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BI-MENSUEL DIRECTEUR POUTIQUE BERTRAND RENOUVIN Balles A Tou l ouse , un j eune homme est tué par b a l l e s d a n s d e s c o n d i t i o n s q u i valent la mise en examen d'un policier - vite libéré. A p r è s p l u s i e u r s n u i t s d'émeute, c'est un autre policier en mission qui reçoit une balle dans l'épaule. Banalité de la violence, des commentaires qui l'accompagnent et des déclarations ministérielles. Cela fait plus de quinze ans qu'on nous dit que les ban l i e u e s s o n t a u b o r d d e l'explosion. Plus de quinze ans qu'on multiplie les col loques, les projets, les inter ventions et les crédits, tan dis que les travailleurs sociaux et les militants asso ciatifs se dévouent sans compter. On ne sortira pas de cette impasse par des violences désespérées, ni par une répression qui engendre des réactions de colère et de haine. Les gouvernants refu sent de voir que le « pro blème » ne vient pas de certains guaitiets, des Jeu nes, des inuaigiés, mais de leur gestion économique qui crée toujours plus de souf france sociale. Pas d'autre solution que la lutte politique, collective, globale, contre les ministres et les députés qui sont res ponsables du chômage, de la misère et des violences qui en résultent. Il faut qu'ils répondent enfin de leurs actes. IMPERIALISME Résister aux États-Unis Le Pen n'est pas mort P=3 Anticonformisme Entretien avec Henri Guaino p. 6/7 DU 28 DÉCEMBRE 1998 AU 10 JANVIER 1999 - 27® année - Numéro 719 - 20 F

États-UnisLes gouvernants refu sent de voir que le « pro blème » ne vient pas de certains guaitiets, des Jeu nes, des inuaigiés, mais de leur gestion économique qui crée toujours

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Page 1: États-UnisLes gouvernants refu sent de voir que le « pro blème » ne vient pas de certains guaitiets, des Jeu nes, des inuaigiés, mais de leur gestion économique qui crée toujours

B I - M E N S U E L D I R E C T E U R P O U T I Q U E B E RT R A N D R E N O U V I N

B a l l e s

A Toulouse, un jeunehomme est tué parb a l l e s d a n s d e sc o n d i t i o n s q u i

v a l e n t l a m i s e e n e x a m e nd'un policier - vite libéré.A p r è s p l u s i e u r s n u i t sd ' é m e u t e , c ' e s t u n a u t r epol ic ier en miss ion quir e ç o i t u n e b a l l e d a n sl 'épaule.

B a n a l i t é d e l a v i o l e n c e ,d e s c o m m e n t a i r e s q u il ' a c c o m p a g n e n t e t d e sd é c l a r a t i o n s m i n i s t é r i e l l e s .Cela fait plus de quinze ansqu'on nous dit que les banl i e u e s s o n t a u b o r d d el'explosion. Plus de quinzeans qu'on multiplie les colloques, les projets, les interventions et les crédits, tand i s q u e l e s t r a v a i l l e u r ssociaux et les militants assoc i a t i f s s e d é v o u e n t s a n sc o m p t e r.

On ne sortira pas de cetteimpasse par des violencesdésespérées, ni par unerépression qui engendre desr é a c t i o n s d e c o l è r e e t d ehaine. Les gouvernants refusent de voir que le « problème » ne vient pas decertains guaitiets, des Jeunes, des inuaigiés, mais deleur gestion économique quicrée toujours plus de souff r a n c e s o c i a l e .

Pas d'autre solution que lalutte politique, collective,globale, contre les ministreset les députés qui sont responsables du chômage, de lamisère et des violences quien résultent. Il faut qu'ilsrépondent enf in de leursa c t e s .

I M P E R I A L I S M E

R é s i s t e ra u x

États-Unis

L e P e n n ' e s t

pas mortP=3

Anticonformisme

E n t r e t i e n a v e cHen r i Gua ino

p. 6/7

DU 28 DÉCEMBRE 1998 AU 10 JANVIER 1999 - 27® année - Numéro 719 - 20 F

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Médias

L e s c h i e n sd e l ' o n c l e S a m

Une incursion dans la presse américaine offre l'occasionde faire tomber le mythe de son professionnalisme auquel les chiens de

garde français continuent de croire.

Outre-atlantique, le journal is te es t t r ad i t i onne llement une figure respectée. Il est écouté ets o u v e n t s u i v i , r a r ement moqué. Favora

bles à l'éparpillement du pouv o i r , l e s A m é r i c a i n s o n tapplaudi à la naissance duquatrième. Mais les excès del'affaire Lewinsky ont laissédes t r aces . La su f fisance e t l af u t i l i t é d e s c o m m e n t a i r e s o n tfini par lasser. L'ignorance, laroutine et la reprise des clichésminent le crédit de la profession. Le public suit encorem a i s p o u r c o m b i e n d etemps ?

L ' i g n o r a n c e . F e i n t e o uréelle, elle est perceptiblequand un critique du StandardWeekly, un des grands titres

nationaux, entre en ébullition àla lecture d'un ouvrage quiconstate simplement que lapolitique étrangère américaineest déterminée uniquement paru n e é l i t e d e p o l i t i c i e n s ,d'experts de centre de recherches, d 'hommes d'affaires etde t sa rs des méd ias . Le même

critique plaide, lui, en faveurde l'influence des groupes de

r o ya l i s t e ^M - U M U C L O M C T V t K U n t U

SOMMAIRE : p.2 ; Las chiens de l'oncleSam-p.3 : Non, Ije Pen n'est pas mort-p.4 :0roits-L'accompagnatrice-p.5La guerre du XXI® si^le - p.6/7Entret ien avec Henr i Guaino - p.8Symbole- Les syndicats de laCIté - p.9Le malheur du siècle - p. 10 : Un sagep o u r n o t r e t e m p s • p . 11 : A c t i o nroyaliste - p. 12 : Éditorial : Non àl'hégémonleaméricalne.

RÉDACTION-ADMINISTRATION17, ruedes Petits-Champs,

7 5 0 0 1 P a r i s

Télèphone:01,42.97.42.57Télécople:01.42.96.05.53Dir. putjlicatlon : Yvan AU MONT

Com.parit.51700-ISSN01S1-5772

pression « qui ont souvents e r v i l ' i n t é r ê t n a t i o n a i e tapporté une importante dimension moraie aux polidquesa m é r i c a i n e s » e t d e c i t e rl'émancipation des Juifs enURSS, la préservation de laspécificité des États baltes, lapolitique anti-castriste et ladénonciation des persécutionsant i -ch ré t ie imes en As ie . Fau t -il rappeler à notre confrèreque les groupes de pressionn 'on t cure de l ' i n té rê t na t iona ld'aucim État et que les droitsde l'homme ne comptent pourrien dans leur logique financière. Faut-il lui préciser qu'uné l e c t e u r a m é r i c a i n s u r t r o i sn'est pas inscrit sur les listesélectorales (en France, un surdix), que l'abstention massiveaux élections fait que le peuple amér ica in f ina lements'exprime peu et subit le destin politique que lui fabriqueun régime oligarchique.

Dans ces conditions, il n'estpas étoimant que l'ignorancedu monde extérieur atteignequelques sommets. Ainsi lemagazine US News (un équiv a l e n t d u P o i n t o u d ei'Express ) n'hésite pas à

é c r i r e à l ' o c c a s i o n d ' u n c o mmentaire stir les biens spoliésd e s v i c t i m e s d e l ' H o l o c a u s t equ'« après avoir envahi iaFrance en i940, lesAFemandstrouvèrent une popuiace enmajorité désireuse de collaborer. Pendant des armées, lespoliticiens du pays on nié cefait, cultivant à ia place uneimage de résistance ». Évidemment l'auteur du papier seré fè re à l a r econna i ssance dela culpabilité de l'État parJacques Chirac en 1995 dontl ' intervention, c'est le moinsqu'on puisse dire, n'a pas peuc o n t r i b u é à b r o u i l l e r d a v a ntage les choses de ce côté-cide l'Atlantique faisant accroirel'idée que l'État légitime de laF r a n c e d e 4 0 à 4 4 c ' é t a i tVichy.

L e N e w Y o r k T i m e s e s t e n

général mieux informé maisnotre pays est une de sescibles favorites. La logiquecapitaliste pure et dure dujournal, la seule qu'un grandtitre américain soit capable deconcevoir, d'intégrer mentalement, lui permet récemmentde laisser tomber un jugementa t t r i s t é e t c o n d e s c e n d a n t s u r

u n d e s fl e u r o n s d e n o t r eindustrie. « Aérospatiale ad'excellents produits et unetechnologie avancée ; grâceaux largesses de l'État, ePe estdevenue une entreprise dispos a n t d ' u n r i c h e s a v o i r - i a i r etechnique mais elle est ineiïr-cace et étrangère à toutenotion d'actiormariat ». 11 fautsavoir que, dans l'esprit d'unjournaliste américain, un Étatqui utilise des capitaux prodigue des largesses tandisqu'une société privée quidépense de l'argent fait desinvest issements . Bref , onn'aura pas l'outrecuidance ded e m a n d e r à n o t r e c o n f r è r ecombien d'entrepreneurs privés auraient à son avis risquéne serait-ce que quelques centimes pour aider au démarraged'Aérospatiale...

