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Taybeh, - exultet.net · tombent pas. Tout le village était scout. Grands et petits, hommes et femmes. Georges Khoury était en charge des louveteaux ... Parmi ceux qui sont partis,

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Taybeh,derniervillagechrétiendePalestine

Desmêmesauteurs

Terresainte,guerresainte?,préfacedeMgrMichelSabbah,ÉditionsdeLaNef,Feucherolles,2011

Tousdroitsdetraduction,d’adaptationetdereproductionréservéspourtouspays.

©2015,GroupeArtègeÉditionsduRocher

28,rueComteFélixGastaldi–BP52198015Monaco

www.editionsdurocher.fr

ISBN978-2-26807-642-3ISBNepub:978-2-26808-098-7

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pourcouvrirlecheminoùallaitmarcherleroi.Dechezmoi ilsontprisdes tapisetungrandplateauencuivrepourservirdumansaf.Ilavisitélesquartiersdel’arméeet rencontré lemukhtarBoutrosMassis et le présidentduconseilduvillageGeorgesBarakat.Leprésidentduconseil était une sorte demaire. Alors que lemukhtarétaitl’intermédiaireentrelesgensetlegouvernement.En 1932 à Jérusalem, mon mari, Hanna Abu Aadi, afondé avec un groupe d’amis, un groupe de scouts, LaFleurBlanche.Lamêmeannée,ilaforméungroupedescoutsàTaybeh.LedimanchedesRameauxnousdescendionslapentedeBeit-Faji (Bethphagé) vers Jérusalem, et les scouts deTaybeh marchaient à notre droite et à notre gauche,tenant desbâtons à l’horizontale, pourque les gensnetombentpas.Tout le village était scout.Grands et petits, hommes etfemmes.GeorgesKhouryétaitenchargedeslouveteauxetFairuzMaaddi, filledumukhtarFayezMaaddi,étaiten charge des jeannettes, et après elle Nuha Aaoueis.Mon mari, Hanna, leur faisait suivre des coursd’entraînementetilspartaienttousdansdesrandonnéesscoutesàpiedjusqu’àJaffaetHaïfa.Mon mari donnait tout son temps aux scouts et il nefaisait rien d’autre. Il luimanquait du temps pour êtreavec sa famille et m’aider avec les enfants. Quand iltenait des réunions scoutes avec les autres chefs dugroupe,jenepouvaispasresteraveceux.Jesortaisaveclesenfantset leurlaissaislamaisonpourqu’ilsfassentleurréunion.Ilsparlaientdessecretsdugroupe.En 1967 après l’occupation, l’armée israélienne l’aappelé et l’a interrogé. Ils lui ont dit qu’il aidait les

fedayin, qu’il leur envoyait de la nourriture lors desrandonnées scoutes et qu’il les camouflait dans sescampsdescoutisme.Illeuraréponduquecen’étaitpasvrai, et que son activité n’avait rien de politique. Ilsn’ont rien pu prouver contre lui, alors ils l’ont laissépartir.Ilaétéappeléetinterrogéplusieursfoisplustard,mais il allait toujours sanspeur.Uneoudeux fois, il adécidédenepasfairesortirlegroupeendéfilépourlesfêtesreligieuses,pouréviterdesproblèmesavecl’arméeisraélienne.Unefois,l’arméeluiaditqu’ilpouvaitfaireledéfilési legroupeportait ledrapeauisraélien,et ilarefusé, disant qu’il préférait ne pas sortir en défilé dutout.LesIsraéliensavaientpeurdetoutcequiressemblaitauxfedayin ou à la résistance. Ils ne pensaient pas à autrechose !C’estpourcelaqu’ilsn’embêtaientpasque lesscouts,maistoutlemonde,commeilscontinuentàfaireaujourd’hui ! Les Jordaniens avant eux étaient pareils.Eux, ils avaient peur des communistes. Ils lespoursuivaient partout, et les cherchaient dans lesmaisons. Les communistes, baathistes ou tout ce quiressemblait à eux, dormaient dans les champs et lesmontagnes,allaientdemaisonenmaisonensecachant,et tombaient prisonniers. Plusieurs à Taybeh sont allésdans les prisons de Jordanie pour être communistes,commemonbeau-frère,Émile.LesAnglaisavantlesJordaniensn’étaientpasdifférents.Ilspoursuivaientlespatriotesetlesrévoltés.Iciilyavaitdes révoltés qui résistaient auMandat anglais, commeRafiqAaoueis, qui venait deNazareth.Un jour il étaitdansunefêtedefiançaillesàlamaisondeJeriesKort,legrand-père de Jeries mon petit-fils. Les Anglais sont

entrés et l’ont attrapé après une longue poursuite danslesalentoursdelamaison.Ilsl’ontattachéàunegrandeéchelle et l’ont sorti attaché et mis à l’arrière de leurcamion.Lesgenssympathisaientavectouscesgens,quecesoitau temps des Anglais, au temps des Jordaniens ou autemps des Israéliens. En général si on était appelé etinterrogé, on disait qu’on n’avait rien vu et qu’on neconnaissaitpersonne.Maisilyavait,commetoujoursetpartout, des gens qui racontaient ce qu’ils savaient etfaisaienttomberd’autresgens.

Oktoberfest

Lefroidaveclapluiesontenfinvenusàlafindumois,augrandsoulagementdetous,nettoyantlesoliviersdelapoussièredel’étéetredonnantfraîcheurethumiditéauxsoiréesetmêmeauxjournées.

