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« Atteindre 82% d’énergies vertes en 2030 » Cheikhe Hadibou Soumaré, Président de la Commission de l’UEMOA Entretien avec Bashir Mamman Ifo, président de la BIDC Cinq sources d’énergie pas comme les autres L’Afrique négocie ses crédits carbone Mai-Juin 2015 # 3

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« Atteindre 82% d’énergies vertes en 2030 »

Cheikhe Hadibou Soumaré,  Président de la Commission de l’UEMOA

Entretien avec Bashir Mamman Ifo, président de la BIDC

Cinq sources d’énergie pas comme les autres

L’Afrique négocie ses crédits carbone

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#3

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 3MEDITORIAL

Par Thierno Bocar TALL, PDG de La Société Africaine de Biocarburants et des Énergies Renouvelables (SABER)

Même si le prix du baril de brut est exceptionnellement bas, dans les régions très ensoleillées d’Afrique, les grandes centrales solaires commencent à rivaliser avec les énergies fossiles. Elles deviennent de plus en plus compétitives, surtout si l’on tient compte du coût écologique des émissions de CO2 générées par les tech-nologies thermiques.

Mais là où la technologie solaire de-vient franchement révolutionnaire, c’est lorsqu’elle permet de lutter contre la pau-vreté de manière efficace et immédiate.

Lorsqu’il s’agit de fournir en électricité des zones rurales, la rentabilité des mi-ni-centrales ne se mesure plus seulement au prix de revient du kilowatt-heure. Il faut prendre en compte les économies importantes en termes d’infrastructures et de pertes de puissance qu’implique un raccordement au réseau national sur des dizaines, et parfois des centaines de kilomètres. Il faut également intégrer le fait que ces mini-centrales apportent aux localités concernées l’alimentation élec-trique des ménages et des lieux commu-nautaires (lieux de culte, postes de san-

té, écoles etc.), l’accès à l’eau potable, la possibilité de transformer ou de conser-ver les récoltes, de pasteuriser le lait ou encore de créer des micro-entreprises. Elles créent de l’emploi et évitent l’exode rural.

Partout en Afrique commencent éga-lement à fleurir des initiatives privées, des innovations, des trésors d’ingéniosi-té pour permettre aux familles les plus modestes d’accéder à l’électricité. Pour quelques dizaines d’euros, un simple kit solaire ouvre des perspectives infinies à toute une communauté familiale. Grâce à l’éclairage, les enfants peuvent enfin faire leurs devoirs en rentrant de l’école. Les enseignants le constatent  : la pro-gression des résultats scolaires est sou-vent spectaculaire. Les familles peuvent recharger les téléphones mobiles, bénéfi-cier des services de m-money ou de télé-médecine, s’informer, communiquer…

L’Afrique n’avait pas connu d’inves-tissement aussi rentable, ni de boule-versement aussi profond depuis l’arrivée du téléphone cellulaire, il y a de cela 25 ans. y

Plus qu’un nouveau marché, une révolution !

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4 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

03  Plus qu’un nouveau marché, une révolution !

07  Les énergies renouvelables progressent plus vite que les énergies fossiles

11  Le Cameroun développe son parc de centrales hydroélectriques

12  Pour la FAO, l’énergie géothermique offre des opportunités exceptionnelles dans le secteur agricole

16  Les initiatives privées se multiplient dans le secteur de l’électricité

20  « Nous plaidons pour un rachat automatique des crédits de carbone africains »

26  La Commission de l’Uemoa multiplie les projets pour atteindre 82% d’énergies vertes en 2030

30  Vu leur rapide retour sur investissement, les projets d’efficacité énergétique se multiplient sur le continent

33  L’Uemoa déploie son programme régional d’économie d’énergie

38  Il faut « promouvoir de façon intensive les énergies renouvelables ainsi que l’efficacité énergétique »

EditeurENERGIES AFRICAINES

est co-édité par la Société Africaine des Bio-carburants et des Energies Renouvelables

(SABER) et Media Management & Participations Ltd

Opérateur Séquence Media SA 36b, rue de Carouge

1205 GENEVEwww.sequencemedia.com

Fax : +41 22 301 96 10 Tél : +41 22 328 75 80

Directeur de la publicationJérémie FLAUX

RédactionAgence Ecofin

Gwladys Johnson, Aaron Akinocho, Dominique Flaux.

Ont également participé à ce numéro : Koumiba Sodji (SABER)

[email protected]

PublicitéAlexandre Roux

[email protected]

Création Jérémie Flaux

Relecture et corrections Xavier Michel

ImpressionRotimpres,Aiguaviva, Espagne.

© Reproduction interdite sans l’accord écrit de l’éditeur

Energies Africaines Numéro 03

Mai-Juin 2015

SOMMAIRE

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 5

40  En Guinée-Bissau, des coques de noix de cajou pour électrifier Safim

44  « Ce projet, s’il n’existait pas, il faudrait le concevoir, car il contribue efficacement à la lutte contre la pauvreté »

46  Bashir Mamman Ifo : « La dynamique du marché de l’énergie a changé au cours du 21ème siècle »

50  Un à un, les pays africains adaptent leurs cadres législatifs et réglementaires

54  Afrique du Sud : même les Chinois perdent patience…

57  La CNUCED applaudit la politique du Maroc dans le domaine des énergies renouvelables

58  Cinq sources d’énergie pas comme les autres

62  « Il ne faut pas être naïf, les besoins sont tels qu’il va falloir recourir à toutes les sources disponibles »

66  Florence Seriki veut réduire la facture énergétique des Nigérians de 85%

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6 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

PROJETS ET REALISATIONS

Le Japon ouvre une ligne de crédit de 250 millions $ à Standard Bank pour les énergies renouvelablesLa Banque japonaise de la coopération internationale (JBIC) a signé avec la Standard Bank une convention pour la mise en place d’une ligne de crédit de 250 millions de dollars. Cette ligne, cofinancée par la banque Mizuho, permettra à la Standard Bank de financer des projets verts, utilisant les énergies renouvelables en Afrique subsaharienne. Elle entre dans le cadre de l’Action globale pour un développement économique en harmonie avec la préservation de l’environnement (GREEN). L’ouverture de cette ligne participe éga-lement de la Facilité pour l’amélioration de l’investissement et du commerce en Afrique (FAITH), développée par le gouvernement du Japon dans le but de promouvoir le développement du secteur privé et des infrastructures en Afrique. y

Accord entre la SABER et le réseau des organisations paysannes et de producteurs d’Afrique de l’ouest (ROPPA)La Société Africaine des Biocarburants et des Energies Renou-velables (SABER) et le Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest (ROPPA) ont procédé en pré-sence du représentant Résident de l’Union Economique et Moné-taire Ouest Africaine UEMOA, Monsieur Yamadou KEITA, à la signature d’un Protocole d’accord qui a pour but de créer un cadre de coopération entre les parties en vue d’œuvrer pour le développe-ment d'une plateforme intégrée alimentée par l'énergie solaire pour les productions, les transformations et la conservation de produits agro-sylvo-pastoraux et halieutiques en Afrique de l'Ouest. y

Tchad : le Fonds africain pour l’énergie durable aux côtés de la centrale solaire de StarsolLe Fonds des énergies durables pour l’Afrique (SEFA) vient d’accorder une subvention de 780 000 $ au Tchad pour le développement de la première étape de construction de la cen-trale photovoltaïque de Starsol. Cette subvention servira à finan-cier l’appui technique nécessaire à l’achèvement de la conception de la centrale et à l’évaluation du réseau de distribution. D’une capacité de 40 MW, la centrale de Starsol sera construite près de la capitale N’Djamena. Elle permettra de produire environ 64 GWh d’électricité par an, assez pour alimenter 16 871 ménages. Sa construction sera assurée par un consortium réunissant NewSolar Invest, CIEC Monaco et Arborescence Capital.Le parc photovoltaïque de Starsol entre dans le cadre du premier projet de producteurs indépendants d’énergie dévelop-pé par le pays afin d’améliorer son accès à l’énergie. Au Tchad, moins de 5% de la population a accès à l’énergie, dont le coût de production est très élevé (envi-ron 0,65 $ par KWh). y

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 7

PROJETS ET REALISATIONS

En 2013, selon le Bloomberg New Energy Finance (BNEF), 143 GW de capacité d’énergies renouvelables ont été installés, contre 141 GW pour les énergies fossiles. L’organisation pré-voit l’accentuation de cet écart, no-nobstant la baisse des prix du pétrole et du gaz. Ainsi, en 2030, 279 GW de centrales à sources renouvelables

seront installés, contre 64  GW de centrales utilisant les combustibles fossiles, mais ce à condition que le rythme d’investissement dans le re-nouvelable se maintienne. « Le système électrique est en train de devenir plus propre  », s’est enthousiasmé Michael Liebreich, le fondateur du BNEF.

La tendance se confirmeSelon une étude menée par le

Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), 270 mil-

liards de dollars ont été investis dans les énergies renouvelables en 2014. Ce montant, supérieur de 13% à celui enregistré en 2013, est proche du chiffre record de 279 milliards  $ enregistré en 2011. Le solaire avec 149,6  milliards  $, l’éolien avec 99,5 milliards $ et la géothermie avec 2,7 milliards $ ont été les principaux

bénéficiaires de ce regain d’intérêt. Par contre, les autres sources d’énergie renouvelable telles que les biocarbu-rants, la biomasse et l’hydroélectricité ont poursuivi leur tendance baissière.

Sur le plan géographique, la Chine arrive en tête de liste avec 83,3 mil-liards d’investissements, soit 39% de croissance par rapport à l’année écou-lée. Elle est suivie par les Etats-Unis qui enregistrent 38,3 milliards $, et le Japon avec 35,7 milliards $. Les pays en voie de développement ont été les

principaux bénéficiaires de ces injec-tions de fonds avec une croissance de 36% par rapport à 2013, contre 3% pour les pays développés. Selon le PNUD, cette croissance est égale-ment due aux nombreuses installa-tions d’énergie solaire en Chine et au Japon, et à l’accroissement de l’intérêt pour les centrales éoliennes offshore en Europe.

Encore des progrès à réaliserLe PNUD souligne cependant que

cette hausse d’investissement ne doit pas faire perdre de vue les différents défis auxquels est confronté le secteur, tels que l’adaptation des réseaux élec-triques ou l’incertitude politique qui pèse sur le soutien à ces types d’éner-gies. Le chemin pour réduire sensible-ment les énergies polluantes est encore long du fait du caractère intermittent des énergies renouvelables telles que le solaire ou l’éolien, et de leur coût d’entrée encore élevé. D’autant que les chiffres du premier trimestre 2015 semblent indiquer un fléchissement des investissements dans les énergies renouvelables, lié au ralentissement des économies émergentes telles que la Chine ou le Brésil, et à la morosité des économies européennes. y AE

Les énergies renouvelables progressent plus vite que les énergies fossilesLes sources renouvelables dépassent pour la première fois les combustibles fossiles dans la course à l’énergie. A la base de cette évolution, les investissements massifs effectués dans les énergies renouvelables en Inde, au Chili, en Asie du Sud-Est et en Afrique subsaharienne.

270 milliards de dollars ont été investis dans les énergies renouvelables en 2014, un montant supérieur de 13% à celui enregistré en 2013.

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8 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

PROJETS ET REALISATIONS

Le Nigeria lance un programme de 4 GW d’énergie hydrauliqueLa Niger Delta Power Holding Company (NDPHC) a annoncé le lancement de la deuxième phase des projets nationaux d’énergie intégrée. Cette nouvelle phase verra la construction de plusieurs centrales hydroélectriques d’une ca-pacité globale de 4000 MW : la centrale hydroé-lectrique de Mambila de 1030 MW de capacité, et 16 autres centrales de moyenne et petite taille seront construites dans ce cadre. « La seconde phase consistera en la construction de 4000 MW de centrales qui seront intégrées au réseau électrique national. Elle permettra également la mise en place de deux importants projets de transmission qui assureront l’acheminement de plus de 20 000 MW d’électricité à travers le pays. Cette énergie provien-dra aussi bien des centrales déjà construites que de celles qui seront mises en place », peut-on lire dans un communiqué de la NDPHC. La première phase du NIPP avait permis la mise en place de plus de 4300 MW de centrales thermiques. y

Thierno Bocar Tall, président de la SABER, reçoit le Prix du Meilleur investisseur de l’Economie verte en AfriqueThierno Bocar TALL, Président de la Société Afri-caine des Biocarburants et des Energies Renouve-lables (SABER) a reçu le Prix du Meilleur investis-seur de l’Economie verte, lors de la 6éme sixième édition des Bâtisseurs de l’Economie Africaine qui s’est tenu à Abidjan, Latrille Event, Cocody les 2 Plateaux le 30 avril 2015. Ce prix lui a été remis par l’ancien Président de l'Ordre des architectes du Sénégal et de l'Union des architectes d'Afrique, Pierre Goudiaby Atepa. y

La Tunisie vise une économie de 14 millions $ par an grâce aux énergies renouvelables

Les énergies renouvelables permettront à la Tunisie d’économiser plus de 14 millions de dollars. « La réalisation des projets de production de l’électricité à partir des énergies renouvelables permettra à la Tunisie d’économiser près de 16 mil-

lions de tonnes équivalent pétrole (TEP), soit plus de 186 000 GWh. Cela représente 27,5 millions de dinars (environ 14 millions $) d’économies », a déclaré Zakaria Hamad, le ministre tunisien de l’Industrie, de l’Energie et des Mines. Les pro-jets concernés permettront la mise en place de 3800 MW d’électricité d’ici 2030 pour un coût total de 13,32 milliards de dinars (environ 6,9 mil-liards $). « Ces projets vont améliorer la production nationale d’électricité de 35% d’ici fin 2017 », a précisé Zakaria Hamad. La réalisation de ces pro-jets permettra également de réduire la dette de la Société Tunisienne de l’Electricité et du Gaz, qui s’élève actuellement à 4,3 milliards de dinars.La Tunisie, qui produit actuellement 97% de son énergie grâce au gaz naturel, prévoit de faire pas-ser la part des sources renouvelables dans le mix énergétique de 3% à 14% d’ici 2020. y

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AFRIQUE DE L’OUEST, CENTRALE ET AUSTRALEa 1 an 47 500 FCFA/73 €

EUROPEa 1 an 65 €

Oui, je souhaite m’abonner à Energies Africaines

Formulaire à remplir sur internet à l’adresse suivante : www.energiesafricaines.com/abo

Magazine bimestriel (6 numéro par an)

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10 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

PROJETS ET REALISATIONS

Une ONG kenyane échange des panneaux solaires contre la replantation des forêts du NyeriDans l’effort fait pour reconstituer ses forêts, la Kiangure Springs Environmental Initiative (KSEI) propose aux populations de replanter les forêts du comté de Nyeri en échange d’équipements solaires et autres offres d’amélioration de leur quotidien. « C’est une initiative gagnant-gagnant », affirme Joram Mathenge, président de la KSEI. Dans ce programme de reforestation, les populations se voient offrir des systèmes de biogaz, des panneaux solaires, des foyers économiques, des poulets ou des moutons en échange de la plantation de 5000 arbres par an et de leur soin jusqu’à leur maturi-té. « Cela peut sembler être beaucoup de travail, mais les gens savent que le temps économisé en termes de recherche de combustibles (les foyers économiques consomment 50% moins de combustibles que les foyers normaux) et les revenus supplémentaires générés par les ani-maux offerts le valent », rassure M. Mathenge. Ces échanges ont été initiés pour remédier au phénomène de diminution du stock d’eau douce retenu par les forêts du comté de Nyeri et dont dépendent plusieurs régions limitrophes. La déforestation combinée à l’irrégu-larité des pluies a en effet contribué à la réduction de ce stock d’eau vital pour les populations. y

Egypte : Gamesa obtient la réalisation d’une centrale éolienne de 220 MWLe constructeur espagnol Ga-mesa construira une centrale éolienne de 220 MW de capa-cité dans le golfe de El Zayt en Egypte. Le contrat signé avec l’Autorité des énergies nouvelles et renouvelables à la suite d’un appel d’offres international prévoit l’installation de 110 turbines G80 d’une capacité de 2 MW chacune. Gamesa assu-rera la fourniture des équipe-ments, leur installation, l’ex-ploitation du parc ainsi que sa maintenance sur une durée de trois ans. Le parc d’El Zayt est prévu pour être livré dans la se-conde moitié de 2017. Il recevra l’appui financier de l’Agence ja-ponaise de coopération interna-tionale. « Le fait que Gamesa ait été retenu pour cet appel d’offres auquel ont pris part la majo-rité des grands constructeurs mondiaux d’éolien démontre la compétitivité de nos produits à l’échelle mondiale », a déclaré Ricardo Chocarro, directeur de Gamesa. y

Les travaux de construction de la centrale solaire de Gwanda démarreront cette annéeLe Chinois Chint Electric Company débutera très prochainement la construction d’une centrale solaire implantée dans la ville de Gwanda, au Zimbabwe. Il a fait cette annonce par le biais de son partenaire zimbabwéen Intratrek. « La construction de la centrale solaire débutera cette année. Pour être plus précis, nous investirons le site dans les quatre à six prochains mois. Nous réglons actuellement les dernières questions réglementaires avec la Zimbabwe Power Com-pany, et une fois cela achevé, nous démarrerons le projet », a déclaré Wicknell Chivhayo, le directeur exécutif d’Intratrek.La centrale solaire de Gwanda aura une capacité de 100 à 300 MW. Les 250 millions de dollars devant permettre la première phase de mise en place de 100 MW seront fournis par la Chint Electric. Le reste du financement sera fourni grâce à un prêt à un taux de 6% remboursable sur douze ans que la compagnie chinoise sollicitera. La société possédera 15% des parts de cette centrale dont l’énergie est destinée à être intégrée au réseau national électrique. y

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 11

PROJETS ET RÉALISATIONS

Sur l’enveloppe globale de 37,7 mil-liards de francs  CFA qu’Eneo envi-sage d’investir dans la modernisation de son réseau camerounais en 2015, 10  milliards  FCFA seront consacrés à la réhabilitation et à la sécurisation des centrales hydroélectriques de Songloulou, Edea et Lagdo, annonce l’entreprise.

Appel au civismePour Wilfred Ntuba, directeur fi-

nancier d’Eneo, la réalisation de ces investissements est étroitement liée au civisme des clients de l’entreprise concessionnaire du service public de l’électricité en matière de règlement de leurs factures de consommation. « Notre objectif est d’investir 37,7 mil-liards de francs  CFA, dont 16,2  mil-liards prêtés par les banques et 21,5 mil-liards dégagés de notre cash-flow, donc du produit de nos ventes. Nous pensons que nous pouvons y arriver, d’autant plus qu’en 2014 nous avons investi 16 milliards de francs CFA générés par nos ventes. Malgré notre optimisme, nous précisons que nos prévisions pour 2015 ne seront traduites dans les faits que si nous recouvrons régulièrement et dans les délais 100% des ventes ré-alisées auprès de nos clients, toutes ca-tégories confondues  », prévient-il. En effet, l’opérateur a généralement du mal à recouvrer ses factures auprès de

nombre de ses clients du fait de l’in-civisme. En juillet 2014, par exemple, Eneo avait lancé une campagne de recouvrement forcé dans l’espoir de recouvrer une partie des 34 milliards de francs CFA réclamés à des clients souvent insolvables. Pour le seul premier semestre 2014, les impayés des consommateurs culminaient à 14  milliards  FCFA, avait annoncé l’entreprise.

