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TECHNIQUE DE LA CASSATION ADMINISTRATIVE (CIFAF 2016) Par Maître Laurent POULET, Avocat à l’Ordre des avocats près le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation (France). Mes chers confrères, Pour des raisons historiques, la cassation civile est plus élaborée, plus aboutie, plus technique que la cassation administrative. C’est pourquoi la cassation administrative s’inspire de la cassation civile, qui demeure le modèle en la matière. Mais il peut exister des phénomènes d’interaction. C’est ainsi que, actuellement, le premier président de la Cour de cassation envisagerait de faire évoluer la cassation civile, plus précisément le système de sélection des pourvois, à la lumière de l’expérience du Conseil d’Etat 1 . Cela témoigne de l’intérêt de rapprocher ces deux techniques de cassation. Pour l’heure, nous nous concentrerons sur la cassation administrative en faisant de brèves références à la cassation civile. La tradition veut qu’une conférence ou un cours comporte une introduction d’ordre historique. Mais le risque est grand de perdre son auditoire, surtout lorsqu’il s’agit de confrères probablement plus sensibles à des anecdotes tirées de mon activité professionnelle qu’au charme de l’histoire de la cassation administrative. C’est pourquoi les considérations historiques, indispensables pour comprendre l’état actuel du droit, seront très réduites. Le Conseil d’Etat a toujours été à la fois juge de premier et dernier ressort, juge d’appel et juge de cassation. Mais ses différents rôles ont évolué avec le temps. Et il existe une date charnière en la matière : 1987 puisque la loi du 31 décembre 1987 a créé les cours administratives d’appel. Jusqu’en 1987, le Conseil d’Etat était principalement juge de pre mier et dernier ressort et juge d’appel. Son activité de juge de cassation était extrêmement limitée. Le professeur Chapus affirme que le contrôle de cassation, jusqu’à 1 E. Dreyer, « Le filtrage des pourvois ou la tentation pour la Cour de cassation d’agir en cour suprême », Gaz Pal 12/13 juin 2015 ; B. Haftel, « Libres propos sur l’avant-projet de réforme de la Cour de cassation et la fonction du juge », D. 2015, p. 1378.

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TECHNIQUE DE LA CASSATION ADMINISTRATIVE

(CIFAF 2016)

Par Maître Laurent POULET, Avocat à l’Ordre des avocats près le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation

(France).

Mes chers confrères,

Pour des raisons historiques, la cassation civile est plus élaborée, plus aboutie,

plus technique que la cassation administrative. C’est pourquoi la cassation

administrative s’inspire de la cassation civile, qui demeure le modèle en la

matière.

Mais il peut exister des phénomènes d’interaction. C’est ainsi que, actuellement,

le premier président de la Cour de cassation envisagerait de faire évoluer la

cassation civile, plus précisément le système de sélection des pourvois, à la

lumière de l’expérience du Conseil d’Etat1.

Cela témoigne de l’intérêt de rapprocher ces deux techniques de cassation.

Pour l’heure, nous nous concentrerons sur la cassation administrative en faisant

de brèves références à la cassation civile.

La tradition veut qu’une conférence ou un cours comporte une introduction

d’ordre historique. Mais le risque est grand de perdre son auditoire, surtout

lorsqu’il s’agit de confrères probablement plus sensibles à des anecdotes tirées

de mon activité professionnelle qu’au charme de l’histoire de la cassation

administrative. C’est pourquoi les considérations historiques, indispensables

pour comprendre l’état actuel du droit, seront très réduites.

Le Conseil d’Etat a toujours été à la fois juge de premier et dernier ressort, juge

d’appel et juge de cassation. Mais ses différents rôles ont évolué avec le temps.

Et il existe une date charnière en la matière : 1987 puisque la loi du 31 décembre

1987 a créé les cours administratives d’appel.

Jusqu’en 1987, le Conseil d’Etat était principalement juge de premier et dernier

ressort et juge d’appel. Son activité de juge de cassation était extrêmement

limitée. Le professeur Chapus affirme que le contrôle de cassation, jusqu’à

1 E. Dreyer, « Le filtrage des pourvois ou la tentation pour la Cour de cassation d’agir en cour

suprême », Gaz Pal 12/13 juin 2015 ; B. Haftel, « Libres propos sur l’avant-projet de réforme de la

Cour de cassation et la fonction du juge », D. 2015, p. 1378.

2 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

l’entrée en vigueur de la loi de 1987, « n’occupait dans l’activité juridictionnelle

du CE qu’une place marginale », entre 1 et 5% de cette activité2.