Hier, premier jour d’octobre, Mansour, AbouWilliam, estmortsoudainementàl’âgede81ans.Lesfunéraillesontlieudèslevendredià16heures.Toutlevillageestlà:l’égliseestpleine,et il y a autant de monde sur le parvis où s’alignent lescouronnespardizaines.AbounaRaedetAbounaAssam,curéenJordanie et parent du défunt, célèbrent l’office funéraire, enprésencedans lechœurd’AbounaJack,prêtremelkite,etdansl’assemblée d’Abouna Daoud, curé orthodoxe. Taybeh estcomme une grande famille (deux en réalité, car deux clans separtagent le village) qui pratique un œcuménisme populaire.Après la cérémonie, précédés d’une grande croix fleurie, leshommes portent le cercueil en longue et lente processionjusqu’aucimetière,tandisquetouteslesfemmes,vêtuesdenoir,

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villages.Puisàpartirduprintempscefutl’inauguration,avecenvirondeuxcentsmarcheurs,quiontdormichezl’habitant et fait des morceaux du trajet. C’est unerandonnée culturelle à dimension spirituelle, mais cen’est pasunpèlerinage au sensoù l’entend lamajoritédesvisiteursdelarégionquifontdutourismereligieux.Donc, développer le secteur du tourisme culturel dansune régionoù95%du tourismeest religieux, c’estunbeaudéfi.Ilnes’agitpasdeconcurrencermaisd’ouvrirune autre approche. Le but est que le marcheur – oupèlerin– soit encontactdirect avec lapopulationet laculturelocale.Notammentparlebiaisdeshomestay,deschambres d’hôtes, chez l’habitant. Les revenus vont depersonne à personne et non pas d’organisme àorganisme.Lecheminestdéfinimaisnonbalisé.Ilfautl’affiner encore, le roder. Le balisage sera la dernièreétape.Notre rôle est d’initier le chemin, de l’ouvrir, etensuitequelecheminvive…Taybeh est une étapedu chemin, une étape importante,uneétapederencontreetderepos,unbonbreakd’unedemi-journéeaprèslespremiers40kmdutrajet.Cequiest fou, c’est la diversité villageoise, la diversité de lasociété palestinienne, diversité religieuse mais aussi etsurtout culturelle, d’un village à l’autre, et puis lesBédouins en plus… Et aussi la flore, la faune, lagéographie, la géologie, l’histoire, l’archéologie, lareligion… C’est d’une richesse et d’une densitéincroyables!

AutomneenPalestine

L’automnes’installeàTaybeh.Onsentl’hiverquiapprochesesdoigtsglacés.Commedit leproverbe, ici,«onsemarieenétéetonmeurtenhiver».Quelquesdécèsendeuillentlevillage– qui est une grande famille, touchée dans chacun de sesmembres. Parmi ceux qui sont partis,Georges,AbouSkandar,unefortepersonnalité,etmoinsdequelquessemainesplustard,safemme,Georgette.Georgeavaitlaparticularitéd’êtrebigame.Safemme,Georgette,neluidonnantpasd’enfant,ilaépouséensusunemusulmaneet,pource faire,s’estconvertià l’islamletempsdelacérémonie.Commeiln’yapasdemariagecivilmaisseulement des mariages religieux en Palestine, et que le droitcanon et le droit islamique s’ignorent mutuellement, Georgen’est juridiquement bigame ni pour l’islam ni pour l’Églisecatholique.Chaqueépouseavaitunétagedelamaisonsurterre,maisGeorgetteauraprislesdevantssursarivalepourrejoindresonmarioutre-tombe.

La campagne se dépouille, elle aussi, la terre nue et rougedénudéesousleciel,lespluiestroprarespourêtrebienfaisantesfontpousserparendroitsuneherbetendreetfragile,éphémèresprémicesprintaniers.Accompagnéesdeleursbergersetdeleurschiens,sousl’œilplacidedubélierquiveilleaugrain,brebisetchèvresprofitentdecettetendrerobeverte,ainsiquedesânesengoguette–etmême,parfois,unchevaléchappéquihumel’airdela liberté. Les oliviers, lavés par les pluies de la poussière del’été,arborentleurfeuillageauxmétalliquesreflets–commedesbancs de poissons argentés. Les taupes alignent, invisibles ettenaces, leurs taupinières régulières qui poussent entre lescailloux, fraismonticulesde terre fraîche et rouge sombre.Là,un renard filecommeunéclair rouxargent, ici,unporc-épicasemé ses longs dards, partout des oiseaux folâtrent etgazouillent dans les ramées– tourterelles, friquets, geais, et lepicquifaitentendresontapotementcaractéristique.

Denombreusesgrottesbéentauxparoisderoche,abrissousroches et bergeries qui témoignent d’une utilisation séculaire.Là,leplafondnoircidesuie,ici,lesolcouvertd’uneinsondablecouchedefumierdemouton.Ilyaaussilesmountar,cesabrisdepierrescirculairesqui,autrefois,abritaienttouteunefamillepour la saison des moissons. Proches des bories provençales,ceux qui ont survécu aux ravages du temps et de l’abandondressentleurfièrealluredeziggouratsminiatures.

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noms et lieux bibliques : «Aphra, dans la tribu deBenjamin.C’estaujourd’huilevillaged’Effrem,aucinquièmemilliairedeBethel, regardant vers l’Orient. » « Aphra, dans la tribu deBenjamin. C’est une grande localité au nord d’Aelia, auvingtièmemilliaire. » Informations reprises sur la célèbre cartede Palestine de la mosaïque de Madaba aujourd’hui enJordanie:«EphronquiestEphraia.LàvintleSeigneur.»

Tout cela témoigne de l’importance d’Éphraïm lors despremierssièclesdelachrétientéorientale.Maisletémoignageleplusnetrestelesruinesbyzantinesd’El-Khader,l’égliseantiquedont les plus anciennes parties, dont le baptistère monolithe,remontentauIVesiècle.Cetteéglise,dédiéeàlafoisàsaintÉlieet saint Georges, a été ensuite remaniée par les croisés quioccupèrentÉphraïm.Eneffet,Éphraïmfutundesquatre-vingtscasalsdePalestineavecpopulationindigèneetfranquemêlées.Elleeut,dominantlevillage,sonchâteauavecunegarnison,le«castrum sancti Helyes ». En 1185, Baudouin IV, le jeune roilépreuxdeJérusalem,confiecommefiefaucomtedeMontferratcechâteau«deSaint-HelyesquianciennementeunomEphron».Mais, en 1187, Saladin écrase l’armée franque àHattin. Laplupartdescroisésde la région se replient sur la forteressedeJérusalem, défendue par le valeureuxBalian d’Ibelin. LaVillesainte finit par se rendre,maisConraddeMontferrat, fils toutjustedébarquéducomtedeMontferrat,sauveTyrdel’offensivesarrasine et cristallise la résistance franque sur le littoral où ilfait échec à Saladin. Il fait appel à la croisade, celle deBarberousse qui se noie en 1190 en Cilicie, puis celle deRichardCœurdeLionetPhilippeAugustequireprennentAcreen 1191. Conrad épouse Isabelle de Jérusalem et devient roi,maisesttuéen1192parunfedayindelasecteismaéliennedesAssassins–perteirréparablepourleroyaumefranc.

