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ACTUALITÉS DU DROIT L'étendue de la cassation 1995-907 Table des matières 1. - L'ÉTENDUE DE LA CASSATION EN MATIÈRE CIVILE A. Le principe fondamental et son interprétation par la Cour B. La portée du moyen-notion C. Les critères qui permettent de déterminer la portée du moyen a. Un lien étroit et nécessaire entre les dispositifs ou entre les décisions b. L'un dispositif est la suite de l'autre c. L'un dispositif est la conséquence de l'autre d. Lien d'indivisibilité entre dispositifs et décisions D. L'étendue de la cassation par rapport à d'autres jugements ou arrêts E. L'étendue de la cassation et les dispositifs non distincts II. - L'ÉTENDUE DE LA CASSATION EN MATIÈRE PÉNALE A. Distinction entre la matière pénale et la matière civile B. Règles à portée générale c. Applications des règles générales D. L'étendue de la cassation et d'autres décisions E. L'étendue de la cassation et les dispositifs non distincts F. Quelques cas spéciaux III. - CONCLUSIONS E. S!ncy-Scienti. p. 908 908 912 916 917 920 922 929 932 936 941 941 941 944 949 950 951 953

L'étendue de la cassation

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ACTUALITÉS DU DROIT

L'étendue de la cassation

1995-907

Table des matières

1.- L'ÉTENDUE DE LA CASSATION EN MATIÈRE CIVILE

A. Le principe fondamental et son interprétation par la Cour

B. La portée du moyen-notion

C. Les critères qui permettent de déterminer la portée du moyen

a. Un lien étroit et nécessaire entre les dispositifs ou entre lesdécisions

b. L'un dispositif est la suite de l'autrec. L'un dispositif est la conséquence de l'autred. Lien d'indivisibilité entre dispositifs et décisions

D. L'étendue de la cassation par rapport à d'autres jugements ouarrêts

E. L'étendue de la cassation et les dispositifs non distincts

II. -L'ÉTENDUE DE LA CASSATION EN MATIÈRE PÉNALE

A. Distinction entre la matière pénale et la matière civile

B. Règles à portée générale

c. Applications des règles générales

D. L'étendue de la cassation et d'autres décisions

E. L'étendue de la cassation et les dispositifs non distincts

F. Quelques cas spéciaux

III. - CONCLUSIONS

E. S!ncy-Scienti.

p.

908

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908 - 1995ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT 1995 -909

1. Le problème de l'étendue de la cassation se présente d'une manière diffé-rente en matière civile, prise dans un sens large (droit civil, commercial,administratif, disciplinaire, fiscal) et en matière pénale. Comme nous le ver-rons dans un instant, les règles de procédure sont fort différentes. Nous devonsdonc, au départ, procéder à deux exposés distincts. Nous ferons ces exposésà l'appui de la jurisprudence de la Cour, à dater de l'année 1964,soit à présentune trentaine d'années. Mais il faut savoir que bien avant cela, dès le début dece siècle la Cour a déterminé l'étendue de la cassation. L'année 1964 procèdedonc d'un choix arbitraire.

l'impossibilité de statuer sans créer une contradiction entre sa décision et cellequi préexiste et n'aurait pas fait l'objet d'une cassation.

1. L'ÉTENDUE DE LA CASSATION EN MATIÈRE CIVILE (1)

On pourrait faire observer qu'il appartient aux parties de préciser elles-mêmesles autres dispositifs dont la cassation s'imposerait en raison de la cassationdu dispositif attaqué. Apparemment rien ne s'oppose à ce qu'il en soit ainsi,mais on ne peut perdre de vue qu'une partie ne peut demander la cassationd'un dispositif que si elle y a intérêt et si elle peut faire valoir à l'encontre dece dispositif un moyen. Or tel n'est pas toujours le cas. Nous verrons qu'il ya des cas où un pourvoi contre un dispositif n'est pas hic et nunc recevable etne pourrait donc faire l'objet d'un pourvoi, alors que ce dispositif est intime-ment lié à celui qui fait l'objet du pourvoi.

A. LE PRINCIPE FONDAMENTAL ET SON INTERPRÉTATION PAR LA COUR

C'est donc, au départ de ces considérations que nous allons procéder à l'exa-men des décisions de la Cour et nous verrons s'il existe une ou plusieursrègles qui permettent de cerner l'ensemble de la question de l'étendue de lacassation.

2. Le principe fondamental, qui domine la matière que nous avons à traiter,consiste dans la règle que le pourvoi en cassation étant une procédure extraor-dinaire, la Cour ne connaît que des moyens qui lui sont soumis par les partieset seulement à l'encontre des dispositifs qui font l'objet du pourvoi.

En d'autres mots le pourvoi est par essence limité et la Cour n'a d'autrespouvoirs que ceux qui résultent de l'initiative des parties.

C'est donc l'inverse de la règle qui prévaut en matière de voies de recoursordinaires, tel l'appel: l'appel est en principe illimité, à moins que les partiesne prennent l'initiative de le limiter.

3. La question est de savoir quelle est la portée de la cassation du dispositifattaqué?

4. Il faut d'abord, avant de procéder plus avant, souligner que ce n'est qu'as-sez récemment que la Cour a pris l'habitude de déterminer l'étendue de lacassation. Avant la guerre il était assez exceptionnel qu'elle la précise. Ilappartenait, en ce cas, au juge de renvoi de déterminer les pouvoirs que luiavait conférés l'arrêt de cassation. Cela n'était évidemment pas sans risque,dans la mesure où le juge statuait sur une question qui devait être considéréecomme définitivement jugée et qui était, dès lors, revêtue de la force jugée.

D'autre part, en ne statuant pas sur une question qui, en réalité avait aussi étécassée, encore que cela ne résulta pas expressément de l'arrêt de cassation, ilpouvait en résulter une contradiction entre la décision rendue sur le renvoi etla décision qui avait fait l'objet du pourvoi.

Ce dispositif comporte-t-il seulement et exclusivement la décision qui estcritiquée par le moyen, ou faut-il y inclure ce qui en constitue le supportnécessaire et ce qui en découle?

Il ne faut pas perdre de vue que lorsque la Cour casse, elle renvoie la causeà un autre juge, qui, à son tour, devra juger le point qui fait l'objet de lacassation. Or, il ne faut pas qu'en jugeant à nouveau, le juge se trouve dans

Telle est la portée de l'arrêt de la Cour du 30 avril 1914, aux termes duquell'annulation d'un jugement ou d'un arrêt, si généraux et absolus que soient lestermes dans lesquels elle a été prononcée par la Cour de cassation, est limitéeà la portée du moyen qui lui a servi de base; elle laisse subsister commepassées en force de chose jugée, toutes les dispositions non attaquées par lepourvoi, à moins qu'elles ne se rattachent aux chefs cassés par un lien d'indi-visibilité ou de dépendance nécessaire (2).

Sur cette dernière restriction, nous aurons à revenir dans le cours de cet expo-sé.

(1) On consultera avec grand intérêt l'étude de M. le Président MEEUWS, consacrée à cette question

et publiée dans la Revue critique de jurisprudence belge, 1986, p. 261 à 281.(2) C. 30 avril 1914, Bull. et Pas., 1914, l, 207.

E. Stn,y-Scientia E. Story-Scientia

ACTUALITÉS DU DROIT9\0 - 1995

5. L'énoncé de la règle est particulièrement clair. C'est la portée du moyenqui détermine l'étendue de la cassation, prononcée sur le pourvoi motivé d'unepartie.

Dans le courant des dernières décennies la Cour a le plus souvent précisé cetteétendue. Il lui est toutefois arrivé de ne pas le faire et il en est résulté desdifficultés d'interprétation, comme en témoignent les arrêts suivants:

Un arrêt du 31 octobre 1980 avait, sur la base d'une branche d'un moyenprononcé la cassation, sans aucune restriction. La Cour appelée à interprétercet arrêt a décidé le 18 mars 1983qu'en règle la cassation doit être considéréedans un tel cas comme étant totale (3).

On peut se demander si cette interprétation est bien conciliable avec de nom-breux autres arrêts que nouS aurons l'occasion d'étudier.

Plus important est l'arrêt du 14 décembre 1989 qui interprète un arrêt du12janvier 1978. Cet arrêt avait décidé dans son dispositif que le jugementétait cassé en tant qu'il statuait sur le montant de la pension après divorce, duepar le demandeur à la défenderesse pour son entretien personnel, et sur lesdépens (4).

La Cour, dans l'arrêt du 14 décembre 1989, poursuit: qu'il (l'arrêt interprété)fonde sa décision sur les motifs que 'pour justifier qu'il n'y avait plus lieud'accorder à la défenderesse personnellement une pension après divorce, ledemandeur faisait valoir dans ses conclusions déposées devant le tribunal le15.10.1975 la défense qu'en se bornant à décider que le le' juge a exactementévalué les ressources des deux parties, alors que le fait que la défenderesseavait repris un commerce en 1972et en exerçait seule la gérance depuis 1973n'avait pas été invoqué devant le le' juge, le jugement attaqué ne rencontre pasla défense circonstanciée présentée par le demandeur et n'est, dès lors, pasrégulièrement motivé'.

'Que lorsque la cassation est prononcée et dans la mesure où elle l'est, lesparties sont remises devant le juge de renvoi dans la situation où elles setrouvaient devant le juge dont la décision est cassée'.

'Que du rapprochement du dispositif de l'arrêt précité de la Cour, et desmotifs qui en sont le soutien nécessaire, il apparaît que par l'effet de cet arrêt,

(3) \8 mars 1983. id.. \983. \. n° 403.(4) \4 déco 1989. id., 1990. \, n° 245.

E. Sta,y-Scientia

ACTUALITÉS DU DROIT 1995-9\\

le juge de renvoi était saisi notamment de la question de savoir s'il n'y avaitplus lieu d'accorder à la défenderesse personnellement une pension aprèsdivorce; que, quant à cette question, les parties étaient replacées dans l'état oùelles se trouvaient avant le jugement cassé;'

'Que, en considérant qu'ensuite de l'arrêt de la Cour du 12.1.1978 lajuridic-tion de renvoi n'avait plus à statuer sur le principe de l'obligation du deman-deur de verser une pension après divorce, seul le montant de celle-ci restantà déterminer, le jugement attaqué méconnaît les règles relatives à l'effet de lacassation en matière civile et viole les art. 587 et 1110 C.I.'

Il Y a, enfin, un troisième arrêt, du 20 janvier 1992, aux termes duquel, l'arrêt(d'appel) fût-il entièrement nul, la cassation est, en règle, limitée aux chefs dela décision contre lesquels le pourvoi est dirigé (5).

6. Ces trois arrêts sont intéressants d'abord parce qu'ils montrent l'utilité queprésente l'initiative de la Cour lorsqu'elle précise d'une manière ou de l'autre,l'étendue de la cassation. Lorsqu'elle ne le fait pas, des hésitations peuventsurgir devant le juge de renvoi et, si celui-ci n'y est pas suffisamment attentif,un pourvoi contre sa décision peut être justifié.

D'autre part, ces arrêts montrent les règles d'interprétation qui président à ladétermination de l'étendue de la cassation. Ces règles sont évidemment lesmêmes qu'il s'agisse de la Cour lorsqu'elle détermine elle-même l'étendue dela cassation, ou qu'il s'agisse du juge de renvoi qui, à défaut de précision dansl'arrêt de cassation, doit déterminer lui-même la portée de l'arrêt et les limitesde ses pouvoirs.

Ces règles peuvent s'énoncer comme suit:a) la cassation est limitée à la portée du moyen. Nous allons amplement

revenir sur ce point;b) il faut tenir compte, non seulement, du dispositif de l'arrêt de cassation,

mais aussi des motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif;c) dans la mesure de la cassation, c'est-à-dire en tenant compte de l'étendue

de celle-ci, les parties sont replacées devant le juge de renvoi dans lasituation où elles se trouvaient devant le juge dont la décision est cassée.C'est dans ces limites que le juge de renvoi devra statuer.

On aperçoit ainsi l'importance de la question que nous avons à étudier.

(5) 20 janv. \992, id., \992, \, n° 256.

E. Sta,y-Scientia

ACTUALITÉS DU DROITACTUALITÉS DU DROIT 1995 -913

912 -1995

B. LA PORTÉE DU MOYEN-NOTIONl'avoir fait il a laissé acquérirforce de chosejugée à cette disposition qui n'apas été critiquée non plus par le recours de la demanderesse;'

Ainsi que nous l'avons déjà souligné, depuis plusieurs décennies, la Courprécise elle-même l'étendue de la cassation en tenant compte des règles quiviennent d'être énoncées. Ce sont donc des cas d'application que nous allonscommenter.

La règle fondamentale est simple à énoncer: la Cour ne peut statuer que dansles limites du moyen.

Les arrêts que nous venons de citer ont énoncé la règle à l'occasion de problè-mes d'interprétation d'un arrêt de cassation.

8. Je rappelle l'arrêt du 30 avril 1914 (6) et il est utile de poursuivre l'exa-men de cet arrêt. La Cour constate que 'la partie défenderesse objecte que leprincipe énoncé ci-dessus (nous venons de le citer) ne peut faire obstacle à ceque des moyens divers se rapportant à un chef unique de contestation etinvoqués devant le premier juge, soient utilement reproduits devant le tribunalde renvoi, quoique le pourvoi sur lequel est intervenu l'arrêt de cassation n'aitsoumis à l'examen de la Cour que l'un ou quelques uns des moyens écartéspar la décision annulée'.

'Que l'exception de non-recevabilité opposée par le défendeur à l'appel formépar la demanderesse n'était pas un simple moyen à l'appui de l'action intro-duite par lui; qu'elle constituait dans l'instance soumise aux juges du seconddegré, un chef spécial de contestation sur lequel ils devaient statuer et ontstatué au préalable par voie de disposition particulière qui est définitive surincident' .

'Que d'autre part, le rejet de l'exception a causé grief au défendeur, puisquela décision du juge de paix, qui lui donnait gain de cause au fond a été, parsuite de ce rejet, remise en discussion devant le tribunal qui l'a modifiée;'

'qu'il appartenait donc au défendeur de se pourvoir contre le jugement du 26mars 1910 en tant qu'il disposait que les appels sont recevables; que faute de

'que; dès lors, la recevabilité des appels formés contre les jugements du jugede paix ne pouvait plus être remise en question devant le tribunal de renvoi etqu'en décidant le contraire ce tribunal a contrevenu aux articles invoqués aumoyen (art. 17 L. 4 aoOt1932-1350-1352-1319C.C.)'.