Cette place marginale de la cassation dans l’activité du CE explique pourquoi

j’ai commencé cette conférence en énonçant que la cassation administrative était

moins aboutie que la cassation civile.

La création des cours administratives d’appel en 1987 a tout changé. En effet, le

CE a progressivement perdu l’essentiel de sa compétence comme juge d’appel.

Parallèlement, sa compétence comme juge de cassation des arrêts des cours

administratives d’appel s’est accrue. Entendons-nous bien : contrairement à la

Cour de cassation, le CE n’est pas exclusivement juge de cassation ; il a

conservé une compétence comme juge de premier et dernier ressort3 et une

compétence résiduelle comme juge d’appel4. Cependant, et c’est ce qu'il faut

retenir, la création des CAA a naturellement accru le rôle du CE en tant que juge

de cassation.

Il l’est d’autant plus depuis que le décret du 24 juin 2003 a supprimé le recours

en appel en certains domaines5, ce qui signifie que, dans ces domaines, seule la

voie du pourvoi en cassation devant le CE est ouverte.

Aujourd’hui, la part des pourvois en cassation dans l’ensemble des dossiers

traités par le CE est de 66%6. Ainsi, en 30 ans, la place du contrôle de cassation

dans l’activité du CE est passée de moins de 5% à 66%.

Naturellement, l’activité des avocats évolue avec l’activité des juridictions

auprès desquelles ils travaillent. Cela signifie que, jusqu’en 1987, l’activité de

cassation administrative des avocats aux Conseils était très limitée. Mais, depuis

1987, les avocats aux Conseils sont de plus en plus saisis de recours en cassation

devant le Conseil d’Etat.

2 R. Chapus, ouvrage précité, 13

ème édition, n°1401.

3 L. 311-1 et s. du CJA. Sur ce point voir, Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 30 (D. Pouyaud) ; R. Chapus,

ouvrage précité, 13ème

édition, n°359 et s. 4 Actuellement, la compétence du CE en tant que juge d’appel n’est plus que résiduelle (R. Chapus, 13

ème

édition, n°89). Elle concerne essentiellement le contentieux en matière d’élections municipales et cantonales

(Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-10, n°45 et s. S. Daël, Contentieux administratif, vise 3 cas :

jugements rendus sur renvoi judiciaire (R. 321-1 CJA) ; jugements rendus en matière d’élections municipales et

cantonales (R. 321-1 CJA) et ordonnances de référé-liberté (L. 523-1 al 2 du CJA)). 5 R. Chapus, Droit du contentieux administratif, 13

ème édition, n°92.

6 Conseil d’Etat, Rapport public 2013, Activité juridictionnelle et consultative des juridictions administratives,

La documentation française, p. 31 : « la part des pourvois en cassation dans l’ensemble des dossiers continue à

augmenter (66% en 2012 contre 64% en 2011) ».

3 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

La conférence sera construite autour de trois thèmes. D’abord, la décision

attaquée (I). Ensuite, la procédure de cassation devant le CE (II). Enfin,

l’analyse des décisions que peut rendre le CE (III).

I - La décision attaquée.

La décision attaquée sera abordée sous deux aspects. D’abord, le fait

qu’elle constitue peu ou prou le point de départ du délai du recours en cassation

(1). Ensuite, la question du caractère suspensif du pourvoi (2).

1) La décision attaquée comme point de départ du délai du recours en

cassation

Le délai du pourvoi en cassation est, en principe, de deux mois7. Ce

principe connaît des exceptions principalement en matière de référés8. Il semble

inutile de s’attarder sur cette exception tant ses raisons sont évidentes.

Le délai du pourvoi court à compter de la notification de la décision

frappée de pourvoi9. Compte tenu du fait que la notification a généralement lieu

très rapidement après le prononcé de la décision, l’arrêt attaqué constitue

pratiquement le point de départ du délai du recours.

Sur ce point, le régime de la cassation administrative diffère de celui de la

cassation civile. En effet, devant la Cour de cassation, le point de départ du délai

du pourvoi est en principe, la signification de l’arrêt attaqué. Concrètement, cela

signifie que, un an après le prononcé de l’arrêt, si aucune des parties n’a pris

l’initiative de le faire signifier, le délai du pourvoi n’a pas commencé à courir.

Ainsi, le point de départ du délai dépend du greffe pour la cassation

administrative, et des parties pour la cassation civile10

.

7 L’article R. 821-1 du CJA dispose que « sauf disposition contraire, le délai de recours en cassation est de deux

mois ». 8 L’article R. 523-1 du CJA dispose que « le pourvoi en cassation contre les ordonnances rendues par le juge

des référés en application des articles L. 521-1 [référé suspension], L. 521-3 [référé conservatoire], L. 521-4

[modification des mesures précédemment ordonnées] et L. 522-3 [tri de l’urgence] est présenté dans les quinze

jours de la notification qui en est faite en application de l'article R. 522-12 ». 9 Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-21, n°34.