Trois mini-centralesL’Agence d’électrification rurale

(AER) du Cameroun vient de lancer un avis international à manifestation d’intérêt pour présélectionner les cabi-nets ou bureaux d’études devant par-

ticiper à l’appel d’offres restreint pour la réalisation des études de « préfaisa-bilité  » en vue de la construction de trois mini-centrales hydroélectriques. D’une capacité de 5  MW chacune, soit 15  MW au total, ces mini-cen-trales hydroélectriques devraient être construites dans les arrondissements de Messock, Lomié et Messamena, tous situés dans la région de l’Est du pays. Pour rappel, au Cameroun, le taux d’électrification rurale se situe officiellement entre 15 et 20% seu-lement, alors que le pays n’exploite qu’à peine 1% de son potentiel dans les énergies renouvelables, selon le ministre de l’Energie Basile Atangana Kouna. y AE

Le Cameroun développe son parc de centrales hydroélectriquesLa compagnie Eneo, en charge de la production et de la distribution de l’électricité au Cameroun, réhabilitera trois centrales hydroélectriques pendant que l’Agence d’électrification rurale en construira trois nouvelles de 5 MW chacune.

Le Cameroun exploite à peine 1% de son potentiel dans les énergies renouvelables.

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12 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

GEOTHERMIE

Selon le rapport de la FAO, l’éner-gie géothermique peut être utilisée pour le séchage des produits agricoles, leur stérilisation ou la pasteurisation du lait, entre autres. Cette solution se révèle extrêmement utile dans les pays en développement où près de la moitié de la production alimentaire est perdue après la récolte en raison du manque d’énergie abordable pour leur conservation.

Renouvelable, propre et économique

L’énergie géothermique peut éga-lement être utilisée pour le chauf-fage des serres agricoles, des terres et de l’eau utilisée pour l’aquaculture. Cette source de chauffage permet-tra de réduire les coûts de combus-tibles jusqu’à hauteur de 80%. «  Il s’agit d’une source d’énergie renouve-lable, propre et économique, une fois les investissements initiaux effectués. En utilisant une telle source d’énergie, nous affrontons non seulement les coûts, mais aussi les impacts environnemen-taux de la production et de la trans-formation des aliments  », a déclaré Carlos da Silva, l’économiste princi-

pal de la division FAO en charge des Infrastructures rurales et agro-indus-tries (AGS). «  L’énergie géothermique pour l’agriculture peut être appliquée à petite échelle et contribuer sensiblement à la création de revenus, offrant des em-plois et améliorant la sécurité alimen-taire et nutritionnelle dans les pays en développement  », ajoute Divine Njie, directeur adjoint de l’AGS et corédac-trice du rapport.

Le financementEn Afrique, les principaux pays

concernés par l’utilisation accrue d’une telle source d’énergie sont situés à l’est du continent, le long de la val-

lée du rift, et également au Cameroun. Le principal défi à relever pour dé-velopper une production d’énergie géothermique reste l’investissement initial. Mais il ne s’agit pas d’un obs-tacle insurmontable. D’une part, «  le rapport de la FAO montre qu’il existe des opportunités d’utilisation directe qui n’exigent pas de coûts élevés d’exploration et d’exploitation », a rassuré Mme Njie. D’autre part, la Banque africaine de développement et la Banque mondiale ont exprimé leur volonté de soutenir ce type d’investissements et offrent des solutions de financement très favorables. y 

AARON AKINOCHO

Pour la FAO, l’énergie géothermique offre des opportunités exceptionnelles dans le secteur agricoleLa FAO, l’agence onusienne en charge de l’Agriculture, a publié un rapport mettant en exergue les nombreuses opportunités qu’offre l’énergie géothermique pour la production et la transformation agricoles, surtout dans les pays en développement.

Divine Njie : « L’énergie géothermique pour l’agriculture peut être appliquée à petite échelle et contribuer sensiblement à la création de revenus. »

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 13

ÉVÉNEMENT

SIERA 2015Le 6ème Salon international des énergies renouvelables et de l’environnement en Afrique s’est déroulé du 23 au 26 avril 2015. A cette occasion, en tant que partenaire stratégique du SIERA, la SABER a mobilisé ses partenaires et décerné les « ABREC GREEN AWARDS ».

Photo de famille de la Soirée de Gala de la 6ème édition du Salon international des énergies, le 25 avril au King Fahd Palace de Dakar.

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14 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

PROJETS ET REALISATIONS

Guinée-Bissau : Werpo installera une centrale d’énergie marine de 500 MWLe constructeur israélien Werpo a annoncé avoir obtenu le mandat de construction d’une centrale d’énergie marine de 500 MW de capacité en Guinée-Bissau. La construction de cette centrale, prévue pour durer trois ans, coûtera environ 325 millions de dollars. La mise en place de l’infrastruc-ture sera faite dans le cadre d’une joint-venture formée par l’entreprise israélienne, qui possédera 30% de l’entreprise commune, et l’Etat de la Guinée-Bissau. Werpo aura donc droit à 30% des profits issus de la vente de l’énergie pro-duite, et ce sur les 25 premières années de l’exploitation de la centrale.Cette énergie sera cédée à l’Etat à 0,1 $ le kilowatt-heure. « Ce projet aidera la Guinée-Bissau à être plus indépendante et plus stable en matière de fourniture énergétique, ce qui lui permettra de résoudre une grande partie des problèmes rencontrés dans ce secteur », a déclaré Werpo dans un com-muniqué de presse. L’entreprise a déjà obtenu la construc-tion d’une autre centrale marine de 500 MW au Ghana et elle compte étendre ses activités sur les marchés kényan et gambien. y

Le Cameroun lance son premier projet de centrale éolienne sur les Monts BamboutosLe gouvernement camerounais veut lan-cer cette année son tout premier projet dans l’éolien. « Une expérience pilote de production d’énergie éolienne verra bientôt le jour sur les Monts Bamboutos, avec la construction d’une centrale de 42 MW extensibles à 80 MW », a-t-on appris le 30 avril 2015 dans le communiqué ayant sanctionné le Conseil de cabinet men-suel du gouvernement. Avec ce projet inaugural dans l’éolien, le Cameroun ajoutera une nouvelle composante à son architecture des énergies renouvelables, lesquelles assurent officiellement 74,4% (hydroélectricité et biomasse) de la pro-duction actuelle d’électricité de ce pays qui fait face à un gros déficit énergétique, bien que revendiquant le 2ème potentiel hydroélectrique en Afrique subsaha-rienne derrière la RD Congo. Bien plus, la centrale éolienne annoncée viendra renforcer le mix énergétique du Came-roun, actuellement dominé par l’hydroé-lectricité, qui représente officiellement 73,3% de la production nationale, contre 1% pour la biomasse. Les centrales ther-miques produisent quant à elles 25% de l’énergie électrique consommée dans le pays. y

Sénégal : l’Enerdynamic Hybrid Technologies installera 87 micro-réseaux électriquesLe Canadien Enerdynamic Hybrid Technologies (EHT) a annoncé avoir obtenu un marché de 500 000 $ portant sur la construction de 87 micro-réseaux électriques au Séné-gal. Les installations, d’une capacité pouvant atteindre 2 kilowatts, seront mises en place sur les toits de certaines habitations n’étant pas connectées au réseau électrique existant. « EHT fournit des micro-réseaux de qualité supé-rieure que nous pouvons déployer à travers l’Afrique et dans les régions où le besoin de systèmes énergétiques hors réseau se fait sentir. Nous entendons élargir nos relations avec l’EHT en Afrique et en Amérique du Nord », a déclaré Ro-man Eder, le président de la firme allemande IQ Enginee-ring, promoteur du projet.La construction de ces mini-réseaux est prévue pour débuter d’ici deux mois. Elle sera achevée aux alentours du dernier trimestre 2015. L’EHT sera payé à hauteur de 50% lors de la livraison des équipements sur le sol sénégalais, et le solde lui sera versé après la construction des mini-réseaux. y

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16 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

INITIATIVES

Les initiatives privées se multiplient dans le secteur de l’électricitéAvec les énergies renouvelables, le secteur privé entre en force dans un domaine jusque-là exclusivement réservé à l’Etat : l’accès à l’énergie. Grâce à ces technologies, au solaire principalement, de nombreuses entreprises privées, de toutes tailles, apportent aux communautés les services énergétiques de base dont elles étaient privées faute de raccordement aux réseaux nationaux. Voici quelques exemples parmi les initiatives récentes qui changent la vie des populations.

Les kiosques mobiles de chargement téléphonique de l’ARED

L’African Renewable Energy Distributor (ARED) est l’une de ces entreprises. Sa particularité est de fournir un service de chargement té-léphonique mobile, ce qui lui permet d’atteindre les zones les plus reculées du pays. Lancée en 2012 par Henri Nyakarundi, l’entreprise propose, en plus du chargement de téléphones, d’autres services tels que le transfert électronique d’argent, la publicité di-gitale ou encore la fourniture du Wi-Fi. Fonctionnant selon un modèle de franchise, elle permet aux personnes qui le désirent de se lancer dans l’en-trepreneuriat. «  Cette machine n’est pas seulement une réponse technolo-gique à un problème d’alimentation électrique. Il s’agit d’imaginer une activité permettant à des personnes de devenir entrepreneurs », déclare Henri Nyakarundi.

L’entreprise, qui explore également les marchés burundais et soudanais, reconnaît toutefois qu’elle a des dif-

ficultés à recruter de nouveaux fran-chisés, la culture entrepreneuriale des Rwandais étant encore très timide. y

PAR GWLADYS JOHNSON

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 17

INITIATIVES

Les femmes rwandaises s’investissent dans l’accès à l’énergie

Au Rwanda, de nombreuses femmes rendent l’énergie accessible aux populations rurales. Elles offrent à leurs concitoyens des services de chargement téléphonique. Si au début elles utilisaient des sources d’énergie plus conventionnelles et parfois assez ingénieuses telles que les batteries de voiture, elles se tournent dorénavant vers le solaire qui se révèle bien plus économique à moyen terme.

Nyirahabimana Alphonsine pos-sède l’une de ces entreprises. Elle s’est

lancée, en 2011, dans le chargement de téléphones, passant une année plus tard au solaire. Repérée par la GVEP, elle a bénéficié du programme CARE 2 (Capital Access for Renewable Energy Enterprises) qui lui a permis d’augmenter sa productivité et de satisfaire les besoins croissants de la population. Elle a ainsi pu étendre ses services à plusieurs villages environ-nants. «  Mon entreprise a fait preuve d’améliorations considérables au cours de la dernière année. Mon revenu men-

suel est passé de 174 $ à 217 $, et j’ai même pu ouvrir une nouvelle station de chargement », affirme-t-elle.

Ces solutions alternatives per-mettent aux entrepreneurs d’amé-liorer non seulement leur niveau de vie, mais également celui de la com-munauté en lui offrant un accès plus facile à l’énergie. Au plan national, on dénombre déjà 270 entreprises d’énergie solaire. y

M-Kopa électrifie 150 000 ménages en Afrique de l’Est

En Ouganda, l’Est-Africain M-Kopa a réussi en deux ans à fournir l’électricité à 20  000 ménages grâce au solaire. « Nous sommes fiers de notre

installation solaire domestique M-Kopa III et de son succès en Ouganda. Nous aidons la population à se débarrasser du kérosène et à améliorer son niveau

de vie tout en faisant des économies », a déclaré Jesse Moore, le cofondateur et directeur exécutif de la société.

Avec 500 foyers connectés en moyenne par semaine, M-Kopa ne compte pas s’arrêter là. Elle prévoit l’augmentation future de ce chiffre à 50 000 d’ici la fin de l’année en cours grâce au plan de paiement par mo-bile money qu’elle a mis en place. Les clients peuvent en effet, contre un dé-pôt initial de 33 $, avoir accès à leur installation solaire. Ils paieront en-suite 0,5 $ par jour sur une année. Ce système revient en définitive moins cher que le coût de l’éclairage au ké-rosène ou des services de recharge d’énergie.

Pour atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée, l’entreprise a effectué un qua-trième tour de table qui lui a permis de récolter 12,45 millions de dollars. Avec cet argent, elle compte doubler son effectif sur le territoire ougandais. M-Kopa est également présente en Tanzanie et au Kenya. En tout, elle a permis à plus de 150 000 ménages d’avoir accès à l’électricité dans ces trois pays. y

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18 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

INITIATIVES

Azuri et TeleAccess proposent aux Zimbabwéens l’éclairage à partir du solaire

Le Britannique Azuri s’intéresse quant à lui au Zimbabwe, où il propose des services d’éclairage do-mestique à partir du solaire. Il s’est associé pour cela à la compagnie zimbabwéenne de télécommunica-tions TeleAccess et propose ainsi à ses clients la fourniture prépayée de leur énergie. « Nous avons mis en place un portefeuille d’investissements dans les énergies renouvelables au Zimbabwe. La technologie d’Azuri dans le do-maine, combinée au système de forfait prépayé que nous utilisons, forment un modèle que nous estimons idéal pour le Zimbabwe et les pays voisins  », a dé-

claré Daniel Shumba, le président de TeleAccess.

Sur la base d’une première re-charge accessible à partir de 20 $, les abonnés TeleAccess peuvent se faire livrer leur panneau solaire d’une du-rée de vie de 25 ans, accompagné d’une batterie et d’une lampe LED qui les éclairera pendant sept ans avant de voir sa luminosité baisser de 5%. Après cette première recharge, les abonnés devront prépayer men-suellement 20  $ pour continuer à profiter de leur éclairage. Au bout de deux années, ce régime deviendra post-payé et l’abonné pourra, s’il le

désire, débloquer définitivement son installation solaire ou en accroître la capacité.

Les deux entreprises ont pour objectif de fournir leur service à 250  000 foyers d’ici mars 2016. Elles comptent également étendre leur service vers l’alimentation des télévisions et des autres appareils électroménagers. Le marché d’accès à l’énergie en Afrique suscite un inté-rêt grandissant au sein de la commu-nauté économique. De nombreux nouveaux acteurs y font donc leur entrée. y

Au Kenya, Solympex propose des facilités d’énergie solaire

Solympex, quant à elle, a fait son entrée sur le marché des facilités d’énergie solaire au Kenya, où la société propose aux populations des panneaux solaires pour leur éclairage et leur chauffage. Pour cela, elle a noué un partenariat avec House Finance afin de faciliter aux ménages l’accès à ses services. Les gens se voient en effet proposer un plan de crédit consacré à l’accès à l’énergie solaire par le biais de Solympex. Des prêts allant de 120 000 shillings à 157 000 shillings (100 shillings = 1 $), remboursables sur trois ans, seront octroyés aux clients de la HF qui souhaitent avoir accès aux équipements et aux services de Solympex. Offrir ce service à 7000 ménages est le premier but que s’est fixée l’entreprise sur le marché kényan.

« De nombreuses personnes vivent dans des régions froides telles que les abords du Mont Kenya ou les montagnes de la vallée du rift, pour ne citer que celles-là. Les panneaux de chauffage solaires leur permettront d’améliorer leur cadre de vie et de protéger les membres vulnérables de leurs familles, notamment les enfants et les personnes âgées », a déclaré Ann Mwaniki, la présidente de Solympex. La société, qui s’inté-resse également aux foyers solaires sur lesquels elle effectue des recherches, aidera aussi ses clients à se conformer aux nouvelles normes gouvernementales qui exigent que toutes les maisons récentes soient dotées de chauffe-eau solaires. y

L’AKL fait le mix du solaire et de l’éolien

Au Kenya, l’Access Kenya Limited (AKL) mise sur le so-laire et l’éolien pour fournir de l’électricité aux populations rurales. Emily Auma est l’une des clientes de la société qui lui a permis d’avoir accès à l’électricité à moindre coût. «  Nous n’avons pas d’électricité. Le relais électrique le plus proche d’ici est à 5 km. Cela nous reviendrait très cher d’y connecter nos maisons », confie-t-elle. L’installation de son système éolien domestique lui est revenue à 111 $, somme qu’elle a payé sur une année. L’AKL permet en effet à ses clients d’échelonner le paiement de leurs installations, du moment qu’ils respectent les délais convenus. Selon une étude effectuée par le ministre kényan de l’Energie, le rac-cordement au réseau électrique national lui aurait coûté environ 385 $, sans compter les factures mensuelles et les risques de délestage.

L’AKL est présente sur le marché kényan depuis 2011. Elle a démarré ses activités avec un fond initial de 25 000 $. « Nous avons loué une parcelle à Kiboswa et nous avons installé une usine de conception et de fabrica-tion de turbines et de générateurs que nous avons installés dans les villages, écoles et institutions de la région ouest du Kenya », révèle Sam Duby, le chargé de technologie et de marketing de la société. Au Kenya, seulement 18% de la population est desservie par le réseau électrique national. Cela laisse une marge de plus de 30 millions de personnes qui pourraient être intéressées par les sys-tèmes électriques hors réseau. y

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 19

INITIATIVES

Barefoot s’installe au Ghana

Futurasun s’intéresse au marché nigérian

Barefoot Power Africa s’est installée au Ghana pour fournir à la popula-tion des installations et des équipe-ments solaires. Jackson Machuhi, le directeur de la société, a déclaré à cet effet que la structure se concentrait plus sur la fourniture d’équipements d’éclairage et de chargement de télé-phones, surtout pour les populations à revenu modeste qui ne sont pas reliées au réseau électrique national. « Nous croyons que l’accès à l’énergie est l’un des composants essentiels du déve-loppement économique et le premier pas dans la réduction de la pauvreté. Nous nous concentrerons donc sur les besoins les plus basiques, ceux de l’éclairage  », a-t-il déclaré. La distribution de ces différents équipements dans les com-munautés en ayant le plus besoin a déjà commencé. y

L’Italien Futurasun a récemment introduit sur le marché nigérian des installations photovoltaïques ain-si que des équipements d’éclairage. Destinés à être utilisés dans les zones non connectées au réseau national, en particulier les zones rurales, ces équi-pements ont été introduits dans le cadre du programme Lighting Africa-Nigeria, lancé par l’International Finance Corporation de la Banque mondiale.

La société propose essentiellement des installations solaires pour mé-nages et pour entreprises qui ont une autonomie pouvant aller à 8  heures et qui fournissent l’énergie nécessaire à l’éclairage ainsi qu’aux appareils électroniques tels que les téléphones, les postes téléviseurs ou encore les ordinateurs. En cas de météo non favorable, ces systèmes pourront éga-lement être chargés avec l’électricité, dans la mesure du possible. Face au scepticisme qui prévaut parfois quant à l’efficacité de ces différents maté-

riaux, Francesco Minichiello, le char-gé des ventes de Futurasun, rassure : «  Nos différents équipements, qui ont une garantie de deux ans, sont d’excel-lente qualité grâce à notre connaissance du marché africain et de ses spécificités

en matière énergétique. Pour avoir déjà introduit de nombreux produits dans divers marchés africains, nous savons que les cas de retour pour défaillance technique sont extrêmement rares. » y

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20 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

ENTRETIEN

n Energies Africaines  : Votre entre-prise a pour objectif de tripler son CA d’ici les trois prochaines années. Comment comptez-vous y parvenir ?