Une revue de la presse américaine ne serait pas complètes a n s i m e i n t r u s i o n d a n s l esaint des saints, dans la référ e n c e u l t i m e , l a s o u r c esuprême du capitalisme financ i e r u l t r a - l i b é r a l . L e W a i iStreet /oumaiest le jomnal del'argent. De l'argent qui vavers l'argent pour retournervers l 'argent. Pour le WaiiStreet Joumai, l'homme est tmanimal actionnaire. Pour sarédaction, évoquer d'autresvaleurs que la recherche duprofit c 'est non seulementfaire preuve de mauvais goûtmais c 'est surtout commettreune faute professionnelle.Alors, par les temps qui courent on demande la libérationde ce bon général Pinochet enraison des services rendus etaussi parce que, horreur, « iaThéologie de la Révolutionn 'est pas morte, ePe dort seul e m e n t » .

François VERRAZZANE

B u l l e t i n d ' a b o n n e m e n tNom/Prénom :.

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ROYALISTE, 17, rue des Petits-Champs, 75001 PARIS - OOP 18 104 06 N Paris

Menhir

Non, Le Penn'est pas mort !

Dans le combat contre le Front national, la haine est à l'origine d'erreursqui ont conforté Jean-Marie Le Pen. L'explosion de joie qui a salué lascission du mouvement d'extrême droite n'est pas moins aveuglante.

a joie de la « gauchem o r a l e » s o n n e é t r a n

gement . Ou p lu tô t ,j cette joie haineuse• n'est compréhensible

que dans la mesure où lesbeaux et bons esprits de lavigilance antiraciste continuentà se méprendre sur le national-populisme (1).

S i l e F r o n t n a t i o n a l e s t l e

symptôme de la crise de laclasse dirigeante, l'évolutionde ce symptôme ne signifiepas que le malade soit guéri.Une fois de plus, Jean-MarieLe Pen exprime brutalement lavérité monstrueuse - ceUe quis e m o n t r e s u r l e d e v a n t d e l ascène - de l'élite au pouvoir.

Les dames de la gauchecaviar pouffent en lisant dansLibération l'histoire de la rupt u r e e n t r e l e c h e f d u F r o n t e tl'une de ses filles mais, quantau mélange de la vie familialeet de la politique, ces damesfé rues de « pa r i t é » nes'étonnent pas que SylvianeAgacinski soit citée sur quatrec o l o n n e s à l a u n e d uMonde (2) parce qu'elle estMadame Jospin, épouse dePremier ministre. De même,on ricane parce que le Césarde Saint-Cloud annonce qu'ilva tuer le Bru tus v i t roUa is ,alors que l'assassinat politiquee s t l a c h o s e d u m o n d e l amieux partagée. Valéry Giscard d'Estaing fut un cruelchasseur ; Philippe Séguin n'ajamais caché à ses interlocuteurs son intention d'él iminerJacques Chirac, et MichelRocard piétine rageusement lecadavre de celui qu'i l n'a

jamais été capable de poignard e r . C o m m e d ' h a b i t u d e , l echef frontiste proclame etaccomplit ce que d'autres pens e n t s a l e m e n t e t f o n t à b a sbruit. 11 n'y a vraiment pas dequoi se réjouir.

Cela dit, il faut bien parler,après tant d'autres, de lafameuse scission. La violencede l'affrontement a surpris lescommentateurs. C'est que lam o l l e s s e d e s é t o u f f e m e n t sconsensuels leur a fait perdrele sens historique. GeorgesVa l o i s co n t r e C h a r l e s Ma u r ra s ,Jacques Doriot contre MauriceThorez , Marce l Déa t con t reL é o n B l u m , c ' é t a i t a u t r echose ! La querelle entreJean-Marie Le Pen et BrunoMégret est dépourvue d'enjeuidéologique et to ta lementétrangère à l'histoire qui sefait : un propriétaire, vivantgrassement siu" son domaineavec sa famille et ses amis,vient de chasser tm intendantqui lui fut utile mais quivoulait faire main basse sur lesbiens de la maisonnée. Noussommes dans un petit mondeféodal, gouverné par un baronqui exige fidélité à sa personne, qui marie ses enfantsaux loyaux compagnons, châtie les félons, et se débarrasseaprès usage des bandesd'égorgeurs et de coupe-jarretsd o n t i l a e u b e s o i n p o u rasseoir son autorité. Rien quedu vieux sous le solei l .Mais l'avenir ? 11 n'y en a

pas. Le Front national est uneorganisation paralysée : soncréateur veut la garder pourlu i e t souha i te t rès bana lement

qu'elle périsse avec lui. D'oùsa colère contre Bruno Mégret,qui noiurissait deux ambitionsi n t o l é r a b l e s : c o n q u é r i rl'appareil et nouer ime allianceavec l a d ro i t e c l ass i quecomme les néo-fascistes i taliens. Le seigneur et maître duFront a donc entrepris d'étouffer l 'ennemi intér ieur, quin'avait d'autre choix que lamort lente ou le combat prématuré. Les mégrétistes ontdonc- engagé la lutte aumoment choisi par le vieuxchef, ce qui les a conduits àl'exclusion administrative et àune scission qui risque de lesmarginaliser rapidement malgré le ralliement d'un nombreimportant de cadres et d'élus.

L'hémorragie est forte, maisJean-Mar ie Le Pen a d 'o res e tdéjà gagné par rapport àl'objectif qu'il s'est fixé : il atranché dans le vif, jeté lesmutins par dessus bord, etreste seul à la barre. Commetout autre chef de parti enparei l les c i rconstances, i lbénéficiera de son charisme, etdu patriotisme de parti, trèsfort au Front national qui attirebeaucoup de citoyens en quêtede chaleur militante. De plus,la campagne pour les élections

européennes sera l 'occasiond'un activisme propre à effacer les états d'âme.

Tels sont les atouts du lepé-nisme. 11 est vrai que lesmégrétistes peuvent attirer àeux ceux qui ont compris quele Front « historique » étaitdevenu auss i dynamiquequ'un menhir sur la lande deCamac. Mais Bruno Mégretn'est qu'un technocrate froid,entouré d'un groupe d'intellectuels paganisants, adorateurs chtarbés des dieux germaniques et lecteurs foiinguesd'Aristote. Rien qui puisseséduire le peuple patriote dedroite. En outre, les lepénistesne laisseront aucun répit auxmégrétistes : le chef scissionniste sait d'ailleurs qu'il abeaucoup de souci à se faire àMarseille même puisque c'estJean-Jacques Susini, un desplus redoutables chefs del'OAS, qui a été chargé de lec o n t r e r .

Le national-populisme vadonc tourner en rond, s'affaiblir dans ses guerres intestines,tout en maintenant une grandepart de sa puissance électorale.La gauche « morale » n'adonc pas plus de raisons de seréjouir que la droite séguiniste,puisque les motifs de ia prot e s t a t i o n p o l i t i q u e q u is'exprime par le truchementdu Front national n'ont pasdisparu. Et Lionel Jospin, quitient compte des rapports deforce comme naguère FrançoisMitterrand, peut dormir surses deux oreilles : le national-populisme continuera à fairepeser son poids de plomb surla droite classique.

A n n e t t e D E L R A N C K(1) Fau te d 'avo i r lu le l i v re deBertrand Renouvin « Une tragédiel>ien /h^çaise. Je Front nat/cnaJ contreJa nation »... (Éd. Ramsay, 1997, prixfranco : 117 F).

(2) Numéro du 15 décembre 1998.

Philippe de MontjouventL e c o m t e d e P a r i set sa descendance

État présent de la Maison de France

Format 16x24 - 480 pages - Prix franco 180 F

Royal is te 7192 3

Royaliste 719

Page 3: États-UnisLes gouvernants refu sent de voir que le « pro blème » ne vient pas de certains guaitiets, des Jeu nes, des inuaigiés, mais de leur gestion économique qui crée toujours

Erratum

D r o i t s

voquant dans le der-' n i e r é d i t o r i a l d e

iJ Royaliste l'oubli par' l e m é p r i s g o u v e m e -

^ mental de nos principes constitutionnels,

j'évoquais le Préambule de laConstitution de 1946, qui faitpartie de notre « bloc dec o n s t i t u t i o n n a l i t é » - c ' e s t - à -d i re de l ' ensemble des ré fé rences imprescript ibles quis ' imposen t au lég is la teu rcomme aux gouvernants. Macitation (« tout être humaingui ne peut travailler [...] a ledroi t d 'obteni r de la coi iecd-vité des moyens convenablesd'existence ») était précédéed'une allusion à la Déclarationde 1789 qui, écrivais-je, proc l a m e u n e f r a t e r n i t é q u iengage le pouvoirpoh'tigue.Lors d'une réunion à Lyon,

un de nos abonnés m 'a fa i tremarquer que la Déclarationne « proclamait » rien du touten matière de fraternité, et quece mot ne figurait même pasdans le texte de 1789.

