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TCA LE TRAITE SUR LE COMMERCE DES ARMES, UN TOURNANT HISTORIQUE Dossier spécial de Sentinelle ISSN 2116-3634 http://www.sentinelle-droit-international.fr/ sous la direction d’Emmanuel MOUBITANG 20/04/2013

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  • TCA LE TRAITE SUR LE COMMERCE DES ARMES, UN TOURNANT HISTORIQUE

    Dossier spécial de Sentinelle ISSN 2116-3634 http://www.sentinelle-droit-international.fr/

    sous la direction d’Emmanuel MOUBITANG 20/04/2013

    http://www.sentinelle-droit-international.fr/

  • TCA

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    http://www.sentinelle-droit-international.fr/

    __________________________________________________________________________________

    DOSSIER SPECIAL du 20/04/2013

    LE TRAITE SUR LE COMMERCE DES ARMES, UN TOURNANT HISTORIQUE

    Sous la direction de Dr. Emmanuel MOUBITANG Chargé de Cours à l’Université de Yaoundé II- Cameroun Contact/mail : [email protected]

    Sommaire

    EDITORIAL : La responsabilisation des Etats exportateurs (Pr. Philippe WECKEL)

    INTRODUCTION (Emmanuel MOUBITANG)

    TITRE I : L’ELABORATION DU TCA

    Chapitre 1 : Les défis du commerce international des armes (Emmanuel MOUBITANG)

    Chapitre 2 : Historique et enjeux du processus d’élaboration du TCA (Emmanuel MOUBITANG)

    Chapitre 3 : Les travaux du Comité préparatoire (Jérémy DRISCH)

    TITRE II : LE CHAMP D’APPLICATION DU TCA

    Chapitre 1 : Les armes classiques (Anne-Claire DUMOUCHEL)

    Chapitre 2 : Exportation et importation des armes classiques (Anne-Claire DUMOUCHEL)

    Chapitre 3 : Les transferts internationaux d’armes classiques (Emmanuel MOUBITANG)

    TITRE III : LA MISE EN APPLICATION DU TCA

    Chapitre 1 : Le rôle du Secrétariat dans la mise en œuvre du TCA (Hélène CHALAIN)

    Chapitre 2 : La coopération internationale dans la mise en œuvre du TCA (Rostand BANZEU)

    Chapitre 3 : L’assistance dans la mise en œuvre du TCA (Rostand BANZEU)

    CONCLUSION (Emmanuel MOUBITANG)

    ANNEXE 1 : Les dates clés sur le TCA

    ANNEXE 2 : Texte du traité sur le commerce des armes

    ANNEXE 3 : Sources documentaires

    http://www.sentinelle-droit-international.fr/mailto:[email protected]

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    EDITORIAL : La responsabilisation des Etats exportateurs Philippe WECKEL Professeur de droit international à l’Université de Nice Directeur de Sentinelle

    Le commerce des armes conventionnelles n’est pas soumis au droit du commerce

    international. Les Etats conservent intégralement leur pouvoir d’interdire ou d’autoriser les

    importations et les exportations de ces biens. Plusieurs raisons fortes justifient cette exclusion.

    Tout d’abord les Etats entendent préserver leur fonction inhérente de sauvegarde de la sécurité

    publique. A cet égard le contrôle des opérations transfrontières complète la règlementation des

    armes sur le territoire. Ensuite, des motifs de politique extérieure, des raisons stratégiques et de

    défense - y compris des intérêts commerciaux - et des préoccupations politiques et diplomatiques

    prédominent dans les choix des Etats en matière d’armement. Le commerce international légal des

    armes est donc sous le contrôle des Etats. Ainsi en France (pour les Etats-Unis : 22 USC Chapter

    39) l’exportation sans autorisation des armes de guerre est prohibée et l’autorisation prend la

    forme d’une licence d’exportation (Articles L2335-2 et L2335-3 du Code de la défense, LOI n°2011-

    702 du 22 juin 2011 - art. 1). Le contrôle est effectué à tous les niveaux, de la négociation, de la

    vente et de l’exportation physique des biens.

    Ministère de la Défense, Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France 2012

    Ainsi ce contrôle de l’exportation des armements est à la fois une prérogative souveraine

    de l’Etat et une cause de responsabilité internationale de cet Etat, puisque l’activité privée de

    l’exportateur est sous son contrôle effectif. Les exportations, légales il faut bien le souligner, qui

    sont soumises à un régime d’autorisation engagent la responsabilité de l’Etat en question,

    lorsqu’elles ne sont pas conformes à ce qui est requis de cet Etat par l’une de ses obligations

    internationales. L’article 8 de l’acte de codification du droit international coutumier relatif à la

    responsabilité internationale des Etats (appelé le Projet d’articles de 2001) adopté par l’Assemblée

    http://www.law.cornell.edu/uscode/text/22/chapter-39http://www.law.cornell.edu/uscode/text/22/chapter-39http://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006071307http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=88120A242BE950400100482E20CFA307.tpdjo10v_3?cidTexte=JORFTEXT000024228630&idArticle=LEGIARTI000024229630&dateTexte=20110624http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=88120A242BE950400100482E20CFA307.tpdjo10v_3?cidTexte=JORFTEXT000024228630&idArticle=LEGIARTI000024229630&dateTexte=20110624http://www.defense.gouv.fr/content/download/188581/2078724/file/Le%20Rapport%202012%20sur%20les%20exportations%20d%E2%80%99armement%20au%20Parlement.pdfhttp://untreaty.un.org/ilc/texts/instruments/francais/commentaires/9_6_2001_francais.pdf

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    générale de l’ONU est très clair à ce sujet : « (Comportement sous la direction ou le contrôle de

    l’État) - Le comportement d’une personne ou d’un groupe de personnes est considéré comme un

    fait de l’État d’après le droit international si cette personne ou ce groupe de personnes, en

    adoptant ce comportement, agit en fait sur les instructions ou les directives ou sous le contrôle de

    cet État ». Cette attribution à l’Etat du comportement d’une personne ou d’une entité qui n’est pas

    l’un de ses organes est d’autant plus certaine qu’elle a été confirmée par une solide jurisprudence

    internationale qu’on ne détaillera pas ici.

    Qu’un Etat n’ait pas l’intention de ratifier le Traité sur le commerce des armes adopté par

    l’Assemblée générale ne lui permettrait donc pas de se dégager de sa responsabilité internationale

    en vertu du droit international général et des instruments existants.

    Ainsi le Traité sur le commerce des armes (TCA) ne réalise pas une progression du droit en

    terra incognita. La plupart des Etats exportateurs (41 Etats) coordonnent leur politique depuis

    longtemps dans le cadre de l’Arrangement de Waassenar. Restent à l’écart de cette coopération

    multilatérale le Brésil, la Chine, l’Inde et Israël (l’Iran aussi, mais les exportations d’armes de ce

    pays sont sous embargo). Plus de 80% des exportations mondiales entrent ainsi dans le champ de

    cette coordination. Par ailleurs l’influence de la règlementation européenne relative à l’exportation

    des armes conventionnelles sur la rédaction du TCA est manifeste (Position commune 2008/944 du

    8 décembre 2008). La transformation du code de conduite européen en un instrument contraignant

    était d’ailleurs destinée à soutenir le processus d’élaboration du TCA dans un moment crucial. Enfin

    la création en 1992 par l’Assemblée générale du registre sur les armes classiques ne peut être

    oubliée (UNODA, voir également SIPRI).

    Le Traité sur le commerce des armes ne limite pas la compétence des Etats de règlementer

    leur pratique en matière d’exportation d’armes. Il leur fait au contraire obligation d’élaborer une

    telle règlementation et de la notifier au Secrétariat du Traité. Il ne les engage qu’à introduire dans

    cette règlementation nationale les éléments nécessaires pour éviter d’exposer leur responsabilité

    internationale. Le TCA est un instrument de mise en œuvre du droit international, notamment des

    droits de l’homme. En clarifiant leurs obligations internationales qu’il précise de manière concrète,

    il apporte la sécurité juridique aux Etats exportateurs. En effet, en ce qui concerne le génocide, la

    jurisprudence de la Cour internationale de justice est évidemment transposable à l’exportation

    d’armes (Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

    (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), Arrêt du 26 février 2007). Elle permet de distinguer

    la complicité de l’Etat exportateur qui a une connaissance effective du génocide de l’obligation de

    prévention du génocide qui pèse sur tous les Etats et leur impose un devoir de prudence et de

    précaution dans l’octroi des licences d’armement. De même on ne doit pas douter de l’applicabilité

    de la jurisprudence Soering c. Royaume-Uni (CeDH, 7 juillet 1989) à l’exportation d’armes et

    l’extension de cette jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme aux autres

    instruments de protection de ces droits. Pour échapper à cette construction du droit par voie

    d’interprétation, il est préférable, au regard du principe de prévisibilité, de ratifier le TCA. Il est

    plus généralement de l’intérêt des Etats exportateurs d’y procéder, parce qu’ils ne peuvent trouver

    http://www.wassenaar.org/participants/index.htmlhttp://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:335:0099:0103:FR:PDFhttp://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:335:0099:0103:FR:PDFhttp://www.un.org/disarmament/convarms/Register/http://www.sipri.org/research/armaments/transfers/measuring/financial_values/databases/armstransfershttp://www.icj-cij.org/docket/files/91/13684.pdfhttp://www.icj-cij.org/docket/files/91/13684.pdfhttp://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx#{"dmdocnumber":["695496"],"itemid":["001-57619"]}

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    que des avantages à la clarification des exportations légales. Le traité incite au dialogue avec les

    Etats importateurs qui sont invités à fournir les éléments qui permettent de rassurer sur le risque

    qu’entraîne l’autorisation d’exporter. Les grands perdants seront bien entendu les Etats

    importateurs qui ont une conduite calamiteuse en matière de respect des droits de l’homme. Ne

    pas ratifier le TCA ne leur évitera pas le désagrément qu’implique la responsabilisation des Etats

    exportateurs.

