moyenne de séparation verre-membrane.

En applicant le théorème d’équipartition, on obtient le spectre des fluctuations, défini comme

le carré moyen de l’amplitude des fluctuations :

< h2q >=

kBT

A kcq4 + σq2 + V ′′(2.41)

2.3.4 Caractérisation du premier anneau de Newton

Un exemple de la diminution de l’amplitude des fluctuations avec la tension est donné sur

la figure 2.20. Nous avons réalisé ici une expérience classique de succion dans une micropi-

pette, d’une vésicule placée au voisinage du bas de la cellule d’observation. Nous présentons

des images typiques de la vésicule, en mode RICM, prises pour différentes valeurs de la tension

d’aspiration. D’un point de vue qualitatif, on voit nettement que la tension augmentant, l’am-

plitude des fluctuations diminue : d’une part, le diamètre de la partie plate, parallèle à la lame,

diminue, et d’autre part, la variabilité des tons de gris dans cette région diminue également.

Nous avons vérifié pour ces images que les conditions de calcul du spectre de fluctuations ne

sont cependant pas réunies. En effet, une analyse des histogrammes d’intensité des différentes

zones de l’image montre par exemple que la gamme d’intensités de la zone centrale fluctuante

s’étend pour de nombreuses images au-delà de l’intervalle délimité par le minimum et le maxi-

mum d’intensité, pris sur les deux premiers anneaux de Newton. Dans ces conditions, les inten-

sitésImin et Imax ne peuvent être déterminées avec certitude et les spectres sont entachés d’une

erreur difficile à chiffrer.

78 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

(a)σ = 9, 9.10−8N/m (b) σ =9, 3.10−7N/m

(c) σ = 2, 8.10−6N/m (d) σ = 4, 4.10−6N/m

(e)σ = 2, 2.10−5N/m

Figure 2.20 – Vésicule photographiée en RICM pendant son aspiration dans une micropipette(barre=10µm)

2.3. RICM 79

Afin de faire abstraction de ce type de problème, qui est apparu sur un certain nombre de

films RICM, nous avons mis au point une autre méthode de quantification des fluctuations,

basée sur la caractérisation des fluctuations du premier anneau de Newton de l’image RICM.

La première étape du procédé consiste à repérer les pixels faisant partie du premier anneau,

au moyen du programme informatique de traitement d’image mis au point au laboratoire. Le

programme cherche, de proche en proche, les pixels d’intensité voisine, en partant d’un premier

pixel, indiqué par l’opérateur. Une fois l’ensemble des pixels trouvés, le programme réduit cet

ensemble de points à une courbe de 256 points, dont il calcule le centre de gravité G. Les

256 points correspondent à autant de rayons espacés d’un angle2π/256 radians, centrés sur

G. On récupère alors aisément le rayon moyenR ainsi que l’écart quadratique moyenεR de

variation du rayonR de l’anneau, autour deR. Les deux étapes, de reconnaissance des pixels

d’un anneau, et de calcul de la courbe moyenne, sont présentés sur les figures 2.21(a) et 2.21(b).

La figure montre la distribution des 256 valeurs du rayonR correspondante.

La figure 2.22 montre pour le premier anneau blanc, l’évolution des deux grandeurs précé-

dentes avec la tension. Nous quantifions ainsi la décroissance du rayon moyenR, mais égale-

ment l’équart quadratique moyen de variation deR autour de cette valeur moyenne.εR décroit

également avec la tension, correspondant bien à ce que l’on attend pour une vésicule aspirée,

dont l’excès de surface et donc l’amplitude des fluctuations diminuent.

80 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

(a) Sélection du premier anneau (b) Courbe moyenne

8

8.5

9

9.5

10

10.5

11

11.5

12

Ray

on (

µm)

0 π 2π

(c) Évolution du rayon en fonction de la position angulaire

Figure 2.21 –Détermination des fluctuations par la caractérisation du premier anneau de Newton

2.3. RICM 81

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1

−7.2 −7 −6.8 −6.6 −6.4 −6.2 −6 −5.8 −5.6 −5.4 −5.28

8.5

9

9.5

10

10.5

log σ

(µm)R ()εR (•)

(10−3)

Figure 2.22 –Évolution deεR (•) et deR () avec la tension

82 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

2.4 Cisaillement alternatif de vésicules géantes

2.4.1 Le dispositif expérimental

Nous avons mis au point un montage expérimental original, qui permet de générer, dans la

cellule d’observation des vésicules, un champ de cisaillement alternatif. Dans son principe, le

dispositif contrôle le déplacement d’une lamelle de verre de dimensions 5×5 mm2 environ,

parallèlement au fond de la cellule sur lequel est posée une vésicule géante que nous observons.

La distance typique entre la lamelle mobile et le fond de la cellule est de l’ordre du millimètre,

permettant la présence d’une micropipette, comme le montre la figure 2.23.

Figure 2.23 –Photographie du montage utilisé

l’extrémité d’un bras en aluminium, réalisé au laboratoire, est collée la lamelle mobile qui

plonge dans la cellule d’observation. À l’autre extrémité, le bras s’élargit jusqu’à une dimension

de 5×5 cm2, et est fixé à la surface inférieure d’un module piézoélectrique bimorphe de marque

Piezo Jena (modèle PX400). Ce module piézoélectrique se présente comme un parallélépipède

de dimensions 5×5×1.5cm3, dont une face, ici la surface inférieure (cf. figure 2.25), se déplace

parallèlement à la surface supérieure, et ce, proportionnellement à la tension électrique que l’on

impose au dispositif. La face supérieure du module piézoélectrique est fixée, par l’intermédiaire

d’un mécanisme de micro-déplacement XYZ (Microcontrôle Newport), à un pied, lui même

solidaire de la table sur laquelle est posé le microscope. Ainsi, la lamelle peut être positionnée

précisément au dessus de la vésicule, laissant un accès à la micropipette. Le parallélisme entre

la lamelle mobile et le fond de la cellule est assuré par construction, au moment du collage

de la lamelle sur le bras : la lamelle mobile étant posée sur le fond de la cellule, le bras, dont

2.4. CISAILLEMENT ALTERNATIF DE VÉSICULES GÉANTES 83

Figure 2.24 –Disposition des éléments d’une expérience sous cisaillement

l’extrémité est enduite de colle silicone, est descendu au contact de la lamelle, et laissé dans

cette position jusqu’à la rigidification de la colle. La quantité de colle silicone est importante,

afin de former un joint épais. La position verticale de la lame, et donc l’intersticeh, sont repérés

à 5µm près sur l’élément de déplacement XYZ, comme l’écart eny à la position du bras au

moment du collage de la lame.

la cellule d’observation

cellule piezo

bras métallique

lamelle plongeant dans

Figure 2.25 –Schéma du bras du piézo

L’élément piézoélectrique est lui-même relié à un module amplificateur (Piezo Jena ENT-

400/ENV-400), qui est par ailleurs capable de limiter la tension en cas de surcharge électrique

ou mécanique. La tension électrique d’excitation est appliquée au moyen d’un générateur de

tension Agilent 33120-A. Une résistance de 29Ω est placée à l’entrée du module amplifica-

teur, afin de diminuer la tension d’entrée issue du générateur Agilent. Dans cette configuration,

84 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

le déplacement relatif des deux faces de l’élément piézoélectrique peut varier entre 0.1µm et

20µm. Enfin, un simple démontage-remontage du bras et du module piézoélectrique, permet

d’obtenir une direction de cisaillement parallèle ou perpendiculaire, par rapport à la direction

de la micropipette.

2.4.2 Étalonnage du dispositif

Module piézoélectrique

Un premier étalonnage consiste à connaître la réponse du module piézoélectrique à la tension

d’excitation. Nous avons appliqué des tensions sinusoïdales, et nous avons filmé le déplacement

de la lame mobile. L’analyse des films a permis de mesurer l’amplitude de cisaillementa de

la lamelle en fonction de l’amplitude et de la fréquence de la tension appliquée. Le module

piézoélectrique répond linéairement à la tension d’excitation, comme le montre la figure 2.26,

dans toute la gamme des fréquences [0.1-30] Hz et d’amplitudes [0.5-10]µm explorées.

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

0 2 4 6 8 10

Am

plitu

de d

u ci

saill

emen

t mes

uré

e (µ

m)

Voltage appliqué (V)

points expérimentaux

fit : V = O.892 a

Figure 2.26 –Courbe de calibration de l’amplitude du cisaillement en fonction de la tension appli-quée

2.4. CISAILLEMENT ALTERNATIF DE VÉSICULES GÉANTES 85

Taux de cisaillement dans le fluide

Un deuxième étalonnage consiste à mesurer les déplacements du fluide cisaillé, en fonction

de la hauteur par rapport au fond de la cellule. Cet étalonnage a été effectué par des mesures di-

rectes. Nous montrons maintenant que l’écoulement du fluide est bien décrit par un écoulement

à bas nombre de Reynolds, dit écoulement de Stokes.

Nous avons mesuré les déplacements de particules micrométriques en suspension, pour dif-

férentes conditions de cisaillement alternatif. Des solutions de glucose contenant des vésicules

multilamellaires de taille 1µm environ, suffisamment diluées, ont été utilisées. Ces vésicules,

aisément observables au microscope, et suffisamment petites pour ne pas modifier les lignes de

courant, révèlent le mouvement du fluide. Le principe de l’expérience consiste, pour une ampli-

tudea et une fréquenceF d’oscillation données de la lame supérieure, à mesurer l’amplitude

d’oscillationa(y) de diverses vésicules, en fonction de leur altitudey dans la cellule.

En pratique, les vésicules sédimentent un peu et il est difficile de mesurera(y) à une fré-

quence d’oscillation trop basse, car il est nécessaire de moyenner la mesure sur plusieurs pé-

riodes d’oscillation. Par ailleurs, l’amplitudea(y) diminue fortement lorsque l’on s’éloigne de

la lamelle supérieure oscillante, rendant la mesure difficile, compte tenu de la résolution optique.

Bien sûr, ces mesures sont théoriquement possibles en augmentant l’amplitude de cisaillement

a de la lamelle supérieure, mais cela pose d’autres problèmes expérimentaux qui empêchent

la mesure. Les résultats de ces expériences sont présentés sur les figures 2.27 et 2.28, où sont

montrées les variationsa(y), pour différentes valeurs de l’amplitudea et de la fréquenceF

d’oscillation de la lamelle mobile. Nous avons pu comparer nos données aux prévisions des

équations de l’écoulement dans le régime de Stokes.

Considérons un fluide compris entre deux plans infinis, perpendiculaires à l’axey (cf. figure

2.29). Le plan supérieur, situé à une distanceh du plan inférieur, est animé d’un mouvement

d’oscillation sinusoïdale selon la directionx, décrit par l’équationux = a sin ωt, a étant l’am-

plitude d’oscillation, etF = ω/2π la fréquence.

Le fluide est supposé incompressible, et on peut montrer [114,115] qu’en prenant en compte

les différents axes de symétrie du problème, l’équation de Navier Stokes, qui régit les déplace-

ments du fluide, se réduit à l’équation uni-dimensionnelle :

∂v

∂t=

η

ρ

∂2v

∂x2(2.42)

86 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1

0 20 40 60 80 100 120

expression calculéea = 11 µma = 18 µm

y (µm)

ax(y)a

Figure 2.27 –Comparaison des fonctionsax(y)a théorique et expérimentale à F=10 Hz

0.4

0.5

0.6

0.7

0.8

0.9

1

0 20 40 60 80 100 120

expression calculéea = 11 µma = 18 µm

y (µm)

ax(y)a

Figure 2.28 –Comparaison des fonctionsax(y)a théorique et expérimentale à F=15 Hz

2.4. CISAILLEMENT ALTERNATIF DE VÉSICULES GÉANTES 87

x

u = a sin tω ωv = a cos t

y

x

lamelle mobile

lamelle fixe v = 0x

z

x

Figure 2.29 –Modélisation de la cellule de cisaillement

où v=vx est la vitesse du fluide, orientée suivantx, η et ρ sont respectivement la viscosité et la

densité du fluide. La solution de cette équation prend la forme générale :

v(y, t) = (A sin Ky + B cos Ky) cos(ωt) (2.43)

et doit satisfaire aux équations aux limites :v(y, t)y=h = aω cos ωt

v(y, t)y=0 = 0(2.44)

La résolution des équations ci-dessus donne :

v(y, t) = aωsin Ky

sin Khcos(ωt) (2.45)

etK, le vecteur d’onde de l’onde de cisaillement dans le fluide s’écritK = (1 + i)√

ωρ/2η =

(1+ i)k. Seule la partie réelle dev(y, t) a une signification physique ; en prenant la partie réelle,

il vient :

v(y, t) = a ω

√cos 2ky − cosh 2ky

cos 2kh − cosh 2khcos ωt (2.46)

Le déplacementux(y, t) en tout point d’altitudey et à chaque instantt s’obtient en intégrant

l’expression dev(y, t) précédente, par rapport àt. On obtient aisément :

ux(y, t) = a

√cos 2ky − cosh 2ky

cos 2kh − cosh 2khsin ωt (2.47)

88 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

Nos résultats expérimentaux, consistant à mesurer le déplacement du fluide à diverses hau-

teurs dans la cellule, peuvent directement être comparés à cette expression. Sur les figures 2.27

et 2.28 sont représentés nos résultats pour les fréquences 10 Hz et 15 Hz, pour deux valeurs de

l’amplitude d’oscillationa de la lamelle supérieure. On constate une bonne adéquation entre le

résultat du calcul et les données expérimentales, dans la gamme des altitudes mesurées. Il ne

nous est pas possible de mesurer les déplacement du fluide aux faibles altitudes, et notamment

au voisinage immédiat du fond de la cellule, c’est-à-dire là où se trouvent les vésicules géantes

que nous étudions. Les résultats ci-dessus montrent néanmoins que l’on peut extrapoler nos

calculs pour les valeursh ' 0.

Enfin, nous verrons dans le chapitre suivant que le gradient de cisaillement dans le fluideγ,

est un paramètre important. Ce gradient, qui varie avec l’altitude, s’exprime comme la dérivée

de la vitessev(y) définie ci-dessus :γ = ∂v(y)/∂y. On obtient :

γ(y) = a kω

√2

[sin(ωt +

π

4

)cos ky sinh ky + cos

(ωt +

π

4

)cosh ky sin ky

](2.48)

et :

∆ = cos2 kh sinh2 kh + cosh2 kh sin2 kh (2.49)

Nous définissons un taux de référenceγ=γ0. Ce taux peut s’écrire en fonction de la valeur

limite aux basses fréquences du taux de cisaillementγs = aω/h. On écrit finalement :

γ =a ω

hΦkh (2.50)

avec : Φkh =√

2kh√∆

(2.51)

Sur la figure 2.30, on a tracé la fonctionγ = f(kh) : dès quekh devient supérieur à l’unité,

γ dévie de la loi linéaire, finissant par décroître pourkh > 2. Dans la pratique, la quantité

k =√

ωρ/(2η) augmente lorsque la fréquenceF d’oscillation est augmentée ; nous verrons

dans les expériences du chapitre 3, comment l’augmentation de la fréquence de cisaillement

influence le comportement des vésicules.

2.4. CISAILLEMENT ALTERNATIF DE VÉSICULES GÉANTES 89

0.0.100

2.0.10−4

4.0.10−4

6.0.10−4

8.0.10−4

1.0.10−3

1.2.10−3

1.4.10−3

1.6.10−3

0 2 4 6 8 10

kh

a/h = 0.001a/h = 0.0005

γ (s−1)

Figure 2.30 –Représentation du taux de cisaillement en fonction dekh

2.4.3 Modifications induites par la présence d’une sphère dans l’écoule-

ment

Dans la section précédente, nous avons décrit le mouvement d’un fluide confiné entre deux

plaques, la plaque supérieure étant soumise à un mouvement oscillatoire parallèle à la plaque

inférieure, supposée fixe. Cette configuration crée un courant dit de cisaillement, parallèle aux

plaques. Le taux de cisaillementγ oscille dans le temps. Aux basses fréquences, il est constant

dans l’interstice. Nous pouvons ainsi déterminer avec précision la contrainte visqueuseΠxy

induite par l’écoulement sur la paroi inférieure. Un objet introduit dans l’écoulement, proche

de la paroi inférieure, subira donc une contrainte de l’ordre deΠxy=ηγ. En fait, la présence de

l’objet modifie la structure même de l’écoulement, ce qui change la nature des contraintes.

Au cours de ce travail, nous n’avons pas cherché à analyser en détail l’écoulement hydrody-

namique autour des vésicules aspirées par une micropipette et situées au voisinage d’une paroi

ou dans le volume. Il est toutefois possible d’avoir une idée des phénomènes mis en jeu en

considérant quelques exemples classiques d’écoulements visqueux [113,115].

90 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

Cas d’une sphère dans un écoulement uniforme

Considérons d’abord une sphère rigide de rayon R, centrée à l’origine des coordonnées, et

baignée par un écoulement uniforme à l’infini de vitessev, parallèle à l’axex. Le fluide ne

glisse pas sur la paroi de la sphère. Le champ de vitesse du fluide s’annule devant la particule,

et redevient uniforme à l’infini. Les vitesses s’écrivent en coordonnées sphériques :

vr = v

(1− 3R

2r+

R3

2r3

)sin θ cos φ (2.52)

vθ = v

(1− 3R

4r+

R3

4r3

)cos θ cos φ (2.53)

vφ = −v

(1− 3R

4r+

R3

4r3

)sin φ (2.54)

Nous montrons dans la figure 2.31 le champ de vitesses de cet écoulement. Notons que la

sphère subit deux types de contraintes visqueuses dues au mouvement du fluide. La première,

perpendiculaire à la surface, correspond à la pression :

p = −3

2v

R

r2sin θ cos φ

Cette pression pousse sur la surface en amont de l’écoulement et "aspire" la surface en aval.

