Cassation Jurisprudence-garantie à Première Demande

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Garantie première demande

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  • dinformation

    Les ditions desJOURNAUX OFFICIELS

    Diffusion de jurisprudence, doctrine et communications

    Prix : 8,80 ISSN 0750-3865

    Direction de linformationlgale et administrative

    accueil commercial :01 40 15 70 10

    commande :Administration des ventes

    23, rue dEstres, CS 1073375345 Paris Cedex 07

    tlcopie : 01 40 15 68 00ladocumentationfrancaise.fr

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    N 789

    PPublicationublicationbimensuellebimensuelle

    15 octobre15 octobre20132013

    191137890 COUV.pdf - Juin 24, 2013 - 1 sur 2 - BAT DILA

  • intranet

    Cour de cassation seffectue par le sitelaccs au site intranet de la

    intranet du ministre de la justice

    Consultez le site intranet de la Cour de cassation. Accessible par lintranet justice, les magistrats y trouveront notamment : lintgralit des arrts de la Cour de cassation depuis 1990 ; les arrts publis depuis 1960 ; une slection des dcisions des cours dappel et des tribunaux ; des fiches mthodologiques en matire civile et en matire pnale ; les listes dexperts tablies par la Cour de cassation et par les cours dappel.

    Consultezsur

    www.courdecassation.frle site de la Cour de cassation

    internet

    En refondant son portail, la Cour de cassation a souhait : se doter dun site dynamique, lui permettant notamment de favoriser la remonte

    en page daccueil dinformations de premier plan ; rorganiser les contenus, accessibles par un nombre limit de rubriques et

    amliorer lergonomie du site pour favoriser laccs la jurisprudence et aux colloques organiss par la Cour ;

    faciliter la navigation sur le site par la mise en place dun moteur de recherche ; apporter des informations nouvelles : donnes statistiques, liens vers les sites

    de cours suprmes de lUnion europenne et du reste du monde, en plus des contenus presque tous repris de lancien site.

  • Communi ca t i on s

    Jur i sprudenc e

    Doc t r in e

    Bulletindinformation

    BICC 789.pdf - Octobre 2, 2013 - 1 sur 56 - BAT DILA

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    Bulletin dinformationEn quelques mots

    t15 octobre 2013

    En quelques mots

    Communications Jurisprudence

    Le 24avril(infra, no1211), la chambre sociale a jug que

    leprincipe dgalit de traitement ne soppose pas ce que

    lemployeur fasse bnficier, par engagement unilatral, les salaris

    engags postrieurement la dnonciation dun accord collectif

    davantages identiques ceux dont bnficient, au titre des

    avantages individuels acquis, les salaris engags antrieurement

    la dnonciation de laccord, approuvant larrt qui, constatant

    que le salari demandeur avait effectivement peru la gratification de fin danne prvue par laccord

    dnonc et ayant retenu, bon droit, que lengagement unilatral

    pris par lemployeur de faire bnficier les salaris engags

    postrieurement la dnonciation de laccord collectif dune prime

    de treizime mois identique, dans ses conditions douverture,

    de calcul et de rglement, la gratification paye en tant

    quavantage individuel acquis aux salaris engags antrieurement

    la dnonciation na pas pour effet de supprimer ledit

    avantage, a rejet sa demande de bnficier cumulativement de

    la gratification de fin danne et de la prime de treizime mois.

    Pour Grgoire Loiseau (LaSemaine juridique, dition sociale,

    28mai2013, no1225, p.27 et s.), lgalit de traitement nimplique

    pas une unit de traitement. Selon lauteur, en effet, le

    principe dgalit nimpose pas lemployeur dgaliser la situation

    de ses salaris pour le bnfice dun avantage dont certains

    profitent titre de droit individuel acquis, mme sil ne soppose

    pas non plus ce quil tablisse une galit entre eux en octroyant

    cet avantage ceux qui ny avaient pas droit, suivant des modalits de

    traitement diffrentes. Au final, lgalit de traitement [] peut

    saccommoder dune pluralit de sources lorigine dun mme avantage dont tous les salaris

    profitent. La juxtaposition des sources suppose toutefois [en

    lespce] de pouvoir cantonner les effets de la seconde aux seuls salaris engags postrieurement

    la dnonciation de laccord collectif [].

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    15 octobre 2013En quelques mots

    tBulletin dinformation

    Doctrine

    Lelendemain, la deuxime chambre civile a jug (infra,

    no1206) que lavis pralable au contrle a pour objet dinformer

    le cotisant de la date de la premire visite de linspecteur du recouvrement afin de permettre

    ce cotisant dorganiser sa dfense et dtre, sil lestime utile, assist

    du conseil de son choix, cassant le jugement qui, constatant que la date de la visite de linspecteur

    du recouvrement ntait pas mentionne sur cet avis, retient que larticleR.243-59 du code

    de la scurit sociale ne prcise pas que lavis doit mentionner

    la date exacte du contrle et que le contrle a pu se drouler dans le respect du principe du

    contradictoire. Philippe Coursier (Gazette du Palais, no158-159,

    p.46-47) indique que cette dcision ne doit pas sinterprter comme un revirement, prcisant

    que seule lhypothse dans laquelle linspecteur URSSAF

    serait en qute de travail dissimul autorise ce dernier intervenir

    dans lentreprise sans prvenir de son arrive.

    Enfin, dans la continuit de la publication, il y a un mois, des

    Rencontres de la chambre sociale davril 2013, le lecteur trouvera,

    en rubrique Communications du prsent numro, le texte

    des diffrents intervenants au colloque organis par la chambre

    commerciale de la Cour de cassation le 18fvrierdernier,

    relatif aux garanties personnelles, colloque qui sinscrit dans le

    cycle de Rencontres autour du droit conomique. Figurent dans

    ce numro les interventions de M.Philippe Simler (Les principes fondamentaux du

    cautionnement: entre accessoire et autonomie), MmeRgine

    Bonhomme (La constitution du cautionnement), M.Dominique

    Legeais (Proportionnalit et cautionnement ou lhistoire de

    deux parallles qui se croisent), MmeNathalie Martial-Braz (Les recours de la caution au cur de

    la tempte!) et M.Jean-Pierre Gridel (rapport conclusif).

    BICC 789.pdf - Octobre 2, 2013 - 3 sur 56 - BAT DILA

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    Bulletin dinformationTable des matires

    t15 octobre 2013

    Table des matires

    * Les titres et sommaires des arrts publis dans le prsent numro paraissent, avec le texte de larrt, dans leur rdaction dfinitive, au Bulletin des arrts de la Cour de cassation du mois correspondant la date du prononc des dcisions.

    CommunicationCOLLOQUE SUR LES GARANTIES PERSONNELLES - CHAMBRE COMMERCIALE DE LA COUR DE CASSATION, 18FVRIER2013 Pages- Philippe Simler: Les principes fondamentaux du cautionnement: entre accessoire et autonomie ..........................................................................................................8

    - Rgine Bonhomme: La constitution du cautionnement ...................................................................................................................................................................................................................... 16

    - Dominique Legeais: Proportionnalit et cautionnement ou lhistoire de deux parallles qui se croisent ......................................................................................... 22

    - Nathalie Martial-Braz: Les recours de la caution au cur de la tempte! ...................................................................................................................................................................... 30

    - Jean-Pierre Gridel : Rapport conclusif ..................................................................................................................................................................................................................................................................... 31

    Jurisprudence

    Tribunal des conflits NumrosSparation des pouvoirs 1167

    Une nouvelle dfinition de la voie de fait par M. Gallet, conseiller la premire chambre civile, vice-prsident du Tribunal des conflits Page 35

    Cour de cassation (*)

    TITRES ET SOMMAIRES DARRTS- ARRTS DES CHAMBRES Numros

    Action civile 1168

    Action publique 1194

    Agent immobilier 1169

    Avocat 1170

    Bail rural 1171-1172

    Cassation 1173-1174

    Chambre de linstruction 1175

    Chose juge 1176

    Circulation routire 1177

    Contrat de travail, excution 1213

    Contrat de travail, formation 1178-1179

    Contrat de travail, rupture 1180 1182

    Contrats et obligations conventionnelles 1183-1184

    Contrle judiciaire 1185

    Convention europenne des droits de lhomme 1186

    Coproprit 1187

    Cour dassises 1188

    Destructions, dgradations et dtriorations 1189

    Douanes 1190-1191

    Enqute prliminaire 1192-1193

    Instruction 1194-1195

    Juridictions correctionnelles 1196

    Libration conditionnelle 1197

    Peines 1176

    Professions mdicales ou paramdicales 1198

    Proprit 1199

    Proprit littraire et artistique 1178-1200

    Protection de la nature et de lenvironnement 1201

    Protection des consommateurs 1202-1203

    Responsabilit dlictuelle ou quasi dlictuelle 1184

    Rglementation conomique 1204

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    15 octobre 2013Table des matires

    tBulletin dinformation

    Statut collectif du travail 1211-1212

    Transaction 1213

    Travail 1214-1215

    Travail rglementation, dure du travail 1216-1217

    Travail rglementation, rmunration 1211

    Travail temporaire 1218

    Renvoi dun tribunal un autre 1205

    Scurit sociale 1206-1207

    Scurit sociale, allocation vieillesse pour personnes non salaries 1208

    Scurit sociale, assurances sociales 1209

    Sparation des pouvoirs 1210

    Solidarit 1218

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    Bulletin dinformationCommunications

    t15 octobre 2013

    Communications

    Ce colloque, qui sinscrit dans le cycle de Rencontres autour du droit conomique1, sest tenu le 18fvrier2013 la Cour de cassation. Il a t ouvert et prsid par M.le prsident Espel, qui a mis en vidence lactualit du thme retenu et soulign la qualit des intervenants, quil a remercis chaleureusement pour leur participation.

    Ce colloque a t anim par M.le premier avocat gnral LeMesle, qui a introduit chacune des interventions.

    1 Ces Rencontres sont organises par la chambre commerciale, conomique et financire et ont pour objectif douvrir un dialogue au sein mme de la Cour de cassation entre les juges, les praticiens et la doctrine, afin de croiser les expriences et rflexions sur les questions essentielles que soulve le droit conomique.

    Actes du colloque sur les garanties personnelles

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    15 octobre 2013Communications

    tBulletin dinformation

    M.le premier avocat gnral LeMesle: introduction lintervention du professeur Simler

    Pour lessentiel, en matire de cautionnement, la chambre commerciale de la Cour de cassation a t saisie, au cours de ces dernires annes, de pourvois relatifs au formalisme, dune part, et la question de la proportionnalit de lengagement (en lien, ou non, avec le devoir de mise en garde), dautre part. Bien peu de choses, en revanche, sur les principes fondamentaux du cautionnement.