    En fixant à 50 Etats le seuil d’entrée en vigueur du TCA les rédacteurs se sont montrés

    raisonnablement exigeants, puisque ce nombre est supérieur à ce qui est généralement requis pour

    un instrument multilatéral à vocation universelle. Le seuil devrait être atteint assez rapidement.

    Peut-on espérer l’adhésion de tous les Etats ? Ils sont tous concernés. Le transit et la réexportation

    les placent tous en situation de devoir rendre des compte à raison de transferts d’armes.

    Néanmoins il n’est pas forcément nécessaire de ratifier le TCA pour s’y conformer. On doute un peu

    de la capacité de l’Exécutif américain à obtenir l’approbation du Congrès. Cet obstacle devrait à

    première vue être aisément contourné, le cadre légal existant conférant au Président américain une

    compétence pour la règlementation du commerce international des armes. Aussi, pour apprécier

    l’effectivité du TCA il sera nécessaire de prendre en compte d’autres éléments que le nombre de

    ratifications.

    Le Traité sur le commerce des armes est un instrument technique qui ne réalise pas

    d’avancée normative majeure, mais on peut le considérer comme un pas important vers une

    effectivité vérifiée du droit international.

    Un universitaire du Cameroun, Emmanuel MOUBITANG, a dirigé la réalisation de ce dossier

    spécial.

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    INTRODUCTION Emmanuel MOUBITANG

    Plus d’un siècle après l’Acte général de la Conférence de Bruxelles de 1898 qui a tenté de

    réglementer le transfert des armes vers les territoires coloniaux, l’Assemblée générale de l’ONU a

    adopté, ce 02 avril 2013, par 154 voix pour, trois (03) contre et 23 abstentions, le premier Traité

    sur le commerce des armes (TCA), rattrapant ainsi l’échec essuyé par la Conférence finale de

    négociations qui s’est tenue du 18 au 28 mars 2013, à New York. Les 193 pays membres de l'ONU

    n'avaient pu se mettre d'accord par consensus à New York sur ce texte de 14 pages, censé

    moraliser les ventes d'armes. L'Iran, la Syrie et la Corée du Nord avaient bloqué le texte après dix

    (10) jours de négociations. Une centaine de pays, dont la France, la Grande-Bretagne, les Etats-

    Unis et de nombreux Etats africains et latino-américains, ont alors proposé que l'Assemblée

    générale adopte une résolution reprenant le projet de traité et l'ouvre ainsi à la signature. La

    résolution ouvrant le traité à la signature, à partir de juin 2013, ayant été adoptée, le texte doit à

    présent être signé et ratifié par chacun des pays. Il entrera en vigueur à la 50ème ratification.

    Pour les organisations non gouvernementales qui militent depuis quinze ans pour un

    meilleur contrôle du trafic d’armes dans le monde, c’est « un accord historique ». La société civile

    réclamait en effet à cor et à cri la régulation de ce marché sensible dont le montant global s’élève à

    70 milliards de dollars (54 milliards d'euros) par an et qui représente un risque grave pour les

    civils, victimes de transferts irresponsables d’armes, en particulier dans les zones de conflit.

    L’objectif de ce traité est d’obliger chaque pays à évaluer, avant toute transaction, si les

    armes vendues risquent d’être utilisées pour contourner un embargo international, pour commettre

    un génocide et d’autres exactions contre la population civile, ou être détournées au profit des

    terroristes ou des criminels. Les armements couverts vont du pistolet aux avions et navires de

    guerre en passant par les missiles. Il s’agit là d’une première historique dans un domaine considéré

    comme hautement sensible et réservé jusque-là aux prérogatives nationales, et dès lors privé de

    réglementation internationale juridiquement contraignante.

    Ce Traité génère beaucoup d’espoir, en particulier dans des pays et des régions durement

    touchées par la violence armée. Certes, le TCA ne mettra pas un terme à cette violence.

    Néanmoins, il représente une opportunité de mieux réglementer et contrôler les transferts d’armes

    conventionnelles, les petites comme les grandes, ainsi que leurs munitions. Il permettrait ainsi de

    réduire les trafics illicites et les transferts d’armes irresponsables qui causent de nombreux

    dommages et alimentent la violence armée aussi bien dans les zones de conflit, que dans la

    criminalité organisée ou la violence urbaine. Les États ont aujourd’hui une opportunité historique

    de contribuer à un monde un peu plus sûr et (peut-être), plus responsable. L’adoption de ce traité

    malgré le blocage tenté par certains Etats a été vite saluée par les grands de ce monde :

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    Pour le Secrétaire général de l'ONU, BAN KI-MOON, il s'agit d'un « succès diplomatique

    historique » qui devrait donner « un nouvel élan bienvenu à d'autres efforts de désarmement ».

    Le Secrétaire d'Etat américain John KERRY a salué un traité qui « peut renforcer la sécurité

    internationale ».

    Le Premier Ministre britannique David CAMERON a salué « un accord historique qui va

    sauver des vies et soulager les immenses souffrances provoquées par les conflits armés ».

    Cependant, Il est encore trop tôt pour dire si le TCA répondra à ces attentes. Les positions

    des États sur ses objectifs divergent toujours, à l’issue du processus de discussions préparatoires

    de 2010-2012, préalable aux négociations officielles. Plusieurs points de désaccord sur des

    éléments essentiels à un TCA « fort et robuste » et universel persistent.

    Ce dossier spécial se propose d’analyser le processus qui a abouti à l’adoption d’un TCA aux

    Nations Unies. Il tente de dresser un état des lieux des discussions préparatoires à la Conférence

    finale et d’identifier les principaux enjeux desdites négociations.

    La première partie donne un bref aperçu des défis actuels du commerce international des

    armes conventionnelles, la nature mondiale de ce commerce et de ses acteurs, le caractère

    sensible des intérêts qu’il véhicule, ses conséquences en termes de coût humain principalement.

    Elle revient sur les initiatives à l’origine du TCA, l’historique du processus mené aux Nations Unies

    en vue de son adoption, ainsi que sur l’examen des travaux du Comité préparatoire de la

    Conférence de négociations, qui a tenu plusieurs sessions entre juillet 2010 et juillet 2012. Le

    présent travail vise ainsi à identifier les tendances qui se dégagent autour des différents éléments

    du TCA, avant d’analyser plus en détails, dans la deuxième partie, son champ d’application. Une

    troisième partie est consacrée à l’examen des moyens de mise en application du TCA. Ainsi, le

    Secrétariat, la coopération et l’assistance internationale institués par l’accord en question sont

    passés au peigne fin par la fine crème des analystes de « Sentinelle ». Le rôle de certains États

    étant déterminant pour aboutir à un TCA universel, il convient d’examiner en définitive la position

    affichée par quelques-uns des principaux acteurs de ce commerce meurtrier.

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    TITRE I : L’ELABORATION DU TCA

    Ce premier temps fort de l’analyse comporte trois grandes articulations : les défis du

    commerce international des armes (Chapitre 1) ; l’historique et les enjeux du processus

    d’élaboration du TCA (Chapitre 2) et les travaux du Comité préparatoire (Chapitre 3).

    Chapitre 1 : Les défis du commerce international des armes Emmanuel MOUBITANG

    Le commerce des armes conventionnelles soulève de nombreux défis, en raison de sa

    nature mondiale, du caractère sensible des intérêts qu’il véhicule et de ses multiples conséquences.

    Il est donc interdépendant et touche tous les pays. Les entreprises de l’armement, acteurs

    principaux de ce commerce, se sont elles-mêmes mondialisées, poursuivant de vastes programmes

    de collaboration et fonctionnant avec de longues chaînes d’approvisionnement (de la fabrication de

    composants, à l’assemblage, transfert, courtage, transport, livraison…). Si ce commerce, légal et

    légitime à la base, peut avoir des effets positifs sur la sécurité et la paix lorsqu’il est autorisé de

    manière responsable, ses conséquences peuvent être désastreuses, en particulier dans le cas de

    trafics illicites et de transferts irresponsables. Ses conséquences se déclinent en termes de coût

    humain (morts, blessés, handicaps, …), mais aussi en termes de développement socioéconomique

    et humain, de stabilité internationale et régionale, de paix et de sécurité. Elles varient par ailleurs

    d’une région à l’autre, en fonction des réalités de ce commerce qui sont propres à chaque zone du

    monde. Ainsi, aux défis politiques et sécuritaires (section I), se succèdent les défis d’ordre

    économique et social (section II).

    Section I : Les défis au niveau politique et sécuritaire

    Le commerce des armes constitue une sérieuse menace à la sécurité sous régionale et, en

    particulier de celle des Etats voisins des foyers de tension. Pour s’en convaincre, nous allons

    essayer de montrer les rapports entre le commerce des armes légères et la vie de l’Etat

    (Paragraphe 1), c'est-à-dire, en quoi ces armes peuvent être un moyen de contestation de l’ordre

    politico-social, comment elles peuvent être utilisées pour la destruction d’un Etat voisin. C’est dans

    ce cadre qu’elles ont favorisé l’émergence et le développement de groupes armés non étatiques

    (Paragraphe 2).

  • TCA

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    Paragraphe 1 : Le commerce des armes légères et l’Etat

    Le trafic et la circulation des armes légères en Afrique ont généré deux situations dont l’une

    affecte la vie, son existence et son autorité et dont l’autre transforme la nature, l’image de la

    coopération multilatérale qui préside à la création d’organisation internationale. Il s’agit de montrer

    d’abord que le commerce des armes légères peut faciliter la contestation de l’autorité de l’Etat (A),

    surtout lorsque celui-ci est en déliquescence. Il peut, ensuite, favoriser l’émergence du phénomène

    « d’Etat criminel » (B).