7. Nous allons, dès lors, à l'appui des arrêts de la Cour, préciser la portée deces règles.

Nous relevons plusieurs points essentiels dans cet arrêt:1) d'abord: la Cour a statué par un arrêt antérieur dans les limites du moyen,

qui concernait un dispositif bien précis. Elle a cassé.2) un autre dispositif qui était nettement distinct du dispositif attaqué, n'a pas

été attaqué par un moyen, alors que ce dispositif infligeait grief à l'une desparties. Celle-ci n'a pas introduit de pourvoi, alors qu'elle pouvait le faire.

Il s'agissait donc d'un dispositif nettement distinct, qui pouvait faire l'objetd'un pourvoi.

Ce dispositif, en l'absence de tout pourvoi, a acquis force de chose jugée.

Dès lors, le juge de renvoi n'avait aucun pouvoir pour statuer sur ce dispositif.

Ce sont là, les éléments fondamentaux du raisonnement. Nous allons lesretrouver dans une série impressionnante d'arrêts.

9. C'est en ce sens que la Cour statue par l'arrêt du 26 juin 1930 (7);

'que la Cour de renvoi devait examiner uniquement le litige dans les limitestracées par l'arrêt de la Cour qui avait accueilli le 1erpourvoi, basé exclusive-ment à son tour sur l'erreur d'évaluation reprochée à l'arrêt de la cour d'appelde Bruxelles;'

'qu'il y avait ainsi chose jugée sur la recevabilité des appels principal et inci-dent, fussent-ils tardifs, comme le prétend le pourvoi; que, dès lors, la fin denon-recevoir tirée de la tardiveté de ces appels ne pouvait plus être soulevéedevant la cour d'appel de Gand, ce qui enlève tout fondement au moyen'.

Ici aussi nous retrouvons les mêmes éléments:1) la Cour a statué dans les limites du moyen;

(6) 30 avril 1914, id.. 1914. 1,207.(7) 26 juin 1930, id., 1930, l, 257.

E. Slory-Scientla E. Siory-Scienlia

ACTUALITÉS DU DROIT914 -1995

2) les autres dispositifs qui n'étaient pas attaqués, (alors qu'ils eussent pul'être), sont donc passés en force de chose jugée. Le juge de renvoi nepouvait donc plus y porter atteinte.

JO. Et voici un 3e arrêt tout aussi explicite: 4 janvier 1980 (8):

L'annulation de la décision attaquée, par la Cour, était nécessairement limitéeà la portée du moyen en vertu duquel elle est prononcée, lorsque le demandeura opposé devant le juge du fond successivementune défense principale, subsi-diaire et plus subsidiaire à une demande en paiement introduite contre lui parle défendeur, et a soumis à la Cour 3 moyens attaquant les décisions de cejuge sur ces 3 défenses; si la Cour rejette les 2 premiers moyens, mais ac-cueille le troisième relatif à la demande subsidiaire, au motif qu'il n'a pas étérépondu à celle-ci, la cassation qu'elle prononce est limitée à la décision del'arrêt attaqué faisant droit à la demande du défendeur, sans tenir compte decette défense, ledit arrêt acquérant force de chose jugée pour le surplus.

Ce sont donc encore les mêmes éléments fondamentaux qui sont expressémentmentionnés:1) La Cour statue dans les limites du moyen, dont elle détermine aussi la

portée.2) Les dispositifs qui ne sont pas attaqués, alors qu'ils pouvaient l'être, pas-

sent en force de chose jugée et donc le juge de renvoi, qui n'en est passaisi, ne peut plus y porter atteinte, sous peine de violer la force de chosejugée.

Il faut, enfin, citer deux arrêts qui, l'un d'une manière implicite, l'autre d'unemanière expresse décident que la cassation d'une décision doit être limitée àla portée du moyen en vertu duquel elle est prononcée (26 avril 1985 et 10sept. 1987). C'est donc la portée du moyen qui doit être déterminée (9).

11. Sans doute, moins explicites parce qu'ils ne précisent pas les motifs dela limite de l'étendue de la cassation, mais en fait fondés sur les considérationsqui viennent d'être énoncées, sont les arrêts en matière de responsabilitécivile,qui ont cassé les décisions attaquées le plus souvent quant à la responsabilitéde l'une des parties.

La Cour décide que lorsque le juge a partagé la responsabilité des conséquen-ces d'un accident entre les 2 auteurs de celui-ci, à concurrence de la moitié

(8) 4 janv. 1980, id., 1980, l, 515.(9) 26 avril 1985, id.. 1985, l, n° 514; 10 sept. 1987, id., 1988. l, n° 20.

E. Slory-Scienlia

ACTUALITÉS DU DROIT 1995-915

pour chacun, la cassation sur le pourvoi de l'assureur d'un des auteurs, agis-sant en lieu et place de celui-ci, ne s'étend pas à la disposition décidant quel'autre auteur est responsable à concurrence de la moitié au moins (20 juin1968).

Dans le même sens on peut citer: les arrêts des 25 juin 1970 - 15 avril 1971- 10 février 1972 - 16 novembre 1972 - 26 avril 1974 - 31 janvier 1975 :...12 décembre 1975 - Il octobre 1984 (10).

L'arrêt du 28 janvier 1977concernait un litige relatif à un abordage maritime;ce sont les mêmes règles dont la Cour fait application (11).

Enfin l'arrêt du 26 mars 1992 (12) applique la même règle, dans un casdifférent: le demandeur avait été condamné à payer au défendeur des domma-ges-intérêts, mais son appel en garantie contre son assureur avait été rejeté. Lademande en garantie, décide la Cour, n'est pas la conséquence de la décisionsur l'action principale et, dès lors, la cassation de cette dernière décisionn'entraîne pas la cassation de la décision sur la demande en garantie.

Nous aurons à revenir sur cette justification, dans l'exposé qui va suivre.

Dans toutes ces affaires, en effet, les moyens dont la Cour était saisie neportaient que sur un dispositif bien précisé de la décision attaquée. La raisonen était le plus souvent fort simple: à l'égard des autres dispositifs, le de-mandeur ne pouvait faire valoir aucun moyen, parce que la décision étaitfondée. En cas d'accident, celui qui est condamné a commis une faute et à cesujet il n'a rien à redire. Mais il soutient que l'autre partie a aussi commis unefaute et dès lors le moyen qu'il soumet à la Cour ne peut porter que sur cettequestion. La Cour ne pouvant statuer que dans les limites du moyen, ce quin'est pas attaqué passe en force de chose jugée et n'est plus susceptible d'êtremodifié.

12. Il est intéressant à cet égard de reprendre l'arrêt du 20 juin 1968, parcequ'il montre bien le mécanisme qui est ici en jeu (13).

Deux conducteurssontdéclarés responsablesd'un accident,chacunpour moitié.

(10) 25 juin 1970. id., 1970, l, 952; 15 avril 1971. id.. 1971,1.724; 10 févr. 1972. id.. 1972. l, 538;

16 nov. 1972, 1973, l, 266; 24 juin 1974. 1974. l, 1098; 31 janv. 1975. id., 1975, J, 564; 12 déco1975,1976,1.456; Il oct. 1984,1985. l, n° 117.(Il) 28 janv. 1977. id.. 1977. 1. 583.(12) 26 mars 1992. id., 1992, l, n° 349.(13) 20 juin 1968. id., 1968. J, 1212.

E. Story-Scientia

916 - 1995 ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT1995 - 917

L'assureur de l'un des deux se pourvoit et conteste la responsabilité de sonassuré. Cassation sur ce point. La décision attaquée reste intacte en tant qu'elleconstate la responsabilité de l'autre, à concurrence de la moitié au moins.

Notons d'abord que ce second conducteur aurait aussi pu se pourvoir. Il ne l'apas fait. Dès lors la décision qui le concerne passe en force de chose jugée.

Quels sont les critères qui permettent de déterminer la portée du moyen?

Lajurisprudence de la Cour montre qu'elle fait appel à plusieurs critères, maisle plus important est celui de 'lien'. Certes la Cour utilise aussi d'autres mots,tels que 'conséquence', 'suite' et même 'indivisibilité'.

Que peut faire le juge de renvoi? Il peut décider que le 1ern'est pas respon-sable et en ce cas le second devra l'indemniser pour la totalité. Il pourraitaussi considérer que ce premier conducteur est responsable, mais, en ce cas,il ne peut le condamner à plus de la moitié du dommage, compte tenu de ladécision passée en force de chose jugée, à l'égard de l'autre.

C'est donc bien, comme nous l'avons déjà souligné à maintes reprises, laportée du moyen qui détermine l'étendue de la cassation.

Mais, en fait, ces divergences verbales sont peu importantes, parce qu'unexamen approfondi montre que dans pratiquement tous les cas il existe entreles divers dispositifs, un lien si étroit, que nécessairementla cassation de l'undoit entraîner celle de l'autre.

13. Avant de poursuivre cet exposé, je voudrais m'arrêter un moment etexaminer la notion de 'portée' des moyens.

Dès lors pour savoir si le moyen invoqué à l'appui du pourvoi permet d'allerau-delà du dispositif directement visé par le moyen, il faut tenir compte d'unesérie de critères, parmi lesquels le lien qui unit les divers dispositifs, ou mêmediverses décisions, constitue un élément important d'appréciation.

Nous allons, à présent, examiner cette jurisprudence, en tenant constammentcompte du moyen et en vérifiant si les critères invoqués permettent d'endéduire que sur le fondement de la portée du moyen la cassation de l'undispositif doit entraîner celle de l'autre.La 'portée', c'est d'abord le 'sens'. La portée d'une loi, la portée d'une clause

d'un contrat, c'est le sens de la loi, le sens de la clause.

Mais il y a plus, c'est aussi l'effet, les conséquences de cette loi, de cetteclause. Nous voyons donc qu'en utilisant ce mot, on va aussi au-delà du sensproprement dit.

C'est précisément cet 'au-delà' qui importe pour le problème qui nous occupe.La 'portée' est utilisée ici dans une acception, certes, différente, mais qui endéfinit bien l'interprétation.

15. Nous allons procéder à l'examen des critères qui ont été retenus par lajurisprudence en les reliant à la règle fondamentale qui vient d'être exposée.

a. Un lien étroit et nécessaire entre les dispositifs ou entre les décisions

Dans notre problème, le moyen a deux portées: le but directement visé et, enplus, un autre plus éloigné. En visant l'un, on vise aussi l'autre. C'est aussi lesens du mot étendue.

Dans pratiquement tous les cas examinés ci-après, la décision ou le dispositifauxquels la cassation est étendue sont rattachés au dispositif cassé, sur lefondement du moyen proposé à l'appui du pourvoi, par un lien si étroit quela cassation de l'un doit nécessairement entraîner celle de l'autre.

16. En voici quelques exemples;

C'est en ce sens qu'il faut comprendre la jurisprudence de la Cour.L'arrêt du 17 septembre 1964concernait un litige relatif à une lettre de chan-ge. Le juge avait refusé de condamner le tiré au paiement des frais du protêt.Il estimait que le protêt était tardif et il avait condamné le tireur, sur la de-mande reconventionnelle du tiré à payer une somme de 1000 frs à titre deréparation du dommage occasionné par la publication du protêt (14).

C. LES CRITÈRES QUI PERMETIENT DE DÉTERMINER LA PORTÉE DU MOYEN

14. Telle est la règle fondamentale sur laquelle repose tout le problème del'étendue de la cassation.

(14) 17 sept. 1964, id.. 1965, J,54.

B. Stofy-Scienli. B. Simy-Scienli.

918 - 1995ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT 1995 -919

La Cour a cassé parce que, même tardif, le protêt est valable. Le tiré devaitdonc payer les frais du protêt. Il n'y avait, dès lors, pas lieu de condamner letireur à indemniser le tiré du chef de ladite publication.

Ici aussi, la portée du moyen est manifestement d'englober les deux demandes,qui sont intimement liées entre elles.

La Cour étend la cassation du dispositif relatif au protêt et aux frais de ceprotêt au dispositif relatif à l'indemnité de 1000 frs. En l'espèce il n'y avaitpas de moyen relatif à cette demande reconventionnelle. Mais la Cour consi-dère que cette demande était intimement liée à la demande principale.

C'est en ce sens aussi qu'il faut interpréter l'arrêt du 13 novembre 1964 quicasse un jugement ayant déclaré l'appel recevable et qui annule le jugementqui statue sur le fond. En fait la Cour utilise ici les termes 'par voie de consé-quence', mais il est évident que les deux dispositifs sont intimement liés(18).

Un autre arrêt du 22 octobre 1964 (15) adopte la même solution. Le juged'appel avait accueilli la demande principale et avait débouté la partie adversede sa demande du chef d'appel téméraire et vexatoire.

L'arrêt du 2 septembre 1965 (19) dispose que la décision sur la demandereconventionnelle étant fondée sur les mêmes motifs que ceux qui fondaient ladécision sur la demande principale, la cassation de cette dernière entraîne lacassation de la décision sur la demande reconventionnelle.

La Cour a cassé la décision sur l'appel principal et a annulé la décision rela-tive à la demande d'appel téméraire et vexatoire.

Dans ces deux cas, le moyen concernait certes un seul dispositif, mais il était

évident que la portée du moyen était d'obtenir la cassation de l'ensemble. Onne pourrait admettre que le juge de renvoi appelé à statuer sur la demandeprincipale se trouve dans la situation de rendre une décision qui serait contre-dite par la décision sur la demande reconventionnelle, elle passée en force dechose jugée, à défaut d'avoir été annulée.

Il y avait donc un lien étroit entre les deux dispositifs, de telle sorte que laportée du moyen devait nécessairement les englober.

Ici, une fois de plus, la Cour souligne le lien qui unit les deux décisions. Sila décision sur la demande reconventionnelle n'avait pas eu de rapport avecla décision sur la demande principale, ce qui eût été possible, il n'y avait paslieu d'étendre la cassation. La portée du moyen relatif à la demande principaleenglobait donc aussi la demande reconventionnelle.

