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Celui qui est digne d'être aimé TAÏA, ABDELLAH Éditeur : Seuil Collection : Fiction, langue fr.CADRE ROUGE EAN : 9782021343076 Format : Broché Pages : 144 En librairie le 14 février 2017 Service de presse (pour le Canada seulement) : Johanne Paquette, attachée de presse 514 336-3941 poste 225 / [email protected] Un roman épistolaire violent et passionné. Ahmed est un Marocain homosexuel d’une quarantaine d’années qui vit en France depuis vingt ans. Et il est en colère: sa mère vient de mourir. Il lui écrit une lettre amère pour régler ses comptes avec elle et lui raconter enfin sa vie ratée d’homosexuel arabe à Paris. Cinq ans auparavant, en 2010. Ahmed reçoit une lettre de Vincent qui lui reproche de l’avoir séduit et impitoyablement abandonné. Il tente par la même occasion d’attendrir le cœur froid d’Ahmed. Cinq autres années auparavant, en 2005. Ahmed envoie une violente lettre de rupture à Emmanuel, l’homme français qu’il a rencontré au Maroc à l’âge de dix-sept ans et qui l’a fait venir à Paris. Ahmed veut sortir de la peau parisienne que Guillaume lui a imposée, sortir de la langue française qui lui a fait oublier qui il était vraiment. 1986, à Salé, tout près de Rabat, au Maroc. Le jeune adolescent Lahbib adresse à son meilleur ami, Ahmed, une lettre d’adieu. Il veut quitter ce monde cruel, se suicider. Inspiré par sa structure du célèbre Lettres portugaises (XVII e siècle), ce roman épistolaire nous permet de remonter le temps dans la vie d’Ahmed, et de voir comment l’apprentissage de la langue française a changé son destin pour le meilleur et surtout pour le pire. AUTEUR(S) Abdellah Taïa a publié quatre romans au Seuil, traduits en Europe et aux États-Unis, dont Le Jour du Roi (Prix de Flore, 2010). Il a récemment réalisé un long- métrage de son roman L’Armée du salut. Son engagement pour la défense des homosexuels dans les pays musulmans fait de lui le plus réputé des écrivains arabes de sa génération. NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.

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Celui qui est digne d'être aiméTAÏA, ABDELLAH

Éditeur : Seuil

Collection : Fiction, langue fr.CADRE ROUGE

EAN : 9782021343076

Format : Broché

Pages : 144

En librairie le 14 février 2017

Service de presse (pour le Canada seulement) : Johanne Paquette, attachée de presse 514 336-3941 poste 225 / [email protected]

Un roman épistolaire violent et passionné.

Ahmed est un Marocain homosexuel d’une quarantaine d’années qui vit en France depuis vingt ans. Et il est en colère: sa mère vient de mourir. Il lui écrit une lettre amère pour régler ses comptes avec elle et lui raconter enfin sa vie ratée d’homosexuel arabe à Paris.

Cinq ans auparavant, en 2010. Ahmed reçoit une lettre de Vincent qui lui reproche de l’avoir séduit et impitoyablement abandonné. Il tente par la même occasion d’attendrir le cœur froid d’Ahmed.

Cinq autres années auparavant, en 2005. Ahmed envoie une violente lettre de rupture à Emmanuel, l’homme français qu’il a rencontré au Maroc à l’âge de dix-sept ans et qui l’a fait venir à Paris. Ahmed veut sortir de la peau parisienne que Guillaume lui a imposée, sortir de la langue française qui lui a fait oublier qui il était vraiment.

1986, à Salé, tout près de Rabat, au Maroc. Le jeune adolescent Lahbib adresse à son meilleur ami, Ahmed, une lettre d’adieu. Il veut quitter ce monde cruel, se suicider.

Inspiré par sa structure du célèbre Lettres portugaises (XVIIe siècle), ce roman épistolaire nous permet de remonter le temps dans la vie d’Ahmed, et de voir comment l’apprentissage de la langue française a changé son destin pour le meilleur et surtout pour le pire.

AUTEUR(S)

Abdellah Taïa a publié quatre romans au Seuil, traduits en Europe et aux États-Unis, dont Le Jour du Roi (Prix de Flore, 2010). Il a récemment réalisé un long- métrage de son roman L’Armée du salut. Son engagement pour la défense des homosexuels dans les pays musulmans fait de lui le plus réputé des écrivains arabes de sa génération.

NB : Les prix indiqués sont sujets à changements sans préavis.