    A. Le commerce des armes légères et la contestation de l’autorité de l’Etat

    La fin de la guerre froide n’a pas fait de l’Afrique un continent plus paisible. De fait, la

    dissolution de l’ordre bipolaire s’est parfois accompagnée, ici comme dans d’autres régions

    marginalisées, de l’effondrement de certains Etats. Le phénomène d’effondrement de l’Etat dépasse

    le simple renversement d’un régime : il renvoie à la désintégration de la structure de l’Etat, à celle

    de son autorité légitime, de son ordre légal et de son ordre politique. Dans ce contexte, d’autres

    acteurs viennent occuper les vides laissés par l’effondrement de l’Etat. Il peut s’agir d’acteurs

    locaux, défenseurs d’une cause ethnique ou simples seigneurs de guerre, ou d’acteurs étrangers,

    qui en l’occurrence sont généralement des compagnies internationales prenant en charge leur

    propre sécurité ou celle d’autres acteurs. S’ouvre alors une période au cours de laquelle les rivalités

    de pouvoir s’opposent aux tentatives de rétablissement d’une autorité centrale. C’était la situation

    au Libéria où l’autorité de l’Etat se limitait tout au plus à la capitale (Voir BOURGI Albert, « Les

    groupes armés à l’assaut des Etats », in questions internationales, n°5, janvier –février 2004, p.39,

    pp.35-43), où la controverse qui avait suivi les élections générales de 1985 avait sérieusement

    sapé la légitimité du Sergent Président, jusqu’à ce que le Front National Patriotique du Libéria

    (FNPL) décide d’utiliser la voie des armes pour conquérir le pouvoir.

    Durant cette période d'intensification et d'amplification des conflits aux conséquences

    humanitaires sans précédent, l’Etat, comme ordre légitime, n’existe plus. L'Etat lui-même (qui a

    ses vertus remarquables) est affaibli : police privées, justice privée, zone de non droit, émeutes

    urbaines de plus en plus fréquentes et meurtrières. Cette situation est facilitée par le commerce

    d’armes légères en Afrique, lesquelles joue un rôle majeur en ce qui concerne l’entretien et

    l’alimentation des conflits. Le trafic des armes légères entraîne la déliquescence de l'appareil

    étatique qui se voit disputer son monopole de l'usage légitime de la violence selon les propos de

    Max WEBER par des bandes lourdement armées. L'autorité de l'Etat et, notamment de ses services

    de répression se voit altérer et s'installe progressivement une situation de vide institutionnel et

    d'absence d'interlocuteur valable pour dialoguer.

    Parallèlement à ce processus de contestation de l'Etat par la voie des armes et de son

    effondrement progressif, se développe un phénomène nouveau dans les conflits africains, à savoir

    celui de l'Etat criminel.

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    B. Le commerce des armes légères et le phénomène de «l’Etat criminel»

    L’ingérence de certains Chefs d’Etat et des membres des plus hautes instances de certains

    Etats ; leur engagement direct dans des activités criminelles, peut conduire les observateurs à

    employer des expressions suggestives telles que « l’Etat malfaiteur », « narco-Etat », « Etat

    prédateur » ou « contrebandier », « Etat maffieux » et autres avatars de la notion plus générique

    d’« Etat criminel ».

    Les auteurs de « La criminalisation de l’Etat en Afrique » par exemple, décrivent de façon

    précise les phénomènes justifiant, à leurs yeux, l’usage de ces notions inquiétantes (voir Bayart

    Jean-François, Stephen Ellis, Béatrice Hibou, « La criminalisation de l’Etat en Afrique », Editions

    Complexe, Paris 1997, p.167). D’autres montrent comment les représentants de certains Etats, sur

    tous les continents (voir Samy Cohen, « Pourquoi les démocraties en guerre contre le terrorisme

    violent-elles les droits de l’homme ? », Critique Internationale, octobre-décembre 2008, n°41,

    pp.9-20), abusent de leur autorité pour contrôler et organiser eux-mêmes le trafic illégal d’armes,

    de drogue, de main d’oeuvre ou la contrebande à l’échelle de leur pays. La notion d’« Etat criminel

    » soulève pourtant de nombreuses questions, à commencer par l’identification de l’auteur véritable

    du crime, de la contrebande, du trafic : s’agit-il de l’Etat lui-même, ou plutôt de certains, parmi ses

    représentants, qui abusent de leurs fonctions dans l’Etat et s’en autorisent pour trafiquer et faire

    de la contrebande ?

    L’expression d’« Etat criminel » n’est pas anodine. En effet, elle est même grave et on peut

    s’interroger sur le rapport existant, par exemple, entre les Etats répertoriés comme « trafiquants

    d’armes », donc « criminels » et « malfaiteurs», et l’Etat nazi par exemple, dont la qualification

    criminelle en tant qu’Etat ne fait de doute pour personne, et qui fut d’ailleurs jugé comme tel à

    Nuremberg. Autrement dit, il s’agit de voir comment des Etats extérieurs à un conflit peuvent se

    rendre coupables d’actes qui violent manifestement le droit international public en général et, les

    exigences du droit des organisations régionales africaines en particulier.

    Dans les conflits internes, les acteurs étatiques instrumentalisent souvent les acteurs

    subordonnés d’un autre Etat et surajoutent leurs querelles (frontalières, idéologiques…) au conflit

    interne (social, idéologique…), en lui donnant une dimension territoriale qui dépasse les frontières

    de l’Etat concerné au premier chef : sanctuarisation des guérillas au-delà des frontières, utilisation

    des camps de réfugiés pour recruter de nouveaux combattants, ventes d’armes qui modifient les

    ressources et le profil militaire du conflit. Ainsi, dans les conflits ouest africains des années 1990,

    les sanctuaires militaires dans lesquels un mouvement armé parvient à installer des bases arrière

    dans un pays voisin (et le plus souvent complice) de celui où il opère militairement, se sont

    multipliés, ainsi qu’en ont témoigné les bases dont disposaient les mouvements armés casamançais

    en Gambie et en Guinée Bissau, ou encore les mouvements libériens et sierra léonais en Côte

    d’Ivoire.

  • TCA

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    Toutefois, le caractère multidimensionnel de la problématique des armes légères conduit à

    s’interroger sur le rapport entre le commerce d’armes légères, l’émergence et le développement

    des groupes armés non étatiques.

    Paragraphe 2 : Le trafic des armes légères et les groupes armés non étatiques

    La réflexion sur le commerce des armes légères offre un vaste champ d’études et

    d’investigations permettant de mieux appréhender ce phénomène dans le contexte particulier des

    conflits africains. Ainsi, nous examinerons comment les revendications identitaires s’opèrent grâce

    au trafic d’armes légères (A), avant de voir en quoi le terrorisme et la criminalité nourrissent et

    entretiennent la demande d’armes légères (B).

    A. L’utilisation d’armes légères au service des revendications identitaires

    Depuis la fin de la décennie 1980, pratiquement tous les conflits dans le monde ont été

    beaucoup plus déterminés par les différences identitaires que par les différends interétatiques. Sur

    la scène mondiale, les affrontements entre les États paraissent de plus en plus surannés, tandis

    que ce sont les conflits intercommunautaires qui imposent leur présence tragique et qui font le plus

    grand nombre de victimes, ainsi que le montre le bilan apocalyptique des génocides rwandais,

    burundais, yougoslaves, congolais, pour ne citer que ces cas typiques. Et plus particulièrement en

    Afrique, la guerre est essentiellement « civile ». Les ennemis, on ne les trouve pas en dehors des

    frontières, mais à l'intérieur, et ils sont identifiables non pas à leurs uniformes, mais à leurs

    appartenances ethniques, à leurs noms, parfois aussi à leurs visages (voir Chrétien, Jean-Pierre,

    « Les racines de la violence contemporaine en Afrique », Politique Africaine, n° 42, 1991, p. 15-

    27).

    Cependant, le trafic des armes légères sert à développer la criminalité transfrontalière et à

    semer de terreur qui est à l’origine des exodes massifs de populations à la recherche de la

    tranquillité et de l’espoir de vivre.

    B. L’utilisation d’armes légères au service de la criminalité transfrontalière

    Le trafic illégal d’armes est une des composantes des activités criminelles qui s’opèrent

    aujourd’hui. Transgressant ou déjouant les lois établies, il s’appuie sur des réseaux complexes et

    s’articule souvent avec d’autres activités illicites (contrebande, trafic de drogue et de minerais

    précieux…) dont il emprunte les mécanismes et les filières (routes géographiques, circuits de

    blanchiment et de financement). Ainsi, le trafic d’armes légères est régulièrementdénoncé par les

    gouvernements comme étant lié au crime organisé, au trafic de narcotique, de pierres précieuses,

    etc. Dans de nombreux cas, le trafic d’armes légères et le commerce illégal de matières premières

    sont étroitement liés. Non seulement les circuits utilisés par la contrebande de matières premières

    comme les drogues, les diamants et autres sont analogues aux circuits où transitent les ventes

  • TCA

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    illégales d’armes, mais les profits tirés par le pillage des ressources naturelles sont utilisées par des

    acteurs non étatiques (mais aussi par des forces gouvernementales) pour financer leurs armement

    aux dépens des embargos internationaux.

    La priorité donnée à la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, les trafics de

    drogues et de minerais précieux conduit les Etats à tenir compte du trafic illicite d’armes afin

    d’empêcher les organisations terroristes et autres entités criminelles d’acquérir des armes légères.

    On voit donc qu’une approche de lutte globale contre la criminalité et le terrorisme impose aux

    acteurs d’appréhender le trafic d’armes.