    Et pourtant, la trs grande sollicitude dont font lobjet les cautions, tant par les juges que, surtout, par le lgislateur, cre des envieux. Celui qui sest engag dans le cadre dune garantie autonome peut tre tent soit den rendre les rgles moins rigoureuses, en essayant par exemple dy introduire quelque chose qui ressemble cette interconnexion, dcrite par le professeur Simler, entre le cautionnement et lobligation garantie, cest--dire en rendant moins autonome la garantie pourtant voulue ainsi au moment de son engagement, soit den faire purement et simplement un cautionnement.

    Je nen prendrai quun seul exemple: Com., 2octobre2012, pourvoi no11-23.401.

    Il sagissait dun contrat portant sur la restauration de biens immobiliers. Lentrepreneur devait fournir une garantie bancaire. Curieusement, celle-ci a t qualifie, dans lacte, de caution premire demande. La banque ayant refus dexcuter son engagement, elle a t assigne en paiement.

    Pour dcider que cet engagement constitue un cautionnement et rejeter, en consquence, la demande prsente sur le fondement de la garantie premire demande, la cour dappel avait dit que la renonciation au bnfice de discussion et de division et lengagement de payer premire demande sans pouvoir diffrer le paiement ni soulever de contestation pour quelque motif que ce soit ne suffisent pas qualifier lengagement de garantie autonome si les clauses sont contredites par dautres stipulations rattachant les obligations de la caution celles du dbiteur principal (il tait, en effet, fait rfrence au calendrier du contrat de base en ce qui concerne lvolution dans le temps des montants garantis).

    La Cour de cassation a adopt une position stricte: Attendu quen statuant ainsi, alors que la rfrence au contrat de base ne modifie pas le caractre autonome de la garantie et quil rsultait de ses propres constations que la banque sengageait verser une somme premire demande crite sans pouvoir diffrer le paiement ou soulever de contestation pour quelque motif que ce soit, la cour dappel a viol, etc. Cette solution sinscrit dans la logique dune doctrine qui enseigne en gnral, comme le rappelait lavis de lavocat gnral dans ce dossier, que lexclusion de lopposabilit des exceptions est incompatible avec la qualification de cautionnement, ncessairement accessoire lengagement principal.

    Preuve sil en fallait une, M.le professeur, quil est essentiel de rappeler encore et toujours les principes sur lesquels sest construit notre droit du cautionnement.

    1. - Les principes fondamentaux du cautionnement (entre accessoire et autonomie)

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    Bulletin dinformationCommunications

    t15 octobre 2013

    Les principes fondamentaux du cautionnement: entre accessoire et autonomiePhilippe Simler, professeur mrite de luniversit de Strasbourg, doyen honoraire de la facult de droit, de sciences politiques et de gestion

    Tel est le titre quil mest propos de traiter comme entre en matire de ce colloque consacr aux garanties personnelles.

    Je dois avouer demble que ce titre, et plus prcisment le sous-titre, me met quelque peu dans lembarras. Il pourrait laisser penser que lengagement de la caution navigue quelque part entre laccessorit (nologisme aujourdhui incontournable) et lautonomie. Ma conviction profonde est quau contraire, le caractre accessoire est de lessence du cautionnement et quil soppose, prcisment, tous gards lautonomie. Force est de constater, cependant, que des glissements soprent en jurisprudence et en lgislation - mais davantage en jurisprudence quen lgislation - sinon vers une certaine autonomisation du cautionnement, du moins vers une remise en cause du caractre accessoire. Car si accessoire soppose radicalement autonome, accessoire soppose aussi principal. Or, les glissements voqus se traduisent par la reconnaissance lengagement de la caution de certains traits qui sont plutt ceux dun engagement principal.

    Lepositionnement du cautionnement par rapport ces caractres fait aujourdhui difficult. On ne saurait sen tonner, si lon prend conscience des bouleversements qua connus la matire en quelques dcennies. Lorsque, il y a quarante ans, les circonstances mont amen mintresser cette matire, il sagissait encore dun paisible ruisseau. Les ouvrages usuels lui consacraient au mieux quelques dizaines de pages. La jurisprudence tait sinon rare, du moins peu abondante. Lecautionnement tait, au surplus, la seule sret personnelle connue. Legenre des srets personnelles, disait-on, ne comprend quune seule espce.

    La crue a t soudaine et spectaculaire. En lespace dune ou deux dcennies, le cautionnement est devenu un fleuve tumultueux. Il est sorti de son lit naturel, que constitue le code civil, pour sen creuser dautres: dans le code montaire et financier, dans celui de la consommation, sans oublier le code de commerce et le code des assurances. Au besoin massif de crdit a rpondu un besoin non moins massif de garanties de toutes sortes. Des varits nouvelles de cautionnement sont apparues, tel celui quasi systmatiquement exig des dirigeants de socit, comme antidote la responsabilit limite des associs. Des variantes plus institutionnelles se sont dveloppes: le cautionnement mutuel, le cautionnement bancaire, celui des collectivits publiques et de ltat. La famille des srets personnelles est devenue en peu de temps une famille nombreuses: 17 sortes, selon un auteur1, ce qui est sans doute un peu beaucoup, car sous des appellations diffrentes, on retrouve parfois le mme concept. Parmi les principales, il y a, bien sr, la garantie autonome et la lettre dintention, aujourdhui consacres comme telles par le code civil, mais aussi dautres procds emprunts larsenal du droit des obligations: le porte-fort, la dlgation, la solidarit sans intressement la dette, lhypothtique constitut, le ducroire. On pourrait encore citer laval et lassurance-caution, varits de cautionnement un peu particulires, sans oublier totalement le cautionnement rel, selon moi inopportunment condamn par la Cour de cassation et qui nen finit pas dagoniser.

    Il est peu de domaines du droit civil qui aient connu un bouillonnement aussi intense que celui des garanties personnelles. Mais, en dpit de la concurrence de ces multiples autres procds et des digues que la loi et le juge ont tent driger, le cautionnement est demeur la garantie de trs loin la plus abondamment pratique, comme en atteste un contentieux innombrable.

    Est-ce dire que le cautionnement se porte bien? Limportance du contentieux peut tre un rvlateur de la vitalit dune institution. Au-del dun certain seuil, qui me parat largement dpass en la matire, sa surabondance est plutt un signe de mauvaise sant. Lecautionnement est aujourdhui une institution malade. Ce qui est particulirement regrettable, cest que son tat est largement imputable aux mdecins qui se sont penchs sur son sort, lgislateur en tte. Cette ide simple et universelle quest le cautionnement est aujourdhui quasiment immatrisable. Imaginons un instant un tranger, ft-il juriste et connaissant le concept, qui voudrait se familiariser avec la pratique du cautionnement en France: il lui faudra compulser cinq codes diffrents et un bon nombre de lois particulires, jongler avec les mentions manuscrites diverses et varies, faire le tri des sept ou huit obligations dinformations et autres devoirs de conseil et de mise en garde qui incombent au crancier, connatre aussi le droit des procdures collectives, du surendettement et des rgimes matrimoniaux

    On ne peut que regretter que la remise en ordre propose par le projet de rforme du droit des srets ait t refuse. Matire trop importante, a jug le lgislateur pour justifier son refus dhabilitation rformer la matire par voie dordonnance. Moyennant quoi le dsordre actuel a toutes chances de perdurer, sans quon puisse exclure laddition au mille-feuille de quelques strates supplmentaires. Les textes proposs nauraient videmment pas rsolu comme par miracle toutes les difficults. Du moins auraient-ils restitu un minimum de cohrence la matire en simplifiant de manire significative le dispositif.

    1 J. Bastin, Le Paiement de la dette dautrui, LGDJ, 1999.

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    15 octobre 2013Communications

    tBulletin dinformation

    Ces considrations gnrales mont cart quelque peu du sujet. Mais on ne peut nier que, dans les turbulences qui ont agit au cours des dernires dcennies le droit du cautionnement et, plus gnralement, des garanties personnelles, la question de laccessorit et de son contraire, lautonomie, ont t au cur des dbats, tant en doctrine quen jurisprudence. Il est donc lgitime, en effet, de se demander si, dans ce labyrinthe que reprsente aujourdhui le droit du cautionnement, le traditionnel caractre accessoire reste ou non un fil conducteur.

    Les enjeux de cette recherche se situent deux niveaux diffrents. On saccorde habituellement considrer que le caractre accessoire, propre au cautionnement, constitue le critre distinctif par rapport aux diverses autres sortes de srets personnelles, parmi lesquelles, en particulier, les garanties dites autonomes (I). Une fois les frontires ainsi traces, la porte du caractre accessoire au sein mme du droit du cautionnement donne lieu depuis quelques annes un vif dbat portant sur la question de lopposabilit des exceptions par la caution. cet gard, on peut avoir le sentiment que le caractre accessoire est sinon mconnu, du moins fortement malmen (II).

    I. - Lecaractre accessoire, critre de distinction entre le cautionnement et les autres garanties personnelles

    Dune certaine manire, toute sret parat devoir tre accessoire, puisquelle suppose par dfinition lexistence dune obligation garantir. Si lon peut concevoir une hypothque sur soi-mme, non lie une crance - cest lhypothse de la cdule hypothcaire, qui na connu, en France, quun bref intermde lpoque rvolutionnaire-, toute sret personnelle a pour finalit la garantie dune crance. Leverbe garantir est transitif: il est dpourvu de sens sans complment dobjet direct. On pourrait tre tent den conclure - et certains auteurs lont fait - que laccessorit nest quune question de degr et non de nature. Simplement, certaines garanties seraient plus accessoires que dautres. Une telle approche me parat condamnable. Elle ouvre la porte toutes les confusions et tous les amalgames. Ledroit - et singulirement celui des srets - a besoin de repres clairs et prcis. Il faut alors sentendre sur les termes.

    Laccessorit revt une signification particulire en matire de cautionnement (A). La confrontation avec quelques autres garanties personnelles, dont la qualification a suscit quelques difficults, permet de le vrifier (B).

    A. - Signification du caractre accessoire du cautionnement

    Il est vident que laccessorit du cautionnement exprime autre chose que le simple lien ncessaire entre une garantie et une crance. Il sagit dune accessorit dune intensit tout fait particulire. Preuve en est lexistence de garanties personnelles qui, prcisment, ne sont pas considres comme accessoires: celles dites autonomes, mais aussi dautres, qui ne sont ni accessoires ni autonomes et que la doctrine saccorde, aujourdhui, appeler indemnitaires. Lecaractre accessoire du cautionnement exprime une interdpendance troite et permanente de lobligation de la caution par rapport celle du dbiteur. Cest cette obligation mme que la caution sengage satisfaire, comme le dit larticle2288 du code civil: Celui qui se rend caution dune obligation se soumet envers le crancier satisfaire cette obligation, si le dbiteur ny satisfait pas lui-mme. Telle est la dfinition - quelque peu contourne - que donne larticle2288 du cautionnement. Plus simplement, le cautionnement est lengagement dun tiers de payer la dette dun dbiteur en cas de dfaillance de celui-ci.