Fabrice Le Saché  : Tout d’abord, il faut rappeler que la croissance a été forte, ces dernières années, +46% en moyenne. Il s’agit de la maîtriser en structurant mieux nos activités de l’amont à l’aval. Depuis janvier 2015, nos activités se répartissent en trois pôles distincts  : le conseil pour aider nos clients à obtenir et commercialiser des crédits de carbone, l’investissement pour développer des projets ou acquérir des participations dans des start-up vertes africaines, le négoce pour valoriser au mieux nos actifs environnementaux. Nous visons pour cette année 2015 un chiffre d’affaires de 10 millions d’eu-ros, avec une contribution de moitié

du pôle négoce, d’un tiers pour le conseil, le reste provenant du produit de nos investissements. La progres-sion que vous évoquez se fera par la consolidation de nos investissements, actuellement en phase d’amorce, la diversification des lignes de produits traités par notre filiale de négoce, et une croissance raisonnable de notre activité de conseil. Nous n’avons pas de recette magique pour y parvenir,

mis à part travailler, traiter efficace-ment nos flux d’affaires, proposer des offres commerciales compétitives, et renforcer nos équipes. Nous ne fe-rons pas de course effrénée au chiffre d’affaires par des développements in-considérés. Nous restons concentrés sur notre résultat net et notre stock de trésorerie. Nous resterons forte-ment exposés aux marchés du car-bone car nous sommes convaincus de

« Nous plaidons pour un rachat automatique des crédits de carbone africains »Ecosur Afrique est aujourd’hui l’un des leaders du crédit carbone en Afrique avec un objectif de 10 millions d’euros de CA pour l’année 2015. Un objectif qu’il envisage de tripler dans les trois années à venir. Fabrice le Saché, son PDG, nous explique son approche du marché carbone en Afrique et ce qu’il peut apporter aux promoteurs de projets d’énergies renouvelables.

« La Côte d’Ivoire, le Sénégal ou le Cameroun ont quelques entreprises leaders qui ont été pionnières et qui continuent de dynamiser le marché. »

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 21

ENTRETIEN

leur pertinence dans la lutte contre le changement climatique. La chute des cours ne fait pas disparaître la problé-matique du réchauffement planétaire, ni le besoin de certaines entités d’ex-ternaliser une partie de leur politique de réduction des émissions CO2. La demande pour des crédits de carbone de qualité demeurera, et le nombre d’acteurs pouvant offrir ce type de services diminuant, nous accélérons notre déploiement pour saisir une op-portunité de croissance à rebours du marché.

n EA : Vous êtes présents sur le mar-ché africain de crédit carbone depuis 2009. Quelle a été l’évolution de ce marché en Afrique ces dernières an-nées et quel est le potentiel du conti-nent en matière de crédit carbone ?

FLS  : Il est difficile de décrire une réalité d’un marché africain tant les dynamiques régionales voire natio-nales sont disparates. Après des an-nées de sensibilisation sur la période 2005-2010, nous constatons une meilleure maîtrise des mécanismes d’échange de crédits de carbone : des autorités nationales hautement qua-lifiées dédiées sont en fonction, les cadres réglementaires et fiscaux ont

été clarifiés, les acteurs publics et pri-vés sont sensibilisés au mécanisme. L’Afrique du Sud, le Kenya, le Maroc, l’Ouganda se sont particulièrement illustrés. La Côte d’Ivoire, le Sénégal ou le Cameroun ont quelques entre-prises leaders qui ont été pionnières et qui continuent de dynamiser le marché. L’Afrique francophone est,

d’une façon générale, la région avec le plus faible nombre de projets à ce jour, mais de nouveaux acteurs en-trants tendent à modifier cette ten-dance, notamment au Burkina Faso, au Mali, au Tchad et en RDC. Si l’on doit dresser un constat à l’échelle du continent, c’est donc celui d’une

croissance soutenue qui se reflète dans le développement de notre groupe ces dernières années. Et le potentiel du marché africain est encore sous-éva-lué. Avec un peu moins de 3% du volume émis de crédits de carbone à l’échelle mondiale, l’Afrique est un réservoir de crédits de carbone presque inutilisé. Il existe pourtant

un gisement de projets à forte valeur ajoutée environnementale et sociale qui pourrait générer de nombreuses réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Les opportunités sont là  : dissémination de technologies dites de base pyramide qui bénéficient aux populations, fours de cuisson efficaces à charbon de bois, kits solaires photo-voltaïques, lampes basse consomma-tion, évitement de la déforestation et replantations, énergies renouvelables, efficacité énergétique, traitement des déchets… la liste est longue. Nous pensons qu’il est possible de géné-rer 500  millions de crédits de car-bone africains d’ici 2020, soit autant d’émissions de tonnes de CO2 évitées dans l’atmosphère.

n EA  : En quoi le crédit carbone peut-il aider l’Afrique à faire face aux défis environnementaux auxquels elle est confrontée ?

FLS : Les crédits de carbone consti-tuent des revenus complémentaires en phase d’exploitation des projets. Il s’agit d’une aide financière octroyée en contrepartie de la performance environnementale des projets. Les

Fabrice Le Saché : « Nous pensons qu’il est possible de générer 500 millions de crédits de carbone africains d’ici 2020, soit autant d’émissions de tonnes de CO2 évitées dans l’atmosphère. »

« Nous créons une nouvelle marque congolaise Jiko Mamu et construisons le plus grand site de production de fours efficaces d’Afrique centrale. »

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22 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

ENTRETIEN

entreprises qui réduisent leurs émis-sions de CO2 sont ainsi récompensées et stimulées dans l’innovation. Grâce au MDP (Mécanisme de développe-ment propre, ndlr), des technologies vertes peuvent être déployées de fa-çon beaucoup plus massive sur l’en-semble du continent. A l’image de ce qu’ont réussi les Chinois, Indiens et Brésiliens, l’Afrique peut saisir cette

opportunité économique pour accé-lérer le transfert de technologies du-rables et innovantes sur son sol. Cela facilitera d’autant l’adaptation du continent africain à un monde struc-turellement contraint en ressources.

n EA : Quelles opportunités écono-miques offre le mécanisme du crédit carbone aux entreprises qui y ont re-cours ?

FLS  : Des revenus complémen-taires  ! Nous avons effectué plus de 261 millions d’euros de transactions pour près de 30  millions de crédits de carbone commercialisés. A titre d’exemples récents, nous avons réus-

si à générer 1 million d’euros de re-venus carbone pour une entreprise d’Afrique de l’Est au titre des trois premières années d’exploitation d’un barrage hydroélectrique de petite échelle, somme loin d’être anecdo-

tique pour cet exploitant qui subit de nombreux arriérés de paiement du réseau. En Afrique australe, nous avons sécurisé plus de 1,4  million d’euros de revenus carbone sur sept ans pour un producteur d’énergie éolienne, ce qui a contribué à facili-ter l’octroi d’un financement. D’une façon générale, notre métier consiste à valoriser au mieux les réductions d’émissions CO2 qui sont réalisées par nos clients africains auprès de sociétés de négoce, de banques, d’in-dustriels ou de fonds souverains. Je pense à Vitol, Bunge, Cargill, Standard Bank, EDF Trading, Shell Trading entre autres. Les crédits de carbone fonctionnent comme tout marché de matière première com-portant des flux physiques. Notre spécialité est de structurer des tran-sactions adaptées aux contraintes de chaque projet : transactions à terme ou au comptant, de gré à gré ou sur les places de marché, avec des prix fixes ou flottants, des achats garan-tis ou des options. Nous disposons aujourd’hui du premier portefeuille de crédits de carbone d’Afrique, tant par son volume que par sa diversité. La liquidité et la maturité de notre

« Nous avons réussi à générer 1 million d’euros de revenus carbone pour une entreprise d’Afrique de l’Est au titre des trois premières années d’exploitation d’un barrage hydroélectrique de petite échelle. »

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 23

ENTRETIEN

portefeuille nous permettent d’éla-borer et d’exécuter des stratégies de marché créatrices de valeur pour l’ensemble de nos clients.

n EA : Les entreprises africaines ont-elles conscience de ces opportunités ?

FLS  : Oui, et le mouvement de ces trois dernières années l’atteste. Nous avons eu la chance de pouvoir accompagner des leaders agro-indus-triels africains dans leurs démarches, je pense au groupe SIFCA, à la Compagnie Sucrière Sénégalaise ou à Géocoton, mais aussi à de grands énergéticiens, cimentiers, collecteurs de déchets ou sociétés de services dé-veloppant des modèles innovants en matière d’efficacité énergétique sur le continent. Bien évidemment, rien n’est acquis, et il faut continuellement faire œuvre de pédagogie pour expli-citer la procédure et ses avantages. Le marché n’en est qu’à ses balbutie-ments et nous devons en renforcer la dynamique, alors même qu’une chute des cours sans précédent complexifie les transactions.

n EA  : Jusqu’à quand pensez-vous que cette chute des cours du crédit carbone durera et comment affecte-t-elle les entreprises africaines impli-quées dans le crédit carbone ?

FLS  : Je n’ai malheureusement, ou heureusement, pas le pouvoir de lire l’avenir, et les analyses sur ces marchés ont fréquemment démontré un carac-tère inopérant en raison de la nature même du marché qui dépend, pour une large part, de la réglementation. Les causes du décrochage sont quant à elles bien connues : un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande ; le volume de crédits de carbone émis par la Chine, l’Inde et le Brésil ont inondé le marché, conduisant un ex-cédent massif qui ne peut être absor-bé en l’état. S’agissant de la demande, celle-ci demeure atone, l’Union euro-péenne, premier acquéreur de crédits de carbone, connaissant une crois-sance défaillante. Pour qu’une éco-nomie bas carbone de grande échelle

voie le jour à l’échelle du continent africain, il faut donc un prix de mar-ché attractif, valorisant les réductions d’émissions de gaz à effet de serre à un niveau suffisamment élevé pour inciter les promoteurs à enclencher des projets. La situation actuelle af-

fecte des centaines de projets africains qui sont ainsi bloqués, ou moins fa-cilement réalisables dans les circons-tances actuelles.

n  EA  : Comment cette situation peut-elle s’améliorer ? Quel sera le

« Nous disposons aujourd’hui du premier portefeuille de crédits de carbone d’Afrique, tant par son volume que par sa diversité. »

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24 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

ENTRETIEN

rôle de l’Afrique dans cette amélio-ration ?

FLS  : Nous devons apprendre à travailler dans un contexte de cours dégradé. Des solutions de valorisa-tion existent et nous nous employons à les activer avec force. De nombreux appels à projets d’agences de coopé-ration, d’Etats ou d’institutions in-ternationales soutiennent les projets africains en procédant à des achats de crédits de carbone de plusieurs euros par tonne. Cette dé-corréla-tion du prix de marché s’explique par une vision et une approche du développement. Les marchés volon-taires qui regroupent des entreprises réalisant volontairement une com-pensation de leurs émissions CO2 offrent une autre alternative. Nous développons, à ce titre, les transac-tions intra-africaines en partenariat avec de grandes banques et fonds d’investissement du continent pour accroître la liquidité de ce segment

de marché. Cela se traduit par la création de produits de compensa-tion CO2 spécifiques pour les chaînes hôtelières, les loueurs de voitures, les compagnies aériennes, entre autres. Enfin, le Sommet sur le climat (COP 21) prévu à Paris en décembre 2015 devrait permettre d’édicter des me-sures de soutien pour pérenniser

le Mécanisme de développement propre (MDP). Nous plaidons, dans ce cadre, pour un rachat automa-tique des crédits de carbone africains. D’autres évolutions sont à suivre avec attention au sein des pays émergents – la Chine notamment –, un nombre croissant d’entre eux ayant d’ores et déjà adopté des législations CO2 avec mécanismes de marché associés, ren-forçant ainsi une potentielle demande de crédits de carbone future.

n EA : Vous plaidez pour la fixation d’un prix minimum garanti pour le crédit carbone africain. Comment cela devrait-il marcher et quelles sont vos chances d’obtenir gain de cause ?

FLS : De façon très simple. Chaque crédit de carbone octroyé par l’Onu en contrepartie d’une tonne d’émis-sion CO2 évitée ouvre droit à un paie-ment de 5 EUR/tonne. Il serait ouvert à tout porteur de projet qui enregistre et fait vérifier son activité dans le

cadre du MDP. L’infrastructure ac-tuelle du MDP peut être entièrement utilisée. Aucun besoin de créer un nouveau fonds ou une nouvelle enti-té. Le système que nous préconisons présente également l’avantage d’être fondé sur les résultats : seuls les cré-dits de carbone délivrés sont rémuné-rés. Pas besoin d’effectuer une analyse

a priori des projets, ce qui évite des procédures lourdes et des ressources consacrées en diligence. Les investis-seurs privés prennent leurs risques de projets seuls, le signal et la visibilité du prix du carbone leur permettant de lever les financements pour enclen-cher les projets. Dans le cadre de la COP 21, nous souhaiterions que les Etats s’accordent sur une ligne bud-gétaire de 2,5  milliards d’euros qui pourrait être allouée à la CCNUCC (Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, ndlr) afin de procéder à des acqui-sitions automatiques de crédits de carbone africains émis. Il serait perti-nent d’élargir ce mécanisme aux Pays insulaires vulnérables et aux Pays les moins avancés (PMA) non africains. Le financement pourrait provenir des engagements réalisés dans le cadre du Fonds vert climatique, catalyseur des financements internationaux en ma-tière de changement climatique.

n  EA  : Vous êtes également une compagnie d’investissement qui a des participations dans des entreprises in-tervenant dans les énergies renouve-lables en Afrique. Quels rendements attendez-vous de ces opérations  ? Qu’apportez-vous de différent aux entreprises que vous financez ?

FLS : Les entreprises dans lesquelles nous investissons ont des produits ou services qui réduisent les émissions CO2, et qui sont donc éligibles au système des crédits de carbone. Notre principal critère d’investissement est ainsi la possibilité de produire des crédits de carbone. Notre volonté est de créer un portefeuille proprié-taire, complémentaire de celui de nos clients. Les rendements attendus sont donc fortement liés aux revenus carbone. Nos investissements, hors crédits de carbone, sont proches de l’équilibre, à ce jour 4 millions d’eu-ros déployés sur cinq entreprises.

n  EA  : Sur quels critères choisis-sez-vous vos projets partenaires ?

FLS  : Nous sommes plus déve-

« Nous avons eu la chance de pouvoir accompagner des leaders agro-industriels africains dans leurs démarches, je pense au groupe SIFCA, à la Compagnie Sucrière Sénégalaise ou à Géocoton, mais aussi à de grands énergéticiens, cimentiers, collecteurs de déchets ou sociétés de services. »

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 25

ENTRETIEN

loppeurs de nos propres projets que partenaires. Nous investissons dans un projet depuis le stade initial, réa-lisons l’ensemble du développement jusqu’à l’exploitation dont nous as-sumons la charge. Notre usine de fours de cuisson efficaces en RDC en est un parfait exemple. Nous créons une nouvelle marque congolaise Jiko Mamu et construisons le plus grand site de production de fours efficaces d’Afrique centrale. Nous avons acquis un terrain de 2700 m2, érigé les han-gars, acquis les équipements, recruté 30 ouvriers et collaborateurs  ; nous assurons la gestion opérationnelle quotidienne, ainsi que le dévelop-

pement commercial. Généralement, les projets que nous choisissons né-cessitent un ticket d’investissement moyen compris entre 100 000 et 1 million d’euros dans les secteurs de l’efficacité énergétique ou des énergies propres.

n EA : Quels ont été vos plus grands succès à ce jour ?

FLS  : Notre plus grand succès est de démontrer que l’entreprise privée peut être un outil puissant dans la lutte contre le réchauffement plané-taire. Lorsque le profit est réalisé à l’aune de la performance environne-mentale, il est possible de dépasser

les contradictions supposées de l’inté-rêt particulier et de l’intérêt général. Grâce à notre expertise, ce sont plus de 40 projets dans 17 pays qui ont bé-néficié de la finance carbone, ce sont autant d’emplois créés, de réductions d’émissions CO2 évitées et de nou-velles technologies vertes déployées sur le continent africain. Nul ne songe à confier au seul marché le soin de répondre au défi climatique, mais il serait peu judicieux de se priver de l’efficacité d’un tel outil. y

PROPOS RECUEILLIS PAR  GWLADYS JOHNSON

LE CRÉDIT CARBONEUn crédit carbone est une unité qui correspond à l’évi-tement de l’émission d’une quantité précise d’un gaz à effet de serre (CO2, méthane, protoxyde d’azote …). Par souci d’uniformité, les quantités des autres gaz à effet de serre sont converties en tonnes de CO2, qui est considéré comme la valeur étalon. Un crédit carbone représente donc une tonne de CO2 dont l’émission a été évitée lors d’un processus.L’évitement de cette émission de gaz à effet de serre peut se faire par le biais d’une économie d’énergie. C’est le cas par exemple des foyers économiques qui utilisent moins de combustibles, permettant ainsi d’épargner plus d’arbres qui contribueront à leur tour à la réduction d’une quantité de gaz à effet de serre. Il peut se faire également via l’utilisation des énergies renouvelables telles que le solaire ou l’éolien. Grâce à ce type d’énergie, une quantité de charbon ne sera pas brûlée dans une centrale thermique par exemple,

ce qui aurait inévitablement entraîné l’émission de gaz à effet de serre. Les entreprises porteuses de projets évitant l’émission de ces gaz se voient attribuer des crédits carbone. Cette attribution peut se faire selon la méthodologie homologuée par les Nations Unies, par des organismes agréés. Cette méthodologie est cepen-dant assez longue et n’est accessible qu’aux entreprises ressortissant des pays signataires de l’accord de Kyoto. Le type de crédit carbone délivré dans ce cas est appelé CER (Certified Emission Reduction). Elle peut égale-ment se faire par une autre méthode, accessible à tous et beaucoup moins complexe, qui permet de délivrer des VER (Verified Emission Reduction). Les entre-prises détentrices de crédits carbone générés par leurs projets peuvent les céder sur le marché du crédit car-bone à d’autres entreprises qui, de par leurs activités, dépassent le seuil fixé en termes d’émission de CO2. y

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26 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

DOSSIER UEMOA

n Energies Africaines : Où en est, à ce jour, l’Initiative régionale pour l’éner-gie durable ?

Cheikhe Hadjibou Soumaré  : Au plan financier, on peut noter que les contributions au Fonds de dévelop-pement de l’énergie (FDE) s’élèvent à 257  273  000  000  FCFA. En ce qui concerne la mise en place du Fonds d’investissement dédié au fi-nancement privé des infrastructures d’énergie, un projet de décision por-tant création du Fonds d’amorçage Uemoa et un projet de Règlement intérieur dudit fonds, ainsi que des conventions devant lier les différentes parties prenantes, sont élaborés. Au plan exécution physique, onze pro-jets ont été financés sur le FDE : deux sont achevés au Burkina Faso et au Sénégal. Cinq projets sont en cours d’exécution, dont un au Mali, deux

au Niger et deux en Côte d’Ivoire. Deux projets sont en phase de passa-tion de marchés de travaux, respecti-vement au Bénin et au Togo, et enfin un est en phase d’étude en Guinée-Bissau. Le montant total des prêts s’élève à environ 200 milliards FCFA, et celui des engagements à environ 121,4 milliards FCFA.

En ce qui concerne le Programme régional de développement des éner-gies renouvelables et de l’efficacité énergétique (PRODERE), la pre-mière phase de ce projet vise la four-niture et l’installation de kits solaires, lampadaires solaires, microcentrales solaires et lampes à basse consom-mation dans les Etats membres de l’Uemoa. D’un coût total de 19 215 000 000 FCFA, entièrement financé par la Commission de l’Ue-moa, ce projet est terminé dans trois

Etats, à savoir le Bénin, le Sénégal et le Togo. Il est en cours d’exécution dans les autres Etats. Mais vu l’en-gouement et la satisfaction générés par ces réalisations au niveau des po-pulations bénéficiaires, nous avons mobilisé 20  milliards  FCFA pour

La Commission de l’Uemoa multiplie les projets pour atteindre 82% d’énergies vertes en 2030Le président de la Commission de l’Uemoa, Cheikhe Hadjibou Soumaré, fait le point sur l’avancée des programmes de l’Union en matière d’énergies vertes, notamment à propos de l’Initiative régionale pour l’énergie durable (IRED).

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 27

faire une extension des activités de cette première phase. La phase 2 du PRODERE se réalisera avec la mise en place de la Facilité régionale d’ac-cès à l’énergie durable (FRAED).