    Toutefois, au-delà de la criminalité transfrontalière qu’il favorise et intensifie, le trafic des

    armes légères entretient des rapports avec le volet économique et social.

    Section 2 : Les défis d’ordre économique et social

    Le trafic des armes légères en Afrique a permis de ressortir la dimension des ressources

    naturelles dans le processus conflictuel. En effet, il a contribué à la recrudescence de la violence et

    à l’aggravation des conséquences sociales. Pour s’en convaincre, il convient d’examiner le rapport

    entre le commerce d’armes légères et la gestion des ressources naturelles (Paragraphe 1), avant

    de voir l’impact dudit commerce sur la vie sociale (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Commerce d’armes légères et gestion des ressources naturelles

    L’Afrique est devenue la région privilégiée des trafiquants d’armes. Ces derniers sont liés

    au commerce des ressources du sol et sous-sol, attirés par un marché sans contrôle avec des

    complicités locales. C’est ainsi que d’une économie réglementée on est passé à une économie

    criminelle (A) dont le seul souci est la recherche de profits, peu importent que les moyens utilisés

    violent ou non le droit. Cette recherche de profits alimentée et nourrie par lamondialisation va

    entraîner une transformation des méthodes de gestion de la sécurité et des stratégies de guerre.

    De cette nouvelle donne est née la privatisation de la sécurité internationale, laquelle a été possible

    grâce au mercenariat (B).

    A. Le passage d’une économie réglementée à une économie criminelle

    Les achats d’armements, le recrutement et la rémunération des combattants, la formation

    de cadres et l’entretien de relais à l’étranger, l’administration des territoires et l’encadrement des

    populations civiles sont des impératifs qui impliquent la mobilisation des ressources considérables.

    « Souligner et décrire la dimension économique des conflits contemporains ne signifie nullement

    que l’on doive ou que l’on puisse réduire ces phénomènes à de simples enjeux d’intérêts entre des

    acteurs qui seraient uniquement mus par des considérations matérielles ou déterminés par la

    recherche de profit. Même si l’on ne peut exclure que, dans certains cas, la guerre soit perçue

  • TCA

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    comme un mode de production de richesses ou devienne une activité économiquement orientée ; il

    serait hasardeux de réduire les conflits à leur seule dimension économique. Les processus de

    décision n’obéissent pas principalement à une logique économique et le primat, en la matière, reste

    au politique. La rébellion armée reste une affaire de pouvoir. Le domaine économique est donc loin

    de constituer le seul champ d’action. Pour autant, ce n’est pas un champ quelconque : outre qu’il

    assure des ressources financières capitales pour la poursuite de la guerre, il permet un

    encadrement des populations à travers notamment des mécanismes de mobilisation et de

    redistribution essentiels à la légitimité des mouvements armés » (voir Rufin Jean-Christophe et

    Jean François, « Avant propos », Economie des guerres civiles, Fondation pour les études de

    défense, Collection Pluriel, Hachette, Paris, 1996, p.12).

    L’une des particularités des mouvements insurrectionnels africains en général, est de

    chercher à s’emparer des réseaux commerciaux dont dépend l’Etat qu’ils combattent et de les

    utiliser afin d’alimenter leur propre combat. Le cas des ressources diamantifères est à cet égard

    éloquent. Les guerres liées à la prédation de l’Etat, dans le cas de l’Afrique, deviennent non

    seulement majoritaires mais aussi sont érigés en stratégie régionale d’accaparement du tissu

    institutionnel et administratif de l’Etat. Cette prédation peut être définie comme la mise en oeuvre

    de « méthodes d’appropriation destructrices qui ont pour résultat de soustraire à la population le

    plus de ressources possible, sans se soucier des conséquences économiques de cette spoliation »

    (voirRufin Jean-Christophe et Jean François, « Avant propos », Economie des guerres civiles,

    Fondation pour les études de défense, op.cit, p.36). Les mouvements armés mettent en place de

    véritables systèmes de racket et de pillage. La prédation se décline à la fois sur un mode local et

    sur un mode humanitaire.

    La criminalisation renvoie à « la production, l’exploitation ou la commercialisation illégale

    de biens ou de services licites ou illicites. Contrairement à la prédation qui ne se préoccupe pas de

    maintenir la machine en état de fonctionnement, les activités criminalisées marquent l’entrée d’un

    mouvement armé dans un processus économique dont il tente de contrôler certains segments afin

    de percevoir des profits ». Ainsi, peut-on évaluer le montant des taxes que percevaient

    annuellement les talibans sur les drogues à une centaine de millions de dollars (voir L’Observatoire

    géopolitique des drogues (OGD), Chapitre « Afghanistan » in Géopolitique mondiale des drogues

    1998-1999). Ce chiffre peut être multiplié par trois ou par quatre dans les cas des FARC

    (voirLabrousse Alain, « La guerre de la drogue dans l’impasse », in Enjeux diplomatiques et

    stratégiques (dir.) de Pascal CHAIGNEAU, Economica, 2005, pp. 141-149). Il convient de distinguer

    : les flux criminalisés de produits illicites ou dont la commercialisation est strictement réglementée

    ; les flux criminalisés de produits libres à la vente (matières précieuses, caoutchouc) que les

    mouvements armés exploitent comme le ferait le gouvernement, mais en dehors de toute

    contrainte légale : ce sont des modalités d’exploitation qui dans ce cas sont en contradiction avec

    les contraintes locales et internationales.

    Cette situation de conquête du pouvoir par les armes et grâce à l’exploitation des

    ressources naturelles devenue essentielle à la poursuite de l’effort de guerre, a entraîné

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    l’effondrement de l’Etat, et en particulier de ses structures de sécurité. Cet effondrement de l’ordre

    politique et institutionnel a donné naissance à la privatisation de la sécurité et au développement

    du mercenariat.

    B.Trafic d’armes légères et mercenariat

    L'affaiblissement de certains États, en particulier en Afrique, est une porte ouverte aux

    acteurs privés, quelles que soient leurs motivations ou leur légitimité (firmes multinationales,

    groupes mafieux, mercenaires, SMP...). Les pouvoirs de ces acteurs sont informels mais ils sont

    réels. A la tête d'États faibles où tout soulèvement peut arriver sans prévenir, coincés entre un

    système économique mondial privé (les multinationales) et public (les institutions financières

    internationales), les dirigeants politiques cherchent la plupart du temps à profiter, en les

    monnayant, des avantages offerts par la souveraineté dans le système international.

    En dehors de l’assistance militaire et logistique provenant des États forts, les dirigeants des

    États faibles cherchent souvent à s'appuyer sur des investisseurs privés. Dans certains cas, ils leur

    abandonnent l'administration des populations locales, leur permettent d'assurer leur propre

    sécurité et celle de leurs installations, bref de participer à l'utilisation de la puissance publique dans

    leur pays. Face à une structure administrative nationale affaiblie, les gouvernants favorisent ainsi

    parfois des réseaux de clientélisme. Même les réformes menées pour consolider les institutions de

    l'État sont régulièrement détournées au profit d'intérêts privés. Ainsi, « les hommes forts » ne

    s'appuient pas seulement sur les institutions pour assurer le contrôle politique de leurs pays, mais

    font également appel à des intermédiaires privés. Aujourd'hui, les Sociétés militaires privées (SMP)

    sont déjà, pour certains États, une réponse, parmi d'autres, à l'asymétrie des conflits. L'industrie

    des SMP a montré sa capacité à satisfaire les besoins de pays-clients dans des opérations aussi

    diverses que la production de sécurité au niveau local, la formation des armées ou même la

    planification et la conduite d'opérations d'envergure limitée.

    L’analyse du rapport entre le commerce des armes légères et la gestion des ressources

    naturelles ne serait pas suffisamment exhaustive si on laisse de côté l’impact de ces armes sur la

    vie sociale, en raison de l’interférence inévitable entre l’économie et le social.

    Paragraphe 2 : L’impact du commerce des armes légères sur la vie sociale

    La réflexion sur la problématique des armes légères se veut multidimensionnelle en raison

    de la diversité et de l’hétérogénéité des acteurs qui interviennent dans leur commercialisation et

    leur utilisation. Ainsi, l’observation des guerres africaines du début des années 1990 a permis de

    constater malheureusement comment le trafic des armes légères a facilité l’enrôlement des enfants

    dans les milices (A). Mais aussi, faudrait-il le souligner, que ces guerres ont été l’occasion pour les

    militaires de se servir du viol comme une arme. Ce qui, sans doute, a permis la propagation de la

    pandémie du SIDA dans certaines contrées (B).

  • TCA

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    A. Trafic d’armes légères et enrôlement des enfants soldats

    De nombreux conflits en Afrique évoquent des images d’enfants soldats arpentant les rues,

    armés de fusils d’assaut Kalachnikov. La réflexion sur la corrélation entre disponibilité d’armes

    légères et enfants soldats nous amène à nous interroger sur deux aspects principaux. Le premier

    s’attache spécifiquement au recrutement et à l’intégration des enfants dans les unités armées et

    réfléchit au rôle des armes légères dans ce processus. Le deuxième examine les différentes tâches

    exécutées par les enfants afin de tenter de déterminer leur rôle et leur « utilité » pour les groupes

    armés. Ainsi, « peuplées d’une cohorte d’enfants soldats, composants actifs de bon nombre

    d’armées nationales, ou intégrées de gré ou de force au sein des milices, les troupes ne craignent

    ni la mort, ni la souffrance qu’elles considèrent comme acquises ou inéluctables. Dès lors, ces

    combattants de l’extrême, ces entrepreneurs de l’insécurité perdent toute référence d’ordre moral

    ou éthique. C’est le triomphe absolu de l’animalité sur l’humanité et la faillite de l’Etat (voir Dupuy

    Emmanuel, « Politiques et militaires face à la démocratie en Afrique », Revue politique et

    parlementaire, n° 1023, mars-avril. 2003).