    Lecaractre accessoire ressort de manire vidente de ce texte: la caution soblige payer une dette qui nest pas la sienne et elle sy oblige en cas de dfaillance du dbiteur. Son engagement sajoute celui du dbiteur - appel: principal - et a pour objet la dette mme de celui-ci. Son obligation est non seulement accessoire, mais en outre subsidiaire. Ce dernier trait est particulirement vident dans lhypothse du cautionnement simple, en raison du bnfice de discussion dont dispose alors la caution. Mais chacun sait que cette hypothse est trs exceptionnelle. Lecaractre subsidiaire est quelque peu occult si la caution sest oblige solidairement. Mais il demeure, fondamentalement: mme dans ce cas, la caution nest quun dbiteur de second rang et, mme si elle peut demble tre poursuivie, elle dispose en toute hypothse dun recours intgral contre le principal oblig.

    Ce caractre accessoire est renforc par les dispositions suivantes du code civil: article2289: Lecautionnement ne peut exister que sur une obligation valable; article2290: il ne peut excder ce qui est d par le dbiteur, ni tre contract sous des conditions plus onreuses.

    Ledcor est plant: cest bien la dette du dbiteur que la caution soblige payer en cas de besoin. Il ny a quune seule dette, mais deux obligs, lun titre principal et qui doit en toute hypothse en supporter la charge dfinitive, lautre titre accessoire, et mme subsidiaire. Cest ce qui distingue le cautionnement, mme solidaire, de lobligation solidaire. Dans ce dernier cas, les coobligs sont tenus titre principal: il ny a galement quune seule dette et deux dbiteurs, mais ceux-ci le sont titre principal, sur un pied dgalit. Il en est ainsi mme si, entre eux, lun nest pas intress la dette - cest lhypothse de larticle1216, que certains souhaiteraient voir abrog: ces codbiteurs sont bien des dbiteurs principaux vis--vis du crancier, qui est cens ignorer les arrangements convenus entre eux.

    Lecaractre accessoire quexprime ainsi la dfinition mme du cautionnement constitue sa spcificit. Aucun autre engagement, aucune autre espce de garantie ne rpond ce schma. Rciproquement, tout engagement rpondant cette dfinition est et ne peut tre quun cautionnement.

    Mais cest l que les difficults commencent. Il convient dprouver cette proposition majeure propos des principales situations ou varits de garanties qui ont soulev des difficults de qualification.

    B. - Mise lpreuve du caractre accessoire

    1. - Chacun se souvient, certainement, des hsitations, des doutes, des confusions qui ont accompagn lapparition en France du concept de garantie autonome. Suffisait-il de changer les mots pour changer la nature de la garantie, qualifier lengagement dautonome, stipuler un paiement premire demande, voire mme

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    Bulletin dinformationCommunications

    t15 octobre 2013

    renoncer lopposabilit des exceptions? Certainement non. Cest pourtant ce qui ressortait dune jurisprudence relativement abondante dans les annes 1970 et 1980. La clause de paiement premire demande, lengagement inconditionnel et irrvocable de payer, la renonciation opposer toute exception, ont t perus comme des rvlateurs de lautonomie de lengagement. Mais ds lors que lobjet dun tel engagement tait la dette mme du dbiteur, il comportait une contradiction fondamentale. Sauf admettre lexistence dun cautionnement premire demande - ce qui serait en soi concevable, mais incompatible avec les textes du code civil relatifs au cautionnement -, ds lors que lobjet de lengagement est la dette mme du dbiteur, son excution est forcment subordonne la vrification de lexistence, de la validit, de ltendue dune ventuelle extinction de cette dette, donc des exceptions que le dbiteur est en droit de faire valoir. Un tel engagement ne peut donc tre excutoire premire demande. Irrvocable et inconditionnel, il peut certes ltre. Mais le cautionnement aussi rpond normalement ces caractres. Quant linopposabilit des exceptions, elle na pas de sens si, en mme temps, cest la dette du dbiteur, dans ses limites et ses caractristiques, qui constitue lobjet de lengagement.

    Il faudra attendre un arrt du 13dcembre1994 pour voir apparatre la formulation claire du critre par la Cour de cassation: ne pouvait tre une garantie autonome, indpendante de lobligation principale, lengagement de payer premire demande les sommes dues par le dbiteur, ds lors que cet engagement avait pour objet la propre dette du dbiteur2. Cette position claire, qui tait dj celle dune partie des juridictions du fond, a conduit disqualifier en cautionnements de nombreuses fausses garanties autonomes. Et la formule de larrt du 13dcembre1994 se retrouve, depuis, dans de trs nombreux arrts, car les hsitations ont perdur chez certains juges du fond. Aujourdhui les choses sont claires, dautant que lordonnance du 23mars2006 a transcrit cette vision de la garantie autonome dans larticle2321 du code civil: La garantie autonome est lengagement par lequel le garant soblige [] verser une somme, soit premire demande, soit suivant des modalits convenues. Une somme, et non pas la somme que doit le dbiteur ou ce que doit le dbiteur.

    Mais si un critre clair permet ainsi, depuis prs de deux dcennies, de distinguer ce qui est accessoire de ce qui est autonome, le brouillard et lobscurit continuent de rgner dans certains secteurs, en particulier pour les garanties professionnelles et financires dont doivent justifier de trs nombreux professionnels: garanties de bonne fin, de parfait achvement, de livraison prix et dlais convenus, de restitution de fonds dtenus Ces garanties ont toutes, lvidence, pour objet la propre dette des dbiteurs concerns. Cest particulirement vident pour les garanties de restitution des fonds dtenus pour le compte de leurs clients par diverses catgories de professionnels. Leplus souvent, les textes correspondants se rfrent dailleurs au concept de cautionnement et aux textes correspondants du code civil. Pourtant, la jurisprudence - et singulirement la Cour de cassation - se sont vertues attribuer ces garanties une autre qualification:

    - action directe, un moment3; mais les conditions nen taient manifestement pas runies: le tiers garant ntait pas dbiteur du dbiteur dfaillant4;

    - puis garantie autonome5, ou, parfois, garantie spcifique, le tout seule fin de faire chapper ces garanties la dfunte extinction pour dfaut de dclaration de la crance garantie la procdure collective du dbiteur. Cet objectif tait certes louable: il tait regrettable que ces garants institutionnels puissent se soustraire leurs obligations sous prtexte que leurs clients avaient omis de dclarer leur crance. Mais appartenait-il la jurisprudence de se substituer au lgislateur dfaillant? Quoiquil en soit, cette raison disparu: la distorsion des concepts ne peut plus se justifier. Au surplus, il a t dans lintervalle jug, dune part, que le dfaut de dclaration tait une exception personnelle au dbiteur que la caution ne peut invoquer, point sur lequel je reviendrai dans la seconde partie6, et, dautre part, que le bnficiaire de la garantie dun agent immobilier na pas dclarer sa crance de restitution rsultant des dispositions de la loi du 2janvier1970 [], celle-ci chappant par nature aux dispositions de la procdure collective []7, solution dont on a du mal trouver le fondement juridique et dterminer la porte au regard dautres garanties financires que celles de la loi Hoguet; toujours est-il que si une telle affirmation avait t formule demble, aprs la loi du 25janvier1985, elle aurait vit bien des dbats et contorsions;

    - en 2006 et 2008, la troisime chambre civile a mme franchi un pas supplmentaire, en cartant totalement lide de garantie, en refusant au garant tout recours contre le professionnel dfaillant, solution difficilement comprhensible et susceptible davoir des consquences conomiques catastrophiques8. Une sorte de cavalier lgislatif est fort heureusement venu condamner cette dangereuse drive le1erjuillet20109, en inscrivant dans le code montaire et financier (articleL.313-22-1) et dans le code des assurances (articleL.433-1) une disposition - dont la bonne place aurait t plutt dans le code civil - rtablissant dans tous les cas le double recours personnel et subrogatoire des garants contre leur donneur dordre: ces garants ayant fourni un cautionnement, un aval ou une garantie, que ces derniers soient dorigine lgale, rglementaire ou conventionnelle, disposent

    2 Com., 13 dcembre 1994, pourvoi no 92-12.626, Bull. IV, no 375, D. 1995, 209, rapport Le Dauphin, note Ayns, JCP 1995, d.G,I, Chron 3851, no 11, obs. Simler, RTD com. 1995, p. 458, obs. Ayns.

    3 2e Civ., 27 fvrier 1985, deux arrts, pourvois no83-14.833 et 83-14.834, Bull. 1985,II, no48; JCP 1985, d.G, IV, 169, RD imm. 1986, p.85, obs. Tomasin; 2e Civ., 22 fvrier 1995, D.1995, p.346, note J.-P. S. et F. D.

    4 1re Civ., 10 janvier 1995, pourvoi 93-10.140, Bull. 1995,I, no17, D.1995, p.178, note Ayns; JCP1995, d.G, II, 22489, note Bhar-Touchais; Defrnois 1995, article36040, p.41.

    5 Assemble plnire, 4 juin 1999: BICC du 15 juillet 1999, conclusions Joinet, rapport Toitot, JCP1999, d.G, II, 10152, et E 1999, p.1294, note Bhar-Touchais; RTD civ. 1999, p.665, obs. Crocq; Banque et droit, septembre-octobre 1999, p.46, note Rontchevsky, JCP2000, d.G, I, 209, no8, obs. Simler.

    6 Com., 12 juillet 2011, pourvoi no09-71.113, Bull. 2011, IV, no118, D. 2011, Act. p. 1894, obs. Lienhard; JCP 2011, d.G, no35, 901, note Dissaux; RTD com. 2011, p. 625, obs. Lgier; RTD civ. 2011, p. 782, obs. Crocq.

    7 Com., 15 fvrier 2011, pourvoi no10-10.056, Bull. 2011, IV, no25, D. 2011, Act., p. 590, obs. Lienhard, et p. 988, note D. Martin; RTD civ. 2011, p. 376, obs. Crocq.

    8 3e Civ., 1er mars 2006, pourvoi no04-16.297, Bull. 2006,III, no50, JCP 2006, d.G, I, 195, no10, obs. Simler; D.2006, IR, p.999; 3e Civ., 27 septembre 2006, deux arrts, pourvoi no05-14.674, Bull. 2006, III, no188, D.2006, IR, p.2479, JCP 2006, d.G, IV, 3045; RD imm. 2007, p. 493, obs. Berly; 3e Civ., 3 dcembre 2008, trois arrts, pourvois no07-20.931, 07-20.932 et 07-20.264, Bull. 2008, III, no192, JCP 2009, d.N, 1095, note Simler. V. cependant, revenant la qualification de garantie lgale dordre public autonome, propos de la mme garantie, 3e Civ., 22 septembre 2010, pourvoi no09-15.318, Bull. 2010, III, no164, Juris-Data no016652.