Je m'empresse de faire part àn o s l e c t e u r s d e m o n e r r e u r .Ma confusion tient au fait quej'avais lu peu avant d'écriremon article le Préambule de laConstitution de 1848 qui proclame effectivement, dans sonarticle IV, que la République« a pour principe la Liberté,l'Égalité et la Fraternité ».On notera cependant que la

f ra tern i té f igure parmi lœvaleurs de la France monarchique et révolutionnaire puisquela Const i tu t ion de 1791 d ispose dans son titre premier(« Dispositions fondamentalesgaranties par la Constitution ») qu'« il sera étabh' desfêtes nationales pour conserverle souveni r de la Révolu t ionfrançaise, entretent la Maternité entre les citoyens, et lesattacher à la Constitution, à lapatrie et aux lois ».

B . R E N O U V I N

Syndicalisme

L'accom pag n atr ice

Nicole Notât est devenue rincontestablepatronne de son syndicat. Mais la stratégie

qu'elle a choisie n'est pas nécessairement labonne : coopérer avec le système libéral aumoment où sa violence atteint son intensité

maximale peut réserver des surprises.

Vivement contestéevoic i t ro is ans , àMontpellier, NicoleNotât a remporté unevictoire totale à Lille,

le 11 décembre dernier, lorsque la confédération cédétistea clôturé son 44® congrès.Le bilan est en effet impres

sionnant. La CFDT est sortiede l'isolement où l'avait placée l'alliance entre la CGT etla CGT-FO lors du grandmouvement social de 1995.C'est maintenant Forceouvrière qui agit en soUtairealors que la CGT paraît engagée dans une opération derecentrage qui semble annoncer un rapprochement avec laCFDT. Il est vrai que laconfédération réformiste a levent en poupe puisqu'elleoccupe désormais la premièreplace dans le secteur privé etque le nombre total de sesadhérents est en progressiondepuis trois ans.

Dès lors, Nicole Notât peutestimer que sa stratégie estefficace : non seulement elles'est placée sous la bannièred'im « réalisme » qui est fortapprécié par le milieu patronal, mais elle a de plus bénéficié de la victoire de la gaucheen 1997 et de l'orientationnéo-libérale prise par le gouve rnemen t . Comme l a t endance soc ia l -chré t ienne es tprédominante dans le gouvernement Jospin (grâce à Martine Aubry et aux militants

deloristes qui peuplent lescabinets ministériels) les cédé-tistes sont coimne des poissons dans l'eau. Comme leurscompères gouvernementaux,les dirigeants de la CFDTestiment que la mondialisationest inéluctable, que le libéral i s m e u l t r a - c o n c u r r e n t i e l agagné et qu'il faut accompagner le mouvement en s'effor-çant d'atténuer les effets douloureux du capitalisme sauvage. La loi sur les 35 heuresa cette fonction, dont NicoleNotât veut ignorer les effetspe rve rs .

Il reste que les apparences dela lutte syndicale « responsable » ont été sauvées et queles succès politiques, médiatiques et sociaux de la secrétairegénérale lui ont permis deréduire à néant son oppositioninteme. Regroupés dans lec o u r a n t To u s e n s e m b l e l e spartisans d'un syndicalisme dec o n t e s t a t i o n o n t r e c o n n u l e u rdéfaite et renoncé à faire causec o m m u n e . A s s u r é e d ' u n e r é élection de maréchale (elle aobtenu 77,8 % des voix),Nicole Notât n'a pas eu lemoindre geste de générosité :tous les amendements déposéspar les contestataires ont étérejetés - même celui qui portait sur la constitution d'unes t r u c t u r e c o n f é d é r a l e r a s s e mblant les chômeurs et les précaires - et aucun opposant n'aété élu au bureau national.

Dernier signe, non le moin

dre, de cette démarche impériale : la présence d'une délégation de la CGT conduite parBernard Thibault, futur secrétaire général prédésigné de laconfédération. Les médias, quiprivilégient Nicole Notât, ontvu dans cette démarche laconfirmation du recentragecégétiste et la patrorme de laCFDT s'est vivement félicitéeque « la CGT exprime l'intention de s'extraire de la culturedu reiirs systématique et dutout-protestataire » tout endonnant un petit air « degauche » à son image inteme.

Tout va pour le mieux dansle meilleur des mondes social-démocrates. Cela dit, la DameThatcher du syndicalismedevrait porter son attention surtrois points :

- La CGT a besoin de laCFDT pour entrer à la Confédération européenne des syndicats, mais son tournantréformiste est loin d'êtreassuré, Bernard Thibault ayantpris soin de déclarer à LiUeque la CGT ne cherchait pas às'aligner sur une autre organisa t ion .

- La stratégie d'accompagnement continue de provoquerde sourdes et fermes oppositions internes, qui ne resterontpas sans conséquences.

- E n fi n , l e c h o i x d ' i m e

cogestion du système ultralibéral constitue xm choix trèsrisqué à l'heure où ce systèmeentre dans une crise qui vadécupler la souffrance sociale.

On peut gagner tous sescombats tactiques tout en marchant vers le désastre politiq u e .

Y v e s L A N D E V E N N E C

Menace

La guerred u X X | 6 s i è c l e

Si l'OTAN n'existait pas, faudrait-il aujourd'huil'inventer ? La réponse risque d'être négative.

Mais la question mérite d'être posée pouralimenter la réflexion engagée à la veille du

cinquantenaire de l'Alliance atlantique.a v i s i o n a m é r i c a i n e d el ' O T A N e s t d é m e s urée. Depuis l'effondrem e n t d e l ' U R S S , l a

^ menace militaire n'estplus identifiée. Le dan

ger est multiforme. Il émaned'États délinquants mais surtout de groupes terroristes, quis e t r o u v e n t à l ' i n t é r i e u r d e sf r o n t i è r e s c o m m e à l ' e x t é r i e u rdes territoires couverts par letraité de l'Atlantique nord : enA s i e c e n t r a l e n o t a m m e n t e ta u t o u r d e l a M é d i t e r r a n é e ,deux zones qui sont définiescomme « axe proliférant ».

De proche en proche, on enarrive à d'étranges conceptions. Pour preuve, le récentn u m é r o h o r s s é r i e d e T i m ec o n s a c r é a u x « v i s i o n sd'Europe » : ce très sérieuxhebdomadaire américain présente une carte d'Europe des« points chauds » où « uneO TA N t r a n s f o r m é e e n i b r c ede maintien de la paix enEurope » pourrait intervenir.On y recense deux zones decoriflit violent qui sont leKosovo et... la Corse (sic) ett r e i z e z o n e s d e v i o l e n c es p o r a d i g u e a v e c n i v e a u xélevés de tension, parmi lesquelles on trouve la Tchétchénie et le Haut-Karabakh, Chypre et le pays Basque, maisaussi Vitrolles (à cause de lamunicipalité Front national) etMagdebourg (Allemagne del 'Est) où ont eu l ieu dest r o u b l e s n é o - n a z i s .

L a p h i l o s o p h i e p r i m a i r ed'Huntington sur « le chocd e s c i v i l i s a t i o n s » s ' e s t d o n ci n f i l t r é e d a n s l e s c e r c l e s d ej o u r n a l i s t e s p r o c h e s d e

l'OTAN. Et la projection enF r a n c e d u f i l m « C o u v r e -feu » sur la menace terroristeislamique en Amérique constitue une autre indication del'évolution des objectifs : dumaintien de la paix, on aglissé au maintien de l'ordre.

Autre sujet de préoccupation : le sommet de Bruxellesd'avr i l 1999 devrai t entér inerl'adhésion de la Pologne, de laHongrie et de la Tchéquie. Or,sous couvert du « partenariatpour la paix » conclu avec 27E t a t s n o n - m e m b r e s d el'Alliance, le commandementaméricain en Europe a engagédes programmes de coopération extensifs tout autour de laRussie et même au sein de laCEI. Au moment où l'élargissement de l'Union européenneest encore repoussé, la militar isa t ion de l 'es t -européens'accélère sans véritable m^-dat. L'implication américainedirecte - indépendamment del 'OTAN - fa i t j us t i ce desschémas qui tiendraient àréserver la sécurité intra-euro-péenne aux seuls Européens,les États-Unis se chargent dela sécurité extra-européenne.Outre que l'Europe ne peut sedésintéresser de cette dernière,l ' e x p é r i e n c e m o n t r e q u el'Amérique et les pays candidats n'acceptent pas plus imet e l l e d i v i s i o n d u t r a v a i l e nEurope. La force d'extractionbasée en Macédoine le montreamplement. Alors que Chiraca v a i t f a i t c a m p a g n e - e nvain - pour la nominationd'un Européen à la tête ducommandement de la zone sudà Naples, c'est de ce commandant toujours américain, l'ami

ral Ellis, que le général français de cette force reçoit sesordres et les transmet, le touten américain. Et on veut yvoir un exemple de forceeuropéenne, sans participationaméricaine directe, « sépara-blé mais non séparée », bénéficiant de l'appui logistiquea m é r i c a i n . . . L a M a c é d o i n es'est pourtant inquiétée d'unéventuel remplacement desobservateurs américains parles seuls européens, signed'ime protection moindre !

