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APPROCHE SOCIOLOGIQUE DU DEVELOPPEMENT LOCAL [email protected] 1

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APPROCHE SOCIOLOGIQUE

DU DEVELOPPEMENT LOCAL

[email protected]

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APPROCHE SOCIOLOGIQUE DU DEVELOPPEMENT LOCAL

SOMMAIRE

INTRODUCTION.....................................................................................................................3

1-HISTOIRE DES POLITIQUES DU DEVELOPPEMENT LOCAL..................................7

2-LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE LOCAL ENDOGENE.................................20

3-LE DEVELOPPEMENT LOCAL AU PLAN POLITIQUE............................................37

4-LE DEVELOPPEMENT LOCAL AU PLAN AGRICOLE.............................................53

5-DÉVELOPPEMENT LOCAL AU PLAN GEOGRAPHIQUE : L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE.........................................................................57

6-MENER UN PROJET DE DÉVELOPPEMENT LOCAL.............................................66

7-LES CONFLITS THEORIQUES AUTOUR DU DEVELOPPEMENT LOCAL..............84

CONCLUSION GENERALE.....................................................................................103

BIBLIOGRAPHIE.....................................................................................................107

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APPROCHE SOCIOLOGIQUE DU DEVELOPPEMENT LOCAL

INTRODUCTIONL’histoire des politiques du développement local est un long chemin qui débute

à la fin des années 70, une période où la perception du monde et de ses rapports de forces, en termes économique et politique, est basée sur le constat de la dépendance des pays de l’ancienne aire coloniale.

Le modèle dominant est celui d’un centre (les pays développés du Nord) entravant le développement à la périphérie (les pays du Sud). Au plan doctrinal et des pratiques, la réponse de la gauche marxisante, c’est le protectionnisme, la substitution de la production locale aux importations et la théorie des pôles de développement. Celle-ci prône la construction en un lieu donné d’une plate-forme d’industries lourdes de base, par exemple sidérurgique et pétrochimique, qui doit mécaniquement engendrer de l’activité alentours. Or toutes ces recettes sont alors en échec, de l’Argentine à l’Algérie.

Au contraire, on s’aperçoit que l’autonomie de petites et moyennes entreprises locales est de nature à engendrer à terme de nouvelles dynamiques locales de développement, y compris orientées vers l’exportation. Au début des années 80, les économistes emploient alors les mots de développement « endogène » ou « local » et parlent d’« industrialisation diffuse»1.

Le développement local naît d’expériences, à la fin des années 1970, dans des espaces ruraux, ou des acteurs, associatifs, individus, chefs d’entreprises… s’organisent pour résister au processus de marginalisation économique de ces espaces.

La crise du modèle de développement fordiste et des rapports internationaux renforce une conception de l’espace rural, antagonique de celle mise en avant par l’idéologie libérale qui tend à ignorer tout espace qui n’est pas polarisé et compétitif.

Au cours des années 1980, le local, assimilé au départ au rural, est pensé comme un lieu alternatif à la crise. Peu à peu, le discours sur le local s’est étendu à tous les types d’espaces, les quartiers urbains et surtout les bassins d’emploi2.

Dans les années 1990, tout un courant de pensée, notamment autour des Italiens et des radicaux américains (pas nécessairement marxistes), affirme que le

1 LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable : Limites d’une pratique, perspectives de deux idéologies », Territoires n°431, octobre 2002.2 Yves JEAN, Du développement local au développement durable : la nécessaire mutation culturelle de l’état et des élus, p. 22-31, in "Emigrés - immigrés dans le développement local", sous la direction de Mohamed CHAREF et Patrick GONIN. - Agadir : Editions Sud-Contact, 2005, 361 p.

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modèle du développement local devient la forme typique du post-fordisme3. On serait passé à un modèle de développement « flexible », dans lequel des communautés locales de travailleurs qualifiés vont représenter les nouveaux pôles de développement; le développement local deviendrait la forme «normale» du développement.

Les marxistes de la vieille école, qui s’appuient aussi sur des études empiriques, contestent fortement cette approche. Les transnationales se portent bien, soulignent-ils, constatant que, pour quelques cas de développement local authentiquement endogènes qui parviennent, avec l’aide d’administrations publiques locales, à s’élever jusqu’à la compétitivité internationale, la géographie économique est en fait majoritairement déterminée par le jeu des transnationales qui délocalisent où et quand elles le veulent leurs unités de production. Mais certains des membres de l’école de la régulation, tel Liepietz (qui est aussi marxiste) critiquent ces thèses qu’ils considèrent comme trop structuralistes4 et trop déterministe5.

L’historien Fernand Braudel a dit que « l’Histoire, c’est 95 % de déterminisme et 5 % de liberté». Liepietz estime que ces 5 %, c’est le développement local, c’est la possibilité, par un "volontarisme local", de renverser une situation de dépendance ou de marginalité. Ce qui suppose une claire conscience des déterminants structuraux qu’il faut surmonter ou contourner6.

Mais qu’est ce qui caractérise le développement local et comment est-il mis en oeuvre? C’est à cette question que nous chercherons à répondre et nous verrons que le développement local, prend des formes multiples, il est tour à tour, social, économique, politique, écologique, géographique... en perpétuelles interactions. Il suppose donc une approche pluridisciplinaire et une vision suffisamment synthétique.

Mais dans un premier voici deux définitions significatives du développement local :

- A partir d'initiatives africaines, les centres Concept de Dakar et Djoliba de Bamako définissent ainsi le développement local : « Une volonté politique de certains acteurs de changer la situation du territoire sur lequel ils vivent, en entamant un processus et des actions en vue de construire, par leurs efforts conjoints avec le reste de la population, un projet d'avenir à ce territoire, en

3 Postfordisme : Le modèle de développement fordiste (qui a dominé de 1945 à 1975) était fondé sur la grande entreprise, le taylorisme et les contrats rigides. D’où le mythe d’un "post-fordisme" qui serait, point par point, l’inverse : réseaux flexibles de PME qualifiées4 Structuraliste : qui pense que la place d’un élément dans un structure détermine irrévocablement son destin. Par exemple, un pays périphérique (dominé) serait condamné à le rester.5 LIEPIETZ Alain, BENKO Georges « Les régions qui gagnent » P.U.F, en 1992.6 LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, 2002.

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intégrant les différentes composantes économique, sociale et culturelle, en articulation constante avec les autres niveaux de décision.»

- De manière plus institutionnelle, en France, pour la DATAR, « le développe-ment local est la mise en oeuvre, le plus souvent dans un cadre de coopération intercommunale, d'un projet global associant les aspects économiques, sociaux et culturels du développement. Généralement lancée par les élus locaux une opération de développement local s'élabore à partir d'une concertation locale de l'ensemble des citoyens et des partenaires concernés et trouve sa traduction dans une maîtrise d'ouvrage commun ».