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LES INROCKUPTIBLESDate : 04 / 10 JAN 17Pays : France

Périodicité : HebdomadaireOJD : 35189

Page de l'article : p.87Journaliste : Sylvie Tanette

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SEUIL 3380410500503Tous droits réservés à l'éditeur

"SSlïS*

je suis venu te direAbdellah Taia choisit le style epistolaire pour régler ses comptesavec la societe marocaine traditionnelle et les stygmatesqu'elle laisse sur la psychologie d'un homme.

On sen souvientpeut-être en 2009Abdellah Taiaavait publie dans

le magazine marocainTel quel une lettre ouvertea sa mere Le romancierparisien dénonçait le sortreserve aux homosexuelsdans son pays natalOn y pense en ouvrantce nouveau livre dans lequelle personnage principal,Ahmed écrit a sa meredecedee MaîsI homosexualité n est pasle sujet central de sa lettreAhmed veut surtoutrappeler a la morteson influence malfaisantesur ses enfants

Abdellah Tam a imagineun réquisitoire sombreet plein de colere A 40 ans,Ahmed peut rendreles coups Mot apres motil dresse le portraitd une femme tyrannique etd un systeme tradit onnelpervers et considère sansfard sa propre personnalitéJusqu a écrire que ce fils

homosexuel qu elle a rejetéest de ses enfants celuiqui lui ressemble le plus

Le roman ne s en tient pasa cette missive incendiaireAbdellah Taia nous invitea remonter le temps et lavie de son narrateur a traverstrois autres lettressurprenantes Lune a eteecrite par un amantabandonne et pour toujoursmalheureux La deuxiemeest un cri de colere dunarrateur a 30 ans ll y regleses comptes avec sonmentor, un homme plus agequi la aide a quitterle Maroc et a étudierEnfin la derniere est signéede lunique ami d enfance

La structure efficaceconduit a I essentieldans un texte lapidaireLauteur se concentrede fait sur quatre époquesdéterminantes de I existencedu narrateur On retiendrasurtout la lettre ecritea 30 ans par Ahmeda cet intellectuel francaisdes beaux quartiers

Implacable il luireproche d incarnerun néocolonialismerampant que la Francerefuse de voir

Les lettres en miroirsignees de I amant econduitet de (ami abandonnepermettent a Abdellah Taiade ne pas tomber dansI hagiographie de son heroset de mettre a nu sonincapacite a aimer Car lelivre est avant tout une fineobservation des mécanismesde manipulation, pleined une violence tour a tourlyrique et froide Et dansce roman de la maturité,Abdellah Tam sait trouverles mots pour évoquerle malheur interminablede celui qui ne trouvesa place nulle part sur Terre,et voudrait quitter la languefrancaise sans pouvoirpourtant se réconcilieravec le Maroc son premiermonde Sylvie Tanette

Celui qui est digne d'être aime(Seuil) 144 pages 15€

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Date : 06 JAN 17

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 88395

Page de l'article : p.32Journaliste : Dounia Hadni

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SEUIL 9325610500506Tous droits réservés à l'éditeur

Parla gagnéAbdellah Taïa Cet auteur a choisi d'écrire en françaiset dè vivre à Paris mais reste attaché à son paysd'origine, le Maroc, lequel interdit l'homosexualité.

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Date : 06 JAN 17

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 88395

Page de l'article : p.32Journaliste : Dounia Hadni

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O n retrouve Abdellah Taïa, dans les murs de son minus-cule studio de 19 m2 à Belleville, où il emménage unenouvelle fois après l'avoir quitté il y a quèlques mois.

Il est comme ça Abdellah Taïa, il revient toujours sur ses tra-ces. Il revient à sa mère, à son enfance, au Maroc, à sa languenatale, l'arabe, à sa sexualité. Même s'il habite à Paris depuispresque vingt ans.Abdellah Taïa est l'un des premiers écri-vains marocains et arabes à avoir révéléson homosexualité, un thème qui revientsans cesse dans ses romans. Il a fait soncoming out dans son pays, lequel considère l'homosexualitécomme un crime, en 2007. Au risque d'être rejeté par sa fa-mille, insulté, banni par les siens. Ce qui n'a pas failli.On ne soupçonnait pas son autoritarisme les quèlques foisoù on l'a vu à la télévision. «Un dictateur sympathique», souf-fle notre photographe après avoir jaugé son visage encorejuvénile, alors que ce dernier tentait de le guider avec une in-sistance aussi attachante qu'agaçante. «Exactement ça», éclatede rire Abdellah Taïa qui le prend comme un compliment.L'auteur de 43 ans, qui fait facilement quinze de moins malgré