    9 Loi no2010-737, 1er juillet 2010, article26. Sur le caractre interprtatif de ce texte, voir 3e Civ., 12 septembre 2012

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    de plein droit et dans tous les cas dun recours contre le client donneur dordre de lengagement, ses coobligs et les personnes qui se sont portes caution et, pour les paiements effectus au titre de leur engagement, de la subrogation dans les droits du crancier prvue au 3 de larticle1251 du code civil. Ces garanties, qui ont toutes pour objet la propre dette du dbiteur garanti, sont accessoires et ne peuvent, pour cette seule et dterminante raison, tre que des cautionnements.

    2. - La diffrenciation entre le cautionnement et la lettre dintention na fort heureusement pas donn lieu de semblables difficults. Ds larrt fondateur sur la question10, la chambre commerciale a clairement dress la typologie des lettres dintention: une telle lettre dintention peut, selon ses termes, constituer, la charge de celui qui la souscrite, un engagement contractuel de faire ou de ne pas faire pouvant aller jusqu lobligation dassurer un rsultat, si mme elle ne constitue pas un cautionnement. Or tel tait le cas en lespce, lauteur de la lettre stant en dfinitive engag se substituer au dbiteur, donc payer sa dette, ce qui correspondait la dfinition du cautionnement, et non une obligation de faire ou de ne pas faire.

    3. - Bien moins claire est, en jurisprudence, la diffrenciation entre le cautionnement et le porte-fort dexcution. Si ce concept a droit de cit, ct du traditionnel porte-fort de ratification, il a galement pour objet une obligation de faire. Selon les termes mmes de larticle1120 du code civil, le porte-fort promet le fait dun tiers, en loccurrence lexcution par le tiers dune obligation. Il promet donc de faire le ncessaire pour obtenir ce rsultat du tiers. Et lon voit immdiatement quun tel engagement est dans une parent troite avec la lettre dintention lorsque celle-ci est constitutive dune obligation de rsultat. Car lengagement du porte-fort est par nature une obligation de rsultat, comme la Cour de cassation la rappel dans un arrt du 3mai201211.

    Un tel engagement, constitutif dune obligation de rsultat, est une garantie trs intressante pour le crancier. Mais, quant sa qualification, la Cour de cassation a eu la main - ou plutt la plume - moins heureuse que pour les lettres dintention. Les deux arrts qui ont eu se prononcer sur la question paraissent contradictoires et, pour tout dire, aussi peu satisfaisants lun que lautre. Le25janvier2005, la premire chambre civile reconnat un porte-fort dexcution un caractre autonome, pour en dduire que la nullit de lobligation du dbiteur dont le garant stait port fort devait rester sans incidence sur celle du porte-fort12. Certes, un tel engagement na pas pour objet le paiement de la propre dette du dbiteur et nest donc pas accessoire. Mais il ne rpond pas davantage la dfinition dun engagement autonome. Dailleurs, comment le porte-fort pourrait-il promettre lexcution par le dbiteur dune obligation nulle? Et de quel prjudice le crancier pourrait-il, dans le mme cas, faire tat, puisque la sanction de lengagement du porte-fort est, selon les termes de larticle1120, lindemnisation du bnficiaire de la promesse?

    La chambre commerciale, quant elle, a au contraire reconnu un porte-fort dexcution un caractre accessoire, soumis lexigence de la mention manuscrite de larticle1326 du code civil, et a donc assimil cet engagement un cautionnement, par un arrt du 13dcembre200513. Pourtant, le porte-fort ne sengage pas payer le dette du dbiteur. Il promet seulement au crancier que le dbiteur excutera son obligation. Lapplication de larticle1326 parat injustifiable.

    La conclusion qui semble simposer est que le porte-fort dexcution nest ni un cautionnement ni une garantie autonome. Il nest ni accessoire ni autonome. Cest donc quil existe une troisime sorte de garanties personnelles, qui a pour objet lindemnisation du prjudice prouv par le crancier du fait de linexcution de lobligation du dbiteur. Ce trait, le porte-fort dexcution le partage avec les lettres dintention, dont lune des variantes rvle une troite parent, prcisment, avec le porte-fort dexcution. Or, curieusement, pour les lettres dintention, on ne sest gure interrog sur le point de savoir si elles sont accessoires ou autonomes (sauf dans lhypothse, prcisment, o elles mritaient dtre requalifies en cautionnements). Ces garanties peuvent tre qualifies dindemnitaires, puisque leur objet, comme lindique larticle1120 pour le porte-fort, est lindemnisation du crancier.

    Pour terminer sur ce point, je voudrais exprimer ma conviction que le porte-fort dexcution na pas, en droit franais, la place quil mriterait. Car autant le cautionnement est la sret naturelle des dettes de somme dargent, autant il sarticule mal sur les obligations de faire. Au contraire, pour ces dernires, cest le porte-fort dexcution qui est la garantie la plus approprie et la plus juste. Car si lobligation principale est de faire, la prtendue caution ne paiera pas la dette du dbiteur; elle nexcutera pas lobligation sa place; elle sera appele indemniser le crancier. La garantie sera indemnitaire. Ainsi, toutes les garanties dobligations de faire, notamment les garanties dachvement ou de livraison, qui ont soulev tant de difficults, correspondent bien davantage la figure du porte-fort dexcution qu celle du cautionnement ou dune hypothtique garantie autonome.

    De ce panorama, il ressort que le caractre accessoire est bien lapanage du cautionnement, et, dans lventail des garanties personnelles, du seul cautionnement (car tel est le cas aussi, dans le registre des srets relles, de lhypothque). Tout engagement dun tiers de payer la propre dette du dbiteur est un cautionnement. A contrario, tout engagement dun tiers garant qui na pas cet objet nest pas un cautionnement, mais sans pour autant tre ncessairement une garantie autonome.

    Encore faut-il, prsent, mesurer la porte de ce caractre accessoire, constitutif du critre distinctif du cautionnement.

    10 Com., 21 dcembre 1987, pourvoi no85-13.173 Bull. 1987, IV, no281, JCP 1988, d.G, II, 21113, conclusions Montanier; D. 1989, p. 112, note Brill; Revue des socits 1988, p. 101, obs. Synvet.

    11 Soc., 3 mai 2012, pourvoi no11-10.501, Bull. 2012, V, no130; RDC 2012, p. 1205, obs. Deshayes, et p. 1221, obs. Mazeaud.12 1re Civ., 25 janvier 2005, pourvoi no01-15.926, Bull. 2005, I, no43, Defrnois 2005, art. 38166, p.908, obs. Honorat; Droit et

    patrimoine, octobre 2005, p. 104, obs. Stoffel-Munck; RTD civ. 2005, p. 391, obs. Mestre et Fages.13 Com., 13 dcembre 2005, pourvoi no03-12.217, Bull. 2005, IV, no256, JCP 2006, d.G, II, 10021, note Simler; JCP 2006, d.E,

    1342, note Grosser. Dans le mme sens, plus explicitement encore, Com., 18 dcembre 2007, pourvoi no05-14.328, Juris-Data no042117, JCP 2008, d.G, I, Chron. 152, no13, obs. Simler; Banque et droit, mars-avril 2008, p. 43, obs. Rontchevsky.

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    II. - Lecaractre accessoire et lopposabilit des exceptions

    Si, comme dit prcdemment, toute sret parat devoir, dune certaine manire, tre laccessoire dune obligation garantir, laccessorit du cautionnement est dune intensit tout fait particulire. Elle exprime une interdpendance troite et permanente de lobligation de la caution par rapport celle du dbiteur, puisque cest cette dette mme que la caution sest engage payer: la mme dette incombe deux obligs, lun titre principal, lautre titre de garantie, donc titre subsidiaire. Il est donc logique que lobligation de la caution pouse parfaitement les limites de celle du dbiteur ou, plus prcisment, quelle soit strictement enferme dans ces limites, puisquelle peut tre de montant ou de dure infrieurs. Cette troite dpendance postule ou postulerait que la caution poursuivie puisse opposer au crancier toutes les exceptions que le dbiteur principal aurait pu lui-mme opposer.

    Pourtant, les textes du code civil sont cet gard un peu incohrents, certaines dispositions paraissant en contredire dautres. Si le principe du caractre accessoire a prvalu pendant prs de deux sicles (A), une direction oppose a t trs rcemment, mais trs rsolument, prise par la jurisprudence (B).

    A. - Lincohrence des textes et la primaut traditionnelle du caractre accessoire

    Lecaractre accessoire, unanimement proclam depuis 1804 comme tant le signe distinctif du cautionnement, rsulte de plusieurs dispositions bien connues. Ainsi, le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable(article2289, alina premier). Il ne peut excder ce qui est d par le dbiteur, ni tre contract sous des conditions plus onreuses (article2290, alina premier). Si la prorogation du terme ne peut tre impose la caution, celle-ci peut en revanche lopposer au crancier (article2316). Dautres dispositions encore, relatives dautres questions, en tirent des consquences particulires: la remise de dette faite au dbiteur principal libre la caution (article1287). La compensation de ce que le dbiteur peut devoir au crancier peut tre oppose celui-ci par la caution (article1294). Lexigibilit du cautionnement est toujours subordonne celle de lobligation garantie Toutes ces solutions ne sont que des illustrations du caractre accessoire. Leur gnralisation se traduirait par un principe dopposabilit de toutes les exceptions que le dbiteur aurait pu opposer au crancier.

    Et pourtant, deux malencontreuses dispositions du code civil nous disent le contraire. La premire est larticle2289, dont le premier alina, dj cit, dispose quon ne peut cautionner quune obligation valable, mais dont le second ajoute qu on peut nanmoins cautionner une obligation, encore quelle pt tre annule par une exception purement personnelle loblig, par exemple, dans le cas de minorit. La seconde, plus catgorique, est larticle2313, aux termes duquel la caution peut opposer au crancier toutes les exceptions qui appartiennent au dbiteur principal, et qui sont inhrentes la dette. Mais elle ne peut opposer lesexceptions qui sont personnelles au dbiteur.

    Lepremier de ces deux textes na rellement embarrass ni la doctrine ni la jurisprudence. Il a t librement interprt comme ne visant que lhypothse de lincapacit, le lgislateur ayant voulu que lincapable, en particulier le mineur proche de sa majorit, puisse tre efficacement cautionn14. De cette utile rgle, il a t dduit que ce cautionnement tait en ralit, tant que durait lincapacit, autre chose et plus quun cautionnement: il sapparente fortement une promesse de porte-fort de ratification.

    La seconde rgle est plus embarrassante. Si la caution ne peut opposer les exceptions personnelles au dbiteur, cela signifie forcment quelle peut tre tenue alors que le dbiteur ne lest pas, ce qui contredit directement le principe formul par larticle2290, selon lequel le cautionnement ne peut excder ce qui est d par le dbiteur, ni tre contract sous des conditions plus onreuses, dont il dcoule logiquement que la caution ne peut tre tenue si le dbiteur ne lest pas.