La « Déclaration de Sherbrooke » énonce la vision du développement local que partagent les réseaux concernés. «Le développement local constitue une référence, une base pour aborder autrement la mondialisation. Il s'agit, non pas de construire un modèle alternatif replié sur lui-même, mais de se réapproprier la mondialisation d'une autre manière, de lui donner du sens au travers des démarches locales. » Ce développement repose sur :

- l’importance pour chacun et chacune de devenir auteur et acteur du développement de son territoire,

- une approche globale de la réalité des individus, intégrant les préoccupations de la solidarité, du développement économique, de la lutte contre l'exclusion, de la préservation de l'environnement,

- l'articulation, à l'échelle du territoire de proximité, de l'indispensable capacité d'initiative locale et de la nécessaire cohérence des politiques nationales,

- la reconnaissance de la contribution spécifique des femmes, notamment de leur travail souvent invisible pour le bien-être de leurs proches et de leur communauté. Le développement local contribue à l'émergence de nouvelles façons de produire et de partager les richesses, de vivifier la participation citoyenne, de faire grandir la démocratie, pour que chacun ait à la fois de quoi vivre et des raisons de vivre.

Ces différentes définitions du développement local, sont intéressantes, cependant, nous retiendrons la définition plus large proposée par Houée : « le développement local est une démarche globale de mise en mouvement et de synergie des acteurs locaux pour la mise en valeur des ressources humaines et matérielles d'un territoire donné, en relation négociée avec les centres de décision des ensembles économiques, sociaux, culturels et politiques dans lesquels ils s'inscrivent »7.

7 HOUEE Paul, Le développement local au défi de la mondialisation, L’Harmattan, 2001,

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Afin d’aborder les différentes dimensions du développement local, nous débuterons par l’histoire des politiques du développement local en France.

Puis dans le 2e chapitre, nous présenterons le développement économique local endogène.

Le 3e sera consacré aux actions politiques et démocratiques du développement local, qui dépendent notamment des différentes formes de régulation politique et de la prise en compte d’une démocratie participative à la fois locale et nationale.

Le 4e chapitre, présentera les démarches de développement local au plan agricole, en particulier dans sa recherche d’accès à l’accès à l’autonomie

Le 5e abordera les dimensions géographiques, territoriale et urbanistique du développement local et notamment l’enjeu des transports.

Le 6e chapitre examinera les différentes étapes de la réalisation d’un projet de développement local, de l’étude des besoins, à la mise en oeuvre, jusqu’à la dernière phase de l’évaluation.

Enfin, dans le dernier chapitre, nous confronterons les différentes théories du développement local, afin de comprendre les enjeux analytiques et politiques sous jacents, telle la différence entre les notions de développement local, de développement durable et de refus du développement.

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1-HISTOIRE DES POLITIQUES DU DEVELOPPEMENT LOCAL

L’historique des formes françaises du développement local Les théoriciens du développement local s’appuient sur l’économiste Marshall

qui, au début du XXe siècle, théorise les "districts industriels". Il désigne ainsi une ville industrielle spécialisée dans une branche, avec une ambiance de compromis social et de relations partenariales entre les entreprises, basée sur la qualification professionnelle commune, qu’il appelle « atmosphère industrielle ».

Les sociologues nous disent que celle-ci, qui est un cas particulier de bloc hégémonique tel que le définit Gramsci. C'est-à-dire que les infrastructures économiques imprègnent l’idéologie, la culture, les mœurs, l’ambition pour les enfants et s’appuie sur un réseau d’institutions locales (écoles, journaux, chambres de commerce etc.)

La France au début du XXe siècle est un damier de districts «marshalliens», dans lesquels chaque ville est associée à une spécialité (dentelle de Calais, coutellerie de Thiers, etc.). Les districts basés sur une grande entreprise (Michelin, etc.) sont rares. Les politiques de la IVe et de la Ve République, avec la Délégation de l’Aménagement du Territoire (DATAR) ont, dans les années 50-60, assassiné la plupart de ces districts qui, en France, survivaient essentiellement grâce au protectionnisme. Ce dernier consiste à limiter les importations, afin de permettre le développement de l’économie nationale. Au contraire, les districts industriels italiens sont devenus fortement exportateurs (70 villes en Italie réalisent, chacune sur leur branche, 90 % des exportations italiennes).

La fin du protectionnisme à la sortie de la 2e guerre mondiale a tué les districts en France. La politique publique a été la mise en place de grandes entreprises avec des bureaux d’étude parisiens et des ateliers en province, utilisant les ouvriers comme simples OS. Le Fordisme à la française a rejeté les savoir-faire locaux estime Liepietz8.

La théorie des pôles de développement imprégnait l’ensemble de la technocratie, des communistes aux gaullistes, accompagnée d’une vision centraliste de l’Île de France, de la "province" et "du désert français"9. Pour développer ce désert, on faisait alors Fos-sur-mer ou Dunkerque. Il s’agissait de doctrines qui se voulaient « ultramodernes », imprégnées par le même rejet technocratique des savoir-faire traditionnels et des capacités de développement local.

8 LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, Op. cit. 2002.9 GRAVIER Jean-François, Paris et le désert Français, 1947.

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L'Etat Nation a perdu la plus grande partie de son pouvoir de coordination de l'activité économique elle-même de plus en plus soumise au marché mondial. La mise en œuvre d’une nouvelle économie politique qui se mette en place lentement pour remplacer la politique économique actuelle défaillante suppose une transformation profonde des champs de conscience et des mentalités essentiellement dans nos pays riches, chefs d'orchestre de l'économie mondiale.

Ceci suppose de privilégier les espaces de reconquête de plus d'autonomie et de liberté. C’est à dire créer de nouvelles formes de vie sociale et de consommation avec une relation au travail et un partage du travail différent. Une stratégie nouvelle de dialectique est à inventer entre les sociétés autonome et hétéronome (c'est-à-dire dépendante de l’extérieure)10.

L’émergence du développement local11

Le développement local est d'origine récente en France, où il a dû effectuer un laborieux parcours pour se faire reconnaître. Le concept développement local apparaît en 1975 dans les débats sociaux, eu 1982 dans les propositions et mesures ministérielles, avant de trouver sa place dans les politiques territoriales en 1995 et en 1999. Mais sa réalité est beaucoup plus ancienne et plus riche que ces documents officiels. Selon la grille retenue, ces formes de développement local apparaissent comme des compromis entre les politiques descendantes longtemps prédominantes et des dynamiques ascendantes qui ont peiné à s'entendre entre elles et surtout à se faire entendre.

Sous la chape des institutions républicaines (1945-1959)Le développement local a dû s'infiltrer dans le socle institutionnel hérité de

Colbert, de la Révolution et de l'Empire. Cette conception de l’Etat républicain prend les formes suivantes :

- Un État, expression de la souveraineté du peuple et de la raison, qui doit garantir à tout citoyen où qu'il soit la liberté, l'égalité des droits et des devoirs.

- Un pouvoir central qui élabore les objectifs et les règles, redistribue les moyens par plusieurs ministères, qui ont chacun leur propre rationalité, leurs intérêts leurs programmes sectoriels et leurs découpages du territoire.

- Dans chaque département, des administrations qui exécutent les décisions du pouvoir central, avec le concours de quelques grands élus encadrant leur clientèle d'élus locaux.

10 François Plassard, Autonomie au quotidien, Réponses à la crise ? Pratiques Sociales, Paris, 1984.11 HOUEE Paul, Les politiques de développement rural, Paris, INRA (Economica, 2, éd.) 1996, 316 p.