    Selon les enquêtes réalisées par plusieurs ONG, la plupart des enfants se sont engagés

    dans les conflits armés de manière volontaire, à la suite de la disparition de leurs repères

    identitaires (famille, école et communautés villageoises …), optant pour la guerre comme moyen de

    survie. Ainsi, entourés de violence et de chaos, ils se sentent plus sûrs une arme à la main. Les

    enfants qui grandissent dans la violence permanente considèrent les armes comme un des

    éléments naturels de leur mode de vie quotidien. Ils sont souvent grisés par cette possession

    d’armes qui les fait accéder d’emblée au monde des adultes et leur confère une autorité sur les

    populations civiles (voir WaneKhadidiatou, « La protection internationale des enfants dans les

    conflits armés », Mémoire DEA droit public, Université de Reims Champagne-Ardenne, 1999, p.50).

    Sur le plan pratique, le commerce des armes légères, extrêmement efficaces et

    meurtrières, concourt grandement à l’utilisation des enfants dans les rangs des combattants. En

    guise d’illustration, un fusil d’assaut M 16 américain et plus encore un AR 47 russe qui, dans la

    plupart des pays d’Afrique, coûte moins de 10 dollars, peut être entretenu, démonté et remonté

    sans difficulté par des gamins de 10 ans. Il en est de même pour les grenades ou les mines légères

    facilement transportables. Dans l’ensemble, plus d’un tiers des enfants sondés (voir Rapport Small

    Arms Survey, mars 2006, p.187) s’est déclaré enrôlé de force dans une unité armée. Pourtant, le

    25 mai 2000, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté deux protocoles facultatifs à la

    Convention sur les droits de l’enfant dont l’un relève l’âge minimum au-delà de 15 ans. L’objet de

    ce protocole est d’interdire la participation active des enfants aux conflits armés (voir Cogliati

    Isabelle, L’élimination du travail des enfants à l’heure de la mondialisation : l’édifice normatif érigé

    par l’Organisation internationale du travail (OIT), Université de Reims, 2002, p. 214).

    Ce contexte tendu de recrutement d’enfants soldats, de recrudescence de la violence et du

    banditisme, va favoriser le développement de la pandémie du SIDA dont la transmission devient,

    désormais, une arme de guerre.

  • TCA

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    B. Trafic d’armes légères et développement de la pandémie du SIDA

    Dans les pays en développement en général et en Afrique en particulier, la forme et

    l'intensité de l'épidémie du Sida sont étroitement liées à la pauvreté, à l'inégalité, à la destruction

    des structures sociales, au déracinement des personnes. Ces phénomènes sont souvent associés à

    la violence et aux conflits. En effet, les conflits, la violence armée en général, s'accompagnent donc

    de la propagation des maladies, des épidémies et d’un accroissement de la mortalité, aussi bien

    infantile qu'adulte. La fermeture des centres de santé, la restriction de l'accès aux soins, aux

    mesures de prévention et de vaccination, la violence sexuelle, la précarité des conditions de vie et

    la malnutrition constituent un terreau fertile pour le développement des maladies et des épidémies.

    Une vulnérabilité qui se répercute également sur les populations locales, comme l'illustre la

    propagation du sida dans les situations de conflit.

    L'ONUSIDA révèle qu'en 2003, sur 17 pays comptant plus de 100 000 orphelins du fait du

    SIDA, treize de ces pays étaient en conflit ou frôlaient une situation d'urgence (voir UNAIDS,

    HIV/AIDS and conflict, Bureau sur le SIDA, la sécurité et la réponse humanitaire, Copenhague,

    2003, cité in PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2005, p. 172). La situation de

    certains pays d'Afrique, jusque-là relativement peu touchés par le SIDA et qui voient le problème

    surgir à la suite du passage sur leur territoire de combattants atteints du SIDA, illustre cette

    propagation des maladies dans un environnement conflictuel et/ou dominé par la violence armée.

    En définitive, il est nécessaire de comprendre le SIDA en Afrique comme un problème, non

    seulement de santé publique, mais aussi de sécurité internationale, moyennant quoi il serait

    impératif que les forces armées soient résolument encouragées à participer à la lutte continentale

    contre l'épidémie.

    En somme, Les efforts de développement se voient ruiner par les conflits armés,

    notamment par le commerce illicite d’armes légères. De ce point de vue, il est utile de montrer en

    quoi le Traité sur le Commerce des Armes (TCA) « fort et robuste » constitue un tournant

    historique du droit international, ceci, afin de mieux comprendre la mobilisation et l’intérêt que

    suscite cet accord.

  • TCA

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    Chapitre 2 : Historique et enjeux du processus d’élaboration du TCA

    Emmanuel MOUBITANG

    Le processus d’élaboration d’un Traité sur le commerce des armes trouve ses origines dans

    l’appel lancé en 1997 par plusieurs lauréats au prix Nobel de la paix en faveur d’un Code de

    conduite sur les transferts internationaux d’armements. Le lancement par plusieurs ONG de la

    campagne « Contrôlez les armes », en 2003, a conduit l’Assemblée générale des Nations Unies à

    voter massivement, trois ans plus tard, la résolution 61/89, qui a marqué le début des travaux

    d’élaboration d’un (TCA) (Section 1)). Les enjeux dudit Traité sont énormes (Section 2).

    Section 1 : Historique des tentatives de contrôle du commerce des armes

    conventionnelles

    L’élaboration des directives mondiales pour le transfert des armes conventionnelles figure

    au programme de la communauté internationale depuis longtemps. En fait, il a été soutenu que la

    pratique du contrôle des armes date de plusieurs milliers d’années, et que les accords de contrôle

    des armes (Paragraphe 2) peuvent être identifiés non seulement au cours de la période d’inter-

    guerre du vingtième siècle ou des siècles précédents, mais déjà au Moyen Age, voir même dans les

    temps anciens (Paragraphe 1).

    Paragraphe 1 : Des premières années de l’idée de TCA à la Résolution 61/89

    A. L’émergence du projet de TCA

    Il y a lieu de rechercher la paternité de l’idée de TCA (1), avant d’analyser ses difficultés

    de gestation (2).

    La paternité du projet

    Le Traité sur le commerce des armes, adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies le

    2 avril 2013, était à l’origine une initiative du Costa Rica, plus précisément de son ancien Président

    Oscar ARIAS, Prix Nobel de la paix 1987. Ce petit pays d'Amérique centrale est un Etat démilitarisé

    : les forces armées ont été dissoutes en 1948, après une guerre civile, au profit de l’éducation, de

    la santé publique et du système de sécurité sociale, le plus performant des Amériques.

    En 1995, Oscar ARIAS avait rassemblé un groupe de Prix Nobel de la paix qui avaient interpellé

    l’ONU sur la question des armes conventionnelles (soit tout ce qui n’est pas armement nucléaire,

    biologique ou chimique, objet d’autres textes ou instances internationaux).

    En 2006, après une série de consultations informelles, une résolution intitulée « Vers un Traité sur

    le Commerce des Armes » a été élaborée et soumis au Premier Comité de l’Assemblée générale des

  • TCA

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    Nations Unies par un groupe de sept co-sponsors : Argentine, Australie, Costa Rica, Finlande,

    Japon, Kenya, et Royaume Uni. La première résolution A/RES/61/89 sur le TCA a été adoptée par

    une grande majorité au cours de la réunion de la Première Commission en octobre 2006, et par

    une majorité encore plus grande de 153 voix pour, une contre, 24 abstentions lors de l’Assemblée

    générale de décembre 2006. Cependant, des acteurs importants du commerce des armes se sont

    abstenus, y compris la Russie, la Chine, l’Inde et l’Arabie Saoudite. Les Etats-Unis étaient le seul

    pays à voter contre la résolution. Dans le premier paragraphe opérationnel de ladite résolution,

    l’Assemblée générale demande au Secrétaire général de solliciter les opinions des Etats membres

    sur la « faisabilité, le champ d’action et les projets de paramètres pour un instrument mondial qui a

    force de loi et qui définit les normes internationales communes pour l’importation, l’exportation et

    le transfert des armes conventionnelles et de soumettre un rapport à l’Assemblée générale au

    cours de sa soixante deuxième session ».

    En réponse au Secrétaire général, 101 Etats membres et l’Union européenne ont soumis

    leurs opinions sur un TCA futur. C’était le nombre le plus élevé d’opinions jamais soumises sur une

    question liée au désarmement. La grande majorité des Etats qui ont soumis leurs opinions avaient

    la conviction que le TCA, tel que défini par la résolution 61/89, était faisable et souhaitable.

    Plusieurs raisons ont été avancées pour étayer ces conclusions dont entre autre, le niveau de

    soutien à la résolution 61/89, l’existence de plusieurs instruments internationaux et régionaux

    relatifs au transfert des armes, et le soutien croissant de la société civile pour un TCA.

    Cependant, une gamme d’obstacles à la négociation d’un TCA a été aussitôt identifiée.

    Les difficultés de gestation du TCA

    Parmi les principales difficultés recensées, on note, la capacité réduite de certains pays à

    mettre en œuvre un tel accord et la diversité des intérêts et préoccupations des Etats.

    En ce qui concerne le champ d’application et les paramètres d’un TCA, beaucoup ont

    exprimé leur adhésion à l’inclusion de toutes les principales armes conventionnelles mentionnées

    dans le Registre de l’ONU, ainsi que des SALW. Les Etats ont indiqué une gamme d’autres éléments

    qui pourraient être inclus, sous réserve d’approfondissement des discussions. Les principales

    activités à réglementer aux termes d’un TCA étaient l’importation et l’exportation des armes

    conventionnelles, mais une gamme d’autres activités complémentaires ont aussi été soutenues.