Taybehdanslacroisade

1187.SuiteaudésastredeHattin,Jérusalemvientdetomberauxmains de Saladin. Avec quelques forteresses demontagnecomme l’imprenable Crac des Chevaliers, les Francs sontpratiquement réduits aux enceintes de Tyr, Tripoli, Tortose,Antioche,derniersîlotsquelamaréemontantedelareconquêtemusulmanesembledevoircouvriràsontour.Iln’yavaitplusderoyauté franque, carGuydeLusignan, libéréparSaladin, étaittrop déconsidéré par sa défaite pour obtenir obéissance. Lecastel Saint-Élie d’Ephron, qui surplombe toujours le village,étaitdésormaissouspouvoirmusulmanetÉphrems’appelleraittrèsbientôtTaybeh.Sonseigneur,lecomtedeMontferrat,avaitété fait prisonnier àHattin, comme tant de vaillants barons etpreuxchevaliers.

Maisàcemomentseproduisitunfaitnouveau.Unhommeseprésentaquicristallisaautourdeluilarésistance.Parcequec’étaitunnouveauvenu,iléchappaàladémoralisationgénérale.N’ayantpas connu Jérusalem franque,n’étantpasparalysépard’invinciblesdésespoirs,ilrepritlacroisadeàpiedd’œuvre.CethommeétaitConraddeMontferrat.

Ayantmis la voile à Constantinople, il arrive à l’été 1187devantSaint-Jean-D’Acre,queviennentde saisir lesSarrasins.Apprenant alors la chute de Jérusalem, il se réfugie à Tyr,assiégéeparSaladinetsurlepointdecapitulerquandlanefdumarquis apparaît dans le port. Son arrivée change la face deschoses.Conradétaitvraimentl’hommefortquiconvenaitàunesituation désespérée, « un homme semblable à un djinn, dit lachronique musulmane, plein de prudence, de vigilance et debravoure ».Accueilli commeun sauveur par lesTyriens qui lesupplientdelesdéfendre,ilposefranchementsesconditions:il

exige d’être reconnu comme seigneur souverain de la ville.Immédiatement accepté, Conrad prend la défense en main. Iln’était que temps. Déjà des traîtres arboraient sur le rempartl’étendard de Saladin. Conrad fait jeter la bannière dans lefossé. Or, Saladin parmi les prisonniers faits à Hattin avaitjustementensonpouvoir levieuxseigneurdeMontferrat,pèredeConrad.IlfaitvenirlevieillardsouslesmursdeTyretoffritdeleremettreenliberté,moyennantredditiondelaplace,maisConrad n’est pas homme à s’attendrir. Il répond qu’il aimeraitmieuxfairetirersursonpèrequederendrelepluspetitmoellondelamuraille.Saladin,comprenantàquiilaaffaire,seretireetConrad reste paisible possesseur de Tyr – qui en fait vite,employant toute la population au renforcement desfortifications, une place inexpugnable. Saladin libérerad’ailleursbientôtMontferratpère.

Conrad épouse Isabelle de Jérusalem et se fait reconnaîtreroideJérusalem,maiscetespoirduLevantfrancest tuépar lasecte ismaélite des Assassins en 1192 – laissant de lui lesouvenir d’un preux, notamment chanté par les troubadoursBertranddeBornetPeirol.

D’ÉphraïmàTaybeh

Lechangementdenomd’EphremenTaybehdatedelaprisedeJérusalemparSaladin,passantd’OfraouAfraserapprochanten arabed’« afrit », « démoniaque», àTaybeh-el-Essem, « debonnom»,correspondantaugrec«euonomos»,«bonnom».Deuxhistoiress’additionnent:lapremièreseraitdueàl’accueilqu’auraientfaitleshabitantsd’ÉphraïmàSaladinenroutepourJérusalem,etquiluiauraitfaitchangersonmauvaisnompourcebon nom.La deuxième se situe après la prise de Jérusalem. Il

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minutes. Ce fut accordé. Nous nous agenouillons tousdeux au pied du gibet, j’embrasse l’infortuné etj’entends sa confession. Il est résigné et reçoitl’absolution dans d’excellentes dispositions. Jel’embrasse encore une fois et lui dis en pleurant : «Adieu, nous nous reverrons au ciel ! » Je m’éloigne àdeuxpas,onlemetsurunetable,onluipasselacordeaucou:quelquesminutesaprèsilpendaitinanimé.Jenepusrésisteràceterriblespectacleettombaisévanoui.

En décembre 1917, nouvelle visite des Turcs battant enretraitedevantlesAnglais.ÀTaybeh,l’état-majors’installechezle curé. Mais les classes sont occupées par les soldats quibrisentportesetfenêtrespoursechauffer.CetteprésenceturquevautauvillageunbombardementdesAnglais,obligeanttoutlemonde à chercher refuge dans les grottes. Les officiers partis,des soldats pillards viennent, sous la menace des fusils,s’empareraupresbytèreetchezlesSœursduRosairedetoutcequiaquelquevaleur.

En janvier 1918, sous prétexte que Taybeh cache desespions,unofficier turcdonnel’ordreà toute lapopulationdeserepliersurDjénine.Maislesgensprofitentengrandnombredudésordredel’opérationpourrevenirdanslevillagelivréàladéprédation.LecurécependantetlesSœursontétéemmenésàNaplouse. En 1918, tout le diocèse latin de Terre sainte a étébouleversé par la guerre. Dans l’immédiate après-guerre, troisprêtressesuccèdentàTaybeh:donBicharaSaadeh,donAntonHihi,puisdonZacharieChomali.C’est làqu’éclate ladisputed’El-Khader.