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- Une poussière de communes atomisées (plus de 36 550) sous la tutelle de l'État, où il y a place pour « la défense des intérêts locaux» plus que pour la promotion du développement local.

- Une nette distinction entre les acteurs : aux élus la gestion des affaires communales sous la sanction du vote populaire; aux acteurs économiques et sociaux la conduite des affaires privées selon les lois du marché; aux associations dont on se méfie des compétences et des moyens trop limités.

Une tendance « aménagiste » essaie de se faire entendre : l'ouvrage de J.-E Gravier qui dénonce le déséquilibre entre « Paris et le désert français », une Direction de l'Aménagement du Territoire et un « Plan national d'Aménagement du Territoire » proposés par Claudius Petit en 1950. Sous la IVe République, il n'y a pas de place pour un développement local, seulement pour des programmes d'équipement et de modernisation économique conduits par l'État.

Devant ce bétonnage, c'est surtout la pensée prophétique de L.J. Lebret et du mouvement Économie et Humanisme qui nourrit de ses orientations et de ses enquêtes participatives les premières forces de développement ascendant. « Le premier travail à entreprendre pour remettre l'économie au service des hommes est de reconstituer partout des unités élémentaires complètes de vie, à portée d'homme, harmonieusement distribuées sur le territoire, harmonieusement coordonnées... Il faut refaire partout des unités équilibrées de tailles diverses, où l'homme puisse retrouver champ d'activité utile, sécurité fondamentale, accès progressif au confort et facilité d'épanouissement » souligne le Guide du Militant (1946). Les échelons essentiels de cet aménagement sont la commune, le pays rural, industriel ou mixte, la région faite de pays et de cités.

En septembre 1952, la première grande session d'Aménagement du Territoire réunit à l’Arbresle 70 responsables politiques dont Claudius Petit, des militants de base, des experts. Dans la charte finale, Lebret donne à l'aménagement toute sa signification. « Un double écueil menace l'aménagement: l'anarchie impuissante des "micro" tentatives, l'intervention trop décisive des "macro- technocraties". Dans l'un et l'autre cas, l'indispensable accord entre l'économique et l'humain est compromis... L'aménagement suppose un double mouvement : de bas en haut pour que s'expriment correctement les besoins et les possibilités tant matérielles que spirituelles de répondre, de haut en bas pour qu'une coordination réalise l'unité.

L'aménagement ne saurait se limiter à la valorisation d'un seul niveau de territoire, ni à « consolider les privilèges des peuples prospères». Des unités de base aux regroupements de nations, c'est la Terre entière qu'il faut aménager,

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rééquilibrer pour (utiliser les ressources, structurer les surfaces, abolir les sous-prolétariats, nourrir, vêtir, loger et instruire l'humanité ».

Cette conception de l'aménagement et la méthode des enquêtes-participation qui la traduit sont largement diffusées par les publications et les sessions d'Économie et Humanisme, mises en oeuvre par une vingtaine d'équipes locales, dont la plupart animent des comités d'expansion économique (140 en 1957) rassemblant des acteurs économiques, des élus, des enseignants avant tout dans les centres urbains qui s'industrialisent; le gouvernement Mendès France leur confie en décembre 1954 quelques fonctions d'expertise et de consultation dans les programmes d'action régionale. Le courant Lebret se propage surtout par les mouvements de jeunesse chrétiens ou laïques : ainsi en milieu rural, les sessions de la JAC, les publications de son prolongement adulte, le MFR, initient le monde rural au fonctionnement des communautés. Les groupes jacistes, les Foyers Ruraux, les Foyers de Progrès sont vraiment les lieux où se forment ceux qui vont impulser les premiers chantiers de développement local.

Les débuts du développement local dans la modernisation de la France (1960-1975)

La création de la DATAR en 1963 ouvre une brèche prometteuse dans le, paysage institutionnel français. Structure légère de mission d'abord rattachées au Premier ministre, elle entreprend de faire converger les diverses politiques ministérielles vers une approche globale et prospective, dans un souci d'animation et de participation élargie. Il s'agit en fait de décloisonner les administrations enfoncées dans leurs habitudes, de remplacer le marchandage État-élus par des relations contractuelles plus rationnelles, de contourner le système départemental du «préfet de ses notables» pour atteindre les acteurs économiques et sociaux porteurs de modernisation. On rappelle pour mémoire les 3 grands axes de cette politique : maîtriser la croissance urbaine en freinant la concentration parisienne, en renforçant des métropoles d'équilibre et des villes moyennes pour réduire l'engorgement urbain et l'exode régional; favoriser l'expansion régionale en aidant les décentralisations industrielles (500 000 emplois directs créés et autant d'emplois induits); développer les zones rurales par des mesures diversifiées et adaptées.

En 1964, quelques réformes administratives engagent un début de déconcentration plus que de décentralisation. Un préfet de région reçoit la mission de mettre en oeuvre la politique du gouvernement concernant le développement économique et l'aménagement du territoire. Il est assisté d'une conférence administrative régionale (CAR) composée exclusivement de fonctionnaires et

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d'une assemblée consultative, la CODER (Commission de développement économique régional) composée d'élus des Conseils généraux, des délégués des Chambres consulaires et de personnes qualifiées désignées par le Premier ministre; ses compétences restent très limitées, ses moyens totalement dépendants du préfet de région; elles seront élargies par les EPR (Établissement Public Régional) créés en 1972, mais opérationnels en 1975.

Chaque ministère réalise à sa manière la modernisation de ses services et de ses interventions. Sous la vigoureuse impulsion d'E. Pisani, le ministère de l'Équipement, né de la fusion de plusieurs grandes administrations, entreprend de moderniser le territoire national à partir des centres urbains. En application de la loi foncière (30 déc. 1967), des SDAU (schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme) fixent les orientations fondamentales d'utilisation des espaces urbains et ruraux. En 1980, on a dénombré 404 SDAU délimités et seulement 149 approuvés, 9 640 POS prescrits et 2 280 approuvés. Il s'agit là de procédures techniques destinées à endiguer la croissance urbaine et son déversement : les services de l'État y sont prédominants, le rôle des élus assez formel, la participation populaire inexistante. Il en va de même pour la plupart des opérations de lotissement et d'urbanisme, où la population concernée n'est pas encore là. On devra attendre les premières rénovations de quartiers, pour qu'une meilleure concertation s'établisse entre les divers partenaires et s'ouvre aux populations concernées (procédure Habitat et Vie sociale). Pour l'essentiel, le développement local urbain s'identifie aux interventions des divers services de l'action sociale et de l'animation culturelle. A l'occasion des différents plans et lois-programmes, on construit des Centres Sociaux pour répondre aux besoins immédiats, des Maisons, Foyers ou Clubs de Jeunes financés par l'État et les collectivités, des Maisons des Jeunes et de la Culture (MJC), que l’on veut ouvertes au plus grand nombre. Mais beaucoup demeurent dus équipements sans équipe.