10 B. Odent, « Cassation civile et cassation administrative. Variations », in Juger l’administration, administrer la

justice, Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 686.

4 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

2) La question du caractère suspensif du pourvoi

S’agissant de la question du caractère suspensif du pourvoi, la cassation

administrative rejoint la cassation civile puisque le pourvoi n’est pas suspensif.

Le principe est donc identique et oblige, en principe, le demandeur au pourvoi à

exécuter l’arrêt qu’il attaque.

Pour être complet, il faut néanmoins relever trois différences entre la

cassation administrative et la cassation civile. Ces trois différences illustreront le

fait que le caractère non suspensif du pourvoi est plus marqué devant la Cour de

cassation que devant le CE.

Première différence, une différence de contexte. On l’a vu : en

contentieux administratif, le pourvoi en cassation n’a pas d’effet suspensif11

.

Cela rejoint le principe posé par l’article L. 4 du titre préliminaire du CJA :

« sauf dispositions législatives spéciales, les requêtes n'ont pas d'effet suspensif

s'il n'en est autrement ordonné par la juridiction ». Sur ce point, le pourvoi en

cassation obéit au même régime que les autres voies de recours devant les

juridictions administratives12

. Tandis que, devant le juge judiciaire, si le pourvoi

en cassation n’est pas suspensif, l’appel est bien suspensif. De ce point de vue,

le caractère non suspensif du pourvoi civil est plus remarquable.

Deuxième différence. Devant la Cour de cassation, le défendeur au

pourvoi peut faire sanctionner le demandeur au pourvoi qui refuse de s’exécuter.

Il s’agit de la procédure de radiation du rôle instituée par l’article 1009-1 du

CPC. Cette procédure n’a pas d’équivalent devant le CE : l’absence d’exécution

de l’arrêt attaqué n’a pas d’incidence sur la procédure de cassation.

Troisième différence. Le CE a la possibilité de prononcer le sursis à

statuer13

. La Cour de cassation ne dispose d’aucune faculté équivalente.

Il apparaît ainsi que si les pourvois en matière administrative et civile sont

non suspensifs, sur trois aspects cette caractéristique est plus accentuée pour le

pourvoi civil que pour le pourvoi administratif.

II - La procédure de cassation devant le Conseil d’Etat

11

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc n°80-21. 12

Sur ce point, voir B. Odent, article précité, p. 688. 13

Article R. 821-5 du CJA. Alinéa 1 : « La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi,

ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision

risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de

l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle rendue en dernier

ressort, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond ».

5 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

Nous envisagerons cette procédure de façon chronologique. Le CE est

saisi par une requête (1), qui est suivie d’un mémoire complémentaire (2). A ce

stade, intervient la procédure d’admission des pourvois (3).

1) La requête initiale

Le Conseil d’Etat est d’abord saisi par une requête.

Cette requête est dirigée contre une décision, pas contre une partie. Sur ce

point, la cassation administrative rejoint la cassation judiciaire.

Cette requête doit être motivée14

. A défaut, elle est irrecevable15

. Il s’agit

là d’un point remarquable sur lequel la procédure devant le CE diffère de la

procédure devant la Cour de cassation. Alors que, devant la haute juridiction

judiciaire, la déclaration de pourvoi est un simple acte de saisine ne comportant

aucune démonstration juridique, la requête qui saisit le CE doit être motivée.

La requête doit être motivée avec soin, notamment en raison de la

jurisprudence Intercopie16

. En deux mots, cette jurisprudence signifie que nous

devons soulever un moyen de légalité externe ainsi qu’un moyen de légalité

interne dans le délai du recours. Concrètement, cette jurisprudence signifie que

nous devons soulever un moyen de forme (signature de l’arrêt, composition de

la juridiction, motivation de l’arrêt) ainsi qu’un moyen de fond dans le cadre de

la requête.

2) Le mémoire complémentaire

14

Article R. 411-1 CJA (sur son application au pourvoi en cassation, voir B. Odent, article précité, p. 687). 15

R. Odent, Contentieux administratif, Tome 2, p. 621 ; voir aussi R. Chapus, Droit du contentieux administratif,

13ème

édition, n°610 (à rapprocher de n°607). 16

CE, Intercopie, 20 février 1953, Rec p. 88. « considérant que la société Intercopie, dans sa requête sommaire

et son mémoire ampliatif, s’est bornée à invoquer la prétendue irrégularité de la composition de la commission

nationale ; que si elle a contesté, dans son mémoire en réplique, la légalité de l’application qui lui a été faite des

prescriptions de l’arrêté du 2 avril 1948, ces prétentions, fondées sur une cause juridique distincte, constituent

une demande nouvelle ».