les quèlques cheveux grisonnants qu'il s'évertue à exhiber defaçon un poil ridicule, nous installe au milieu de ses cartonsdébordant de livres, de films, d'affiches, comme dans unechambre d'étudiant. Il propose du thé, des biscuits et des man-darines à volonté. A le voir faire, on comprend mieux pourquoises amis n'ont que «douceur» et «chaleur» à la bouche pourle décrire, loin de la violence qui ressort de ses livres. Dans son

dernier, Celui qui est digne d'être aimé, lepersonnage principal, homosexuel maro-cain aussi, évoque avec des mots très durssa mère, qu'il décrit comme un tyran, et

dont il n'arrive toujours pas à se défaire, même après sa mort,tout comme l'auteur. Abdellah Taïa parle «de l'intérieur d'unmonde», le sien : son Maroc, pauvre, oppressant, ses rapportsterribles avec sa famille...Avant-dernier d'une fratrie de neuf, Abdellah Taïa a grandidans un trois-pièces de SO m2 dans un quartier populaire dela ville de Salé, près de Rabat, mais n'en garde pas que de mau-vais souvenirs. Son enfance s'écoule au rythme des feuilletonségyptiens qu'il suivait avec ses sœurs et qu'il revoit encore enboucle sur YouTube. En arrivant à Paris, à 26 ans, après une

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Date : 06 JAN 17

Pays : FrancePériodicité : QuotidienOJD : 88395

Page de l'article : p.32Journaliste : Dounia Hadni

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maîtrise de littérature française à Rabat, il se lance dans unethèse sur Fragonard et le roman libertin du XVIIIe siècle touten s'improvisant prof d'arabe, gardien de musée, «plongeur»en cuisine. Il devient baby-sitter de 2003 à 2010, l'année quicorrespond à l'obtention du prix de Flore pour son romanle Jour du roi. «Comment moi, qui suis plus pauvre que les pau-vres de France, je suis parvenu à monter à Paris pour m'accom-plir tel un Rastignac ? Franchement, je ne sais pas», s'étonne-t-il. Il ne comprend pas qu'il n'y ait plus personne en Francepour faire le travail de Zola, à part «peut-être Edouard Louis».Abdellah Taï'a se demande aussi comment quelqu'un, commelui, issu d'un coin «paumé» du Maroc, qui n'a appris vraimentle français qu'à l'âge de 18 ans, se retrouve écrivain dans laVille Lumière. Pourquoi vouloir écrire en français ? «Parce quec'était la langue que les riches au Maroc utilisaient, utilisentpour nous écraser. Je voulais l'apprendre par vengeance», lâ-che-t-il d'une voix curieusement douce. «J'ai ressenti l'urgenced'écrire à cette période, après avoir envoyé une lettre d'amoursignée de mon nom à mon prof de maths du lycée.» Une lettrequi, même restée sans ré-ponse, a constitué un pre-mier pas vers son coming 1973 Naissanceout, accompli à 32 ans. Une *a Rabat.révélation qui lui a valu de I»»» Arrivée à Paris,faire la une du principal heb- 2O1O Prix dè Floredomadaire francophone ma- pour son roman le Jourrocain Tel Quel et d'être pro- du roi.pulse médiatiquement. 2O13 Larmée du saJutDepuis, il assume les termes au Festival de Venise,crus qu'on lui balance à la 2O17 Celui qui estgueule : «PO», «pute», «ani- digne d'être aiméviste». Il les garde ancrés en (Seuil),lui comme pour mieux s'enprémunir. S'il vit librementson homosexualité en France, il se retrouve confronté à unautre enfermement, celui du regard de l'autre, qui le suitmême dans ses amours. «Je me sens bloqué dans des visionscolonialistes, je sens qu'on veut m'aseptiser de tout ce qui faitma culture.»Abdellah Taïa regrette aussi le climat actuel. «Alors même que