Le développement des zones rurales va susciter le plus d'essais de développement local. La politique de la Rénovation Rurale, mise en oeuvre de 1969 à 1975, entreprend de mobiliser les approches sectorielles classiques pour promouvoir une stratégie globale de développement adaptée à chaque territoire. Chaque commissaire dispose d'une certaine autonomie pour secouer les pesanteurs institutionnelles élargir le champ des partenaires. Son action consiste moins à appliquer des directives qu'à susciter des initiatives, provoquer et conforter des projets, interpeller les administrations, inventer avec elles les mesures capables de lever les blocages et de mettre en mouvement les acteurs locaux; il dispose pour cela de crédits spéciaux, suscite beaucoup d'espoirs assez

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vite déçus. Mais une nouvelle démarche globale et ascendante, un nouveau mode de relation entre les services publics, les collectivités locales, les organisations économiques et sociales trouvent là un début de reconnaissance officielle. Initiée elle aussi par la DATAR en 1967, la politique des parcs naturels régionaux (PNR) est le creuset où vont s'expérimenter la plupart des objectifs et des moyens de développement local aujourd'hui proposés par l'État. Chaque PNR comporte une charte constitutive, élaborée par l'ensemble des communes volontaires, qui définit le territoire de solidarité, les objectifs et les moyens.

Les objectifs initiaux de conservation et de mise en valeur du patrimoine naturel et culturel s'élargissent aux activités touristiques, au développement des ressources et des productions locales, dans une grande diversité des actions suscitées et une volonté de les articuler à un niveau territorial précis.

A son tour, le ministère de l'Agriculture, va faire de l'aménagement rural une politique cohérente, complémentaire de la grande politique d'organisation agricole et alimentaire qu'il conduit avec l'appui de la PAC (politique agricole commune). Elle conjugue :

- la déconcentration, la modernisation et la diversification des activités agricoles et non agricoles,

- l'amélioration du cadre et des conditions de vie par la gestion des ressources naturelles et culturelles du milieu rural, le développement des services publics, des moyens de communication, le renforcement d'un réseau dense de petites villes formant l'armature du milieu rural, l'émergence de groupes locaux dynamiques capables de prendre en charge la gestion des investissements et le contrôle de la réalisation des projets. Au ministère, FACEAR (Atelier Central d'Études et d'Aménagement Rural) définit les objectifs, les concepts, élabore les méthodes, que reprennent les ateliers régionaux en les adaptant à chaque zone.

Les PAR (plans d'aménagement rural) constituent l'apport le plus spécifique et l'avancée la plus significative du développement local dans les procédures publiques. Le PAR est :

- un document d'orientation et de référence pour les décisions administratives, mais ne créant pas de contraintes,

- un document de cohérence entre les différents niveaux et procédures d'aménagement, compatible avec les choix du SDAU,

- un document de participation et de concertation avec les élus et les représentants des populations concernées.

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La première génération des 69 PAR engagés entre 1970 et 1974 demeure une démarche très administrative. A partir de 1975, la commission officielle est maintenue mais les opérateurs ont compris l'intérêt des réunions d'information: des méthodes d'animation et surtout des groupes de travail ouverts où se réalise l'essentiel de l'élaboration. Le document s'allège du poids de trop d'études pour devenir plus opérationnel.

Assez souvent à l'occasion de ces opérations descendantes, parfois à l'écart ou même contre elles (ainsi les Monts du Lyonnais sont nés du refus d'un PAR imposé), des forces ascendantes s'expriment, venant souvent de courants différents que l'on peut ranger en deux catégories.

a-Les acteurs du développement localLes jeunes forces avant tout rurales, s'engouffrent dans les politiques

modernisatrices de la Ve République. Les plus nombreuses s'engagent dans les organisations professionnelles (vulgarisation-développement agricole, gestion des exploitations, organisation des marchés) animées par un syndicalisme qui a dit « oui au progrès, non à la prolétarisation... ; les voies du progrès sont diverses, mais chacun doit trouver son chemin ». D'autres privilégient l'action sociale et l'aména-gement rural : actions et services de la MSA (Mutualité Sociale Agricole), Comités de l'Habitat Rural, groupements de la « Famille Rurale » qui rassemble 15 000 associations, Foyers Ruraux, etc., tous très attachés à la revitalisation rurale.

Dans certaines régions marquées par une forte identité et par la crainte de la marginalisation, en Bretagne, dans les vallées de montagne et sur certains plateaux, surgissent les Comités de pays, en s'appuyant sur les formes naissantes de coopération intercommunale.

Une enquête-participation, conduite par les jeunes ruraux encadrés par des étudiants originaires du secteur, déclenche un remarquable élan populaire qui se structure rapidement avec le concours des élus. Une démarche qui se définit d'emblée globale, endogène, fondée sur une forte participation initiale, surprend, agace les administrations départementales, tarde à traduire les grands objectifs en opérations concrètes. Mais dès 1967, elle s'enrichit des apports de l'animation rurale au Niger, des méthodes de conscientisation de Paulo Freire au Brésil. Elle devra attendre 1969 pour recevoir l'appui de la Rénovation Rurale, 1976 pour se faire reconnaître dans un PAR exemplaire. En 1975, la Bretagne comptait ainsi 12 comités de pays d'origines. A tous les responsables et animateurs de telles expériences, il faut associer les coopérants de retour de leurs stages en Afrique ou

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en Amérique latine; de fécondes confrontations s'opèrent dans les organismes qui les emploient ou à l'occasion de rencontres plus ou moins reconnues.

b-Les militants d'un autre développementCes derniers expriment les contestations et les revendications de la révolution

culturelle de 1968 : écologistes luttant contre les atteintes à l'environnement, autogestionnaires en quête de nouveaux modes de production et d'échange, néo-ruraux fuyant les nuisances de la ville pour les charmes de la campagne, régionalistes affirmant leur identité contre le centralisme jacobin. Intellectuels, étudiants, travailleurs sociaux, fonctionnaires, animateurs de services, militants syndicaux, politiques, associatifs, tous dénoncent le système dominant, veulent bâtir un autre monde où chacun pourra conduire librement son existence, «vivre, travailler et décider au pays ». On redécouvre les racines culturelles, les territoires d'appartenance; on rêve de lieux de vie, d'unités de travail, de services conviviaux gérés démocratiquement pour sortir des carcans d'un monde compliqué, encombré de structures et de technocraties. Ces courants sont trop foisonnants pour trouver une traduction politique efficace, mais ils imprègnent les idées des baby-boomers qui accèdent aux emplois, aux responsabilités.

Une synthèse apparaît difficile, à tout le moins prématurée, entre les praticiens du développement local luttant pour faire vivre et entendre leurs territoires et les partisans d'un développement alternatif aux critiques radicales et aux perspectives envahissantes.

Le développement local au temps de la crise et de la décentralisation (1975-1990).

A partir de 1974-1975, la crise économique et la poussée libérale transforment une politique volontariste d'aménagement et de développement descendant en une profusion de mesures d'urgence pour éteindre les incendies sociaux, voler au secours des bassins d'emploi, des entreprises, des leaders politiques en difficulté.

La poursuite d'une croissance vigoureuse aurait pu exorciser les doutes nés de la révolution de 1968; son ébranlement révèle l'impuissance de l'État à entre-prendre les réformes qui s’imposent, à offrir de nouvelles perspectives pour chasser l'interrogation et la morosité ambiante. Désormais, il n'y a plus de grand modèle ni d'antimodèle; à chacun d'inventer constamment son chemin. Les chantiers du développement local trouvent dans ce brouillard l'opportunité de prouver leur intérêt, sans trouver encore leur place dans les stratégies des pouvoirs publics et des groupes sociaux.