Ladisputed’El-Khader

Lepersonnaged’El-Khader,célèbreenPalestineetJordaniequi abritent une dizaine de ses sanctuaires, est l’amalgame detrois personnages.D’abord, le prophèteÉlie, célèbre au tempsdu roi d’Israël, Achab. En lutte avec ce roi impie, Élie faitrevenirlapluiesurleCarmelaprèsl’avoirretenuetroisannéesen châtiment. Après son massacre des quatre cents prêtres deBaal, fuyant la fureur de Jézabel, l’épouse païenne d’Achab,Élie part au Sinaï via Jéricho. La tradition le fait passer parTaybehoùilauraitprisrefugedanslagrottequiportesonnomau sud immédiat du cimetière. Le second personnage est lemartyr saintGeorgesdeLydda,dequivient lenomde l’églised’El-Khader, Keniseh Mar Djiris. C’est aujourd’hui aussi lenomdeséglisesorthodoxeetmelkiteduvillage.Letroisièmeestunpersonnagemystérieuxdelasourate18duCoran,ditede«La Caverne », un serviteur de Dieu qui accompagne Moussa(Moïse) sur son chemin. Quoi qu’il en soit de cet étrangeamalgame,El-Khaderestavanttoutledispensateurdelapluie,et ildonne forceetvigueurauxpetitsenfantsbaptisés sur sonsite.De1919à1922,danslecadreduconflitentreorthodoxeset catholiques autour des lieux saints, alors qu’ont lieu lesconférencesdepaixquivontréglerlaquestionenmaintenantlestatuquoantérieur,unecertaineagitationsoulèveTaybehautourde l’usage d’El-Khader. Mais finalement, ce sont les troiscommunautés qui vont continuer leurs processions et leurssacrifices. La sécheresse et les aléas de la vie y activent ladévotionenbougiesetensacrificesdechèvresetmoutons.

TaybehauXXesiècle

AprèsavoirconnuàlasuitedelaGrandeGuerreleservicede nombreux curés temporaires sur une courte durée, Taybeh

connaît enfin une stabilité sacerdotale : Abouna BisharaFarwagi (1884-1949) s’installe à demeure pour presque vingt-deuxans.Curéexpérimenté,âgédetrente-neufans,cethommedeDieu, bien zélé, a le temps de faire beaucoup de bien à laparoisselatineetauvillage.Ilreprendàpiedd’œuvrelesécoles– celle des filles et celle des garçons, avec une quarantained’élèves audépart. Il publie à JérusalemuneéditionarabedesÉvangiles et aussi un petit manuel paroissial, avec messes etcantiques, qui ont beaucoup de succès. Il prend part aupèlerinage palestinien de l’année sainte en 1925 à Rome. Ilenvoie de nombreux séminaristes à Beit-Jala, qui seront desprêtres de grande qualité. Et surtout, doué d’un remarquabletalent d’orateur, prêchant avec beaucoup de cœur, il gagne denombreusesâmesàDieuetàsonÉglise.Unjour,ilseplaintaupatriarchedestroissœursduRosairedelaparoisse:troisdesescousines, tropdeparentesàsongré! IlquitteTaybehen1945pourlaparoisselatinedeNaplouseoùilrendl’âmeen1949.

Unenouvelleéglise

Lui succède un énergique missionnaire italien, don SilvioBresolin,ordonnéen1939danslepatriarcat.En1945,ilarrivepour trente ans àTaybeh.En1947, il dote l’église latined’unclocherrespectable.En1951,l’horlogeysonnepourlapremièrefois dans le village. La guerre arabo-juive de 1948 affecteTaybehetfouettelemouvementd’émigrationverslaJordanie,leGolfeet lesAmériques.Unémigréaméricain,Serhan,vautunefâcheuse réputation à Taybeh, étant impliqué dans l’assassinatdeRobertKennedy,frèredudéfuntprésidentaméricain.

Laparoisselatinesedéveloppeencoredavantage:en1961,ellecompteplusdesixcentsparoissiens,sanslesémigrés:on

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et le tour est joué. La pâte noire qui reste dans lescouverturesestétaléeausoleilsurlestoitsdesmaisons.Ainsi séchés, les résidus serviront au chauffage durantl’hiver.À son tour, novembre s’en est allé laissant la place àdécembre. L’huile nouvelle, abondante, fruitée et debelle couleur est déjà sur les tables. Dans la Biblel’huile est un signe divin. Lorsqu’elle manque c’est lechâtiment de Dieu causé par l’infidélité. Au contrairel’abondance est signe de salut. « Voici que je vousenvoieleblé, levinnouveauet l’huilefraîche.Vousenaurez à satiété. Et jamais plus je ne ferai de vousl’opprobredesnations.»Nous rendonsgrâceàDieupourcedonqu’ilnous faitcette année.Carnombreusesétaient lesolives.EtnousluidemandonsderendreeffectivelapaixsurcetteTerre.La paix dont, en quelque sorte, l’abondance de l’huilecetteannéeestunsigne6.

Taybehlibre

Après les accords d’Oslo en 1993 et le retour d’Arafat en1994, Taybeh est libre ou presque. Le village fait partie de lazone B des territoires palestiniens, sous administration civilepalestiniennemaissousoccupationmilitaireisraélienne.SeulesquelquesvillesdezoneA,commeRamallahouBethléem,sontofficiellement administrées pleinement par l’autoritépalestinienne, tandis que la zoneC est sous contrôle israélientotal. C’est là que, portés par l’espoir de la paix, les frèresKhouryreviennentd’Amériqueetfondent,dès1994,lafameusebrasserieTaybehBeer – la seule bière palestinienne à ce jour,

entièrement naturelle, composée uniquement demalt, houblon,orgeeteaudesource.

Abouna Joseph Rezeq, originaire de Taybeh, succède àAbounaBoutros,etaccueilleàTaybehlessœursfrançaisesdelaSainte-Croix de Jérusalem, fondées par le père Jacques Sevin,introducteurduscoutismeenFrance.EllesouvrentàTaybehleprieuréNotre-Damed’Éphraïm.

Onnes’ennuiepasici

En2002,enpleinesecondeIntifada,aprèsavoirététroisanschancelierdupatriarcheSabbah,AbounaRaedAbusahlia,prêtrepalestinienoriginairedeZababdeh,arriveàlacuredeTaybeh,etremplaceAbouna Ibrahim Shomali, en poste depuis deux ans.UnjeunevolontairefrançaisdelaDCC(Délégationcatholiquede lacoopération),StéphaneCaillaux,est là,qui litBernanos,et lui dit à voix haute l’incipit du Journal d’un curé decampagne:

Maparoisse est une paroisse comme les autres.Touteslesparoisses se ressemblent…Maparoisse estdévoréepar l’ennui, voilà le mot ! Comme tant d’autresparoisses!L’ennuilesdévoresousnosyeuxetnousn’ypouvonsrien.