j'ai endossé le rôle du bon petit Arabe, quiplus estpédéje resteauxyeux de certains un terroriste potentiel.» L'écrivain parledes Marocains et des Français avec passion comme de deuxespèces distinctes. On ne sait pas trop s'il glisse sciemmentdes termes en arabe pour créer une complicité ou si c'est natu-rel. Car sa spontanéité apparente laisse très vite transparaîtreson côté «stratège». Même s'il appelle ça, «se débrouiller à lamarocaine». Volubile, il parle de tout sans gêne. Presque trop.«Quand j'ai rencontre l'historien Jean Starobinski, je me suisempressé de lui toucher les vêtements pour avoir la baraka.Je trouve ça beau, primaire, et ce n'est pas de la superstitioncomme on l'insinue en Occident. C'est une sorte de coutumechez nous», raconte-t-il dans un rire sonore. Il ne laisserait paspasser la moindre opportunité. Et cette obsession vient deloin: «Comme ma mère nous faisait vivre avec 150 dirhams parmois [13 euros, ndlr]je suis devenu un maître du "tzawig", tuconnais ? [«la supplication», ndlr]. Quand il fallait baiser unemain, j'en baisais deux, pour convaincre l'épicier de nous fairecrédit, par exemple. On avait régulièrement des "ijtima " [«réu-nions»] où on décidait de ce que chacun devait f aire pour sur-vivre. J'ai aussi appris l'art de la séduction qui frise la manipu-lation, grâce à ma tanteMessaouda, prostituée. Elle était lapute de la famille, et, moi, la deuxième pute à cause de monhomosexualité.»Et la religion dans tout ça? «Je suis musulman.» Pratiquant?«Oui.» On insiste. «Je jeûne à ma manière, je prie dans matête, j'invoque Dieu dès que je mentionne ma mère.» Pas deraison de tergiverser. C'est noté. On en vient à parler poli-tique. On le titille sur le roi du Maroc. Tout en restant dansla maîtrise, il trahit quelque peu sa pensée : «Commentparlerde lui sans m'attirer des ennuis...» Et en France alors? Vote-t-il? «Je n'ai toujours pas demande la nationalité française,par paresse, il faut que je le fasse. Mais je dois avouer que moncœur penche déplus en plus pour Macron. Je trouve qu'il a uncôté stendhalien.»Au moment de se quitter, il nous offre une carte postale quireprésente la Lutte de Jacob avec l'Ange de Rembrandt.Comme ça, histoire de ne pas partir les mains vides. On nerepart pas non plus le cœur vide. -*•

Par DOUMA HADNIPhoto SAMUEL KIRSZENBAUM

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Date : 22/28 JAN 17

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 13748

Page de l'article : p.66-68Journaliste : Mabrouck Rachedi

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Quand il nous donne rendez-vousau café La Vielleuse, à Belleville,on a l'impression d'être projetédans le dernier roman d'Abdel-lah Taïa, Celui qui est digne d'êtreaimé. C'est là que Vincent a attendu

en vain Ahmed, double littéraire du romancier.L'amant délaissé lui écrit une lettre. C'est l'unedes quatre qui composent le livre de l'écrivainmarocain homosexuel. De sa voix douce, maisferme, Abdellah Taïa insiste bien sur l'adjectifhomosexuel : « Quand on me présente juste commeun écrivain marocain, je ne peux pas m'empê-cher de le ressentir comme une expression de

l'homophobie, même par certains qui se croienttrès libres dans leur tête. Je veux assumer d'êtreun écrivain gay, non comme une étiquette, maistout simplement parce que c'est ce que je suis. Siles gens ne connaissent pas cette partie de monidentité, il y a quelque chose de moi qui manque. »

Les quatre lettres remontent le fil du temps.La première est celle adressée par Ahmed à samère, morte cinq ans auparavant. Des mots dursà rencontre de Malika, dominatrice, castratrice,se refusant du jour au lendemain à son mari quine s'en remettra pas. Cette même mère qui, lassed'avoir enfanté six filles d'affilée, a failli tuer sonfils avant la naissance à l'aide d'un breuvage de

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Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 13748

Page de l'article : p.66-68Journaliste : Mabrouck Rachedi

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sorcière. « Tu étais notre mère, Malika, mais onne t'aimait pas. On ne t'adorait pas comme lesautres adoraient leur mère », écrit l'auteur, néen 1973 à Salé

DOUBLE. Cette exploration des liens familiauxtraverse l'œuvre de Taïa depuis son premier livre,Mon Maroc. Le Rouge du tarbouche, L'Armée dusalut, Une melancolie arabe, Le Jour du roi, Infidèles,Un pays pour mourir sont autant de romans quiparlent plus ou moins directement de lui « Laquestion de l'autobiographie ne se pose mêmepas pour moi. Ahmed, c'est moi, mon double,mon fils, mon hétéronyme, comme disait Pessoa.

Tout ce que je pourrais écrire ne peut venir quede ma vie, de ceux que je croise dans le monde Jesuis incapable d'inventer autre chose que ce queje suis. Je pense que le courage dans l'écriture sesitue justement dans ce lieu où l'on est capablede mettre la part plus obscure de soi. »

A côté d'Abdellah l'autobiographe, il y a Taïal'observateur de son environnement. L'intime, lesocial et le politique s'imbriquent Les rapports dedomination structurant la société se retrouventdans l'organisation des rapports familiaux Cen'est pas un hasard si la mere s'appelle Malika,« reine », en arabe « Plus je vieillis, plus je me rendscompte que mes parents m'aimaient, mais

A « Tout ce que ;je pourrais écrirene peut venir qude rn a vie », soutientl'auteur.