    Cependant, les Etats voulaient s’assurer que leur droit à la légitime défense et leur mainmise sur

    les politiques intérieures en matière d’armement sont sauvegardés. Les Etats ont aussi soumis

    leurs opinions sur les critères qui constitueraient les normes communes utilisées pour évaluer les

    demandes d’exportation d’armes.

    Un grand nombre de critères de transfert ont été suggérés et ont fait l’objet de

    commentaires. En général, ces critères ont rapport aux considérations basées sur les obligations et

    engagements existants, les considérations basées sur l’utilisateur probable, les considérations

    basées sur l’impact probable et les considérations basées sur l’Etat bénéficiaire. Le niveau de

    http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Resolution.pdf

  • TCA

    Page 18 sur 77

    soutien exprimé variait considérablement selon les critères, bien que ceux qui sont liés aux

    considérations basées sur l’Etat bénéficiaire aient été nettement les moins populaires.

    Le soutien était aussi inégal en ce qui concerne les mécanismes opérationnels.

    B. La Résolution 61/89

    Dans son deuxième paragraphe opérationnel, ladite Résolution demande au Secrétaire

    général des Nations Unies de mettre sur pied un Groupe d’Experts Gouvernementaux (GGE) pour

    examiner la « faisabilité, le champ d’action et les projets de paramètres pour un instrument global

    ayant force de loi qui définit les normes internationales communes pour l’importation, l’exportation,

    et le transfert des armes conventionnelles ». Le GGE mis en place par les Nations Unies,

    comprenait vingt-huit experts venus des Etats membres et était présidé par l’Ambassadeur Roberto

    García MORITAN de l’Argentine. Le GGE a organisé trois sessions en 2008 et a présenté ses

    conclusions au cours de la soixante troisième Assemblée générale. Dans son rapport, le GGE

    reconnaît la complexité des questions liées au transfert des armes conventionnelles, qu’elle

    attribue, en partie, à la multiplicité des motivations qui sous-tendent la fabrication et l’acquisition

    des armes. Ledit rapport insiste sur le problème des transferts illicites d’armes et leur relation avec

    le crime organisé. Par conséquent, la prévention du détournement des armes conventionnelles vers

    le marché illicite est considérée comme un impératif. Le rapport concerné met l’accent sur les

    responsabilités respectives des exportateurs et importateurs d’armes dans la prévention des

    transferts irresponsables, et la responsabilité de Etats à mettre au point des systèmes de contrôle

    efficaces au niveau national.

    Paragraphe 2 : De la Résolution 63/240 à la Résolution 64/48

    A. La résolution A/RES/63/240

    Elle approuve le rapport du Secrétaire général et celui du GGE et met l’accent sur la

    nécessité de prévenir le détournement des armes conventionnelles vers le marché illicite. La

    résolution a été appuyée par 133 votes affirmatifs. Sur recommandation du GGE, elle a mis sur

    pied un groupe de travail non restreint (OEWG) pour « étudier davantage ces éléments…s’il peut y

    avoir consensus pour leur inclusion dans un traité éventuel ayant force de loi sur l’importation,

    l’exportation, et le transfert des armes conventionnelles ». Comparativement au groupe d’experts

    gouvernementaux, l’OEWG a élargi la participation au processus d’élaboration du TCA, en rendant

    ses délibérations publiques, et en les ouvrant à tous les pays membres de l’ONU.

    L’OEWG s’est réuni en mars et en juillet 2009, et les deux sessions ont donné l’occasion

    aux Etats et autres participants de faire des déclarations sur les buts, les objectifs, le champ

    d’action, les principes, les projets de paramètres et les autres aspects d’un TCA potentiel. Il y a eu

    consensus sur le fait que l’absence d’une réglementation internationale sur le transfert des armes

    conventionnelles représente un problème sérieux qui ne peut être sérieusement abordé qu’à

    http://www.delegfrance-cd-geneve.org/spip.php?article495

  • TCA

    Page 19 sur 77

    travers la négociation d’un TCA. Un rapport de consensus du groupe a été soumis à l’Assemblée

    générale de l’ONU. Dans le rapport, l’OEWG a réitéré les responsabilités respectives des

    importateurs et des exportateurs, ainsi que les dangers du détournement des armes vers le

    marché illicite, là où les armes contribuent à l’instabilité, au terrorisme et au crime.

    Nonobstant l’expression de ces points d’accord généraux, les Etats étaient divisés sur les

    principales questions qui faisaient l’objet de leur rencontre, notamment en ce qui concerne le

    champ d’action et les projets de paramètres d’un TCA. Les Etats plus sceptiques ont mis l’accent

    sur les droits inhérents reconnus par le droit international, soutenant que les instruments

    réglementaires existants étaient suffisants et ont demandé plus de temps pour la discussion avant

    de prendre des engagements.

    Toutefois, le processus ne s’est pas arrêté. D’où la résolution 64/48.

    B. La Résolution 64/48

    En décembre 2009, au cours de la soixante-quatrième session de l’Assemblée générale des

    Nations Unies qui s’est tenue à New York, 151 Etats ont voté pour appuyer la résolution 64/48

    décidant de « convoquer la Conférence des Nations Unies sur le traité sur le commerce des armes

    pour se tenir pendant quatre semaines consécutives aux fins d’élaborer un instrument qui a force

    de loi sur les normes internationales les plus strictes possibles pour le transfert des armes

    conventionnelles ». Vingt Etats se sont abstenus et un a voté contre. Ce qui est plus important

    c’est que les Etats Unis ont changé leur position qui a consisté à voter contre le TCA en 2006 et en

    2008, et ont soutenu le processus. Ce soutient était conditionné par le fait que les futures

    négociations soient conduites sur la base du consensus, pour aboutir à un instrument comportant

    « les normes les plus strictes possibles ayant force de loi pour le transfert international des armes

    conventionnelles ». Quoique les partisans d’un processus basé sur le consensus soutiennent qu’il

    est nécessaire de promouvoir des normes universelles et d’assurer le soutien le plus large possible

    au TCA, les détracteurs soutiennent qu’un tel processus pourrait donner aux Etats la capacité de

    retarder les négociations et de diluer le traité final.

    En vue de se préparer pour la Conférence de 2012 sur le TCA, l’Assemblée générale a

    décidé, dans la Résolution 64/48, de transformer les sessions restantes de l’OEWG en 2010 et en

    2011 en réunions d’un Comité Préparatoire. Selon ladite Résolution, le Comité Préparatoire était

    chargé « de faire des recommandations à la Conférence des Nations Unies sur le traité sur le

    commerce des armes par rapport aux éléments qui seraient nécessaires pour aboutir à un

    instrument efficace et équilibré ayant force de loi ». Il était demandé au Comité en question de

    prendre en compte les conclusions des rapports du GGE et de l’OEWG ainsi que les opinions

    formellement exprimées par les Etats membres. Outre ses réunions prévues pour 2010 et 2011, le

    Comité Préparatoire devait se réunir pendant trois jours en 2012, « pour délibérer sur toutes les

    questions de procédure pertinentes, y compris la composition du Bureau, le projet de programme

    et la soumission des documents ». En outre, la Résolution 64/48 demandait au Secrétaire général

    http://www.delegfrance-cd-geneve.org/spip.php?article496

  • TCA

    Page 20 sur 77

    de l’ONU de recueillir les opinions des Etats membres sur les éléments à inclure dans un TCA

    possible, ainsi que d’autres questions y afférentes.

    Section 2 : Les enjeux des négociations du TCA

    Ces enjeux tournent essentiellement autour du champ d’application (Paragraphe 1) et

    des critères d’application du TCA (Paragraphe 2).

    Paragraphe 1 : Le champ d’application du TCA

    En ce qui concerne la portée du Traité, on peut relever deux débats : le premier débat

    porte sur les catégories d’armes à intégrer dans le TCA (A) ; le second sur les activités et

    opérations de « transfert » qu’il faudrait y voir figurer (B).

    A. Les catégories d’armes concernées

    Il existe des régimes régionaux et internationaux en matière de transferts d’armements,

    mais bien qu’ils « mettent en place des mécanismes de transparence et des critères conditionnant

    les transferts d’armements », ils présentent aussi des « disparités et des discordances (…) quant à

    leur application réelle, souvent faute de moyens suffisants ou de véritable volonté politique ». En

    tant qu’instrument international, le Traité sur le commerce des armes doit harmoniser ces régimes

    et supprimer les disparités. Les instruments existant se basent souvent sur des listes de matériels.

    De nombreux États conviennent qu’il est nécessaire, pour qu’un Traité sur le commerce des armes

    soit clair et efficace, qu’il dispose lui aussi d’une « liste » reprenant les catégories d’armes

    concernées par le Traité. Mais, ainsi que le souligne le Groupe d’experts gouvernementaux dans

    son rapport d’août 2008, « il n’existe pas d’instrument qui, à lui seul, contiendrait une liste

    susceptible de couvrir l’ensemble des options évoquées dans les vues communiquées par les États

    sur la portée d’un traité sur le commerce des armes ».

    Parmi les instruments qu’évoque le Groupe d’experts gouvernementaux figure le Registre

    des Nations Unies sur les armes conventionnelles. Ce Registre, auquel les États participent sur une

    base volontaire, définit sept catégories d’armements et intègre également les armes légères et de

    petit calibre (ALPC). La plupart des États sont d’accord pour utiliser les 7+1 catégories du Registre

    de l’ONU comme liste minimale des armements concernés par un Traité sur le commerce des

    armes, même si plusieurs d’entre eux trouvent ce Registre trop limité.