L'arrêt du 14 mars 1969 (20) confirme cette interprétation: lorsqu'un appelen garantie a été accueilli et qu'une demande en dommages-intérêts pour appelen garantie téméraire et vexatoire a été rejetée, pour l'unique motif que l'appelen garantie est fondé, la cassation de la décision sur l'appel en garantie en-traîne celle de la décision sur la demande de dommages-intérêts.

Dans le même ordre d'idées, l'arrêt du 29 octobre 1964 casse un arrêt d'unecour d'appel qui avait fait l'objet d'un arrêt interprétatif de cette même cour.Il est évident que le moyen qui concerne l'arrêt principal englobe aussi l'arrêtinterprétatif. Telle est sa portée (16).

C'est encore en ce sens que la Cour statue le 12 novembre 1964 en décidantque lorsque le juge a rejeté une demande principale et accueilli, en raison dece rejet, une demande reconventionnelle, la cassation sur le pourvoi du deman-deur au principal, entraîne celle de la décision sur la demande reconvention-nelle (17).

Lorsqu'il s'agit d'une demande en garantie formée par un défendeur contre untiers, à l'occasion d'une demande en responsabilité dirigée contre ce défen-deur, la cassation de la décision qui fait droit à la demande en responsabilité,entraîne le plus souvent la cassation de la décision sur la demande en garantie,parce que ce n'est pas le lien de droit qui unit le garant et le garanti qui estcontesté, mais seulement l'obligation du garanti, responsable à l'égard d'untiers. En ce cas la décision sur la garantie est intimement liée à celle relativeà la responsabilité du garanti. C'est ce qu'a décidé notamment l'arrêt du 24septembre 1971 (21).

(15) 22oet. 1964, id., 1965, l, 189.(16) 290et. 1964, id., 1965, l, 217.(17) 12 nov. 1964. id., 1965, l, 258.

(18) 13 nov. 1964, id., 1965, 1,260.

(19) 2 sept. 1965, id., 1966, l, 1.(20) 14 mars 1969, id., 1969, l, 623.

(21) 24 sept. 1971, id., 1972, l, 85.

E. S,my-Scien';. E. S'my-Scien';.

920-1995 ACTUALITÉS DU DROITACTUALITÉS DU DROIT

1995 -921

Dans le même ordre d'idées, lorsque le conseil de prud'hommes d'appel arejeté la demande de la demanderesse tendant à la condamnation du défendeurau paiement d'une indemnité de congé, au motif que ce n'est pas le défendeur,mais la demanderesse qui a mis fin au contrat de travail, et que la Cour cassecette dernière décision, elle étend la cassation à la décision qui a débouté lademanderesse de sa demande susdite (6 sept. 1972) (22).

nés. Elle casse cette décision et casse la décision sur la demande en garantiequi en est la suite (26).

De même l'arrêt du 31 janvier 1964 aux termes duquel la cassation de ladécision au principal entraîne l'annulation de la condamnation aux dépens quien est la suite (27).

Ici aussi il est évident que le moyen devait porter sur l'ensemble du litige etque donc l'ensemble des dispositifs doit être annulé. Tel est aussi le cas de l'arrêt du 26 février 1975 aux termes duquel la cassa-

tion de l'arrêt d'appel en ce qui concerne la demande principale, entraînel'annulation de la décision rendue sur la demande en garantie, qui en est lasuite (28).L'arrêt du 10novembre 1972constate qu'il existe un lien nécessaire entre une

condamnation au paiement d'une somme X pour dommage matériel et lacondamnation à 30.000 frs pour dommage matériel postérieur à la mise à laretraite. Il s'agissait d'une indemnité due à la suite d'un accident. La cassationde l'un des dispositifs, entraîne celle de l'autre (23). Dans le même sensl'arrêt du 2 octobre 1975 (24).

L'arrêt du 23 janvier 1978 casse l'arrêt d'une cour du travail du 18 juin 1974,aux termesduquelle 1er juge n'était pas compétent;la cour du travailavaitrenvoyé l'affaire devant une cour d'appel. Le renvoi aurait dû être fait à unejuridiction statuant en première instance. Cette cassation a entraîné la cassationde l'arrêt de la cour d'appel du 30 juin 1976, qui est la suite de l'arrêt de lacour du travail (29).Enfin, voici un arrêt du Il mai 1977 (25) aux termes duquel la cassation

en raison de la contradiction entre deux dispositifs d'un même arrêt, porte surl'un et l'autre de ceux-ci.

Il y avait certes un lien entre la décision cassée et la décision annulée. La Courd'appel ne pouvait statuer que parce que le litige lui avait été renvoyé par lacour du travail. Ce dernier arrêt étant cassé, l'arrêt de la cour d'appel ne pou-vait subsister. En fait le pourvoi contre le 1er arrêt aurait dû être jugé avant quel'affaire ne soit traitée par la cour d'appel, mais les données de fait de cetteaffaire ne nous permettent pas de juger où était l'erreur. Quoi qu'il en soit ilest évident que la portée du moyen dirigé contre le premier arrêt devait attein-dre le second. Nous aurons à revenir sur cet aspect de la question en matièrede décisions sur la recevabilité et sur le fond du litige.

b. L'un dispositif est la suite de l'autre

17. b) Je me suis efforcé de citer jusqu'ici des arrêts où la Cour soit expressé-ment soit implicitement, a fondé l'étendue de la cassation sur la notion de liennécessaire entre plusieurs dispositifs. Nous allons, à présent examiner une séried'arrêts où la Cour considère qu'un dispositif est la suite d'un autre. Il seraparfois fort difficile d'apercevoir une distinction avec la notion de lien; enréalité, il importe seulement de déterminer la portée du moyen qui justifiel'étendue de la cassation, telle que la Cour la prononce. L'arrêt du 18juin 1981 utilise encore les mêmes termes pour justifier l'exten-

sion de la cassation d'une décision sur une demande en garantie, à la décisionrendue sur une demande en sous-garantie qui est la suite de la première(30).L'arrêt du 21 janvier 1966 concernait une dette de la femme, pour laquelle,

aux termes du jugement attaqué, le mari n'avait pas donné son autorisation, ensorte que le mari n'était pas tenu à garantie. La Cour considère que le juge aillégalement décidé que l'autorisation du mari était limitée à des actes détermi- L'arrêt du 25 octobre 1982 concernait un litige portant sur des commissions

dues à des représentants de commerce. L'arrêt considère que l'annulation de

(22) 6 sept. 1972, id., 1973, l, 15.(23) 10 nov. 1972, id., 1973, 1,245.(24) 2oct. 1975, id., 1976, l, 141.(25) 11 mai 1977, id., 1977, 1, 926.

(26) 21 janv. 1966, id., 1966, l, 657.(27) 31 janv. 1969, id., 1969, l, 495.(28) 26 févr. 1975, id., 1975, l, 615.(29) 23 janv. 1978, id., 1978, l, 596.(30) 18 juin 1981, id., 1981, l, 1194.

E. Slory-ScienliaE. Story-Scienlia

922 - 1995ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT 1995-923

la condamnation des demandeurs au paiement d'arriérés de commissions, doitêtre étendue aux autres condamnations prononcées à charge des demandeursen tant qu'elles sont calculées sur le montant des arriérés de commissions ainsiqu'à la décision sur le montant de la créance privilégiée du défendeur, cesdécisions étant à cet égard (c.-à-d. de l'étendue de la cassation) la suite de ladécision annulée (31).

Il s'agissait d'une demande formée par l'assureur-loi accidents du travail, quisoutenait que l'époux de la défenderesse n'avait pas été victime d'un accidentdu travail, mais bien d'un accident du roulage sans implication sur le plan desaccidents du travail. Dès lors la défenderesse n'avait pas droit aux indemnitésaccident du travail.

Ici la portée du moyen est évidente. Le lien entre la condamnation principaleet les condamnations subsidiaires qui trouvent leur source dans la condamna-tion principale, s'impose.

Le juge d'appel réforme la décision du premier juge qui s'était illégalementdéclaré compétent ratione loci. Il évoque la cause et décide qu'il s'agit d'unaccident du travail et il condamne la demanderesse aux frais.

c. L'un dispositif est la conséquence de l'autre

18. Nous en venons ainsi à une série impressionnanted'arrêts qui déterminentla portée du moyen et, dès lors, l'étendue de la cassation, en considérant qu'undispositif est la conséquence du dispositif contre lequel le moyen était dirigéet que la Cour casse.

La défenderesse avait formé une demande reconventionnelle tendant à fairecondamner l'assureur loi au paiement des indemnités. Le juge d'appel évoqueaussi cet aspect du litige, toutefois comme la cause n'est pas en état, il or-donne une expertise.

Sous l'empire du Code de procédure civile une telle évocation n'était pasadmise, parce que le juge ne pouvait évoquer que s'il pouvait d'emblée statuerdéfinitivement sur le tout.

Nous aurons l'occasion de constater que dans la plupart des cas cette justifica-tion ne diffère pas de celles que nous venons d'analyser.

L'arrêt du 22 janvier 1965 concernait un litige relatif à un bail à loyer. Ladécision attaquée avait illégalement déclaré renouvelé, au prix convenu anté-rieurement, le bail, existant entre parties. De même la sous-location avait aussiété déclarée renouvelée (32).

Dès lors, la Cour casse la décision sur la demande reconventionnelle.

La Cour casse la décision en ce qui concerne le locataire principal et elle cassepar voie de conséquence la décision relative à la sous-location.

Il est évident que le moyen devait porter sur les deux dispositifs. À supposerque sur la cassation à l'égard du locataire principal, le juge de renvoi consi-dère qu'il n'y avait pas lieu à renouvellementdu bail, le renouvellement de lasous-location ne pouvait être maintenu. Les deux dispositifs étaient doncintimement liés.

Mais elle n'étend pas la cassation à la décision sur la demande principale. Elleconsidère donc que la portée du moyen relatif à cette demande reconvention-nelle ne concernait pas la demande principale et ce en dépit de ce qu'affirmaitle demandeur à savoir que le montant des indemnités concernait autant lademande principale que la demande reconventionnelle.Cela n'était pas exactparce que le moyen se rapportait exclusivement à la question de l'évocationsur la demande reconventionnelle, ce qui ne remettait en rien en question ladécision sur la demande principale.

Là est en effet, le nœud de la question.

La comparaison entre ce dernier arrêt et celui que nous allons examiner àprésent est particulièrement instructive.

L'affaire jugée par l'arrêt du 28 avril 1967 (33) est intéressante parcequ'elle montre bien les limites du problème que nous examinons.

Il s'agit de l'arrêt du 16 avril 1970 (34). Cet arrêt concernait un litige rela-tif à une rupture de promesse de mariage.

L'arrêt attaqué avait décidé que le demandeur (en cassation) avait admis qu'ilavait exprimé l'intention de fonder un foyer avec la défenderesse, en raison

(31) 250ct. 1982, id., 1983, l, 135.(32) 22 janv. 1965, id., 1965, l, 504.(33) 28 avril 1967, id.. 1967, l, 1019.

(34) 16 avril 1970, id., 1970, l, 709.

E. Stnry-Scientia E. Story-Scientia

ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT 1995 -925

924 - 1995

des relations intimes qu'ils avaient entretenues. L'arrêt avait condamné ledemandeur à une indemnité du chef de rupture de promesse de mariage.

En sens opposé, quant au fond du litige, mais, en ce qui concerne la questionque nous examinons, identique au précédent, voici l'arrêt du 12 mars 1976(36).

Or le demandeur avait contesté en termes de conclusions tant la promesse demariage que les relations intimes.

La Cour casse l'arrêt du chef de violation de la foi due aux actes (ici lesconclusions).

La cassation de la décision rejetant comme non fondée la demande principaleen divorce du demandeur, entraîne l'annulation de la décision, attribuant à ladéfenderesse une pension alimentaire qui est la conséquence du fait que, suiteau rejet de la demande principale du demandeur, le divorce a été prononcé enla seule faveur de la défenderesse.

Et elle ajoute: 'qu'il y a lieu d'étendre la cassation à la décision par laquellel'arrêt condamne le demandeurau paiement de dommages-intérêtspour rupturefautive de promesse de mariage, ladite décision étant fondée par la courd'appel, notamment sur ce que enceinte des œuvres de l'intimé, la défende-resse a été abandonnée par lui'.

En l'espèce le moyen (violation de la foi due aux conclusions) concernaitl'ensemble des dispositions de l'arrêt attaqué. Le demandeur contestait et lesrelations et la promesse de mariage. Or l'arrêt décidait qu'il avait admis l'unet l'autre. Dès lors, en cassant du chef de violation de la foi due aux actes,cette cassation devait nécessairement porter sur l'ensemble des dispositifs del'arrêt attaqué.

Voici encore un cas (l'arrêt du 7 déco1972), où la Cour se fonde sur la notionde conséquence (37).

Le premier juge rend un jugement qui contient trois dispositifs, les deuxpremiers statuent sur le fond de la demande et le troisième ordonne unemesure d'instruction. Cette mesure d'instruction ayant été exécutée, le jugerend un 2ejugement qui déboute le demandeur. Celui-ci interjette appel desdeux jugements. Le juge d'appel décide que l'appel du premier jugement estirrecevable, l'appelant y ayant acquiescé et il ordonne aux parties de plaiderau fond quant au second jugement.

En ce cas il était évident que le moyen portait sur toutes les décisions conte-nues dans l'arrêt.

La Cour casse l'arrêt en tant qu'il a déclaré l'appel irrecevable et elle annulel'arrêt en tant qu'il ordonne aux parties de conclureuniquement quant à l'appeldu second jugement.

L'arrêt du 29 avril 1971 concernait une demande en divorce. La Cour cassela décision qui accorde le divorce et elle casse par voie de conséquence ladécision qui avait déclaré sans objet la demande de pension alimentaire(35).

Tout est inclus dans le mot 'uniquement'. Les deux dispositifs étaient dès lorsintimement liés et le moyen portait nécessairement sur les deux, dans lamesure où le second excluait expressément la possibilité de plaider sur l'irre-cevabilité de l'appel.

En l'espèce, la femme, demanderesseen cassation avait obtenu la cassation del'arrêt qui accordait le divorce au bénéfice du mari et qui avait déclaré lademande de pension alimentaire à caractère indemnitaire, sans objet. Ici aussile moyen, qui invoquait une violation de la foi due aux actes, avait une portéegénérale, la décision relative à la pension alimentairedécoulant nécessairementde la décision relative au divorce.