Pour une référence à cette jurisprudence : R. Chapus, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 13ème

édition, n°763 et 911 ; Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 42, n°46 ; Jurisclasseur Justice administrative,

Fasc 80-23, n°23 ; B. Odent, article précité, p. 687.

6 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

La plupart du temps, la requête initiale est suivie d’un mémoire

complémentaire. Celui-ci doit être déposé dans un délai de trois mois (R. 611-22

du CJA), sauf exceptions17

.

S’agissant du mémoire complémentaire, j’aimerais étudier deux points.

D’une part, son articulation, du point de vue procédural, avec la requête initiale

(3.1). D’autre part, son contenu (3.2).

2.1 Articulation de la requête et du mémoire complémentaire

La question peut se poser de l’articulation entre requête initiale et

mémoire complémentaire. La requête comporte un ou des projets de moyens qui

sont précisés ou complétés, voire abandonnés dans le mémoire complémentaire.

Que se passe-t-il si, dans sa requête initiale, le requérant annonce le dépôt

à venir d’un mémoire complémentaire et qu’il ne le dépose finalement pas ? La

sanction est le désistement d’office du requérant (R. 611-22 al 2).

Que se passe-t-il si le requérant dépose bien un mémoire complémentaire

mais que ce mémoire ne comporte pas un moyen qu’il avait pourtant soulevé

dans sa requête ? Le moyen peut alors être réputé abandonné. D’où l’intérêt de

le reprendre dans le mémoire complémentaire, même d’une seule phrase.

2.2 Contenu du mémoire complémentaire

Nous sommes là au cœur de la technique de la cassation administrative. Il

s’agit en effet de parler maintenant des moyens qui peuvent être soulevés devant

le CE, juge de cassation.

Je commencerai par une précision relative à la forme du moyen. Comme

vous le savez, la rédaction d’un moyen de cassation devant la Cour de cassation

obéit à des règles très strictes. Le moyen est divisé en trois branches (D’AVOIR,

AUX MOTIFS QUE, ALORS QUE). Ces canons ne se retrouvent pas

nécessairement devant le Conseil d’Etat. La rédaction du moyen de cassation est

17

Délai de 15 jours en référé (R. 611-23).

7 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

très libre. Sur ce point, la cassation administrative ne constitue pas une pure

imitation de la cassation civile.

Puisque la présentation du moyen de cassation ne doit pas

particulièrement retenir notre attention, c’est le fond de ce moyen, c’est-à-dire,

en substance, les cas d’ouverture qui peuvent être invoqués que nous devons

maintenant étudier18

.

Les deux juges de cassation, civil et administratif, Cour de cassation et

CE, ont pour point de commun de porter leur contrôle sur une décision et non

sur un litige. Le président Odent notait que le CE « ne juge pas le litige qui a été

soumis aux juges du fond ; il se borne à juger la régularité et la légalité de la

décision rendue par ces juges »19

.

Cela explique pourquoi, comme on l’a vu, la requête en cassation est

dirigée, aussi bien devant la Cour de cassation que devant le CE, contre une

décision et non contre une partie.

Cette caractéristique se retrouve au stade du mémoire complémentaire qui

comprend des moyens par lesquels le requérant critique l’arrêt attaqué20

.

Les fonctions de la Cour de cassation et du CE, comme juge de cassation,

sont donc identiques. Cela explique que les deux juges de cassation soient saisis

de moyens (au sens de cas d’ouverture) comparables.

Mais ce n’est pas parce que leur fonction est la même que l’exercice de

cette fonction est identique. A peu près tous les auteurs observent que le contrôle

exercé par le CE est moins rigoureux que celui de la Cour de cassation et qu’il

s’apparente à un juge du fond21

.

Nous allons en prendre conscience à travers un bref rappel des différents

moyens pouvant être soulevés en cassation.

Nous examinerons d’abord les moyens de légalité externe avant de nous

intéresser aux moyens de légalité interne. Cet ordre n’est pas le fruit du hasard :

18

Voir notamment Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-23, « Contrôle du juge de cassation ». 19

Cité dans Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-21, n°60. Voir aussi R. Odent, Contentieux

administratif, Tome 2, p. 614. 20

C’est la transposition de la jurisprudence OPHLM de Caen du 11 juin 1999, requête n°173972. 21

B. Odent, article précité, p. 684.

8 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

traditionnellement, le juge statue d’abord sur les moyens de légalité externe

avant d’examiner les moyens de légalité interne22

.