Même si elle agit dans lecadre de l'OTAN, l'acquisition par xme force européeimede moyens propres de rensei-gnenlent (notamment par lebiais de TUEG), est d'autantplus exclue que l'écart avecles moyens développés par lesA m é r i c a i n s e s t d e v e n uénorme. La proposition britannique, qui consiste à mettreces moyens de renseignementsa u s e r v i c e d ' u n e f o r c e e u r op é e n n e a u t o n o m e e s t e nc o n t r a d i c t i o n a v e c l e s a c c o r d sspéciaux anglo-américains,toujours en vigueur, qui assort issent tout t ransfer t de technologie de firmes américainesvers la Grande-Bretagne d'unec lause de non- t rans fe r t vers unautre partenaire.

Av e c l e u r m a î t r i s e d u r e n s e ignement, les Américains peuvent nous désigner l'ennemid e l e u r c h o i x à l ' i n t é r i e u r d enos propres frontières tout ens e r é s e r v a n t d e c o n s t r u i r eautour de l'Union européenneune sor te de mur v i r tuel .

T o u s l e s é l é m e n t s d e l aguerre du XXI® siècle seronten place pour le cinquantenaire de l'Alliance. Ce ne serapas notre guerre.

■ Bertnind Renouvin

ILES BOURGEOISDU CREPUSCULE

L lin (les peiib-rmittes

A a

• im n

Y v e s L A M A R C K

A m a t e u r s d ec o n s e n s u s m o u e ttenants de penséetou te fa i t e , s ' abs ten i r !

D a n s c e n o u v e lessai, aux accents depamphlet , Ber t randR e n o u v i n d é c r i t e td é n o n c e l e s M a î t r e sou plutôt les petits-m a î t r e s q u i o n te n v a h i l e s a l l é e s d upouvoir tant pol i t ique que médiatiqueou éconoriiique.

L o i n d ' ê t r e s e u l em e n t u n c o n s t a td é s a b u s é , c e l i v r eindique les voies às u i v r e p o u r n o u sd é b a r r a s s e r d e l e u remprise et reprendrenos pouvoirs.

B O N D E C O M M A N D E

Nom/Prénom ;

Adresse ;

Code postal/Ville :

□ c o m m a n d e e x .des « Bourgeois du crépuscule » au prix de1 2 0 F f r a n c o .

Règlement à l'ordre deRoyaliste, 17, rue des

Petits-Champs, 75001 Paris.

Royaliste 719 Royaliste 719

Page 4: États-UnisLes gouvernants refu sent de voir que le « pro blème » ne vient pas de certains guaitiets, des Jeu nes, des inuaigiés, mais de leur gestion économique qui crée toujours

Gaullîste fervent ,H e n r i G u a i n o f u t l e

proche collaborateurde Philippe Séguinpendant la campagnecont re le t ra i té deM a a s t r i c h t . I l a

ensuite inspiré la campagneprésidentielle de Jacques Chirac,qui lui doit son succès auprès detous les citoyens qui rêvaient d'enfi n i r a v e c l a f r a c t u r e s o c i a l e .Nommé commissaire au Plan, soncélèbre rapport sur les chiffresréels du chômage lui a valu d'êtrebrutalement congédié par LionelJospin. Critique rigoureux de la« pensée unique », il milite pourune autre politique, fidèle auxprincipes de la démocratie et ausouci de la République.

'eiisùu

N o n àl'imposture !

■ Royaliste : On a de pluse n p l u s r i m p r e s s i o n q u etout change - les majorités,les gouvernements - pourque rien ne change-H e n r i G u a i n o : E n e f f e t . L e sétiquettes partisanes ne permettent pas de trouver l'explication des politiques qui ontété menées en France depuisquinze ans, et qui sont toujours les mêmes par-delà tout e s l e s a l t e r n a n c e s .

On dit que les Français sonti n c o n s t a n t s e t i n c o h é r e n t s ,puisqu'ils renvoient tour àtour les équipes de droite et degauche. En fait, nos concitoyens fon t p lu tô t p reuved'une grande continuité. Ilssanctionnent systématiquementceux qui détiennent le pouvoirtoujours pom la même raison ; ils ne veulent pas de lapolitique qu'on lem impose,ils ne supportent pas lesconséquences de cette politique. Accessoirement, ils sanctionnent aussi le mensonge deceux qui se font élire sur unprogramme politique et quifont le contraire quand ilsgouvernent.

Je me souviens d'une phraseque j'avais écrite à l'intentiond 'un cand ida t à l a de rn i è reélection présidentielle et quiétait restée dans le discoursqu'il avait prononcé, à Bagatelle, entre les deux tours :« les Français en ont assezqu'on leur fasse des promesses à la ve i l l e des é lec t ions e tqu'on fasse exactement lec o n t r a i r e l e l e n d e m a i nm a t i n » . S a n s c o m m e n t a i r e s . . .

Tel est le problème : nousavons une pensée unique etune classe dirigeante uniquequi fait toujours la mêmepolitique. Quand on vit del'intérieur les changements degouvernements, on s'aperçoitque ce sont toujours lesmêmes qui sont aux postes deresponsabilité. Depuis quu^ans, la gauche a fait la politique déflationniste de Laval (en1935) et la droite a fait lapoliUque de la gauche qui estrevenue pour faire la politiquede Lava l .

■ Royaliste : Les dirigeants successifs du paysinvoquent les contraintes, etnous assurent de leur boTnnev o l o n t é .

Henri Guaino : Il n'y a pasde volonté. François Mitterrand disait qu'on avait « toutessayé » contre le chômage,mais ce n'est pas vrai. Depuisquinze ans, nos hommes politiques n'ont jamais cherché àlutter effectivement contre lechômage.Vous vous souvenez que M.

Juppé m'avait commandé unrapport sur le chômage - nonsur ses causes, mais sur leschiffres - afin qu'on se m^enfin d'accord sur les donnéesdisponibles. Dès la premièreréunion préparatoire, le groupede travail s'est cassé en deux :

- d'un côté, il y avait ceuxqui estiment que le chômage adepuis vingt ans changé denature, et qui observent quenous sommes passés d'unchômage ne concernant quedes catégories particulièrement

vulnérables à un chômage demasse, situé au coeur d'unprocessus de désintégrationsociale ;

- de l'autre côté, il y avaitceux qui inspirent les politiques menées depuis 15 ans etpour lesquels le chômage n'estpas un problème majeur- l'.angoisse collective quiétreint nos concitoyens étant àleurs yeux un phénomène irrationnel. C'est d'ailleurs ce querépète sans arrêt le gouverneurde la Banque de France : laFrance n'a pas de problèmeéconomique, ni de problèmesocial, mais seulement un problème de mental !

Comme le gouvemeur de laBanque de France, les milieuxdirigeants pensent que tout estaffaire de psychologie, quel'important est d'expliquer aupeuple qu'il est heureux, qu'ilest bien gouverné, et qu'il luifaut comprendre à quel pointson bonheur dépend des réformes qu'on va lui imposer. Etsi des citoyens protestent, c'estqu'ils ont mal compris et qu'ilfeut recommencer l'explication. Ceux qui nous dirigentne se trompent jamais, ils onttoujours raison et quand ilséchouent c'est toujours lafaute du peuple.■ Royaliste : Beaucoup deFrançais ont du mal à croireque les milieux dirigeantsréduisent à ce point lesd i f f i c u l t é s e t l e s d r a m e sauxquels ils sont confront é s .

Henri Guaino : Et pourtant,c'est vrai. La pensée luiique

dominante commence aveccette idée que la France vabieii. Tout dépend évidenunentd'où Ton regarde la société etcomment on la regarde. Onma expliqué un jour que lechômage et la précarité de1 emploi des jeunes ce n'estpas très grave, car « ça leurapprend la vie ». Le scandale,c est que ce sont des gensbardes de privilèges qui disentcela, alors qu'ils ne sont jamaisaUes sur le marché du travail- sauf pour faire des enquêtesstatiques. Ces gens-là m'ontexphque que ce qu'il y avaitd madmissible dans mon rapport, c'est qu'il sapait le moraldes Français. Ils m'ont dit quela précarité était normale, quec'était la condition de l'adaptation aux réalités de l'économiemoderne. Un ancien PremierMinistre ne déclarait-il pas, il ypeu de temps, qu'il valaitmieux im emploi précaire quepas d'emploi du tout ? EtMonsieur Mine dit qu'il vautmieux six millions de personnes employées à temps partielavec un s^e partiel plutôtque trois millions de chômeurs.Bref, nous n'aurions plus lechoix qu'entre la peste et lec h o l é r a .

■ Roya l i s te : Commentexp l i quez -vous ce t t e a t t it u d e ?

Henri Guaino : Par unedéfaifi ce morale. Pour l'élitela désintégration sociale n'estp^ un problème et le principed'égalité est un principedémodé. Il faut bien comprendre : derrière la politique de la

pensée unique il y a uneidéologie. La pensée uniqueest une pensée antirépublicaine, je veux dire ime penséequi rejette les valeurs de laRépublique.