Les contraintes tangentes à la surface s’écrivent :

Πφr = −3

v

Rsin φ

Πθr =3

v

Rcos θ cos φ

Il est clair dans cet exemple simple qu’une surface sphérique, placée dans un écoulement,

verra exercer sur sa paroi des contraintes inhomogènes, certaines parties seront plus exposées

que d’autres. Néanmoins, la valeur de contrainte maximale, est toujours de l’ordreΠ = ηv/R.

2.4. CISAILLEMENT ALTERNATIF DE VÉSICULES GÉANTES 91

y

x0

Figure 2.31 –Champ de vitesses autour d’une sphère placée dans un écoulement uniforme

Cas d’une sphère dans un écoulement de cisaillement

Nous présentons maintenant le cas d’une sphère rigide, sans glissement à la paroi, placée à

l’origine des coordonnées dans un écoulement de cisaillement, de la formev ≡ (γ y, 0, 0). Les

vitesses du fluide s’écrivent dans ce cas en coordonnées sphériques :

vr = γR

(1− 7

2

(R

r

)5

− 5

2

(R

r

)7)

sin2 θ cos φ sin φ (2.55)

vθ = γR

(r

R−(

R

r

)5)

cos θ sin θ cos φ sin φ (2.56)

vφ = γR

[(1−

(R

r

)5)

sin θ cos2 φ− 1

2sin θ

(2−

(R

r

)2

−(

R

r

)3)]

(2.57)

Dans cet écoulement, la pression agissant sur la sphère s’écrit :

p = − 5 η γ

(R

r

)7

sin2 θ cos φ sin φ

92 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

Elle tend à comprimer la surface de la sphère selon les bissectrices des deuxième et quatrième

quadrants, et à étirer la surface selon les bissectrices des premier et troisième quadrants. Sa

valeur maximale vaut5/4 η γ, elle est aussi de l’ordre des valeurs obtenues dans un écoulement

uniforme si l’on posev = R γ.

y

x0

Figure 2.32 –Champ de vitesses autour d’une sphère placée dans un écoulement de cisaillement

Les contraintes visqueuses tangentes à la surface de la sphère s’écrivent :

Πφr = η γ (5 sin θ cos2 φ− 4 sin θ)

Πθr = 5 η γ sin θ cos θ sin φ cos φ

Dans ce cas aussi, on peut remarquer la forte inhomogénéité de la distribution des contraintes

de cisaillement sur la surface de la sphère, avec des valeurs maximales de l’ordre deηγ.

Souvent, nos expériences sont effectuées pour des vésicules posées sur la surface inférieure

de la chambre de cisaillement. Dans ce cas, la vésicule se trouve dans un champ de cisaillement

de la formev ≡ (γ (y + R), 0, 0) . Ce champ peut être reconstitué en additionnant les champs

de vitesse 2.56 à 2.57 et 2.53 à 2.54 avecv = Rγ . Les lignes de vitesses constantes de cet

écoulement sont représentées sur la figure 2.34. Les équations de Navier Stokes à bas nombre

de Reynolds étant linéaires, les effets de ces champs de vitesse sur les contraintes et pressions

2.4. CISAILLEMENT ALTERNATIF DE VÉSICULES GÉANTES 93

s’obtiennent en sommant les contributions de contraintes et pressions résultant des deux champs

de vitesse. La figure 2.35 représente cette distribution de contrainte àθ=π/2 en fonction deϕ.

Ce champ de vitesses total donne donc une représentation approchée de l’écoulement réel, mais

il ne respecte pas la condition de vitesse nulle sur toute la paroi. En particulier, il surestime la

vitesse du fluide dans les secteurs en dessous de la sphère, proche de la paroi.

x

y

O

Figure 2.33 –Champ de vitesses autour d’une sphère placée dans un écoulement mimant à l’infinila présence d’une paroi

En résumant, les conditions d’écoulement de notre montage, mimées par l’écoulement pré-

cédent conduiraient sur des sphères solides :

• à l’application de contraintes de cisaillement inhomogènes sur la paroi dont le maximum,

sur la partie supérieure est de l’ordre deΠxy = η γ,

• à l’existence d’une force nette sur la particule de l’ordre de la force de StokesFS = 6 π η R,

• à une pression non uniforme dans le fluide à proximité de la paroi, dont les amplitudes

maximales de variation sont de l’ordre de∆P = η γ

Nous nous servirons de ces résultats comme un guide pour comprendre les effets principaux

du cisaillement imposé sur les vésicules. Néanmoins, il faut garder à l’esprit que les écoulements

réels présentent deux différences importantes avec la situation décrite ci-dessus.

94 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

-2 -1 0 1 2 3

-0.5

0

0.5

1

1.5

2

2.5

3

Figure 2.34 –Lignes de vitesse constante autour d’une sphère placée dans l’écoulement de cisaille-ment de la figure 2.33

D’abord, ces écoulements ne s’annulent pas sur la surface des vésicules. Celle-ci étant consti-

tuée d’une bicouche de phospholipides, une partie de l’écoulement extérieur peut être continué

à l’intérieur de la vésicule. Cette situation a été bien décrite pour des gouttes de liquides im-

miscibles avec une tension de surface. Par exemple, la force de Stokes dans un écoulement

uniforme dépend dans ce cas de la viscosité du liquide environnant mais aussi de celle du li-

quide à l’intérieur de la goutte [117]. Notons que cet effet réduit les contraintes sur la paroi de

la sphère. Mais la bicouche présente aussi une viscosité propre, qui conduit à des phénomènes

dissipatifs additionnels, encore mal connus.

Ensuite, les taux de cisaillement importants peuvent amener la vésicule à se déformer. Cette

situation à été étudiée en détail tant du point de vue théorique que expérimental pour des gouttes

liquides avec une tension de surface, et l’on dispose aussi des premiers travaux concernant les

vésicules [76]. Dans notre montage, nous resterons toujours en dessous des taux de cisaillement

pour lesquels on peut observer des déformations significatives des vésicules.

Résolution numérique des équations de Stokes

Les calculs précédents concernent une sphère située dans un milieu de dimensions infinies.

Brooks a étudié numériquement le cas d’un écoulement entre 2 plans horizontaux séparés par

une distanceh de 120µm alors qu’une sphère de rayon R'10 µm repose immobile sur le plan

inférieur [116]. Le débit est suffisamment faible (10 ml/mn) pour que l’on soit en régime de

Stokes. Les lignes de champ de vitesses dans le planyz autour de la sphère correspondant à

ces conditions sont représentées sur la figure 2.36. Cette simulation montre que les lignes sont

2.4. CISAILLEMENT ALTERNATIF DE VÉSICULES GÉANTES 95

Π

-1 0 1 2 3 4-1

0

1

2

3

4

5

ϕ

ϕ

Figure 2.35 –Distribution de la composante tangentielle de la contrainte le long de la sphère: lacomposante tangentielle est ici représentée en unitésηγ comme une fonction de l’angleϕ. Le sensde circulation est l’inverse de celui deφ

symétriques par rapport à l’axe verticalOy.

Figure 2.36 –Lignes de vitesse constante autour d’une vésicule placée dans un écoulement uni-forme : le plan observé (yz) est perpendiculaire à la direction de l’écoulement (Ox)

Quant à la distribution des forces visqueuses de cisaillement le long de la sphère, elle est nulle

au point de contact de la sphère avec son support, et maximale en haut de la sphère, de l’ordre

de Π ' 4ηγ. Mais l’évolution de l’intensité des forces visqueuses entre ces deux positions

extrêmes n’est pas triviale. La figure 2.37 représente l’intensité de la composante tangentielle

de la force visqueuse en fonction de la position angulaire autour de la sphère : l’angleϕ=0

correspond au point de contact entre la sphère et le plan, etϕ= 180 correspond au sommet de

96 CHAPITRE 2. TECHNIQUES EXPÉRIMENTALES

la sphère. Cette figure montre que la contrainte visqueuse est maximale sur la calotte supérieure

de la sphère, comprise entre 150 et 220. D’autre part, l’intensité de la force visqueuse, que

l’on peut assimiler à une force de cisaillement augmente avec le rayon de la sphère.

IVIIIIII

(a) planxy

IV

III

III

(b) planyz

Figure 2.37 –Distribution de la composante tangentielle de la contrainte le long de la sphère: courbeI : R=6µm, courbe II : R=8µm, courbe III : R=10µm, courbe IV : R=12µm

CHAPITRE 3

Cisaillement de vésicules géantes

97

98 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

Sommaire

3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99

3.2 Micro-rhéologie de vésicules géantes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .99

3.2.1 Cisaillement variable à tension constante . . . . . . . . . . . . . . .100

3.2.2 Variation de la tension de la membrane sous cisaillement constant. . .108

3.2.3 Analyse des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .110

3.3 Autres expériences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .115

3.3.1 RICM et cisaillement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .115

3.4 Dynamique de migration des fluctuations . . . . . . . . . . . . . . . . . .121

3.5 À la recherche d’artefacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .122

3.6 Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .125

3.1. INTRODUCTION 99

3.1 Introduction

La rhéologie des systèmes auto-assemblés est un domaine essentiel de la recherche fonda-

mentale et appliquée. Pour les applications pratiques, il est nécessaire de bien connaître la sta-

bilité des liposomes soumis aux conditions réelles d’utilisation, lorsqu’ils sont utilisés comme

agents de transport dans des applications cosmétiques ou pharmaceutiques. Il est également

important de comprendre le rôle des contraintes mécaniques dans le fonctionnement des cel-

lules ou au cours du transport intra ou extra-cellulaire. Un phénomène connu est par exemple,

la méchanotransduction qui permet à une cellule de réagir à une stimulus spécifique comme

une pression ou une contrainte de cisaillement [21, 120–124]. Nous avons déjà évoqué aussi

le cas du globule rouge dont le comportement sous écoulement a une importance évidente en

physiologie [125–129].

On peut cependant constater que la grande majorité des travaux s’intéresse aux déformations

globales des capsules de phospholipides dans une tradition en hydrodynamique et en physico-

chimie initiée par les travaux de Taylor sur les déformations des gouttes liquides en suspension

dans un fluide cisaillé. Nous cherchons avec notre montage à sonder la structure locale, fluc-

tuante, des bicouches fluides soumises à un cisaillement. Nous verrons que non seulement ces

effets sont mesurables, mais que ces mesures fournissent des informations non triviales sur le

couplage membrane-écoulement.

3.2 Micro-rhéologie de vésicules géantes

Nous décrirons dans cette section nos expériences de cisaillement de vésicules géantes main-

tenues à l’aide d’une micropipette. La configuration expérimentale, décrite au chapitre précé-

dent, est originale car elle permet une mesure de la tension d’une membrane en fonction des

conditions de cisaillement. En ce sens, nos expériences peuvent être assimilées à des expé-

riences de rhéologie : nous mesurons un déplacement de la position d’équilibre de la vésicule

aspirée dans la micropipette en fonction de la contrainte visqueuse imposée par le cisaillement.

Nous avons réalisé deux types d’expérience :

• des expériences dites à tension constante où l’on mesure l’effet d’un cisaillement sur une

vésicule préalablement aspirée dans une micropipette ;

• des expériences dites à cisaillement constant, où on aspire de façon classique la vésicule

dans une micropipette alors qu’un cisaillement constant est appliqué.

100 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

Toutes nos mesures concernent des vésicules de DOPC dont le diamètre est compris entre 25 et

50µm, et des micropipettes de diamètre compris entre 5 et 13µm.

3.2.1 Cisaillement variable à tension constante

Dans ce type d’expériences, une vésicule est d’abord légèrement aspirée dans la micropipette.

Pour cela, on crée une différence de pression entre l’extérieur et l’intérieur de la micropipette

en imposant une hauteur de colonne d’eau de quelques dizaines de microns. Cette différence de

pression a pour effet de déplier une petite partie de l’excès de surface caché dans les fluctuations.

La longueurL0 de la partie aspirée dans la micropipette est d’environ 5µm et la tension de

la membrane est de l’ordre de10−7N.m−1. Cette tension étant très faible, la vésicule reste

fluctuante. La pression initialepi dans la micropipette est maintenue constante tout au long de

l’expérience ; nous verrons que cela équivaut à maintenir presque constante la tension de la

membrane.

À partir de cette situation de référence, on va imposer un cisaillement alternatif. Le réglage

de la hauteur entre la lamelle oscillante et le fond de la cellule a été effectué avant le début de

l’expérience afin d’éviter les turbulences dans la solution une fois la vésicule maintenue dans la

micropipette.

L’observation expérimentale montre qu’en présence d’un cisaillement alternatif, la longueur

de la partie aspirée de la vésicule augmente, se stabilisant après quelques secondes à une nou-

velle valeurL1>L0. Augmenter encore le cisaillement, en augmentant soit la fréquenceF soit

l’amplitude a, conduit à une nouvelle longueurL2>L1. Nous avons observé qu’il était ainsi

possible, en augmentant le taux de cisaillement, de déplier quasiment l’ensemble de la surface

cachée dans les fluctuations.

Il est important de noter que le phénomène est réversible : stopper le cisaillement ou le di-

minuer a pour effet de réduire la longueurL de la partie aspirée, la ramenant à la valeur pré-

cédente correspondante. Le retour à une position d’équilibre antérieure est également obtenu

en quelques secondes ou dizaines de secondes. Dans la pratique, on laisse s’écouler quelques

minutes après chaque modification du taux de cisaillement avant de mesurer la longueurL de

la partie aspirée, ce qui assure que nos mesures correspondent à une situation d’équilibre.

3.2. MICRO-RHÉOLOGIE DE VÉSICULES GÉANTES 101

Variation d’amplitude

Les figures 3.1 à 3.3 montrent un résultat typique de ce type d’expérience, obtenu en aug-

mentanta, l’amplitude du cisaillement (cf. paragraphe 2.4). Pour cette expérience, la fréquence

du cisaillementF a été fixée à 2 Hz et la hauteur entre la lame oscillante et le fond de la cellule

est de 1100µm. On constate sur la figure 3.1 que la longueurL de la partie aspirée augmente

linéairement avec l’amplitude de cisaillement. Comme dans une expérience classique de suc-

cion de type Evans, il est possible de calculer le coefficientα (cf. équation 2.20) correspondant

à l’augmentation relative de surface apparente, en prenant comme valeur de référence pourL

la longueurL0 mesurée initialement, en l’absence de cisaillement. Ainsi, la figure 3.2 montre

l’évolution deα avec l’amplitudea pour la même expérience ; dans toutes les expériences de

ce type,α augmente linéairement avec l’amplitudea. Enfin, nous avons calculé les valeurs du

rayonR selon la procédure détaillée dans la section 2.2.4, ce qui permet de calculer la tensionσ

de la membrane tout au long de l’expérience. Cette tension est représentée sur la figure 3.3. On

constate que la variation deσ est très faible, typiquement infèrieure à 1%, ce qui nous permet

d’affirmer que dans cette configuration, imposer une pression constante dans la micropipette

correspond à imposer une tension constante à la membrane de la vésicule.

8

10

12

14

16

18

20

22

24

0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4

L (

µm)

Amplitude du cisaillement a (µm)

L0

Figure 3.1 – Évolution de L avec l’augmentation de l’amplitude du cisaillement (F = 2Hz,h=1100µm)

102 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

0.03

0.04

0.05

0.06

0.07

0.08

0.09

0.1

0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4

α

Amplitude de cisaillement a (µm)

α0

Figure 3.2 – Évolution de α avec l’augmentation de l’amplitude du cisaillement (F = 2Hz,h=1100µm)

3e−06

3.2e−06

3.4e−06

3.6e−06

3.8e−06

4e−06

0 0.5 1 1.5 2 2.5 3 3.5 4

σ (

N/m

)

Amplitude du cisaillement a (µm)

Figure 3.3 – Évolution de σ avec l’augmentation de l’amplitude du cisaillement (F = 2Hz,h=1100µm)

3.2. MICRO-RHÉOLOGIE DE VÉSICULES GÉANTES 103

Ce type d’expérience a été reproduit un grand nombre de fois, pour des fréquences de 2Hz

et 5Hz, et des gaps compris entre 600µm et 1.5 mm, et nous avons toujours observé une aug-

mentation linéaire deα avec l’amplitude de cisaillement, en dessous d’une valeur seuil dea.

L’intervalle de variation typique de l’amplitudea était [0.2 - 5]µm, et l’amplitude seuil se situe

en général entre 5 et 10 microns. Au delà de ce seuil, il arrive que la longueurL de la partie aspi-

rée de la vésicule décroisse aveca, et dans ce cas, augmenter encore l’amplitude de cisaillement

conduit dans certains cas à l’extraction de la vésicule hors de la micropipette. Dans d’autres cas,

la vésicule se rompt sous l’effet du cisaillement à ces "grandes" amplitudes (cf. figure 3.4).

Figure 3.4 –Rupture de la partie de la vésicule aspirée dans la micropipette

Variation de fréquence

Le même type d’expérience a été réalisé en variant cette fois la fréquence de cisaillement,

et en maintenant l’amplitudea constante. Nous avons observé un comportement similaire à

celui rapporté ci-dessus : l’excès relatif de surface apparenteα augmente linéairement avec

la fréquence. De même, au delà d’une certaine fréquence, en général de l’ordre de quelques

hertz, la longueurL de la partie aspirée de la vésicule décroît avec la fréquence. La figure 3.5

montre un tel résultat pour deux expériences. Enfin, comme pour les expériences à amplitude

variable, l’augmentation de la fréquence peut conduire à l’extraction de la vésicule hors de la

micropipette, ou à sa rupture.

Représentation en fonction deγ

Nous avons vu dans la section 2.4.3 que l’effet du cisaillement sur un objet sphérique est

d’exercer une contrainte visqueuseΠ, inhomogène, proportionnelle au taux de cisaillementγ :

Π ' γ η

La figure 3.6 schématise les conditions de cisaillement. Rappelons qu’il existe un point A,

104 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

0.02

0.03

0.04

0.05

0.06

0.07

0.08

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18

α

Fréquence (Hz)

Figure 3.5 –Évolution deα avec l’augmentation de la fréquence du cisaillement pour deux expé-riences différentes (a = 1.5µm, h=800µm)

voisin de la surface inférieure, pour lequel la contrainte visqueuse est nulle, alors que cette

contrainte au point B, sommet de la vésicule, est de l’ordre de 4ηγ (cf. figure 2.35).