Abounarépond:«Cetteparoisseestpeut-êtrecommetoutesles autres paroisses, mais je vous assure qu’elle ne sera pasenfoncéedansl’ennui!»

Malgré les difficultés liées à l’occupationmilitaire et à larépression de la révolte, Abouna se démène, et grâce à l’aidesans faille de bienfaiteurs et d’amis italiens, français, etc., il

fonde le pressoir à huile d’olive, la maison d’accueil despersonnes âgées et la nouvelle maison d’hôtes, l’atelier deslampesdelapaix,lastationradiophonique,ilagranditlecentremédicalCaritas,ilrestaurel’égliseetsoutientlarestaurationduvieux village, dynamise l’accueil des pèlerins, etc., tous cesprojetsquicontribuentàdonnervieàTaybeh.

C’est également pendant ces années 2000 que le sitebyzantinduKhaderestsystématiquementfouilléetrestauréparune équipe d’archéologues français, qui ont également créé, àl’été2009,unpetitmuséedeTaybeh;quelemaireestélupourla première fois démocratiquement, etc., toutes chosescontribuantàfaireentrerTaybehdansunenouvelleère–malgréleblocageéconomiqueetsocialquecréentlasituationpolitiqueetl’occupationmilitaire.

1.A.H.deWANDELBOURG,Étudesetsouvenirssurl’Orientetsesmissions:Palestine,SyrieetArabievisitéesavecMonseigneurValerga,volumesIàII,BercheetTralin,1883,chapitreXXI.Montagnesd’Éphraïm,p.101-102.2.Jos.18,12.3.GuerredesJuifs,23,4;9,etIMacch.1,1-344.P.CalixteBOUILLON,«AuxrivesduJourdain»,Échosd’Orient,1898,volumeI.Letexteestsuividecettenotedelarédaction:«Nousrecommandonsauxprièresdenosabonnésl’auteurdecerécit,leP.CalixteBouillon,quiasuccombésubitement,le26juilletdernier,auCarmeldeCaïffa,àuneaffectioncardiaque.Àtitrederepos,leP.CalixteétaitalléaveclesautresreligieuxAssomptionnistesdeNotre-DamedeFrancepasserquelquesjoursauMontCarmel,prèsdelameretloindeschaleurs.C’estlàqu’unemort,queriennefaisaitprévoir,estvenuel’enlever.Ilétaitdanssavingt-sixièmeannée.»

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notammentlefinancementdelamaisondespersonnesâgées.Demême,unremarquableeffortestaccomplidansl’huilerie

deTaybeh,ouverteparAbounaRaed,souslahoulettedeMiladNasser qui, outre l’huile d’olive extra-vierge et les savons àl’huile d’olive, a créé récemment une gamme de nouveauxproduits : shampooing, savon liquide, éponges végétales, etmêmedelatapenade!

Grandesemaine

LedimanchedesRameauxmarquel’entréedanslaSemainesainte, laGrandeSemaineenOrient,cetteoctavequicondensatoutel’histoirelourdedetragédiedumondepourl’assumeretladépasser en puissance de vie. Magnifique grand-messe danschacune des trois églises de Taybeh, les enfants portant desplendidespalmestresséesetcouvertesdefleursvariées.Aprèsla grand-messe, une procession œcuménique part de l’églisemelkite,scoutsentête,cornemusesauventettamboursbattants,s’arrête devant l’église latine puis devant l’église orthodoxepour rassembler tous les fidèles. Puis, précédées du défilé desscouts qui ouvrent lamarche, les trois paroisses semettent enbranle dans les rues à la suite de leur clergé – et c’est tout levillagerameauxetpalmesenmainquiserendainsienchantanteprocession jusqu’au Khader, la vieille église byzantine où lestroiscurésprononcentprièresetbénédictions.Puischacuns’enretournechezsoidéjeunerenfamille.

L’après-midi, Abouna Raed se rend à Bethphagé etGethsémanipourparticiperàlaprocessiondesRameauxsurlespasmêmesdel’entréetriomphaleduChristdanslaVillesainte.Les étrangers sont quasiment plus nombreux que lesautochtones, bloqués, pour tous ceux des paroisses sises en

Cisjordanie,par lemurdeséparationet lespostesdecontrôle.Laplupartdesgroupes scoutsont été empêchésdevenir, et ladizainedetroupesvenuesaulieudeshabituellesdouzainesn’enfait que battre plus fort tambour, sonner trompettes etcornemuses à tout vent, refrains joyeux, cantiques chrétiens ethymnespalestiniens.Àl’égliseSainte-Anne,lepatriarchelatin,Mgr Fouad Twal, prononce devant la foule compacte despèlerins assemblés une vigoureuse homélie : « Le Christ estvenu à Jérusalem en roi pacifique, sans armes et sans troupes,toutsimplement,sansmurdeséparationnipostesdecontrôles!»

Mercredi saint. Veille du triduum pascal et messe desLamentations,menéespar lachoraleet reprisepar l’assemblée.C’est la plainte du peuple de Terre sainte à son Seigneur etcompatriote.

Jeudi saint. En se rendant à la Sainte Cène, un jeuneforgeron de 22 ans succombe devant leDeirLatin à une crisecardiaque.Leçondeténèbres.

Pourmettre l’Évangileenactes, lepatriarchelavelespiedsde douze enfants de la paroisse choisis pour représenter lesApôtres.AbounaRaedfinitsonsermonenfaveurdusacerdocepar une énumération des nombreux prêtres originaires deTaybeh, et conclut sur desmots puissants : «Voilà trente ansqu’il n’y a aucun prêtre ni séminariste issu de Taybeh ! Uneparoissesansvocationsestuneparoissestérile!»

Vendredi saint. À l’heure où meurt le Christ, enterrementdanslefroidetlapluie,danslespleursetlesgémissements,dujeune décédé de la veille, dont le portrait couvre les murs duvillage.Viacrucis.

Le soir. Funérailles du Christ, chantées par une choralequasi céleste dirigée par sœur Victoire. Dans une églisearchicomble malgré les chaises ajoutées par dizaines, lepatriarche Sabbah et Abouna Raed célèbrent l’office de laPassion.Deuxheuresetdemiedemagnificence,de lecture,deprière et de chant, de pensée élevée et d’émotion profonde.LecturechantéeàplusieursvoixdelaPassionselonsaintJean,procession de la croix, puis mise au tombeau du Christrappellent avec solennité et majesté le sacrifice qui nous vautd’êtresauvés:«Ayantaimélessiensquiétaientdanslemonde,il lesaima jusqu’aubout.»Dramesacré,divine tragédie,miseautombeauduChristavecquinotreespérancerepose.