Légalité externe

Il s’agit des moyens relatifs à la forme, à la procédure, bref, qui ne

concernent pas le fond de la décision soumise au contrôle du juge de cassation.

Concrètement, il peut s’agir d’un moyen relatif à la composition de la

juridiction qui a rendu l’arrêt attaqué ou encore d’un défaut de réponse à

conclusions23

.

Naturellement, ces moyens présentent moins d’intérêt que des moyens de

légalité interne. Imaginons par exemple, que l’arrêt attaqué ne comporte pas de

signatures. Ce vice doit emporter la cassation totale de l’arrêt attaqué. Mais cela

ne signifie pas que le demandeur au pourvoi va obtenir satisfaction. Si le CE ne

règle pas l’affaire au fond, il est probable que la cour de renvoi va reprendre la

même décision en apposant les signatures exigées par le CJA.

Légalité interne

S’agissant du fond, il faut d’abord s’intéresser aux faits.

Pour vous parler sincèrement, l’étendue du contrôle exercé par le CE sur

les faits est difficile à déterminer. Je vais donc essayer de simplifier un peu les

choses pour tenter d’être clair24

.

Il faut d’abord observer qu’un moyen de dénaturation des faits peut être

présenté devant le CE juge de cassation25

. Il y a là une grande différence avec la

cassation civile. Le contrôle exercé par le CE sur les faits est beaucoup plus

important que celui qui est exercé par son homologue judiciaire. Devant la Cour

de cassation, seule la dénaturation d’un document de preuve peut être invoquée.

Et encore, il faut être très précis en précisant quel élément de ce document de

preuve a été dénaturé et en quoi il a été dénaturé. L’approche du CE est

22

R. Chapus, Droit du contentieux administratif, Montchrestien, 13ème

édition, n°912. 23

« Défaut de réponse à moyen » dit-on en contentieux administratif, ce qui est plus précis que l’expression

« défaut de réponse à conclusions » employée devant la Cour de cassation. 24

L’étendue du contrôle exercé par le CE sur les faits n’est pas très claire. Il suffit de lire le

résumé du fascicule 80-23, résumé en 7 points. Je ne vous lis que les 3 points qui concernent

les faits : 3) Le juge de cassation contrôle l’exactitude matérielle des faits (= contrôle total) 4)

le juge de cassation contrôle la dénaturation des faits soumis à l’appréciation souveraine des

JDF (= c’est souverain, sauf dénaturation) 7) les faits relèvent pour le reste de l’appréciation

souveraine des juges du fond. Ce n’est pas clair ! 25

La dénaturation se rattache à la légalité interne.

9 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

beaucoup plus globale et il est possible d’invoquer une simple dénaturation des

faits, sans plus de précisions26

.

Je présenterai deux observations au sujet du contrôle exercé sur les faits.

J’ai commencé par expliquer que le contrôle exercé par le CE était complexe. Il

ne faut pas exclure que, derrière cette complexité, se cache une volonté du CE

de conserver une grande liberté. Autrement dit, le CE peut ainsi moduler

l’étendue de son contrôle. Ensuite, on constate que le CE exerce un contrôle plus

approfondi sur les faits que la Cour de cassation. Cela illustre l’idée selon

laquelle le CE, lorsqu’il est juge de cassation, ne perd pas entièrement sa

casquette de juge du fond.

Bien évidemment, le CE censure l’erreur de droit. Ce cas d’ouverture

correspond à la violation de la loi devant la Cour de cassation.

Mais, entre les faits le pur droit, il existe la question du contrôle de la

qualification. Sur ce point, le CE a une approche un peu comparable à celle de la

Cour de cassation. En substance, les deux juges de cassation décident de

contrôler certaines qualifications, mais pas toutes. Ils n’exercent un contrôle que

quand celui-ci leur paraît utile. La frontière qui distingue les qualifications

contrôlées de celles qui ne le sont pas est donc mouvante.

Devant la Cour de cassation, on parle de qualifications contrôlées, par

opposition à des qualifications non contrôlées.

Devant le CE, le vocabulaire employé est un peu différent mais revient au

même. En théorie, le CE contrôle la qualification. Mais, pour les qualifications

qu’il n’entend pas contrôler, le CE utilise l’expression d’« appréciation

souveraine des faits »27

. Dans le langage de la Cour de cassation, on parlerait de

qualification non contrôlée.

3) La procédure d’admission

Cette procédure a été instituée par la loi du 31 décembre 1987 (et

modifiée par le décret du 24 décembre 199728

), au moment de la création des

cours administratives d’appel.