Nous représentons donc nos données en fonction du gradient de cisaillementγ = ∂v/∂y|y=0

existant eny = 0 (cf. figure 2.29), qui peut être calculé par la formule 2.50. On s’attend bien

sûr à ce qu’une linéarité observée dans un graphiqueα(a) conduise à la linéarité dans la re-

présentationα(γ). En revanche la relation entre la fréquenceF et le taux de cisaillementγ est

non triviale et par conséquent, une non-linéarité dans un graphiqueα(F ) peut conduire à une

linéarité dans la représentationα (γ) et inversement. Enfin, comparer entre elles les valeurs de

dα/dγ issues des expériences à amplitude variable d’une part, et à fréquence variable d’autre

part, permettra de savoir si la contrainte visqueuse est bien le paramètre clef du mécanisme

observé.

Les figures 3.7 et 3.8 représentent les données des figures 3.2 et 3.5, en fonction deγ (équa-

tion 2.50). On constate ainsi que pour les deux expériences rapportées figure 3.8, alors que la

courbeα(F ) s’écarte de la linéarité aux grandes fréquences dans la figure 3.5,α varie linéaire-

ment avecγ (cf. figure 3.8). D’une manière générale, nous avons constaté pour nos expériences

à fréquence variable, que pour les fréquences inférieures à environ 4 Hz, les courbesα(F ) et

3.2. MICRO-RHÉOLOGIE DE VÉSICULES GÉANTES 105

lamelle oscillante

lamelle fixeaxe de la micropipette

lignes de vitesse constante

B

A

Figure 3.6 –Répartition des lignes de vitesse constante autour de la vésicule sous cisaillement

0.03

0.04

0.05

0.06

0.07

0.08

0.09

0.1

0 0.002 0.004 0.006 0.008 0.01 0.012

α

γ (s−1)

Figure 3.7 –Évolution deα avecγ dans le cas où l’amplitude est variable (F = 1Hz,h=1100µm)

106 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

0.02

0.03

0.04

0.05

0.06

0.07

0.08

0 0.01 0.02 0.03 0.04 0.05 0.06 0.07 0.08

α

γ (s−1)

Figure 3.8 –Évolution deα avecγ pour deux expériences différentes (a = 1.5µm, h=1100µm)

α(γ) sont linéaires. Cette fréquence limite de 4 Hz correspond par ailleurs à la limite supé-

rieure du domaine linéaire observé figure 2.30, qui montre l’évolution deγ en fonction de la

fréquence, pour une configuration expérimentale typique. Au delà de cette fréquence, lorsque

la non linéarité de la courbeα (F ) équivaut à une linéarité dans la représentationα(γ), cela

conforte notre intuition que la contrainte visqueuse est la grandeur clef du mécanisme observé .

Remarquons pour terminer que nous avons également observé dans certains cas une évolution

non triviale deα avecγ, oùα, toujours linéaire avecF , ne présente pas toutefois une évolution

réversible avecγ aux plus grandes fréquences.Nous ne savons pas à ce stade si ces quelques

expériences montrent la présence d’un autre phénomène aux "grandes fréquences".

Nos expériences ont donc mis en évidence l’existence d’un domaine linéaire dans la représen-

tationα(γ), et nous résumons à présent l’ensemble des données obtenues dans nos expériences

à tension constante. La figure 3.9 rapporte les valeurs de la penteΛ = dα/dγ pour toutes ces

expériences, obtenues, soit en variant l’amplitudea, soit la fréquenceF , sachant que nous avons

testé deux configurations géométriques, le cisaillement "perpendiculaire" et le cisaillement "pa-

rallèle" (cf. paragraphe 2.4.1).

Nous faisons à ce stade un commentaire de la figure 3.9, et nous analyserons l’ensemble de

3.2. MICRO-RHÉOLOGIE DE VÉSICULES GÉANTES 107

0.01

0.1

1

10

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45

Nombre d’expériences

Λ =dαdγ

Figure 3.9 – Distribution des pentesdα/dγ pour différentes expériences: fréquence variable (• :cisaillement "perpendiculaire", : cisaillement "parallèle" à F=5Hz) ou amplitude variable (N :cisaillement "perpendiculaire" à F=2Hz,4 : cisaillement "perpendiculaire" à F=5Hz).

nos résultats après avoir également exposé les données des expériences à cisaillement constant :

• Il apparaît que la valeur moyenne des valeurs deΛ correspondant au cisaillement "paral-

lèle" est comparable à sa valeur moyenne obtenue pour les expériences en géométrie "per-

pendiculaire". Ce résultat nous conforte dans l’idée que l’effet que nous observons n’est

pas un artefact lié à un défaut de symétrie de notre configuration expérimentale. En effet,

nous nous sommes demandés dans quelle mesure la micropipette ne génère pas, par sa pré-

sence, des perturbations non négligeables des lignes de courant, ce qui aurait pour effet de

créer un réseau de forces normales sur la vésicule, équivalent à une surpression hydrosta-

tique. En fait nous avons testé qualitativement deux autres configurations expérimentales,

plus symétriques, afin de confirmer nos résultats : ces expériences sont rapportées à la fin

de ce chapitre. L’ensemble de nos résultats montre que l’hypothèse d’un artefact lié à l’asy-

métrie du montage est improbable.

• Nous observons également que pour une série de mesures dans une configuration expé-

rimentale donnée, la valeur deΛ varie d’une vésicule à l’autre, jusqu’à un facteur dix.

108 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

Nous discuterons plus loin cette variabilité que nous pensons associée aux conditions de

préparation de la vésicule.

3.2.2 Variation de la tension de la membrane sous cisaillement constant.

Pour effectuer ce deuxième type d’expériences, nous repérons d’abord la vésicule dans l’ocu-

laire, et enclenchons le mouvement oscillant de la lame aux conditions d’amplitude et de fré-

quence choisies. On amène ensuite la micropipette au contact de la membrane, et on applique

la différence de pression minimale qui permet d’aspirer légèrement cette vésicule soumise à

un cisaillement constant. Une fois l’équilibre atteint, on note la valeurL0 de la longueur de

la partie aspirée. À partir de cet instant, une expérience de succion classique est réalisée, sans

jamais toucher aux conditions de cisaillement. La quantitéL0 sert de référence pour le calcul

deα par l’équation 2.20. Comme pour les expériences tests de succion sans cisaillement, nous

avons vérifié de nombreuses fois en fin d’expérience, que le diamètre de la vésicule une fois

relâchée correspondait au diamètre initial de la vésicule. Nous avons réalisé un grand nombre

d’expériences de ce type, en variant les conditions de cisaillement ; l’amplitudea était comprise

entre 0.35 et 5µm, la fréquence entre 0.1 Hz et 10 Hz, et l’épaisseur intersticielle entre 600 et

1550µm.

D’un point de vue qualitatif, chacune des courbes présentées fait apparaître que la tension de

la membraneσ varie exponentiellement avec l’accroissement relatif de surfaceα, aux faibles

valeurs de tension, comme c’est le cas en absence de cisaillement. L’existence de ce domaine

exponentiel montre que la vésicule est fluctuante et que l’application d’une tension a pour effet

de réduire ses fluctuations, sur la base des mécanismes physiques sous-tendus par le modèle

d’Helfrich. Un exemple de courbes expérimentales obtenues est donné figure 3.10. Pour cha-

cune des expériences réalisées nous pouvons de ce fait calculer un module de courbure de la

vésicule. Il est apparu que ce module de courbure était toujours inférieur au modulekc du DOPC

(22 kBT). Plus précisément, le modulekc mesuré semblait d’autant plus faible que le taux de

cisaillement était élevé. Le module de courbure étant une grandeur intrinsèque de la membrane,

on ne peut à ce stade parler que d’un module de courbure apparent (kappc ), qui dépend des condi-

tions de cisaillement, et reflète sans doute l’interaction entre le cisaillement et les fluctuations

de la membrane.

Il est logique de classer l’ensemble de nos résultats obtenus dans cette configuration, en fonc-

tion du taux de cisaillementγ idéal défini dans la section précédente. La figure 3.11 représente

ces résultats, où chaque série d’expériences, correspondant à un couple de valeurs (a, F ) défini,

3.2. MICRO-RHÉOLOGIE DE VÉSICULES GÉANTES 109

-16

-15

-14

-13

-12

-11

-10

-9

0 0.01 0.02 0.03 0.04 0.05 0.06 0.07 0.08

ln σ

α

Figure 3.10 –Résultats d’expériences d’aspiration dans une micropipette sous cisaillement fixé: N :γ = pas de cisaillement,3 : a=0.35µm, F=2Hz, h=1100µm ; • : a=0.22µm, F=2Hz, h=1100µm, 2 :a=0.45µm, F=5Hz,h=700µm

est représentée par un symbole différent (à noter que dans certains cas la hauteurh a été changée

dans une même série). Cela représente plus de 100 expériences de succion, réalisées sur autant

de vésicules différentes. Représenter les valeurs des paramètresa, F , et h pour chacune des

séries de la figure 3.11 serait fastidieux ; il faut simplement noter que les domaines de variation

des paramètresa etF ont été choisis suffisamment larges (voir ci-dessus), de façon à ce que la

courbe de la figure 3.11 puisse être assimilée à une courbe maîtresse. On constate clairement

une chute du module de courbure apparentkappc mesuré, avec le taux de cisaillementγ. Afin

de simplifier la représentation de ces données, nous les représentons en moyennant les points

correspondants à des valeurs deγ égales ou très voisines. On obtient ainsi la figure 3.12.

Nous avons constaté que la dépendancekappc (γ) est bien représentée par une évolution linéaire

du type1

kappc

=1

kc

(1 + τ0 γ) (3.1)

La figure 3.13 montre un ajustement de ce type aux données expérimentales qui permet de

mesurer le temps caractéristiqueτ0 qui vaut ici 150 s.

110 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

1

10

100

0.0001 0.001 0.01 0.1γ (s−1)

kappc

(kBT)

Figure 3.11 –Module de courbure apparent en fonction du taux de cisaillement: chaque symbolecorrespond à une amplitudea différente ; dans chaque série de même symbole, les fréquences etles hauteursh ont été variées ; les données représentées par des croix (+), et celles représentées pardes carrés (2) sont très proches sur le graphique, alors que les premières ont été réalisées à grandeamplitude (a=2.5 µm, F=2 Hz, h=1200µm), et les secondes à grande fréquence (a=0.74µm, F=5ou 10Hz,h=700 ou 1200µm)

3.2.3 Analyse des résultats

Comme on l’a vu au chapitre 1, l’excès de surface dans une membrane s’écrit :

A − Aa

Aa=

kBT

8πkc

lnσmax

σ(3.2)

3.2. MICRO-RHÉOLOGIE DE VÉSICULES GÉANTES 111

1

10

100

0.0001 0.001 0.01 0.1

γ (s−1)

kappc

(kBT)

Figure 3.12 – Module de courbure apparent en fonction du taux de cisaillement

0

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

0 0.005 0.01 0.015 0.02 0.025 0.03 0.035 0.04 0.045

γ (s−1)

kckappc

Figure 3.13 –Relation entrekappc etkc

112 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

oùσmax est une tension de référence de la membrane. En présence de cisaillement, nos résultats

sont compatibles avec la modification suivante de la relation d’Helfrich :

A − Aa

Aa=

kBT

8πkc

lnσmax

σ+

kBT

8πkc

τ0γ lnσmin

σ(3.3)

La nouvelle contribution à la relation d’Helfrich présente deux propriétés importantes. À

tension constante, elle correspond à unediminutionde l’excès de surface en fonction du taux

de cisaillement. À taux de cisaillement constant, l’excès de surface diminue logarithmiquement

avec la tension. Cette relation fait aussi apparaître un nouveau paramètre propre à la vésicule

σmin.

Ces propriétés peuvent être représentées et expliquées à l’aide d’un schéma (cf. figure 3.14)

où on représente l’excès de surface de la membrane(A− Aa)/Aa en fonction de sa tension

σ. L’expression d’Helfrich sans cisaillement est en traits pointillés. Sa pente qui dépend de

kc est propre à chaque type de membrane. Comme nous l’avons indiqué précédemment, les

conditions de travail habituelles où l’on mesure le dépliement des fluctuations correspond à

σ σmax. À taux de cisaillementγ constant, la contribution dynamique à l’excès de surface

est une fonction de la tension et sa pente est proportionnelle àγ, représentée sur la figure en

point-pointillés. Enfin, la nouvelle expression d’Hefrich sous cisaillement est représentée en

trait épais. Cette ligne représente une expérience réalisée à taux de cisaillement constant, en

variant la tension. Notons que les caractéristiques de cette courbe comme la pente, les points

d’intersection, etc, dépendent deγ. Lorsque l’on réalise des expériences à tension constante,

en augmentant la fréquence, on parcourt ce diagramme verticalement dans le sens des excès de

surface décroissants, en traversant la famille des courbes qui correspondent auxγ utilisés.

Cas où la tension est constante:

Dans nos expériences à tension constante, l’excès de surface relatif mesuré s’écrit comme

l’expression 2.10 :

α =Aa

γ,σ − Aaγ=0,σ

Aaγ=0,σ

(3.4)

En combinant cette expression avec l’expression 3.3, on obtient :

α =kBT

8πkc

τ0 γ lnσ

σmin

(3.5)

3.2. MICRO-RHÉOLOGIE DE VÉSICULES GÉANTES 113

max

A−Aa

A

σln

0

σln σln min

Figure 3.14 –Représentation de la loi constitutive d’Helfrich sous cisaillement (en trait épais), sanscisaillement (en trait pointillés), contribution du cisaillement (trait-point)

Cette expression signifie que les fluctuations sont déroulées linéairement avec le cisaillement.

Nous constatons aussi que la pentedα/dγ est ici une fonction explicite deσmin, la tension de

référence de la nouvelle contribution à la relation d’Helfrich. Nous avons vu au chapitre 1 que

ces tensions de référence sont souvent associées à des états de tension figés dans la vésicule

lors de sa formation. Nous suspectons donc que la disparité des pentesdα/dγ est induite par la

dispersion des conditions d’électroformation (cf. figure 3.9).

Cas où le cisaillement est constant:

L’expression qui définitα peut aussi s’écrire :

α =Aa

γ,σ − Aaγ,σ1

Aaγ,σ1

(3.6)

où σ1 est la valeur de la tension au premier point mesuré. En combinant cette expression avec

l’expression 3.3, avec les approximations usuelles, on obtient :

α =kBT

8πkc

lnσ

σ1︸ ︷︷ ︸Helfrich

+ τ0γkBT

8πkc

lnσ

σ1︸ ︷︷ ︸F (γ,σ)

=kBT

8πkc

(1 + τ0γ) lnσ

σ1

=1

8πkappc

lnσ1

σ(3.7)

Ceci décrit bien nos résultats expérimentaux présentés au paragraphe 3.2.2 qui montraient

une linéarité du logarithme de la tension en fonction de l’excès de surface relatifα, avec une

114 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

pente dont la valeur varie linéairement avec le taux de cisaillement.

Notons que la définition du temps caractéristiqueτ0 n’est pas unique. En effet, si l’on choisit

d’y incorporer la quantitékBT/8πkc, on aboutirait à un tempsτ = τ0kBT/8πkc, plus proche

deτkc . Sans préjuger des mécanismes pouvant conduire à l’expression 3.7, soulignons qu’elle

montre une suppression des fluctuations de la membrane en présence du cisaillement. Dans les

paragraphes qui suivent, nous testons expérimentalement cette hypothèse, en utilisant l’asymé-

trie du montage. En effet, comme nous l’avons montré au chapitre 1, le haut de la vésicule se

trouvant dans un gradient de cisaillement plus important que le bas, l’influence du cisaillement

est inhomogène. Initialement, les fluctuations sont réparties uniformément le long de la surface

de la vésicule. À quantité de matière constante, l’excès de surface libéré dans une zone cisaillée

doit se retrouver dans une zone moins cisaillée. Ainsi, on peut supposer que l’excès de surface

qui se trouvait en haut de la vésicule est aspiré dans la micropipette au fur et à mesure qu’il

est libéré. En l’absence de micropipette, cet excès de surface devrait se retrouver dans la zone

la moins cisaillée, en bas de la vésicule, et s’ajouter à la surface existante, ce qui conduirait à

l’augmentation des fluctuations dans cette zone.

3.3. AUTRES EXPÉRIENCES 115

3.3 Autres expériences

3.3.1 RICM et cisaillement

Nous avons observé les figures d’interférence de vésicules cisaillées en mode RICM. Ces

résultats confortent notre hypothèse que le cisaillement du fluide lisse les fluctuations de la

membrane.

Vésicule libre

On réalise une première expérience, au cours de laquelle une vésicule, posée sur le fond de la

cellule d’observation, est observée en mode RICM, alors que les conditions de cisaillement du

fluide environnant sont modifiées. Pour chaque taux de cisaillement imposé, on attend l’équi-

libre des figures d’interférence, avant d’enregistrer une série d’images. Une évolution typique

des figures d’interférence observées est donnée sur la figure 3.15.

Pour cette vésicule en particulier, le taux de cisaillement a été varié en augmentant la fré-

quenceF , mais des résultats similaires ont été obtenus à fréquence fixe, en augmentant l’am-

plitudea. Un certain nombre de renseignements peuvent être obtenus à partir de ces images ;

on suit notamment l’évolution de deux paramètres caractéristiques du premier anneau sombre,

à savoir le rayon moyenR de l’anneau, ainsi que l’écart quadratique moyenεR de variation

du rayonR de l’anneau, autour deR. Pour chaque taux de cisaillement appliqué, ces deux

grandeurs ont été moyennées sur une quinzaine d’images ; leurs évolutions avec le gradient de

cisaillementγ sont représentées sur la figure 3.16 :εR et R augmentent tous deux avecγ. On

voit que l’écart quadratique moyenεR augmente d’un facteur 3 dans la gamme deγ explorée,

alors queR augmente de 30% environ ; ainsi, l’écart quadratique rapporté au rayon moyen du

disque augmente également de façon conséquente avecγ.