    Il y a l un indniable dfaut de cohrence dans le dispositif. Mais il parat possible daffirmer que la lettre de ces textes a dpass les intentions de leurs auteurs. Les travaux prparatoires du code, trs peu diserts sur la question, rvlent tout de mme, dune part, quils nont clairement voulu droger au caractre accessoire que pour le seul cas dincapacit, et que la caution devait pouvoir, au contraire, opposer au crancier le vice du consentement du dbiteur, exception personnelle par excellence. Ainsi Treilhard, tout en affirmant que la caution na pas le droit dopposer une exception qui serait purement personnelle au dbiteur, ajoutait immdiatement: mais elle peut semparer de toute dfense qui ferait tomber lobligation, telle que celles du dol ou de la violence15. Et telles sont, en dehors de lincapacit, les seules hypothses dexception personnelle au dbiteur envisages dans les travaux prparatoires. Plus prcisment, il en est une autre quils ont mentionne, mais pour permettre expressment la caution de sen prvaloir: cest la compensation (article1294 prcit). Lefait que le dbiteur soit devenu crancier de son crancier est indniablement aussi une exception personnelle.

    Pendant prs de deux sicles, cest le principe du caractre accessoire qui la emport, tant en doctrine quen jurisprudence, celle-ci tant toutefois assez peu fournie. Lexplosion du recours au cautionnement depuis quelques dcennies a fait resurgir le problme. Les juges nont pas hsit recourir des artifices pour faire prvaloir laccessorit. Ainsi, lorsquest apparue, en 1985, la cause nouvelle dextinction des crances pour dfaut de dclaration la procdure collective du dbiteur, ils nont pas hsit en faire bnficier dinnombrables cautions, en la qualifiant dexception inhrente la dette, alors quen mme temps son bnfice a t refus aux codbiteurs solidaires au motif que cette exception est personnelle au dbiteur soumis la procdure. On imagine difficilement quune mme cause dextinction puisse tre inhrente la dette pour la caution et personnelle pour un codbiteur (encore que cette ide ait t soutenue en doctrine). De mme, divers arrts ont permis la caution dinvoquer un vice du consentement du dbiteur. Tel a encore t le cas dun arrt de la troisime chambre civile

    14 Sur les origines romaines du texte et sur sa perception dans lancien droit et encore aux XIXe et XXe sicles, v.A.Schneider, Des exceptions que la caution peut opposer au crancier, JCP 2002, d. G, Doctr. 121, spcialement no4 16.

    15 Fenet, t. XV, p. 45.

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    du 11mai200516. Une jurisprudence abondante concerne diverses fautes commises par le crancier envers le dbiteur et invoques par la caution: octroi excessif de crdit ayant contribu sa perte ou, au contraire, rupture abusive du crdit

    Mais voil que, le 8juin2007, un arrt rendu en chambre mixte par la Cour de cassation a au contraire jug, faisant une application littrale de larticle2313, alina2, que la caution ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au dbiteur principal et quelle ntait donc pas recevable, en lespce, invoquer la nullit relative tire du dol affectant le consentement du dbiteur principal et qui, destine protger ce dernier, constituait une exception purement personnelle17.

    Deux sujets dtonnement propos de cet arrt, lun en droit, lautre en fait. Tant le conseiller rapporteur que lavocat gnral ont invit la chambre mixte se prononcer en ce sens, en se rfrant une abondante jurisprudence, prsente comme quasiment constante. Or, sur les quinze ou seize arrts mentionns, deux seulement avaient refus une caution le bnfice dune exception, mais sans se fonder sur larticle231318. Les autres se rapportent pour la plupart la question trs diffrente du dol dont le dbiteur a t lauteur, et non la victime19.

    Lesecond sujet dtonnement rside dans liniquit de la solution: en lespce, cest bien la caution qui, en sa qualit de grant de la socit dbitrice, dans lintervalle dissoute, avait t trompe par le crancier; ce dernier se trouve absous de sa malhonntet, pendant que la caution victime est condamne payer la dette, sans aucune possibilit de recours, en lespce.

    Une autre jurisprudence, contemporaine, suscite pareillement ltonnement. Sans se rfrer larticle2313, mais dans le mme esprit, la chambre commerciale de la haute juridiction avait jug, quelques jours plus tt, que la renonciation par le crancier au droit dagir en paiement contre le dbiteur principal nemporte pas extinction de lobligation principale ni du recours de la caution contre ce dbiteur, de sorte que la clause prcite ne fait pas obstacle aux poursuites du crancier contre la caution solidaire20. Cette solution me parat en contradiction vidente avec lide que la caution ne peut tre tenue si le dbiteur principal ne lest pas et avec la rgle selon laquelle le cautionnement ne peut[] tre contract sous des conditions plus onreuses que lobligation principale (article2290 prcit). Cette solution est particulirement saisissante: elle fait de la caution le dbiteur principal, qui reste seul tenu envers le crancier, alors que celui qui tait le dbiteur garanti devient, en quelque sorte, la caution de la caution: tonnant renversement des rles.

    Or, progressivement, cette inopposabilit des exceptions personnelles, solennellement affirm le 8juin2007, sest tendue, comme tache dhuile, dautres exceptions quantrieurement une jurisprudence constante permettait la caution dopposer au crancieret dont on dcouvre quelles sont personnelles au dbiteur:

    - la rupture abusive du crdit21 et, inversement, loctroi excessif de crdit22, alors pourtant que la Cour de cassation affirme solennellement par ailleurs quun tiers peut invoquer sur le fondement de la responsabilit dlictuelle un manquement contractuel qui lui cause un prjudice23. Cela signifierait, en somme, que tout tiers quelconque peut invoquer un tel manquement contractuel sil en prouve un prjudice, mais non la caution. On a du mal comprendre;

    - labsence de cause, dont on a fini par admettre, aprs bien des hsitations, quelle tait constitutive dune nullit relative, donc dune exception personnelle24;

    - loctroi de dlais de paiement25;

    - enfin, en dernier lieu, mme le dfaut de dclaration de la crance, qui avait si souvent bnfici des cautions, a t qualifi exception personnelle26. Il faut ajouter, il est vrai, que, le dfaut de dclaration ntant plus une cause dextinction, ce revirement est sans grande porte, et que le changement se trouve attnu par la possibilit ouverte la caution, par larrt du 12juillet2011, de se prvaloir, dans ce cas, du bnfice de cession dactions

    16 3e Civ., 11 mai 2005, pourvoi no03-17.682, Bull. 2005, III, no101, JCP 2005, d.G, IV, 2422; Revue de droit bancaire et financier, 2005, comm. no126, obs. Legeais; RTD civ. 2005, p. 590, obs. Mestre et Fages.

    17 D.2007, Act. p.1782, obs. Avena-Robardet; D.2007, p.2201, note Houtcieff; JCP 2007, d.G. II, 10138, note Simler, et JCP2007, d.N, 1286, note Piedelivre; Revue de droit bancaire et financier, juillet-aot 2007, no145, obs. Cerles; RTD civ. 2008, p.331, obs. Crocq; Contrat, concurrence, consommation, novembre 2007, no269, obs. Leveneur.

    18 1re Civ., 20 janvier. 1998: Juris-Data no000330, qui refuse une caution le droit de se prvaloir de la nullit dune cession de droits sociaux par un poux commun en biens en violation de larticle1424 du code civil; 1re Civ., 15 dcembre 1999, Juris-Data no004579, qui fonde le refus sur la considration que seule la victime dun vice du consentement pouvait sen prvaloir.

    19 Trs diffrente, car elle concerne le rapport caution-dbiteur et naffecte ni le contrat de base entre dbiteur et crancier, ni le contrat de cautionnement entre caution et crancier. Elle est ds lors sans rapport aucun avec le caractre accessoire du cautionnement, de sorte quil ne parat pas possible den dduire une autonomie du contrat de cautionnement par rapport au contrat principal. Au surplus, et mme si lon nest pas pleinement convaincu par la solution, on peut justifier que le crancier, tranger au rapport caution-dbiteur, ne puisse se voir opposer le dol dont le dbiteur sest rendu coupable envers la caution.

    20 Com., 22 mai 2007, pourvoi no06-12.196, Bull. 2007, I, no136, D. 2007, p. 1999, note Deshayes ; JCP 2007, d. G, I, 212, no8, obs. Simler ; Banque et droit, septembre-octobre 2007, p. 67, obs. Rontchevsky ; RTD com. p. 333, obs. Crocq. Dans le mme sens, Com., 22 novembre 2007, Juris-Data no041657.

    21 Com., 22 septembre 2009, Juris-Data no049597, JCP 2009, d.G, Chron. 492, no8, obs. Simler; Revue de droit bancaire et financier, novembre-dcembre 2009, no192, obs. Legeais; CA Montpellier, 4 janvier 2011, Juris-Data no002986. Mais contra, Com., 30 mars 2010, Juris-Data no002987, Revue de droit bancaire et financier, juillet-aot 2010, no183, obs. Legeais.

    22 CA Metz, 24 mai 2007, Juris-Data no344383; CA Douai, 13 novembre 2008, Juris-Data no007383.23 Assemble plnire, 6 octobre 2006, pourvoi no05-13.255, Bull. 2006, Ass. pln., no9, D. 2006, p. 2825, note Viney, D. 2007, Pan.

    p. 2900, obs. Jourdain, et p. 2976, obs. Fauvarque-Cosson; RTD civ. 2007, p. 115, obs. Mestre et Fages, et p. 123, obs. Jourdain; Com., 6 septembre 2011, pourvoi no10-11.975, Bull. 2001, IV, no126, D. 2011, Act. p. 2196, obs. Delpech.

    24 CA Douai, 18 novembre 2010, Juris-Data no025388, JCP 2011, d.G, Chron. 770, no5, obs. Simler; Revue de droit bancaire et financier, 2011, no52, obs. Legeais.

    25 CA Paris, 12 fvrier 2009, Juris-Data no001796, JCP 2009, d.G, ibid.26 Com., 12 juillet 2011, pourvoi no09-71.113, Bull. 2001, IV, no118, Juris-Data no014300, D. 2011, Act. p. 1894, obs. Lienhard;

    JCP2011, d.G, no35, 901, note Dissaux; JCP 2011, d.E, 384; Revue de droit bancaire et financier, septembre-octobre 2011, no162, obs. Cerles. Dans le mme sens, CA Toulouse, 23 juin 2009, Juris-Data no006960, JCP 2009, d.G, ibid.

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    de larticle2314, lui permettant dtre dcharge concurrence du prjudice subi, cest--dire du dividende quelle aurait pu percevoir par voie de subrogation si la crance avait t dclare, ce qui est une innovation, car elle repose sur une interprtation particulirement comprhensive de la notion de droit prfrentiel perdu.