En ce qui concerne le Programme ré-gional d’économie d’énergie (PREE),

on peut noter  le lancement de deux projets. Tout d’abord le lancement de la deuxième phase du « Projet ré-gional d’étiquetage des équipements électriques domestiques dans les États membres de l’Uemoa ». Ce projet vise à mettre en place un système d’éti-

quetage permettant aux acheteurs et consommateurs de reconnaître faci-lement les appareils électroménagers les moins énergivores (climatiseurs, réfrigérateurs, congélateurs, télévi-seurs, chauffe-eau et lampes élec-triques). Le montant total du projet

« Ce projet vise à mettre en place un système d’étiquetage permettant aux acheteurs et consommateurs de reconnaître facilement les appareils électroménagers les moins énergivores. »

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DOSSIER UEMOA

est de 838 273 932 FCFA, dont une participation du FDE à hauteur de 755  000  000  FCFA. Egalement le lancement du «  Projet d’élaboration d’un code d’efficacité énergétique dans les bâtiments  ». Ce projet vise quant à lui à élaborer un Code régio-nal d’efficacité énergétique (EE) qui servira de modèle pour l’intégration des exigences minimales en matière d’EE dans les normes de construc-

tion des bâtiments neufs des Etats membres de l’Uemoa. Le montant total est de 1  241  098  794  FCFA, dont une participation du FDE à hauteur de 1 045 000 000 FCFA. La durée du projet est de deux ans. Il est à noter que pour la mise en œuvre des deux projets, des conventions ont été signées avec l’Institut de la Francophonie pour le développement durable (IFDD) et ECONOLER.

Pour le développement de pôles énergétiques, en raison de la répar-tition inégale des ressources énergé-tiques des Etats membres de l’Uemoa et de la faible taille des marchés natio-naux de l’énergie, une approche régio-nale est privilégiée pour permettre (i) une mise en valeur concertée des res-sources énergétiques là où elles sont abondantes, en vue de tirer profit des économies d’échelle, (ii) le commerce de l’électricité et des services énergé-tiques au sein de l’Union, notamment grâce aux pôles énergétiques sous-ré-gionaux, (iii) la réduction des coûts d’approvisionnement en énergie, (iv) l’accroissement de la part des sources d’énergies renouvelables et alterna-tives dans le bouquet énergétique.

Au niveau de la transition énergé-tique, la Commission a réalisé une étude visant l’installation de centrales solaires de grande capacité dans les Etats membres de l’Uemoa. Cette

« Vu l’engouement et la satisfaction générés par ces réalisations au niveau des populations bénéficiaires, nous avons mobilisé 20 milliards FCFA pour faire une extension des activités de la première phase du PRODERE. »

« En attendant l’effectivité des interconnexions électriques, l’étude recommande de limiter la puissance unitaire des installations à environ 22 MWc sur les premiers sites identifiés. »

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DOSSIER UEMOA

étude a permis d’identifier cinq pre-miers sites avec une puissance to-tale de 574  MWc à l’horizon 2030. En attendant l’effectivité des inter-connexions électriques, l’étude re-commande de limiter la puissance unitaire des installations à environ 22 MWc sur les premiers sites iden-tifiés, à savoir le Bénin, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Sénégal, soit au total 110  MWc à installer pour les premières générations de centrales solaires.

n EA : Cette ambition et celle d’ac-croître à 82% la proportion d’énergies renouvelables dans le parc énergé-tique au sein de l’Uemoa, n’ont-elles pas été trop optimistes ?

CHS  : Je rappelle que cet objectif visant à atteindre 82% de production d’électricité à base d’énergies renou-velables d’ici 2030 intègre l’hydroé-lectricité, qui représente aujourd’hui plus de 36% de l’électricité produite.

Au regard des énormes potentiali-tés en hydroélectrique, en solaire, en biomasse et en éolien dans la zone Uemoa et les perspectives de réduc-tion du coût des équipements pour le solaire, je pense bien que cet objectif n’est pas hors de portée. A cela il faut ajouter les énormes efforts engagés par la Commission de l’Uemoa. Je veux citer, à titre d’exemple, le pro-jet d’installation de cinq centrales solaires pilotes de grande capacité, la mise en place de stratégies visant une implication plus accrue des in-vestisseurs privés (FRAED), la mise en place d’un cadre réglementaire et incitatif pour le développement du marché d’énergies renouvelables, sans oublier les actions majeures des Etats membres.

n EA  : Verra-t-on naître dans l’Ue-moa des projets de grande envergure dans le solaire, comme il en existe par exemple au Maroc ?

CHS : Le Projet marocain de l’éner-gie solaire est un projet qui vise la mise en place à l’horizon 2020 d’une grande capacité de production d’éner-gie électrique de 2000 MW à partir de l’énergie solaire se basant sur les deux technologies suivantes : Concentrated Solar Power (CSP) et photovoltaïque. Vu le déficit chronique que connaît notre Union en matière d’énergie électrique, j’ai déjà donné des ins-tructions au Département en charge des questions de l’énergie d’envisa-ger pour faire une mission de prise de contact au Maroc et de visite des

centrales solaires en construction avec les deux technologies solaires dont j’ai parlé tantôt. L’objectif est de prendre les dispositions pour pouvoir instal-ler ces centrales solaires de grande capacité dont l’énergie produite sera évacuée sur le réseau interconnecté de l’Union. C’est à cette condition que nous pouvons assurer notre dévelop-pement économique et en profiter aussi pour amorcer la politique de transfert des compétences. y

PROPOS RECUEILLIS PAR KOUMIBA SODJI

« J’ai déjà donné des instructions au Département en charge des questions de l’énergie pour envisager de faire une mission de prise de contact au Maroc. »

« Cet objectif visant à atteindre 82 % de production d’électricité à base d’énergies renouvelables, d’ici 2030, intègre l’hydroélectricité qui représente aujourd’hui plus de 36 % de l’électricité produite. »

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EFFICACITÉ ENERGÉTIQUE

Vu leur rapide retour sur investissement, les projets d’efficacité énergétique se multiplient sur le continentEn phase avec le vieil adage qui dit que « l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas », le continent africain commence à adopter des politiques d’efficacité énergétique à grande échelle. Ces derniers mois, plusieurs pays africains ont lancé des programmes d’économie d’énergie. Les investissements sont conséquents, mais les économies réalisées le sont tout autant, sans compter le nombre d’emplois créés. Tout compte fait, plusieurs gouvernements n’ont pas hésité à sauter le pas.

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EFFICACITÉ ENERGÉTIQUE

L’EGYPTE TRANSFORME SON ÉCLAIRAGE PUBLICL’Egypte prévoit de remplacer 3,89 millions de lampes d’éclairage public par des lampes basse consomma-tion afin d’économiser quelque 180 millions d’euros par an. Ce projet, d’un coût total de 250 millions d’euros, se déroulera sur 28 mois. Selon les autori-tés, l’investissement devrait être récupéré au bout de 17 mois. « Chaque ampoule économique permettra d’économiser 37 livres par mois. Le projet permettra de diminuer la consommation d’électricité du pays de

600 MW », a déclaré Mohamed Shaker, le ministre en charge de l’Electricité.L’Egypte est actuellement en proie à une crise énergé-tique qui dure depuis des années. La rationalisation de l’énergie est l’une des priorités du gouvernement, qui prévoit dans ce cadre de diversifier ses sources d’éner-gie. La construction de centrales solaires pour une capacité globale de 4300 MW est programmée au cours des trois prochaines années. y

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EFFICACITÉ ENERGÉTIQUE

La Tunisie lance le programme « Monsieur Energie »Le Conseil fiduciaire de Tunisie, en collaboration avec l’Agence nationale pour l’emploi et le travail indépendant, prépare la réalisation d’un programme énergétique qui générera environ 25 000 emplois. Cette annonce a été faite par Seifal-lah Ben Mansour, le secrétaire général du Conseil. Intitulée « Monsieur Energie », cette initiative d’efficacité énergétique contrôlera les équipements dans tous les établissements publics du pays afin de rationner leur consommation et de réduire les dépenses énergétiques. L’opéra-tion a été lancée le 20 avril 2015 au Palais de Carthage, avant sa généralisation aux autres institutions du pays. Selon les promoteurs du projet, le coût des 25 000 employés recrutés dans le cadre de ce programme sera rapidement couvert par les économies provenant de sa mise en œuvre. Ces économies s’ajou-teront aux 14 millions $ que le pays pourra mettre de côté chaque année grâce au dévelop-pement des différents projets de production d’électricité à partir des énergies renouvelables. y

Algérie : un plan national à 8,5 milliards d’euros Le 14 avril à Alger, lors de la 19ème Journée de l’énergie organisée par l’Ecole nationale polytechnique, a été dévoilé le gigantesque Programme national d’efficacité énergé-tique (PNEE), qui sera mis en œuvre à partir de l’année prochaine. Le plan se traduira, selon l’Agence algérienne de presse, par l’isolation thermique de 100 000 logements chaque année, la diffusion annuelle de 10 millions de lampes à basse consommation et la conversion de 1,3 million de véhicules au GPL à l’horizon 2030. Le PNEE est estimé à 900 milliards DA (8,55 milliards €) et bénéficiera d’une contribution de l’Etat à hauteur de 54%. Il permettra à l’Algérie d’économiser 93 mil-lions de tonnes équivalent pétrole, d’éviter l’émission de 200 millions de tonnes équi-valent CO2, et de créer près de 180 000 emplois d’ici 2030, a expliqué Kamel Dali, directeur des projets à l’Agence nationale pour la promotion et la ratio-nalisation de l’utilisation de l’énergie (APRUE), en charge de mettre en œuvre l’opération. y

Maroc : l’efficacité énergétique est la quatrième ressource énergétique du pays En avance sur les autres pays, le Maroc a déjà installé 5 millions de lampes à basse consomma-tion qui, selon le Ministère de l’énergie, lui ont permis un écrê-tement de 173 MW durant la pointe et une économie d’éner-gie cumulée évaluée à 700 GWh. Fort de ce constat, le royaume se prépare à distribuer 10 mil-lions de lampes à basse consom-mation qui seront financées dans le cadre de la coopération allemande. Le programme ma-rocain vise également la généra-lisation des chauffe-eau solaires, qui devraient représenter un to-tal de 1 700 000 m2 de capteurs solaires en 2020. L’éclairage pu-blic est également visé avec un projet pilote d’éclairage public alimenté par l’énergie solaire au niveau de la région de Fès. Des codes d’efficacité énergétique ont également été élaborés pour les secteurs du bâtiment et de l’industrie. Déjà depuis no-vembre 2013, le gouvernement a approuvé un décret définis-sant le règlement thermique de construction applicable aux bâtiments. y

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EFFICACITÉ ENERGÉTIQUE

«  L’utilisation rationnelle de l’éner-gie électrique constitue l’un des moyens de contribuer à la résorption du déficit de l’offre, mais aussi de lutter contre les problèmes environnementaux découlant de la croissance de la production énergé-tique », affirme l’Uemoa, qui a initié le Programme régional d’économie d’énergie (PREE).

Une politique en trois étapesPour déployer son Programme ré-

gional d’économie d’énergie (PREE) dans les Etats membres, l’Uemoa a tout d’abord apporté un appui institutionnel à la mise en place d’agences ou de structures d’écono-mie d’énergie dans chaque Etat. Puis elle a mis en place sa stratégie de dif-fusion des lampes basse consomma-tion dans les établissements publics de l’espace Uemoa, une mesure à effet immédiat en termes d’écono-mie d’énergie. Les étapes suivantes, dont les bienfaits se feront sentir à moyen terme, consistent dans l’éti-quetage des appareils électroména-gers et dans l’intégration des exi-gences d’efficacité énergétique dans les codes du bâtiment des pays de l’Union. Déjà, la Société Africaine des Biocarburants et des Energies Renouvelables (SABER) a été man-datée pour impulser et superviser

la fourniture et l’installation de lampes à basse consommation dans l’ensemble des administrations et des établissements publics des Etats membres de l’Union. Le projet est éligible au Mécanisme de développe-ment propre (MDP), qui permettra de générer des crédits carbone à hau-teur de 5000tCO2/an. Des contrats de prestation ont déjà été signés avec

quatre entreprises adjudicataires. Il s’agira de remplacer les lampes classiques dans les administrations et établissements publics par des lampes LED à économie d’énergie. La réalisation des travaux devrait du-rer six mois. Chaque pays de l’Union sera ainsi invité à développer une ambitieuse politique nationale d’ef-ficacité énergétique. A ce jour, les huit membres de l’Uemoa ont mené dans ce domaine des politiques très inégales. Certains ont commencé à agir dès les années 80, d’autres ont à peine dépassé le stade des intentions.

Bénin : plus d’un tiers d’économies à réaliser

Les études entreprises lors de l’éla-boration du Code d’efficacité éner-gétique pour les bâtiments adminis-tratifs au Bénin ont conclu que 35% d’économies d’énergie pourraient être atteints dans l’habitat et dans les bâtiments publics et commerciaux si les mesures adéquates de conception

et d’exploitation étaient appliquées. C’est fin 2009 que le Bénin a adopté un plan de maîtrise de l’énergie des-tiné à doter le pays d’un cadre insti-tutionnel et réglementaire favorable à la maîtrise d’énergie et à développer une culture d’efficacité énergétique. Il s’agissait également de mettre en place les instruments financiers nécessaires à la mise en œuvre de cette politique. Auparavant, quelques actions d’effi-cacité énergétique avaient été menées dans les années 90. Notamment, 44 sites administratifs avaient été audités et leur personnel sensibilisé par des

L’Uemoa déploie son programme régional d’économie d’énergieL’Afrique de l’Ouest est également engagée dans l’efficacité énergétique à l’initiative de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).

Des pays de l’Uemoa, le Sénégal est sans doute le plus avancé dans le domaine de l’efficacité énergétique.

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EFFICACITÉ ENERGÉTIQUE

journées de formation portant sur l’utilisation rationnelle de l’énergie électrique.

Guinée-Bissau : une décennie  à rattraper

La Guinée-Bissau avait élaboré, en 2000, une « Lettre de politique éner-gétique  »  destinée à promouvoir les énergies de substitution et l’efficacité énergétique. Le pays a élaboré, dans la période 2005-2008, un plan stra-tégique des énergies domestiques qui visait, entre autres, à réduire de 20% l’utilisation du bois, à réaliser des audits dans plusieurs bâtiments et à promouvoir le solaire pour l’électrifi-cation rurale des sites isolés, les sta-tions télécoms, la santé et les écoles. Les troubles politiques qui ont sévi les années suivantes ont eu raison, en grande partie, de ces programmes. La

dynamique de l’Uemoa devrait per-mettre de relancer ces actions.

Le Burkina Faso a déjà engagé  le processus

La Cellule de gestion de l’énergie (CGE), rattachée au Ministère des mines et de l’énergie, travaille de concert avec une quarantaine de « correspondants énergie » désignés au sein des ministères et institutions de l’Etat comme points focaux, chargés de relayer les messages d’information et de sensibilisation. Dans le cadre de la mise en œuvre des mesures d’effica-cité énergétique dans les bâtiments de l’administration publique, d’impor-tantes actions ont été réalisées :

• des audits énergétiques de vingt-cinq bâtiments de l’Administration publique ;

• des investissements visant à

améliorer la performance éner-gétique des bâtiments audités (installations effectives de 264 climatiseurs à haute efficacité énergétique, de 210 kVAr de batteries de condensateur, de 2100 m2 de films réfléchissants et de 3800 lampes à faible consommation énergétique). Les travaux en cours de réali-sation concernent l’installation de 1645 kVAr de batteries de condensateur, de 700 unités de climatiseurs à haute effica-cité énergétique, de 5000 m² de films réfléchissants et de 29 000 lampes à faible consom-mation énergétique ;

• la mise en place d’un cadastre énergétique des bâtiments de l’Administration publique, avec à la clé la résiliation des abon-

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EFFICACITÉ ENERGÉTIQUE

nements inactifs de la ville de Ouagadougou et la séparation des compteurs privés (kiosques et restaurants) implantés au sein des ministères et antérieurement pris en charge par le budget de l’Etat ;

• la mise en place d’un pro-gramme de gestion, de contrôle et de suivi des factures d’élec-tricité de l’Administration publique. Le logiciel conçu à cet effet a permis le réajustement d’environ 245 abonnements de l’Administration publique ;

• la poursuite d’actions d’infor-mation et de sensibilisation à travers des campagnes multimé-dias (affichage, spots et modules télévisuels de sensibilisation, spots radiodiffusés, insertions presse, ateliers de formation et

de sensibilisation, gadgets de sensibilisation, etc.).

Les résultats atteints dans la mise en œuvre effective de toutes ces actions jusqu’en décembre 2010 ont permis une économie d’énergie d’environ 921 000 kWh/an, soit une économie financière de plus de 1  milliard de francs CFA.

La Côte d’Ivoire, un bel élan interrompu par la crise politique

Dès 1984, la Côte d’Ivoire s’est dotée d’un Programme national d’économie d’énergie. Depuis cette date, le pays a régulièrement mené des actions d’efficacité énergétique  : campagnes de sensibilisation, établis-sement de normes de construction, installation de batteries de condensa-teur dans les principaux bâtiments du secteur public, formation du personnel

de conduite des équipements énergé-tiques, etc. Au début des années 2000, le pays s’était déjà doté d’une banque de données informatisée répertoriant plus de 500 diagnostics de bâtiments divers, et une centaine de spécialistes ivoiriens avaient été formés, et un pro-jet pilote de réduction des gaz à effet de serre lancé. En 2004, l’évaluation de ces initiatives indiquait que 28 projets de services éco-énergétiques avaient été réalisés, conduisant à une économie de 15  954  MWh par an, correspondant à la réduction annuelle de 4380 téqCO2.

Durant la crise politique dont la Côte d’Ivoire a souffert, la plupart de ces actions ont été suspendues. Actuellement, le pays est essentiel-lement engagé dans la diffusion de lampes basse consommation en milieu résidentiel et dans le remplacement

A ce jour, les huit membres de l’Uemoa ont mené dans ce domaine des politiques très inégales. Certains ont commencé à agir dès les années 80, d’autres ont à peine dépassé le stade des intentions.

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EFFICACITÉ ENERGÉTIQUE

des lampes à vapeur de mercure et des lampes mixtes existant sur le ré-seau actuel d’éclairage public, par des lampes plus efficaces.

Mali : réduire la pointe  de consommation

Dans le cadre d’un programme cofinancé par la Banque mondiale et le FEM, le Mali s’était engagé au début de la décade 2000 dans la diffusion d’équipements efficaces, y compris plus de 20  000 lampes basse consommation (LBC) et 2000 refroidisseurs d’air en substitution de climatiseurs, avec pour objectif

de réduire de 5  MW sa pointe de consommation.

Niger : une culture d’économie d’énergie bien ancrée

Dès les années 90, avec l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie, le Niger a acquis une culture d’économie d’énergie en assurant notamment la collecte des données de consommation et l’orga-nisation des audits énergétiques dans les principaux centres hospitaliers du pays, ou en initiant des ateliers et es-paces de sensibilisation. Aujourd’hui, les priorités du pays, en termes d’ef-

ficacité énergétique, se situent dans la diffusion de lampes basse consom-mation dans les villes de Niamey, Maradi, Zinder et Tahoua, ainsi que dans les mesures d’économie d’éner-gie dans les bâtiments publics.