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Extrait« Aujourd'hui, à

30 ans, tout ce queje suis depuis l'âgede 17 ans vient detoi. Ma vie entièreest une constructiond'Emmanuel.J'ai fa it ce que tu

m'as dit de faire.J'ai passé leconcours que tu m'asconseillé de passer.J'ai fait Sciences Po.J'ai fa it les stages

que tu m'as trouvés.J'ai adopté ton modedévie, de penser, de

manger, de marcheret de baiser.

Je m'habille commetoi. Selon les codeschics hérités de tafamille. Même leparfum que je portedepuis des années,c'est toi qui me

l'as choisi. AnnickGoûtai. Je l'adorais.

Je ne le supporteplus.Je ne suis plusAhmed. Je suis

devenu Midou.Comme autour de

nous mon prénomposait problème pourtes amis parisiens, onl'a arrangé, coupé,massacré.!...]"Midou", comme"Milou", l'adorable

petit chien deTintin. C'est ce

qui m'est venu àl'esprit commeassociation. »

AbdellahTAÏA

Celui qui estdigne d'êtretime, d'AbdellahTaïa, Seuil,136 pages,15 euros

remplaçaient le pouvoir Comme d'autres,ils exécutent ce que les riches, les rois, les presidents veulent qu'on devienne Ces parents, aunom de leur amour pour nous, nous arrêtent,nous censurent Ils nous ramènent a la petiteplace que le pouvoir a décidée, pour nous J'aitoujours entendu mon pere dire "Qu'est-ce quevous voulez de plus, vous avez du pain et du the ?"Ma mere me répétait en permanence "Nous nesommes que des pauvres" Au final, une formede dictature nous est imposée malgre nous »

LANGUE. Ainsi, la dictature dessine un cerclevicieux qui se propage a tous les personnages,auteurs et victimes d'une violence sourde qu ilsperpétuent « Le cœur dur d'Ahmed vient directement de ce que sa mere a ete, de sa nécessite dedevenir dure face a un monde lui-même dur Ceque dit le livre, c'est que pour pouvoir survivre,la construcuon du monde nous oblige a devenirdes coeurs durs Cela rejoint ma philosophie tresdésespérée sur les relations humaines »

Au-delà des névroses des personnages, lepropos s'affirme de plus en plus politique aufil des lettres « Dans la structure narrative demon livre, il ne s'agissait pas de s'arrêter devantl'impasse de mon double Ahmed II fallait l'ame-ner plus lom que ça et remonter le temps afinde déterminer ce qui s'est passe pour qu'on enarrive la » Lamour devient la continuation de lapolitique par d'autres moyens Apparaît alors lespectre du colonialisme, qui s est immisce danssa relation amoureuse tumultueuse de treize ansavec Emmanuel Ahmed le quitte a 30 ans, surla pointe des pieds, en commençant sa lettrepar « Je sors de toi et je sors de cette langueque je ne supporte plus Je ne veux plus parlerfrançais J arrete de fréquenter cette langue Jene l'aime pas Je ne I aime plus Elle non plus nem aime plus » Des propos repris a son comptepar Abdellah Tam < A partir de la troisieme lettre,on comprend comment cette langue continuede le coloniser et comment l'auteur moi utilisecette langue - le butin de guerre, selon KatebYacme, ou la langue de l'ennemi, selon JeanGenêt - pour critiquer de I interieur tout cela »

Et qu'est-ce que « cela », précisément? « II afallu que je passe par la France pour comprendrede maniere politique comme les Français blancscontinuent de nous voir comme des corps tota-lement inférieurs aux autres comment on est lusa travers des choses qui n ont rien a voir avecla réalité sensible, sentimentale, historique

religieuse,,, Le pire, c'est même quand on seretrouve dans une relation sincère avec l'autre,que l'on ne doute pas de la réalité de l'amouret des rapports sexuels avec l'autre, on se rendcompte que la quesùon coloniale, postcolomale,ces jeux de pouvoirs se retrouvent C'est un constatd'échec, des deux cotes Par exemple, je rencontre

quelqu un, je vais avec lui, je suis en tram debaiser avec lui et, tout a coup, je réalise que jene suis que le petit garçon qui avait aide AndreGide a se libérer Tout ça se retrouve dans l'actele plus intime possible l'amour » Et AbdellahTaia de raconter comment Oscar Wilde a initieAndre Gide en lui offrant un jeune homme enAlgerie « Qui oserait remettre en question cetacte fondateur de la mythologie homosexuelle7

L'histoire ne retient que Wilde et Gide Et qu'enest il de ce garçon arabe ? Et de tous ces gar-çons arabes qui se sont donnes a Paul Bowles,a Burroughs a Tanger, a Flaubert au Caire ?