Très concrètement, une partiede l'élite dirigeante ne veutplus du modèle républicain :elle veut tirer son épingle dujeu, elle refuse désormais departager, elle veut échapper àla cohésion sociale - et mêmeen finir avec la nation. C'est-à-dire avec la solidarité et avecla citoyenneté. Cette élite neveut plus avoir de comptes àrendre au peuple, mais ellerejette la souveraineté nationale et la souveraineté populaire parce qu'à ses yeux lepeuple, ignorant et impulsif,d o i t ê t r e t e n u à l ' é c a r t d e saffaires publiques. Cette élitetrouve qu'il y a trop d'Étatdans la République. Elle parled'un « État recentré sur sesmissions régaliennes » pourmasquer son dessein : legrand retour des féodalités- l o c a l e s , a d m i n i s t r a t i v e s ,européennes - à rebours den o t r e h i s t o i r e : l e fi l d i r e c t e u rd e n o t r e h i s t o i r e p o l i t i q u e ,c'est l'alliance du peuple et del'État contre les féodalités,depuis les Capétiens jusqu'à laRépublique.■ R o y a l i s t e : S u g g é r e z -vous que l 'histoire recomm e n c e ?

H e n r i G u a i n o : P a s t o u t àfait. Il y a quelque chosed'inédit dans ce qui se passea c t u e l l e m e n t .

Pour la première fois dans

notre histoire, ceux qui veulent faire le jeu des privilégiéscontre l'État et contre le peuple sont aussi dans l'État :ceux qui ont en charge l'autorité et la continuité de l 'Étatsont les premiers adversairesde l'État. On voit des serviteurs de l'État se créer desfiefs inexpugnables, dans desétablissements publics ou dansdes « autorités administrativesindépendantes » - comme siu n e a u t o r i t é a d m i n i s t r a t i v epouvait être indépendante dupouvoir politique.

Perrière, Il y a la volonté defaire exploser les institutionsqui exprimaient jusqu'à présent la primauté de l'intérêtgénéral sur les intérêts particul iers. Le deuxième f ront estsocial : il s'agit de casser lesocle sociologique et politiquede la République, je veuxparler de l'alliance entre lesclasses moyennes et les classespopulaires. Cette al l iance neremonte ni au Front populaire,comme le croit la gauche, ni àla Révolution de 1789 : elles'est nouée dès l'origine denotre nation et s'est toujoursaffirmée contre les féodalités,selon une idée de l'égalité quis'est précisée de siècle ens i è c l e . O r o n t h é o r i s eaujourd'hui sur l'inégalité, etla classe dirigeante a remplacéle principe d'égalité par laréférence à l'équité et à la« discrimination positive ».

■ Royaliste : QueUes sontles conséquences de cettethéorie anti-ègaiitaire ?

Henri Guaino : Rejeter leprincipe d'égalité c'est allervers la citoyenneté à géométrievariable, la « citoyennetéf l e x i b l e » c o m m e d i t A l a i nMine, sorte de corollaire de laflexibil i té du travail. Au boutil y a les tribus et les communautés, l'apartheid économique, social, culturel... Concrètement cela donne la politiquedes statuts dérogatoires et deszonages, dont les zones d'éducation prioritaire, créées audébut des années quatre-vingt,nous" donnent un exemple trèsparlant.■ Royaliste : On a dit queces zones représentaient undétour vers l'égalité...

Henri Guaino : Ce n'est pasvrai. Cette poUtique ne permetpas de corriger les inégalités,elle sert à rendre supportablesdes inégalités que par ailleurson se refuse à corriger. Cen'est pas ça, la République. LaRépublique, cela consiste àmettre partout où il le faut lesmoyens qu'il faut pour quechacun puisse accéder à lamême éducation : c'est donctout le contraire des réformespréconisées par Claude Allègre, car la déconcentrationqu'il aimonce signifie quechaque établissement va sespécialiser dans des populations particulières - les riches,les handicapés sociaux, etc. Etce n'est là qu'une des dimensions de ce qu'on nous prépare : l'apartheid social, lechacun chez soi, alors que laRépublique c'est l'égalitédevant la loi, devant le servicepublic, devant l'impôt, devantl'école.... La République, c'estl'égalité dans les conditionsd'exercice de la citoyenneté, lecontraire de cette politique qui

ne veut pas combattre le chômage et l'exclusion, mais seulement les rendre supportables.Apartheid économique et

social, mais aussi culturel : aufractionnement du territoire,s'ajoute le fractionnement del'imaginaire collectif et, parconséquent, du projet collectif.Mais cela ne gène pas lesp o s s é d a n t s : n o u s a v o n sconnu en 1993 l a p rem iè reannée de récession depuis cinquante ans, qui fut aussiTannée record pour la rémunération du capital. A courtterme, la France du rationnem e n t , d e l a d é f l a t i o n , d el'étranglement monétaire, de larestriction budgétaire, est profitable pour certains... La pensée unique prétend qu'elle estmoderne, qu 'e l le préparel 'en t rée dans le XXI® s ièc le e tque pour être en accord avecnotre temps il nous faut tireru n t r a i t s i n u n e c e r t a i n e i d é ede l'État, de la Nation et de laRépublique. Mais c'est tout demême extravagant de parler demodern i té à p ropos d 'unmodèle politique qui avec lesféodal i té nous renvoie aumoyen âge et d'une philosophie sociale - le darwinismesocial - qui est celle du XIX®siècle. La vérité est que lapensée unique est une penséeprofondément réactionnairequi prend l'Europe, la mond i a l i s a t i o n e t i n t e m e t c o m m ea l i b i d e s e s r e n o n c e m e n t s . L apensée unique est une imposture.

Propos recueillis parB . L a R i c h a r d a i s

H e n r i G u a i n o

L'étranger e n o n c e m e n t

prix franco : 100 F.

Royaliste 719 Royaliste 719

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Mauss

Symbole

Dour le sens commun,le symbole c 'es tmoins que rien : unemesure symbol iqueest réputée sans portée effective. Dès lors,

beaucoup estiment qu'im pouvoir symbolique ne représentepas grand-chose.

Pour nous autres royalistes,c'est tout le contraire : c'est lepropre du pouvoir que d'êtresymbolique, la monarchie estune inst i tut ion symbol iqueparce qu'elle rend possible,plus que d'autres, l'unité, et lapolitique en tant que telle estpar définition symbolique. Parconséquent, le symbolique estla réalité même, dans lamesure où l'acte symboliqueest celui qui institue le liensocial et le fait perdurer.

Les royalistes ne sont passeuls à penser ainsi et lesphilosophes et les anthropologues partagent cette mêmeconception du symbolique.

Preuve en est le très remarquable numéro que leM.A.U.S.S. vient de publier(1). Ceci de façon très opportune puisque c'est MarcelMauss qui donna en 1924 ladéf in i t ion moderne de ceconcept qui a éclairé les travaux d 'an th ropo logues e td'historiens éminents.Parmi les nombreuses contri

butions publiées, il faut toutparticulièrement signaler cellede Lucien Scubla, qui discuteLévi-Strauss selon la perspective de René Girard, et celled'Alain Caillé sur le don et lesymbolisme. Le numéro est àoffrir à tous ceux qui fontprofession de réalisme - afinque le réel ne leur échappeplus tout à fait...

Jacques BLANGY(1) « Plus réel que le réel, lesymbolisme » - Revue du MAUSSsemestrielle, no 12, 2® semestre 1998- La Découverte/M.A.U.S.S. - prixfranco : 198 F.

Citoyenneté

Les syndicatsde la Ci té

Même s'il est dommage que l'auteur s'y montreparfois trop militant. Le désir de soe/éfé est un

livre stimulant, construit et synthétique qui vientcomb le r un v ide .

D* Emmaûs aux sans-J apiers, Jean-MarcSalmon retrace la viedes grandes associations qui ont marquéla vie sociale et poli

tique française de ces vingtdernières années. Des constantes s'en dégagent. Partant chacune d'ime volonté de luttercontre une dœ formes del'exclusion sociale (racisme,chômage, logement. Sida...),ces associations ont développédes démarches semblables surplusieurs points. Dans un premier temps, dénonçant la crisesociale et ses effets, ellesappellent toutes les pouvoirspublics à prendre leurs responsabilités. Dans un secondtemps, prenant acte del'impuissance ou du refus deces pouvoirs publics, ellfôproposent de s'engager auprœde l'État dans une forme decogestion des problèmess o c i a u x .

II faut remonter au debut desannées quatre-vingt pour voirs'imposer cette logique, lorsque des associations, jusque-Mcantonnées au rôle de palliatifcaritatif de la crise, en margedes politiques publiques, sontd e v e n u e s d e s « m o u v ements », investissant le débatpublic, et se .sont transforméesen « médias-associations »,participant à la structurationdu débat public et politique enimposant les idées, le vocabulaire et les enjeux autour desquels le discours de tousdevait s'organiser. La « nouvelle pauvreté », les« beurs », le « sida » ontainsi été reconnus avec lesR e s t o s d u c o e u r, S O S -Racisme ou Act-up. L'impuissance publique face à la ques

t i o n s o c i a l e e t l ' a b s e n c ed'engagement des intellectuelssur ce terrain ont favorisé cettemise en avant du d iscoursassociatif, seul discours prenant la question des exclusionsà bras le corps. Ce gain enpouvoir d'influence est rapidement devenu cons idérab le ,allant jusqu'à engager le politique dans la reconnaissanceoffic ie l le de ce nouveau mouvement associatif. En 1986, la« lo i Co luche » donnant d ro i tà des exonérations d'impôtssur les dons aux assoc ia t ionsest très significative de cetteévolution. De même que lapart prise par ATD-QuartM o n d e d a n s l a c r é a t i o n d uRMI en 1988.