    D’autres accords internationaux ont souvent été cités comme sources d’inspiration pour

    rédiger le traité notamment : le régime de Wassenaar sur le contrôle des exportations d’armes

    conventionnelles, des biens et des technologies à double usage ; la Position commune européenne

    en matière d’exportation d’armements ; la Convention de la Communauté Économique des États

    d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), entre autres.

  • TCA

    Page 21 sur 77

    Un certain nombre de pays ont toutefois souhaité voir figurer dans le TCA, d’autres

    éléments tels que les munitions, les explosifs, les composants et les pièces détachées, les services

    de défense, les technologies associées à la fabrication d’armes et de munitions, y compris les

    technologies à double usage. Un accord pour voir figurer les sept catégories d’armes

    conventionnelles du Registre, plus les ALPC dans le Traité sur le commerce des armes paraissait

    tout à fait réalisable, mais il n’en était pas de même pour les autres types de matériels. Preuve en

    est que le Groupe d’experts gouvernementaux lui-même n’était parvenu à aucun consensus

    concernant le type d’armes à inclure dans le Traité. Le TCA ne s’applique que de manière partielle

    aux munitions.

    B. Les activités et les opérations concernées

    L’autre domaine du champ d’application du Traité sur lequel les États se sont penchés

    touche aux activités et opérations qui devront en faire l’objet. Il était d’ores et déjà certain que le

    Traité, par définition, ne concernerait que les transferts internationaux, tant d’un État à un autre

    que d’une entreprise à une autre (y compris les transferts d’État à entreprise et d’entreprise à

    État). Les transferts d’armes au sein d’un même État resteront quant à eux du domaine de la

    souveraineté nationale.

    Le terme « transfert », utilisé pour désigner les opérations couvertes par le Traité, permet

    d’intégrer une large gamme d’activités. Si on suit les avis donnés par les États, un Traité étendu

    pourrait prendre en compte de nombreuses formes de transfert : exportations et importations, bien

    entendu, mais également «réexportations, passages en transit, transbordements, octrois de

    licence, transports, transferts de technologies, productions sous licence, dons et cessions

    gratuites ». Certains envisagent également d’introduire dans le Traité un chapitre sur le courtage

    illicite, la réexportation illicite, la fabrication et le transfert sans licence, ainsi que le transfert

    d’armes à des acteurs non étatiques. Membre fondateur de Control Arms, Amnesty International

    encourage pour sa part à inclure dans la définition du transfert, les accords et transactions pour les

    services et la maintenance des armes conventionnelles, ainsi que les opérations liées au courtage

    et au commerce illicite, en particulier dans les domaines du transport, de la logistique, de la

    finance et de l’expertise technique.

    Reste que cette définition très étendue du terme « transfert » cache en réalité l’absence de

    références dans ce domaine. Tout reste à faire en matière de définition des transferts d’armes1.

    1 Observation (Philippe WECKEL). L’article 2 du TCA inclut bien le transbordement et le courtage dans les

    transferts visés par le traité. Le transbordement n’implique pas le franchissement d’une frontière. Dans une opération de courtage les armes parviendront directement à l’Etat destinataire sans être importées et réexportées dans le pays de rattachement du contrat de courtage. La définition du transfert n’est pas en soi problématique, puisque le TCA a fait le choix de l’option large. La question est celle du contrôle effectif par un un Etat des opérations de transbordement et de courtage. Le choix de l’option large implique que l’Etat a l’obligation de se donner les moyens de contrôler effectivement ces opérations (Articles 9 et 10 du TCA).

  • TCA

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    Paragraphe 2 : Les critères d’application du TCA

    A. Les critères liés aux engagements internationaux, à l’utilisateur et à

    l’utilisation, ainsi qu’à l’impact sur le développement durable

    Le Traité sur le commerce des armes devait inévitablement être doté d’un cadre

    permettant de déterminer si les conditions sont remplies pour accorder ou non une licence de

    transfert. Comme le souligne Perrine Le MEUR, « il s’agirait de mettre en place des critères

    fonctionnels et réalistes, là encore définis de manière claire et précise de façon à ce que la part

    d’interprétation soit la plus réduite possible ». Ces paramètres sont, pour la plupart des États,

    notamment l’objectif d’assurer que la stabilité régionale ne sera pas remise en cause. Pour

    d’autres, des questions d’ordre éthique devaient également être prises en compte :

    Premièrement, il va de soi que les États qui souscriront au Traité sur le commerce des

    armes resteront dans l’obligation de respecter les engagements internationaux qu’ils ont pris

    auparavant. On songe en particulier à la Charte des Nations Unies, aux Conventions de Genève de

    1949, aux embargos décrétés par le Conseil de sécurité des Nations Unies, etc. ;

    Deuxièmement, le TCA devait pousser les États à tenir compte de la destination finale des

    armes qu’ils exportent. Il est indispensable qu’ils soient en mesure de déterminer si l’utilisateur

    déclaré n’est pas lié à des activités terroristes ou criminelles ou si des risques de détournement

    sont à craindre ; l’objectif étant de s’assurer que les armements exportés ne seront pas utilisés

    pour offrir un soutien à des activités criminelles ou susceptibles d’entrainer une déstabilisation de

    la région.

    Troisièmement, le Traité devait conduire les États signataires à prendre en considération

    l’utilisation potentielle des armements exportés. La question de la violation des droits de l’homme

    vient immédiatement à l’esprit, mais d’autres paramètres (répression interne, violation du droit

    international humanitaire, génocide, etc.) devaient être pris en compte.

    Quatrièmement, parmi les critères d’application du Traité devait figurer l’impact d’un

    transfert d’armements sur le développement durable du pays et/ou de la région de destination

    finale. Les coûts d’opportunité liés aux achats de matériels militaires peuvent être relativement

    élevés. Les dépenses en armements devraient aider les États à assurer leur sécurité et à leur

    permettre de conserver le monopole de la force, conformément à l’article 51 de la Charte des

    Nations Unies, sans toutefois dépasser un seuil raisonnable, au-delà duquel, d’autres domaines

    d’investissements, tels que l’éducation, les soins de santé, la justice, en pâtiraient.

    B. La question des droits de l’homme

    Parmi les paramètres d’application autour desquels le débat a été très rude, figurent les

    droits de l’homme. L’idée principale est que le Traité devrait inciter les États à considérer si

  • TCA

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    l’exportation de matériels militaires vers un pays présente un « risque important de violations

    graves et répétées des droits de l’homme ou du droit international humanitaire ».

    Comme le remarque Clara da Silva dans un article du Forum du désarmement, « le fait

    d’appliquer aux transferts d’armes classiques le droit relatif aux droits de l’homme est largement

    admis ». Dans les 101 réponses données par les États sur ce qu’il convenait de voir apparaitre dans

    le Traité, 72 avançaient l’idée d’y inclure le respect des droits de l’homme.

    Dans un Traité sur le commerce des armes qui fait référence au respect des droits de

    l’homme, tant le pays exportateur que le pays importateur devraient avoir une responsabilité. L’un

    comme l’autre devraient pouvoir s’assurer que les armes ne seront pas utilisées en violation grave

    des droits de l’homme (principalement « les attaques contre les civils, les privations de la

    population en matière de besoins essentiels, les exécutions extrajudiciaires, le recours excessif à la

    force, les déplacements forcés, les génocides, les viols systématiques, la torture »).

    Dans ce domaine encore se pose la question de la définition. En effet, il est indispensable

    que le Traité exprime clairement comment faire pour évaluer ce que sont des « risques de

    violations graves et répétées des droits de l’homme », sous peine de le voir perdre son essence.

    Pourtant, jusqu’à présent, personne ne semble être en mesure de définir un mécanisme qui

    permette de mesurer ce risque le plus objectivement possible. Au mieux, on suggère de s’appuyer

    sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, c’est-à-dire qu’il faut que« le

    risque soit « réel » et « s’appuyer sur les faits connus à ce moment et sur des « éléments

    pertinents ».

    C. La question du consensus

    Le Traité sur le commerce des armes qui devait être adopté lors de la Conférence des

    Nations Unies en juillet 2012 devait être rédigé sur la base du consensus. Les avantages et

    inconvénients de cette méthode ont longtemps divisés.

    Les États-Unis, qui ont conditionné leur soutien au Traité au choix du consensus comme

    mode de négociation, arguaient qu’il favoriserait une plus large adhésion et renforcerait par là-

    même son efficacité. L’objectif déclaré de l’administration américaine était d’obtenir en 2012 un

    Traité qui obligerait les États signataires à respecter les critères les plus stricts possibles. Deux

    arguments venaient étayer cette position en faveur du consensus :

    Le premier est celui de la transparence. Les États-Unis considèrent que certains pays

    cherchent toujours, lors des négociations, à les faire échouer, ou à tout le moins à les orienter,

    dans le but d’obtenir des concessions. L’avantage du consensus serait de rendre visible et de

    dénoncer un tel comportement.

  • TCA

    Page 24 sur 77

    Les États-Unis estiment également que la voie du consensus conduit tous les États à

    participer aux négociations. En théorie, le consensus devait permettre à tous les participants d’y

    trouver leur compte.

    Le risque semblait en effet important que les pays qui se sont abstenus de voter en faveur

    de la poursuite des préparatifs d’une conférence (qui jouent par ailleurs un rôle important dans les

    transferts d’armements, en tant qu’acquéreurs, producteurs ou lieux de transit) ne signent pas un

    Traité dans lequel ils ne se retrouvent pas. Celui-ci perdant alors tout son impact, permettant aux

    pays principalement concernés par un Traité sur le commerce des armes d’y échapper. C’était un

    pari risqué, dénoncé par les organisations non gouvernementales selon lesquelles : « la tentation

    serait grande, pour certains pays, de détricoter petit à petit le futur Traité pour parvenir au plus

    petit dénominateur commun. Le danger étant de voir l’espoir d’un Traité strict recueillant une large

    adhésion, s’effacer devant un Traité faible, décroché par ceux qui profitent de l’absence de normes

    internationales ». On risquait également de voir « ceux qui soutiennent un Traité sur le commerce

    des armes faire de trop grandes concessions à ceux qui n’en veulent pas, dans le but de ne pas

    rentrer bredouilles ».