Le Sénégal à l’avant-gardeDes pays de l’Uemoa, le Sénégal

est sans doute le plus avancé dans le domaine de l’efficacité énergétique. Dès les années 80, avec l’appui de la Banque mondiale, du PNUD et de l’ACDI, le pays a mené un vaste programme d’audits énergétiques et mis en place des incitations finan-

LE PIC DE CONSOMMATION En Afrique et dans la zone Uemoa, l’éclairage repré-sente la part essentielle de la consommation d’énergie des ménages. L’utilisation de lampes fluo compact plu-tôt que de lampes à incandescence traditionnelles peut permettre une réduction de consommation d’énergie allant jusqu’à 80%. Selon le projet Energy Carbon Performance, parrainé par l’Union africaine, plus de 35 pays en Afrique et au Moyen-Orient souffrent de difficultés chroniques pour satisfaire la demande en

électricité, surtout pendant les périodes de pointe de consommation. Ce qui entraîne des délestages. Par ailleurs, le pic de consommation est principalement dû à l’éclairage. En réduisant massivement ce pic par l’usage à grande échelle de LBC, en échange de lampes à incandescence inefficaces d’un point de vue énergé-tique, on parvient à réduire la pointe de consommation électrique de 60%, comme le montre le graphique suivant. y

Réduction de la consommation à la pointe par la distribution massive de lampes basse consommation.Source projet LBC - Mali

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EFFICACITÉ ENERGÉTIQUE

cières pour les entreprises vertueuses. Depuis 2010, le Sénégal réalise un plan d’économies qui touche à la fois à la consommation des secteurs public et privé, aux éclairages ur-bains et domestiques ou encore aux transports. L’installation de lampes

à basse consommation, qui consti-tue le programme phare de ce plan, s’inscrit dans la stratégie de maîtrise de la demande de pointe avec une utilisation rationnelle de l’électricité. L’objet du programme est le rempla-cement des ampoules incandescentes par des lampes basse consommation au niveau de quelque 600 000 clients

domestiques du réseau interconnec-té, afin de réduire la pointe sur le réseau, d’augmenter la disponibilité en électricité et d’alléger la facture de la clientèle. Le gain moyen sur la pointe et sur la durée du projet (neuf ans) a été évalué à 81,6 MW, ce qui

correspondrait à un écrêtement de la pointe de 14,5%. Pour le consom-mateur, l’utilisation de lampes basse consommation aux heures de pointe peut lui faire des économies de plus de 10% sur ses dépenses annuelles en électricité.

Dans la même dynamique, dans le cadre de la mise en œuvre du

Programme régional de développe-ment des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (PRODERE), le Sénégal prévoit désormais d’instal-ler 35 000 lampadaires solaires sur son territoire d’ici 2017, dont 15 000 au cours de cette année 2015. Déjà 1835 lampadaires solaires ont été installés dans les communes de Fatick, Golf Sud, Kaolack, Kolda, Linguère, Pikine, Tambacounda, Thiès et Yeumbeul.

Le Togo veut alléger sa facture d’électricité

En 2004, l’ATEME (Agence to-golaise de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a mené des études dans le but de diminuer le poids financier des factures élec-triques de ses départements. Il en a résulté la mise en place de mesures d’économie dans les bâtiments ad-ministratifs, suivie plus tard d’un programme de diffusion de 400 000 lampes basse consommation. y DF

Dès 1984, la Côte d’Ivoire s’est dotée d’un Programme national d’économie d’énergie.

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DOSSIER UEMOA

n Energies Africaines : Qu’est-ce qui a motivé la Commission de l’Uemoa à s’investir autant dans le domaine des énergies renouvelables ?

Roger Coovi Hounkanrin  : Je vou-drais, pour répondre à cette question, partager avec vous l’état des lieux du contexte énergétique qui a motivé les autorités au plus haut niveau de notre Union à œuvrer à la réalisation d’im-portants chantiers dans le domaine des énergies renouvelables.

La situation énergétique des Etats membres de l’Uemoa est caractérisée par :

• un bilan énergétique dominé par l’utilisation massive de la biomasse (bois de feu, charbon de bois et déchets végétaux) à environ 80% ;

• une forte dépendance vis-à-vis des approvisionnements en

Il faut « promouvoir de façon intensive les énergies renouvelables ainsi que l’efficacité énergétique »

Roger Coovi Hounkanrin, directeur de l’Energie, des Télécommunications et des TIC à la Commission de l’Uemoa, dessine les grandes lignes de la politique énergétique promue et mise en œuvre par l’Uemoa.

« Il s’agit notamment de passer d’énergies dites carbonées (pétrole, gaz naturel, charbon) ou très technologiques et centralisées (nucléaire, incinération, etc.) à des énergies propres, sûres et décentralisées. »

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DOSSIER UEMOA

hydrocarbures ; • un accès très limité à l’électri-

cité (le taux d’électrification de l’ensemble de l’Union se situe autour de 22% en 2013), la part de l’électricité dans le bilan éner-gétique de l’Union est d’environ 5% ;

• des coûts et prix des produits pétroliers et de l’électricité très élevés pour une activité écono-mique peu dynamique et pour une population à dominance rurale et pauvre ;

• une très faible utilisation des énergies renouvelables malgré l’importance du potentiel dans l’espace communautaire ;

• une utilisation peu rationnelle des ressources énergétiques disponibles ;

• une absence quasi totale d’une planification énergétique au niveau des Etats ;

• une coopération sous-régio-nale encore insuffisante malgré l’existence de quelques lignes d’interconnexions électriques entre certains pays de la région.

C’est fort de ce constat qu’il est prévu, dans la mise en œuvre de la politique énergétique commune de l’Union, de promouvoir de façon in-tensive les énergies renouvelables ain-si que l’efficacité énergétique.

n EA : Comment peut-on réussir la transition énergétique ?

RCH : La notion de transition énergétique désigne le passage du système énergétique actuel utilisant des ressources non renouvelables vers un bouquet énergétique basé principalement sur des ressources renouvelables  ; ce qui implique de développer des solutions de rempla-cement aux combustibles fossiles, qui sont des ressources limitées et non renouvelables (à l’échelle hu-maine). Il s’agit donc notamment de passer d’énergies dites carbonées (pétrole, gaz naturel, charbon) ou très technologiques et centralisées (nucléaire, incinération, etc.) à des

énergies propres, sûres et décentrali-sées (énergie solaire, soit thermique soit photovoltaïque, éolien, énergie hydraulique, énergie géothermique et marémotrice, biomasse, dont la bioénergie provenant entre autres des gaz d’incinération ou d’épu-ration, etc.), avec des capacités de stockage de l’énergie, des réseaux in-telligents et une meilleure efficacité énergétique.

Pour réussir cette transition éner-gétique, la Commission de l’Uemoa envisage  la réalisation de grandes infrastructures énergétiques telles que les centrales hydroélectriques ou les interconnexions régionales  ; le déploiement massif des énergies renouvelables, à savoir les centrales solaires, la biomasse moderne, les centrales hybrides (solaire-hydro et solaire-biocarburant) et l’installation des réseaux intelligents  ; la promo-tion de l’utilisation domestique du gaz butane (la butanisation) afin de

préserver nos forêts  ; la poursuite de la réalisation des projets dans le domaine de l’efficacité énergétique ; la mise en œuvre des réformes pour attirer les investisseurs privés  ; l’ini-tiation des programmes de recherche et de développement pour maîtriser notre avenir énergétique.

n  EA  : Les populations estiment que l’acquisition des équipements d’énergies renouvelables est oné-

reuse. Quelle démarche peut mener la Commission de l’Uemoa pour facili-ter l’acquisition de ces matériels ?

RCH : La Commission de l’Uemoa va commanditer au cours de cette année une étude sur la définition d’un cadre réglementaire et incitatif pour le développement d’un marché régional des énergies renouvelables. L’étude aboutira à l’élaboration d’une directive communautaire qui abordera les aspects juridico-finan-ciers afin de booster l’utilisation des équipements d’énergies renouve-lables, en particulier le solaire, par nos populations.

n EA  : Quelles réformes juridiques et fiscales sont prévues pour faciliter l’implantation d’investisseurs étran-gers dans la zone Uemoa ?

RCH : Pour faciliter l’implantation des investisseurs étrangers dans l’espace Uemoa, et par ce biais régler la question du financement des infrastructures,

il est prévu la promotion d’un fonds d’investissement dédié au financement privé d’infrastructures dans l’Uemoa. C’est ainsi que les institutions de l’Union ont convenu de réaliser une étude de faisabilité sur la promotion d’un fonds d’investissement dédié au financement des infrastructures, ainsi qu’une étude du cadre institutionnel et règlementaire du financement privé des infrastructures. y

PROPOS RECUEILLIS PAR KOUMIBA SODJI

« La situation énergétique des Etats membres de l’Uemoa est caractérisée par un bilan énergétique dominé par l’utilisation massive de la biomasse (bois de feu, charbon de bois et déchets végétaux) à environ 80%. »

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DOSSIER UEMOA

Financé à hauteur de 2,5  millions d’euros, le Programme régional bio-masse énergie a permis l’implantation de plusieurs projets pilotes dans les Etats membres de l’Uemoa. Parmi ceux-ci, le projet de Safim.

Tout à construireAvec une capacité installée infé-

rieure à 30  MW, un réseau vétuste de 92  km de lignes moyenne ten-sion, l’entreprise Électricité et Eaux de Guinée-Bissau (EAGB) est loin de satisfaire la demande des usagers. La consommation énergétique na-tionale est la plus faible de la sous-ré-gion. Le niveau d’investissement dans le secteur électrique, en un demi-siècle, ne dépasse pas 35  mil-lions de dollars, d’où un taux d’ac-cès à l’électricité de 20% au niveau national, et à peine davantage dans la capitale Bissau (30%). La source d’énergie domestique reste le bois et le charbon de bois à près de 95%, avec toutes ses conséquences désas-treuses en termes de déforestation et de santé publique.

Vers un mix énergétique entièrement renouvelable

Les résidus agricoles présentent un grand potentiel dans la production de chaleur et d’électricité ou dans la transformation en biogaz, de même que les énergies renouvelables (hy-droélectricité, solaire, éolien). En ef-fet, la Guinée-Bissau est favorisée sur le plan de l’intensité et de la dispo-nibilité du rayonnement solaire : 5 à 6 kWh/m2/jour et 8 heures de soleil par jour. Elle possède également un potentiel éolien suffisant, avec une vitesse des vents entre 3 et 5  m/s, pour une production d’électricité rentable. L’énergie d’origine hydrau-lique se développe également, dans le cadre du Programme de l’organi-sation de la mise en valeur du fleuve Gambie (OMVG), regroupant la Guinée-Bissau, la Gambie, le Sénégal et la Guinée-Conakry. Enfin, début mai 2015, le constructeur israélien WERPO a annoncé avoir obtenu le mandat de réalisation d’une centrale d’énergie marine de 500 MW de ca-pacité en Guinée-Bissau. La construc-

En Guinée-Bissau, des coques de noix de cajou pour électrifier SafimLe projet de réalisation d’une centrale à biomasse en vue d’électrifier la localité de Safim a été retenu par les autorités de Guinée-Bissau dans le cadre du Programme régional biomasse énergie (PRBE) de l’Uemoa, avec l’appui de la Coopération néerlandaise.

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DOSSIER UEMOA

Le projet de Safim est une action pilote qui vise à réaliser un nombre important d’actions similaires en cas de réussite.

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42 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

DOSSIER UEMOA

tion de cette centrale, prévue pour durer trois ans, représente un investis-sement d’environ 325 millions de dol-lars. La mise en place de l’infrastruc-ture sera faite dans le cadre d’une joint-venture formée par  l’entreprise

israélienne, qui possèdera 30% de l’entreprise, et l’Etat de la Guinée-Bissau. WERPO aura donc droit à 30% des profits issus de la vente de l’énergie produite, et ce sur les 25 premières années d’exploitation de

la centrale. Cette énergie sera cédée à l’Etat à 0,1 $ le kilowatt-heure. Selon ses promoteurs, «  ce projet aidera la Guinée-Bissau à être plus indépendante et plus stable en matière de fourniture énergétique, ce qui lui permettra de ré-soudre une grande partie des problèmes rencontrés dans ce secteur ».

Safim, un projet piloteLes pommes d’anacardier sont ac-

tuellement sous-utilisées en Guinée-Bissau. On estime que 70% environ de la production totale est jetée après que la noix a été enlevée. La transforma-tion  énergétique de la coque de noix de cajou en électricité, mise en place dans le projet de Safim, est une action pilote qui vise à réaliser un nombre im-portant d’actions similaires en cas de réussite. Le village de Safim se situe à 15 km de Bissau, rendant possible un suivi journalier de la production éner-

CONSOMMATEUR LE JOUR (W) LA NUIT (W)

Domestique x 13.500

Industries 10.000 x

Ecoles x 2.000

Poste sanitaire 1.000 1.000

Restaurant 3.000 3.000

Marché (froid) 6.000 6.000

Lieux de culte x 1.000

Service public 1.000 x

Total (W) 21.000 26.500

Si le niveau de revenus de la population ne permet pas d’envisager l’amortissement de l’investissement initial, il peut toutefois autofinancer son fonctionnement et amorcer le cercle vertueux du développement.

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DOSSIER UEMOA

gétique par des techniciens en charge d’évaluer le choix technologique envi-sagé. Le village de Safim, chef-lieu du secteur administratif du même nom, est une agglomération rurale caracté-ristique de la Guinée-Bissau. Sa popu-lation, de l’ordre de 1100 habitants, est formée de paysans ayant comme produits de base :

• le riz et quelques légumes pour satisfaire leurs besoins alimentaires ;

• la noix de cajou, dont la commercialisation permet de garantir les besoins en matière de santé, d’éducation des enfants et d’habillement des membres de la famille ;

• la pomme de cajou pour la pro-duction de vin et d’eau de vie.

Les habitants du village sont, sauf rares exceptions, des gens à faible re-venu, dont la consommation d’élec-tricité se limite essentiellement à l’éclairage. La collectivité (école, mar-ché, restaurant, poste sanitaire, lieux de culte) présente une consommation plus diversifiée, alors que les petites activités économiques consomment davantage le jour.

En tenant compte d’une perte de distribution de 20%, la puissance à installer se situe à environ 40 KVa.

Un fonctionnement rentableLa coque de noix de cajou est ache-

tée à des transformateurs de noix de

cajou. Le prix a une valeur symbo-lique (20  FCFA/kg rendu dans la centrale), parce que ce sous-produit, qui auparavant constituait unique-ment une charge pour les entreprises de décorticage, constitue désormais un actif à ajouter aux comptes d’ex-ploitation. Il faut par ailleurs ad-

mettre que le prix du kWh mis à la disposition du consommateur ne peut dépasser 100 FCFA de façon à permettre un paiement régulier des consommations. En estimant un fonctionnement journalier allant de 8 heures à 24 heures, on assure 16 heures par jour de fonctionnement, satisfaisant tous les consommateurs considérés. L’énergie produite pen-dant la journée, c’est-à-dire de 8 heures à 18 heures (10 heures de fonctionnement), tout en considé-rant la puissance allouée de 21 KW, est de 210 kWh par jour, et l’énergie

produite pendant la nuit (6 heures de fonctionnement) à la puissance de 26,5 kW est de 159 kWh, totalisant l’énergie produite pendant une jour-née à 369 kWh. Cette énergie vendue à 100 FCFA/kWh permet d’obtenir un maximum de 36 900 FCFA par jour, soit environ 13 millions FCFA

par année. Ce niveau de recettes per-met, selon l’étude menée, d’assurer le fonctionnement et la maintenance de l’unité ainsi qu’une remise à jour des équipements après cinq années d’exploitation.

En conséquence, si le niveau de re-venus de la population ne permet pas d’envisager l’amortissement de l’in-vestissement initial, il peut toutefois autofinancer son fonctionnement et amorcer le cercle vertueux du déve-loppement en permettant aux popu-lations d’accéder à l’électricité et l’en-semble de ses bienfaits. y DF

LA NOIX DE CAJOU REPRÉSENTE 85% DES EXPORTATIONS DU PAYSAvec ses 36 125 km2 de superficie territoriale pour environ 1,3 million d’habitants en 1999, la Guinée-Bissau est encore un pays quasiment vierge sur plu-sieurs plans, et ce malgré son potentiel géographique qui lui confère une position plutôt enviable si on la compare à la précarité de la situation environnemen-tale qui prévaut dans la région sahélienne de l’Afrique occidentale. Une part importante de son territoire national (près de 22,5%) étant constituée d’estuaires (pénétration d’eaux marines), la surface du pays « en terre ferme » ne représente que 28 000 km2 environ,

et la densité de sa population, qui se trouve être parmi les plus fortes densités en Afrique, est comprise entre 36 et 46 habitants/km2, selon que la superficie en estuaires est ou non prise en compte. Sur le plan macroéconomique, le PIB est constitué à 50% par le PIB du secteur de l’agriculture au sens large (agricul-ture, forêts, chasse et pêche continentale), qui assure en outre 82% de l’emploi et 93% des exportations totales du pays qui sont constituées à 85% par les exportations de noix de cajou. y

Il faut par ailleurs admettre que le prix du kWh mis à la disposition du consommateur ne peut dépasser 100 FCFA, de façon à permettre un paiement régulier des consommations.

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44 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

DOSSIER UEMOA

n  Energies Africaines  : Quelles sont vos impressions sur le terrain au regard des réalisations faites au Togo par l’Uemoa dans le cadre du PRODERE ?

Yamadou Keita  : Dans le cadre du Programme de développement des énergies renouvelables et de l’effica-cité énergétique (PRODERE), une convention de 24 mois a été signée le 2 mai 2013 entre l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et la Société Africaine de Biocarburants et des Energies Renouvelables (SABER). J’ai de très bonnes impressions de la mise en œuvre de cette convention au Togo suite à ma visite de terrain. En effet, le projet de fourniture et d’ins-tallation d’équipements solaires élabo-ré dans le cadre de cette convention a été très bien exécuté, à la grande satis-faction des populations du village de DJEMENI, grâce à l’expertise de notre maître d’ouvrage délégué, la SABER. Ce projet, s’il n’existait pas, il faudrait le concevoir, car il contribue effica-cement à la lutte contre la pauvreté à travers :

• l’éclairage qui améliore sensible-ment l’éducation à moindre coût,

comme en témoigne aujourd’hui l’excellent classement des enfants de Djémégni dans leurs classes à Notsé, la sécurité, le commerce et les autres services comme les coiffures, induisant ainsi la pro-gression des productions et des revenus des populations ;

• la production et la distribution de l’eau potable à partir d’un fo-rage à un château d’eau et à une fontaine publique au grand bé-néfice des populations du village de Djémégni, ce qui améliore in-contestablement la santé ainsi que le gain de temps, et par voie de conséquence permet de diversifier et d’augmenter la production des populations du village.

n  EA  : Quels mécanismes pou-vez-vous initier pour assurer la péren-nisation de ces installations ?

YK  : Pour assurer l’appropriation et la pérennisation des installations, la SABER, le Comité villageois de développement (CVD) et la Faitière des entités de caisse d’épargne et de crédit et des associations villageoise (FECECAV, institut de microfi-

nance) ont signé un mémorandum d’entente qui porte d’une part sur la mise en place d’un mécanisme de pérennisation des équipements ins-tallés à travers la formation et le ren-forcement des capacités des acteurs sous le financement de PRODERE, et d’autre part sur la mise en place d’une facilité sous forme de fonds de maintenance et d’acquisition de nou-veaux équipements ainsi que de lignes de crédit pour le développement des activités génératrices de revenus. Je salue ce mémorandum d’entente de même que les actions suivantes qui, j’en suis persuadé, contribueront à faire passer la part des énergies renou-velables dans le parc de la production de 36% en 2008 à 82% en 2030, l’un des objectifs de l’Initiative régionale pour l’énergie durable (IRED).

n EA : Quelles sont les perspectives au niveau de la Commission de l’Ue-moa pour multiplier les initiatives si-milaires auprès des populations ?

YK : En termes de perspectives, les activités pour les années à venir vise-ront à consolider les acquis, notam-ment la phase 1 du PRODERE au

« Ce projet, s’il n’existait pas, il faudrait le concevoir, car il contribue efficacement à la lutte contre la pauvreté »Entretien avec Yamadou Keita, représentant résident de la Commission de l’Uemoa à Lomé.