Fort de ces réussites, le mouvement associatif a opéré aucours des années 1980 ce quel'on peut appeler une structuration stratégique du champcaritatif, reposant sur uneméthode d'action en plusieursphases : la circonscriptiond'un problème social (1), lacons t ruc t i on d ' un d i scou rsv i s a n t à f a i r e r e c o n n a î t r e c e

problème (2), la médiatisationdu discours (3), la poursuited'actions locales (4), l'appelau politique (5), l'engagementd'un débat public (6), l'appelà la promulgation législatived ' u n c a d r e d ' i n t e r v e n t i o n

publique (7), la propositiond'une solution reposant sur unjartenariat entre l 'État et'association, dans lequell'association prend en chargel'application et ie suivi sur leterrain des mesures prises parles pouvoirs publics (8). Faut-il voir dans cette structuration,l'émergence d'une sociétécontre l'État, entendant systématiquement prendre les pou

voirs publics en défaut afmd'y substituer lentement unesoc ié té assoc ia t ive to ta le ?Jean-Marc Salmon préfèrep a r l e r d e « n o u v e a u xcitoyens » dont la préoccupation n'est pas de changer lasoc ié té à la man iè re del'extrême-gauche des annéessoixante-dix, mais plutôt degérer « l 'urgence » enl'attente de nouveaux équilibres sociaux et politiques.« L'urgence » est un mot-cléde la compréhension de cen o u v e a u m o u v e m e n t a s s o c i atif, qui se réclame avant toutd'une morale civique et républicaine imposant à chacim dese montrer sensible aux victimes quotidiennes de toutes lesformes d'exclusion sociale, etqui s'applique à défendre laRépublique en tant que projetde société plus qu'en tant quesystème institutionnel.

En oeuvrant chacune dansleur domaine, ces associationsconcourent ainsi à consti tueru n m o u v e m e n t a s s o c i a t i fs'attaquant à une reformulation de la question socialedans son ensemble tout enres tant respectueuses del'autorité publique. Une reformulation qui, les intellectuelsayant déserté, s'appuie sur uneexpérience et des actions auplus près du terrain. Unereformulation qui régénère laquestion de la citoyennetérépublicaine et dont le politiq u e s e t r o u v e c o n t r a i n t d e s esaisir, comme en témoigne let h è m e d e l a « f r a c t u r esociale » dans la campagne de1 9 9 5 .Le message associatif est

ainsi clair : les citoyens assument leurs devoirs de solidarité, alors que l'État républicain soit un État républicain !

A l e x a n d r e R E N A U DJ e a n - M a r c S a l m o n - « L e d é s i r d esociété - Des restaurants du coeur aum o u v e m e n t d e s c h ô m e u r s » - L aDécouverte - prix franco : 146 F.

8

dees

L e m a l h e u rd u s i è c l e

a conscience morale de notre temps, et notammentcelle des jeunes générations, est dominée par lescandale absolu de la Shoah. Le phénomène a prisune telle ampleur, il s'affirme avec une telle

^ insistance que certains ont pu parler « d'hypermné-sie », non sans souligner le risque d'effets pervers.Le moindre n'est pas le phénomène de transgression observéchez les adolescents par les psychologues qui constatent quel'innommable peut être perçu comme signede puissance de l'individu au delà du bien etdu mal. Mais l'oubli serait d'évidence pluspathogène. Le siècle qui s'achève ne sauraitêtre libéré de son poids d'horreur et lanécessaire mémoire des forfaits accomplisne saurait échapper à la réflexion exigeante,celle qui arme la conscience contre levertige de la confusion. Dans xm petit livre« SUT le commuaisme, le nazisme et l'unicité de la Shoah » Alain Besançon aideefficacement à cette réflexion, en invitant àline mise en ordre de la mémoire.

On a bien noté que dès le titre même« l'unicité de la Shoah » était soulignée. Sigrands qu'aient été les crimes commis sousStaline, Pol Pot et quelques autres, lecaractère unique d'Auschwitz ne saurait êtremis en doute. Encore faut-il le comprendrepour ce qu'il est. Souligner les caractéristiques purement techniques de l'extermination est insuffisant.Arrive un moment où la pensée se concentre sur le malcomme scandale, comme impensable. On se tourne vers leciel pour stigmatiser son indifférence, parfois l'accuser d'êtrevide, ou le supplier du fond de son désespoir. C'est biendans' cette dimension métaphysique de la protestationHumaine que s'affume ce qu'il y a d'unique dansl'extermination du peuple juif, car le statut théologique del'Alliance est à l'origine de son existence. On peut certesalléguer que nombre de juifs qui s'étaient intégrés dansl'Europe des Lumières s'étaient déjudaïsés. Cependant écritBesançon : « C'est justement ia portion du peupie guicroyait à ces promesses avec le plus de ferveur - lescommunautés pieuses de l'Europe centrale et orientale - guia subi le principal de la catastrophe ». La réflexionpurement thtelogique sur la Shoah est forcément du côté desjuifs religieux. Si elle est très loin d'aboutir à des

par Gérard Lec le rc

religieux.conclusions unanimes, c'est par elle qu'on entrevoit cecaractère imique.

Certes, on peut récuser une telle approche. On peut aussifaire entrer le religieux dans la culture comme simplecatégorie, comme le fait François Furet lorsqu'il écrit à EmstNolte que tuer le judaïsme c'était tuer une des sources de lacivilisation européenne. Est-on sûr, alors, de ne pasméconnaître ce qu'il y a certes de plus mystérieux maisaussi de plus éclairant au coeur même de la noire questiondu mal ? C'est la conviction de Besançon, qui pense mêmeque c'est de la réflexion proprement chrétienne sur la Shoahque peut surgir le mieux son unicité.

On connaît toute la polémique récurrente sur l'attitude dupape Pie XII pendant la seconde guerre mondiale. Cette

polémique est souvent injuste et caricaturale à l'égard del'homme qui a probablement arraché le plus de victimes à lamachine exterminatrice, même si on peut débattre encored'un silence - d'ailleurs relatif - inspiré par la crainted'aggraver la persécution au lieu de l'arrêter. Mais Besançons'interroge de façon pertinente sur im autre aspect de cetteattitude, qui est religieux. « Z 'action de l'ÉgUse en iàveurdes Juifs montrait par son style gu 'elle les regardait commedes victimes auxguelles ede devait porter secours en vertud'un devoir général d'humanité et de charité. Elle se sentaitaussi étrangère à eux gu 'eux à elle, et elle acceptait cettesymétn'e. Elle ne considérait pas gue le nazisme, en attaguantle peuple j'uif, attaguait de ce fait ie christianisme dans saracine toujours vivante ; gu 'en attaguant aussi l'Église, il nes'agissait pas de deux crimes différents, de deux sacrilèges,mais d 'un seul , le même ». I l faudra toute l 'horreur del'extermination pour que les chrétiens s'engagent dans unretour à la doctrine paulinienne du judaïsme et redécouvrentqu'ils demeurent greffés sur la souche abrahamique. Jean-Paul Il était le témoin du chemin accompli depuis plusieursdécennies, lorsqu'il déclarait à ses hôtes de la synagogue deRome : « Vous ê tes nos f rè res a înés » .

Si l'Église catholique avait pu affronter cenazisme avec la pleine conscience de saparenté religieuse avec Israël, elle auraitcompris que la persécution du peuple juifavait un rapport direct avec sa vocation. Ellen'aurait pas accepté que la question juivesoit posée comme le résultat d'une incompatibilité à coexister, ce qui revenait de facto àaccepter les clivages raciaux imposés par lesnazis, même si on les récusait au nom desprincipe chrétiens. Au total : « Z 'Égliseest moins gravement comptable des p^ésde ses membres gue de l'ensei^ementgu 'elle leur a dormé et gui ne les a passufïisamment mis en garde contre les soÙici-tations madgnes des circonstances histori-gues ». De là, ce chemin prodigieux accompli vers la reconnaissance de la réalité juivec o m m e f o n d a t r i c e d u c h r i s t i a n i s m e i i v e c d e s

co^équences encore inaperçues. L'auteurmvoque un possible « événement théologique » aussiimportant que Nicèe et Chalcédoine.