Comme nous l’avons discuté précédemment, l’interaction verre-membrane a pour effet de

déplier une partie des fluctuations en créant une région où la membrane est parallèle au fond

de la cellule. La surface de cette zone est d’autant plus grande que la réserve de surface dispo-

nible, contenue dans les fluctuations, est importante, c’est-à-dire que la tension de la membrane

est basse. En dépliant les fluctuations, l’interaction verre-membrane augmente la surface appa-

rente de la vésicule, et ce jusqu’à ce que la tension de la membrane, qui augmente de ce fait,

contrebalance l’énergie d’interaction en question. En présence du cisaillement, on constate que

la surface de la zone dépliée, parallèle au substrat, augmente. Ce phénomène est compatible

116 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

(a) γ = 0s−1 (b) F=2Hz,γ=3, 3.10−3s−1

(c) F=20Hz,γ=4, 5.10−4s−1 (d) F=30Hz,γ=1, 4.10−4s−1

Figure 3.15 –Vésicule photographiée en RICM et sous cisaillement (barre=10µm)

avec notre hypothèse d’une libération d’excès de surface due au cisaillement. En effet, nous

savons que la contrainte visqueuse exercée par le fluide en mouvement est la plus importante

au sommet de la vésicule, alors qu’elle est très faible au voisinage du fond de la cellule. Ainsi,

une certaine quantité d’excès de surface est libérée au sommet de la vésicule, qui doit migrer

dans une zone de faible contrainte visqueuse, c’est-à-dire au voisinage du substrat. Dans cette

région, la tension imposée par l’interaction verre-membrane déplie une partie de cet excédent

d’excès de surface, et on observe une augmentation de la surface parallèle au substrat, et donc

du rayonR. Enfin, l’augmentation de l’écart quadratique des fluctuations du premier anneau

εR est également en accord avec cette conclusion. L’excédent d’excès de surface libéré par le

cisaillement n’est apparemment pas entièrement consommé par l’interaction verre-membrane,

3.3. AUTRES EXPÉRIENCES 117

0.4

0.6

0.8

1

1.2

1.4

1.6

1.8

2

0 5 10 15 20 25 309.6

9.8

10

10.2

10.4

10.6

10.8

11

11.2

11.4

F (Hz)

(µm)R ()εR (•)

(10−3)

Figure 3.16 –Évolution deεR (•) et deR () avec la fréquence (F )

et l’amplitude des fluctuations dans cette zone est donc augmentée.

Notons que nous avons calculé les spectres de fluctuations dans la zone proche du substrat,

en tenant compte de l’ensemble des précautions nécessaires citées dans le chapitre précédent. Il

faut noter que la zone de contact verre-membrane est peu étendue, ce qui limite le domaine de

vecteurs d’onde accessibles. Les spectres que nous avons calculés sont apparus peu différents

les uns des autres, ne permettant pas de conclure de façon nette comme c’est le cas ci-dessus.

Cisaillement à tension constante

Une deuxième expérience a consisté à observer en mode RICM une vésicule maintenue lé-

gèrement aspirée dans une micropipette, en fonction des conditions de cisaillement. Nous nous

plaçons ici dans la configuration des expériences dites à tension constante, décrites dans la

section précédente. Dans cette expérience, l’augmentation du taux de cisaillement a pour effet

d’augmenter la longueurL aspirée dans la micropipette. La figure 3.17 montre l’évolution ty-

pique de la figure d’interférences RICM pour trois valeurs croissantes du taux de cisaillement,

la première image étant celle de la vésicule aspirée au repos. Notons que la vésicule non aspirée

(non montrée ici) présente une surface de contact plus importante et plus fluctuante, similaire à

118 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

la première image de la figure 3.15.

(a) γ = 0s−1 (b) a=1µm,γ=1, 1.10−3s−1

(c) a=2µm,γ=2, 1.10−3s−1 (d) a=3µm,γ=3, 1.10−3s−1

Figure 3.17 –Vésicule sous tension constante (σ=1, 7.10−6N/m) et sous cisaillement (barre=5µm)

D’un point de vue qualitatif, on observe une différence flagrante d’évolution avec le cisaille-

ment, en comparaison avec le cas de la vésicule libre, présenté ci-dessus. Le rayon du premier

anneau semble diminuer ici avec le cisaillement. L’évolution quantitative des deux grandeurs

R et εR est présentée sur la figure 3.18. Le rayon moyenR diminue effectivement avec le taux

de cisaillement, mais d’une quantité assez faible de l’ordre de 10%. L’écart quadratique moyen

des fluctuations du rayon du premier anneau, par rapport àR, reste quant à lui relativement

constant.

Tentons d’interpréter ces résultats : dans cette configuration expérimentale, nous prédisons

3.3. AUTRES EXPÉRIENCES 119

0.6

0.8

1

1.2

1.4

1.6

1.8

2

0 0.001 0.002 0.0035

5.5

6

6.5

7

7.5

8

γ (s−1)

(µm)R ()εR (•)

(10−3)

Figure 3.18 –Évolution deεR (•) et deR () avec le taux de cisaillement (γ)

que l’excès de surface libéré par le cisaillement est aspiré dans la micropipette, car la vésicule

est soumise à une tension constante. En situation idéale, aucun excédent d’excès de surface ne

devrait apparaître au voisinage du substrat. En revanche, l’excès de surface global diminue avec

le taux de cisaillement et l’on s’attend à une diminution des deux grandeursR etεR avec le taux

de cisaillement. Nos observations sont partiellement en accord avec cette prédiction, puisque

l’on n’observe pas de diminution notable deεR. Cela pourrait signifier que la situation vraie

n’est pas aussi idéale qu’on le suppose : si une grande partie de l’excès de surface libéré va

bien dans la micropipette, l’interaction substrat-membrane pourrait bien être à l’origine d’une

récupération partielle de cet excédent de surface.

Succion sous cisaillement

La dernière expérience que nous avons effectuée en mode RICM est l’expérience classique

de succion, en présence d’un cisaillement constant. Dans ces conditions, nous savons que la

vésicule présente un comportement fluctuant de type Helfrich, mais avec un module de courbure

apparent plus faible que celui attendu.

La figure montre l’évolution typique des figures d’interférence au cours d’une telle expé-

120 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

rience. D’un point de vue qualitatif, les figures d’interférence évoluent avecγ de façon similaire

au cas de l’expérience de succion en l’absence de cisaillement (cf. paragraphe 2.3.4). On ob-

serve bien une diminution du rayon moyen du premier anneau, et donc de la surface de contact

verre-membrane, caractéristique de l’augmentation de tension imposée au cours de l’expérience

de succion. La figure 3.20 donne l’évolution des deux paramètresR et εR avec la tension.

(a) Vésicules libre (b) σ=9, 4.10−6N/m

(c) σ=1, 6.10−5N/m (d) σ=2, 4.10−5N/m

Figure 3.19 –Expérience d’aspiration sous cisaillement àγ=5.10−3s−1(barre=5µm)

3.4. DYNAMIQUE DE MIGRATION DES FLUCTUATIONS 121

0

0.2

0.4

0.6

0.8

1

0 1e−05 2e−05 3e−058

9

10

11

12

13

14

σ (N/m)

(µm)R ()εR (•)

(10−3)

Figure 3.20 –Évolution deεR (•) et deR () avec la tension de la membrane (σ)

3.4 Dynamique de migration des fluctuations

Au cours d’une expérience de cisaillement d’une vésicule sous tension, le temps typique de

mise à l’équilibre après une modification des conditions de cisaillement ou de tension, est de

l’ordre de la seconde. Cela correspond typiquement à l’ordre de grandeur du temps mis par une

vésicule non cisaillée, pour atteindre son équilibre lors d’un changement de tension latérale.

Ainsi, une membrane sous tension atteint sa surface d’équilibre avec la même célérité, qu’elle

soit cisaillée ou non. Cependant, l’analyse de nos expériences de cisaillement de vésicules sous

tension, en termes de module de courbure effectif, a mis en évidence l’existence d’un temps

caractéristiqueτ0, de l’ordre de 150 secondes (cf. paragraphe 3.2.2). Nous apportons ici un

élément supplémentaire, qui pourrait nous aider dans notre recherche de la compréhension des

mécanismes mis en jeu lors du lissage des fluctuations.

Nous avons caractérisé le temps typique de mise à l’équilibre des fluctuations d’une vésicule

libre, lorsque les conditions de cisaillement sont modifiées. Dans ces expériences, une vésicule

repose librement sur le fond de la cellule, le fluide étant au repos. La vésicule est filmée en

mode RICM tout au long de l’expérience. Le cisaillement est enclenché et laissé pendant plu-

122 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

sieurs minutes, jusqu’à ce qu’aucune modification qualitative de la figure d’interférence ne soit

décelable. Puis le cisaillement est interrompu, et l’enregistrement des images maintenu pendant

encore plusieurs minutes, jusqu’au retour à un nouvel équilibre. La figure 3.21 montre quatre

images typiques de nos expériences. L’image 3.21(a) correspond à la vésicule non cisaillée,

avant l’expérience. Le cisaillement est enclenché à l’instantt0. L’image 3.21(b), représente la

vésicule àt0 + 2 minutes. Le cisaillement est interrompu àt0 + 3 minutes. L’image 3.21(c)

a été prise àt0 + 7 minutes ; cette image est qualitativement comparable à la figure 3.21(b).

L’image 3.21(d) a été prise àt0 + 8 minutes, et la vésicule montre cette fois une apparence

similaire à son apparence avant le cisaillement. Nous avons analysé les fluctuations du rayon

du premier anneau d’interférence. La figure 3.22 montre les évolutions du rayon moyenR de

l’anneau et de l’écart quadratique moyenεR. L’état initial des fluctuations est bien recouvré à la

fin de l’expérience. Ces expériences de relaxation semblent bien montrer l’existence d’un temps

de l’ordre de quelques minutes, comparable au temps caractéristiqueτ0 mesuré dans la section

précédente.

3.5 À la recherche d’artefacts

Un souci majeur au cours de cette étude a été de s’assurer que les asymétries des lignes de

courant, qui sont générées par la présence de la micropipette d’une part, et du substrat d’autre

part, ne sont pas à l’origine d’un effet de pression hydrostatique, qui pousserait la vésicule

dans la micropipette. Nous avons déjà vu dans la section précédente, que la direction de ci-

saillement, parallèle ou perpendiculaire à l’axe de la micropipette, n’a pas d’influence sur nos

résultats. Nous avons également reproduit l’expérience de cisaillement sous tension, dans deux

configurations expérimentales particulières, qui rendent plus symétrique l’environnement de la

vésicule.

Dans un premier montage, nous avons amené une deuxième micropipette à quelques microns

de la vésicule, de telle sorte qu’elle se situe de l’autre côté de la vésicule, dans l’axe de la

micropipette reliée au circuit d’aspiration. La figure 3.23 montre le dispositf. Cette deuxième

micropipette, remplie également de la solution de glucose environnante, est ouverte sur l’air,

et le liquide qu’elle contient est donc à la pression atmosphérique. Nous avons réalisé dans

cette configuration expérimentale, des expériences de succion à cisaillement constant, ainsi que

des expériences dite à tension constante. Chaque type d’expérience a été reproduit une dizaine

de fois, afin d’obtenir une moyenne significative. Le tableau 3.1 récapitule nos résultats, et les

compare aux valeurs obtenues pour les vésicules en configuration asymétrique traditionnelle :

3.5. À LA RECHERCHE D’ARTEFACTS 123

(a) Vésicule au repos (b) Sous cisaillement

(c) arrêt + 4mn (d) arrêt + 5mn

Figure 3.21 –Vésicule avant, pendant, et après le cisaillement (barre=2µm)

les mesures dekappc et dedα/dγ sont tout à fait comparables entre elles.

Dans un deuxième montage, le bras relié au module piézoélectrique porte à son extrémité une

bille de diamètre 1 mm, et non plus une lame de verre. La vésicule aspirée dans la micropipette

est alors montée à une altitude de plus de 500µm, de façon à se trouver en regard de la bille,

c’est à dire dans son plan équatorial. La distance vésicule-bille est fixée à environ 100µm. Le

module piézoélectrique est monté de telle façon que la bille oscille dans le plan horizontal, dans

la direction perpendiculaire à l’axe de la micropipette. Dans cette configuration, nous avons

réalisé une série d’expériences de succion à cisaillement constant. Le tableau 3.1 récapitule

nos résultats : là aussi, le modulekappc est tout à fait comparable à sa valeur obtenue de façon

124 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

1

1.5

2

2.5

3

3.5

4

4.5

5

5.5

6

6.5

2.9

3

3.1

3.2

3.3

3.4

3.5

3.6

3.7

3.8

3.9

4

repos

cisaillement

arrêt+30sarrêt+5mn

arrêt+6mn

EcartsDiamètres

(µm)R ()εR (•)

(10−3)

Figure 3.22 –Évolution deεR (•) et deR () avec le temps

"traditionelle" (cf. figure 3.11).

Ainsi, les tests ci-dessus confortent nos résultats précédents, ce qui représente un argument

fort de validation de l’existence d’un mécanisme d’interaction entre le cisaillement et les fluc-

tuations de la membrane. Néanmoins, ces deux types d’expérience, correspondant chacun à une

configuration plus symétrique, sont d’une mise en oeuvre très laborieuse, et ne peuvent être

utilisés comme une technique courante.

Figure 3.23 –Configuration de l’expérience

3.6. DISCUSSION 125

Tableau 3.1 –Comparaison des résultats dans différentes configurations expérimentales

Technique utilisée dα/dγ àσ constante kappc à γ constant

technique traditionelle [0.1 .. 1] 11kBTdeux micropipettes 1.18 6.5kBTsoulèvement - 12.7kBT1 micropipette, cisaillement "parallèle" [0.1 .. 1] 6.6kBT

3.6 Discussion

Dans ce chapitre, nous avons montré pour la première fois qu’une vésicule placée dans un

écoulement de cisaillement alternatif subi une modification quantifiable de l’excès de surface

consommé par ses fluctuations, une modification qui implique l’existence d’un changement

correspondant dans le spectre des fluctuations de la vésicule. L’effet se traduit, en présence du

cisaillement, par une succion accrue de la vésicule dans la micropipette, dans des expériences

à pression d’aspiration constante, ou par un ramollissement apparent de la vésicule lors d’une

expérience classique d’aspiration. Cet effet est très robuste. Il est en particulier indépendant

des détails de l’écoulement tels que ceux induits par le voisinage d’une paroi, par la direction

de l’écoulement ou encore par l’asymétrie du champ de vitesses. L’ensemble de nos résultats

de micromanipulation peut être compris et analysé de façon cohérente si nous admettons que

la relation constitutive d’Helfrich qui relie l’excès de surface et la tension de la membrane est

modifiée en présence de cisaillement :

A− A0

A0

=

(A− A0

A0

)γ=0

+ F (γ, σ)

La contribution du cisaillement à l’excès de surface doit être linéaire en fréquence ou en taux

de cisaillement, mais avoir aussi une variation linéaire, de pente négative, avec le logarithme

de la tension. La linéarité en fréquence est nécessaire à l’explication des résultats concernant

la modification de l’excès de surface à tension constante. La variation logarithmique et son

signe sont requis par l’existence d’un module de courbure apparent plus faible lors d’une expé-

rience classique d’aspiration en présence d’un cisaillement. La variation du module apparent en

fonction du taux de cisaillement est conforme à la variation linéaire en fréquence de ce terme

correctif de la loi d’Helfrich. Nous allons voir par la suite que cet effet ne peut pas être com-

pris, ni qualitativement ni quantitativement dans le cadre des théories existantes sur les effets de

126 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

cisaillement dans les systèmes de membranes, et nous proposons une explication alternative.

La contribution théorique la plus pertinente pour la confrontation avec nos résultats expé-

rimentaux est celle d’Udo Seifert [76]. Cet auteur décrit une vésicule isolée dans un solvant

soumis à un courant de cisaillement, avec les mêmes caractéristiques à l’infini que celles de

l’écoulement décrit au paragraphe 2.4.3. Dans ce travail, l’auteur considère un écoulement sta-

tionnaire, qui devrait pouvoir décrire notre configuration aux basses fréquences. Contrairement

au cas de la sphère solide que nous avons traité, l’écoulement est décrit à l’extérieur et à l’in-

térieur de la vésicule, avec les conditions de continuité appropriées sur la paroi. Ces conditions

prennent en compte non seulement l’absence de glissement sur la membrane, son imperméabi-

lité, mais aussi la balance entre les forces d’origine visqueuse et les forces dues à l’élasticité de

la membrane. La tension de la membrane est désormais une quantité locale, car les contraintes

tangentielles d’origine visqueuse doivent être équilibrées par les gradients de tension dans la

membrane, un effet connu en capillarité sous le nom d’effet Marangoni. Cet auteur présente

aussi la tension effective mesurableσ comme la composante homogène de la tension dans la

membrane. Il en résulte une relation d’Helfrich modifiée qui s’écrit :

A− A0

A0

=

(A− A0

A0

)γ=0

+ 2χ2

0.19(6 +

σR20

kc

)2

+ χ2

où χ = γτkc est le paramètre contrôlant l’intensité du cisaillement. Ce paramètre compare le

taux de cisaillementγ au temps le plus long de relaxation hydrodynamique de la membrane

τkc . Pour des valeurs très petites deχ, la relation d’Helfrich reste pratiquement inchangée. Pour

des valeurs deχ 1, l’excès de surface à tension constante augmente avec le cisaillement (cf.

figure 3.24). Dans ce modèle ,la vésicule se déforme sous cisaillement suivant le mode de défor-

mation ellipsoïdal correspondant au model=2. Cette prédiction se situe à l’opposé de nos résul-

tats expérimentaux, qui montrent que la membrane sous cisaillement, à tension constante, réduit

son excès de surface. En outre, cette variation est quadratique en taux de cisaillement. Nous rap-

pelons aussi que les temps caractéristiques obtenus expérimentalement ne correspondent pas au

temps de relaxation qui est, pour nos vésicules, de l’ordre de 0.1s. La contribution du cisaille-

ment (équation 3.6) n’a pas non plus la forme logarithmique escomptée. Néanmoins, si l’on

considère que les expériences sont faites dans une section de la relation constitutive approxi-

mativement logarithmique, on constaterait, comme dans nos expériences, une pente plus raide

dans cette relation. En présence du cisaillement, la référence [76] prédit donc que la vésicule

devrait sortir de la micropipette, tout en présentant un module de courbure apparent plus petit.