26

B. Odent, article précité, p. 690/691. 27

C’est notamment le cas pour l’interprétation des conventions, ou pour l’utilité d’une mesure d’instruction. 28

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°26.

10 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

L’article L. 822-1 du CJA institue une procédure d’admission des

pourvois en cassation. Cet article dispose : « le pourvoi en cassation devant le

Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission

est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est

fondé sur aucun moyen sérieux ». « fait l’objet », pas « peut faire l’objet » : cette

procédure est systématique pour tous les pourvois en cassation29

.

Je vais d’abord décrire la procédure d’admission (3.1) avant d’apprécier

ses avantages et ses inconvénients (3.2).

3.1 Description de la procédure d’admission.

Dans un premier temps, je vais présenter la procédure classique

d’admission des pourvois en cassation issue de la loi de 1987 avant, dans un

second temps, de présenter la procédure accélérée d’admission issue d’un décret

de 2005.

La procédure classique d’admission.

Devant le Conseil d’Etat, la procédure d’admission a une particularité :

elle n’est pas contradictoire30

. Cela signifie que le demandeur au pourvoi dépose

une requête. Le défendeur est simplement informé du dépôt de cette requête 31

. Il

n’est pas informé du contenu de cette requête. Puis, le demandeur au pourvoi

développe les arguments de sa requête, ou il la complète, dans un mémoire

complémentaire. Et c’est à ce stade qu’intervient la procédure d’admission,

c’est-à-dire à un stade où le défendeur au pourvoi n’a pas pu présenter ses

observations (à supposer qu’il le fasse, le CE n’en tiendrait pas compte32

). C’est

donc exclusivement en analysant les écritures du demandeur au pourvoi que le

Conseil d’Etat décide de son admission.

Il existe deux possibilités.

Première possibilité : le pourvoi n’est pas déclaré admis33

. On a vu que, en

vertu de l’article L. 822-1 du CJA, cela était possible lorsque « le pourvoi est

29

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°3. 30

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°7. 31

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°9. Cette lettre précise qu’il n’y a pas lieu, à ce stade, de

produire des observations.

Lorsque la procédure d’admission a été instituée, le défendeur n’était même pas au courant de l’existence d’un

pourvoi (voir sur ce point B. Odent, « Cassation civile et cassation administrative », in Juger l’Administration,

administrer la justice, Mélanges en l’honneur de Daniel Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 684 ; voir également,

J. Barthelemy, E. Baraduc et E. Piwnica, « Hommages à trois voix », ouvrage précité, p. 45, n°1). 32

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°7. 33

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°39. Il s’agit d’une décision juridictionnelle.

11 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

irrecevable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux »34

. Dans ce cas, le Conseil

d’Etat rend une décision de non-admission. J’aurais tendance à dire que cette

décision n’est pas motivée. Mais des auteurs autorisés y voient une motivation

simplement « laconique »35

. Pour que vous vous fassiez une idée, je vous lis la

formule consacrée : aucun moyen « n’est de nature à permettre l’admission du

pourvoi »36

.

Seconde possibilité, le Conseil d’Etat (plus exactement le président de la

sous-section à laquelle est attribué le pourvoi37

) admet le pourvoi. Le demandeur

au pourvoi a alors la satisfaction de recevoir une lettre l’informant de

l’admission de son pourvoi. Cela signifie que la procédure va se poursuivre et

que le défendeur au pourvoi va pouvoir déposer des écritures. Le défendeur est

alors un peu inquiet car il sait que si le pourvoi a été déclaré admis, cela signifie

qu’il est assez sérieux et qu’il est possible qu’une cassation soit prononcée. Le

défendeur va donc déposer des écritures en défense38

. Et le demandeur pourra,

éventuellement, répliquer aux écritures du défendeur. A l’issue de la procédure,

le Conseil d’Etat statuera sur les mérites du pourvoi.

La procédure accélérée d’admission.

En vertu de l’article R. 822-2 du CJA, le président de la sous-section a

toujours eu la possibilité d’admettre le pourvoi. Il a la possibilité de le faire

immédiatement, après l’attribution du dossier à la sous-section39

. Cela ne pose

évidemment aucune difficulté particulière.

L’hypothèse inverse existe également, celle dans laquelle le président de

la sous-section décide, seul, de la non-admission du pourvoi.