    Cet inventaire des exceptions personnelles susceptibles dtre refuses la caution nest pas exhaustif. Un jour o lautre, lexception dinexcution et laction rsolutoire, dont personne ne doutait jusque-l que la caution puisse sen prvaloir, seront sans doute considres comme des exceptions personnelles au dbiteur. Cest bien ce dernier et lui seul qui est victime, le cas chant, de linexcution.

    Reste tout de mme la compensation, dont le bnfice ne pourra pas tre refus la caution, puisque la loi le lui accorde expressment. Mais pourquoi la compensation et non les autres exceptions personnelles? Voil une autre incohrence.

    Cette volution de la jurisprudence - pour ne pas dire cette rvolution - modifie profondment le paysage du cautionnement et remet lourdement en cause son caractre accessoire. Concrtement, la situation de la caution se trouve de facto aligne sur celle du codbiteur principal, qui, prcisment, ne peut opposer les mmes exceptions, alors que lopposabilit des exceptions constituait la principale diffrence entre eux. Dans le cas de la remise des poursuites, elle devient mme le seul dbiteur tenu envers le crancier. Je voudrais simplement mentionner au passage que le groupe de travail qui a rdig le projet avort de rforme du cautionnement na pas hsit un seul instant formuler la rgle que la caution peut opposer au crancier toutes les exceptions appartenant au dbiteur.

    Cette jurisprudence nouvelle est, au surplus, contre-courant. Levent dominant, ces dernires annes, est la surabondance des mesures protectrices de la caution: obligations dinformations multiples et varies, mise en garde, proportionnalit, sans oublier les abominables mentions manuscrites inscrites dans le code de la consommation en 1989 et reproduites lidentique, champ dapplication mis part, en 2003, en dpit de la dnonciation des nombreuses malfaons dont elles souffraient et qui contraignent la Cour de cassation soccuper de virgules et demplacement de signatures. Protection maximale dun ct, remise en cause lourde de la protection que reprsentait lopposabilit des exceptions de lautre!

    Certains stonneront peut-tre quil nait pas t question dans ces propos du droit des procdures collectives, souvent prsent comme une atteinte majeure au caractre accessoire du cautionnement, puisque la caution doit faire face son engagement, pendant que le dbiteur est plus ou moins largement dcharg. mon sens, il ny a l aucune atteinte au caractre accessoire. La caution sest oblige payer en cas de dfaillance du dbiteur: telle est la dfinition mme du cautionnement. Ce qui participe de la dfinition mme dun procd ne peut pas tre dans le mme temps une atteinte son caractre distinctif. Aujourdhui, le droit des procdures collectives protge bien au contraire la caution, si elle est une personne physique, au-del de ce que postulerait le caractre accessoire: elle bnficie de larrt des poursuites et, dans une certaine mesure, des dlais et remises obtenus par le dbiteur dfaillant, ainsi que de lensemble des mesures adoptes amiablement: rglement amiable et procdure de conciliation, alors quil sagit aussi dun constat de dfaillance. Javais t assez convaincu par larrt rendu par la premire chambre civile le 13novembre1996, qui avait jug, dans une hypothse de surendettement, que malgr leur caractre volontaire, les mesures consenties par les cranciers dans le plan conventionnel de rglement prvu par larticleL.331-6 du code de la consommation ne constituent pas, eu gard la finalit dun tel plan, une remise de dette au sens de larticle1287 du code civil, donc que ces remises ne devaient pas bnficier aux cautions27. Mais cette solution est sans doute obsolte: la chambre commerciale a statu en sens contraire le 5mai2004, propos dun rglement amiable dune entreprise28. Au surplus, lordonnance du 18dcembre2008 a inscrit la mme solution dans larticleL.611-10-2 du code de commerce: Les personnes coobliges ou ayant consenti une sret personnelle ou ayant affect ou cd un bien en garantie peuvent se prvaloir de laccord constat ou homologu.

    En revanche, et pour en revenir un instant lautonomie, ce dernier texte et quelques autres portent lvidence atteinte lautonomie des garanties ponymes, en leur appliquant les mmes solutions quau cautionnement. Mais il sagit l de mesures de politique lgislative, comme en atteste aussi la discrimination entre personnes physiques et morales, mais qui, me semble-t-il, ne relve pas de lordre du jour du prsent colloque.

    27 Com., 13 novembre 1996, pourvoi no94-12.856,Bull. 1996, IV, no401; JCP 1997, d.G, II, 22790, note Mury, et E. 1997, II, 903, note Legeais; D. 1997, p. 141, concl. - en sens contraire - Sainte-Rose, note Moussa; RTD civ. 1997, p. 190, obs. Crocq; RTD com. 1997, p. 142, obs. Paisant.

    28 Com., 5 mai 2004, pourvoi n01-03.873, Bull. 2004, IV, no84; JCP 2004, d.G, I, Chron. 188, no8, obs. Simler; D. 2004, Act. p.1594, obs. Lienhard; RTD civ. 2004, p. 534, obs. Crocq; RTD civ. 2004, p. 594, obs. Legeais.

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    M.le premier avocat gnral LeMesle: introduction lintervention de Mmelavocat gnral Bonhomme

    On peut lire au Recueil Dalloz, propos de larrt rendu par la chambre commerciale le 16octobre2012 qui a permis de faire le point sur plusieurs des solutions retenues propos du formalisme des articlesL.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, sous la signature Avena-Robardet: le scnario se rpte invariablement. Au moment o on les somme de payer, les cautions prtendent que leur engagement est nul et quelles ne doivent rien. Lelgislateur, il est vrai, les y a encourages en exigeant, pour nombre dentre elles, quelles apposent peine de nullit la mention de larticleL.341-2 du code de la consommation, et uniquement celle-ci. la moindre virgule manquante ou ajoute, les cautions reprennent espoir et tentent leur chance auprs des juges du fond.

    Alors tout cela nest-il pas une sorte de jeu de hasard? De loterie? Dont lenjeu ne serait pas de gagner, mais dviter de perdre?

    coup sr conscientes de la situation et des risques de drives, il me semble que les deux chambres concernes de la Cour de cassation (premire chambre civile et chambre commerciale), avec une cohrence qui mrite dtre souligne, ont su appliquer la loi (comment leur demander autre chose?) tout en vitant, autant que faire se peut, que cette application ne conduise lexcs, cest--dire ne sombre dans le ridicule.

    Il y a, entre la rcriture dans des termes diffrents, qui doit bien sr entraner la nullit de lengagement, mme si lon dit la mme chose, voire mme si on le dit mieux que le lgislateur lui-mme (ainsi, Com., 28avril2009, pourvoi no08-11.616, Bull.2009, IV, no56;1reCiv., 9juillet2009, pourvoi no08-15.910, Bull.2009, I, no173, et Com., 5avril2011, pourvoi no09-14.358, Bull.2011, IV, no55), et la simple erreur matrielle qui ne dcharge pas la caution (Com., 5avril2011, prcit), toute une gamme de situations dont va maintenant nous entretenir Mmelavocat gnral Bonhomme. Avec toujours cette question en filigrane quand on parle du formalisme de protection: est-ce efficace?

    Autrement dit, arrive-t-il que le copiage studieux et lidentique de formules, qui, pour tre sacramentelles, nen demeurent pas moins un peu obscures pour un public non initi, dissuade rellement de potentielles cautions de sengager en raison dune prise de conscience provoque par la mention (dautant que, lorsque lon sapplique recopier, parfois laborieusement, on ne pense pas ncessairement ce que lon est en train dcrire; on se concentre sur lcriture, lorthographe ventuellement, mais sur le sens?)? Je confesse ne pas le savoir, mais en douter un peu. Un effet daubaine, certainement, une prise de conscience, je nen suis pas certain.

    Une certitude toutefois, avant de laisser la parole MmeBonhomme. Il sera difficile au lgislateur daller plus loin dans la protection des cautions. Sauf peut-tre sinspirer des slogans utiliss pour lutter contre les excs de la consommation dalcool ou de tabac. Et sans bien sr envisager un se porter caution tue, qui serait de mauvais got, on pourrait imaginer un labus de caution est dangereux, ce qui ne serait finalement pas si faux que cela et pourrait frapper les esprits.

    2. - La constitution du cautionnement

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    La constitution du cautionnement1

    La constitution du cautionnement, une source inpuisable de contentieux Il ne se passe gure une semaine (entre toutes les chambres) sans que la Cour de cassation ne soit saisie dune question nouvelle, ou rcurrente, sur la rgularit dun cautionnement. Quelle sappuie sur le droit commun ou sur les droits spciaux, elle rpond sans relche lobsessionnel souci de protection de la caution; car caution rime avec protection. Lecautionnement a ceci dextraordinaire quil est quasiment le seul contrat dans lequel loblig a lespoir, voire lobjectif, de ne jamais excuter son engagement.1

    la chambre commerciale, les dossiers sont classs dans une rubrique cautionnement dans la vie des affaires, et lon aurait pu croire que le cautionnement de la vie des affaires prsentait une spcificit commerciale, professionnelle; mais si cette affirmation fut vraie lorsque, par exemple, le dirigeant caution du dbiteur, personne morale, connaissait un sort particulier, justifi par la situation privilgie quil occupait dans sa socit, elle est aujourdhui dmentie par la contagion consumriste, tort ou raison, auquel le cautionnement dans la vie des affaires nchappe plus. tort ou raison: le but est louable, comme presque toujours quand le lgislateur ajoute une strate supplmentaire une lgislation dj bien foisonnante; le cautionnement est un engagement dangereux et souvent mal compris par les cautions elles-mmes; cette indissociabilit protection/caution nest pas superflue; en revanche, le traitement en est trs maladroit et sa diffusion dans de pures relations daffaires, comme entre le dirigeant-caution et la banque de sa socit, au seul motif que le premier est une personne physique et la seconde un professionnel, est probablement bien inopportune.

    Leformalisme consumriste exagr a, ne loublions pas, de nombreux effets pervers,dont nest pas le moindre lencouragement une exploitation malhonnte par la caution la plus avertie. Et son influence est sans limite, puisquelle atteint mme les effets de commerce, fief premier du droit commercial Certes, le droit cambiaire de laval est sauf et reste tranger au code de la consommation2; mais le sauvetage de laval sur leffet incomplet, qui na pas valeur cambiaire et qui tait trait comme un commencement de preuve par crit dun cautionnement de droit commun, a trouv sa condamnation dans lexigence de la solennit consumriste3.

    Mon propos, dont le temps est compt, se limitera un morceau choisi dans la constitution du cautionnement, et le morceau de choix, dans le contrat, cest le consentement, fondement du contrat, car - on a tendance loublier- le cautionnement est un contrat qui rpond aux conditions de formation de nimporte quel contrat, capacit des parties, objet et cause licites4, obissant au droit commun, mis part deux ou trois spcificits relatives, notamment, lincapacit du signataire (article509 du code civil) ou son statut dpoux (larticle1415)5, que je naurai pas le loisir de dvelopper, comme jomettrai sciemment les questions propres aux cautions personnes morales, relevant soit dun texte spcifique (SA et SARL), soit de lexigence, rcente et contestable, au-del du consentement unanime des associs, dune conformit lintrt social lorsque le cautionnement est consenti par une SCI ou une SCN6.