3.6. DISCUSSION 127

1 1.5 2 2.5 3

3

4

5

6

7

8

σ

∆A

Figure 3.24 –Évolution de l’excès de surface avec la tension: la fonction d’Helfrich est en noir, etcelle de Seifert est en gris

La proposition de modification de la relation constitutive d’Helfrich s’affranchit de l’analyse

détaillée des mécanismes physiques mis en jeu dans ce système. Nous discutons maintenant les

limites de cette proposition pour nos conditions expérimentales. La difficulté conceptuelle la

plus sérieuse est l’interprétation des mesures de position d’équilibre de la vésicule et de pres-

sion en termes d’un seul paramètre, la tension de surface. En effet, le bilan précis des forces en

jeu sur la membrane requiert une tension locale, tension qui assume donc une gamme de valeurs

dépendantes de la distribution des contraintes visqueuses. Pour une surface plate, nous aurions

par exempleΠxy = dσ/dx. Soumise à un cisaillement, une membrane développerait une ten-

sion plus grande en amont du courant et plus petite en aval. Dans notre géométrie, on peut

supposer que la tension locale dans la membrane est, lors d’un cycle de cisaillement, maximale

dans la face exposée à l’écoulement, et qu’elle diminue jusqu’à la face opposée. La présence de

la paroi peut rendre bien sûr cette variation asymétrique entre le haut et le bas de la vésicule. Il

est alors normal de se demander si ces inhomogénéités de tension sont directement responsables

de l’effet observé, en exposant par exemple l’entrée de la micropipette à une région de tension

plus basse. Une estimation simple des écarts de tension donne∆σ ' ηγR ' 10−10N.m−1, va-

leur bien inférieure aux tensions typiques de travail. On peut aussi comparer les contraintes

visqueuses typiques∆Π ' ηγ ' 10−5 − 10−6Pa, aux plus petites différences de pression me-

128 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

surées∆P ' 10−2Pa. Nous avons,∆P ∆Π et ces effets Marangoni ne peuvent donc pas

expliquer directement les effets observés.

Le couplage entre l’écoulement et la membrane a donc comme conséquence une modification

du spectre de fluctuations de la membrane. Nous avons vu que, dans la référence [76], que

ce couplage ne change, pour des raisons de symétrie d’écoulement, que le mode ellipsoïdal

l=2. Bien sûr, dans un écoulement de structure plus complexe, les effets d’inhomogénéité de

contrainte peuvent induire une distribution non-triviale des différents modes fluctuants. En écho,

la structure de la fonction de corrélation des hauteurs dans la membrane se trouvera modifiée,

mais toutes les descriptions, basées uniquement sur le couplage entre l’énergie de courbure et

le courant dans le solvant, aboutiront à des temps caractéristiques de l’ordre de10−1s et des

déformations contrôlées parχ.

L’effet des écoulements de cisaillement sur les membranes a aussi été discuté dans un contexte

proche de celui des transitions de phase. L’idée centrale de ces descriptions est que le paramètre

d’ordre pertinent de la description est couplé par convection à l’écoulement. La dynamique fluc-

tuante de ce paramètre d’ordre se trouve donc modifiée, et le spectre des fluctuations perd les

composantes trop lentes qui ne sont pas relaxées avant que la convection les déplace de façon

significative. Par exemple, pour les transitions dans les mélanges liquides, la phase qui est en

train de former de petites gouttes par nucléation, se trouve détruite par déformation excessive de

cette goutte. L’effet contraire est aussi observé de façon plus subtile pour les transitions ordre-

désordre faiblement du premier ordre, où le cisaillement induit la transition en réduisant l’effet

des fluctuations qui la retardait. Ce type de description a été adapté pendant les dix dernières

années à l’étude des phases lamellaires et récemment revu par Olmsted [130]. À notre connais-

sance, il n’a jamais été exploité pour les vésicules. Du point de vue expérimental, une étude

concernant le cisaillement de phases lamellaires diluées [92] montre que le cisaillement a pour

effet de diminuer l’amplitude des fluctuations des membranes. La configuration expérimentale

de cette étude est certes différente de la nôtre, puisque chaque membrane de la phase lamellaire

interagit de façon stérique avec ses proches voisines, alors que dans notre cas, la membrane est

seule et n’interagit qu’avec le fluide. Néanmoins, il est intéressant de noter que l’excès de sur-

face des lamelles varie typiquement de 1% pour une contrainte mesurée de 0.001 Pa. Cet ordre

de grandeur est à comparer avec notre mesure de∂dα/∂dγ, qui vaut typiquement 1 (cf. figure

3.9), ce qui signifie qu’une contrainte de cisaillementσ = 4.10−5 Pa est suffisante pour dé-

plier 1% des fluctuations. Dans notre configuration, un effet du type "transition de phase" peut

aussi être présent. En effet, les inhomogénéités des contraintes provoquent sur la membrane

des champs d’écoulement. Une membrane incompressible mais fluide verra se développer des

3.6. DISCUSSION 129

champs de cisaillement dans le plan de la membrane. Ce cisaillement aura comme conséquence

la modification profonde du spectre de fluctuation de la membrane, car en déplaçant certaines

parties de la membrane par rapport à d’autres on détruit la cohérence spatiale des mouvements

fluctuants.

130 CHAPITRE 3. CISAILLEMENT DE VÉSICULES GÉANTES

CHAPITRE 4

Modification de membranes fluides

131

132 CHAPITRE 4. MODIFICATION DE MEMBRANES FLUIDES

Sommaire

4.1 Interaction membrane lipidique - gliadine . . . . . . . . . . . . . . . . . .133

4.1.1 La famille des gliadines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .133

4.1.2 Vésicules mixtes DOPC-gliadine . . . . . . . . . . . . . . . . . . .135

4.2 Associationα-cyclodextrine / PEG . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .137

4.2.1 Stabilisation des liposomes par des PEG . . . . . . . . . . . . . . . .137

4.2.2 Les propriétés complexantes des cyclodextrines . . . . . . . . . . . .139

4.2.3 Association entre laα-cyclodextrine et les PEG greffés sur des GUV142

4.2.4 Effet de laα-cyclodextrine sur des MLV . . . . . . . . . . . . . . . .148

4.1. INTERACTION MEMBRANE LIPIDIQUE - GLIADINE 133

Dans le chapitre précédent, nous avons montré que les interactions entre les écoulements

hydrodynamiques et les vésicules géantes conduisaient à des changements importants dans le

comportement fluctuant des vésicules. Nous avons pour cela développé un rhéomètre à micro-

pipette, mais souhaitions aussi explorer les modifications possibles de la composition membra-

naire et de son environnement proche, qui pourraient augmenter ou réduire le couplage entre

la membrane et son environnement. Ce chapitre présente quelques exemples de modifications

membranaires. Les effets observés en l’absence de cisaillement se sont révélés très importants

au point de vue de leurs applications potentielles. Nous avons donc décidé d’explorer ces effets.

L’observation sous cisaillement de ces systèmes fera l’objet de travaux ultérieurs. Nous avons

traité deux cas : dans la section 4.1, nous mettons en évidence l’interaction entre une protéine

hydrophobe et une membrane lipidique ; puis, dans la section 4.2, nous observons les effets de

la complexation de chaînes polymère greffées sur une vésicule.

4.1 Interaction membrane lipidique - gliadine

4.1.1 La famille des gliadines

Au sens strict du terme, le gluten est la masse protéique restante après extraction de l’amidon

des céréales. Il s’agit en fait d’un mélange de nombreuses protéines classées en deux groupes :

les prolamineset lesglutenines. Les prolamines sont des protéines monomériques solubles

dans des solutions alcooliques, alors que les glutenines sont des protéines polymériques. Les

gliadines sont classées en 4 catégories :α, β, γ et ω. Les trois premières sont plus riches en

élément soufre que la gliadine-ω. On les différencie en général par leur mobilité sur un gel

acide de polyacrylamide. Leur masse moléculaire et leurs dimensions sont reportées dans le

tableau 4.1.

Tableau 4.1 –Quelques propriétés des gliadines [132]

GliadineMasses moléculaires

(g/mol)Dimensions

(nm)

gliadine-α 31 000 11.7 x 3.1gliadine-β 31 000 11.7 x 3.1gliadine-γ 33 000 12.5 x 3.2gliadine-ω 44 000 - 74 000 15.4 x 3.2

134 CHAPITRE 4. MODIFICATION DE MEMBRANES FLUIDES

Les gliadines sont étudiées depuis plusieurs décennies dans deux domaines distincts :

• les gliadines sont présentes en grande quantité dans les farines de céréales. Dans le domaine

de la fabrication du pain, l’optimisation des propriétés mécaniques de la pâte à pain passe entre

autres par la maîtrise de la stabilité de la pâte, qui est une mousse. Les gliadines jouent un rôle

important dans cette stabilité car elles sont tensioactives et s’adsorbent aux interfaces [132–

136]. Comprendre l’influence de chacune des gliadines sur les propriétés de la pâte permettrait

ensuite de sélectionner les farines utilisées.

• les gliadines font aussi l’objet de nombreux travaux de recherche médicale. C’est en 1953

que fut découverte l’implication du gluten dans la maladie coeliaque. Cette maladie est considé-

rée comme une hypersensibilité digestive qui engendre une réponse immunitaire inappropriée

aux protéines du gluten. La cause en serait l’activation d’une réaction auto-immunitaire dans

la muqueuse intestinale lors du passage de la gliadine, qui provoquerait une inflammation de

la paroi intestinale. Les conséquences sont une atrophie des villosités (cf. fig 4.1) et une aug-

mentation de la perméabilité de la paroi [137, 138]. C’est surtout le gluten de blé, de seigle,

d’orge, et, dans une moindre mesure, d’avoine qui sont incriminés. Si la maladie se déclenche

en général chez des sujets prédisposés génétiquement, d’autres facteurs infectieux, viraux, ou

bactériens pourraient intervenir. La prévalence de la maladie coeliaque est très variable d’un

pays à l’autre (1personne/100 aux U.S.A., 1/300 en Europe), elle atteint surtout les sujets de

race blanche, et elle est 3 fois plus fréquente chez la femme. Le traitement repose sur un ré-

gime très contraignant mais efficace d’exclusion du gluten de l’alimentation. On soupçonne

aussi que l’introduction trop précoce du gluten dans l’alimentation de l’enfant favoriserait le

déclenchement de la maladie.

À ce jour, aucune distinction particulière n’est faite entre les 4 gliadines. L’interaction entre

la gliadine et la membrane cellulaire semble être à l’origine de la réaction immunitaire, soit par

reconnaissance moléculaire de la gliadine par une protéine membranaire, soit par une modifica-

tion locale des propriétés mécaniques de la membrane lorsque la gliadine se trouve au voisinage

de la membrane. Récemment, une interaction entre la protéine et un film lipidique a été mise en

évidence [136].

Le but de nos expériences est d’étudier l’interaction entre la gliadine et la membrane phos-

pholipidique d’une vésicule géante. Nous avons montré, pour la première fois, qu’on pouvait

incorporer la protéine dans la membrane d’une vésicule géante, et nous avons caractérisé la dé-

pendance du module de courbure de la membrane avec la quantité de gliadine incorporée ; seul

le cas du DOPC a été étudié.

4.1. INTERACTION MEMBRANE LIPIDIQUE - GLIADINE 135

Figure 4.1 –Endommagement de la paroi intestinale chez les sujets atteints de la maladie coeliaque[138]

4.1.2 Vésicules mixtes DOPC-gliadine

Nous avons cherché à préparer des films lipidiques incorporant diverses quantités de glia-

dine, afin d’obtenir, par la méthode d’électroformation (cf. section 2.1), des vésicules géantes

incorporant la gliadine dans la membrane.

Comme nous l’avons vu précédemment, la gliadine étant une prolamine, elle ne se dissout

que dans une solution alcoolique. Nous avons réalisé divers mélanges de solution alcoolique de

gliadine et de solution chloroformée de DOPC, à partir desquels nous avons formé des films

sur des lames d’ITO. L’observation au microscope des vésicules électroformées à partir de ces

films a permis de valider leur protocole de préparation. Notamment, des vésicules d’un diamètre

moyen de 40 microns ont pu être obtenues pour lesquelles aucune différence avec des vésicules

purement lipidiques n’a été observée au cours de la croissance. Le protocole utilisé est décrit

en Annexe B. D’autre part, des vésicules purement lipidiques ont été préparées avec les mêmes

136 CHAPITRE 4. MODIFICATION DE MEMBRANES FLUIDES

mélanges de solvants afin de s’affranchir de leur effet. Ces vésicules serviront de référence.

Nous avons mesuré le module de courbure des vésicules issues de films mixtes DOPC-

gliadine par des expériences d’aspiration dans une micropipette. Les valeurs dekc obtenues

pour trois concentrations massiques sont reportées sur la figure 4.2. Nous rapportons égale-

ment sur cette figure les mesures du module de courbure de vésicules purement lipidiques, pour

lesquelles les films ont été préparés à partir de solutions de DOPC dans les mêmes mélanges

de solvants alcool-chloroforme déjà utilisés pour la formation des vésicules mixtes. Pour ces

vésicules, on constate que le module de courbure a tendance à diminuer légèrement avec la

proportion d’éthanol dans le mélange éthanol-chloroforme ; ceci est en accord avec les résul-

tats obtenus par M.Longo avec des vésicules de SOPC [139]. Cette diminution du module de

courbure serait due à l’augmentation de la surface occupée par les molécules lipidiques.

10

15

20

25

30

35

40

45

50

55

60

0 % 5 % 10 % 15 %

0 % 1 % 2 % 3 %

k c (

k BT

)

Taux d’éthanol en volume dans la solution de DOPC (symboles)

Taux de gliadine en masse dans les vésicules (symboles•)

Figure 4.2 – Évolution du module de courbure :• : vésicules de DOPC chargées en gliadine oùles concentrations massiques en gliadine dans les vésicules sont comprises entre 0 et 3% ; : vési-cules de DOPC seul où les concentrations volumiques en éthanol dans la solution de DOPC sontcomprises entre 0 et 15%

La faible variation du module de courbure des vésicules de DOPC préparées en solvant mixte

4.2. ASSOCIATION α-CYCLODEXTRINE / PEG 137

indique clairement que la variation importante observée dans le cas des vésicules mixtes est

un effet direct de la présence de gliadine dans la membrane. Sur la figure 4.2 on observe une

augmentation importante du modulekc avec le taux de gliadine incorporée. Jusqu’à 2% de

gliadine, la valeur dukc est multipliée par 2.5. Au-delà de cette concentration seuil, le module

de courbure sature à 50kBT.

Cette saturation semble montrer qu’une quantité limitée de gliadine peut être incorporée à la

bicouche lipidique. Ces résultats mettent en évidence une interaction forte entre la gliadine et la

bicouche lipidique. La gliadine étant hydrophobe on pense qu’elle peut s’insérer dans la partie

hydrophobe de la membrane, donc entre les deux feuillets lipidiques, ce qui aurait pour effet de

rigidifier la membrane. Le fait qu’un palier existe au delà de 2% à 3% de gliadine(cf. figure 4.2)

ne permet pas, en revanche, d’affirmer que la gliadine ne se solubilise plus dans la membrane au

delà de cette concentration. D’autres techniques expérimentales sont nécessaires pour clarifier

ce point.

Ainsi, ces résultats préliminaires montrent bien qu’il existe une interaction entre la gliadine

et une membrane lipidique. Ce résultat est important et devrait par exemple être pris en compte

dans la recherche des mécanismes à l’œuvre dans la maladie coeliaque.

4.2 Associationα-cyclodextrine / PEG

4.2.1 Stabilisation des liposomes par des PEG

Nous avons vu dans la section 1.2 que depuis leur découverte au début des années 1960 par

Bangham, les liposomes ont été très étudiés, notamment pour leur intérêt potentiel dans le do-

maine du transport de molécules actives et de la libération contrôlée. Néanmoins, ce n’est que

lorsqu’on a pu éviter leur destruction par le système immunitaire que les premiers médicaments

à base de liposomes se sont vraiment développés. À la fin des années 80, il a été prouvé que

des vésicules d’une composition particulière pouvaient circuler pendant plusieurs heures dans

un organisme vivant sans être détectées ni détruites par le système immunitaire [53] . Ces li-

posomes ont été appelés "liposomes furtifs" et leur découverte a constitué une grande avancée

dans le transport in vivo de molécules actives. Cette furtivité est obtenue par l’incorporation

à la membrane d’une chaîne polymère hydrophile [140–142]. En général, cette chaîne poly-

mère est greffée sur la tête polaire d’une molécule lipidique. Un polymère souvent utilisé est

le polyéthylène glycol (PEG) où la chaîne de monomères polyoxyéthylène (POE) est terminée

138 CHAPITRE 4. MODIFICATION DE MEMBRANES FLUIDES

par un groupement glycol, mais d’autres polymères hydrophiles peuvent convenir. De plus, de

telles vésicules sont connues pour être particulièrement stables. Ces techniques de furtivité et

de stabilisation sont inspirées du savoir-faire de la stabilisation colloïdale. En effet, lorsqu’on

veut stabiliser des particules colloïdales suspendues dans une solution, on peut recourir à deux

mécanismes de stabilisation bien connus [143] :

– le premier est basé sur les forces électrostatiques : la stabilité est assurée par un équilibre

des charges électrostatiques des différents composants du milieu. Elle dépend de la force

ionique, de la taille des particules, . . .