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DOSSIER UEMOA

regard de l’enthousiasme et de la sa-tisfaction générés au sein des popula-tions bénéficiaires, avec un budget de 20  milliards  FCFA. Conformément aux instructions du président du Comité de haut niveau sur la mise en œuvre des chantiers de l’IRED au pré-sident de la Commission contenues dans la lettre N°068-/PR/CAB/SP du 29 janvier 2015, à l’effet de recher-cher des ressources financières com-plémentaires de 15 milliards en plus de la contribution de 5  milliards de la Commission pour la poursuite des

activités de la phase 1 du PRODERE dans les Etats membres, la requête a été introduite pour instruction au-près des organes de gouvernance de l’IRED. L’instruction de la requête est terminée. La poursuite des travaux était prévue pour démarrer ce mois d’avril et consistera essentiellement en l’installation de lampadaires et de micro-centrales solaires.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la phase 2 du PRODERE, il est prévu de rechercher des sources de financement pour l’installation de

projets d’énergies renouvelables, avec pour premier objectif une capacité totale installée de 200  MW. Dans ce contexte, la Commission a com-mandité une étude sur la mise en place d’un fonds dénommé Facilité régionale d’accès à l’énergie durable (FRAED) à destination du secteur privé. Ce fonds servira de catalyseur aux investisseurs privés pour le dé-veloppement des projets d’énergies renouvelables de taille moyenne com-prise entre 20 MW et 25 MW. y

PROPOS RECUEILLIS PAR KOUMIBA SODJI

Yamadou Keita : « L’éclairage améliore sensiblement l’éducation à moindre coût, comme en témoigne aujourd’hui l’excellent classement des enfants de Djémégni dans leurs classes à Notsé. »

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46 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

FINANCEMENT

n  Energies Africaines  : La baisse drastique du prix du baril du pétrole intervenue récemment, doit-elle mo-difier votre approche des énergies renouvelables ?

Bashir Mamman Ifo  : La baisse drastique du prix du pétrole n’aura pas d’impact sur notre approche en matière de tarification du coût de

l’énergie. C’est dans ce cadre que le Fonds Africain d’énergie renouve-lable (FAER) a été créé et bénéficie du soutien actif de la Banque d’Inves-tissement et de Développement de la CEDEAO. En outre cette baisse du

prix du pétrole pourrait susciter le dé-clenchement de la transition vers des énergies à faible intensité de carbone, si les gouvernements tirent profit de la possibilité de réduire les subventions aux combustibles fossiles, et favorisent les investissements dans les énergies renouvelables. Selon les estimations, la baisse du prix du pétrole au niveau

mondial pourrait se prolonger au cours des prochaines années. Ce qui pourrait être une bonne nouvelle pour la promotion des énergies à faible in-tensité de carbone dans les économies en développement et en transition.

Les prix mondiaux du pétrole ont connu une stabilité relative depuis l’année 2010, s’élevant à 110 $ le baril en moyenne. Toutefois, au cours des six premiers mois de l’année  2014, les prix du pétrole ont connu une hausse d’environ 9%. Dans un bru-tal revirement, ils ont chuté d’envi-ron 49% pour arriver à 55 dollars le baril au cours de la seconde moitié de l’année. La détermination des prix du pétrole se fonde sur l’équilibre entre les niveaux de l’offre et de la demande. Les changements enregis-trés tout récemment sont dus à une augmentation de l’offre de pétrole et à une régression de la demande. Même si l’on suppose qu’une chute des prix du pétrole devrait avoir un impact sur le secteur de l’énergie à faible intensité de carbone, le pé-trole n’est pas tellement utilisé dans la production d’électricité comme auparavant. Selon l’Agence interna-tionale de l’énergie, l’utilisation du pétrole dans la production mondiale

Bashir Mamman Ifo : « Le potentiel de production d’énergie renouvelable de l’Afrique de l’Ouest est considérable »Pour le président de la BIDC, Bashir Mamman Ifo, le moment est venu pour l’Afrique de se saisir des énergies renouvelables qui apportent une multitude de solutions à ses besoins énergétiques. Entretien.

« Les villes peuvent tirer profit des décharges publiques, des eaux usées et autres déchets organiques pour récupérer le biogaz. »

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 47

FINANCEMENT

d’électricité est passée de 25% en 1973 à moins de 5% en 2013.

La crise du pétrole révèle également un autre important avantage des énergies renouvelables par rapport aux combustibles fossiles  : les prix de l’énergie à faible intensité de car-bone sont relativement stables et peu susceptibles de connaître des fluctua-tions aussi importantes que celles du pétrole. Cet état de fait, doublé de la

prise de conscience croissante de la menace de changement climatique, amène les gouvernements et les res-ponsables en matière d’élaboration des politiques à mettre désormais en place un ensemble de lois et d’objec-tifs contraignants pour garantir les in-vestissements réguliers dans le secteur de l’énergie à faible intensité de car-bone. Les gouvernements devraient tirer profit de cette opportunité en

réduisant les subventions aux com-bustibles fossiles tout en élaborant une feuille de route pour la produc-tion d’énergie à faible intensité de carbone et d’efficacité énergétique, ce qui constituerait une option avanta-geuse pour un avenir prospère faible en intensité de carbone pour tous.

n EA : En Afrique de l’Ouest, quelle est la source d’énergie renouvelable, la plus rentable entre l’hydroélectricité, le solaire, l’éolienne ou la biomasse ?

BMI  : Aucune option d’énergie renouvelable ne peut être considé-rée plus rentable pour la sous-région de l’Afrique de l’Ouest. La solution tiendra compte de plusieurs fac-teurs, y compris l’application pour l’utilisation finale, le lieu, que ce soit en milieu urbain ou rural, les res-sources d’énergies renouvelables du pays concerné et autres. En dépit de tout cela, le potentiel de production d’énergie renouvelable de l’Afrique de l’Ouest est considérable. Les tech-nologies des énergies renouvelables constituent actuellement la solution la plus économique en matière d’élec-trification hors réseau et mini réseau dans les zones reculées, ainsi que pour l’extension du réseau dans certains cas de réseau centralisé d’alimentation électrique avec de bonnes ressources d’énergies renouvelables.

Les ressources géothermiques lo-cales, thermiques solaires et bioé-nergétiques sont déterminantes pour satisfaire la demande future de chauffage. Les biocarburants locaux et l’électrification à base d’énergie renouvelable du transport public ur-bain peuvent contribuer de manière significative à la satisfaction des be-soins en matière de transport. Le gaz de pétrole liquéfié (GPL) est large-ment utilisé en cuisine, permettant une meilleure utilisation de l’énergie que celle de la traditionnelle bio-masse. Toutefois, les coûts d’exploita-tion du GPL sont relativement élevés et sont tributaires de volatilité des prix du pétrole sur le plan internatio-nal. Le GPL constitue une alternative

« L’Afrique de l’Ouest dispose d’un important potentiel inexploité pour de petites, mini et micro-productions d’énergie hydroélectrique qui peuvent se révéler très économiques. »

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48 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

FINANCEMENT

viable lorsque les ménages paient déjà pour l’énergie, comme pour l’achat de charbon ou de bois, qui est très ré-pandu dans les zones semi-urbaines et urbaines. Cependant, les technologies à base de biogaz constituent une so-lution d’énergie renouvelable appro-priée pour les régions disposant d’un approvisionnement stable de déchets organiques, que l’on retrouve dans les zones urbaines et rurales. Les villes peuvent tirer profit des décharges publiques, des eaux usées et autres déchets organiques pour récupérer le biogaz.

Le transport constitue et demeu-rera le secteur le plus difficile dans lequel les énergies renouvelables rem-placeront les combustibles fossiles. Cependant, dans les zones urbaines, il est possible de faire rouler les trains à base d’électricité renouvelable, et les bus à base d’un mélange de gaz liquéfié et de biogaz. Les biocarbu-rants peuvent également jouer un rôle prépondérant, si la production respecte les normes environnemen-tales et ne constitue pas une menace à la production alimentaire. L’Afrique de l’Ouest dispose d’un important potentiel inexploité pour de petites, mini et micro-productions d’énergie hydroélectrique qui peuvent se révé-ler très économiques. Dans les cas où la possibilité existe sur le plan tech-

nique, cela peut constituer la princi-pale solution en matière d’électrifica-tion rurale, où elle peut être associée à d’autres sources d’énergie telles que le solaire ou l’éolien.

n EA  : Dans quelles conditions la BIDC peut-elle accompagner des in-vestissements privés dans le secteur des énergies renouvelables ?

BMI  : La question énergétique de façon générale, fait partie des axes importants du plan stratégique de

la Banque. Les interventions de la BIDC s’alignent sur le plan directeur de développement du potentiel éner-gétique dans la sous-région, piloté par la Commission de la CEDEAO. Pour le moment, la Banque ne dispose pas de Fonds alloués aux études et à la

préparation de projets d’énergie re-nouvelable. De ce fait nos interven-tions ou appuis aux investissements privés dans ce sous-secteur se font sous forme de prêts aux conditions applicables aux projets commerciaux en termes de taux d’intérêt et de ma-turité. En outre le projet doit être suffisamment viable et s’inscrire aus-si dans le schéma directeur national du pays ou de la région. La BIDC a déjà fait quelques financements des énergies renouvelables notamment dans le secteur de l’énergie solaire mais aussi de la biomasse (transfor-mation de déchets organiques et de biomasse en méthane pour l’utilisa-tion dans l’alimentation de turbine à gaz pour la production d’électrici-té). Si le premier secteur (le solaire) a été réalisé avec succès, le second (la biomasse) a connu des difficultés de mise en œuvre du fait des technolo-gies pas assez maîtrisées par le passé et au départ assez coûteuses. Il n’en de-meure pas moins que d’importantes potentialités sont disponibles dans notre sous-région en ce sens. De plus en plus de politiques sont élaborées et de nombreux programmes voient le jour dans les pays de la CEDEAO. Ils permettent de suppléer les éner-

gies fossiles par les énergies renou-velables. Des écoles, des centres de santé, des éclairages publiques dans plusieurs grandes villes et même des exploitations minières sont désormais alimentés à l’électricité à base de so-lutions solaires à travers des équipe-

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« Au 31 mai 2015, les concours nets de la BIDC en faveur du financement de projets publics dans le sous-secteur des énergies renouvelables s’élèvent à 57 918 982 USD. »

« Des écoles, des centres de santé, des éclairages publiques dans plusieurs grandes villes et même des exploitations minières sont désormais alimentés à l’électricité à base de solutions solaires. »

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 49

FINANCEMENT

ments modernes et durables avec à la clé des transferts de connaissance grâce à une acceptation des popula-tions tant rurales qu’urbaines de ces nouvelles technologies. Le rôle de la BIDC se trouve facilité par cette prise de conscience à la fois politique et so-ciétale dans les pays de la CEDEAO, de la nécessité d’une diversification des sources d’énergie et donc à travers ses orientations et programmes peut désormais facilement contribuer aux projets à elle soumis et qui offrent des possibilités d’investissement dont la rentabilité ne fait guère de doute aujourd’hui.

n EA  : Quel rôle la BIDC a-t-elle véritablement joué dans le secteur de l’énergie depuis sa création aux côtés des Etats membres ?

BMI  : La BIDC porte beaucoup d’intérêt au secteur de l’énergie plus particulièrement de l’énergie renou-velable. C’est dans cette optique que la BIDC a pris l’initiative de créer le projet FABER qui aujourd’hui a muri et porte le nom de la Société Africaine des Biocarburants et des Energies Renouvelables (SABER/ABREC) après la signature d’un accord de siège avec le gouvernement du Togo qui lui confère la qualité d’Organisme International. La SABER a pour but de promouvoir et financer des projets d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique dans les secteurs public et privé, d’appuyer le transfert de nou-velles technologies vertes pour le dé-veloppement des industries des éner-gies renouvelables et, entre autres, de fournir des conseils aux gouverne-ments et au secteur privé.

La BIDC a également procédé à un investissement de dix millions (10 000 000) de dollars dans le Fonds africain des énergies renouvelables (FAER) basé en Nairobi qui investit dans les projets d’énergie renouve-lable de petite et moyenne envergure en Afrique subsaharienne, notam-ment les sources d’énergie renouve-lables telles que les énergies solaire et éolienne, la biomasse, l’hydroélec-

tricité et les projets de réduction du torchage de gaz.

La BIDC a ainsi au cours de ces der-nières années beaucoup investi dans le secteur des énergies renouvelables, on peut noter les projets suivants :

- Le projet de construction du barrage de Samandéni au Burkina Faso, qui fait partie du Programme de Développement Intégré de Samandéni. Il constitue la première phase du programme et consistera entre autre à la construction d’un

barrage multi usages, avec une composante construction d’une centrale hydroélectrique de 2 fois 1,3 MW ;

- Le projet de construction du barrage de Taoussa au Mali (sur le fleuve Niger). Il consis-tera à la construction d’un barrage multi usages avec la construction d’une centrale hydroélectrique de 25 MW et la construction de lignes HT et de postes de transformation ;

- Le projet de construction du barrage de Kandadji au Niger (sur le fleuve Niger). Il consiste-ra à la construction d’un barrage multi usages avec la construc-tion d’une centrale hydroélec-trique de 130 MW et la mise en valeur d’un périmètre irrigué d’environ 2000 ha dans le cadre

de la mise en œuvre des plans environnementaux et sociaux ;

- Le projet d’électrification rurale par systèmes solaires photovoltaïques des loca-lités des régions de Dosso, Tahoua et Tillabéry au Niger. Il consistera à la construction de 7 microcentrales solaires, la fourniture de 3000 kits solaires pour les ménages, électrifi-cation par système solaire de 43 écoles, 43 lieux de culte et de 43 centres de santé, 10 pompes

solaires pour les mini-adduc-tions d’eau potable, 3 pompes solaires pour l’irrigation des espaces maraîchères et les bas-fonds ;

- Le projet d’éclairage public à l’énergie solaire à Freetown et 13 autres municipalités en Sierra Leone. Il consiste en l’installation de lampadaires solaires dans la ville de Freetown et 13 autres localités.

Au 31 mai 2015, les concours nets de la BIDC en faveur du financement de projets publics dans le sous-secteur des énergies renouvelables s’élèvent à 57 918 982 USD soit environ 34,7 mil-liards de FCFA. Ces financements ont permis de mobiliser 1100  millions USD soit environ 660  milliards de FCFA pour 5 projets. y

PROPOS RECUEILLIS PAR KOUMIBA SODJI

« Les gouvernements devraient tirer profit de cette opportunité en réduisant les subventions aux combustibles fossiles, tout en élaborant une feuille de route pour la production d’énergie à faible intensité de carbone et d’efficacité énergétique. »

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50 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

POLITIQUES PUBLIQUES

En adaptant rapidement ses lois sur la production, la distribution et la cession d’électricité, en février dernier, l’Egypte a immédiatement attiré les capitaux nécessaires pour la production de 10  GW en éolien et en solaire. Les investissements ont afflué, en provenance du Golfe, mais aussi du Canada, d’Allemagne ou encore de Suisse. Le pays est ainsi en bonne voie pour réaliser son objectif de production de 20% d’électricité à partir des énergies renouvelables. Si le Maroc, le Kenya ou, plus récem-ment, l’Uemoa ont déjà modernisé leur arsenal juridique, pour la plupart des gouvernements africains le sujet arrive tout juste sur la table des minis-tères concernés. Certains emboîtent le pas, d’autres résistent.

Le Burundi a adopté ce mois de mars une législation sur les PPP

Le Sénat burundais vient d’adop-ter un projet de loi portant régime

général des contrats de partenariat public-privé. Ce projet, défendu par le ministre de l’Energie et des Mines, Côme Manirakiza, «  permet-tra d’attirer les investisseurs possédant les capitaux et la technologie vers le Burundi  », assure le ministre. Selon lui, «  l’absence de loi régissant ce type de partenariats rendait les bailleurs de fonds réticents à investir des sommes importantes dans le pays ». En effet, le projet de construction du barrage hy-droélectrique de Kangunuzi, à l’étude depuis 2010, peine à démarrer à cause du manque d’assurances offertes aux investisseurs privés suédois disposés à financer. Il en est de même pour un projet de production de biogaz à partir des ordures ménagères. Selon la nouvelle loi, une commission ad hoc sera chargée de la conduite du pro-cessus de désignation du partenaire privé. Cette commission sera sous la tutelle du ministre de l’Energie et ses décisions seront surveillées de près

par le Conseil des ministres afin d’évi-ter tout clientélisme.

La Zambie revoit sa politique fiscaleIl y a un mois, la Zambie a mis en

place une nouvelle politique fiscale à destination des énergies renouve-lables. Cette politique, définie en col-

Un à un, les pays africains adaptent leurs cadres législatifs et réglementairesDes masses de capitaux, privés et institutionnels, attendent patiemment aux portes de l’Afrique que les conditions d’investissement soient réunies. La bureaucratie, la lenteur des procédures, l’inadaptation des lois aux nouvelles formes de partenariat public-privé sont autant de freins à l’émergence d’un secteur énergétique africain basé sur les énergies renouvelables. Plusieurs gouvernements en ont pris conscience et adaptent leurs cadres législatifs et réglementaires, d’autres traînent des pieds et ratent les opportunités.

Côme Manirakiza : « L’absence de loi régissant ce type de partenariats rendait les bailleurs de fonds réticents à investir des sommes importantes dans le pays. »

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 51

POLITIQUES PUBLIQUES

laboration avec l’Agence américaine pour le développement international (USAID), a pour but de créer un environnement favorable à l’investis-sement des secteurs privé et public dans le domaine des énergies renou-velables. «  Le gouvernement a mis en place cette politique afin de créer un en-vironnement propice à la satisfaction des

besoins de l’industrie des énergies renou-velables  », a déclaré Charles Zulu, le vice-ministre des Mines, de l’Energie et du Développement de l’eau, lors de la séance de validation de cette fiscali-té. « La mise en place de cette politique a été rendue nécessaire par l’accroissement de la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national et les

difficultés auxquelles se trouve confronté le secteur, telles que l’absence d’un cadre réglementaire national et le coût assez élevé des équipements  », a-t-il expli-qué. «  Cette politique transformera le paysage énergétique national  », prédit Anna Toness, directrice de projets de l’USAID en Zambie.

En Tunisie, l’appareil administratif impose son rythme

La Tunisie a besoin de 5,5 milliards d’euros pour développer son parc de production en énergies renouvelables. Le pays dispose d’un important po-tentiel naturel, évalué, rien que pour l’éolien, à 8  GW. Les investisseurs, notamment américains, frappent à la porte mais conditionnent leurs inves-tissements à l’adoption d’un cadre ad-ministratif plus souple. Toutefois, la loi tunisienne relative à la production de l’électricité par les énergies renou-velables, présentée à l’Assemblée des

Selon l’amendement, ces autorisations ministérielles ne seront accordées qu’après publication d’une annonce annuelle par laquelle le ministre de l’Energie fixe les besoins nationaux en matière d’énergies renouvelables.

Le projet de construction du barrage hydroélectrique de Kangunuzi, à l’étude depuis 2010, peine à démarrer à cause du manque d’assurances offertes aux investisseurs privés suédois disposés à financer. ...