    Au commencement tait le consentement, et le consentement tait au cur du cautionnement

    Puis vint le temps de la mention manuscrite, et la mention supplanta le consentement.

    I. - Lorsque le consentement tait au cur du cautionnement

    Il fut un temps, qui sloigne, o le consentement crait lui seul le cautionnement: le cautionnement tait un contrat consensuel, en dpit des termes de larticle2292 du code civil (avatar de larticle2015), selon lequel il ne se prsume point et doit tre exprs; la caution a t longtemps considre comme un contractant ordinaire7.

    Tout a bascul avec, dabord, lexplosion du crdit, puis la Berezina (certes temporaire) des srets relles8.

    1 La forme orale de la communication a t conserveainsi que la seule mention des arrts significatifs en la matire, sans leurs commentaires doctrinaux.

    2 Le crancier nest pas tenu dinformer spcifiquement laval de la rigueur de son engagement cambiaire et de ses consquences: Com., 16 juin 2009, pourvoi no08-15.585. Il ne doit pas davantage respecter lobligation dinformation annuelle de la caution: Mais attendu que laval qui garantit le paiement dun titre cambiaire ne constitue pas le cautionnement dun concours financier accord par un tablissement de crdit une entreprise; que la cour dappel en a exactement dduit que M. X, en sa qualit davaliste, ne pouvait pas se prvaloir des dispositions de larticleL.313-22 du code montaire et financier, selon Com., 16 juin 2009, no08-14.532, Bull. 2009, IV, no79. Par ailleurs, Com., 1er juin 1999, pourvoi no96-18.466, Bull. 1999, IV, no115, avait dj nonc que larrt de la cour dappel avait retenu bon droit quaucune information nincombait la banque envers lavaliste en consquence du non-paiement de leffet. Enfin, lavaliste ne peut engager la responsabilit de la banque, bnficiaire du titre cambiaire, qui lui a fait souscrire son engagement sans mise en garde ou sans respecter larticleL. 341-4 du code de la consommation et la proportionnalit: Com., 16 juin 2009, pourvoi no08-15.585 (F-D), et Com., 30 octobre 2012, pourvoi no11-23.519, Bull. 2012, IV, no195.

    3 Com., 5 juin 2012, pourvoi no11-19.627, Bull. 2012, IV, no113.4 Dans le cautionnement, la cause objective est la considration de lengagement (crdit ou autre avantage) pris par le crancier en

    faveur du dbiteur principal, sous condition de la fourniture dune caution. 5 Com., 5 fvrier 2013, pourvoi no11-18.644, Bull. 2013, IV, no22, rappelle que si les deux poux se portent caution de la mme dette

    (en termes identiques sur le mme acte de prt), larticle1415 ne sapplique pas et la proportionnalit sapprcie au regard tant des biens propres que des communs. Dans le mme sens que 1re Civ., 13 octobre 1999, pourvoi no96-19.126, Bull. 1999, I, no273.

    6 Contestable, en effet, de multiples titres, notamment parce quelle traduit une immixtion inutile et inopportune dans les affaires (prives) des associs (gnralement en trs petit nombre), qui se voient ainsi, sans aucune ncessit de protger une minorit, privs de la disposition de limmeuble quils ont affect la SCI pour la mettre labri de lexploitation commercialeet privs du droit de changer davis! Pour les dcisions les plus remarquables, on se rfrera Com., 28 mars 2000, pourvoi no96-19.260, Bull.2000, IV, no69; Com., 18 mars 2003, pourvoi no00-20.041, Bull. 2003, I, no46; Com., 3 juin 2008, pourvoi no07-11.785; Com., 8novembre 2011, pourvoi no10-24.438; Com., 28 juin 2012, pourvoi no10-28.255; 2e Civ., 13 mars 2008, pourvoi no06-16.077; 3e Civ., 12 septembre 2012, pourvoi no11-17.948, Bull. 2012, III, no121, qui se rallie lexigence de lintrt social. Contra, 1re Civ., 8 novembre 2007, pourvoi no04-17.893, Bull. 2007, I, no345, selon lequel le cautionnement donn par une socit est valable sil entre directement dans son objet social ou sil existe une communaut dintrts entre cette socit et la personne cautionne, ou encore sil rsulte du consentement unanime des associs.

    7 Dominique Legeais, Droit des srets, Manuel LGDJ, 8e d.8 dans la loi du 25 janvier 1985 sur le redressement et la liquidation judiciaires,qui a, peu ou prou, sacrifi les srets rellesjusqu

    un rtablissement modr de leur efficacit en 1994; les cranciers, et plus spcifiquement les financeurs de lentreprise, se sont alors tourns vers les tiers in bonis pour recueillir leur engagement, un engagement a priori labri de la faillite du dbiteur principal.

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    De multiples voies ont alors t empruntes par la caution, a posteriori, pour se protger, avec laide de la justice. Lappel au consentement libre et clair fut privilgi, avant que le lgislateur ne sen empare pour le renforcer a priori.

    La justice des annes 1980 et 1990 avait mis au point lannulation du cautionnement via les vices du consentement, un moyen quavaient trouv les cautions pour sortir dun engagement disproportionn, avant que la disproportion ne prenne son autonomie. La jurisprudence est bien connue sur lerreur, le dol ou la violence; la dernire est rarement admise9.

    1. - La jurisprudence nous offre un florilge derreurs, et a pu dire quelles erreurs taient acceptables, celle qui confond cautionnement et engagement moral, qui se trompe sur lexistence ou lefficacit des srets relles10, et quelles erreurs ne ltaient pas, comme lerreur sur la solvabilit du dbiteur, sauf si la caution en a fait la condition dterminante de son consentement, avec les dangers que prsente cette nuance tant les cautions esprent toujours secrtement que le dbiteur restera solvable11.

    Mais lerreur a des limites, limites issues de clauses de style sur ses connaissances prsumes de la situation financire du dbiteur, limite de son obligation de se renseigner, limites auxquelles chappe le dol (article1116 du code civil), parce que le dol est une erreur provoque par le cocontractant en vue dobtenir le consentement de la caution.

    2. - La Cour de cassation transpose la caution les critres du dol: il doit tre issu du cocontractant, le crancier et non le dbiteur qui dissimulerait ses propres difficults, sauf leur complicit12. Ledol subi par la caution est souvent passif, cest le silence dolosif conserv sciemment par le crancier propos de la situation irrmdiablement compromise du dbiteur principal qui marque une violation de lobligation de loyaut lors de la conclusion du contrat; les juges du fond doivent vrifier que linformation tait connue du crancier et quil la dissimule dans un but bien prcis, celui dobtenir laccord de la caution13.

    Bien entendu, il sest toujours agi de protger les cautions profanes, celles que nous appellerions aujourdhui non averties, excluant les dirigeants, qui ne pourraient prtendre ignorer ltat des finances de leur socit; mais la souplesse est de rgle, et les juges du fond ont toujours pu tenir compte de circonstances exceptionnelles pour protger un dirigeant profane, inexpriment.

    Ledol subi par le dbiteur principal ne pourra, en revanche, tre invoqu par la caution, car il sagit dune exception qui, par son intime attache lesprit du dbiteur, ne peut tre considre comme inhrente au lien dobligation14. Un vritable progrs serait de ne plus faire de diffrence entre les exceptions personnelles au dbiteur et les exceptions inhrentes la dette.

    Lecontentieux du dol de la caution a volu de faon inversement proportionnelle celui relatif la mention manuscrite: quand le second a pris de lampleur, le premier sest sensiblement rduit, et il ny a plus grande innovation en attendre. Mais, en dpit du dveloppement de lobligation de mise en garde, le dol a conserv une actualitet demeure un recours efficace, ainsi quen tmoignent quelques arrts rcents, despce, qui reprennent la formule devenue classique: attendu que le dol est une cause de nullit de la convention lorsque les manuvres pratiques par lune des parties sont telles quil est vident que, sans ces manuvres, lautre partie naurait pas contract; que la dissimulation dinformations relatives la situation du dbiteur au moment de la conclusion dun engagement de caution est susceptible de caractriser une manuvre dolosive, et reprochent une cour dappel tantt de ne pas avoir recherch la rticence dolosive, tantt de ne pas lavoir sanctionne, ou lapprouvent davoir souverainement apprci si le dol tait ou non dmontr15.

    Au commencement tait le consentement, puis vint le temps de la mention manuscrite.

    II. - Lorsque la mention manuscrite supplanta le consentement

    La voie du formalisme nest pas une innovation du lgislateur; cest la Cour de cassation (la premire chambre civile) en 1984 qui a, la premire, labor une thorie de la nullit du cautionnement non revtu dune mention manuscrite, en combinant les articlesex-2015 et 1326 du code civil (le dernier exigeant que lengagement unilatral contienne mention, de la main du dbiteur, de la somme en toutes lettres et en chiffres); elle a jug pendant quelques annes que les exigences relatives la mention manuscrite ne constituent pas de simples rgles de preuve,mais ont pour finalit la protection de la caution; lide tait bien, dj, de sassurer de la connaissance par la caution du montant dune potentielle poursuite contre elle, trop vite engage, trop facilement ruine. Mais, ds 1989, la Cour restituait sa vritable nature probatoire lexigence de la mention issue de larticle1326 appliqu au cautionnement, une solution qui, aujourdhui, ne conserne plus quun domaine trs marginal.

    9 Pour un rcent exemple: Com., 22 janvier 2013, pourvoi no11-17.954 (F-D), qui rejette le pourvoi contre larrt qui cartaitla violence morale, souverainement apprcie par les juges du fond: ceux-ci avaient estim que les appels incessants du banquier taient justifis par la volont de finaliser le cautionnement et avaient tenu compte dune absence de dtresse psychologique prouve qui aurait fragilis la caution.

    10 1re Civ., 1er juillet 1997, pourvoi no95-12.163,Bull. 1997, I, no219.11 Com., 11 janvier 1994, pourvoi no91-17.691, Bull. 1994, IV, no15; (tacitement) Com., 1er octobre 2002, pourvoi no00-13.189,

    Bull.2002, IV, no131, alors qu linverse, le crancier ne peut se prvaloir dune clause selon laquelle la caution ne ferait pas de la situation du dbiteur une condition de son engagement: 1re Civ., 13 mai 2003, pourvoi no01-11.511,Bull. 2003, I, no114.

    12 Et une admission exceptionnelle du dol des cofidejusseurs, mais seulement dans les rapports entre cofidejusseurs loccasion de lexercice de laction rcursoire: Com., 29 mai 2001, pourvoi no96-18.118, Bull. 2001, IV, no100.