Cette révolution interne du christianisme aboutit à unregard nouveau sur la Shoah qui se rapporte à la qualitéimique de la victime rapportée à la figure du serviteursouffrant dans Isaïe. Il ne s'agit plus seulement d'unimmense massacre réalisé avec les moyens d'une techniqueindustrielle. Le massacre porte un signe qui est celui de lahaine du peuple de l'Élection, authentifié désormais parl'attestation du christianisme.Reste l'autre question du livre de Besançon. Pourquoi

1 oubli des responsabilités du communisme alors que noussommes dans l'hypermuèsie de la Shoah ? Le Monde enquelques années offre 480 occurrences au nazisme contre 7au stalinisme, 105 à Auschwitz contre deux à la Kolyma etzéro à la famine en Ukraine. Il y a là une énigme queBesançon s'efforce d'élucider avec des arguments forts :« Rien n'est si probJématigue, après la dEsoiution d'unrégime^ totalitaire, gue h reconstitution dans le peuple d'uneconscience morale et d'une capacité inteiiecmeiie normales ». Le témoignage aujourd'hui universellement recoimude Primo Levi, refusé par les grands éditeurs, fut publié à2500 exemplaires par une petite maison d'édition qui fitfaillite. Il fallut dix ans de plus pour que le livre soitconsacré. Peut-être en sommes-nous au début d'une maturation qui nous permettra de reconnaître aussi le mallieur dusiècle dans d'autres crimes contre l'humanité.

Alain Besançon - « Le malheur du siècle^sur le communisme, lenazisme et Punicité de la Shoah » - Fayard - prix franco : 112 F.

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Témoignage

Un sagepour notre temps

Au travers d'une correspondance monumentale, le père Lallement serévèle un témoin et un acteur dans la vie intellectuelle française pendant

plus d'un demi-siècle.e c h a n o i n e D a n i e l L a ll emen t , né en 1892 ,mort en 1977, fut professeur de sociologieet de théologie, pen

dant plus de quarante ans àl'Institut catholique de Paris etne publia presque rien de sonvivant. Il fot pomtant l'un desrénovateurs du cornant thomiste dans l'Église et dansl ' U n i v e r s i t é . S o n i n f l u e n c e

provenait bien entendu de sesc o u r s e t n o m b r e u s e s c o n f é r e nces, des retraites qu'il prêchaet de ses homélies, mais aussid'une assiduité qui nous paraîtaujourd'hui invraisemblabled a n s s o n c o u r r i e r . J a m a i s ,semble-t-il, le père Lallementn'abordait une question quelconque avec un interlocuteur,fut-elle insignifiante commede repeindre le plafond d'unecuisine, ou prodigieusementardue en philosophie, théologie, voire mathématique, sansrédiger une note ou une lettreexplicative largement détailléeet argumentée. Il avait de plusl'habitude de garder un doublede chacune de ses correspondances. Et comme il fut, entre

S E R V I C E L I B R A I R 8 E

autres choses, un directeur deconscience très recherché parde nombreux intellectuels devaleur, ces correspondancessont un témoignage passionnant sur la vie intellectuelle etspirituelle d'ime certaine élitecatholique de l'entre-deux-guerres et de notre après-g u e r r e .

Deux de ses anciens étudiants viennent de réaliser leprodige éditorial de donner en- « seulement » est-on tentéd e d i r e - t r o i s v o l u m e sd'environ 500 pages chacun,une sorte de condensé de lavie intellectuelle et spirituelledu père Lallement au traversde lettres, résiunés de cours,témoignages. C'est une réussite et, qui plus est, un belobjet de bibliophilie (1).

Les royalistes pourronts'attarder sur un assez bref,mais très éclairant, chapitre surla condamnation de l'Actionfrançaise par Rome en 1927.Dans les années précédentes,le père Lallement était devenule père spirituel de nombreuxjeunes catholiques maurras-

P r o m o t i o n- Gérard Leclerc- « Portrait de Monsieur Guitton » - prixf r a n c o : 1 2 5 F.

- Philippe Delorme - « Marie de Médicis » - prix franco :1 2 0 F.

- Isabelle, comt&sse de Paris - « La reine Marie-Amélie,grand-mère de l'Europe » - prix franco : 138 F.

s iens . La condamnat ion derA.F. fut pour lui un véritabletremblement de terre. Fidèle àRome avant tout, il participaaussitôt aux offensives de Jacques Maritain pour justifier lasévérité de Pie XI. Cependant,il aurait voulu que le Papepubliât une encyclique quiaurait clarifié la situation.Rome s'en garda bien. Car lesouci du Pape était alors plutôtdiplomatique. Surestimantl'influence de l'Action française sur la politique française,il voyait dans le « nationalisme intégral » un fermentrevanchard contre l'Allemagneet donc un facteur de guerre.La suite des événements montra combien cette vision pacifiste des choses était erronée.S u r t o u t q u a n d e n 1 9 3 8l'Action française se rangeadu côté des Munichois face auchantage hidérien. Rome souhaita alors l'apaisement. Celui-ci fût venu plus rapidement siMaurras et ses amis avaientaccepté de courber un peuplus vite l'échine. Mais ilsn'étaient sans doute pas aussimachiavéliques que le prétendaient alors certains catholiques, ou alors pas assez intelligents, pour accepter une tellereculade tacdque. Rome alorsse rendit comte de sa mépriseet leva la condamnadon del'A.F. en 1939. Mais ceUe-ciavait fait perdre au mouvement monarchiste une partimportante de son public et,probablement aussi, ses plusbelles consciences. Le pèreLallement resta jusqu'à samort opposé à l'A.F. tout en

regrettant que cette querellen'ait été définit ivement tranchée sur le fond par le Magistère et la publicadon d'uneencyclique.

On mesure également ce quel'Église elle-même perdit àcette condamnadon très maljustifiée intellectuellement. Lepauvre père Lallement voulutdonner un peu plus de finessea u x a c c u s a t i o n s r o m a i n e s . E n1971, il y réfléchissait encore,disant des choses assez justessur l ' incompréhension foncière de Maurras vis-à-vis dela religion catholique. Mais, en1927, dans une des premièreslettres qu'il écrivit à im de sesfils spirituels, ne croyait-il pasavoir trouvé des preuves défi-nidves de l'aveuglement deMaurras et de Daudet dans lefait que l'un appréciait Anatole France et le second sefaisait l'apologiste de MarcelProust ? Obliger un aussi hautesprit à se contenter de sipiètres arguments ! On disait,dans les années 30, que lemaurrassisme, par son « politique d'abord », détournait lesjeimes chrétiens d'un engagement spirituel. Ce n'était làencore qu'une apparence surévaluée fies camelots, « petitsmufles réalistes », étant peut-être les plus voyants). L'analyse sociologique - dont lepère Lallement était im émi-nent théoricien - des milieuxd'A.F., prouverait le contraire.Mais en détournant de la politique un certain nombre decatholiques, la condamnationnon expliquée de rA.F. ne fitrien pour éclairer les consciences. Les conséquences néfastesde cet te affa i re furent nombreuses.

Cependant, en choisissantl'obéissance à Rome, le pèreLallement choisit la meilleurepart, puisque les fruits spirituels de son ministère furentprodigieux. L'exceptionnelleet entraînante richesse de cetouvrage le montre amplement.

François GENESTGewges Maurel et Yves Huet deBarochez - « Un sage pour notretemps : Daniel-Joseph Lallement » - Éditions Téqui, plus de1 600 pages avec index et annexes, ent r o i s v o l u m e s , c o u v e r t u r e c a r t o n n é esous emboîtage - prix franco : 520 F.

S e s s i o n d e f o r m a t i o n d e

politique appliquéeLa prochaine session aura lieu à Angers les 30et 31 janvier prochains. Le thème général ensera : La planification. Nous aurons commeinv i té Henr i Gua tno , ex -commissa i re au P lan .

Rappeion.s que ce,s sessions sont des rendez-vous de formationindispensables. Tous les tlièmes traités constituent les bases dela culture politique, de l'engagement et de l'exercice desresponsabilités dans le champ civique, social, syndical oupolitique. Moment d'échange enrichissant non seulement entreadhérents de la NAR mais avec d'autres militants, non royalisteselles permettent de relier les expériences, les luttes et aussi lareflex ion.

Inscriptions et renseignements auprès de Nicolas Lucas, 13square Jean-Baptiste Clément - 49000 Angers (tél. :02.41.48.95.03). Joindre im accompte de 100 F en même tempsque l'inscription.

m i ; i u ' r i ; d i . s d i ; i . a n a r

d i - D I i - F R A N C I - ;

Le prochain rendez-vous estle samedi 9 janvier à 16 hdans les locaux pour la réunion mensuelle des militantsde la Fédé. Sympathisants etnouveaux lecteurs sont cordialement invités à venir prendrecontact à cette occasion.

Idéfïx. le buUetin mensuel,qui avait souffert des problèmes de surcharge du siège,reprendra sa parution normaleavec le numéro de janvier.

C O M T I - ; l ) i ; P A R I S

Sur simple demande de votrepart, nous vous enverrons letexte complet de l'entretien{ L a F i a n c e r e t r o u v e i a s aliberté en se révoltant 1) donnépar le comte de Paris auFigaw le 4 juillet dernier ainsique celui de son appel « Nerenoncez pas à la Fiance »paru dans le FJ^aw du 21a v r i l .Merci de joindre quelques

timbres pour couvrir les frais.

I N l i i R N I i l '

Depuis plusieurs mois, à titreexpérimental, nous avionsouvert un site Internet pourRoyaliste. L'expérience étantconcluante ce site va devenirréellement opérationnel et l'onpourra y trouver les éditoriauxde Bertrand Renouvin, larubrique Idées de GérardLeclerc et une sélection dequelques articles du journal.Un texte de présentation expliquera ce qu'est la NAR et lesgens pourront laisser leuradresse pour recevoir unedocumentation.