Samedisaint,à5heures,enprésencedupatriarcheSabbah,lescuréslatin,melkiteetorthodoxedeTaybehattendentaveclemaire, lespersonnalitéset tout levillagel’arrivéedufeusacré,de la sainte lumière de Pâques partie du Saint-Sépulcreaujourd’hui.Lorsde l’arrivéede la flamme,quiallume,uneetmultiple, les cierges de Pâques des trois paroisses (composéschacundetrente-troisciergesentremêlés),lesgroupesscoutsdeTaybeh et Ramallah semettent en ordre demarche, drapeaux,bannières, étendards au vent, et lancent au ciel roulements detambours, lancinements des cornemuses et joyeusesacclamations cuivrées. Le clergé suit, enfants de chœur porte-enseignes devant lui, et la foule derrière, œcuménique etchantante. Puis la sainte flamme s’arrête à chaque paroisse oùelle est précieusement gardée jusqu’à la veillée pascale, etchacunallumecierges,bougieset lampesàhuilepour ramenerchezsoi le feusacréquibrûleradanschaquemaison,purifiantl’airetbénissantlesâmes.

À 8 heures du soir, vigiles de Pâques, présidées par MgrMichelSabbah.Lajoieestpalpabledansl’églisetoutenluminée

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célébrée dans la paroisse melkite éponyme de Taybeh, dirigéepar Abouna Jack. À 9 h 30, c’est l’arrivée de l’archevêquemelkite de Jérusalem,MgrYousef Zerey, digne et débonnaire,qui présidera la célébration entamée à 10 heures dans la jolieéglisegrecquecatholique–d’abordaccueilliparundéfiléscouten fanfare, en présence d’un nombreux clergé grec catholique,grec orthodoxe et catholique latin – les curés du village, biensûr,maisaussiMgrMichelSabbah,patriarche latinéméritedeJérusalem.Toutlevillageestlà,enhabitsdefête.

Dans l’odeur fraîche des pâquerettes qui embaume l’air,alors que le blé est en épis, l’église melkite, où tous seretrouvent, est pleine comme un œuf de Pâques. Loin de laconcision latine, l’exubérance byzantine se déploie presquedeuxheuresdansunemagnifiqueliturgieavecgrandrenfortdeclergés et de fidèles catholiques et orthodoxes de Taybeh etd’ailleurs : sont présents autour de sa Béatitude de nombreuxprêtres melkites de Terre sainte, mais aussi les curés latins etorthodoxesdeTaybeh,ainsiqu’unarchevêqueorthodoxearabe,MgrAtallahHanna.Arméd’unbrûlant, leserpentd’airainqueMoïsedressaaudésert,MgrYousefdirigelacérémoniedansungrand déploiement d’ornements resplendissants, d’ors etd’encens,tandisqueleschantsfontmonterleursvolutesdanslacoupole illuminée au-dessus de la foule qui comble l’édifice.Quelle joie d’entendre la foule œcuménique proclamer d’uneseulevoixlegrandsymboledelafoi!

Lamesse,commepartoutenPalestine,estenarabelittéraire,quiestauxArabesdialectauxcequelelatinliturgiqueétaitauxdiversdialecteslatins,languesitaliquesethispaniques,languesd’oïl et d’oc, catalan, provençal et autres parlers romans…Après la belle liturgie, ce sont les félicitations, puis un granddéjeunerquiréunissenttoutlemondeautourdesaintGeorgesetd’AbounaJack,curémelkitedeTaybeh,donton fêteenmême

temps l’anniversaire. À cette occasion, le Dr Layla Ghanam,gouverneurdeRamallah(premièrefemmeàceposte),luiremetpour ses vingt ans au service de Taybeh la médaille duGouvernorat.Mabrouk,Abouna!

Ensuite,échangedevœuxetdefélicitationsdanslagrandesalleparoissiale,enprésencedesautoritéscivilesetreligieuses,et bien sûr : «Bonne fête à tous lesGeorges,Giorgos, Jiriez,KhaderetGeorgette!»Puislesinvitésseretrouventautourd’unbondéjeunerpréparéetapportéparKhaldounHannaquidirigele restaurant Taybeh Zamaan (Taybeh d’autrefois), avant de secongratuler une dernière fois pour cette belle journée sousl’égide du grand saint Georges, saint patron de Taybeh et detoutelaPalestine!

Lemoisseterminelelendemainsouslapluie.Ceprintempspluvieux,cethivervenutrèstardmaisquis’attardeunpeusontunebénédictionpourlaterrequiverdoiesouslesauspicesd’El-KhaderleVerdoyant!

IlssontfouscesRomains!

À l’occasion de la fête du grand saint Georges, alors quenous connaissonsbien, désormais, leTaybeh latin, découvronsle Taybeh de rite byzantin, à travers les paroisses éponymesgrecqueorthodoxeetgrecquecatholiquemelkite. Il faut savoirqu’ici les grecs orthodoxes sont appelés « RoumOrthodox »,c’est-à-direlittéralement«orthodoxesromains»,ousimplement« Roum », « romains » ; les grecs catholiques melkites sontappelés « Roum Katholik », « catholiques romains » ousimplement « Katholik », « catholiques » ; et enfin lescatholiques romains sont appelés «Latin », « latins »…Bref,ici, toutlemondeestromain!Biensûr,celavientdel’Empire

romain qui survécut près de mille ans de plus en Orient(jusqu’en 1453) qu’enOccident (jusqu’en 472).Mais cela estsurprenantpourunOccidental.