    13 1re Civ., 9 juillet 2003, pourvoi no01-11.959 (F-D).14 Chambre mixte, 8 juin 2007, pourvoi no03-15.602, Bull. 2007, Ch. mixte, no5.15 Par exemple, 1re Civ., 14 fvrier 2008, no06-14.072, et 14 mai 2009, pourvoi no07-17.568 (F-D) ; Com., 18 septembre 2007, pourvoi

    no06-10.663, Bull. 2007, IV, no195, 16 mars 2010, pourvois no09 10.697 et no09-12.226, 12 janvier 2012, pourvoi no10-18.516, 10 juillet 2012, pourvoi no11 21.966 (F-D).

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    Cest alors que le lgislateur, sensible la dtresse des cautions, a trait le consentement de la caution non par la transparence de lobjet (qui pourrait passer par une information, une mise en garde, un clairage la charge du crancier), mais par la conscience du sujet, en reprenant son compte lexigence de la mention manuscrite, cette fois-ci dans lide non seulement de mettre la caution en prsence du montant de son engagement, mais encore devant son engagement mme.

    Aprs lavoir impose dans quelques circonstances contractuelles spcifiques16,la loi Dutreil du1eraot2003 a gnralis la mention manuscrite en imposant la transcription de formules dont la magie devait se produire sur la comprhension par la caution du sens de son engagement.

    Nous nen sommes plus la critique de la loi, qualifie juste titre de pitre rforme17, mais aux leons que la Cour de cassation en a tires.

    Les nombreuses questions qui restaient en suspens (en dpit dune prcision redoutable du texte qui tantt sert tantt dessert la caution, de faon alatoire), et qui avaient t mises en exergue par une doctrine toujours vigilante, nont pas manqu dtre poses la Cour de cassation. Quil sagisse des articlesL.313-7 et L.313-8 ou des articlesL.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, qui sont la reproduction fidle des prcdents, les problmes ont surgi dans les mmes termes; jen ai slectionn quelques-uns18.

    1. - La dlimitation du domaine de la loi

    La reproduction manuscrite de la ou des mentions issues des textes susviss est une condition de validit du cautionnement souscrit par:

    - des cautions personnes physiques: toutes, averties ou non, dirigeants ou non de la socit dbitrice: la rponse donne propos de lexigence de proportionnalit19 devait ltre dans les mmes termes propos de la mention manuscrite par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 10janvier201220, et par la premire chambre civile le 8mars2012, cartant toute distinction selon la qualit de la caution, associ ou grant de la socit dbitrice;

    - concluant avec un crancier professionnel,qui fut galement entendu au sens large, ainsi que le suggrait notamment le doyen Simler, comme le professionnel crancier plutt que le crancier professionnel, et qui est celui dont la crance est ne dans lexercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec lune de ses activits professionnelles, mme si celle-ci nest pas principale21, une solution commune aux chambres de la Cour;

    - dans un acte sous seing priv, lexclusion des actes notaris et des actes davocats, grce un texte spcifique qui nous vite, pour ces derniers, toute hsitation22.

    2. - Ledegr dimpriosit de la mention

    La loi posait une question de fond au regard de lobjectif du lgislateur. Lapprhension des mots par lcriture peut-elle ncessairement conduire la comprhension des notions? Et la reproduction fidle des vocables vaut-elle mieux que lcriture rinvente de notions assimiles? De la rponse dcoulait le parti prendre entre exiger la reproduction fidle ou privilgier le sens.

    La Cour de cassation a choisi de rpondre en prenant le lgislateur la lettre, pour juger quau-del des mots, point de salut: fond la forme, ou la lettre contre lesprit, a clam la doctrine avec humour: il est vrai que le texte laissait peu de place linnovation prtorienne, en visant la mention et uniquement celle-ci.

    La Cour a jug, le 5avril2011, que la nullit dun engagement de caution souscrit par une personne physique envers un crancier professionnel est encourue du seul fait que la mention manuscrite porte sur lengagement de caution nest pas identique aux mentions prescrites par les articlesL.341-2 et L.341-3 du code de la consommation, lexception de lhypothse dans laquelle ce dfaut didentit rsulterait derreur matrielle23. Pouvait-il en tre autrement? Certainement pas, en lespce, compte tenu des nombreuses erreurs releves par les juges; mais, dans sa grande sagesse, la Cour faisait exception en cas de simple erreur matrielle, et ce, dans lesprit de larrt plus ancien de la premire chambre civile qui faisait une concession au principe en cas de diffrence minime, quasi ngligeable. On connat tous la dcision du 9novembre2004 relative lomission de la conjonction et au milieu du texte:Mais attendu que lomission de la conjonction de coordination et entre,

    16 Caution du crdit la consommation, loi du 31 dcembre 1989, caution du bail dhabitation, loi du 6 juillet 1989.17 Par le professeur Yves Picod, Droit des srets, Thmis droit, PUF, 2011. 18 Pour mmoire: articleL. 341-2 du code de la consommation: Toute personne physique qui sengage par acte sous seing priv

    en qualit de caution envers un crancier professionnel doit, peine de nullit de son engagement, faire prcder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci: En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intrts et, le cas chant, des pnalits ou intrts de retard et pour la dure de ..., je mengage rembourser au prteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... ny satisfait pas lui-mme. Article L. 341-3 du code de la consommation: Lorsque le crancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, peine de nullit de son engagement, faire prcder sa signature de la mention manuscrite suivante: En renonant au bnfice de discussion dfini larticle2298 du code civil et en mobligeant solidairement avec X..., je mengage rembourser le crancier sans pouvoir exiger quil poursuive pralablement X....

    19 Com., 22 juin 2010, pourvoi no09-67.814, Bull. 2010, IV, no112.20 Com., 10 janvier 2012, pourvoi no10-26.630, Bull. 2012, IV, no2, et 1re Civ., 8 mars 2012, pourvoi no09-12.246, Bull. 2012, I, no53.21 1re Civ., 25 juin 2009, pourvoi no07-21.506, Bull. 2009, I, no138, et 9 juillet 2009, pourvoi no08-15.910, Bull. 2009, I, no173, faisant

    abstraction du vocable prteur utilis dans la formule, enfin, Com., 10 janvier 2012, pourvoi no10-26.630, Bull. 2012, IV, no2.22 Article 66-3-3 de la loi no71-1130 du 31 dcembre 1971, modifie par la loi no2011-331 du 28 mars 2011.23 Com., 5 avril 2011, pourvoi no09-14.358, Bull. 2011, IV, no55; mme sens, 1re Civ., 16 mai 2012, pourvoi no11-17.411: la caution

    avait crit: Aprs avoir reu toute information sur la nature et ltendue des obligations que je contracte, je soussigne Michle [suit son nom] dclare me porter caution solidaire du rglement de la somme de 51 900 euros, et, incluant principal intrts et le cas chant pnalits ou intrts de retard ce pendant la dure du prt majore de vingt-quatre mois en vertu du prt professionnel [suit un numro] de 86500 ci-dessus consenti la socit Pub roulante par le CIN. je mengage payer au CIN les sommes dues sur mes revenus et mes biens si la socit Pubroulante ny satisfait pas elle-mme en nonant au bnfice de discussion et de division vis larticle2021 du code civil et en mobligeant solidairement avec la socit Pub roulante rgler le CIN sans pouvoir exiger quil poursuive pralablement la socit Pub roulante.

    BICC 789.pdf - Octobre 2, 2013 - 18 sur 56 - BAT DILA

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    15 octobre 2013Communications

    tBulletin dinformation

    dune part, la formule dfinissant le montant et la teneur de lengagement, dautre part, celle relative la dure de celui-ci naffecte ni le sens ni la porte de la mention manuscrite prescrite par larticleL.313-7 du code de la consommation; que, ds lors, cest bon droit que la cour dappel a dcid que la sanction dicte par ce texte ntait pas encourue; la chambre commerciale reprenait, dailleurs, juste titre, cette mme concession dans un autre arrt du 5avril2011 relatif la virgule appose la place du point24.

    Ce nest donc que dans de trs rares occasions que le sens prvaudra sur le verbe: ainsi, cest la fois la quantit et la qualit des modifications qui dtermineront la solution: par exemple, remplacer la conjonction de coordination additive (et) par une virgule, omettre un point, ne changera pas le sens dun cautionnement valable, alors que remplacer la premire par une conjonction de coordination disjonctive (alternative?) (ou) pourrait tout changer! Et, en dpit des efforts de clart de la Cour, dont linterprtation est regarde commeintelligente et respectueuse, les difficults dapprciation se dplacent sur le terrain des notions derreur matrielle, de modification du sens, puisquon se refuse invoquer la comprhension. Et, ce propos, quen sera-t-il des suppressions de mots inutiles lorsquelles prennent tout leur sens dans les circonstances de lespce: ainsi celui qui se refuse cautionner les pnalits pourra-t-il en supprimer la mention? Celui qui a pour contractant un crancier et non un prteur peut-il utiliser le premier terme? La question nest ni ridicule ni superflue, puisque la troisime chambre civile a rpondu par la ngative concernant la mention relative la dure indtermine de larticle22-1 de la loi de 1989, dans le cautionnement de bail dhabitation25.

    Car la Cour doit faire face toutes sortes de personnalits:

    Leparesseux? Il a dlgu lcriture de la mention, comme les photocopies et les cafs, sa secrtaire; et, finalement, bien lui en a pris car son cautionnement est nul26!

    Ledistrait? Il oublie un mot, une ponctuation, cela ne suffira pas le librer tant que le sens est prserv.

    Leconfus? Il na jamais su distinguer le point de la virgule, les minuscules des majuscules? Son sort est li celui du distrait27. moins que distraction et confusion ne confinent la dyslexie, auquel cas il ny aurait pas reproduction exacte de la mention et nullit du cautionnement.

    Leperfectionniste? Il apporte des prcisions inattendues concernant la dsignation du dbiteur; elles ne sont pas formellement interdites, ds lors quelles ne modifient pas la formule28. Lesurabondant peut tre ignor.

    Lanalphabte? Il conteste avoir pu crire la mention, puisquil ne sait ni lire ni crire! Il oblige donc les juges du fond procder une vrification de lacte29.

    Au moins, les chambres de la Cour de cassation ont su viter des divergences, redoutes par la doctrine, pour adopter lamme rigueur et naccepter, ensemble, limperfection que lorsquelle ne prtait pas consquence.

    La marge est troite entre protger la caution et favoriser le malhonnte; en restant dans la rigueur, les juges exploitent au mieux le matriau, de trsmauvaise qualit, dont ils disposent. La Cour a mis, galement, la balle dans le camp du crancier, un professionnel, ne loublions pas, et en majorit des tablissements de crdit: lui de veiller sa propre sauvegarde; l