Cette possibilité résulte de l’article R. 822-5 du CJA40

qui a été modifié

par un décret du 28 juillet 2005. Cet article, relatif à la procédure d’admission 34

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°12 et s. L’auteur énonce que le CE a le souci « d’éviter

d’employer des termes qui pourraient conduire certains requérants à se faire une fausse opinion de la valeur de

l’argumentation produite par leurs conseils ». 35

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°41. 36

Sur l’évolution des formules utilisées par le CE, voir Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°14 et

41. 37

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°35. Il s’agit d’une décision d’administration judiciaire. 38

Pas de délai fixé par le CJA. 39

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°28. 40

L’article R. 822-5 du CJA dispose :

« En cas de désistement avant l'admission du pourvoi, ou si le requérant est réputé s'être désisté en application

de l'article R. 611-22, le président de la sous-section donne acte du désistement par ordonnance.

Lorsque le pourvoi devient sans objet avant son admission, le président de la sous-section peut constater par

ordonnance qu'il n'y a plus lieu d'y statuer.

12 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

des pourvois en cassation, comporte une disposition selon laquelle « lorsqu'il est

manifeste qu'aucun moyen sérieux n'est invoqué, le président de la sous-section

peut également décider par ordonnance de ne pas admettre ».

Lorsqu’elle intervient en application de l’article R. 822-5 du CJA, la

décision de ne pas admettre un pourvoi est prise non pas au terme d’une

discussion collégiale (comme c’est le cas avec la procédure classique

d’admission41

) mais par un seul homme42

.

Concrètement, le demandeur au pourvoi dépose une requête puis un

mémoire complémentaire. Si le président de la sous-section envisage de ne pas

admettre le pourvoi, le CE écrit au demandeur pour l’en aviser. Cette

information doit intervenir 10 jours avant l’ordonnance de non-admission

(article R. 822-5-1 du CJA).

3.2 Appréciation de la procédure d’admission.

Appréciation de la procédure classique d’admission.

Lorsque le pourvoi est irrecevable pour défaut de ministère d'avocat ou entaché d'une irrecevabilité manifeste

non susceptible d'être couverte en cours d'instance, le président de la sous-section peut décider par ordonnance

de ne pas l'admettre.

Lorsqu'il est manifeste qu'aucun moyen sérieux n'est invoqué, le président de la sous-section peut également

décider par ordonnance de ne pas admettre :

1° Les pourvois relevant d'une série qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits,

présentent à juger en droit des questions identiques à celles que le Conseil d'Etat statuant au contentieux a déjà

tranchées par une décision ou examinées par un avis rendu en application de l'article L. 113-1 ;

2° Les pourvois dirigés contre les ordonnances prises en application de l'article R. 222-1 ainsi que celles prises

en vertu de l'article R. 351-28 du code de l'action sociale et des familles, de l'article R. 242-97 du code rural et

de la pêche maritime, des articles R. 4126-5 et R. 4234-29 du code de la santé publique et des articles L. 145-9,

L. 145-9-2 et R. 145-20 du code de la sécurité sociale ;

3° Les pourvois dirigés contre les ordonnances prises en application du livre V ;

4° Les pourvois qui ne soulèvent que des moyens irrecevables, inopérants ou dépourvus des précisions

permettant d'en apprécier le bien-fondé, des moyens de régularité dénués de fondement et des moyens revenant à

contester l'appréciation des faits à laquelle se sont souverainement livrés les juges du fond. Le président de

la section du contentieux et les présidents adjoints de cette section peuvent statuer par ordonnance dans les cas

prévus au troisième alinéa du présent article ».

Voir sur ce point : Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°28 et 42. 41

La procédure « classique » d’admission fait en effet intervenir un rapporteur, un réviseur puis un rapporteur

public (Jurisclasseur Justice administrative, n°31 et s.). 42

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°29.

13 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

La procédure d’admission des pourvois en cassation (PAPC) peut faire

l’objet d’appréciations diverses.

Elle présente des avantages indéniables.

D’une part, le fait que la procédure d’admission intervienne après le dépôt

des écritures du demandeur mais avant les éventuelles écritures du défendeur

permet au CE de gagner du temps.

Le fait que le défendeur n’ait pas à présenter des écritures en défense

permet de lui éviter d’exposer des frais. En effet, si le pourvoi n’est pas déclaré

admis, il n’aura pas eu besoin de faire déposer des écritures. Cela permet

également au demandeur d’éviter une condamnation au titre de l’article L. 761-1

du CJA relatif aux frais irrépétibles puisque le défendeur n’aura pas exposé de

tels frais43

.

Le demandeur au pourvoi, ou son avocat, peut connaître les raisons pour

lesquelles le pourvoi n’est pas déclaré admis. En effet, les décisions refusant

l’admission des pourvois en cassation sont rendues à la suite d’une audience, au

cours de laquelle le rapporteur public prononce des conclusions44

. Il est même

possible à l’avocat du demandeur de prendre la parole après le rapporteur public

pour contester le bienfondé de ses conclusions.