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52 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

POLITIQUES PUBLIQUES

ATTENTION ! UN PROJET PPP MAL NÉGOCIÉ PEUT COÛTER TRÈS CHER…

Le débat anime la classe politique et économique ougandaise. Le barrage de Bujagali, d’une capacité de 250 MW, fournit actuellement 50% de l’énergie consommée dans le pays. Il cède sa production à 11 cents le kilowattheure à l’Etat contre les 2 cents pratiqués par les barrages étatiques. Et ce prix devrait

monter à 16 cents d’ici 2022. En cause, un contrat PPP de 30 ans très mal négocié, qui fait la joie des actionnaires de la Bujagali Energy Ltd, mais qui plombe l’économie ougandaise par un coût de l’énergie non-compétitif. Aussi, le gouvernement ougandais s’apprêterait à natio-naliser purement et simplement le barrage de Bujagali afin de réduire les coûts de l’électricité en Ouganda qui figurent parmi les plus élevés de la région. Mais de nombreux experts pensent que ce choix est antiécono-mique et qu’il risque de produire un effet contraire à

celui recherché. « Je ne vois aucune logique économique dans ce rachat. Pourquoi le gouvernement recours-t-il à un partenariat public privé si à la fin il rachète les infrastructures concernées ? » questionne l’économiste Fred Muhumuza. Il est appuyé dans sa position par Lawrence Bategeka, un autre économiste qui estime que cette opération de rachat ne baissera pas les prix de l’énergie bien au contraire. « Les investisseurs ne vendront que s’ils peuvent tirer du prix de vente le même profit qu’ils auraient obtenu en exploitant le barrage pendant les 30 ans initialement prévus. ». M. Bategeka préconise plutôt d’utiliser l’argent qui doit servir à l’achat du barrage pour financer un autre projet éner-gétique. Peut-être que sous l’effet de la concurrence, la Bujagali Energy Ltd diminuera le prix de cession de l’énergie produite.Il est à noter qu’actuellement, l’Ouganda génère 670 MW pour une demande énergétique maximale de 540 MW. Pour le moment, le gouvernement nie avoir l’intention de faire une telle acquisition. Cependant, en janvier dernier, le président Yoweri Museveni décla-rait « Nous continuons d’avoir des problèmes de prix d’électricité à cause des distorsions causées par le projet de Bujagali. La concession de l’énergie produite par cette centrale a été mal négociée, mais nous résoudrons ce problème. » y

La Bujagali Energy Ltd cède sa production à 11 cents le kilowatt-heure à l’Etat, contre les 2 cents pratiqués par les barrages étatiques.

Yoweri Museveni : « La concession de l’énergie produite par cette centrale a été mal négociée, mais nous résoudrons ce problème. »

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 53

POLITIQUES PUBLIQUES

représentants du peuple (ARP) par le gouvernement, peine à s’imposer. Une majorité de la Chambre estime cette loi contraire à l’article 13 de la Constitution du 26 janvier 2014 qui stipule que «  les ressources natu-relles sont la propriété du peuple tuni-sien, (…) la souveraineté de l’État sur ces ressources est exercée en son nom ». Un amendement a donc été adopté par l’ARP début avril qui exige l’ob-tention d’une autorisation préalable du ministre de l’Energie avant toute production d’énergie à partir des ressources naturelles, et le raccorde-ment de tous les projets au réseau national. Selon l’amendement, ces autorisations ministérielles ne seront accordées qu’après publication d’une annonce annuelle par laquelle le mi-nistre de l’Energie fixe les besoins na-tionaux en matière d’énergies renou-

velables. En outre, l’énergie destinée à la consommation locale sera produite dans une limite qui sera définie par décret, et les contrats de production

ou de vente de cette énergie devront être présentés à une commission spé-ciale rattachée à l’ARP.

Ces dispositions qui, dans leur prin-cipe, visent à garantir une concur-

rence loyale, l’égalité des chances et la transparence en matière d’octroi des concessions pour la réalisation des pro-jets de production d’énergie, risquent

de freiner fortement la dynamique d’investissement privé dans le secteur et de rediriger les capitaux vers des pays plus libéraux. y AE

« Cette politique transformera le paysage énergétique national », prédit Anna Toness, directrice de projets de l’USAID en Zambie.

Ces dispositions risquent de freiner fortement la dynamique d’investissement privé dans le secteur et de rediriger les capitaux vers des pays plus libéraux.

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54 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

POLITIQUES PUBLIQUES

Le fabricant chinois Suntech a in-terrompu début avril l’installation de son usine de fabrication de pan-neaux solaires en Afrique du Sud, et ce jusqu’à ce que les détails de la 4ème phase du Programme de pro-ducteurs indépendants d’énergies re-nouvelables (REIPPP) soient révélés. Initialement prévue pour novembre 2014, l’annonce de ces détails a fait l’objet de reports successifs jusqu’à ce jour. La compagnie compte toujours implanter cette usine, mais elle at-tend la publication des règles locales en matière d’énergies renouvelables avant de démarrer les travaux. « Notre intérêt pour l’Afrique du Sud demeure et nous cherchons des sites pour im-planter notre usine. Cependant, nous prospectons également d’autres marchés tels que le Nigeria et le Kenya. Nous espérons que la hausse du prix du pé-trole incitera les autorités de ces pays à accorder une plus grande place à l’éner-gie solaire », a confié Joy Zheng, la di-rectrice de la branche Afrique et Asie du Sud de Suntech, à PV Tech. Pour Wido Schnabel, le porte-parole de l’Association sud-africaine de l’indus-trie photovoltaïque, «  cette situation est vraiment regrettable parce que plu-sieurs producteurs indépendants n’ont plus autant confiance dans le marché sud-africain et ne sont plus sûrs de vou-loir faire des affaires ici. Je pense qu’il

est urgent que le gouvernement réagisse. Même si cette réaction consiste à dire “nous ne pouvons pas vous dire mainte-nant”, “nous vous dirons à tel moment” ou “nous n’avons pas encore de solution, mais nous continuons de chercher”, elle sera toujours meilleure à cette situation d’incertitude, car les investisseurs pour-ront s’organiser en conséquence. Dans le cas contraire, nous risquons de voir nos investisseurs s’intéresser à d’autres marchés.  » Ce qui semble déjà le cas

à en croire les nombreuses récentes annonces d’investissements interna-tionaux dans le solaire en Egypte, au Maroc, au Ghana, etc.

La centrale à biomasse de KwaZulu-Natal menacée par  la nouvelle loi foncière

La construction de la centrale à biomasse de KwaZulu-Natal risque également de tourner court. Cette centrale d’une capacité de production

Afrique du Sud : même les Chinois perdent patience…Les lenteurs administratives de l’Afrique du Sud exaspèrent les investisseurs, alors que le pays perd de nombreux points de croissance à cause d’un déficit énergétique qui perdure depuis près de dix ans.

Pour satisfaire cet appétit, les agriculteurs devront multiplier par cinq les superficies consacrées à l’oléagineux qui sont actuellement de 95 000 hectares.

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 55

POLITIQUES PUBLIQUES

de 16,5 MW et d’un coût de 90 mil-lions de dollars devrait être construite par un groupe dont fait partie la Charl Senekal Suiker Trust, qui gère une plantation irriguée de 5000 hec-tares de cannes à sucre. Les déchets de la plantation serviront d’intrant à la centrale à biomasse. Dans le cadre de la récente politique de redistribu-tion des terres menée par le gouverne-ment, afin de réparer le déséquilibre en matière de répartition des terres ré-sultant de l’apartheid, quatre commu-nautés qui bordent la plantation ont mis leur veto et avancé leurs revendi-cations territoriales sur la plantation. « Tout le projet peut être remis en cause s’ils rejettent notre offre. Nous avons fait une proposition très raisonnable et nous espérons qu’elle sera acceptée  », a affirmé Charl Senekal, le propriétaire du domaine. Selon Dumisani Myeni, chargée de mener les négociations au nom des communautés, «  l’objectif n’est pas de chasser les investisseurs des terres, mais d’établir des partenariats avec eux  ». Les négociations sont en cours. L’une des solutions évoquées

serait que cette centrale apporte éga-lement l’électricité aux communautés voisines qui en sont, jusqu’à ce jour, privées.

Loi sur les biocarburantsDans la même veine, le Suisse

Phytoenergy International Holding (PIH) attend que le gouvernement

adopte la loi rendant obligatoire le mélange des biocarburants aux carbu-rants utilisés par les engins motorisés pour se lancer dans la construction

d’une usine de transformation de ca-nola en diesel, d’un investissement de 5  milliards de rands (390  mil-lions  €). L’usine, qui aura une ca-pacité de production annuelle de 400  000 tonnes de biocarburants, pourrait entrer en activité dès le troi-sième trimestre 2017, ont indiqué les dirigeants de PIH. L’infrastructure

aura besoin de 1,1 million de tonnes de canola pour assurer cette produc-tion, ce qui représente neuf fois la récolte de l’an dernier qui était de

« Tout le projet peut être remis en cause s’ils rejettent notre offre. »

« Notre intérêt pour l’Afrique du Sud demeure et nous cherchons des sites pour implanter notre usine. Cependant, nous prospectons également d’autres marchés tels que le Nigeria et le Kenya. »

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56 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

POLITIQUES PUBLIQUES

123 500  tonnes. Pour satisfaire cet appétit, les agriculteurs devront mul-tiplier par cinq les superficies consa-crées à l’oléagineux qui sont actuelle-ment de 95 000 hectares. « Il est peu probable que notre gouvernement ne passe pas cette loi. Il s’agit d’un mégapro-jet et il représente pour eux une superbe opportunité en termes de création d’em-plois  », a déclaré Petrus Fouche, qui dirige une exploitation de PIH dans le pays. Après plusieurs reports, la loi devrait entrer en vigueur le 1er octobre prochain, mais, selon la presse natio-nale, on attend toujours du gouver-nement la publication d’un exposé de

position. Du côté du siège de PIH, le choix est clair : « Si les reports se pour-suivent de la part du gouvernement, nous devrons nous résoudre à abandon-ner cette idée », affirme-t-on.

Un frémissement ministérielInterpellée par cette cascade de dé-

couragements et de menaces d’aban-don de projets, la ministre de l’Ener-gie, Tina Joemat-Pettersson, a fini par réagir ce 16 avril  : « Nos efforts pour réduire la durée des procédures viennent en réponse aux défis énergétiques aux-quels nous sommes confrontés », a-t-elle déclaré. Puis Mme Joemat-Pettersson

a fini par révéler les noms de treize entreprises qui pourront prendre part à la réalisation de la 4ème phase du REIPPP. Elles seront chargées de la mise en place de centrales d’une capacité globale de 1121 MW, ce qui devrait permettre de porter la capaci-té d’énergies renouvelables installées à 5243  MW. La ministre a également annoncé une réouverture de l’étude des soumissions non retenues. Cette deuxième vague de sélection viserait la réalisation d’autres projets d’une capacité totale de 1800  MW, tou-jours dans le cadre de la 4ème phase du REIPPP. y AE

Le fabricant chinois Suntech a interrompu début avril l’installation de son usine de fabrication de panneaux solaires en Afrique du Sud.

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POLITIQUES PUBLIQUES

Le royaume chérifien a fait la dif-férence grâce à son ambitieux projet de porter à 42% la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2020, en s’appuyant principale-ment sur l’éolien et le solaire. Grâce à cette politique énergétique, le Maroc réalisera une économie annuelle de 2,5 millions de tonnes équivalent pé-trole en combustible fossile. Il évitera également à la planète l’émission de 9 millions de tonnes de dioxyde de car-bone par an.

Le plan solaireA travers cette distinction, l’agence

onusienne salue, entre autres, la Moroccan Agency for Solar Energy (MASEN), dirigée par Mustapha Bakkoury, en charge de réaliser un programme intégré d’énergie solaire d’un coût global estimé à 9 milliards de dollars pour un objectif de capacité totale de 2000 MW en puissance so-laire connectée au réseau.

Le plus grand parc éolien d’AfriqueElle salue également la SNI, et plus

précisémment la société Nareva, qui a mis en place le plus grand parc éolien d’Afrique, le parc de Tarfaya, en parte-

nariat avec le groupe Engie (ex-GDF Suez), projet gagné dans le cadre d’un appel d’offres international. Doté de 131 éoliennes pour un investissement total de 450 millions d’euros, le parc de Tarfaya produira 301 MW et ali-mentera 1,5 million de foyers maro-cains. Selon Gérard Mestrallet, PDG d’Engie, «  le parc éolien de Tarfaya offre au Maroc une source d’énergie lo-cale propre, qui viendra renforcer l’in-dépendance énergétique du pays  ». Le Maroc s’est fixé un objectif de 2 GW d’électricité à partir de l’éolien. Le parc de Tarfaya lui permet de réaliser déjà 15% de cet objectif.

Sous l’impulsion de Mounir Majidi, président de la holding royale Siger,

Nareva s’est engagée dans la réalisation du programme énergétique marocain afin d’assurer la présence de capitaux marocains dans ces projets et de déve-lopper une expertise locale en parte-nariat avec les plus grands opérateurs internationaux. «  Pour chaque projet, nous créons une société ad hoc dotée de ses propres équipes et organes de gestion et qui a la capacité de lever du finan-cement sur les marchés. En outre, nous bénéficions de l’appartenance à la SNI, qui soutient notre développement grâce à des injections de capitaux, nous permet-tant de financer la partie equity de nos projets  », confiait récemment Ahmed Nakkouch, PDG de Nareva Holding, au magazine L’Usine Nouvelle. y AE

La CNUCED applaudit la politique du Maroc dans le domaine des énergies renouvelablesLe prix décerné chaque année à Genève par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) pour distinguer les meilleures politiques de promotion des investissements a été remporté cette année par le Maroc.

Le parc éolien de Tarfaya offre au Maroc une source d’énergie locale propre.

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58 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

TECHNOLOGIES

Cinq sources d’énergie pas comme les autresFace à la crise énergétique que connaît actuellement le continent et aux défis climatiques auxquels nous sommes tous confrontés, les organisations comme les individus, à divers niveaux, rivalisent d’ingéniosité pour trouver de nouvelles sources d’énergie. La marche, le jeu, l’urine, les plantes nocives et même les sacs à dos, tout est bon à prendre pourvu que l’on puisse fournir de l’énergie aux populations qui en ont le plus besoin sans aggraver les problèmes environnementaux préexistants.

De l’énergie produite à partir de sacs à dos en Afrique du Sud

En Afrique du Sud, Thato Kgatlhanye et son amie d’enfance Rea Ngwane, âgées respectivement de 21 et 22 ans, ont créé des sacs capables de produire de l’électricité. Dans les zones rurales sud-africaines, pour la plupart non électrifiées, les enfants n’ont pas la possibilité d’étudier après les cours. Le soleil est généralement déjà couché quand ils terminent le long trajet qui sépare leur école de leur maison. « Un simple enfant ne peut pas s’offrir le luxe de passer une nuit blanche pour faire ses de-voirs de maths jusqu’à minuit parce que sa famille ne dispose que d’une seule bou-gie qu’elle doit utiliser parfois pour toute une semaine  », explique Kgatlhanye.

Son entreprise Rethaka fabrique donc des sacs d’écoliers dotés de panneaux solaires et de lampes. Les panneaux se chargent dans la journée pendant que les enfants portent leur sac et peuvent fournir, le soir venu, l’électricité à la

lampe incorporée pour permettre aux enfants de faire leurs devoirs. De plus, ces sacs écologiques sont faits à partir de plastique recyclé. Ils sont en outre dotés d’un dispositif réfléchissant qui permet aux élèves d’être vite aperçus sur les routes qu’ils empruntent, rédui-sant ainsi les risques d’accidents.

L’entreprise, qui produit actuel-lement vingt sacs par jour avec un effectif de huit personnes, compte passer à douze personnes afin de répondre à la demande grandis-sante provenant, non seulement de l’Afrique du Sud, mais également des pays limitrophes. y

Les panneaux se chargent dans la journée pendant que les enfants portent leur sac et peuvent fournir, le soir venu, l’électricité à la lampe incorporée pour permettre aux enfants de faire leurs devoirs.

PAR GWLADYS JOHNSON

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TECHNOLOGIES

Au Ghana, des écoliers produisent de l’énergie en jouant lors des récréations

Au Ghana, sur l’île enclavée de Pediatorkope, des écoliers produisent de l’énergie en jouant au tourniquet ou à la balançoire dans la cour de leur école. Lorsqu’ils frottent leurs jouets contre le sol ou se balancent, une turbine connectée à une batterie per-met de charger des lampes LED qui éclairent pendant une quarantaine d’heures. Ces lampes sont distribuées aux écoliers qui, répartis en groupes, peuvent ainsi réviser leurs leçons après le coucher du soleil. Ces lampes sont

salutaires au cursus scolaire de ces élèves dont la majorité aident leurs parents aux travaux des champs après l’école. Lorsqu’ils rentrent chez eux à la tombée de la nuit, l’absence d’éclai-rage rend difficile la révision des le-çons pour le lendemain. «  Ce projet a déjà permis d’améliorer les résultats des élèves. Avant, les enfants avaient de mauvais résultats, mais grâce à ces lampes, le programme est mieux assimi-lé  », a affirmé Gerson Kuadegbeku, le directeur de l’école élémentaire

de Pediatorkope. Au Ghana, l’entrée au collège est conditionnée par la réussite d’examens d’un niveau assez élevé. Sans électricité, seuls 10% des apprenants vivant en milieu rural réussissent ces examens.

Ce système a été mis en place sur cette île non reliée au réseau élec-trique national par l’ONG améri-caine Empower Playground, qui a fourni les tourniquets en fer ainsi que le système électrique qui les ac-compagne. « Grâce aux tourniquets

producteurs d’électricité, les enfants des zones rurales augmentent leurs chances de poursuivre leurs études au-delà de l’école primaire  », a déclaré George Thompson, le directeur du projet. «  Tout ce que nous attendons de la communauté, c’est qu’elle s’assure que quand les enfants rapportent les lampes à la maison, elles soient utilisées à bon escient, pour les devoirs  », a-t-il affir-mé. Ce programme développé par Empower Playground est déjà présent dans 40 écoles ghanéennes. L’ONG, qui compte l’étendre à d’autres en-droits dans le pays, a aussi créé sur l’île une petite unité génératrice d’énergie. Grâce à celle-ci, les insulaires peuvent charger leurs téléphones et se procu-rer des batteries qui leur permettent d’alimenter quelques lampes. y

Ces lampes sont distribuées aux écoliers qui, répartis en groupes, peuvent ainsi réviser leurs leçons après le coucher du soleil.

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60 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

TECHNOLOGIES

En Afrique du Sud, Samsung et Pavegen produisent de l’énergie grâce à la marche

C’est grâce aux pas des visiteurs du Sandton City Shopping Mall que Samsung et Pavegen produisent de l’énergie électrique pour les commu-nautés démunies d’Afrique du Sud. Cette production d’énergie entre dans le cadre du programme « What

If I Can  » lancé par Samsung. Créé par Laurence Kemball-Cook, Pavege est un système de tuiles qui convertit l’énergie cinétique en énergie élec-trique. En fonction de la masse de la personne qui le fait, un pas peut produire entre 1 et 7 watts. «  Nous avons réalisé que nous pouvions pro-

duire de l’énergie en nous amusant, chose que nous n’avions jamais imagi-née possible », a déclaré Kemball-Cook à Fast Company Co.Exist. Plus de 2 millions de personnes en moyenne foulent l’allée centrale du mall chaque mois. L’énergie produite est ensuite

utilisée pour fournir l’éclairage, le chauffage et les aménagements de base aux communautés défavorisées d’Afrique du Sud.