L’autrecurédeTaybeh

La plupart des pèlerins qui visitent Taybeh connaissentAbouna Raed, le très actif curé de la paroisse latine.Mais ilexisteàTaybehuneautrecommunautécatholique,plusréduiteetdiscrète,celledesgrecs-catholiquesdits«melkites».Ilsontleur propre église, près du site d’El-Khader, et suivent le ritebyzantin,commelesorthodoxes.AbounaJack,leurcurédepuisplusdevingtans,reconnaissableàsabarbemagnifique,estunefigure du village. Ce prêtre haut en couleur nous racontel’histoiremelkitedeTaybeh:

LesmelkitessonttrèsprésentsenPalestine,surtoutdanslesrégionsdunord:ainsi,ilyadesvillagesentièrementmelkitesenGalilée,commeMelya.L’Églisemelkiteestla principale Église catholique orientale. L’origine descatholiquesmelkitesvientd’unévêqueorthodoxedeTyrauSud-Liban,quiadécidéderefairelacommunionavecRome, car en réalité le siège d’Antioche et celui deRome n’avaient jamais rompu. C’est Aftimios Saïfi,archevêque de Tyr et Sidon, fondateur du monastèreSaint-Sauveur et de la congrégation salvatorienne, quifut au XVIIe siècle l’artisan et le chef de l’union. Ilvoulait refaire l’unité, mais il a été combattu par lesorthodoxesgrecs.Cependant,avecsesfidèlesilestentrédansl’unitécatholiqueen1724,leurmissionétaitd’êtrecatholiquesbyzantins,apôtresdel’union.Tyrestproche

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etNoëlselon lecalendrieroccidental.Depuis ledébut,la distinction était claire entre l’unification au niveausocial et l’unification au niveau religieux outhéologique.Lesmelkites dès le début étaient uneminorité dans levillage. Les premières familles ont quelques racinesmelkites.Lepassagede l’églisemelkitede JérusalemàTaybeh s’est fait d’une façon spirituelle à traversl’enseignement chrétien et la catéchèse. Les melkitesn’étaient même pas une minorité : on pouvait lescompter sur les doigts. Avec le temps, la paroisse agrandi de plus en plus. Certains de ceux qui se sontconvertis d’orthodoxe à melkite l’ont fait suite à desdisputesentreeuxetquelqu’undelaparoisseorthodoxeoulecurélui-même.Ilstrouvaientquelesmelkitessontplusprochesque les latins à causede laproximitédesliturgies. Malgré le fait que la langue grecque est unélémentpartagéentrelesorthodoxesetlesmelkites,ellen’était pas un élément déterminant pour le choix entredevenirmelkiteoulatinparcequ’enPalestinetouteslesÉglises prient en arabe depuis très longtemps. L’Égliseorthodoxe fait sa liturgie en arabe parce que c’est lalangue locale et la langue des gens, mais le grec esttoujours présent dans notre liturgie. Aujourd’hui nousdevonsprierdanslalanguequecomprennentlesfidèles.Par exemplequand il y adespèlerins étrangers je suisobligé de faire quelques pétitions en anglais. Moi jeconnaislegrecmaisjenelemaîtrisepas.Jelemaîtriseseulementdansleslimitesdelaliturgie.Jesuiscapablede faire la messe entière en grec. Mais la langue desfidèlesestl’arabe.Etc’estpourcelaquejefaislamesseen arabe et en grec et ainsi fait le reste de l’Église

orthodoxeenPalestine.Sur le linteau de la porte d’entrée de notre église, onpeuttrouverl’inscriptionsuivante,tailléedanslapierre:« Cet autel a été construit par les fils de la paroisseorthodoxe nationale à Taybeh. » La raison oul’explication, c’est que les fidèles ont construit cetteéglise de leurs propres dons, les ouvriers de laconstruction, l’architecte, l’électricien, et tout le resteétaient des volontaires qui ont donné leur travail. Lepatriarcatn’ariendépensédanslaconstructiondenotreégliseàTaybeh. Jusqu’àmaintenant, ilnedépense rienpoursamaintenance.Lemouvementorthodoxenational(ou national-orthodoxe) est un mouvement local quirassemblelesfidèlesdel’ÉgliseorthodoxeenPalestineeten Jordanie. Il acommebut l’arabisationde l’Égliseorthodoxe dans le pays. Il y a un décalage entre lahiérarchie ecclésiale et la communauté des fidèles : lacommunauté orthodoxe dans notre pays est composéed’Arabes qui sont partie intégrante de la société arabe,maislahiérarchiedel’Égliseorthodoxeestgrecque,estcomposée de religieux grecs. C’est pour cela quel’arabisation de l’Église locale est un objectif noble.Maisàmonavisc’estunobjectiftrèsdifficileàobtenir.Laraisonenestqu’iln’yapasd’ordremonastiquelocalarabeorthodoxeetiln’yapasnonplusd’écolecléricalearabeorthodoxe,deséminaire.Les latinsontuneécolecléricale, un séminaire à Beit-Jala, et ils ont un ordrereligieux local, les Sœurs du Rosaire. Et alors ilspeuvent produire un clergé arabe local. Et c’estexactement ce qui manque à l’Église orthodoxe dansnotre pays. En 1530, il y a eu le dernier patriarcheorthodoxe arabe. Quand les Ottomans sont arrivés, la

tradition des patriarches arabes a touché sa fin. LespatriarchesorthodoxesétaientdésormaisdesGrecs.Ilya eu un accord, un compromis entre les Grecs et lesTurcs,c’estainsiquelesTurcsleurontlaissélepostedepatriarche de Jérusalem. C’est ainsi qu’a été finie unelongue histoire de direction arabe pour l’Église deJérusalem.C’est une histoire qui remonte au temps dupatriarcheSophroniosquiarendulesclefsdeJérusalemà Omar de qui il a reçu le traité de protection deschrétiens connu sous le nom de promesse (ou firman)d’Omar. Les prêtres arabes aujourd’hui peuvent arriveraudegrédemuttran (évêqueauxiliaire), c’est le casdupère Atallah Hanna. Mais le poste de patriarche estoccupé par celui qui est élu par les grands chefs del’Égliseorthodoxeetlamajorité,sinontous,sontGrecs.C’est pour cela que le poste est toujours gagné par unGrec.Taybehareçulepatriarcheorthodoxetroisfois.Unefoisle patriarche Irineos et deux fois le patriarcheTheophilios.Parrapportauxquestionsdeventedeterresde l’Église orthodoxe à des Israéliens, j’en ai écoutéparler comme les autres l’ont fait. Je crois qu’il fautprouver les accusationspardespreuves solides jusqu’àcequ’ellessoienttoutesréfutées.C’estpourcelaquejerefuse d’accepter les accusations dirigées contre lepatriarcheetl’Égliseparcequecelaseraitinjuste.Maisbien sûr que si après vingt ans ou trente ans oucinquanteans,uncolonouuneautoritéoun’importequid’Israëlsortundocumentdepropriétébasésuruneventefaite par le patriarcat dans le but de prouver un droitisraélien sur n’importe quel endroit, notre position àTaybeh ne sera dans aucun cas en faveur des