Même quand j'étudiais ces episodes a l'universitéMohammed-V, de Rabat, personne ne se posaitla question du point de vue de ces autres Nonseulement l'orientalisme continue de diriger nosvies, maîs il continue de diriger le point de vuedes intellectuels arabes francophones »

Le personnage d'Ahmed enfonce le clou ens'affirmant « indigène de la Republique », exprèssion qu'Abdellah Tam emprunte au Parti desindigènes de la Republique « Je ne les connaispas du tout, je ne les ai jamais rencontres, maîs jerespecte ce qu ils font, ce qu ils disent Je ne suispas d'accord avec toutes leurs idees politiques,maîs ce n'est pas une raison pour les attaquer, lesdiscréditer, faire comme si c'était des ecervelésAu contraire, je trouve que leur parole est plusque nécessaire, surtout aujourd'hui Ils sont leproduit du rapport de la France avec tous cesgens qu'elle a non seulement utilises pendant lecolonialisme, maîs qu'elle a continue d utiliserapres la colonisation On les a amenés pour bâtirla France, on les a ghettoises, et maintenant qu ilsosent parler avec une certaine virulence on leurdit qu ils sont trop violents, trop radicaux »

COU. On aurait tort de voir dans Celui qui est digned etre aime un brûlot a thèmes Taia emprunte auxLettres portugaises, roman anonyme du XVIIe siecle« qui a libere l'acte d'écrire » chez lui, sa formeepistolaire et son souffle litteraire « Je n ai pasvoulu que ça devienne des idees Je déteste lireun roman dont on dit que c'est de la sociologie,que l'auteur applique les idees de Foucault, deBarthes Je prefere prendre le cote brut de la vie,le penser et donner I impression au lecteur qu'ilht quelque chose de spontané, alors que e estévidemment tres construit » Et Taia de précisersa maniere sans concession d'être écrivain « Jen écris ni pour donner une bonne image de moiru une bonne image de mes heros encore moins

pour faire plaisir a qui que cg soit, ni en Francem au Maroc II s'agit de dire quelque chose debeaucoup plus profond, de plus violent sur lemonde » Taia signifie « obéissant », en arabeL'écrivain a décide de tordre le cou a la facilite,de penser contre lui même et les systemes endevenant un désobéissant •

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Date : 28 JAN 17

Périodicité : QuotidienOJD : 163692

Journaliste : Veneranda Paladino

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éditionSTRASBOURG rencontre avec Abdellah Taïa

Des corps colonisés

Abdellah Taïa. (PHOTOABDERRAHIM A N N A G )

Romancier marocain Abdel-lah Taïa vient de publierCelui qui est digne d'êtreaimé, un recueil de souf-frances épistolaires et cor-respondance philosophique.

« COMMENT as-tu pu metransformer moi aussi, me fairedevenir un dictateur commetoi, un sans-cœur commetoi ? ». C'est sa mère, Malika,qu'invective Ahmed. Lenarrateur de quarante ans faittomber une pluie d'obus sur samère défunte. Cette sorcière,membre d'une armée defemmes qui sont la Mecque deshommes tel qu'Hamid, le pèresoumis. Innervé par unebrutalité, une violence, lenouveau roman d'Abdellah TaïaCelui qui est digne d'être aiméparticipe du ressassementininterrompu de l'auteurmarocain.Depuis son prix de Flore, en2010 pour Le jour du Roi (éd.Seuil), le romancier explore laviolence initiale, la plaie desorigines, le soleil noir d'uneenfance marquée par lapauvreté, la sorcellerie, leCoran. Ahmed comme Abdellahs'est extirpé de cedéterminisme social et sexuel.