Aux termes de l'arrêt du 15 septembre 1976, la cassation du dispositif d'unedécision déclarant non avenue la signification d'un acte judiciaire, en matièrecivile ou commerciale, faite par un huissier de justice, entraîne, par voie deconséquence, l'annulation du dispositif de cette décisioncondamnant 1'huissieraux dépens (38).

(35) 29 avril 1911, id., 1911, 1,115.

(36) 12 mars 1916. id.. 1916,1.166.(31) 1 déco 1912, id.. 1913. l, 330.

(38) 15 sept. 1916, id.. 1911. 1. 41.

E. Story-Scienti. E. Story.Scienti.

926-1995 ACTUALITÉS DU DROIT

Une fois de plus, il est évident que les deux dispositifs sont intimement liéset que le moyen portait sur l'un et l'autre, c.-à-d. tendait à la cassation del'ensemble.

L'arrêt du 15 septembre 1977 montre très clairement le raisonnement et lefondement de l'étendue de la cassation (39).

Il s'agissait d'une action en désaveu. Le mari prétendait que la naissance luiavait été cachée et il offrait de prouver qu'il n'était pas le père de l'enfant. Lacour d'appel avait décidé que, en dépit du fait qu'au quatrième mois de lagrossesse, la femme avait, dans une requête, reconnu cette grossesse, cetterequête étant rédigée dans une langue que le mari ne comprenait pas et malgréla présence du mari devant le président du tribunal, il y avait lieu de déciderque le mari n'avait pas eu connaissance de la grossesse et de la naissance. LaCour avait, dès lors, autorisé le mari à la preuve que l'enfant n'était pas lesien.

Le moyen invoqué par la femme, à l'appui du pourvoi, comportait 3 branches,dont la première concernait le recel et la 3° la preuve proposée par le mari.

La Cour de cassation accueille la première branche et casse et elle ajoute quecette cassation entraîne l'annulation du dispositif qui est la conséquence decelui qui est cassé, admettant le défendeur à la preuve qu'il précise et dési-gnant un expert.

On constate ici très clairement que le moyen portait sur l'ensemble des dispo-sitifs de l'arrêt d'appel. Cassant l'un de ces dispositifs, la Cour étend lacassation à l'autre, sans examiner le moyen qui s'y rapporte. En effet le lienqui unit les deux dispositifs est tel que la cassation de l'un doit entraîner cellede l'autre.

C'est le même raisonnement que nous retrouvons dans l'arrêt du 21 novembre1977, qui casse deux arrêts de la cour du travail. Ces deux arrêts faisaientl'objet du pourvoi et du moyen qui était proposé à l'appui. Il s'agissait d'unlitige opposant l'office national des pensions pour travailleurs salariés, à unereligieuse, institutrice dans un établissement d'enseignement (40).

Le demandeur contestait que la religieuse travaillait dans les liens d'un contratde travail et il estimait qu'elle n'avait donc pas droit à une pension. Par un

(39) 15 sept. 1977, id., 1978, 1, 60.

(40) 21 nov. 1977, id., 1978, l, 317.

E. Story-Sciontia

ACTUALITÉS DU DROIT

1995- 927

premier arrêt la cour du travail avait décidé que la religieuse était liée par uncontrat de travail. Le second arrêt faisait droit à la demande de pension àcharge du demandeur.

La Cour casse le premier arrêt, parce que l'arrêt n'a pas répondu aux conclu-sions qui contestaient l'existence d'un contrat de travail. Elle casse le secondarrêt qui se fonde sur ledit contrat de travail et accorde la pension. Ce secondarrêt, dit la Cour, étant la conséquence de la décision annulée.

Comme nous l'avons déjà relevé à maintes reprises, le moyen portait nécessai-rement sur l'ensemble de la procédure et la cassation des deux arrêts s'impo-sait donc.

Il faut souligner ici qu'en l'espèce ce n'étaient pas deux dispositifs du mêmearrêt, mais deux arrêts distincts, toutefois intimement liés entre eux.

Tel est encore le cas de l'arrêt du 17 avril 1978 qui casse un premier arrêt quia décidé illégalement qu'une ASBL tombait sous l'application de la loi du 9juin 1945, et qui casse un second arrêt en tant qu'il condamne aux dépens. Cedispositif, dit la Cour, est la conséquence de la décision annulée (4]).

L'arrêt du ]9 octobre ]979 concernait l'exercice d'un droit de préemption parla locataire d'un bien agricole. Le jugement rendu en appel avait admis l'exis-tence du droit de préemption de la locataire et avait condamné les acheteursà payer à l'acheteur évincé des dommages-intérêts (42).

Sur pourvoi des acheteurs, la Cour casse la décision qui admet le droit depréemption et elle ajoute, en ce qui concerne le second moyen, qui concernaituniquement les dommages-intérêts: 'que la décision allouant aux demandeursà charge des 2°et 3°défendeurs une somme de 50.000 frs à titre de dommagesintérêts, est la conséquence nécessaire de la décision admettant que le droit depréemption de la première défenderesse avait été méconnu lors de la vente;que la cassation de cette dernière décision entraîne, dès lors, de plein droitl'annulation de la première; que partant le moyen est irrecevable à défautd'intérêt' .

C'est dire que ]a portée du premier moyen concernait l'un et l'autre dispositif,de sorte qu'un moyen spécial pour le second dispositif advenait sans intérêtdu fait de la cassation sur le premier moyen.

(41) 17 avril 1978, id., 1978, l, 918.(42) 190el. 1979, id., 1980,1,236.

E. Story-Sciontia

ACTUALITÉS DU DROITACTUALITÉS DU DROIT 1995 -929

928 -1995

Les arrêts se succèdent toujours dans le même sens: tel est le cas de l'arrêt du18 janvier 1980 (43), aux termes duquel, la cassation de la décision fixantle montant de la pension alimentaire due par le demandeur entraîne l'annula-tion de l'autorisation accordée par le juge à la défenderesse de percevoirdirectement à l'exclusion du demandeur, dans les conditions fixées par lejugement, le même montant mensuel; qu'il ressort en effet du jugement qu'enl'es'pèce la décision relative à ladite autorisation est la conséquence de lacondamnation du demandeur au paiement d'une pension alimentaire.

Il n'est pas sans intérêt de souligner que le moyen concernait exclusivementd'une part la résidence de l'épouse et, d'autre part, l'administration provisoirede la personne et des biens de la fille. Dès lors la cassation ne porte pas surla décision relative à l'administration provisoire de la personne et des biens dufils Olivier et pour autant que cette décision concerne la période antérieure aumois de mai 1980,celle relative à la pension alimentaire due à la défenderesseet à la part contributive dans les frais d'entretien et d'éducation de la fille, etcelle qui désigne un notaire.

On peut souligner ici le mot 'même' montant, ce qui montre qu'il y a un lienessentiel entre les deux dispositifs.

Une fois encore, c'est la portée du moyen qui détermine l'étendue de la cassa-tion.

On citera, sans autre commentaire, les arrêts des 20 février, 10 avril et 7 mai1981 (44).

J'estime utile de citer l'arrêt du 5 novembre 1981 parce qu'il résout un pro-blème identique à celui que nous avons relaté ci-dessus du 17 avril 1978. LaCour casse une décision provisoire fixant la résidence séparée de l'épouse etd'une fille des époux et déterminant le montant de la pension alimentaire. Unsecond moyen concernait des frais relatifs à l'immeuble commun, occupé parl'épouse. La Cour constate que la cassation sur le premier moyen emportel'annulation de la décision relative au paiement des charges dudit immeuble,qui est la conséquence de cette première décision. La Cour ne constate pas,ainsi que ce fut le cas en 1978, que le moyen est dès lors sans objet et doncirrecevable. Elle ne dit rien à cet égard (46).

Et voici une dernière confirmation de cet ensemble de cas d'application, quisont tous orientés dans le même sens. L'arrêt du 7 février 1992 décide quelorsque le demandeur a été condamné à payer au défendeur des dommagesintérêts, mais que son appel en garantie contre son assureur a été rejeté, ladécision rendue sur la demande en garantie, n'est pas la conséquence de ladécision sur la demande principale et la cassation de cette dernière décisionn'entraîne pas la cassation de la décision sur la demande en garantie (47).

En réalité, le moyen qui concerne la demande principale ne peut avoir pourportée de contester la validité du rapport de droit existant entre l'assureur etson assuré. Il en aurait été autrement si l'assureur avait été condamné à garan-tir l'assuré de la condamnation que ce dernier avait encourue. En ce cas, eneffet, la débition de l'indemnité et celle de la garantie étaient intimement liéesen sorte que la portée du moyen devait s'étendre aux deux dispositifs, lagarantie n'étant pas contestée dans la mesure où l'indemnité était due. Maisen l'espèce c'était l'inverse qui s'était produit. La garantie faisait l'objet d'unecontestation séparée. Le dispositifqui s'y rapportait n'était donc pas lié à celuirelatif à l'indemnité. Pour que la cassation s'étende aux deux dispositifs il eOtdonc fallu qu'il y ait deux moyens distincts et que sur chacun la Cour pro-nonce la cassation.

L'arrêt du 25 juin 1981 confirme une fois de plus la règle dont nouS avonsanalysé diverses applications, mais il contient en plus une restriction, quidécoule d'ailleurs de la règle générale, et que la Cour applique fréquemment:la cassation du dispositif relatif au renouvellementdu bail entraîne la cassationdes autres dispositions du jugement qui en sont la conséquence (en l'espèceen ce qu'il omet de statuer sur une retenue à opérer sur le loyer), sauf, ajoutela Cour, le dispositif recevant les appels. Ce dispositif n'était, en effet, pasvisé par le moyen et n'était pas lié aux autres dispositifs de l'arrêt; la cassationne pouvait donc concerner cette question (45).

C'est donc bien l'application de la règle maintes fois rappelée au cours de cetexposé.

d. Lien d'indivisibilité entre dispositifs et décisions

19. Dans quelques arrêts la Cour fait appel à la notion d'indivisibilité pourjustifier l'étendue de la cassation.

(43) 18 janv. 1980. id., 1980, l, 571.(44) 20 févr., 10 avril et 7 mai 1981, id., 1981, l, 694, 902 et 1026.(45) 25 juin 1981, id., 1981, l, 1249.(46) 5 nov. 1981, id., 1981, 1,335.

(47) 7 févr. 1992, id., 1992, l, n° 296.

E. Stury-Scientia E. Story-Scientia

930 - 1995 ACTUALITÉS DU DROIT

Dans l'arrêt du 12 décembre 1968 (48) il est dit qu'en raison de l'indivisi-bilité la cassation de la décision condamnant la demanderesse (Cie intercom-munale des eaux) aux dépens de l'appel incident de Defraiteur contre la S.A.L'Étoile, doit être étendue à la condamnation des défendeurs Brasseur, qui nes'étaient pas pourvus contre l'arrêt. Les défendeurs Brasseurs étaient lesplombiers qui avaient été rendus responsables en même temps que la Compa-gnie des eaux, en raison d'une malfaçon qui avait provoqué une inondation.Il n'est pas possible de vérifier en quoi consistait cette indivisibilité. Mais ilétait évident que la portée du moyenjustifiait cette décision.

L'arrêt du 19 mars 1971 contient une décision analogue (49).

À l'occasion de la cession d'un bail commercial d'un immeuble, le juge avaitdéclaré cette cession illégale. La Cour casse cette décision. Devant le jugeétaient à la cause: le bailleur, les locataires et les cessionnaires du bail (qui nes'étaient pas pourvus). Le juge du fond avait déclaré nulle contrat de cessionentre les locataires (demandeurs en cassation) et les cessionnaires du bail.Cette décision faisait suite à une décision déclarant résolu aux torts des loca-taires, le bail avenu entre parties.

La Cour a décidé que lorsqu'un litige est indivisible entre le demandeur et unepartie devant le juge du fond qui ne s'est pas pourvue, mais que le demandeura mise en cause, et que le pourvoi est fondé, la cassation est prononcée tanten ce qui concerne la décision rendue à l'égard du demandeur, qu'en ce quiconcerne la décision rendue à l'égard de ladite partie.

Ici aussi je ne veux pas entrer dans l'examen de l'indivisibilité, qui depuisl'entrée en vigueur du Code judiciaire a une portée bien précise et qui necorrespond pas à la doctrine de la Cour d'avant 1970, mais il me paraît quela règle de la portée du moyen invoqué à l'appui du pourvoi aurait amplementsuffi pour justifier l'étendue de la cassation.

Tel est encore le cas de l'arrêt du 5 novembre 1990. La demanderesse et lesecond défendeur étaient en litige avec l'ONSS. La Cour casse la décision àl'égard de la demanderesse. Elle ajoute: 'le litige opposant les parties étantindivisible, la cassation de la décision rendue sur la demande formée par lademanderesse entraîne la cassation de la décision sur la demande de PaulDELlZÉE'(50).

(48) 12 déco1968, id., 1969, 1.343.(49) 19 mars 1971, id., 1971, 1,674.(50) 5 nov. 1990, id.. 1991, l, n° 124.

E. Stary-Scienlia

ACTUALITÉS DU DROIT

1995-931

Il n'est pas possible de vérifier ici si l'indivisibilité était justifiée.

20. Je voudrais, avant de passer à l'examen de deux autres problèmes, con-clure sur cette question, que dans tous les cas examinés, la Cour a fait applica-tion de la règle, qu'elle a énoncée elle-même et qui a été rappelée au début decet exposé, à savoir que c'est la portée du moyen qui détermine l'étendue dela cassation. Pour déterminer quelle est cette portée la Cour a recours à plu-sieurs critères, que nous venons d'analyser, qui, en fait, présentent beaucoupd'affinités entre eux tels, lien, suite, conséquence et même indivisibilité.L'analyse des arrêts a permis de constater chaque fois que l'étendue de lacassation était rattachée à la portée du moyen. La Cour respecte ainsi la règlefondamentale, à savoir qu'elle ne peut connaître d'une cause que dans leslimites que les parties ont déterminées en faisant valoir leurs moyens.

Un exemple très caractéristique a été fourni par l'application de la règle enmatière de demandes reconventionnelles. La cassation de la décision sur lademande principale ne peut entraîner la cassation de la décision sur la de-mande reconventionnelle que pour autant que celle-ci soit fondée sur lesmêmes motifs que ceux qui entraînent la cassation de la demande principale,c'est-à-dire que le moyen sur la base duquel la cassation de la décision Sur lademande principale est prononcée, porte nécessairement aussi sur la demandereconventionnelle. Si tel n'est pas le cas, il n'est pas permis d'étendre lacassation à la décision sur la demande reconventionnelle.