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sacrifice, et aussi une nouvellemaison.Onmarque lesmains sur les portes d’Al-Khader, pour que la ViergeMarie intercèdepournouset fasseaccepter le sacrificeauprèsdeDieu.Lesangestunsymboledusacrifice,etalors onmontre la volontéde sacrifier enmarquant lesmainsaveclesangsurlesmursetportes.L’églised’Al-Khaderappartientàtous,catholiquesetorthodoxes.Ellen’estpasàunecommunautétouteseulesanslesautres.PourlesnouvellesmaisonsilyaaussidesritesquelesgensfontpourqueDieubénisseleurmaison.Ilsmettentunemonnaieenargent endessousdu seuilde l’entrée,pour que leur maison soit toujours lumineuse commel’argentbrille.Ilsversentducafépourquelecafédanscettemaisonn’arrêtejamaisdebouilliretd’êtreservi,enindiquantlaprospérité.Ceque je souhaite aujourd’hui c’estque la tranquillitéet la joie d’avant reviennent. Même si c’est avec lapauvreté,cen’estpasgrave!Cequiestimportant,c’estquelesgenss’aimentets’entraident,sansproblème.Cequejerecommandeauxjeunesaujourd’hui,c’estdeveillersurleurfutur,protégerlevillageetl’aimer,etnepaslevendre!Ceuxquireviennentd’Amériquenesontpas intéressés par le village et ils vendent leurs terres,mais il ne faut pas que les gens deTaybeh le fassent :C’est pour cela que je dis aux jeunes de Taybeh : «Aimezvotrevillage!Protégez-le!Nelevendezpas!»

Juin

Labrûluredusoleil

Lesoleilbrûletouteverdure,etlaPalestineécraséedesoleilprend un aspect desséché. Les campements bédouins seconfondentaveclespierresdanslalumièreaveuglantedel’été.Heureusement,Taybehestpréservéeencoreparl’altitudeetl’airfrais qui vient quotidiennement la baigner – se transformantparfois enviolentes rafales.Entremidi et 16heures, le villagevitaurepos,maisserattrapeensoirée:jusquetardlesfamillesprofitentdelafraîcheurnocturne,etlesenfantsenvacancesontchangé de rythme. De nombreux Taybaouis de l’étrangerviennent visiter leurs familles, et les rues et maisons seremplissent d’accents étrangers – souvent anglais mais aussifrançais. Tous se passionnent pour la coupe du monde defootball,commentairesetdiscussionsenflamméesvontbontrainaufildespéripétiessportives.Tandisquelapiscinemunicipaledéploie sa nappe bleue, de nombreux groupes de jeunes et descoutsdeTerresainteviennentencampàTaybehcetété,et laparoisse et l’école latines en organisent également pour lesautochtones.Juin:l’étévient,calmeetplein.

Ulysseenjuin

Marquéesparl’exil,certainesviespalestiniennesn’ontrienà envier aux aventures d’Ulysse. L’odyssée d’Abou Boutros,IbrahimMashriqi,neduraqu’unété,celuide1967:

Je suis un ouvrier de construction, mais depuis monenfance,commetoutlemondeàTaybeh,jesuispaysan.J’aiparticipéàlaconstructiondel’actuelleégliselatine.En fait, j’étais en charge de la partie intérieure del’église.Lesmurs,leplafond,etsurtoutlamosaïquedufond.C’estunefresqueenmosaïquequireprésentel’entréedeJésus à Taybeh. Abouna Silvio avait commandé lafresquedepuisl’Italie,etelleestarrivéedansunegrandeboîteenbois.IlyavaitunItalienquis’appelaitGaetano,qui est le même qui a dessiné les fresques de saintGeorges et de l’archangeMichel sur les deux côtés. Ilsavait oùmettre chacune des pièces de lamosaïque, etnous l’avons composée tous les deux ensemble. Celanous a pris des semaines. Des dizaines de milliers depièces de mosaïque de couleurs différentes, pièce parpièce, et finalement on a complété la fresque. Dans lecoinàgaucheenbasdelafresque,apparaîtsaintCharlesde Foucauld avec un enfant. Abouna Silvio a fait ensortequelevisagedusaintluiressemble.Ilnel’apasditen public, mais je le savais bien, car il nous a dit cesecretànous.Quand nous travaillions à l’œuvre, il venait voircommentletravailmarchait.Unjour,jemesuisfaitmalàlamainetjenesuispasalléautravailplusieursjours,maisjesentaisqu’ilfallaityallercaronétaitentraindeplacer les tuiles sur le toitet jedevaisêtreprésent. J’ysuis finalement allé et je me suis mis tout de suite àtravailler.J’étaissurletoitentraindesurveillerlamiseen place des tuiles. Je neme posais pas par terre pourregarder les ouvriers, j’étais le premier à travailler etainsijelesencourageais.AbounaSilvioestmontésurle

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LerefugeduChristLestempschrétiensTaybehdanslacroisadeD’ÉphraïmàTaybehMissionàTaybehNaissanced’uneparoisseÀTaybehaveclebaronHaussmannL’épopéedesmissionnairesCharlesdeFoucauldàTaybehTaybehen1898TaybehdanslaguerreLadisputed’El-KhaderTaybehauXXesiècleUnenouvelleégliseNouveautésEtantiquitésLamaisondesparabolesIntifadaTerredeshommesetdeDieuL’huilenouvelleTaybehlibreOnnes’ennuiepasici

FévrierLecurébûcheronCarêmeàlatronçonneuse

Cheminsdecroix

MarsLepeupledesoliviersMatriarchesL’atelierdelapaixGrandesemaineUnChristarabe

AvrilUrgencesLegrandsaintGeorgesIlssontfouscesRomains!L’autrecurédeTaybehTaybehorthodoxe

MaiÉtatsauvageParadisperdu

JuinLabrûluredusoleilUlysseenjuin

JuilletLasaisondesamoursRetouraupays

AoûtLaterreetlesmorts

Achevéd’imprimerparXXXXXX,enXXXXX2015N°d’imprimeur:

Dépôtlégal:XXXXXXX2015

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