AbdallahTAÏA

Celui qui estdigne d'êtreaiméAbdellah Taïaéd. Seuil144 pages,15€

Ils se sont tournés vers lesmecs. Mais à quel prix. Recueilde souffrances épistolaires etcorrespondance philosophique,le nouvel opus remonte letemps au fil des lettresadressées à Malika, à Vincent,amant d'un jour, à Emmanuel,Pygmalion durant treize ansjusqu'à la lettre reçue de Lahbibqui ravive l'adolescence sous lesoleil de Salé.line lettre recouvre une autre,et ces fragments reconstituentl'histoire d'une violence, lerécit d'une colonisation ducorps comme de l'esprit par lalangue française.Le coeur d'Ahmed s'est endurciet c'est sans scrupule qu'il faitentendre son cri de révolte.Renverse aussi les images enredonnant un visage, uneexistence et une histoire aupetit arabe d'Algérie offert parOscar Wilde à André Gide, àBiskra -lui permettant ainsi devivre sa première expériencehomosexuelle, lin épisodeultra-célèbre de la mythologieérotico-littéraire homosexuelle.Celui qui est digne d'être aimé,n'est-ce pas Lahbib, dont lenommême,A/-/iaôiib, ditl'amour, l'objet de l'amour. Sesparoles post-mortem disent laforce de l'engagementd'Abdellah Taïa. « N'oublie pas.Ne m'oublie pas. Tu dois merendre justice. Me porter mortet vivant dans ton cœur.Partout, je serai avec toi. Jesaute dans le fleuve. Je suisavec toi. À bientôt, Ahmed ». Eneffet, à très vite, Abdellah Taïa.

VENERANDAPALADINO

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Date : FEV 17

Pays : FrancePériodicité : MensuelOJD : 2376

Page de l'article : p.12Journaliste : Catherine Faye

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SEUIL 6801940500506Tous droits réservés à l'éditeur

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Abdëllàhf-f-l ••. Taia

Des rives,des continentsUn écrivain transgressif, unroman épistolaire... CocktailDÉTONNANT dans lequell'auteur règle leur compte à sesamants, sa MÈRE et la sociétémarocaine traditionnelle.par Catherine Paye

C'EST UN HOMME en colere A 43 ans Abdëllàh Taia ne s estpas apaise ll a beau s'indigner écrire sans transigerdénoncer tout ce qui le dévore le tiraille, I empêche de seposer, il reste soude a cette révolte étranglée qui le scindeen deux D un cote, le Marocain subversif a la fois conspue

et admire De lautre, I auteur de livres écrits dans la languede Molière qui, apres vingt annees passées dans l'Hexagonen'a toujours pas demande sa nationalité française S il s érigecontre les diktats, la bienséance hypocrite et I ordre etabli,e est pour mieux etre De Mon Maroc (SeguierJ, paru en

Abbe lanTara

Celui qui est digned etre aime

AbdëllàhTAÏA

«CELUI QUI ESTDIGNE D ÊTRE AIMÉ»,Abdëllàh Taia, Seuil,144 pages, 15 €

2000 jusqu a ce dernierroman, en passant par Le Jourdu roi (Prix de Flore 2010) ildonne invariablement la voixa son insoumission, a sonimpatience La voix aussi aux

minorités et aux destins amputes Pourtant a le regarder,on oscillerait entre Gueule d'amour - Gabm en beaumilitaire du régiment de spahis d'Orange - et unautoportrait de Fragonard une de ses passions Traitsciselés moue tendre regard enjôleur il joue dune grâce ala fois détachée et profonde Une élégance sombreAvant dernier d une fratrie de neuf enfants, il voit le jouren 1973 a Hay Salam quartier populaire de Sale, sur lesbords du fleuve Bouregreg Eleve dans une famillemodeste ou travail et etudes ne sont pas des chimeres, ilgrandit au rythme d allées et venues entre les deux rivesde l'estuaire Sur la rive gauche, une enfance verrouillée,cadencée par les feuilletons égyptiens qu ll suit avec sessœurs, sur la rive droite, Rabat, capitale mouvante, ou lesrencontres fortuites sont monnaie courante Pendantvingt cinq ans, il fait la traversee en bus ou en flouka- barque a voile ou a moteur -, laisse libre cours a sonhomosexualité décroche une maîtrise de litteraturefrançaise, quitte le Maroc pour s installer a Paris ou il vitd'expédients et commence a publier <Passer a I écriture,e est passer a I acte >, confie celui qui fait son commg outen 2007 II est en couverture de I hebdomadaire marocainTel Quel 'Homosexuel envers et contre tous» Un acte decourage, politique, dans un pays ou être gay est passible detrois ans de prison Aujourd'hui encore ce pratiquantmusulman livre un combat farouche pour un Maroc pluslibre Sans jamais cesser de construire mot apres mot unimplacable plaidoyer contre I oppression et la tyrannie D unregime, d une societe d une famille D une mere aussi Cettemere a qui il écrit dans son dernier roman cinq ans apres samort, pour regler ses comptes avec elle et lui raconter sa vied'homosexuel Si Celui qui est digne d'être aime ne se veutpas autobiographique, il fait echo au parcours de I auteur, a

travers également trois autres lettres adressées a desamants, français ou marocains qui ont change sonexistence pour le meilleur ou pour le pire Son intranquillitepoignante intercède en faveur de la singularité de chacun •

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L'OBSDate : 26 JAN/01 FEV17

Pays : FrancePériodicité : HebdomadaireOJD : 401087 Page de l'article : p.95

Journaliste : François Reynaert

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ÉTRANGER

Taïa le combattantCELUI QUI EST DIGNE D'ÊTRE AIMÉ,

PAR ABDELLAH TAÏA, SEUIL, 136 P., 15 EUROS.