– le second mécanisme est basé sur la répulsion stérique. En attachant de longues chaînes

flexibles de polymères à la surface d’un vésicule, on lui crée une sorte de couronne pro-

tectrice. Les chaînes polymères de plusieurs liposomes ont tendance à se repousser afin de

réduire l’énergie associée à une trop grande proximité des chaînes. Les liposomes restent

donc isolés les uns des autres et n’interagisssent pas. Ces mécanismes sont bien connus à

ce jour et une littérature abondante traite de ce sujet du point de vue théorique et expéri-

mental.

Si la solubilisation de molécules spécifiques dans des liposomes furtifs est relativement simple

à réaliser, un problème important concerne la libération rapide et contrôlée de ces molécules,

une fois leur cible atteinte. De nombreuses recherches sont menées actuellement dans le but de

mieux contrôler le déclenchement du processus de libération. Nous pouvons citer les principales

techniques existant à ce jour. Certaines sont basées sur l’utilisation d’ultra-sons. Il est connu

que des ultrasons d’intensité suffisamment forte déstabilisent des liposomes multilamellaires,

les cassent, et produisent des liposomes de taille plus restreinte [144, 145]. Mais la destruction

des liposomes à l’intérieur d’un organisme nécessite une forte énergie, ce qui peut provoquer la

destruction des cellules, en particulier des globules rouges. L’utilisation de liposomes sensibles

à la température est préconisée dans des cas bien particuliers, comme les tumeurs [146, 147] :

le liposome se détruit lorsque qu’il se trouve dans une zone tumorale où la température est plus

élevée que dans les zones saines. Enfin, des vésicules sensibles au pH semblent intéressantes,

là aussi dans le cas de tumeurs où le pH est plus acide que dans le reste de l’organisme [148].

Nous allons voir dans les paragraphes suivants que l’association d’une molécule organique bien

connue, laα-cyclodextrine, et de vésicules greffées de chaînes polymères, conduit à des résul-

tats similaires.

4.2. ASSOCIATION α-CYCLODEXTRINE / PEG 139

4.2.2 Les propriétés complexantes des cyclodextrines

Les cyclodextrines ont été isolées pour la première fois en 1891, mais ce n’est qu’en 1904

que leur structure cyclique fut identifiée. Elles sont le résultat de la dégradation de l’amidon par

une enzyme, la glycosyl transférase, produite par une bactérie (Bacillus macerans) [149]. Dans

ce processus, la rupture de la molécule d’amidon est suivie d’une cyclisation intramoléculaire

[150].

Les cyclodextrines sont donc des oligosaccharides constitués de 6, 7 ou 8 molécules de glu-

cose assemblées en cycle appelés respectivementα, β, etγ. La structure générale des cyclodex-

trines et la formule chimique de laα-cyclodextrine qui nous intéressera plus particulièrement

par la suite sont représentées sur la figure 4.3.

(a) Formule chimique de laα-cyclodextrine (b) Configuration spatiale : n=6 :α, n=7 :β,n=8 :γ

Figure 4.3 –Structure des cyclodextrines

Chaque cycle est en conformation "chaise", ce qui donne à l’ensemble de la molécule une

forme de cône tronqué (cf. figure 4.4) où les groupements hydroxyles primaires forment la base

étroite, et les groupements hydroxyles secondaires forment la base large.

Cette forme de cône permet à la cyclodextrine de s’associer avec une molécule ou un groupe

moléculaire non polaire : la molécule ou le groupe moléculaire se place dans la cavité de la

cyclodextrine. La complexation au sens chimique concerne une association de molécules où il

y a une liaison covalente entre la cyclodextrine et la molécule associée (cf. figure 4.7).

140 CHAPITRE 4. MODIFICATION DE MEMBRANES FLUIDES

0.8 nm

hydroxyles primaires hydroxyles secondaires

cavité 1.5 nm

OH

O

O

OH

OH

O

Figure 4.4 –Forme générale d’une molécule de cyclodextrine

Figure 4.5 –Complexation d’une molécule par la cyclodextrine

Les groupements hydroxyles des extrémités de la molécule la rendent hydrosoluble. Les faces

interne et externe du cône sont constituées de groupes C-H, ce qui rend l’intérieur du cône peu

polaire. Les cyclodextrines sont stables en milieu basique, mais placées dans un milieu acide,

elles sont dégradées et donnent du glucose.

Les cyclodextrines ne sont globalement pas toxiques. Elle peuvent cependant engendrer une

hémolyse1 si elles sont en trop grande concentration [151]. Á faible concentration, au contraire,

elles protègent les globules rouges de l’hémolyse provoquée par un choc osmotique ou une

élévation de température. Lesβ-cyclodextrines sont les plus toxiques, et lesα-cyclodextrines

sont les moins toxiques.

Les cyclodextrines peuvent modifier certaines propriétés des molécules qu’elles complexent

par une augmentation de leur solubilité, de leur stabilisation, ou une réduction de leur volati-

lité. . . Ces propriétés font des cyclodextrines des molécules très intéressantes dans l’industrie

alimentaire et pharmaceutique où elles sont utilisées pour stabiliser des additifs comme les co-

lorants, les arômes, les odeurs, les exhausteurs de goût. . .

1L’hémolyse est une destruction normale ou pathologique des globules rouges

4.2. ASSOCIATION α-CYCLODEXTRINE / PEG 141

La forme tridimentionelle des cyclodextrines leur permet de s’associer en formant des struc-

tures complexes mais thermodynamiquement stables. Quelques exemples de structure sont don-

nés sur la figure 4.6.

(a) Dimère (b) Caténane (c) Rotaxane

(d) Tube moléculaire de cyclodextrine

Figure 4.6 –Structures complexes formées par les cyclodextrines

Dans le cas des rotaxanes, la cyclodextrine est libre de tourner autour de la molécule qui la

traverse : il n’y a pas de liaison covalente. Dans le cas des caténanes, deux molécules cycliques

sont liées ensemble par des interactions faibles.

L’inclusion des molécules dans la cavité de la cyclodextrine dépend surtout de leurs interac-

tions hydrophobes. Certains polymères solubles dans l’eau mais contenant des parties hydro-

phobes permettent cette association et favorisent la formation d’une chaîne de molécules de

cyclodextrines "enfilée" autour de la chaîne. Parmi ces polymères, les chaînes de PolyOxyEthy-

lene (POE) sont de bons candidats et la structure résultante peut être représentée par le schéma

de la figure 4.7. Dans ce cas, tous les monomères peuvent être associés avec une molécule de

cyclodextrine à raison de 1 molécule pour 2 monomères.

L’un des travaux les plus récents concernant l’association entre laα-cyclodextrine et les POE

142 CHAPITRE 4. MODIFICATION DE MEMBRANES FLUIDES

O OO O

OOO O

OO

Figure 4.7 –Complexation d’une chaîne de POE par la cyclodextrine

a révélé qu’il était possible pour la cyclodextrine de complexer un polymère fixé à l’une de

ses extrémités [150]. Dans l’étude que nous présentons, nous avons cherché à complexer de la

α-cyclodextrine et des POE fixés sur la membrane d’une vésicule.

4.2.3 Association entre laα-cyclodextrine et les PEG greffés sur des GUV

Préparation des GUV

Les vésicules décorées de polymères sont préparées à partir d’un mélange de deux solutions

de phospholipide : le DOPC et le DOPE-PEG. La formule chimique du DOPE-PEG est repré-

sentée sur la figure 4.8. Sa partie hydrophobe est constituée de deux chaînes en C18, et sa partie

hydrophile est une chaîne de 44 monomères PEO portée par le groupement glycérol. Les pro-

portions utilisées lors du mélange sont telles que le DOPE-PEG représente 0.5% de la masse

totale de lipide en solution. Cette solution permet de produire rapidement des vésicules géantes

par électroformation. Il est à noter que les vésicules obtenues atteignent souvent des tailles su-

périeures à 80 microns de diamètre et que leur préparation est plus rapide (30mn à 1h) que pour

des vésicules de DOPC seul.

Figure 4.8 – Formule chimique du DOPE-PEG2000: les chaînes grasses ont la même structureque celles du DOPC (cf. figure 2.12(d))

4.2. ASSOCIATION α-CYCLODEXTRINE / PEG 143

Pour vérifier que les molécules de DOPE-PEG ont bien été incorporées à la bicouche de

DOPC, on a mesuré le module de courbure de ces vésicules. La valeur obtenue, 35kBT, est

bien différente de celle correspondant aux vésicules de DOPC pur (22kBT).

Environ 100µl de la solution contenant les vésicules sont transférés dans une petite cellule

d’observation constituée d’une lame de microscope et d’un espaceur en silicone.

On y ajoute 10µl d’une solution aqueuse d’un mélange 0.1M de sucrose et de 0.5% deα-

cyclodextrine. L’observation au microscope d’une vésicule géante nous révèle que son diamètre

diminue au cours du temps. Nous avons bien sûr vérifié au préalable que des vésicules de DOPC

pur ne sont pas affectées par la présence de cyclodextrine. Des images d’une même vésicule

enregistrées quelques temps après l’ajout deα-cyclodextrine sont présentées sur la figure 4.9

où t0 peut être considéré comme l’instant où la taille de la vésicule commence à diminuer. Il

se passe environ 1 minute entre le moment où l’on injecte la solution et le moment où l’on

observe un effet sur la vésicule. De plus, la membrane est très contrastée au départ et apparaît

sous la forme de deux traits, noir et blanc. Ce contraste est dû à la différence d’indice optique

des milieux extérieurs et intérieurs de la membrane. Au bout de quelques minutes, ce contraste

disparaît, ce qui s’explique par un mélange des solution interne et externe. Cela signifie que

des pores se sont créés dans la membrane, permettant une circulation des solutions à travers la

membrane.

Nous avons enregistré une succession d’images de la vésicule au cours du temps. Ces images

ont été analysées en mesurant le diamètre de la vésicule. Le résultat est reporté sur la figure 4.10

qui montre que la diminution du diamètre est constante au cours du temps.

Ces observations peuvent être interprétées comme une dislocation de la bicouche lipidique

due à la présence de cyclodextrine. On a vu précédemment que les cyclodextrines peuvent

former des assemblages complexes avec les chaînes de polymère comme les POE. Une telle

complexation modifierait la flexibilité de la chaîne polymère, ce qui induirait une modification

locale de l’élasticité et de la courbure de la membrane lipidique.

Nous avons répété cette expérience en variant la concentration de la solution deα-cyclodex-

trine de 0.5 à 1%, tout en maintenant constant à 0.5% le taux de DOPE-PEG dans les vésicules.

Pour chaque expérience, nous avons mesuré la taille des vésicules au cours du temps. L’évolu-

tion est linéaire dans tous les cas. Dans certains cas, au cours des premières minutes qui suivent

l’injection de la cyclodextrine, la taille de la membrane diminue par palier : elle reste constante

pendant plusieurs minutes, puis diminue subitement de plusieurs microns. Une explication pos-

sible de cette variabilité de comportement est qu’il faut sans doute quelques minutes pour que

144 CHAPITRE 4. MODIFICATION DE MEMBRANES FLUIDES

(a) vésicule initiale (b) t0 + 10mn

(c) t0 + 20mn (d) t0 + 30mn

(e) t0 + 40mn (f) t0 + 47mn

Figure 4.9 –Photographies d’une vésicule géante en présence deα-cyclodextrine (barre=20µm)

4.2. ASSOCIATION α-CYCLODEXTRINE / PEG 145

5

10

15

20

25

30

35

40

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

Dia

tre(

µm)

Temps (mn)

Figure 4.10 –Évolution de la taile d’une GUV en présence deα-cyclodextrine au cours du temps

10

20

30

40

50

60

70

80

90

0 5 10 15 20 25

pent

e D

iam

ètr

e / t

emps

Nombre d’expériences

Figure 4.11 –Vitesse de disparition des vésicules au cours du temps en fonction de la concentrationenα-cyclodextrine :N : 0.5% ; : 0.7% ; • : 0.8% ; : 0.9%

146 CHAPITRE 4. MODIFICATION DE MEMBRANES FLUIDES

la cyclodextrine se répartisse de façon homogène dans la solution. Dans tous les cas observés,

les vésicules finissent par disparaître totalement, et on n’observe plus que de petits débris de

membranes en suspension dans la solution. Les résultats de ces expériences sont illustrés sur

la figure 4.11 où chaque point représente pour une vésicule la vitesse de décroissance de son

diamètre, c’est-à-dire la pente des droites diamètre = f(t), telles que celle de la figure 4.10. Ce

résultat montre que la vitesse de disparition de la vésicule augmente très légèrement avec la

concentration deα-cyclodextrine dans la gamme de concentrations utilisée.

La concentration en DOPE-PEG dans la membrane est de 0.5% en masse, ce qui correspond

à un taux de couverture d’une molécule de DOPE-PEG pour 700 molécules de DOPC. Les

chaînes polymère sont donc diluées sur la surface de la membrane, et se trouvent dans le régime

"champignon". Dans ce régime, le polymère est ancré sur la surface de la membrane, et la

chaîne polymère a la forme d’une pelote. Il a été montré que le polymère exerce une force de

pression sur la membrane à laquelle il est fixé [152]. À chaque point de contact avec la surface,

le polymère exerce une pression qui dépend de son rayon de giration et de la distance au point

d’ancrage (cf. figure 4.13(a)).

Figure 4.12 –Complexation asymétrique des chaînes polymères ancrées sur la membrane par lesmolécules de cyclodextrine

Dans une bicouche décorée, les pressions exercées de part et d’autre se compensent puisque

les polymères sont également répartis sur chaque monocouche. Cette situation est totalement

différente lorsque la cyclodextrine se trouve au voisinage de la membrane. On a vu que les mo-

lécules de cyclodextrine complexent facilement les chaînes POE en s’enfilant autour des mono-

4.2. ASSOCIATION α-CYCLODEXTRINE / PEG 147

mères (cf. figure 4.7). Cette configuration, adoptée par les cyclodextrines donne au complexe

une forme de tube traversé en son milieu par la chaîne polymère. Les molécules de cyclodex-

trine forcent ainsi la chaîne polymère à se redresser et à adopter une configuration "en hérisson"

(cf. figure 4.12).

Dans ce cas, la pression exercée par le polymère sur la membrane est fortement réduite. Il y a

alors un déséquilibre entre les forces exercées par les polymères de la monocouche interne qui

se trouvent toujours en régime "champignon" et celles exercées par les polymères complexés

de la couche externe. Or, il a été montré qu’un ancrage asymétrique de macromolécules sur des

vésicules sphériques ou allongées engendre des modifications spectaculaires de la forme de ces

vésicules : on a observé notamment des bourgeonnements, l’apparition de perles, ou la torsion

de la membrane [69]. Il est plausible qu’un phénomène similaire soit en jeu dans notre cas. En

effet, nous observons une diminution continue de la taille de la vésicule jusqu’à sa disparition.

La figure 4.9 montre que des petits amas de phospholipides apparaissent au bout de 20 minutes à

la surface de la vésicule, initialement uniforme, et sur la dernière image, il n’y a plus qu’un amas

informe de phospholipide. Il est donc possible qu’au fur et à mesure que les chaînes polymère

sont complexées, la membrane de la vésicule se courbe localement jusqu’à former une petite

vésicule (cf. figure 4.13(b)). Ce phénomène se répétant sur toute la surface de la vésicule, il ne

reste enfin que ce petit amas de phospholipide observé.

0

F(r)

r

(a) avant la complexation (b) après la complexation

Figure 4.13 –Asymétrie des forces de pressions du polymère du part et d’autre de la membrane :lesfluctuations du polymères engendrent une force de pression sur la membrane ; lorsque la chaînede POE est complexée par la cyclodextrine (image de droite), elle se redresse, et n’exerce plus depression, ce qui entraîne une courbure locale de la membrane

Cette analyse semble expliquer les résultats observés. Concrètement, une telle destruction de

la membrane pourrait être utilisée dans le domaine de la libération contrôlée. Ce phénomène est

reproductible, facilement observable, utilise des produits biocompatibles et peu coûteux. Dans

le domaine de l’encapsulation, les liposomes utilisés sont le plus souvent des vésicules multi-

148 CHAPITRE 4. MODIFICATION DE MEMBRANES FLUIDES

lamellaires de petite taille, plus facile à produire. Nous avons donc réalisé la même expérience

avec des vésicules multilamellaires ancrant des chaînes polymère, et encapsulant une substance

détectable. L’objectif est d’une part de vérifier s’il y a aussi destruction de la membrane dans

le cas de multicouches, et d’autre part, si le colorant encapsulé est libéré dans le milieu en-

vironnant au fur et à mesure de la complexation des chaînes polymère par les molécules de

cyclodextrine. C’est ce que nous allons présenter dans le paragraphe suivant.

4.2.4 Effet de la α-cyclodextrine sur des MLV

Le principe de ces expériences est d’étudier la libération d’un colorant, la calcéine, encapsulé

dans des MLV de DOPC décorées de chaînes PEO et mises en présence deα-cyclodextrine.

Comme il est impossible d’observer ce phénomène au microscope, on utilisera la spectroscopie

UV-visible pour suivre au cours du temps la quantité de calcéine libérée dans le milieu. La

calcéine est un colorant jaune de masse molaire 622 g/mol et dont le spectre est présenté sur la

figure 4.14.

Figure 4.14 –Spectre d’absorption de la calcéine : maximum àλ=488 nm

4.2. ASSOCIATION α-CYCLODEXTRINE / PEG 149

Protocole expérimental

Les MLV sont obtenues en hydratant un film lipidique constitué d’un mélange de DOPC et

de DOPE-PEG, où ce dernier représente 1% de la masse totale de lipide. Le film lipidique est

hydraté avec une solution 0.1M de sucrose et de calcéine (1%). Ainsi, le colorant se trouve

encapsulé dans les MLV lors de leur formation. Le volume de la solution hydratante ajoutée est

telle que la concentration finale des MLV soit d’environ 1mg/ml.