En règle générale il en est ainsi aussi des demandes en garantie, tout enadmettant que ici dans la grande majorité des cas, cette demande sera intime-ment liée à la demande principale, de sorte que le moyen qui justifie la cassa-tion de la décision sur la demande principale, portera aussi sur la décisionrelative à la demande en garantie.

On peut comparer ce cas à celui de la cassation de la décision relative à ladécision sur la recevabilité. Il va de soi que la portée du moyen est aussid'obtenir la cassation de la décision qui, après avoir admis la recevabilité dela demande, statue sur le fond du litige. Le demandeur en cassation qui con-teste la recevabilité de la demande, conteste par le fait même la légalité de ladécision sur le fond (voir Cass., 13 nov. 1964 et 17juin 1971) (51).

(51) 13 nov. 1964et 17juin 1971, id., 1965, l, 260 et 1971, l, 994.

E. Slury-Scientia

932 - 1995 ACTUALITÉS DU DROIT

D. L'ÉTENDUE DE LA CASSATION PAR RAPPORT À D'AUTRES JUGEMENTS OU

ARR~TS

21. J'en viens ainsi à un aspect du problème de l'étendue de la cassation quiest apparemment plus complexe. À plusieurs reprises, la Cour a cassé nonseulement l'arrêt qui faisait l'objet du pourvoi, mais aussi un ou plusieursautres arrêts considérés comme étant la conséquence de l'arrêt cassé.

Dans certains cas, le demandeur en cassation se pourvoit non seulement contrel'arrêt, à la décision duquel s'attaque le moyen, mais aussi les arrêts subsé-quents. Mais il y a aussi plusieurs cas où seul un arrêt est expressément visé1dans le pourvoi, et dans lesquels la Cour prononce en même temps la cassationd'un ou d'autres arrêts ou jugements, qui sont postérieurs.

Voici quelques arrêts qui concernent des pourvois dirigés contre plusieursarrêts, mais dont les moyens ne concernent, expressis verbis, que l'un de cesarrêts: 23 janvier 1969, 20 novembre 1967,4 novembre 1976,22 novembre1977,23 janvier 1978, 17 avril 1978, 17 décembre 1982,31 octobre 1986, 15février 1988, 18 novembre 1988 et 21 octobre 1992 (52).

En revanche voici une série d'arrêts qui concernent des pourvois dirigés contreun arrêt, mais où la cassation est étendue à d'autres arrêts ou jugements, ce quirevient à dire que, bien qu'expressis verbis, le pourvoi ne soit dirigé quecontre une seule décision, la cassation est étendue à d'autres décisions: 26avril 1972, 1ermars 1979, 10 avril 1981, 28 mai 1982,5 septembre 1985, Ilavril 1988, et 31 mai 1990 (53).

On pourrait se demander si, dans tous ces cas, la règle fondamentale est aussiapplicable. Peut-on dire que le moyen concerne les décisions contenues dansdes arrêts ou des jugements qui ne sont même pas expressément attaqués?

Quand on examine la plupart de ces arrêts, on constate, qu'en fait, que lepourvoi ait été dirigé à l'égard d'une seule décision ou qu'il concerne plu-sieurs décisions, les arrêts attaqués et ceux auxquels la cassation est étendue

(52) 23janv. 1969, id., 1969, 1,473; 20 nov. 1967, id.. 1968, l, 380; 4 nov. 1976, id., 1977,1,257;21 nov. 1977, id., 1978, l, 317; 23 janv. 1978, id., 1978, l, 596, 17 avril 1978, id., 1978, 1.918;17 déco 1982, 1983, l, n° 234; 31 oct. 1986, 1987, l, n° 137; 15 févr. 1988, 1988, l, n° 364; 18 nov.1988, 1989, l, n° 166,21 oct. 1992, 1992, l, n° 680.(53) 26 avril 1972, id., 1972, l, 789; 1 mars 1979, id., 1979, l, 782; 10 avril 1981, 1981, l, 904;

28 mai 1982, 1982, l, 1130; 6 sept. 1985, 1986, l, n° 8; Il avril 1988, 1988, l, n° 486; 31 mai 1990,1990, l, n° 574.

E. Story-Scientia

ACTUALITÉS DU DROIT1995 - 933

sont relatifs à un ensemble qui, du fait même, est englobé dans le moyeninvoqué à l'appui du pourvoi dirigé contre l'arrêt d'où sont issues les autresdécisions auxquelles la cassation est étendue.

Voyons en quelques exemples:

L'arrêt du 20 novembre 1967se rapporte, d'une part, à des décisions de prin-cipe définitives et, d'autre part, à une décision d'avant dire droit, désignant unexpert. Le moyen dirigé contre les décisions définitives concernait aussi ladécision d'avant dire droit. La cassation des décisions définitives entraîne, dèslors, aussi la cassation d'avant dire droit. La Cour ajoute que cette cassationconcerne aussi un arrêt postérieur qui statue après expertise. Nul ne doute quecela constitue un ensemble qui tombe sous la portée du moyen initial (54).

L'arrêt du 26 avril 1972casse l'arrêt qui a déclaré l'appel recevable et il casseen même temps l'arrêt ultérieur qui remplace l'expert désigné par l'arrêtinitial. L'explication déjà donnée s'impose aussi (55).

L'arrêt du 23 janvier 1978 casse un arrêt d'une cour du travail qui a renvoyéiIJégalement un litige devant une cour d'appel, alors que le renvoi devait sefaire devant unjuge statuant au premier degré. La Cour casse en même tempsl'arrêt de la cour d'appel qui avait déjà statué entre temps sur le renvoi(56).

L'arrêt du 17 décembre 1982casse un second arrêt, dont la Cour constate qu'ilest fondé sur le premier contre lequel le pourvoi était dirigé (57).

L'arrêt du 31 octobre 1986casse un arrêt qui a déclaré l'appel recevable et ilétend cette cassation à l'arrêt postérieur qui statue au fond (58).

Enfin l'arrêt du 21 octobre 1991 casse deux arrêts, dont la Cour constate quela cour d'appel a étroitement lié les deux demandes, de sorte que la cassationde l'une entraîne nécessairement ceUede l'autre (59).

On aperçoit clairement que dans tous ces cas, il existe un lien nécessaire telentre les diverses décisions impliquéesdans la cassation que le moyen invoqué

(54) 20 nov. 1967, id., 1968, l, 380.(55) 26 avril 1972, id., 1972, l, 789.(56) 23 janv. 1978, id., 1978, l, 596.(57) 17 déco 1982, id., 1983, l, n° 234.(58) 31 ocl. 1986, id., 1987, l, n° 137.(59) 21 oclo 1991, id., 1992, l, 103.

E. Story-Scientia

934 - 1995 ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT1995 -935

à l'appui du pourvoi contre l'une de celles-ci doit porter aussi sur les autres.C'est donc la règle générale dont il est fait application.

actes et jugements qui sont la suite de la décision cassée, même si à l'égardde ces actes et jugements, aucun recours n'a été exercé.

Il Y a un cas spécial, à savoir l'arrêt du 10 avril 1981, rendu sur les conclu-sions de M. le procureur général DUMON.C'est vraiment un cas d'école, quimontre l'intérêt de la question (60).

La Cour était saisie d'un pourvoi contre un jugement du tribunal de premièreinstance d'Anvers, statuant en appel. Le ministère public, M. DUMON,avaitopposé d'office une fin de non-recevoir et la Cour l'a suivi.

Il s'ensuit, décide la Cour, que les jugements du juge de paix de Merksem du9 décembre 1976 et du tribunal de première instance du 30 juin 1977, qui sontla suite du jugement du 25 octobre 1976, ont été annulés, au moment de lacassation de ce jugement, même si cette annulation n'a pas été constatée dansl'arrêt du 10 novembre 1978.

Les éléments de la procédure étaient les suivants: il s'agissait d'un litige enmatière de baux à loyer et plus spécialement de demande en indemnités duchef de dégâts locatifs.

Le pourvoi dirigé contre le jugement du 30 juin 1977 est donc irrecevable,puisque ce jugement a déjà été annulé le 10 novembre 1978. La fin de non-recevoir opposée au pourvoi par le ministère public était donc fondée.

Je voudrais faire au sujet de cet arrêt trois observations:

Un jugement, statuant en degré d'appel, contre un jugement de la justice depaix de Merksem, avait été rendu le 25 octobre 1976.

\Contre ce jugement un pourvoi fut introduit et la Cour cassa ce jugement, pararrêt du 10 novembre 1978 (non publié).

La première: cet arrêt montre l'utilité d'une décision de la Cour au sujet del'étendue de la cassation, au moment de la prononciation de l'arrêt de cassa-tion. Certes, en l'espèce il était vraisemblable que la Cour ignorait l'existencedes deux décisions qui sont intervenues après l'introduction du pourvoi. C'est,d'ameurs, ce qui constitue le caractère exceptionnel de cette affaire.

Je rappelle ici que le pourvoi en cassation n'est pas suspensif. La deuxième: ici aussi le fondement que j'ai exposé au sujet de l'étendue dela cassation est important. De quoi s'agissait-il? Une société O. était citéedevant le juge du fond pour s'entendre dire qu'eUe était cessionnaire d'un bailavenu entre d'autres parties au procès. En cette qualité eUe a été condamnéeà payer des arriérés de loyers, à entendre prononcer la rupture du contrat debail dont eUe était cessionnaire, au paiement d'une indemnité de relocation, età une indemnité du chef de dégâts locatifs. C'est sur cette dernière questionque portait la procédure ultérieure devant le juge de paix et le tribunal depremière instance en appel (2e jugement).

Aussi les parties, sans se soucier semble-t-il de l'existence du pourvoi, pour-suivirent la procédure sur la base d'un rapport d'expertise, d'abord devant lejuge de paix de Merksem qui rendit un jugement le 9 décembre 1976, ensuitedevant le tribunal de première instance d'Anvers, qui statua définitivement le30 juin 1977, c'est-à-dire, on voudra bien le noter, avant que ne soit rendul'arrêt du 10 novembre 1978.

C'est contre le jugement du 30 juin 1977 qu'une partie s'est pourvue encassation, toutefois après l'arrêt du 10 novembre 1978.

Qu'a décidé la Cour sur ce second pourvoi?

La Cour casse la décision en ce qui concerne la cession de bail à la société O.Il en résulte évidemment que toutes les condamnations qui en découlent sontaussi annulées. Le moyen tendait à cette conséquence. Il tendait donc aussi àl'annulation de toute décision prise sur la base de cette cession de bail contes-tée, notamment la détermination des indemnités du chef de dégâts locatifs.Elle constate que le jugement attaqué du 30 juin 1977 est la conséquence du

jugement du 25 octobre 1976. Or ce jugement a été cassé le 10 novembre1978. Cette cassation, décide la Cour, emporte annulation de plein droit des Il ne fallait donc pas aUer plus loin pour décider que les décisions du juge de

paix de Merksem et du tribunal de première instance étaient eUes aussi attein-tes par l'annulation.

(60) 10 avril 1981, id., 1981,1.904, R.W., 1981-1982,607.On voit que même dans cette hypothèse, assez exceptionnelle, la théorie estaussi valable.

E. Story-Scientia E. Story-Scientia

936 - 1995 ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT1995 -937

La troisième: on peut s'étonner que malgré un pourvoi concernant le fonde-ment même du litige, les parties aient cru utile de poursuivre la procédure aufond, alors qu'elles devaient se rendre compte que celle-ci ne pouvait êtremaintenue en cas de cassation.

Or, à supposer que la Cour casse la décision relative au fond, le juge de renvoin'est pas saisi de l'exception de prescription, ce dispositif là ayant acquis forcede chose jugée, puisqu'il n'a pas été attaqué par un pourvoi et ne pouvaitl'être faute d'intérêt. Dès lors, le défendeur au principal se retrouve devant lejuge de renvoi, qui pourrait le condamner au principal alors que, peut-être,l'exception de prescription était fondée (contrairement à ce qu'avait décidé lejuge).E. L'ÉTENDUE DE LA CASSATION ET LES DISPOSITIFS NON DISTINCTS

22. Il reste encore une question à exposer séparément. Elle est issue desconclusions particulièrement importantes de M. le procureur général HAYOITDE TERMICOURTet elle se rapporte à un problème apparemment marginal. Ils'agit de l'étendue de la cassation à ce que, depuis 1951, on appelle 'lesdispositifs non distincts'. À en juger par le nombre d'arrêts qui, depuis 1951,ont fait application de cette règle, celle-ci présente une grande importance.

Dans les conclusions qui précèdent l'arrêt du 16 février 1951, M. HAYOITamis l'accent sur la considération que l'application rigide des règles relativesà la procédure en cassation mène à une injus~ice, à laquelle les auteurs neproposent pas de remède, sauf, sans doute, les Pandectes belges qui font unesuggestion que M. HAYOITqualifie d'ingénieuse mais à laquelle il ne peut passe rallier (61).

C'est là que se trouve l'injustice dont faisait état M. HAYOIT.

Je voudrais d'abord faire remarquer que la difficulté provient de l'applicationde la règle fondamentale que je vous ai exposée: le moyen dont la Cour était

saisie n'avait pas et ne pouvait pas avoir la portée de se rapporter à l'exceptionde prescription. Dès lors, sur la base de la règle fondamentale, il n'était paspossible d'étendre la cassation.

Nous allons voir dans un instant le remède proposé par M. HAYOIT.

23. Mais avant cela, je voudrais donner un autre exemple qui mettra mieuxen exergue la difficulté à laquelle il faut porter remède.

C'est dans une jurisprudence déjà ancienne (1852 et 1879) de la Cour decassation de France, que M. HAYOITa trouvé la solution.

En fait, cette solution se rattache de très près à la règle fondamentale que j'aiexposée ci-dessus.

Prenons le cas où le défendeur soulève devant le juge d'appel, un moyen tiréde l'irrecevabilité de l'appel. Le juge du fond déclare l'appel recevable et ilfait droit à l'appel et condamne le défendeur.

Le problème posé peut se résumer comme suit: un jugement, un arrêt contientplus d'un dispositif, p. ex., comme en 1951, un dispositif qui rejette un moyentiré de la prescription de la demande principale et soulevé par le défendeur, etun dispositif aux termes duquel la demande principale est déclarée non fondée.