Son adresse :

h t tp : / /www.mygale.org/10/francesc/royaliste/

Lecteurs internautes, n'hésitez pas à vous connecter et ànous faire part de vos suggest i o n s . M e r c i a u s s i d e n o u ssignaler tous les sites à caractère royaliste (en particulierceux concernant les paysétrangers) ainsi que ceux desautres formations politiques.

Nous disposons égalementd'une adresse pour le courrierélectronique :[email protected]

La rédaction présente tous ses voeuxaux lecteurs et abonnés de Royaliste

ainsi qu'à le comte de Parise t à t o u s l e s m e m b r e s

d e l a F a m i l l e d e F r a n c e .

♦ A Paris, chaque mercredi, nousaccuoillons nos sympathisantsd a n s n o s l o c a n x ( 1 7 , r u e d e sP e t i t s - C h a m p s , P a r i s 1 " , 4 =é t a g e ) p < w u n d é b a t a v e c u nconférencier, personnalité politique ou écrivain.^ La conférence commence à 20heures t rès p réc i ses (accue i l ipartir de 19 h 45 - Entrée libre,une participation aux frais de 10 Fe s t d c m a n i l è c ) , e l l e s ' a c h è v e i22 h . Une car te A" "ab tvwé desmcrovd/l' annuelle (50 P) permetd 'ass is ter gra tu i tement à toutesles con fé rences e t de recevo i rchaque mois le programme àd o m i c i l e .♦ Après la conférence, i 22 heures, un repas amical est servi potirceux qui désirent poursuivre lesdiscussions (participation atixfrais du dîner 30 F).

• Mercredi 6 janvier : Normalien, agrégé d'histoire eta n c i e n é l è v e d e l ' E N ARoland BUREAUX a militéau RPR avant d'en être exclu,en 1996, pour... gaullisme. Defait, ses interrogations sonticonoclastes, puisqu'il reproche^ à la droite de ne pluscroire à la nation et de renier^ valeurs. Dés lors, « Faut-i l e n fi n i r a v e c l adroite ? ». Si les partis quis'en réclament sont déliquescents; peut-être faut-U qu'ilsmeurent pour que renaisse unefamille politique capable departiciper à la vie démocratique dans la fidélité à sonhéritage.• Mercredi 13 janvier :Sociologue de son métierJean-Marc SALMON participe depuis des années auxmouvements de lutte contreles exclusions. A partir de sapropre expérience, il a menéune longue enquête sur lemouvement associat i f et surles associations qui sont ouont été depuis une quinzaine

d ' a n n é e s a u c e n t r e d e l ' a c t u alité : SOS Racisme, Act-Up,le Droit au logement, les mouv e m e n t s d e c h ô m e u r s . . .« Que vent , que peut lem o u v e m e n t a s s o c i a t i f ? »Mène-t-il seulement des guérillas locales et sectorielles, oupermettra-t-il de régénérer lep o l i t i q u e ?

• M e r c r e d i 2 0 j a n v i e r ;P o u r s u i v a n t s a r e c h e r c h e s u rla démocratie moderne, PierreR O S A N V A L L O N s ' e s tinterrogé dans un ouvragerécent sur le peuple lui-même.Peuple fondateiu:, peuple souverain, ce peuple citoyen quenous regardons depuis laRévolution française commel'agent décisif de l'histoire estpourtant difficile à saisir dansses modes d'expression etdans sa représentation. « Lepeuple introuvable ? » Surcette question essentielle nousreprendrons avec notre invitéun débat qui s'est noué voicibien des années.

• Mercredi 27 janvier ; Quié t a i t J e a n M o u l i n ? O n aaccusé le président du Conseiln a t i o n a l d e l a R é s i s t a n c ed'avoir été un agent soviétiqueet on a récemment prétenduqu'il s'était rallié aux Américains. Querelles d'historiens,mais aussi règlements decomptes politiques qui ontcommencé pendant la Résistance. Auteur d 'enquêtesmagistrales, Pierre PÉAN aeffectué des recherches approfondies sur cette histoire defidélité et de trahison. « Viese t m o r t s d e J e a n M o ul in » : ce l les d 'un serv i teurde l'État, d'un homme à touségards passionné - d'un résistant exemplaire.

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« Royaliste », 17, rue des Petits-Champs, 75001 Paris

Royal iste 7191 0 11

Royaliste 719

Page 7: États-UnisLes gouvernants refu sent de voir que le « pro blème » ne vient pas de certains guaitiets, des Jeu nes, des inuaigiés, mais de leur gestion économique qui crée toujours

Editorial

Non à l'hégémoniea m é r i c a i n e

L ^attaque menée par lesÉtats-Unis et leurs alliésbritanniques contre l'Irak

doit être à tous égards condamnée. Elle frappe xm pays vaincuen 1991 e t p lacé sous imcon t rô l e mé t i cu l eux . E l l e a t t e i n tun peuple meurtri par la dictature, les guerres et l'embargo.Elle a été décidée par le président Clinton, au vu du rapportmensonger du d i recteur del'Unscom, et s'est accompliesans mandat des Nat ions Unies.Elle s'explique, ce qui est abominable. par le cynisme d'unchef d'Etat aux abois, qui tentede retarder par tme guerre laprocédure de destitution qui estengagée contre lui.

O b j e c t i f m a n q u é . C ' e s taujourd'hui un président inculpépar la Chambre des Représent a n t s e t m e n a c é d e d e s t i t u t i o npour obstruction à la justice etjarjure, qui porte la responsabi-ité de ce qu'on appelle pudique

ment des « frappes aériennes »et qui constituent des actesinjustifiés d'une guerre typiquement impérialiste. Jamais lesÉtats-Unis n'avaient doimé uneimage aussi atrocement caricaturale de leurs contradictions, deleur volonté de puissance et deleur total mépris du reste dumonde. Jamais les patriotes quen o u s s o m m e s n ' o n t e u a u t a n t d eraisons de dénoncer leur politique hégémonique (1). Jamais laFrance n'a eu autant de raisonsde s'opposer aux manoeuvres etaux agressions multiformes deceux qui se prennent pour lesmaîtres du monde.

Alors que la résistance auxvisées impériales est dans l'intér ê t e t d a n s l a v o c a t i o n d e l a

France, les dirigeants de notrepays ont, comme d'habitude, uncomportement timoré. Ils désap-îrouvent l'agression contre'Irak, mais ne la condamnent

pas. Ils font porter la responsabilité première de la guerre surSaddam Hussein, mais se tiennent à l'écart des opérations. Ilsjugent que les frappes aériennesétaient « inévitables », sans êtrepour autant « nécessaires »pour reprendre les mots de Lionel Jospin qui évoquent irrésisti-

blement le fameux balancementcirconspect des exposés del ' E N A .

Si les autorités françaises ontchoisi de finasser c'est que,comme dans le domaine économique et financier, elles tiennentl'hégémonie américaine pour unfait accompli, dont la Francedevrait s'accommoder afin dec o n s e r v e r u n m i n i m u md'influence sur les affaires internationales. Calcul médiocre, quisera sans effets : on n'exercepas une influence sans affirmersa propre puissance, et le fînas-sieren conduit à être mépriséspar l'ensemble des protagonistes. Les États-Unis reprocherontaux Français de ne pas les avoir

s u i v i s c o m m e l e u r s v a l e t sd'armes anglais, et les paysvictimes de l'impérialisme américain relèveront, une fois deplus, nos complaisances et nosm o l l e s s e s .

La France, qui dispose del'arme nucléaire, est-elle si faible ? La France, membre duConseil de sécurité, est-el ledépourvue de moyens ? LaFrance qui est toujours unegrande puissance mondiale, parles amitiés nouées au com-s del'histoire, par sa culture, sestechniques, son économie, doit-e l l e s e c o n c e v o i r c o m m e u n eprovince de l'empire, affichantdes divergences mineures, des« exceptions » sympathiques etd ' é m o u v a n t s é t a t s d ' â m e ?Notre impuissance sur la scènemondiale vient de la résignationde nos dirigeants, d'un parti pris« réaliste » et « modeste » quimasque leiu horreur du gaullisme et leur détachement de lanation.

Une autre politique est possible. 11 ne faut pas hésiter àdésigner les États-Unis commel'adversaire principal de lanation française et de tous lespeuples épris de liberté, de tousles hommes exposés aux agressions des forces armées et ducapitalisme américain. 11 ne fautpas hésiter à prendre l'initiatived'une alliance entre les Étatsqui, sur tous les continents,r e f u s e n t l a d o m i n a t i o n a m é r icaine. 11 ne faut pas hésiter àdire clairement que les États-Unis sont un pays raciste, danslequel la dignité de millionsd'êtres humains est bafouée. 11ne faut pas hésiter à exploiterleurs contradictions et faiblessesinternes pour hâter la chute del'empire américain et frapper aucoeur le système ultra-libéral quiprovoque la ruine des nations etrépand la misère dans le monde.

B e r t r a n d R E N O U V I N

(1) c/fla motion « Combattre l'hégémonie amér ica ine » votée lors de not redernier congrès et publiée dans notrenuméro 704 .

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