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a-Face à la crise, une multiplication de mesures.L’Etat jacobin a perdu le monopole de la décision : il doit composer en amont

avec les directives d'une Europe qui s'affirme et avec la concurrence internationale qui se durcît, en aval avec les collectivités territoriales qui semblent mieux armées que lui pour répondre à la diversité des problèmes. En accédant au pouvoir en 1981, la Gauche découvre que de grandes entreprises et d'importantes réformes sociales ne suffisent pas à relancer l'économie.

Elle lance alors plusieurs procédures concernant aussi bien la ville que le milieu rural et qui contribuent à cette concertation nécessaire à tout développement local. Les Comités locaux pour l'emploi, créés en 1975 et devenus en 1983 les Comités de bassin d'emploi (313 CBE constitués en 1983), permettent un dialogue social territorialisé.

En 1997, l'État crée la procédure « Habitat et Vie Sociale » pour associer les différents opérateurs sociaux et les représentants des usagers dans la rénovation des quartiers et la coordination des services de proximité. Devant la montée du malaise et des violences dans les quartiers de banlieue (Us Minguettes en 1981), le gouvernement Mauroy confie à M. Dubedout la mise en place du « Développement Social des Quartiers » (DSQ) pour une approche globale de ce problème de société, pour une action concertée des différents intervenants, un brassage des groupes sociaux et la participation de la population à la gestion de son milieu de vie. Ces mesures de développement social urbain trouveront plus tard leur place dans la politique de la ville, ses pactes de relance et ses contrats spécifiques. Un peu partout, l'appui aux initiatives locales économiques tait du développement local la référence obligée pour toute demande d'aide publique.

En 1975, la DATAR inaugure la politique des contrats de pays, dont les objectifs expriment bien ses missions: lutter contre le dépeuplement en valorisant les ressources du pays, rechercher les solutions adaptées aux spécificités de chaque petite région, renforcer les solidarités et la prise en charge du développement du pays par l'ensemble des acteurs. Mais leur application va trop souvent dériver et compromettre cette démarche prometteuse : à la rigueur technocratique des PAR s'oppose le laxisme des contrats de pays.

Là où le contrat a été précédé d'un PAR, d'une étude sérieuse et d'une concertation approfondie, il a favorisé l'habitude de se rencontrer, de s'ouvrir à d'autres catégories et de faciliter une dynamique de développement local; ailleurs, il a renforcé le clientélisme, le saupoudrage de subventions, la logique de guichet et de l'assistance, des actions sans portée significative et sans lendemains.

Les lois de décentralisation de 1982-1983 ont introduit une nouvelle donne institutionnelle, de nouvelles relations entre l'État et le développement local, mais

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sans accorder à celui-ci le statut et les moyens qu'il pouvait escompter. Ces mesures rapprochent les décideurs des réalités territoriales, mais créent plus de confusion que de cohérence accessible aux citoyens. De nouveaux rapports contractuels deviennent nécessaires entre les niveaux. Le rapport Guigou-Macquart distingue et articule trois niveaux :

- le plan de la Nation en charge de l'intérêt général de l'égalité des citoyens, (les grands équilibres),

- le plan de la Région qui élabore ses propres priorités et négocie le contrat de plan État-Région,

- enfin le plan local, celui des bassins d'emploi, des pays, des espaces de solidarité villes-campagnes, des agglomérations. Un comité local d'aménagement, de planification et de développement, comprenant des représentants des syndicats, des entrepreneurs et des associations assure, sous le contrôle des élus, la coordination des projets locaux, contractualise avec la Région, devient ainsi l'unité de base de la planification décentralisée. Ce niveau local ne sera pas retenu, mais laissé à l'initiative des Régions, pour ne pas porter atteinte aux départements.

Les chartes intercommunales de développement et d'aménagement constituent l'apport significatif de cette décentralisation inachevée d’une démarche ascendante y trouve une brèche importante. A la différence des PAR qu'elles prolongent ou actualisent souvent, ces chartes s'adressent aussi bien aux villes qu'aux campagnes, sont dominées par les problèmes économiques tout en intégrant l'aménagement et les équipements. Surtout, ce sont les communes et elles seules qui en décident la création, les objectifs et les moyens, qui fixent le périmètre et le contenu par des délibérations concordantes des municipalités à l'unanimité, le rôle du préfet étant de vérifier cette concordance, d'assurer le contrôle de légalité et la publication de la charte. Celle-ci ne comporte pas d'engagement financier de l'État, mais la loi fait obligation à la Région de consulter les communes associées pour l'élaboration du plan régional.

b-L'affirmation du développement local ascendantUn critère prévaut : le nombre d'emplois créés ou maintenus, la capacité à

apporter des solutions aux problèmes économiques, à exprimer les questions d'environnement, d'intégration sociale. Économistes, sociologues, géographes s'interrogent sur la portée et la signification des initiatives locales : réflexes de défense de sociétés marginales condamnées, contre-pouvoirs face au système centralisé ? Remèdes illusoires qui détournent des grands enjeux et conflits de

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société ou germes pour un développement alternatif ? Mise en scène de nouveaux acteurs pour capter les aides publiques et favoriser leur promotion ou affirmation d'une société civile qui cherche à s'exprimer? Mode éphémère ou mouvement social: on n'ose encore se prononcer.

Les responsables, les permanents des organismes de développement local et des structures d'appui organisent des rencontres nationales, répercutées ensuite par des réunions régionales, où s'affirme le mouvement :

- La première rencontre nationale des animateurs et agents de développement en milieu rural (Melun, mars 1975) est la fête d'animateurs heureux de sortir de leur isolement, de faire connaître leurs expériences et de crier leurs problèmes, l'occasion de débats idéologiques sur l'autonomie des petites régions devant la bureaucratie centralisatrice, sur les relations conflictuelles entre animateurs et gestionnaires, sur les fonctions intégratrices ou critiques de l'animation.

- Les Assises nationales de Pays et Comités d'aménagement (Vitré, mai 1976) organisées par le CNAR favorisent des échanges difficiles mais fructueux entre les courants idéologiques de l'animation, du développement alternatif (tel le PSU) et les courants politiques dominants en recherche de nouveaux modes de gestion.

Les États Généraux de Mâcon en juin 1982 marquent sans doute la naissance officielle du développement local12. De ces débats, avec Michel Rocard, alors ministre du plan et de l’aménagement du territoire, se dégage une conception partagée du développement local :

- le pays est un territoire pertinent pour redécouvrir une identité collective et des solidarités efficaces;

- le développement autocentré, ascendant et global peut être la voie permettant au plus grand nombre de vivre et de travailler au pays;

- les structures de développement local présentent une grande hétérogénéité, reflétant la diversité de situations et des approches;

- le pays ainsi conçu est un espace de démocratie et il a, en tant que tel, droit à être reconnu comme espace de développement 21 »13.