Cette fois le défendeur a intérêt à former un pourvoi tant en ce qui concernel'exception d'irrecevabilité qu'en ce qui concerne la décision au fond. À

supposer même qu'il n'ait pas de moyen en ce qui concerne le fond, il peutsoulever la question de l'irrecevabilité de l'appel.

Nous venons de voir que si la Cour casse la décision sur l'irrecevabilité, elleétend la cassation à la décision sur le fond, la portée du moyen étant de visertant l'un que l'autre dispositif.

Le demandeur au principal forme un pourvoi qui nécessairement ne concernepas le dispositif relatif à la prescription; il n'y a pas intérêt. Le défendeur neforme pas non plus de pourvoi, car s'il a été débouté sur l'exception de pres-cription, il a obtenu gain de cause au fond. Il n'a donc pas intérêt non plus.

Si le défendeur néglige de former un moyen en ce qui concerne la recevabilité,mais se limite à attaquer la décision sur le fond, le dispositif relatif à la rece-vabilité passera en force de chose jugée, et la Cour, à supposer qu'elle cassele dispositif relatif au fond, ne pourra étendre la cassation au dispositif relatifà la recevabilité (voir Cass., 13 nov. 1964) (62).

(61) 16 févr. 1951, id., 1951,1.395.(62) I3 nov. 1964, id., 1965, l, 260.

E. Stn,y-ScientiaE. Sln,y-Scienlia

938 - 1995 ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT1995 - 939

Ce second exemple me paraît bien mettre en relief la difficulté qui a été souli-gnée dans le premier exemple.

En revanche, l'entrepreneur qui exécute ces travaux est étranger aux liens dedroit qui naissent du voisinage; il n'est donc pas tenu de rétablir cet équilibre.

Or, cet entrepreneur avait été condamné à payer une indemnité sur la base del'article 544 du Code civil.

Quelle est, alors, la solution proposée par M. HAYOIT?

Lorsque la Cour casse un des dispositifs, elle décide en même temps que ledispositif qui ne pouvait faire l'objet d'un pourvoi recevable d'aucune desparties à la cause, est un dispositif non distinct du dispositif cassé, et que, dèslors, la cassation doit être étendue à ce dispositif non distinct.

Cette décision est cassée et la Cour casse de surcroît la décision que cetentrepreneur n'avait commis aucune faute (art. 1382 C. civ.).

Puis-je observer qu'en fait, il s'agit d'une solution qui fait rentrer le cas,autrement insoluble, sous l'application de la règle générale. Comme la Courconsidère que les deux dispositifs (le dispositif cassé et le dispositif nondistinct) sont intimement liés, au point de n'en faire qu'un, la Cour peutconsidérer que le moyen, dont la Cour est saisie, concerne l'ensemble des deuxdispositifs, de sorte que la cassation de l'un emporte la cassation de l'autre.Cette solution n'est évidemment possible que lorsque la Cour constate que ledispositif non distinct ne peut faire l'objet d'un pourvoi recevable d'aucunepartie, la recevabilité étant ici le plus souvent appréciée à l'aune de l'intérêt.

\Il ne peut être question de faire le commentaire de tous les arrêts qui ont faitapplication de cette règle, tant ils sont nombreux. Je vais néanmoins en com-menter quelques-uns, pour bien préciser la portée de la règle.

Cette dernière décision ne pouvait faire l'objet d'aucun pourvoi recevable: eneffet l'entrepreneur n'y avait pas intérêt. Quant au propriétaire du fond voisin,il n'y avait pas non plus intérêt, puisqu'il avait obtenu la compensation qu'ilréclamait.

Or, si la Cour cassait la décision relative à l'indemnité de compensation, lejuge de renvoi ne pouvait statuer que sur cette question, alors que la demandeoriginaire était aussi fondée sur l'article 1382 du C. civ. Le juge de renvoiaurait donc été privé de la possibilité d'examiner une partie de la demande,quiétait intimement liée à la demande principale.

24. L'arrêt du 28 janvier 1965 concernait une indemnité compensatoire, duepar celui qui a effectué sur son bien des travaux ayant entraîné pour le voisinun dommage excédent les inconvénients ordinaires du voisinage. Cette indem-nité est-elle due aussi par l'entrepreneur qui a exécuté les travaux? (63)

Voici un autre exemple: l'arrêt du 12 octobre 1967 concernait un litige entreles ayants droit de la victime d'un accident de roulageet le conducteur respon-sable. L'employeur de la victime avait conclu une assurance collective avecla S.A. Eagle Star. Celle-ci avait payé aux ayants droit ce à quoi elle étaittenue en vertu du contrat. Aux termes de ce contrat elle avait un droit derecours, par subrogation, à concurrence du montant qu'elle avait payé auxayants droit, contre l'auteur de l'accident et l'assureur de ce dernier (64).

En l'espèce le juge du fond avait aussi décidé que l'entrepreneur n'avaitcommis aucune faute dans l'exécution des travaux.

La Cour casse l'arrêt qui fait droit à la demande de l'Eagle Star fondée sur lasubrogation contre l'auteur de l'accident et son assureur, l'aigle de Paris.

La Cour de cassation décide que le propriétaire d'un immeuble qui, par un faitnon fautif, rompt l'équilibre entre les droits respectifs des propriétaires, enimposant à un autre propriétaire un trouble qui excède la mesure des inconvé-nients ordinaires du voisinage, doit au propriétaire lésé une juste et adéquatecompensation, rétablissant l'équilibre rompu.

Eagle Star avait aussi cité les ayants droit à lui rembourser les montantsqu'elle leur avait payés. Toutefois comme la cour d'appel avait fait droit à lademande dirigée contre l'auteur de l'accident et son assureur, elle avait dé-bouté Eagle Star de sa demande contre les ayants droit.

Cette dernière décision n'était pas susceptible de pourvoi, tant de la partd'Eagle Star qui avait obtenu ce qu'elle demandait de l'auteur de l'accident etde son assureur, que de la part des ayants droit, qui n'y avaient pas non plusintérêt.

(63) 28 janv. 1965, id., 1965, l, 521.(64) 12oel. 1967, id., 1968, l, 204.

E. S!nry-Scientia E. Stnry-Scientia

940 - 1995 ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT1995 - 941

Mais la cassation de la décision sur la demande principale, redonnait intérêtà la demande contre les ayants droit. portée du moyen. Malgré tout, il n'est pas permis d'aller au-delà, au risque de

méconnaître une règle essentielle du pourvoi en matière civile.

La Cour casse donc aussi la décision sur cette dernière demande.

Les deux dispositifs étaient intimement liés et le second n'était à l'égard dela cassation, pas distinct du premier.

II. L'ÉTENDUE DE LA CASSAnON EN MATIÈRE PÉNALE

Et voici, l'arrêt du 7 octobre 1977. Il s'agissait d'un procès en expropriation.L'exproprié avait fait valoir que l'arrêté royal autorisant l'expropriation étaitnul et que la décision du conseil communal était entachée de détournement depouvoir; il faisait valoir de plus qu'il n'y avait plus urgence, étant donné quela décision d'expropriation remontait à plus de sept ans. Le juge de paix avaitrejeté les deux premiers moyens, mais accueilli le troisième (65).

La Cour casse cette décision sur pourvoi de l'expropriant et elle casse de plusles deux autres dispositifs. Ces dispositifs ne pouvaient en effet faire l'objetd'un pourvoi, faute d'intérêt, de la part d'aucune des parties en cause, maisdevant le juge de renvoi, il fallait que le litige puisse être examiné dans sonensemble.

A. DISTINCTION ENTRE LA MATIÈRE PÉNALE ET LA MATIÈRE CIVILE

25. Le problème de l'étendue de la cassation en matière pénale pose desproblèmes différents de ceux que nous venons d'étudier.

La raison en est simple; alors que, en matière civile, comme nous venons de

le voir, le pouvoir de la Cour est limité aux moyens que soulèvent les parties,en matière pénale la Cour peut soulever d'office un moyen. Elle ne subit doncpas les restrictions qui existent au civil.

Et enfin, voici un arrêt particulièrement intéressant du point de vue des pou-voirs du juge de renvoi. Aux termes de l'arrêt du 13 avril 1981, lorsqu'unedécision judiciaire, cassée, comprenait un dispositif qui, n'ayant pu être l'objetd'un pourvoi recevable d'aucune des parties à l'instance en cassation, pour laraison qu'il n'infligeait aucun grief au demandeur et qu'il ne pouvait infligergrief au défendeur que si le dispositif attaqué venait à être cassé, n'étant pasdistinct de ce dernier, et lorsque la Cour n'a cassé, en termes exprès, que ledispositif attaqué, le juge de renvoi a le pouvoir de statuer sur la contestationfaisant l'objet de l'autre dispositif et remis en question devant lui (66).

Aussi, le nombre d'arrêts relatifs à l'étendue de la cassation en matière pénale\ est-il de loin plus important qu'en matière civile. Il est au demeurant, beau-

coup plus difficile de tracer une ligne d'ensemble, répondant à une règledéterminée. Ainsi que nous allons le voir, ce sont des cas précis, qui dans lapratique se répètent fréquemment, qui donnent lieu, le plus souvent, à des

applications identiques. Je vais m'efforcer de retracer les applications les plusfréquentes et nous verrons s'il est possible d'en tirer une ou plusieurs règlesd'ensemble.

Toutefois une restriction importante s'impose: sur le pourvoi de la partiecivile, la Cour ne soulève pas de moyen d'office. Il appartient donc à la partiecivile de préciser dans un moyen, en quoi consiste l'illégalité commise par lejuge du fond.

Il s'agissait donc d'un cas où la Cour avait omis de statuer sur l'étendue dela cassation.

Ceci n'empêchera pas, comme nous allons le voir, d'étendre la cassation dela décision sur l'action pénale à la décision sur l'action civile, qui est laconséquence de la première.Nous terminons ainsi l'examen de la question de l'étendue de la cassation en

matière civile. Comme je l'ai souligné dès le début de cet exposé, toute laquestion découle de la règle qui limite les pouvoirs de la Cour à l'examen dumoyen qui lui est soumis. C'est en raison de cette limite que la Cour a étéamenée à interpréter la règle d'une manière très large. Tout découle de la

B. RÈGLES À PORTÉE GÉNÉRALE

(65) 7 DeI. 1977, id., 1978, l, 162.(66) 13 avril 1981, id., 1981, l, 909.

La Cour a énoncé dans quelques arrêts des règles qui ont une portée généraleet dont il faut tenir compte, si l'on veut comprendre l'ensemble des arrêtsconsacrés à la matière pénale.

E. Stafy-Scientia E. Stafy-Scientia

ACTUALITÉS DU DROIT942 - 1995

L'arrêt du 27 février 1985 décide que lorsque certaines décisions contenuesdans un arrêt ou jugement sont attaquées par un ou plusieurs pourvois, lesdécisions du même arrêt ou jugement contre lesquelles aucun pourvoi n'estdirigé ne sont pas déférées à la Cour et, en règle, la cassation totale ou par-tielle des décisions attaquées, ne s'étend pas à celles qui ne le sont pas(67).

C'est encore en ce sens que statue l'arrêt du 17 juin 1992: lorsque la Cour,dans son dispositif, casse la décision attaquée,elle statue nécessairement,quelsque soient les termes employés, dans les limites des pourvois et, sur les ac-tions civiles, la cassation est nécessairement limitée à la portée des moyens envertu desquels elle a été prononcée (68).

Une application de cette règle se retrouve dans l'arrêt du 22 octobre 1969, auxtermes duquel la Cour casse l'arrêt attaqué (au pénal), sauf en tant qu'il statuesur l'action civile exercée contre le demandeur, décision définitive contrelaquelle celui-ci a déclaré sans réserve, ne pas se pourvoir (69).

Un autre arrêt du 27 février 1985 décide que lorsque la Cour, dans son dispo-sitif casse la décision attaquée, elle statue nécessairement,quels que soient lestermes employés, dans les limites des pourvois, et sur les actions civiles, lacassation est nécessairement limitée à la portée des moyens en vertu desquelselle a été prononcée (70).

Nous trouvons dans cet arrêt l'énoncé de toutes les règles essentielles propresà la matière qui noUSconcerne et je souligne qu'ici aussi, en matière civile, laCour se réfère à la portée du moyen. Nous ne sommes pas loin de ce qui a étéexposé en ce qui concerne l'étendue de la cassation en procédure civile.

Ainsi la Cour constate à plusieurs reprises que ses pouvoirs sont limités parla portée du pourvoi et, même, par la portée des moyens. On ne peut, en effet,perdre de vue que même en matière pénale, le pourvoi en cassation reste unevoie de recours extraordinaire, de sorte qu'il a nécessairement une portéelimitée. De plus, il appartient aux parties de définir les limites dans lesquelleselles soumettent une décision à la censure de la Cour. En matière pénale,lorsque le prévenu introduit un pourvoi et ne formule ni réserve ni moyen, laCour considère qu'elle dispose d'un pouvoir très large du contrôle de légalité,

(67) 27 févr. 1985, id., 1985, 1, n° 387.(68) 17 juin 1992, id., 1992, l, n° 544.(69) 22oct. 1969, id., 1970, l, 161.(70) 27 févr. 1985, id., 1985, l, n° 386.

E. Story-Scienlia

ACTUALITÉS DU DROIT 1995 -943

ce qui lui permet de soulever un moyen d'office. On sait qu'à cet égard iln'existe aucune règle légale et que, à plusieurs reprises, des voix se sont faitentendre pour que la Cour renonce à soulever des moyens d'office.

26. À ce sujet, j'attire l'attention sur un arrêt fort important du 8 novembre1965, qui précise les effets d'un arrêt de cassation en matière pénale (71).

En l'espèce, il s'agissait d'un pourvoi dirigé contre un arrêt rendu sur renvoiaprès cassation. Le demandeur reprochait à l'arrêt de l'avoir condamné à unmontant d'une indemnité attribuée au défendeur, du chef d'incapacité perma-nente partielle, supérieur au montant accordé par le juge dont la décision avaitété cassée.