• Ahmed écrit à sa mère, Malika, la « dictatrice », dure, sensuelle,infatigable, qui repose enfin puisqu'elle est morte. Vincent, l'amant fran-çais trop vite aimé dans un petit hôtel de Clichy, écrit à Ahmed, commelui-même, cinq ans plus tôt, écrivait à Emmanuel, ce séduisant intellec-tuel rencontre un jour sur la plage de Salé. Il avait bouleversé sa vie enlui transfusant la langue et la culture françaises. Il l'avait poussé à renier

une part de lui-même, enfantpauvre du Maroc, ami deLahbib, petit voleur des rues.Et il était le dernier, dans lelivre, à prendre la plume.Quatre lettres s'étalent dansle temps et disent, avec untalent poignant, la mêmedouleur, la tristesse de l'exil,le traumatisme de la sujétioncoloniale, les souffrances del'amour d'un homme pourles hommes. Abdellah Taïa(photo), cinéaste, romancier,prix de Flore 2010, est un desrares écrivains du mondearabe à parler frontalement

de son homosexualité et à intervenir dans le débat public avec couragepour défendre les droits des homosexuels menacés par le puritanismereligieux. Toute son œuvre explore, avec douceur et force, les blessuresintimes liées à cette identité et ce combat.FRANÇOIS REYNAERT

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Date : 25 NOV 16

Pays : FrancePériodicité : Hebdomadaire

Page de l'article : p.47Journaliste : S. J. R.

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Les lettres et le néant5 Janvier > ROMAN France

Le narrateur d'Abdellah Taïa fait uneanatomie de son « cœur dictateur»à travers une correspondanceadressée à sa défunte mère et à sesanciens amants.« Ce n'est pas fa peine de verser des larmes, devous plaindre Vomissez-moi Haïssez-moiMaudissez-moi Tuez-moi Faites ce que vousvoulez Je ne reviendrai pas Je suis loin, déjàJe suis lom de vous, loin de tout, loin même demoi » Ahmed est implacable avec ses amants,il les prend, il les jette Avec sa tête d'« angemalin », aux dires de Vincent qu'il a draguéun jour dans le métro, le jeune Marocain fraî-chement débarqué à Pans avait su séduire lequadragénaire littéraire par son corps d'éphèbemaîs aussi par ses mots II avait parlé de sapassion pour ce bijou de la littérature françaiseque sont Les lettres portugaises Un classiquede la langue comme de l'intime trahison lareligieuse cède aux avances du chevalier quil'abandonne dès qu'elle a cédé

Le protagoniste du roman épistolaire d'Ab-dellah Taïa, Celui qui est digne d'être aimé, faitl'anatomie de « [s]on cœur terrible, terrifiant »,

Abdellah Taïa

« un cœur dictateur » qu'il avoue dans uneadresse à feu sa mère, Malika, avoir hénté decette dernière • « Terminer une relation, brisermon couple, jeter à terre l'autre, l'amour, medonnait une jouissance rare [ ] J'étais seul etdur Seul et seul [ ] J'avais limpression quej'existais enfin dans ce plaisir pervers, danscette solitude déterminée, dans le rapprochementavec toi, maman, avec ce que j'ai appris de toiEtre impitoyable » L'homme aujourd'hui de40 ans repense à cette « dictatrice » qui avait

subjugué le père par le pouvoir de son sexeet avait imposé son injuste loi sur la fratrienombreuse Slimane, « fils premier, adoré,vénéré », les six sœurs ignorées, et lui malaimé, non désiré (Malika enceinte de lui,croyant à la venue d'une septième fille, avaitvoulu avorter) - homosexuel, « plus homosexuelque jamais maintenant ». Salé, le village natal,la pauvreté, Emmanuel le Français qui avaitfait de lui un « petit pédé parisien » et l'avaitsauvé de sa misère, les limbes identitaires oùl'on ne sera jamais français tout en ayantoublié l'arabe des origines, l'ami d'enfanceLahbib, lui aussi giton d'un expatrié de France.Lalter ego fictionnel d'Abdellah Taïa dresseavec un lyrisme touchant de sincérité le portraitd'un homme à jamais blessé S.J. R.

ABDELLAH TAÏACelui qui est digned'être aiméSEUIL

TIRAGE 6 000 EX

PRIX 15 EUROS, U4 P

ISBN 978 2 02-134307 é