    En définitive, un traité international global sur le commerce des armes est une occasion

    unique et inespérée de parvenir à un consensus au sein des gouvernements des pays du monde

    entier sur les principes, le contenu et la portée d’un instrument juridiquement contraignant, visant

    à enrayer les problèmes liés à la prolifération des armes classiques. Les discussions du Comité

    préparatoire mandaté pour faire des recommandations dans ce sens, en est l’illustration parfaite.

  • TCA

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    Chapitre 3 : Les travaux du Comité préparatoire Jérémy DRISCH2

    Juriste, Ministère de la Défense

    Contact/mail : [email protected]

    Créé par la troisième résolution (64/48), le Comité préparatoire a été mandaté pour

    recommander à la Conférence internationale de 2012 « les éléments à inclure dans un instrument

    juridiquement contraignant efficace et équilibré qui établirait des normes internationales communes

    les plus strictes pour le transfert d’armes conventionnelles ». Ce Comité est composé de

    représentants de tous les États membres des Nations Unies et des organisations ayant le statut

    d’observateur auprès de l’Organisation. Ouvert à la société civile, il a en outre permis à l’industrie,

    aux ONG et autres observateurs de la société civile (tels que les associations de chasse et du tir

    sportif) d’assister aux débats et même de prendre la parole. Bien que la première réunion, en

    juillet 2010, ait fait craindre une remise en cause de sa présence au Comité préparatoire, la société

    civile, y compris les ONG, a pu finalement assister à pratiquement toutes les discussions et

    exprimer, à chacune des trois réunions, ses préoccupations et ses attentes sur un TCA. C’est

    l’ambassadeur argentin Roberto Garcia MORITAN qui a présidé le Comité préparatoire. Ce rôle lui

    est revenu pour avoir participé aux travaux du Groupe d’experts gouvernementaux puis conduit les

    travaux du Groupe de travail à composition non limitée. Sa méthode de travail a permis de

    stimuler les débats sur les questions substantielles d’un futur traité et d’aborder celui-ci plus en

    détails. Il a basé sa méthode sur la transparence, une approche pas-à-pas ne préjugeant pas des

    résultats, l’égalité des positions des États, l’entière responsabilité du Président pour tout document

    présenté, et la nature évolutive du texte (voir Statement by Ambassador Roberto Garcia

    Moritanbefore the First Committee, New York, 18 octobre, 2010). Il s’est ainsi attaché à rédiger,

    lors de chaque session du Comité, des documents de travail « basés sur son interprétation

    personnelle des discussions et qui ne lient juridiquement aucune délégation » (voir Ambassador

    Roberto Garcia Moritan, Introduction by the Chair of the PreparatoryCommittee for the United

    Nations Conference on the Arms Trade Treaty, First Committee of the General Assembly, October

    17, 2011), et à les faire circuler parmi les participants afin de susciter des réactions et

    commentaires. Il en résulte une série de documents informels dont le dernier, en date du 14 juillet

    2011, est le plus complet (voir le site de la Campagne Contrôlez les armes pour accéder à ces

    documents). En effet, ce texte reprend pour la première fois pratiquement tous les éléments d’un

    TCA, ou au moins tous les éléments discutés au cours des réunions. Il permet d’avoir une idée de

    l’architecture d’un futur traité : principes, buts, champ d’application, paramètres, mise en oeuvre

    et application, dispositions finales et éventuelles annexes. Néanmoins, pas plus que les précédents,

    ce document ne fait l’objet d’un consensus entre les délégations, comme plusieurs États n’ont pas

    2 L’auteur s’exprime à titre personnel.

    http://fr.mc1718.mail.yahoo.com/mc/[email protected]://www.controlarms.org/negotiations.php

  • TCA

    Page 26 sur 77

    manqué de le faire remarquer lors de la dernière réunion du Comité. Ainsi que l’a fait ironiquement

    remarquer le Président MORITAN lui-même, si consensus il y a eu, c’est sur l’insatisfaction générale

    de tous les participants, générée par son document.

    Ce chapitre donne un aperçu des discussions du Comité préparatoire (Section 1) et tente

    d’identifier les tendances qui s’en dégagent (Section 2).

    Section 1 : Les discussions du Comité préparatoire

    Paragraphe 1 : La première réunion du Comité préparatoire(12 au 23 juillet 2010)

    Lors de cette assise, les délégations ont exprimé de manière générale leurs attentes sur les

    éléments à inclure dans un TCA : les principes, les buts et les objectifs, le champ d’application, les

    paramètres et la mise en œuvre. Cette première réunion semblait ainsi répondre à une

    recommandation faite par de nombreux États de continuer à approfondir le dialogue sur les

    différents aspects d’un TCA. Elle a été saluée par l’ensemble des participants et observateurs car le

    principe même d’un traité semblait réaffirmé par une grande majorité, malgré les réticences

    affichées par certaines délégations (Pour plus de détails sur le déroulement de cette première

    réunion du Comité, voir Virginie MOREAU, Traité sur le commerce des armes : Une première

    réunion encourageante, Note d’Analyse du GRIP, 25 août 2010, Bruxelles).

    Lors de son rapport à la première Commission de l’AGNU en octobre 2010, MORITAN a

    déclaré qu’il y avait « consensus sur le fait que le traité devait être faisable, avoir des paramètres

    et des définitions clairs, être à l’abri de tout abus politique sur son interprétation, équilibré et non

    discriminatoire » (Statement by Ambassador Roberto Garcia MORITAN before the First Committee,

    New York, 18 october, 20104). Ces déclarations générales n’ont été suivies d’aucune session

    consacrée à une définition plus approfondie des buts et objectifs. Ceci est regrettable car au terme

    des trois réunions, les États ne partageaient toujours pas la même vision d’un TCA. Or, des

    objectifs attribués au traité dépendront la définition de son champ d’application, de ses paramètres

    ainsi que celle de ses dispositions de mise en application.

    Paragraphe 2 : La deuxième réunion du Comité préparatoire (28 février au 4 mars

    2011)

    Pendant cette réunion, les échanges de vues ont principalement porté sur le champ

    d’application du traité, c’est-à-dire d’une part, les types d’armes

    et équipements, et d’autre part, les activités et opérations du commerce des armes à

    couvrir, mais aussi sur les critères sur la base desquels décider un transfert d’armes (également

    appelés « paramètres » du TCA), et enfin sur les mécanismes de coopération et d’assistance

    internationales. Malgré le consensus affiché sur la nécessité d’un instrument international, plusieurs

    points de désaccord sont apparus clairement lors de cette réunion.

  • TCA

    Page 27 sur 77

    La définition du champ d’application s’est avérée particulièrement difficile. La résolution

    64/48 qui a lancé officiellement le processus d’adoption d’un TCA évoquait seulement un

    instrument pour établir des normes internationales communes pour le « transfert des armes

    classiques » (dites également « armes conventionnelles »). Cependant, comme l’avait déjà fait

    remarquer le Groupe d’experts gouvernementaux sur la faisabilité d’un TCA, qui n’avait pas résolu

    cette question, aucun instrument existant ne contient une liste d’armes qui pourrait constituer en

    l’état le champ d’application d’un TCA. Des États ou des organisations multilatérales ou régionales

    ont déjà défini des listes ou des catégories d’armes conventionnelles et équipements dans divers

    documents. Par exemple, le Registre des Nations Unies sur les armes conventionnelles, les listes

    militaires établies par l’Union européenne ou encore l’Arrangement de Wassenaar. Toutefois, ces

    documents ne sont pas harmonisés au niveau international et tous les États n’y sont pas parties.

    Ils ne concernent par conséquent que certains groupes d’États. Par ailleurs, il n’existe pas de

    définition du terme « transfert » reconnue et acceptée de tous les États au niveau international.

    De nombreuses délégations ont fait référence au Registre des Nations Unies sur les armes

    conventionnelles comme point de départ pour définir les catégories d’armes conventionnelles. Cet

    instrument définit en effet sept catégories d’armes classiques (les chars de combat, les avions de

    combat, les navires de guerre, les hélicoptères d’attaque, les systèmes d’artillerie de gros calibre,

    les véhicules blindés de combat, et les missiles et lanceurs de missiles); il présente en outre

    l’avantage d’avoir déjà été accepté par les États membres des Nations Unies comme outil de

    transparence dans les transferts d’armes conventionnelles et ce, depuis 1992. Cependant, les

    catégories définies dans cet instrument sont loin d’être suffisantes et complètes, comme l’ont noté

    de nombreuses délégations durant les discussions. En outre, le Registre ne tient pas compte de

    l’évolution technologique dans le domaine des armes et équipements militaires et au regard des

    définitions strictes qu’il en donne, il ne permet pas d’adapter facilement les catégories. C’est

    pourquoi, si le Registre peut servir de base minimale pour la définition des armes du TCA, il doit

    être complété. De nombreux États ont ainsi plaidé pour un champ d’application très large, qui

    inclurait les armes légères et de petit calibre (ALPC), leurs munitions, les explosifs, les composants

    et pièces détachées, les biens à double usage, ou encore les futurs développements

    technologiques. Cependant, d’autres États voient plutôt un champ d’application plus sélectif, dans

    lequel ne seraient pas reprises en particulier les ALPC et leurs munitions, voire les munitions de

    manière générale.

    Quant à la définition du champ d’application en termes d’activités et opérations du

    comme