La procédure utilisée ensuite pour préparer les suspensions de MLV dans le mélange glucose

+α-cyclodextrine est schématisée sur la figure 4.15. La solution-mère contenant les MLV est

divisée en plusieurs solutions-filles. Pour chacune d’entre elles, on remplace la solution dans

laquelle baigne les MLV par une solution de glucose, incolore. Cette opération se fait en centri-

fugeant pendant 5 mn chaque solution-fille, et en remplaçant peu à peu la solution surnageante

par la solution de glucose. À la fin de l’opération, les MLV qui contiennent la calcéine baignent

dans une solution incolore de glucose. Une dernière centrifugation permet de concentrer les

MLV dans le fond du tube et de retirer une grande partie de la solution de glucose. À chaque

solution-fille, on ajoute au tempst0 1ml d’une solution 0.1M d’un mélange de glucose et de

α-cyclodextrine (1%). Au bout d’un tempst variant de 5 à 60 mn, la solution est filtrée avec

une membrane dont les pores ont un diamètre de 200 nm (filtres nylon Roth). Le filtrat, qui ne

contient pas de vésicules, est analysée par spectroscopie UV-visible afin de mesurer la quantité

de colorant libérée dans la solution.

Résultats

À partir des spectres obtenus, on a reporté sur la figure 4.16 l’évolution du maximum d’ab-

sorbance, mesuré à 480 nm avec la durée de l’action de la cyclodextrine sur les MLV.

Cette figure nous montre que la libération du colorant est régulière au cours du temps. Au

bout de 45 mn et de 60 mn, les quantités de calcéine dans le filtrat sont presque identiques, ce

qui signifie que toutes les MLV ont été détruites en 45 mn. Ce processus semble aussi rapide

pour les GUV que pour les MLV. Ces résultats nous confirment que l’utilisation conjuguée de

la cyclodextrine et des chaînes POE greffées sur des liposomes permet l’ouverture rapide des

liposomes.

150 CHAPITRE 4. MODIFICATION DE MEMBRANES FLUIDES

dispersion de MLV encapsulant sucrose +calcéine (1%) O.1M

dans une solution 0.1M de sucrose + calcéine (1%)

concentration des MLV après 5min de

centrifugation à 14000 tours/min

remplacement de la solution de colorée de sucrose

par une solution incolore de glucose 0.1M

par une solution 0.1M de sucrose + −cyclodextrineαremplacement de la solution de glucose

Figure 4.15 –Préparation des suspensions de MLV dans le mélange glucose +α-cyclodextrine

4.2. ASSOCIATION α-CYCLODEXTRINE / PEG 151

0

0.005

0.01

0.015

0.02

0.025

0.03

0 10 20 30 40 50 60

Abs

orba

nce

mes

uré

e à

580

nm

Durée de l’action de la cyclodextrine (mn)

Figure 4.16 –Evolution du pic d’absorbance au cours du temps

152 CHAPITRE 4. MODIFICATION DE MEMBRANES FLUIDES

Conclusions et perspectives

Ce travail s’inscrit dans une étude plus générale de l’évolution de l’interaction entre une mo-

lécule spécifique et une membrane lipidique dans un environnement contraint mécaniquement.

La contrainte mécanique est réalisée sous la forme d’un gradient de cisaillement. Nous avons

choisi d’utiliser des vésicules géantes de phospholipide, qui sont des objets souvent employés

dans ce type d’étude, et dont on peut facilement modifier la composition en y insérant des

molécules particulières.

Dans un premier temps, nous avons étudié l’influence du cisaillement sur des vésicules uni-

quement composées de phospholipide. Les vésicules sont des objets membranaires constitués

d’une bicouche lipidique fluctuante. Ces membranes sont caractérisées par leur module de cour-

bure qui relie la quantité de surface cachée dans ces fluctuations à la tension de la membrane.

Cette relation est connue sous le nom de relation d’Helfrich, et est couramment utilisée dans

l’étude de la dynamique des membranes. La technique de micromanipulation des vésicules dans

une micropipette permet de mesurer le module de courbure en utilisant la relation d’Helfrich.

Pour caractériser les fluctuations des systèmes que nous avons étudiés, nous avons monté une

expérience de micromanipulation, que nous avons validé en comparant les valeurs de module

obtenus pour différents phospholipides à celles de la littérature.

La seconde étape a été de créer un gradient de cisaillement autour des vésicules. L’originalité

de notre montage réside dans la forme de l’écoulement créé : nous avons imposé un cisaillement

alternatif du fluide dispersant. Les taux de cisaillement imposés sont très faibles, typiquement

compris entre10−4 et10−2s−1, ce qui n’entraîne pas le déplacement des vésicules, et donc per-

met leur observation et leur manipulation. Les travaux existants dans la littérature concernant

le comportement de vésicules dans un écoulement uniforme utilisaient des taux de cisaillement

plus importants, de l’ordre de plusieurss−1. Pour des cisaillements aussi élevés, on observe un

changement de la forme des vésicules dépend de façon quadratique avec le taux de cisaillement

153

154 Conclusions et perspectives

appliqué. À l’opposé, notre montage à faible taux de cisaillement alternatif permet d’explorer

les modifications du spectre de fluctuations des vésicules dans un faible écoulement hydrody-

namique. La mesure quantitative de ces modifications est rendue possible par la micromanipu-

lation simultanée de la vésicule dans une micropipette. Nous avons utilisé cette technique, soit

en fixant la tension de la membrane et en faisant varier le taux de cisaillement, soit en aspirant

la vésicule à taux de cisaillement constant. L’effet le plus marquant est l’aspiration spontanée

d’une vésicule tenue par la micropipette lorsqu’on augmente le taux de cisaillement. Nous avons

ainsi montré que même sous cisaillement, la relation entre l’excès de surface contenu dans les

fluctuations et le logarithme de la tension de la membrane reste linéaire, avec un module ap-

parent qui diminue fortement lorsque le taux de cisaillement augmente. Ces résultats ont donc

montré que dans ces conditions, la loi constitutive d’Helfrich est modifiée par l’addition d’un

terme dépendant directement du taux de cisaillement. Nous avons interprété ce résultat comme

un lissage des fluctuations par la contrainte visqueuse due aux mouvements de la solution envi-

ronnante. Des études complémentaires en RICM ont confirmé cette hypothèse en montrant que

l’excès de surface disparu dans la zone de la vésicule la plus contrainte se retrouvait dans la

zone la moins exposée au cisaillement, dans le bas de la vésicule.

Ainsi, nous avons pu montrer le changement dans la dynamique des membranes purement

lipidiques soumises à un cisaillement. À moyen terme, cette ligne de recherche au laboratoire

s’orientera sur l’observation des vésicules lipidiques en interaction avec d’autres molécules dans

les mêmes conditions de contraintes mécaniques. Au préalable, nous avons étudié un certain

nombre de systèmes de membranes modifiées.

Tout d’abord, l’interaction entre une protéine et une vésicule a été mise en évidence par

la mesure de l’évolution du module de courbure de la membrane lipidique en fonction de la

quantité de protéine incorporée. Les résultats semblent montrer qu’une quantité limitée de pro-

téines peut être incorporée à la membrane. Nous soupçonnons une inclusion de ces protéines

dans la bicouche lipidique, mais ceci reste à vérifier. Ensuite, nous avons fabriqué des vésicules

géantes décorées de chaînes polymères hydrophiles. Il est connu qu’une molécule particulière,

la α-cyclodextrine, interagit facilement avec de tels polymères. Nous avons observé, pour la

première fois à notre connaissance, l’interaction de la cyclodextrine avec ces polymères greffés

sur la membrane des vésicules. Cette interaction a été mise en évidence par la destruction de

la vésicule, que nous interprétons par la modification locale de la courbure de la membrane.

Ces résultats ont été obtenus sur des liposomes de grande et de petite taille. Cette effet de la

cyclodextrine sur des liposomes greffés de polymères pourrait être utilisée dans le domaine de

l’encapsulation et de la libération contrôlée, puisqu’elle permet la rupture des liposomes et la

Conclusions et perspectives 155

libération de leur contenu.

Nos travaux ouvrent de nombreuses perspectives de recherche théoriques et expérimentales.

La modification de la relation constitutive d’Helfrich par le cisaillement alternatif reste à expli-

quer quantitativement. Nous avons suggéré plusieurs pistes possibles, certaines sont explorées

au laboratoire. Le montage que nous avons utilisé a l’avantage de la simplicité de mise en

œuvre, il introduit néanmoins une asymétrie d’écoulement qui n’est pas facile à prendre en

compte. Nous avons commencé à développer d’autres montages qui devraient à l’avenir per-

mettre d’effectuer des mesures rhéologiques plus performantes. Les systèmes de membranes

modifiées que nous avons étudiés se sont révélés très riches. Les effets de la gliadine seront

sûrement regardés plus en détail, avec des conditions plus proches des environnementsin vivo

dans le cadre d’une collaboration avec une équipe brésilienne. Les systèmes PEG-lipide en in-

teraction avec laα-cyclodextrine font l’objet d’un dépôt de brevet qui motivera de nombreuses

études fondamentales et appliquées. Et enfin, la mise au point de traitements de surface que

nous avons initiés permettra aussi de regarder à l’avenir le couplage adhésion-écoulement.

156 Conclusions et perspectives

ANNEXE A

Fabrication des micropipettes

Les micropipettes sont fabriquées à partir de capillaires fournis parClark Capillaries. Ces

capillaires, d’un diamètre intérieur de 0.78 mm et d’un diamètre extérieur de 1 mm, sont en verre

borosilicaté, ce qui les rend inertes vis-à-vis des molécules avec lesquelles ils sont susceptibles

d’être en contact.

Une méthode courante est l’utilisation d’une étireuse à laser : le capillaire est maintenu entre

deux mâchoires, un rayon laser chauffe le capillaire en son milieu, puis un système mécanique

tire chaque extrémité du capillaire et le casse en deux. L’utilisateur a la possibilité de régler

la température de chauffe, le délai entre le chauffage et l’étirement, la vitesse et la force de

l’étirement. Cette technique permet d’obtenir des micropipettes qui ont un diamètre final de

deux microns au maximum. Ce type de micropipette est couramment utilisé en biologie pour le

patch-clamp.

Comme nous travaillons avec des vésicules géantes qui ont un diamètre moyen de plusieurs

dizaines de microns, les micropipettes obtenues par ce procédé sont trop étroites à leur extré-

mité. Au début de nos recherches, nous avons utilisé ces micropipettes après avoir sectionné

leur extrémité afin de disposer d’un embout de plus grand diamètre. Cette technique s’est révé-

157

158 ANNEXE A. FABRICATION DES MICROPIPETTES

lée trop complexe et nous avons utilisé une autre méthode que nous présentons ici.

Technique d’étirement utilisée

La méthode que nous avons utilisée consiste à chauffer un capillaire à l’aide d’un bec Bunsen

et à l’étirer à la main. On obtient alors deux moitiés de capillaire terminées par un long filament.

On chauffe ensuite avec le bec Bunsen l’extrémité de ce filament pour recourber son extrémité

de manière à former un crochet. On fixe ensuite ce demi-capillaire dans le champ d’une loupe

binoculaire, et on place sur le crochet une petite masse de 50 mg. On approche du capillaire un

fil de tungstène dont on peut ajuster la température (voir figure A.1). Puis, après plusieurs cycles

successifs de chauffage du filament et de refroidissement, le verre ramolli et s’étire sous le poids

de la petite masse accrochée à son extrémité. Quand le diamètre du capillaire est suffisamment

étroit, il ne résiste plus au poids de la petite masse dont il est chargé et casse. La rupture est

nette et une dernière chauffe de l’extrémité de la micropipette permet d’obtenir des bords peu

anguleux qui n’abîmeront pas la membrane lipidique lors de l’aspiration d’une vésicule.

demi−capillaire

filament de tungstène

masse de 50 mg

Figure A.1 – Étirement d’une micropipette

Traitement de la micropipette:

Plusieurs méthodes de traitement du verre de la micropipette ont été testées : trempage de

l’extrémité de la micropipette dans une solution de B.S.A. (Bovin Serum Albumin), de caséine

ou de Surfacil (solution à base de silicone dilué dans du chloroforme). Aucune différence dans

le comportement de la vésicule vis-à-vis du verre de la micropipette n’a été observée entre les

micropipettes traîtées avec les produits cités ci-dessus et des micropipettes non traîtées. En effet,

on a mesuré des valeurs du module de courbure des vésicules identiques dans chaque cas. C’est

159

pourquoi nous avons décidé de ne pas traiter les micropipettes par la suite. Une grande partie

des résultats présentés dans la suite de ce mémoire a donc été obtenue sans traitement préalable

de la micropipette.

160 ANNEXE A. FABRICATION DES MICROPIPETTES

ANNEXE B

Préparation de GUV chargées en gliadine

La gliadine utilisée est un mélange des gliadinesα, β, γ et ω commercialisé parSigma-

Aldrich sous la forme d’une poudre. Le phospholipide est du DOPC commercialisé parAvanti

Polar Lipids.

Préparation des solutions alcooliques de gliadine

On prépare un mélange de 10mg de gliadine et de 10ml d’éthanol dans un flacon étanche.

Ce mélange est placé sous agitation constante pendant une dizaine d’heures à température am-

biante. Il est ensuite filtré, et le filtrat obtenu est une solution alcoolique saturée en gliadine.

En pesant le résidu solide, on détermine la quantité de gliadine effectivement solubilisée dans

l’alcool. Les résultats montrent que la concentration en gliadine dans a solution saturée est de

37µg/ml.

Mélanges des solutions de DOPC et de gliadine

Le DOPC est solubilisé dans du chloroforme à la concentration de 1mg/5ml. Chloroforme et

éthanol sont des solvants miscibles, ce qui permet de mélanger les solutions de gliadine et de

161

162 ANNEXE B. PRÉPARATION DE GUV CHARGÉES EN GLIADINE

DOPC. Les proportions de chaque solution sont choisies de manière à obtenir des concentrations

massiques variables de gliadine dans le mélange gliadine + DOPC.

De plus, pour s’affranchir de l’effet du solvant, on prépare des solutions de DOPC seul avec

de l’éthanol dans les mêmes proportions. Ces solutions donneront des résultats qui serviront de

référence.

Ce sont ces solutions qui seront utilisées pour préparer des vésicules par électroformation.

Les quantités et les volumes utilisés sont repertoriés dans le tableau B.1.

Tableau B.1 –Solutions de lipides pour la préparation de vésicules géantes chargées en gliadine

rapports massiques rapports volumiques

gliadine : (gliadine+DOPC)solution saturée de gliadine :

solution de DOPCéthanol :

solution de DOPC

1% 1 : 19 (référence) 1 : 192% 1 : 9 (référence) 1 : 93% 15 : 85 (référence) 15 : 85

ANNEXE C

Interaction entre une bicouche lipidique et

un substrat

De nombreux processus biologiques résultent de l’interaction entre deux membranes par l’in-

termédiaire de couples ligand-récepteur. Un moyen commode d’étudier précisément cette inter-

action sans être perturbé par l’environnement biologique des membranes est d’utiliser des vé-

sicules dont la membrane est décorée avec une molécule, et une surface, elle aussi greffée avec

une autre molécule. Les forces d’interaction qui résultent de la mise en contact de la vésicule

avec le substrat génèrent des perturbations dans les propriétés élastiques de la membrane. Il

est possible, par des techniques appropriées, de détecter ces modifications. La technique RICM

permet cela et a été déjà utilisée dans ce but.

Dans les expériences que nous présentons ci-après, nous avons, en collaboration avec Cécile

Pannier, comparé le comportement de vésicules déposées sur deux substrats différents : l’un

hydrophile, l’autre hydrophobe.

Préparation des substrats

Les substrats utilisés sont des lamelles de verre sur lesquelles on dépose une couche mince

163

164ANNEXE C. INTERACTION ENTRE UNE BICOUCHE LIPIDIQUE ET UN SUBSTRAT

de molécules hydrophiles ou hydrophobes selon le cas. Pour permettre un bon greffage, il est

nécessaire que les lamelles soient les plus propres possibles. Pour cela, nous avons utilisé une

procédure de nettoyage et un montage de mesure d’angles de contact pour vérifier la propreté

des lames. Les molécules adsorbées sont des silanes :

• les molécules hydrophiles sont des silanes aminés :

3(-triméthoxysilylpropyl)diéthylènetriamine (cf. figure C.1(a))

• les molécules hydrophobes sont des silanes fluorés :

tridécafluoro-1,1,2,2-tetrahydrooctyl)trichlorosilane (cf. figure C.1(b))

(a) Silane aminé (b) Silane fluoré

Figure C.1 –Formule chimique des molécules silanées

Plusieurs protocoles de nettoyage des lames de verre ont été testés. Ces différentes techniques

ont été comparées par des mesures d’angle de contact de gouttes d’eau sur des lames nettoyées.

Pour cela, il a tout d’abord été nécessaire de construire un montage de mesure d’angle de contact

que nous présentons ci-dessous.

Montage de l’appareil de mesure d’angle de contact

Un tel système requiert un plan parfaitement horizontal. Le montage est schématisé sur la

figure C.2. Une source de lumière puissante et orientable éclaire une goutte d’eau déposée sur

un support. Un diffuseur est placé entre la lampe et le support de la goutte pour homogénéiser la

lumière. Un zoom photographique est mis au point sur l’emplacement de la goutte. Enfin, une

caméra reliée à un ordinateur capte les images du zoom.