Dès sa création, l’ANDLP (Association Nationale pour le Développement Local et les Pays) s'affirme comme une structure légère de personnes physiques travaillant dans ou pour Ie développement, en fonctionnant comme réseau et non selon le modèle hiérarchique et pyramidal des fédérations représentatives. Mais ce choix entraîne l'hégémonie des permanents d'organismes au détriment des élus;

12 Actes des États généraux des pays, supplément à Correspondance Municipale, n°231. in COULMIN (P.), La dynamique du développement local, Syros, 1986.13 Actes des États généraux des pays, Op. cit.

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ceux-ci s'organisent à leur tour la Fédération des Pays de France. Rapidement, un accord est trouvé qui aboutit, en octobre 1992, à la fusion créatrice de l'UNADEL (Union Nationale des Acteurs et Structures du Développement Local), qui ne va cesser d'agir auprès des pouvoirs publics pour faire reconnaître sa démarche globale fondée sur des territoires et des projets.

Le développement local dans les réformes des politiques et collectivités tenitoriales (1992...)

a-La reconnaissance des niveaux de mobilisation et de développementAu terme d'un large débat national, la LOADT (Loi d'Orientation pour

l'Aménagement et le Développement du Territoire) ou loi Pasqua du 4 février 1995 fixe une grande ambition de reconquête du territoire, de cohésion nationale et d'égalité républicaine, en apportant à tout citoyen, où qu'il soit, l'égalité des chances et un égal accès au savoir. Cette loi reste d'inspiration jacobine mais s'ouvre à des nouveaux : elle mise avant tout sur l'État et son pouvoir régulateur, sur la réorganisation de ses services à la population, sur la redistribution de Moyens financiers pour réduire les inégalités géographiques les plus graves, assurer un développement mieux équilibré et plus solidaire du territoire national, faire participer les populations aux actions conduites par l'État avec le concours des élus locaux. Mais l'innovation majeure de la LOADT est l'introduction du pays dans le dispositif institutionnel, non comme un découpage déterminé par les administrations, mais comme la reconnaissance d'une réalité socio-économique qui façonne la vie courante des habitants, d'un territoire - projet assez cohérent et pertinent pour conduire une action globale de développement. Dans la loi Pasqua, le pays (dolois, monbéliardais…) est à la fois le lieu où les collectivités territoriales élaborent leur projet commun de développement, le cadre dans lequel l'État coor-donne ses services et ses actions avec celles des collectivités. Ces pays sont reconnus à l'échelon départemental, de manière souple ou vague dans leur fonctionnement et leurs compétences.

Avec l'alternance politique de 1997, la LOADDT (Loi d'Orientation pour l'Aménagement et le Développement Durable du Territoire) ou loi Voynet du 25 juin 1999 relève d'une autre conception, plus éprise de dynamisation sociale ascendante que d'administration territoriale, d'animation des initiatives locales et régionales que de répartition de subventions. La loi crée les agglomérations dans les aires urbaines et renforce les pays comme fédérateurs des initiatives ascendantes et bases des politiques contractuelles, selon le triptyque : un territoire - un projet -un contrat. Le pays est alors reconnu comme partenaire de la Région.

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b-Les avancées de l’intercommunalité.Les lois ATR (Administration territoriale de la République), ou loi Joxe-Baylet

de février 1992, et la loi Chevènement de juillet 1999, s'inscrivent dans ces orientations plutôt ascendantes, mais relèvent de la rationalité gestionnaire et administrative du ministère de l'Intérieur et des organisations d'élus. Le grand succès des communautés de commune (environ 1900 en place) est dû à quelques principes simples :

- la libre adhésion des communes qui fixent elles-mêmes leur périmètre de coopération, précisent les pouvoirs qu'elles transfèrent au sein de blocs de compétences obligatoires ou optionnelles,

- l'autonomie financière de la communauté qui prélève directement l'impôt selon les modalités qu'elle retient,

- la souplesse de l'État et des départements dans la reconnaissance de la communauté.

La loi Chevènement de juillet 1999 tire les leçons de sept années d'intercommunalité, simplifie les modalités de coopération et surtout organise les communautés d'agglomération dans les aires urbaines comptant plus de 50 000 habitants autour d'un pôle de plus de 15 000 habitants. Ne subsistent plus que trois types d'intercommunalité : les syndicats intercommunaux laissés à leurs ressources et à leurs pratiques, les communautés de communes ou d'agglomérations en privilégiant celles qui pratiquent la plus grande solidarité fiscale (taxe professionnelle unique), les grandes communautés urbaines dont la composition, les règles et les ressources sont fixées par la loi. La France de demain se dessine : 3 500 communautés de communes, 350 communautés d'agglomération et pays, une vingtaine de communautés urbaines. Mais d'autres réformes s'avèrent indispensables : l'élection au suffrage universel des conseillers communautaires qui prélèvent l'impôt, une meilleure information des citoyens à tous les niveaux, un accès facilité aux fonctions électives, plus de clarté dans les niveaux de compétence, une attention particulière aux structures de proximité.

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2-LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE LOCAL ENDOGENEPourquoi privilégier les petites entreprises pour promouvoir le développement

local ? L’économie étant le moteur de tout développement, les collectivités publiques

locales se doivent de donner la priorité à l’accompagnement de ce développement à l’échelle territoriale et régionale. On constate cependant qu’elles privilégient traditionnellement les investissements visant à financer des aménagements ou à attirer les gros investisseurs.

En Europe - dans un contexte de concurrence entre villes et territoires - les politiques structurelles visent principalement à améliorer la capacité (infrastructures, pôles ou « clusters ») des villes et régions à gagner la compétition pour attirer les grandes entreprises, considérées comme les plus susceptibles de tirer des avantages des potentialités immédiates qu’offre la globalisation.

Des nouveaux acteurs – le Brésil, la Chine et l’Inde, mais aussi les nouveaux États-membres de l’Europe - participent à l’accélération de la globalisation et génèrent des mouvements de délocalisations industrielles – désinvestissement – qui obligent les villes et régions d’Occident à réagir rapidement et efficacement pour que des activités de substitution, principalement sur des créneaux innovants (nouvelles technologies, connaissances, sciences du vivant..) puissent prendre le relais.

Cette politique est soutenue par les institutions nationales comme européennes, qui mettent avant tout l’accent sur les mécanismes favorables au développement local exogène par les subventions directes et indirectes ; par l’harmonisation des réglementations, par la réduction des politiques protectrices, par l’élaboration des lois, réglementations et procédures, qui répondent le mieux aux besoins des grands investisseurs, mais qui peuvent pénaliser la compétitivité des petits acteurs économiques. Ainsi, tant les régions métropolitaines que les villes s’organisent pour créer et attirer davantage d’activités cognitives, scientifiques et de services, c’est-à-dire pour faire venir des entreprises dont la base capitalistique est importante. Les marchés de ces nouvelles activités se définissent à l’échelle transcontinentale : ils attirent l’attention des agences de développement, qui ignorent souvent les acteurs économiques locaux et régionaux qui pourraient pourtant y participer, mais se trouvent souvent exclus.

De ce fait – et malgré leurs déclarations en faveur des PME – la pratique des acteurs publics à tous les niveaux renforce souvent les désavantages structurels des petits acteurs économiques, pourtant promoteurs du développement local endogène.