La Cour répond 'que la Cour de cassation ne connaissant des pourvois quedans l'intérêt des parties qui les ont formés (Arrêté du 15 mars 1815, art. 9)le seul recours en cassation du prévenu ne défère à l'examen de la Cour queles violations de la loi commises au préjudice du prévenu;'

'que la violation de la loi une fois constatée entraîne la cassation totale ou, partielle, selon les cas, mais toujours pure et simple, de la décision attaquée;

qu'il s'ensuit que la cassation prononcée sur le pourvoi du prévenu n'est pasprononcé par voie d'émendation à son profit, c.-à-d. seulement en tant que ledispositif de la décision lui est défavorable; qu'elle est décrétée par la Coursans réserve au profit du demandeur, conformément à la disposition généralede l'article 17, al. 2 de la loi du 4 aofit 1832;'

'que cette règle répond à la nature même de la demande en cassation; quecelui qui sollicite et obtient l'annulation du titre attaqué ne peut en mêmetemps prétendre en conserver le bénéfice;'

'qu'il suit de ces considérations que saisie par un renvoi non limité en ce quiconcerne l'évaluation de l'indemnité revenant au défendeur, la Cour de renvoiétait substituée à la Cour dont l'arrêt avait été annulé et que les parties liti-geantes devant la Cour de cassation étaient replacées devant la juridiction derenvoi dans l'état où elles s'étaient trouvées sur leurs appels, principal etincident, devant la juridiction qui avait rendu la décision cassée'.

Dans le même ordre d'idées, il faut souligner qu'en matière de procédurepénale, comme en matière de procédure civile, la Cour n'est pas tenue depréciser l'étendue de la cassation et, que lorsque cette précision fait défaut,

(71) 8 nov. 1965, id., 1966, l, 324.

E. Story.Scientia

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c'est aux parties et au juge de renvoi qu'il appartient de préciser les limitesdans lesquelles le juge de renvoi est appelé à statuer. À cet égard l'arrêt du 3mai 1988 est particulièrement instructif. Il y est dit que 'lorsque le tribunalcorrectionnel a acquitté le prévenu et débouté la partie civile et que, surl'appel du ministère public et de la partie civile, la cour d'appel a déclarél'action publique prescrite et l'action civile non fondée, la cassation, sur lepourvoi de la partie civile, de cet arrêt, a pour effet de replacer les parties,quant à l'action civile, dans la situation où elles se trouvaient avant l'arrêtcassé; il appartient au juge de renvoi de statuer sur l'action civile sans être liépar les motifs de l'arrêt cassé qui ont fondé la décision, devenue définitivequantà l'actionpublique,de renvoides poursuites(72). .

Ce sont là des règles d'ordre général, qui sont essentielles en ce qui concernel'objet du présent exposé.

que, exercée à charge du demandeur, et la décision rendue sur l'action civile,exercée par le demandeur contre le défendeur;' (74)

'que la cassation de la décision rendue sur l'action publique exercée à chargedu demandeur s'étend, dès lors, à la décision rendue sur l'action civile exercéepar le demandeur contre le défendeur, contre laquelle le demandeur s'estrégulièrement pourvu'.

Cet arrêt est tout à fait semblable au précédent.

C. ApPLICATIONS DES RÈGLES GÉNÉRALES

L'arrêt du 24 octobre 1989, (75) encore que semblable aussi, présentenéanmoins un intérêt sur le plan qui nous concerne. La Cour décide, en effet,que la cassation, sur le pourvoi du prévenu, de la décision définitive renduesur l'action civile exercée contre lui, entraîne l'annulation de la décisiondéfinitive, rendue sur l'action civile exercée par lui contre un coprévenu, bienque cette dernière décision, contre laquelle il s'est régulièrement pourvu nesoit pas entachée de la même illégalité, lorsqu'il ressort de la décision atta-quée, que le juge du fond a établi entre les deux décisions un lien faisantnécessairement dépendre la seconde de la première. La Cour avait déjà statué

1 en ce sens par l'arrêt du 8 septembre 1975 (76).27. Voyons à présent quelques applications de ces règles.

Un certain nombre d'arrêts fondent l'étendue de la cassation sur le lien quiexiste soit entre plusieurs dispositifs de la même décision, soit entre plusieursdécisions.

L'arrêt du 21 septembre 1977,après avoir constaté 'qu'il résulte de ces consi-dérations que le juge a établi un lien de causalité entre la décision rendue surl'action publique exercée à charge du demandeur, et la décision rendue surl'action civile exercée par lui contre le défendeur', décide 'que la cassation dela décision rendue sur l'action publique doit, dès lors, s'étendre à la décisionrendue sur l'action civile, contre laquelle le demandeur s'est régulièrementpourvu (73).

Soulignons ici que la Cour met l'accent sur la considération que la cassationest étendue à une décision contre laquelle le demandeur a aussi formé unpourvoi.

C'est en ce sens aussi que statue l'arrêt du 26 octobre 1982: 'que ces motifsdu jugement établissent un rapport entre la décision rendue sur l'action publi-

Notons que dans les trois cas examinés ci-dessus la Cour constate que c'est lejuge du fond qui a établi le lien entre les décisions. La Cour ne pourrait, eneffet, pas le décider, étant donné que cette décision gît en fait.

28. Dans un ordre d'idées fort proche de celui que nous venons d'exposer, laCour met l'accent sur la considération que deux dispositifs ou deux décisionssont entachés de la même illégalité.

L'arrêt du 9 décembre 1980 décide que la cassation des décisions définitivesrendues sur les actions civiles exercées contre le demandeur,entraîne l'annula-tion des décisions non définitives, rendues sur les actions civiles exercéescontre lui et fondées sur la même illégalité (77).

Et voici encore l'arrêt du 4 septembre 1990,aux termes duquel la cassation surle pourvoi d'une partie civile, de la décision rendue sur son action entraînel'annulation de la décision définitive rendue sur l'action d'une autre partie

(72) 3 mai 1988, id., 1988, l, n° 536.

(73) 21 sept. 1977, id., 1978, l, 95.

(74) 26 Det. 1982, id., 1983, l, 267.

(75) 24 Det. 1989, id:, 1990, l, n° 229.

(76) 8 sept. 1975, id., 1976, l, 36.

(77) 9 dée. 1980, id., 1981, 1,405.

E. Stary-Scienti. E. Story-Scienti.

ACTUALITÉS DU DROIT946 -1995

civile, lorsque cette décision est entachée de la même illégalité que la premièreet fait l'objet d'un pourvoi recevable (78).

puis-je rappeler qu'en règle un pourvoi dirigé contre une décision non défini-tive est irrecevable. Cette règle n'empêche pas, le cas échéant, l'étendue de lacassation.

L'arrêt du Il octobre 1983 dispose que lorsque le prévenu et son assureurintervenu volontairement, se sont régulièrement pourvus contre un arrêt lescondamnant solidairement à indemniser la victime d'un accident, et que, surle pourvoi de l'assureur, la décision rendue à son égard est cassée, la cassations'étend à la décision entachée de la même illégalité, condamnant le prévenu,alors même que celui-ci n'invoque aucun moyen (79).

Et voici encore, confirmant tout ce qui vient d'être rappelé l'arrêt du 14 avril1992 aux termes duquel 'la cassation de la décision définitive condamnant àl'égard d'une partie civile, une partie intervenue, entraîne l'annulation desdécisions définitives contre lesquelles la partie intervenue s'est régulièrementpourvue et les décisions non définitives condamnant cette partie à l'égardd'autres parties civiles, lorsque ces décisions sont entachées de la mêmeillégalité que la première ou lorsque le juge dufond a établi un lien entre cesdécisions (80).

Et, enfin, voici l'arrêt du 21 janvier 1974 qui décide que la cassation sur lepourvoi du prévenu de la décision rendue sur l'action publique, entraîne lacassation des décisions non définitives, rendues sur les actions des partiesciviles, bien que le pourvoi formé contre ces décisions ne soit pas actuellementrecevable (81).

Cet arrêt confirme ainsi la règle qui a été rappelée il Ya un instant, à savoirque le pourvoi contre une décision non définitive n'est pas recevable, mais quepar le biais de l'étendue de la cassation, ces décisions peuvent aussi êtresoumises au juge de renvoi.

On pourrait encore citer l'arrêt du 22 novembre 1990 qui constitue une espècede compendium des divers cas qui viennent d'être relatés (82).

(7S) 4 sept. 1990, id., 1991,1, n° 1.(79) 11 Oct. 19S3, id., 19S4, l, n° SI.(SO) 14 avril 1992, id., 1992,1, n° 434.(S1) 21 janv. 1974, id., 1974, l, 52S.(S2) 22 nov. 1990, id., 1990, l, n° ISS.

E. Story-Scientia

ACTUALITÉS DU DROIT 1995 -947

29. Je voudrais, enfin, citer un certain nombre de cas qui tous s'inscriventdans les lignes qui viennent d'être rappelées.

C'est ainsi que la Cour a décidé à de nombreuses reprises que la cassation, surle pourvoi non limité du prévenu, de la décision de condamnation rendue surl'action publique, entraîne la cassation de la décision définitive sur les actionsciviles exercées contre lui, qui est la conséquence de la première. .

En réalité c'est en ce cas aussi le lien qui unit ces décisions qui justifie quela cassation soit étendue. Mais ici la Cour ne le dit pas expressément.

On trouve dans le courant des trente années qui ont servi de base à la prépara-tion du présent exposé, des dizaines d'arrêts rédigés de la même manière.Cette rédaction comporte sa justification: la cassation de la décision définitivesur l'action civile doit être la conséquence de la décision de condamnation aupénal. Nous retrouvons ici une notion qui est apparue en matière civile. Maisdans ce dernier cas, cette expression ne se justifiait que par le fait que lemoyen permettait cette application.

1 En matière pénale la question est différente étant donné que la règle est appli-cable, même en l'absence de moyen proposé par le prévenu, c'est-à-direlorsque la Cour casse d'office, en raison d'une illégalité qu'elle a constatée(Cass., 19 oct. 1964) (83).

D'autre part, la règle n'est applicable que dans la mesure où l'action civile serapporte à une infraction qui donne lieu à la cassation de la décision renduede ce chef. Si le prévenu a été poursuivi du chef de plusieurs infractions et quela cassation n'intervint que quant à la décision relative à l'une de ces infrac-tions, la cassation de la décision sur l'action civile n'interviendra que pourautant que cette action ait été fondée sur l'infraction donnant lieu à cassation(voir Cass., 11 janv. 1965) (84).

Il n'y a pas lieu de citer tous les arrêts qui concernent ces questions; ils sonttrop nombreux et énoncent tous la même règle.

30. Voici un autre cas d'espèce, qui lui aussi a donné lieu à de très nombreu-ses applications, toutes dans le même sens.

Lorsque la décision condamnant le prévenu est cassée sur le pourvoi de celui-ci et que la partie civilement responsable ne s'est pas pourvue ou s'est pourvue

(S3) 190ct. 1964, id., 1965, l, 276.

(S4) Il janv. 1965, id., 1965, 1,446.

E. Stocy-Scientia

948 - 1995 ACTUALITÉS DU DROITACTUALITÉS DU DROIT

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irrégulièrement, la décision déclarant cette partie civilement responsable de lacondamnation du prévenu devient sans objet.

Si cette partie se pourvoit contre la décision, notamment parce qu'elle estimeque c'est à tort qu'elle a été déclarée responsable pour le prévenu, la Couraura à statuer sur le moyenqui se rapporteà cette questionet, en cas decassation, le juge de renvoi sera saisi de cette contestation (85).

En revanche, s'il n'y a pas de pourvoi, la Cour se contente de déclarer ladécision relative à la responsabilité de cette partie sans objet, en sorte que lejuge de renvoi n'est pas saisi d'une contestation sur ce point, à moins que lapartie n'en prenne l'initiative, ce qui est son droit.

Tout au long des années sous revue, au cours de cet exposé, la Cour a statuéen ce sens, le plus souvent d'office, n'étant pas saisie d'un pourvoi de la partiecivilement responsable (86).

31. Le 12 octobre 1964 la Cour a décidé que la cassation sur le pourvoi ducondamné d'un arrêt de condamnation rendu par défaut, entraîne la cassationde l'arrêt déclarant non avenue l'opposition formée contre le premier arrêt(87).

32. D'autre part, lorsque sur le seul pourvoi du ministère public, la Courcasse le dispositif d'un jugement relatif à l'action publique, cette cassation nes'étend pas au dispositif statuant sur le fondement de l'action de la partiecivile.

Le ministère public n'a en effet aucune compétence en ce qui concerne l'ac-tion civile et, dès lors, son pourvoi ne peut avoir d'effet à l'égard de cettepartie (Cass., 19 oct. 1964) (88).

Dans le même ordre d'idées, la cassation sur le pourvoi du ministère publicdirigé contre le prévenu et la partie déclaréecivilement responsable pour celui-ci, de la décision de condamnation du prévenu, entraîne l'annulation du dispo-sitif déclarant la partie civilement responsable de cette condamnation (Cass.,22 févr. 1965) (89).

En ce cas, en effet, le ministère public est compétent et, en l'espèce, il y avaitpourvoi contre les deux parties.

Lorsque la partie civile s'est régulièrementpourvue, la cassation sur le pourvoidu ministère public, de la décision d'acquittement du prévenu entraîne lacassation de la décision d'incompétence pour statuer sur l'action de la partiecivile, lorsque cette dernière décision est fondée sur le même motif illégal. Ilen est ainsi même si la partie civile ne fait valoir aucun moyen (Cass., 24 mai1965) (90).

Cet arrêt met bien en valeur les principes qui régissent la matière. Certes laCour n'a de pouvoir que si un pourvoi a été formé, mais dans les limites dece pourvoi, elle peut agir, même en l'absence de moyen. On remarque ici ladifférence essentielle avec le pourvoi en matière civile. D'autre part, la cassa-tion de la décision à l'égard du prévenu, n'entraîne celle qui concerne l'actioncivile que si celle-ci est fondée sur le même motif illégal que celui qui donnelieu à cassation en matière pénale. Il faut donc un lien entre les deux déci-sions.

. En revanche, le pourvoi de la partie civile ne défère pas à la Cour la décisionsur l'action publique. Dès lors, lorsqu'un arrêt acquittant le prévenu et décla-rant la juridiction répressive incompétente pour connaître de l'action de lapartie civile, n'a été attaqué que par celle-ci et qu'il est cassé, la cassationn'atteint pas la décision rendue sur l'action publique (Cass., 25 oct. 1965)(91).