Enfin, on peut considérer que l’atteinte au principe de la contradiction est

limitée puisque cette atteinte ne concerne que le défendeur au pourvoi. Or, la

PAPC ne peut pas lui préjudicier45

puisque soit le pourvoi n’est pas déclaré

admis, et le défendeur sera satisfait, soit le pourvoi est déclaré admis, et la

procédure devient alors contradictoire.

J’observerai que la Cour EDH considère que cette PAPC est compatible

avec l’article 6 de la Convention EDH46

.

Cette procédure présente également des inconvénients.

D’une part, il peut paraître choquant que le contradictoire ne soit pas

respecté et que le défendeur n’ait pas pu présenter ses observations. En certaines

43

Il n’est cependant pas exclu que le demandeur au pourvoi soit condamné au paiement d’une amende

(Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°44). 44

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°40. 45

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°8. 46

Cour EDH, 9 mars 1999, n°38738/97, SA Immeuble groupe Kosser contre France. Sur cette question, voir :

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°1.

14 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

circonstances, cela peut être frustrant. Car non seulement le défendeur n’a pas à

déposer des écritures en défense mais il n’en a pas même la possibilité.

D’autre part, la décision de non admission n’est pas véritablement

motivée, au sens classique du terme. Si l’avocat aux Conseils ne s’est pas

déplacé à l’audience47

, il ne saura jamais pourquoi le pourvoi n’est pas admis.

Appréciation propre à la procédure accélérée d’admission par

voie d’ordonnance

La procédure des ordonnances de l’article R. 822-5 du CJA soulève deux

types de difficultés. La première résulte du fait que la non-admission du pourvoi

résulte de son examen par une seule personne, le président de la sous-section.

On peut penser que, indépendamment des qualités de ce président, une

discussion collégiale est souhaitable avant de prendre une décision aussi

importante. La seconde est que la décision de non-admission intervient au terme

d’une ordonnance, qui n’est pas précédée d’aucune audience. Il est donc

impossible pour le demandeur de savoir pourquoi son pourvoi n’a pas été

admis48

.

III - La décision rendue par le CE

Je voudrais évoquer deux aspects. D’une part, la décision rendue sur le

pourvoi en cassation (1). D’autre part, en cas de cassation, la question du

règlement de l’affaire au fond (2).

1) L’aspect « cassation ».

Je serai très bref sur ce point.

47

Jurisclasseur Justice administrative, Fasc 80-22, n°33 et 40. 48

La seule possibilité pour le demandeur est de réagir, dans le délai de l’article R. 822-5-1 du CJA de 10 jours

qui s’écoule entre son information qu’une ordonnance va être prise et la signature de l’ordonnance (Jurisclasseur

Justice administrative, Fasc 80-22, n°42).

15 CIFAF 2015, Technique de la cassation administrative

L’hypothèse dans laquelle le CE rejette le pourvoi n’appelle pas de

développement particulier. On relèvera simplement que si le CE rend un arrêt de

rejet, cela signifie qu’il a préalablement admis le pourvoi. C’est donc le signe

que le pourvoi posait une question relativement sérieuse.

Le CE peut également rendre un arrêt de cassation. Il faut bien voir que la

cassation ne peut être prononcée que dans la mesure d l’admission du pourvoi.

Je m’explique. Le CE peut n’admettre le pourvoi que sur certains points. Dans

ce cas, le litige portera exclusivement sur ces points et la cassation ne pourra pas

porter sur d’autres points.

Il faut enfin envisager les suites de la cassation. Il est possible que le CE

renvoie l’affaire à une autre CAA49

. Mais il est assez fréquent que le CE règle

l’affaire au fond. C’est le deuxième point que je voudrais aborder.

2) Le règlement au fond.

L’article L. 821-2 CJA dispose que « s'il prononce l'annulation d'une

décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil

d'Etat peut soit renvoyer […] soit régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne

administration de la justice le justifie ».

Lorsque le CE casse un arrêt et règle l’affaire au fond, il statue avec deux

casquettes successives. D’abord comme juge de cassation, ensuite comme juge

du fond.

Comme au sujet du contrôle qu’il exerce sur les faits, on voit là une

illustration du fait que le CE a du mal à tout à fait se départir de ses pouvoirs de

juge du fond.

49

En cas de renvoi, la saisine de la cour de renvoi est automatique (B. Odent, article précité,

p. 693). Le juge de renvoi n’est pas libre, il doit se conformer à la décision du CE (B. Odent,

article précité, p. 694).