Cette pratique contradictoire s’explique par toute une série de facteurs :

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-La prédominance de la pensée macro-économique « globalisante» : L’action publique prend insuffisamment en compte les dimensions microéconomiques et méso-économiques. Elle sous estime fréquemment l’importance des petits investisseurs dans le financement et la dynamique du développement territorial. Pourtant la valeur de la somme des petits investissements dépasse facilement celle des projets de tailles importantes.

-Les effets des lobbies des grands acteurs, à l’échelle locale, nationale et européenne : ils exercent une influence sur les contenus des textes de lois et régulations, sur les pratiques administratives, et entretiennent constamment le dialogue avec les responsables politiques.

- À ces avantages s’ajoute une tradition de défense des « champions » nationaux, qui, par définition, sont grands. Le mécanisme même de la subvention publique favorise les grands acteurs : elle s’applique difficilement aux petits projets.

- Aussi, cette méthode porte fortement l’attention des élus et responsables des collectivités en difficulté d’abord vers l’obtention des subventions, plutôt que vers la croissance de l’assiette fiscale locale, c'est-à-dire le développement endogène.

- L’organisation politique et comptable des collectivités locales n’est pas structurée autour de leur action sur un bassin économique. En conséquence la qualité et la cohérence des services souffrent d’une mauvaise gestion. Il en résulte une importante ‘prime’ concurrentielle pour les villes capables d’une bonne gestion intégrée de services à fort impact économique. La valeur de cette prime est sous-évaluée par les élus.

Dans ce tableau, il ne reste que peu de place pour ce qui relève du développement économique local au sens du développement endogène : l’accumulation entre les mains des acteurs locaux de l’économie du capital, des ressources en savoir-faire et des capacités de production.

Cette dimension territoriale est vitale pour le développement économique, or peu de collectivités se donnent les moyens d’une politique. Ce constat amène Marjorie Jouen, ancienne conseillère du président de la Commission Européenne, à souligner que « sous prétexte de rationalisation, la plupart des recommandations relatives au développement local ont été supprimées »14 dans les versions successives de la Stratégie de Lisbonne lancée en 2004.

14 JOUEN Marjorie, « Pourquoi le développement local endogène reste-t-il le parent pauvre des stratégies de développement ? », en association avec Notre Europe, CNRS, Académie des Technologies, 2007.

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La plupart des orientations européennes 2007 – 2013 mettent ainsi l’accent sur la « compétitivité des régions » (des premiers pays de l’Union européenne) en réservant l’objectif de la « cohésion » aux nouveaux états membres en retard de développement. Nous pouvons ainsi dire avec l’ancien directeur du programme européen FAST (Forecasting and assessment in science and technology), Ricardo Pétrella15, que la primauté des orientations économiques européennes , en visant le renforcement des marchés internationaux, la grande entreprise nationale et transnationale et l’accès aux capital exogène, choisit d’ignorer l’efficience des marchés de biens et services locaux, l’accumulation et le réinvestissement de capitaux régionaux pour le développement endogène. Et donc qu’elle admet que se renforcent les inégalités économiques et sociales.

Selon cette perspective, l’apport des petits investisseurs, entreprises et activités est relégué au second plan, considéré comme négligeable ou comme un domaine résiduel de l’action publique de « réparation », où l’on classe surtout les interventions sociales en faveur des quartiers en difficulté. Or, cette perspective est imposée sur les régions et territoires par les politiques de subvention, qui remplacent les recettes fiscales des territoires en désinvestissement.

Cela montre que les politiques des collectivités en matière de développement économique endogène sont généralement peu pertinentes : rares sont les cas où elles génèrent l’accumulation, sur leurs territoires et par les acteurs locaux de l’économie, du capital, des ressources en savoir-faire et en capacité productrice. En somme, leur capacité à fixer la création de richesse est faible. Là où ces effets sont observés, ils sont plutôt le résultat de l’action des acteurs économiques qui se passent du rôle des collectivités.

L’absence d’une politique territoriale est sans doute aussi une des explications du peu de connaissances qu’ont la plupart des collectivités des compétences et capacités économiques de leur tissu de petites entreprises et activités. Pourtant, aucune économie territoriale ne peut fonctionner durablement si elle n’équilibre pas le développement exogène et le développement endogène. Pire, les responsables des collectivités ignorent l’importance que représente l’activité endogène dans leur développement actuel. Car les collectivités territoriales n’exploitent pas les informations et statistiques pouvant instruire leurs actions, qui sont pourtant détenues – voir créées – par les différents acteurs du service public. L’accent mis par les autorités publiques sur le développement exogène – pourtant nécessaire – semble alors s’apparenter à une soumission irréfléchie aux seules attentes de l’économie globale. S’adonner aux opportunités de la globalisation semble faire abandonner trop souvent la dimension endogène du développement

15 PETRELLA Ricardo, Pour une Autre Narration du Monde, Montréal (Ecosociété) 2007

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économique territorial. Un aveuglement qui fait perdre de vue les potentialités économiques importantes que les collectivités pourraient mieux utiliser et mobiliser.

Ces éléments de réflexion sont au centre du projet LCS. C’est pourquoi nous empruntons à Fernand Braudel sa notion de trois grandes échelles des échanges, en tension permanente16 :

- le premier niveau, celui des échanges de proximité et du troc, à réglementation coutumière (économie de proximité) ;

- le second niveau, celui de l’économie politique, d’un marché réglementé, où la loi impose une concurrence pour stimuler, cadrer et orienter les dynamiques économiques selon les finalités issues des débats politiques ;

- le troisième niveau, celui des échanges qui échappent à une régulation politique commune, et où en conséquence les marchés fonctionnent imparfaitement du fait d’arrangements souverains ou oligopolistiques, des jeux de pouvoir ou de la corruption.

Dans cette optique il s’agit de cadrer l’action publique territoriale par rapport aux deux premiers niveaux, où elle se trouve souvent en relation dynamique, voire conflictuelle avec le troisième. Cette dynamique est au cœur de la politique, car elle se joue précisément autour des intérêts des acteurs locaux dans la régulation des marchés, et peut mener à des frictions entre les collectivités locales et les instances nationales et européennes.

Les cinq familles de services clés pour un développement local «endogène»

Khnet a identifié cinq familles de services pouvant contribuer à ce développement endogène, grâce à l’exercice de capitalisation réalisé pour le Puca à travers l’analyse des meilleures pratiques des villes aux États-Unis, en France, en Allemagne et en Angleterre a permis d’identifier les cinq familles de services publics les plus importantes pour les petits acteurs économiques :

1. les services urbains de proximité ; 2. La réglementation et le contrôle de l’application des textes ; 3. la commande et les achats publics ; 4. l’information et les systèmes d’information ; 5. la gouvernance.

En agissant en synergie sur ces cinq domaines, les collectivités territoriales pourraient, à terme, générer un meilleur développement de leurs territoires. La

16 BRAUDEL Fernand, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, Paris (Colin) 1997. Voir également La dynamique du capitalisme, Paris (Arthaud) 1985-1987

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prestation de ces services améliore la viabilité des projets économiques et réduit les risques notamment pour les petits investisseurs. Elle peut être finement optimisée et ciblée quartier par quartier pour créer la confiance et favoriser l’implantation de ces petits investisseurs, ce qui a toutes les chances d’agir comme amplificateur de l’économie locale. Les collectivités peuvent adopter les stratégies de gestion intégrée pour harmoniser leurs prestations sans modifier leurs compétences. Cela montre qu’une politique de services intégrée permet aux élus des collectivités locales d’un bassin économique de venir en appui au développement pour y générer un avantage compétitif.