Le volume de la goutte d’eau (3µl) est identique pour chaque mesure. Une fois la goutte

déposée, nous enregistrons rapidement une photo qui sera ensuite imprimée pour effectuer ma-

nuellement la mesure de l’angle. L’exploitation des photographies (tracé des lignes de bases et

des tangentes, lecture des angles avec un rapporteur) dépend fortement de l’expérimentateur. La

netteté de l’image est d’autant plus importante pour cette étape. Idéalement, il serait préférable

de travailler dans une enceinte fermée pour être à l’abri des poussières, de l’humidité de l’air

165

zoom relié à une caméra

source de lumière

diffuseur

support de la goutte

Figure C.2 –Montage de l’appareil de mesure d’angles de contact

ou encore pour pouvoir contrôler la température et la maintenir constante. Sans ce dispositif,

l’angle de contact évolue avec le temps, particulièrement lorsque le liquide est volatil. Les me-

sures d’angles de contact ainsi effectuées, conduisent à des résultats qui dépendent fortement

des conditions de manipulation. Les angles déterminés de cette façon sont plutôt une estimation

et non des valeurs très précises.

Nettoyage des lames et traitement

Le protocole retenu pour nettoyer les lamelles de verre est le suivant :

1. dépoussiérage des lames avec du papier optique imbibé de chloroforme ;

2. trempage dans du toluène et aux ultra-sons pendant 15 minutes ;

3. trempage dans une solution "piranha" (500ml d’acide sulfurique + 5g de persulfate d’am-

monium) ;

4. passage dans l’ozone : la lame est exposée pendant 30 minutes à une lampe UV dans une

enceinte fermée contenant un flux d’oxygène. Les UV agissent comme catalyseur dans la

transformation de l’oxygène en ozone, un oxydant puissant.

Les angles de contact obtenus par ce protocole sont en moyenne de 15. Les lames ainsi

nettoyées sont utilisées pour déposer les silanes aminés ou fluorés (cf figure C.1). Le procédure

utilisée pour greffer les silanes sur le verre sont basées sur le trempage de la lamelle de verre

dans une solution contenant le silane. Le détail du protocole est détaillé ci-dessous :

• Greffage des silanes fluorés :

SOUS ARGON : préparer une solution de 150 ml de décane avec 75 ml de dichloromé-

thane. Y plonger les lames puis ajouter 1,5 ml de silanes fluorés. Laisser le mélange au

réfrigérateur (4C) pendant 30 minutes. Rincer deux fois au chloroforme dans un bain

d’ultra-sons pendant 5 minutes, puis sécher avec un flux d’azote.

166ANNEXE C. INTERACTION ENTRE UNE BICOUCHE LIPIDIQUE ET UN SUBSTRAT

• Greffage des silanes aminés :

SOUS ARGON : préparer une solution de 120 ml de décane avec 120 ml de dichloro-

méthane. Y plonger les lames puis ajouter 2 ml de silanes aminés. Laisser le mélange au

réfrigérateur (4C) pendant une heure et quart. Rincer deux fois au chloroforme dans un

bain d’ultra-sons pendant 5 minutes, puis sécher avec un flux d’azote.

Après greffage des silanes sur les lamelles de verre, nous avons effectué des mesures d’angles

de contact sur ces lames afin de vérifier la qualité du greffage. Les résultats sont présentés dans

le tableau C.1 :

Tableau C.1 –Solutions de lipides pour la préparation de vésicules géantes chargées en gliadine

Type de lame Angle de contactverre seul 15

greffage des silanes aminés 35

greffage des silanes fluorés 105

Le verre greffé avec des silanes aminés hydrophiles est pourtant moins hydrophile que le

verre seul. Cela signifie que le greffage n’est pas parfait, car l’angle de contact d’une goutte

d’eau sur ce substrat devrait être plus faible que sur du verre propre. D’autre part, les silanes

fluorés apparaissent plus hydrophobes que la lame de verre non traité, car l’angle est plus impor-

tant. Cependant, l’angle est encore trop faible pour que l’on puisse considérer la lame comme

étant très hydrophobe.

Qualité du greffage

Nous avons voulu vérifier la qualité de ce greffage en observant les lames traitées en AFM.

Les photographies obtenues sont présentées sur les figures C.3 et C.4.

Dans le cas du traitement hydrophobe, les observations en AFM (C.3) montrent que le dépôt

n’est pas homogène sur toute la lame et que certaines zones ne semblent pas recouvertes de si-

lanes. En effet, les zones blanches, qui représentent les silanes fluorés, recouvrent partiellement

le verre, qui apparaît en sombre. Par contre, nous constatons que le dépôt de silanes aminés

(zones claires de la figure C.4) recouvre quasiment toute la surface de verre. L’épaisseur n’est

cependant pas homogène, et des amas de molécules aminées apparaissent par endroits (taches

claires).

167

Figure C.3 –Traitement hydrophobe

Figure C.4 –Traitement hydrophile

168ANNEXE C. INTERACTION ENTRE UNE BICOUCHE LIPIDIQUE ET UN SUBSTRAT

Observations

L’observation des vésicules de DOPC déposées sur une lamelle traitée se fait en RICM. Deux

images typiques de vésicule sont présentées sur la figure C.5. Les images RICM obtenues dans

les deux cas sont très différentes l’une de l’autre, et l’image obtenue avec le substrat fluoré est

très proche de l’image d’une vésicule sur du verre non traité (cf. figure 2.16(a)).

(a) Substrat aminé (vésicule de 30µm de dia-mètre

(b) Substrat fluoré (vésicule de 50µm de dia-mètre

Figure C.5 – Images RICM de deux vésicules de DOPC posées sur du verre traité(barre=5µm)

Dans le cas du substrat aminé (cf. figure C.5(a)), il n’y a quasiment pas d’anneaux d’interfé-

rence. D’autre part, nous observons une zone centrale d’adhésion de grande surface qui ne pré-

sente aucune fluctuation : elle est d’un ton de gris uniforme et n’évolue pas au cours du temps.

Quand les anneaux d’interférence sont visibles, ils sont très rapprochés et peu nombreux. Dans

tous les cas, nous avons pu observer un éclatement de la vésicule et le collage de la membrane

sur le substrat dans un délai maximal de 30 minutes. Une seule explication permet d’interpréter

ces observations : la surface est très adhésive vis à vis de la membrane et l’adhésion est si forte

qu’il n’y a plus de fluctuation dans la zone de contact. Nous pouvons supposer que l’épaisseur

de la couche de solution entre la vésicule et le substrat est plus faible que dans le cas ou l’adhé-

sion est moins forte, comme par exemple le cas d’une vésicule sur du verre non traité, où elle

mesure environ 80 nm. Par ailleurs, la vésicule devient extrêmement tendue, ce qui provoque sa

rupture. Le calcul d’un angle de contact n’a alors plus de signification physique.

169

Dans le cas d’un substrat fluoré (cf. figure C.5(b)), l’interaction entre la surface et la mem-

brane est non adhésive. Nous pouvons observer au microscope optique les fluctuations de la

membrane. Les anneaux d’interférence sont réguliers et la surface du disque central de l’image

en RICM est faible, ce qui signifie que les vésicules sont relativement tendues. De plus, la

surface d’adhésion est trop faible pour analyser quantitativement ces fluctuations.

À partir de ces constatations et au vu des images de la figure C.5, nous pouvons schématiser

la forme d’une vésicule sur ces différents substrats.

verre seulsubstrat aminé substrat fluoré

Figure C.6 –État de tension dune vésicule sur le différents substrats

Il serait bien sûr intéressant de vérifier cela en observant les vésicules de profil en couchant

le microscope. D’autre part, le greffage des silanes aminés est total, mais il rend les vésicules

extrêmement tendues. Pour une observation prolongée des vésicules sur ce type de surface, il

conviendrait de modérer le caractère adhésif de la surface.

170ANNEXE C. INTERACTION ENTRE UNE BICOUCHE LIPIDIQUE ET UN SUBSTRAT

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180 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Table des figures

1.1 Vue en coupe de trois structures formées par les tensioactifs. . . . . . . . . . . . . 7

1.2 Schéma de cellule. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

1.3 Schéma en coupe d’une membrane cellulaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10

1.4 Présentation de différents phospholipides. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

1.5 Structure du cholestérol. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

1.6 Différents types de filaments constituant le cytosquelette. . . . . . . . . . . . . . . 16

1.7 Surface géométrique et courbes paramétriques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

1.8 Types de déformation des membranes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

1.9 Images de vésicules multilamellaires de SOPC en forme de perles. . . . . . . . . . 31

1.10 Formes possibles des membranes pourc0=0 et pour différentes valeurs dev . . . . . 32

1.11 Formes possibles des membranes pourc0=2.4 et pour différentes valeurs dev . . . . . 32

1.12 Formes possibles des membranes pourc0=3 et pour différentes valeurs dev . . . . . 32

1.13 Tube multilamellaire cylindrique de myéline : images d’un enroulement en double hélice33

1.14 Formes de genus=2 [65] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

1.15 Tores : genus=1 [65] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

1.16 Formes obtenues lorsqu’une vésicule est poussée avec une force uniforme dans un en-

vironnement visqueux; a) vue verticale, la force est dans le plan de la figure ; b) vue

frontale, la force pousse vers le bas de la figure [72]. . . . . . . . . . . . . . . . . 36

181

182 TABLE DES FIGURES

1.17 Vésicules dans un cisaillement; le taux de cisaillement augmente des figures a) à i) de

γ=0 s−1 à γ=15s−1 [78] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

1.18 Vesicule vue de côté pour a)γ = 0 s−1, b) γ = 0.4 s−1, c) γ = 0.9 s−1, d) γ = 1.1 s−1,

e) γ = 2.5 s−1 [73] . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

2.1 Préparation des vésicules. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44

2.2 Formation des vésicules géantes unilamellaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

2.3 Vésicules au bout d’une heure de formation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

2.4 Vésicules d’environ 40 microns de diamètre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49

2.5 Schéma d’une vésicule partiellement aspirée dans une micropipette. . . . . . . . . . 50

2.6 Vésicule de DOPC soumise à des tensions différentes.. . . . . . . . . . . . . . . . 53

2.7 Schéma du déroulement d’une expérience d’aspiration. . . . . . . . . . . . . . . . 53

2.8 Schéma du montage utilisé pour réaliser les expériences de micopipette. . . . . . . . 58

2.9 Evolution du rayon extérieurR de la vésicule au cours d’une expérience de succion. . 61

2.10 Vésicule d’environ 20µm de diamètre vue de profil. . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

2.11 Tracé d’une courbe ln(σ)=f(α) par 3 calculs différents. . . . . . . . . . . . . . . . 63

2.12 Formule chimique des différents phospholipides utilisés.. . . . . . . . . . . . . . . 65

2.13 Principe de l’observation en RICM. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67

2.14 Schéma de principe du montage RICM. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

2.15 Intensité théorique des interférences. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

2.16 Photographies de vésicules en RICM. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

2.17 Schéma des vésicules de la figure 2.16 vues de profil. . . . . . . . . . . . . . . . . 73

2.18 Intensité de la lumière le long du segment OP de la figure 2.16(a). . . . . . . . . . 75

2.19 Profil de la vésicule représenté à partir des extrema de la figure 2.18. . . . . . . . . 75

2.20 Vésicule photographiée en RICM pendant son aspiration dans une micropipette. . . . 78

2.21 Détermination des fluctuations par la caractérisation du premier anneau de Newton. 80

2.22 Évolution deεR (•) et deR () avec la tension. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

TABLE DES FIGURES 183

2.23 Photographie du montage utilisé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82

2.24 Disposition des éléments d’une expérience sous cisaillement. . . . . . . . . . . . . 83

2.25 Schéma du bras du piézo. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

2.26 Courbe de calibration du piezo. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

2.27 Comparaison des fonctionsax(y)a théorique et expérimentale à F=10 Hz. . . . . . . 86

2.28 Comparaison des fonctionsax(y)a théorique et expérimentale à F=15 Hz. . . . . . . 86

2.29 Modélisation de la cellule de cisaillement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

2.30 Représentation du taux de cisaillement en fonction dekh . . . . . . . . . . . . . . . 89

2.31 Champ de vitesses autour d’une sphère placée dans un écoulement uniforme. . . . . 91

2.32 Champ de vitesses autour d’une sphère placée dans un écoulement de cisaillement. . 92

2.33 Champ de vitesses autour d’une sphère placée dans un écoulement mimant à l’infini la

présence d’une paroi. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93

2.34 Lignes de vitesse constante autour d’une sphère placée dans l’écoulement de cisaille-

ment de la figure 2.33. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

2.35 Distribution de la composante tangentielle de la contrainte le long de la sphère. . . . 95

2.36 Lignes de vitesse constante autour d’une vésicule placée dans un écoulement uniforme95

2.37 Distribution de la composante tangentielle de la contrainte le long de la sphère. . . . 96

3.1 Évolution deL avec l’augmentation de l’amplitude du cisaillement (F = 2Hz,h=1100µm)101

3.2 Évolution deα avec l’augmentation de l’amplitude du cisaillement (F = 2Hz,h=1100µm)102

3.3 Évolution deσ avec l’augmentation de l’amplitude du cisaillement (F = 2Hz,h=1100µm)102

3.4 Rupture de la partie de la vésicule aspirée dans la micropipette. . . . . . . . . . . . 103

3.5 Évolution deα avec l’augmentation de la fréquence du cisaillement pour deux expé-

riences différentes (a = 1.5µm,h=800µm) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .104

3.6 Répartition des lignes de vitesse constante autour de la vésicule sous cisaillement. . . 105

3.7 Évolution deα avecγ dans le cas où l’amplitude est variable (F = 1Hz,h=1100µm) . 105

3.8 Évolution deα avecγ pour deux expériences différentes (a = 1.5µm,h=1100µm) . . . 106

3.9 Distribution des pentesdα/dγ pour différentes expériences. . . . . . . . . . . . . 107

184 TABLE DES FIGURES

3.10 Résultats d’expériences d’aspiration dans une micropipette sous cisaillement fixé. . . 109

3.11 Module de courbure apparent en fonction du taux de cisaillement. . . . . . . . . . . 110

3.12 Module de courbure apparent en fonction du taux de cisaillement. . . . . . . . . . 111

3.13 Relation entrekappc etkc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .111

3.14 Représentation de la loi constitutive d’Helfrich sous cisaillement. . . . . . . . . . . 113

3.15 Vésicule photographiée en RICM et sous cisaillement. . . . . . . . . . . . . . . . 116

3.16 Évolution deεR (•) et deR () avec la fréquence (F ) . . . . . . . . . . . . . . . . 117

3.17 Vésicule photographiée en RICM et sous cisaillement. . . . . . . . . . . . . . . . 118

3.18 Évolution deα avecγ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .119

3.19 Expérience d’aspiration sous cisaillement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .120

3.20 Évolution deα avecγ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .121

3.21 Vésicule avant, pendant, et après le cisaillement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123

3.22 Évolution deεR (•) et deR () avec le temps. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .124

3.23 Configuration de l’expérience. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .124

3.24 Évolution de l’excès de surface avec la tension: la fonction d’Helfrich est en noir, et

celle de Seifert est en gris. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .127

4.1 Endommagement de la paroi intestinale chez les sujets atteints de la maladie coeliaque135

4.2 Évolution du module de courbure de vésicules chargées ou non en gliadine. . . . . . 136

4.3 Structure des cyclodextrines. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .139

4.4 Forme générale d’une molécule de cyclodextrine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

4.5 Complexation d’une molécule par la cyclodextrine. . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

4.6 Structures complexes formées par les cyclodextrines. . . . . . . . . . . . . . . . . 141

4.7 Complexation d’une chaîne de POE par la cyclodextrine. . . . . . . . . . . . . . . 142

4.8 Formule chimique du DOPE-PEG2000. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .142

4.9 Photographies d’une vésicule géante en présence deα-cyclodextrine . . . . . . . . . 144

4.10 Évolution de la taile d’une GUV en présence deα-cyclodextrine au cours du temps. . 145

TABLE DES FIGURES 185

4.11 Vitesse de disparition des vésicules au cours du temps en fonction de la concentration

enα-cyclodextrine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .145

4.12 Complexation asymétrique des chaînes polymères ancrées sur la membrane par les

molécules de cyclodextrine. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .146

4.13 Asymétrie des forces de pressions du polymère du part et d’autre de la membrane. . . 147

4.14 Spectre d’absorption de la calcéine : maximum àλ=488 nm . . . . . . . . . . . . . 148

4.15 Préparation des suspensions de MLV dans le mélange glucose +α-cyclodextrine . . . 150

4.16 Evolution du pic d’absorbance au cours du temps. . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

A.1 Étirement d’une micropipette. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .158

C.1 Formule chimique des molécules silanées. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .164

C.2 Montage de l’appareil de mesure d’angles de contact. . . . . . . . . . . . . . . . 165

C.3 Traitement hydrophobe. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .167

C.4 Traitement hydrophile. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .167

C.5 Images RICM de deux vésicules de DOPC posées sur du verre traité. . . . . . . . . 168

C.6 État de tension dune vésicule sur le différents substrats. . . . . . . . . . . . . . . . 169

186 TABLE DES FIGURES

Liste des tableaux

1.1 Composition lipidique de différentes membranes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11

1.2 Composition lipidique de la membrane du globule rouge chez l’Homme. . . . . . . . 13

1.3 Température de transitionTm de quelques phospholipides. . . . . . . . . . . . . . 15

1.4 Mesures des modules d’élasticité et de courbure. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

2.1 Densité et osmolarité de solutions aqueuses de glucose. . . . . . . . . . . . . . . . 48

2.2 Densité et osmolarité de solutions aqueuses de sucrose. . . . . . . . . . . . . . . . 48

2.3 Comparaisonkc expérimentaux /kc dans la littérature.. . . . . . . . . . . . . . . . 64

3.1 Comparaison des résultats dans différentes configurations expérimentales. . . . . . 125

4.1 Quelques propriétés des gliadines. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .133

B.1 Solutions de lipides pour la préparation de vésicules géantes chargées en gliadine. . 162

C.1 Solutions de lipides pour la préparation de vésicules géantes chargées en gliadine. . 166

187