La campagne menée par Samsung vise à démontrer l’impact des actions, même les plus infimes et personnelles, sur le quotidien de certaines per-

sonnes. Pour en donner une preuve palpable, l’énergie produite par le pas-sage des clients sur la passerelle princi-pale alimente un écran qui donne un retour visuel de l’énergie produite par l’ensemble des clients dans le reste du mall. « Nous pensons que les campagnes à l’endroit des consommateurs telles que “What If I Can” permettent d’ap-puyer nos solutions innovantes telles que l’internet alimenté par le solaire dans les écoles, ou encore les villages solaires numériques. Ces initiatives permettent de fournir l’énergie aux populations via des solutions innovantes, permet-tant de faire face aux défis des diffé-rentes communautés et d’améliorer leurs conditions de vie », a déclaré Ntutule Tshenye, le chargé des Relations pu-bliques et de l’Entreprise citoyenne à Samsung Electronics Africa. y

« Nous avons réalisé que nous pouvions produire de l’énergie en nous amusant. »

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TECHNOLOGIES

De l’énergie produite grâce à la plante de Mathenge

Des écolières nigérianes produisent de l’électricité à partir de l’urine

Des investisseurs africains et amé-ricains ont trouvé le moyen de pro-duire du biogaz à partir d’une plante envahissante et toxique : le Mathenge. Introduite au Kenya dans les années 80 pour lutter contre la désertification, la plante s’est très vite révélée invasive, dé-passant les territoires prévus pour son implantation. Une estimation récente a prouvé que le Mathenge recouvrait des centaines de milliers d’hectares au Baringo, à Garissa, autour de la rivière de Tana et sur le territoire de Turkana. Et cette superficie s’agrandit conti-nuellement. Mais il y a pire. Lors de son expansion, cette plante détruit les herbes habituellement utilisées comme pâturages pour le bétail et étouffe les autres espèces indigènes. De plus, les fruits sucrés qu’elle produit détruisent la dentition du bétail qui s’en nour-

rit, conduisant inéluctablement à sa mort. Autant de faits d’armes qui lui ont valu le surnom de « l’arbre du dé-mon », non seulement au Kenya, mais également au Soudan, en Ethiopie et au Tchad, entre autres.

C’est donc avec un soulagement presque incrédule que les popula-tions des régions où a été implanté ce végétal ont accueilli le projet de la Cummins Power Generation de transformer le Mathenge en biogaz en brûlant les feuilles séchées de l’arbuste et en transformant la chaleur obtenue en électricité. Des études de faisabilité ont été entamées pour l’implantation de centrales à biogaz en Tanzanie, au Kenya, en Ouganda, au Rwanda, en Ethiopie et au Ghana. Les différentes centrales démarreront avec une capa-cité de 2,5 MW, qui pourra progres-

sivement être portée à 10,8 MW. La société s’apprête à investir environ 30 millions $ dans chaque centrale.

En plus de l’accès à l’électricité, les populations des régions où seront implantées ces centrales pourront également augmenter leurs sources de revenus en vendant les feuilles de Mathenge à la société énergétique. La région de Baringo, dans la vallée du rift, est l’une des plus concernées. « Le Mathenge est en fait une aubaine pour les fermiers et pour le gouverne-ment maintenant que nous savons com-ment l’utiliser. Il nous permet de géné-rer des revenus et de vivre autrement. Désormais, les gens ne se plaindront plus du Mathenge, mais l’utiliseront pour leur profit  », déclare Fabian Musau, le responsable du projet Cummins Cogeneration au Kenya. y

Quatre collégiennes nigérianes, Duro-Aina Adebola, Akindele Abiola et Faleke Oluwatoyin, âgées de 14 ans, et Bello Eniola âgée de 15 ans, ont mis en place un procédé permet-tant de transformer l’urine humaine en électricité. L’urine placée dans une cellule d’électrolyse voit son urée sé-parée en azote, en eau et en hydro-gène. L’hydrogène obtenu est filtré et transféré dans une bouteille à gaz

avant d’être transmis au générateur. Selon les auteurs de ce générateur, un litre d’urine permettrait de pro-duire de l’électricité pour une am-poule pendant 6 heures. L’éventuelle commercialisation de ce générateur d’énergie nécessitera la mise en place d’un processus sécuritaire strict pour réduire le risque d’explosion.

Avec l’invention de leur procédé, les filles ont eu le mérite de mettre en application une idée préexis-tante qu’aucun scientifique n’avait cependant jamais expérimentée. Une idée pourtant fort utile, selon Gerardine Botte, professeur d’ingé-nierie chimique et biomoléculaire à l’Université de l’Ohio. « A l’Universi-té de l’Ohio, où il y a environ 22 000 étudiants, nous pourrions générer assez d’électricité pour alimenter continuel-lement pendant une année 100 à 150

maisons résidentielles si nous pouvions collecter l’urine des étudiants que nous transformerions d’abord en hydrogène, puis en électricité  », a-t-elle déclaré. Ce procédé, qui a été révélé en 2012 au salon de l’entreprise Make Faire Africa à Lagos, a été l’objet d’une controverse au cours de cette année. Une équipe de chercheurs de la West of England University a annoncé avoir mis en place, sous la direction du Dr Ioannis Ieropoulos, un procé-dé inédit permettant de transformer l’urine en électricité grâce à des bat-teries électrogènes. Un fait qui dénote de la mauvaise organisation des insti-tutions scientifiques des pays en voie de développement en général, qui au-raient dû mettre à la disposition des jeunes nigérianes le soutien nécessaire pour poursuivre le développement de leur invention. y

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62 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

ENTRETIEN

n Energies Africaines  : De plus en plus de pays africains proposent aux investisseurs, dans le domaine des énergies renouvelables, des montages PPP rentables et sécurisés qui attirent des capitaux très importants. Pensez-vous que les EnR pourraient devenir à moyen terme une alternative sérieuse aux hydrocarbures ?

Jean-Pierre Favennec : On sait que les besoins de l’Afrique sont considé-rables, surtout en Afrique subsaha-rienne, car en Afrique du Nord et en Afrique du Sud les problématiques sont différentes puisque ces pays sont déjà quasiment électrifiés. Par contre, en Afrique subsaharienne, la consommation d’énergie est très faible. On note, par exemple, un écart de 40 entre les pays d’Afrique de l’Ouest et les pays industria-lisés d’Europe ou les Etats-Unis. Actuellement, la consommation d’énergie en Afrique subsaharienne

est largement dominée par le bois, qui est une énergie renouvelable mais qu’il n’est pas souhaitable de développer puisqu’elle induit des problèmes de déforestation et sur-

tout de santé publique. Les femmes consacrent beaucoup de temps et d’efforts pour collecter ce bois qui brûle ensuite dans de mauvaises conditions, provoquant des maladies

respiratoires encore plus meurtrières que la malaria.

Donc, actuellement, l’énergie en Afrique subsaharienne, à part le bois, c’est un peu de pétrole, un peu de gaz

ou de charbon, et bien sûr de l’électri-cité, souvent à base d’hydraulique ou bien de thermique. Ce qui manque surtout, c’est l’électricité. Sur envi-ron un milliard de personnes, plus de

« Il ne faut pas être naïf, les besoins sont tels qu’il va falloir recourir à toutes les sources disponibles »Jean-Pierre Favennec, président de l’Association pour le développement de l’énergie en Afrique, est un spécialiste de l’énergie, en particulier du pétrole. Il est également professeur à l’IFP School. S’il est bien convaincu de la nécessité, pour l’Afrique, de développer autant que possible les énergies renouvelables, il n’en reste pas moins réaliste quant aux défis énergétiques gigantesques auxquels le continent doit faire face. Entretien.

« En Afrique, les pertes dans le transport d’électricité sont très importantes. Elles peuvent monter à 20%, voire plus, alors qu’en Europe elles se situent plutôt entre 5 et 10% au grand maximum. »

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ENTRETIEN

la moitié n’a pas accès à l’électricité. L’objectif des différents plans qui ont été élaborés est de faire en sorte que vers 2040-2050, lorsque la population africaine sera à 1,5, voire 1,8 milliard d’habitants, le volume de population non électrifiée n’augmente pas. Ce qui signifie qu’actuellement, alors que nous sommes à largement moins de 50% de taux d’électrification, il faudrait monter à 70-80%. Cela suppose des moyens assez considérables. Pour réaliser cette électrification, on peut se référer au Maroc, un pays qui a réussi son électrification en passant en quelques années de 20% à 70-80% de taux d’accès à l’électricité. Cela s’est fait par l’extension des réseaux,

et aussi par le développement de mi-ni-réseaux, par de petites centrales au gasoil, mais aussi à partir du solaire ou de l’éolien.

n  EA  : Dans la perspective de COP  21, on parle beaucoup du saut technologique qui permettrait à l’Afrique de se développer directe-ment avec les EnR, comme le mobile s’est développé sans passer par le fi-laire. Cette hypothèse vous semble-t-elle réaliste ?

JPF  : Je suis très prudent sur ce point. Bien sûr, il y a nécessité de lut-ter contre le réchauffement climatique. L’Afrique est la région du monde qui émet le moins de CO2, mais c’est elle

qui risque de souffrir le plus des consé-quences de ce réchauffement. Il est donc nécessaire de favoriser les éner-gies renouvelables. On peut en effet imaginer qu’un développement consti-tué de petits réseaux basés sur des éner-gies renouvelables va jouer un rôle très important. Mais il ne faut pas non plus être naïf car l’ampleur des besoins est telle qu’il va falloir recourir à toutes les sources disponibles.

Il y a aussi le potentiel hydraulique qui est énorme. Je pense par exemple au site Inga, au Congo, dont le po-tentiel est de 40 GW, voire plus, ce qui permettrait d’alimenter toute le RDC, mais aussi les pays voisins et même au-delà. La même chose est ...

« Actuellement, la consommation d’énergie en Afrique subsaharienne est largement dominée par le bois, qui est une énergie renouvelable mais qu’il n’est pas souhaitable de développer puisqu’elle induit des problèmes de déforestation et surtout de santé publique. »

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64 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

ENTRETIEN

en cours de réalisation en Ethiopie, où plusieurs grands barrages sont en construction et permettront au pays d’être autosuffisant et même d’ex-porter vers les pays voisins. Donc, en incluant l’hydraulique dans les éner-gies renouvelables, le potentiel de production électrique est très impor-tant. Par contre, en ce qui concerne les transports, le pétrole reste l’éner-gie dominante et, de ce point de vue, l’Afrique aura encore besoin des énergies fossiles pendant un certain temps.

n EA  : Le transport de l’électricité coûte également très cher. De ce point de vue, l’Afrique doit-elle développer les solutions off-grid ?

JPF  : En effet, nous avons réali-sé récemment des études sur ce su-jet et il apparaît qu’en Afrique les pertes dans le transport d’électricité sont très importantes. Elles peuvent monter à 20%, voire plus, alors qu’en Europe elles se situent plutôt entre 5 et 10% au grand maximum. Les pertes en Afrique comprennent aussi les raccordements sauvages ef-fectués par des populations qui n’ont pas les moyens de payer l’électricité.

Il faudra sans doute compter sur les deux options. Le développement de l’hydraulique et des grands réseaux de distribution n’est pas la pana-cée, mais semble tout de même in-dispensable en regard des besoins du continent. La multiplication de petits réseaux décentralisés, basés essentiellement sur du solaire, est certainement une très bonne chose, mais pour cela il faut mettre en place des systèmes qui fonctionnent. Il y a eu trop d’installations construites en Afrique avec beaucoup de bonne vo-lonté, mais qui n’ont pas fonctionné ensuite, faute d’entretien et de for-mation de techniciens locaux. Donc, pour réussir ces mises en place, un effort important doit être porté sur la formation d’un personnel local, d’autant plus que les coûts de forma-tion sont relativement abordables. Les pays qui veulent prendre cette direction doivent donc préalable-ment intégrer ce besoin de formation dans leur système d’éducation.

n  EA  : Pour préparer leur avenir, les Algériens, tout comme les Sud-Africains, peuvent aujourd’hui choi-sir d’investir dans les hydrocarbures

de schistes ou bien dans les EnR. Que leur conseillez-vous ?

JPF  : Les Sud-Africains sont face à un problème particulier car une partie de leur industrie et l’usine de GTL (Gas to Liquids – fabrication de produits liquides, essence, gazole, à partir de gaz naturel) fonctionnent à partir du gaz. Or, leurs réserves s’épuisent et s’ils veulent poursuivre cette activité, une solution serait d’exploiter les réserves de gaz de schistes du Karoo. Cette option n’est pas en compétition avec l’énergie solaire. D’ailleurs, l’Afrique du Sud développe actuellement de grands projets de centrales solaires. Pour l’Algérie, la problématique est un peu différente. Le pays voit ses réserves diminuer et ses besoins domestiques s’accroître très rapidement. Les prix du pétrole et du gaz y sont très bas et la consommation intérieure explose. Pour l’Algérie, la mise en produc-tion des gaz de schistes permettrait sans doute de satisfaire la demande intérieure tout en maintenant les vo-lumes d’exportations.

n EA : En quoi, selon vous, les im-portantes découvertes de gaz naturel

« La multiplication de petits réseaux décentralisés, basés essentiellement sur du solaire, est certainement une très bonne chose, mais pour cela, un effort important doit être porté sur la formation d’un personnel local. »

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Mai-Juin 20153ENERGIES AFRICAINES x 65

ENTRETIEN

dans le Canal du Mozambique vont-elles modifier les équilibres écono-miques et géopolitiques ?

JPF  : En effet, les réserves sont énormes. Mais il faudra réunir beau-coup de conditions pour réaliser cette exploitation. Pour référence, les capa-cités de liquéfaction à mettre en place sont, à peu de choses près, analogues à celles du Qatar. Et pour mettre en place une telle capacité, le chantier du Qatar, c’était plus de 100 à 120 000 personnes qui travaillaient ensemble. Donc pour organiser une telle indus-trie au Mozambique et en Tanzanie, cela nécessite des infrastructures et des moyens humains qu’il faut progressi-vement mettre en place. Les gouver-nements locaux fournissent beaucoup d’efforts pour y arriver, mais il leur faudra du temps. Cette industrie ne sera vraiment opérationnelle que vers 2020-2025, voire 2030.

n  EA  : Les autorités marocaines sont très réservées concernant leurs chances de découvertes pétro-gazières conséquentes. A ce stade, les indica-teurs sont-ils à ce point incertains, ou bien s’agit-il d’une prudence plus géopolitique ?

JPF : On enregistre en effet depuis quelque temps des découvertes sur toute la côte ouest de l’Afrique, de-

puis le Maroc jusqu’au Ghana. Vient s’ajouter à ce constat ce que l’on ap-pelle «  l’effet miroir  ». Il existe au Brésil, au large de San Paulo et de Rio, des gisements traditionnels, par 2000 mètres d’eau, qui sont exploités depuis longtemps. Mais on a découvert, il y a maintenant une petite dizaine d’an-nées, sous ces gisements, 2000 mètres de sel, puis d’autres gisements à 6000 ou 7000 mètres de profondeur qui sont tout à fait considérables. C’est ce qu’on appelle le « pré-sal ». Et comme les côtes brésiliennes et africaines pré-sentent de grandes similitudes géolo-giques, du fait de leur très ancienne proximité, on a pensé que les côtes ouest-africaines pourraient contenir de tels gisements. Et effectivement, on commence à découvrir ici et là des gisements sous le sel, notamment en Angola, et peut-être bientôt dans les pays voisins.

En ce qui concerne spécifiquement le Maroc, il y a beaucoup de recherches qui ont été faites. Pour le moment, elles n’ont pas donné de résultats très probants, mais il y a sans doute des chances de découvrir quelques gise-ments. Peut-être pas de très grandes quantités, mais assez pour aider le pays. A ce jour, le Maroc, contraire-ment à son voisin algérien, n’a prati-quement pas de ressources de pétrole ou de gaz, et lorsque le prix du baril monte trop haut, le pays se trouve tout simplement asphyxié. Donc, trouver quelques gisements pour ali-menter les besoins locaux serait déjà une excellente chose pour l’économie marocaine.

n  EA  : Vous participez le mois prochain au Salon international de l’énergie et du pétrole à Dakar, dont l’un des thèmes de conférence est « L’Afrique : un futur grand continent pétrolier ? ». Quelle est votre réponse à cette question ?

JPF  : Une grande partie des dé-couvertes pétrolières et gazières de ces dernières années ont été faites en Afrique, dont essentiellement les dé-couvertes de gaz au Mozambique et en Tanzanie. Mais il y a également eu des découvertes assez importantes sur la côte ouest, puis quelques autres en Ouganda, et au Kenya. On a égale-ment enregistré des découvertes plus modestes dans des pays comme le Niger ou le Tchad qui ont permis en particulier à ces pays de disposer de petites raffineries et de satisfaire la demande locale sans recourir à une importation toujours très laborieuse

et très coûteuses pour des pays afri-cains enclavés. Ceci reste limité, com-paré aux réserves du Moyen-Orient. Le pétrole africain ne changera pas la face du monde, mais il peut apporter une aide conséquente à certains pays du continent. y

PROPOS RECUEILLIS PAR  DOMINIQUE FLAUX

Jean-Pierre Favennec a publié plusieurs ouvrages et de nombreux articles sur des sujets touchant à l’économie et à la géopolitique de l’énergie, en particulier : Exploitation et gestion du raffinage (français et anglais), Recherche et production du pétrole et du gaz (français et anglais 2011), L’énergie à quel prix ? (2006) et Géopolitique de l’énergie (français 2009, anglais 2011).

« On peut en effet imaginer qu’un développement constitué de petits réseaux basés sur des énergies renouvelables va jouer un rôle très important. »

« Au Mozambique, les capacités de liquéfaction à mettre en place sont, à peu de choses près, analogues à celles du Qatar. »

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66 x ENERGIES AFRICAINES4Mai-Juin 2015

LEADER

Lors du lancement de son usine de fabrication d’équipements solaires, Florence Seriki, la directrice exécu-tive d’Omatek, a estimé que le déficit énergétique du Nigeria est en grande partie causé par le volume utilisé pour générer et transporter l’électri-cité. Or, ce volume peut, selon elle, être épargné en ayant recours aux solutions proposées par l’industrie solaire hors-réseau.

Tests positifsPour cela, l’entreprise propose des

systèmes énergétiques de 12  watts, 20  watts et 500  watts pouvant ali-menter des structures de petite taille allant des domiciles de particuliers aux bureaux, aux écoles ou aux sys-tèmes d’électrification des rues. Elle fabrique également des batteries, des onduleurs, des panneaux solaires et des lampes solaires. Selon Mme Seriki, «  des tests ont montré que ces équipements permettaient d’effectuer jusqu’à 85% d’économies sur l’éner-gie consommée, même dans le cas où les structures utiliseraient l’énergie

24h/24 et 7j/7 ». Les différents équi-pements développés par l’usine ont déjà été installés dans des structures privées et publiques au nombre des-quelles l’Université de Lagos et le Nigerian Stock Exchange qui ont, selon la directrice, effectué jusqu’à 90% d’économies dans leur consom-mation d’énergie. Elle propose donc que l’on étende cette économie à l’ensemble du pays.

Soutien de l’EtatLa ministre des Technologies de la

communication, Omobola Johnson, a félicité Florence Seriki pour son initiative : « Je félicite le management d’Omatek pour cette initiative. Nous allons soutenir votre entreprise dans le cadre de notre programme de dévelop-pement des contenus locaux. Plus im-portant encore, nous exhortons Omatek de continuer dans ses deux secteurs d’activité  : l’assemblage d’ordinateurs et de solutions technologiques solaires, car les deux sont tout aussi essentiels à la réduction de la fracture numérique qu’à l’efficacité énergétique. » y AE

Florence Seriki veut réduire la facture énergétique des Nigérians de 85%A la tête d’Omatek, une entreprise nigériane spécialisée dans l’assemblage d’ordinateurs, Florence Seriki s’est lancée dans la technologie solaire. Elle veut convaincre ses concitoyens qu’il est possible de réduire leur facture courante d’énergie jusqu’à 85%.

Les différents équipements développés par l’usine ont déjà été installés dans des structures privées et publiques au nombre desquelles l’Université de Lagos et le Nigerian Stock Exchange.

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