33. Dans la plupart des cas que nous venons d'examiner, il s'agissait dedispositifs multiples de la même décision, la cassation de l'un de ces disposi-tifs pouvant entraîner celle de l'un ou des autres.

D. L'ÉTENDUE DE LA CASSATION ET D'AUTRES DÉCISIONS

Mais la cassation peut aussi être étendue à d'autres décisions.

(85) 12 janv. 1989. id., 1989, l, n° 278.(86) 23 janv. 1985. id.. 1985, 1. n° 301.(87) 12 nel. 1964. id., 1965, l, 140.(88) 19 nel. 1964. id.. 1965. l, 183.

(89) 22 févr. 1965. id., 1965. l, 638.

Je me contenterai de citer ici trois cas typiques: lorsqu'un jugement a statuéen prosécution de cause d'une décision, forcément antérieure, mais qui faitl'objet d'un pourvoi, la Cour décide que la cassation de la décision attaquée

(90) 24 mai 1965, id.. 1965. (, 1030.(91) 25 nel. 1965. id.. 1966,1.273.

E. Story-Scienti. E. Story-Scienti.

950 - 1995 ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT 1995-951

entraîne, dans la même mesure, celle de la procédure qui est la suite de ladécision attaquée. En l'espèce la Cour casse un arrêt du 5 novembre 1980,attaqué par le pourvoi et elle étend cette cassation au jugement du 15 mai1984 qui statue sur la même action civile et est la suite de l'arrêt attaqué etcassé (30 avril 1985) (92).

qu'en dépit de ce désistement, qui n'implique pas acquiescement, la cassationci-après prononcée de la décision non définitive rendue sur l'action civileexercée par le demandeur contre les défendeurs entraîne l'annulation de ladécision non définitive imputant au demandeur les 2/3 de la responsabilité dudommage; que cette décision qui ne pouvait faire l'objet d'un pourvoi receva-ble d'aucune des parties n'est pas distincte du dispositif attaqué (frais)'.

Dans le même ordre d'idées la cassation d'un arrêt du 4 janvier 1984 entraînela cassation d'un arrêt du 29 mars 1988 qui en est la suite (2 nov. 1988)(93).

Enfin voici l'arrêt du 4 mars 1986 aux termes duquel lorsqu'un arrêt decondamnation est cassé pour le motif qu'une instruction avait été ouverte etque la procédure n'avait pas été réglée par la juridiction d'instruction, l'annu-lation s'étend à ce qui a précédé l'arrêt à partir du plus ancien acte nul, celui-ci étant l'ordre de citer le prévenu à comparaître devant le tribunal correction-nel (94).

Et voici une formule que l'on retrouve dans maints arrêts, notamment celui du24 mai 1983: lorsque sur le pourvoi du prévenu, les décisions rendues sur lesactions publiques et civiles exercées contre lui sont cassées, cette cassations'étend au dispositif fondé sur la même illégalité qui met hors de cause leFonds Commun, dispositif contre lequel aucune des parties en cause devant lejuge du fond ne pouvait former un pourvoi recevable et qui n'est, dès lors, pasdistinct au point de vue de l'étendue de la cassation (96) (cons. aussi 24mai 1989; 22 nov. 1989,29 janv. 1992) (97).

E. L'ÉTENDUE DE LA CASSATION ET LES DISPOSITIFS NON DISTINCTS

Il importe de souligner ici que dans tous les cas, il ne pouvait pas y avoir depourvoi recevable, ce qui montre que l'étendue de la cassation est, en règle,liée à l'existence d'un pourvoi. Il est dérogé à cette règle lorsqu'un dispositifest...frappé de la même illégalité, mais ne peut faire l'objet d'un pourvoi rece-vable.

34. Il faut encore mentionner en matière pénale, comme en matière civile,l'application de la théorie du dispositif non distinct. Ici je me limiterai à citerdeux arrêts qui me paraissent les plus significatifs.

C'est donc bien la théorie exposée par M. HAYOIT,à laquelle j'ai fait allusionau cours de l'exposé consacré à la procédure civile.

L'arrêt du 11 janvier 1983 (95) concernait le pourvoi d'un prévenu. Celui-ci s'était aussi constitué partie civile contre d'autres prévenus. F. QUELQUES CAS SPÉCIAUX

Le pourvoi du prévenu est accueilli en tant que sa condamnation aux frais estillégale. Il convient de souligner qu'en ce qui concerne l'action publique, lejugement attaqué avait déclaré l'action publique prescrite.

Sur le pourvoi relatif à la décision sur l'action civile du demandeur contred'autres prévenus, la Cour décide:

'que le demandeur se désiste de son pourvoi, sous réserve de le réitérer aprèsqu'une décision définitive sera intervenue.

35. Avant de conclure et dans le but d'être complet,je voudrais encore attirerl'attention sur une jurisprudence constante, et diversifiée selon les cas, auxtermes de laquelle la Cour précise l'étendue de la cassation au sein même d'undispositif, tel en matière de peine illégale, de déchéance du droit de conduire,d'interdiction de l'exercice de certains droits, conformément à l'article 31 duCode pénal, de mise à la disposition du gouvernement, de remise en état deslieux,d'emprisonnementsubsidiaire. .

(92) 30 avril 1985, id., 1985, l, n° 519.(93) 2 nov. 1988, id., 1989, l, n° 128.(94) 4 mars 1986, id., 1986, l, n° 425.(95) Il janv. 1983, id., 1983, l, 274.

(96) 24 mai 1983, id., 1983, l, 528.(97) 24 mai 1989, id., 1989,1. n° 544; 22 nov. 1989, id., 1990, l, n° 188; 29 janv. 1992, id., 1992,l, n° 280.

E. Story.Scientia E. Story-Scientin

952 - 1995 ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT 1995-953

La question concerne plus spécialement l'impact d'une illégalité qui concernel'un de ces éléments, soit sur l'ensemble de la décision, soit sur le dispositifqui concerne la mesure. Les arrêts qui sont relatifs à ces problèmes sontparticulièrement nombreux.

à l'égard du demandeurde la faculté de l'article 23 de la loi de défense sociale(102).

36. L'arrêt du 21 mai 1974 (98) constate que le juge a infligé une amen-de, alors que seule une peine d'emprisonnement est prévue par la loi.

41. En matière de sursis, la Cour a décidé, par l'arrêt du 27 février 1985, quele sursis constitue un élément de la peine principale de sorte que l'illégalitéqui affecte la décision sur le sursis, entraîne l'annulation de la condamnationentière (l03).

En réalité c'est la condamnation dans son ensemble qui est cassée.

42. Enfin, en matière d'emprisonnement subsidiaire, la Cour a décidé quelorsqu'un arrêt de condamnation est cassé parce que le juge a prononcé despeines d'emprisonnement subsidiaire illégales, la cassation et le renvoi sontlimités à ce dispositif. En l'espèce le jugement attaqué avait infligé une peined'emprisonnement subsidiaire plus forte qu'en première instance, alors qu'iln'y avait pas d'appel du ministère public (104).

L'arrêt attaqué a infligé au défendeur outre une peine d'emprisonnement, uneamende dépourvue de base légale; l'illégalité d'un des éléments de la peineunique de 2 mois et de 100 frs appliquée,frappe la peine entière.

37. Aux termes de l'arrêt du 10 février 1988, l'illégalité de la déchéance dudroit de conduire, prononcée à titre de peine, s'étend à toute la condamnation

infligée du chef de j'infraction pour laquelle la déchéance a été prononcée(99).

III. CONCLUSIONS

38. D'autre part, voici une cassation limitée: lorsque la décision a infligéillégalement (en I:espèce, un défaut de motivation) la peine de l'interdictiond'exercer les droits énumérés à l'article 31 du Code pénal, la cassation estlimitée à ce dispositif, c.-à-d. en tant que la décision statue sur cette interdic-tion (5 avril 1977) (l00).

43. Le problème de l'étendue de la cassation est réglé d'une manière diffé-rente selon qu'il s'agit de la procédure en matière civile (prise dans un senslarge) et de la procédure en matière pénale.

39. En matière d'urbanisme, l'arrêt du 19 septembre 1978 casse la décisionqui ordonne, sur la demande du fonctionnaire compétent, la remise en état deslieux. C'est donc une décision qui limite la cassation à la remise en état deslieux, la décision sur l'action publique n'étant pas cassée (lOI).

44. a. En matière civile la règle fondamentale se trouve à l'article 1095 duCode judiciaire, aux termes duquel la Cour ne connaît que des chefs de ladécision, indiqués dans la requête introductive.

b. Dans l'intérêt d'une saine administration de la justice, la Cour donne decette disposition une interprétation fondée sur ce qu'elle considère commeétant la portée du moyen.

40. Mais l'arrêt du 8 octobre 1974 qui casse parce que la décision attaquéea ordonné illégalement la mise à la dispositiondu gouvernement d'un individucondamné à une lourde peine d'emprisonnement, décide que cette cassations'étend à la condamnation dans son ensemble, parce que la mise à la disposi-tion du gouvernement constitue avec la peine, un tout indivisible. La cassationn'était cependant motivée que par la considération que le juge n'indiquait pasde façon précise et concrète les raisons pour lesquelles il estimait devoir user

c. En déterminant la portée du moyen la Cour précise les chefs de la décisionattaquée qui sont implicitement compris dans ce moyen.

Il s'agit donc d'une construction jurisprudentielle, c'est-à-dire qui ne résultepas expressément du texte légal.

(98) 21 mai 1974, id., 1974, l, 979.(99) JO févr. 1988, id., 1988, l, n° 360.(100) 5 avril 1977, id., 1977, 1,835.(lOI) 19 sept. 1978, id., 1979, l, 81.

(102) 8oct. 1974, id., 1975, l, 163; 26 nov. 1974, id., 1975, l, 334.(103) 27 févr. 1985, id., 1985, l, n° 385.(104) 23 avril 1985, id., 1985, l, n° 503.

E. Story-ScienUa E. Story-Scientia

954 - 1995 ACTUALITÉS DU DROIT ACTUALITÉS DU DROIT 1995 - 955

d. Pour déterminer la portée du moyen en ce qui concerne les dispositifs ainsivisés, la Cour a recours à plusieurs critères: le lien nécessaire, qui unit lesdispositifs; la conséquence, qui unit deux dispositifs, l'un étant la conséquencede l'autre; la suite, qui unit de même les dispositifs, l'un étant la suite del'autre; l'indivisibilité, prise au sens que lui attachait tant la jurisprudence quela doctrine avant l'entrée en vigueur du Code judiciaire; le caractère nondistinct, d'un dispositif vis-à-vis d'un autre expressément visé par le moyen,lorsque le premier de ces dispositifs n'est susceptible d'un pourvoi recevable,d'aucune des parties en cause, en sorte que les deux dispositifs sont considéréscomme n'en faisant qu'un du point de vue de la cassation.

45. En matière pénale, les pouvoirs de la Cour sont plus larges, puisque, surle plan de l'action publique, la Cour peut soulever des moyens d'office etn'est, dès lors, limitée que par l'existence d'un pourvoi. Ce n'est donc pas laportée du moyen qui limite les pouvoirs de la Cour. Toutefois si le prévenulimite lui-même expressément la portée du pourvoi, la Cour ne peut aller au-delà.

Sur la base de ces critères, la Cour détermine la portée du moyen, en sorte quecelui-ci est considéré comme ayant en vue la cassation non seulement du

dispositif expressément désigné dans le moyen, mais aussi des dispositifs quilui sont intimement associés.

En ce qui concerne l'action civile, liée à l'action pénale, la cassation estétendue aux décisions définitives et non définitives qui sont la conséquence dela décision sur l'action pénale, pour autant que ces dispositifs soient aussiprévus dans le pourvoi. Il n'est fait exception à cette règle que lorsqu'il s'agitd'un dispositif non distinct, qui ne peut faire l'objet d'un pourvoi recevabled'aucune des parties.

46. Le problème de l'étendue de la cassation présente un double intérêt.

e. Depuis plusieurs décennies la Cour détermine le plus souvent elle-même lesdispositifs qui sont ainsi visés par le moyen sur la base duquel la cassation estprononcée.

D'abord, d'un point de vue de la pratique, étant donné l'importance que cettequestion présente pour déterminer les pouvoirs du juge de renvoi.

Dès lors, si elle ne détermine pas l'étendue de la cassation, c'est-à-dire si ellese limite à préciser le dispositif cassé, expressément visé par le moyen, sanspréciser quels sont les autres dispositifs intimement liés au dispositif cassé etdont la cassation s'impose en vertu de la portée du moyen, c'est au juge derenvoi qu'incombe l'obligation de déterminer l'étendue de la cassation, sur labase de la portée du moyen et en s'inspirant des critères auxquels la Cour seréfère. Le juge de renvoi tiendra compte tant des motifs de l'arrêt de cassationque du dispositif même de cet arrêt.

Ensuite, sur le plan de la science du droit. Au départ d'un texte d'une trèsgrande importance, puisqu'illimite les pouvoirs du juge de cassation, la Coura donné de ce texte une interprétation qui concilie à la fois, la règle fondamen-tale qui vient d'être rappelée, et les principes d'une saine administration de laJustice, étant donné que sans cette interprétation il pourrait en résulter entreles décisions qui n'auraient pas été cassées, en exécution d'une interprétationétroite de la règle précitée, et celles qui seraient rendues par le juge de renvoi,des contradictions qui ne pourraient être tolérées. C'est ce qu'avait déjà remar-quablement mis en lumière M. le procureur général HAYOlTDETERMICOURT,dans les conclusions précédant l'arrêt du 16 février 195I.

Mais aucune disposition légale ne l'y oblige.

Le juge de renvoi ne peut aller au-delà de ce qui est cassé, sans violer la forcede chose jugée du ou des dispositifs de la décision attaquée qui n'ont pas étécassés.

E. KR/NGS

Procureur généralémérite à la Cour de

cassation

Le juge de renvoi est, d'autre part, tenu de statuer sur tous les dispositifscassés, déterminés en vertu de la portée du moyen, sous peine de laisser sansdécision un élément du litige qui lui est soumis.

Dans l'un comme dans l'autre cas, lorsque le juge de renvoi contrevenant aux

règles relatives à l'étendue de la cassation, sa décision est susceptible depourvoi et, dès lors, de cassation.

E. Slmy-Scientia E. Slory-Scienlia