Les services de proximités sont essentiels pour les petits investisseurs, les petites entreprises et les petits commerces. Les services de proximité ont pour objet l’embellissement, l’entretien, la sécurité, l’image et l’attractivité du quartier. Les services urbains de proximité sont de plusieurs sortes :

- Services de sécurité et de maintien de l’ordre, lutte contre les incivilités. - Services de propreté qui assurent l’entretien des espaces et du mobilier

public, l’enlèvement des graffitis, des ordures, l’entretien de la voirie et des espaces verts.

- Services de communication et de « marketing » permettant d’assurer l’identité du quartier, signalisation, éclairage public et mobilier urbain spécifiques, événements culturels.

Le projet LCS, « Leveraging city services » (« Effet de levier des services publics locaux »), né de ces travaux, se veut un outil interactif mis à la disposition des collectivités pour la définition et la mise en oeuvre d’une politique visant à promouvoir le développement du tissu économique local.

Pour ce faire, il réunit les collectivités internationales et leurs partenaires, investisseurs, entreprises, associations et entrepreneurs pour tester, puis évaluer et mettre en oeuvre une politique de services. Leur objectif commun est d’améliorer la compétitivité des territoires par l’optimisation des conditions durables de marché pour les petits acteurs économiques (réduction des coûts d’entrée sur les marchés, nouvelles opportunités économiques, attractivité), notamment dans les quartiers défavorisés.

Le développement économique local suppose-t-il la décroissance de la consommation des ressources non renouvelables ?

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Le mouvement écologiste, propose de mettre en œuvre un changement de société et une décroissance de l’économie de différentes manières selon leurs orientations idéologiques.

Cependant, il existe un élément commun à la plupart des écologistes c’est le fait chercher à limiter la consommation des ressources non renouvelables, mis en évidence notamment par l’empreinte écologique.

Avec un taux de croissance de 2% (donc très bas !) en 2000 ans, le PIB serait de 150 millions de milliards. En 2000 ans avec seulement 7/1000 (0,7% de croissance), il serait de un million de fois le PIB actuels ! Or, le taux de croissance moyen dans l’OCDE, navigue plutôt entre les 3 et 5% en moyenne.

Serge Latouche, dans son livre le Pari de la décroissance préconise que nous adoptions "8 R" : réévaluer, reconceptualiser, restructurer, redistribuer, relocaliser, réduire, réutiliser, recycler.. qui l'amène aux préconisations suivantes. Latouche préconise que nous adoptions "8 R". Réévaluer, reconceptualiser, restructurer, redistribuer, relocaliser, réduire, réutiliser, recycler, à partir desquels il fait les propositions suivantes :

1) Revenir à l’empreinte écologique d’une seule Terre pour la France, 2) Internaliser les coûts des transports 3) Relocaliser la production 4) Restaurer l’agriculture paysanne 5) Utiliser les gains de productivité pour faire de la RTT 6) Produire des biens relationnels 7) Réduire les gaspillages d’un facteur 4 8) Pénaliser les dépenses de publicité 9) Décréter un moratoire sur les innovations technologiques17.

La relocalisation économique contre la délocalisation et la perte d’autonomie du développement économique local

Pour l’écologie sociale, les 8 «R» formant le cercle vertueux de la construction d'une société écologique soutenable , la réévaluation constitue logiquement la première action et la base du processus. Toutefois, la relocalisation représente à la fois le moyen stratégique le plus important et l'un des principaux objectifs de ce dernier. Cela traduit en quelque sorte l'application du vieux principe de l'écologie politique : penser globalement, agir localement.

La «relocalisation» est un thème récurrent dans les discours politiques et dans les médias. Il s'agit incontestablement d'une aspiration assez largement partagée. Il y a d'abord ceux qui veulent «vivre et travailler au pays», et puis plus simplement

17 LATOUCHE Serge, Le pari de la décroissance. 2006, Fayard, 302 p.

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tous ceux qui préféreraient ne pas voir leur entreprise délocalisée dans le Sud-est asiatique ou leur emploi supprimé pour cause de privatisation des services publics, avec la fermeture programmée des bureaux de poste, des dispensaires, des dessertes ferroviaires secondaires, etc.

Si, économiquement parlant, le «local» est ambigu du fait de son extension géographique à géométrie variable - de la localité à la région transnationale, du micro au macro, en passant par le méso, il renvoie de façon non équivoque au territoire, voire au terroir, et plus encore aux patrimoines installés (matériels, culturels, relationnels), donc aux limites, aux frontières et à l'enracinement.

Selon Latouche, qui est un des principaux penseurs de la décroissance et de l’écologie sociale, « cerner l'enjeu local, c'est d'abord dénoncer l'imposture du local lorsqu'il est accolé au développement, afin de penser sa renaissance dans un ‘’après-développement’’»18. La reconstruction sociale du territoire n'est plus alors seulement économique mais aussi politique et culturelle. Elle participe pleinement de l'objectif d'une société de décroissance.

Le retrait relatif au Nord du national et de ses tutelles, engendré par la mondialisation, réactive le «régional» et le «local». On a même forgé un vocable, « glocal », pour désigner cette nouvelle articulation entre le global et le local.

En desserrant les freins du dynamisme à la base, ce processus impulse parfois un regain culturel qui peut provoquer des synergies économiques. Les loisirs, la santé, l'éducation, l'environnement, le logement, les services à la personne se gèrent nécessairement, en effet, au niveau microterritorial du bassin de vie. Cette gestion du quotidien entraîne, de la part dune fraction de la population, exclue, contestataire ou solidaire, des initiatives citoyennes riches et méritoires pour tenter de retrouver une emprise sur le vécu. En Europe, mais aussi aux États-Unis, au Canada, en Australie, on assiste à un phénomène nouveau, la naissance de ceux que l'on a désignés comme les néoagriculteurs, néoruraux et néoartisans.

Les limites d’un développement économique local non autonome ou dirigé de l’extérieur

On a vu fleurir ces dernières années une myriade d'associations à but non lucratif (ou du moins non exclusivement lucratif) : entreprises coopératives en autogestion, communautés agricoles, AMAP (associations pour le maintien d'une agriculture paysanne), LETs (Local Exchange Trade System) et SEL (systèmes d'échange locaux), banques du temps, temps choisi, régies de quartier, crèches parentales, boutiques de gestion, guildes d'artisans, agriculture paysanne, banques éthiques ou mutuelles de crédit-risque, mouvements de commerce

18 LATOUCHE Serge, le Pari de la décroissance, Fayard, 2006, p. 198.

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équitable et solidaire, associations de consommateurs, entreprises d'insertion, bref, toute la nébuleuse de l'économie sociale et solidaire.

Les « retombées » économiques éventuelles de ce mouvement sont problématiques. Outre les auto-emplois, il crée surtout des emplois de services (administratifs ou services aux entreprises), de sous-traitance ou de services de proximité pour les résidents, que ne sont évidemment pas le résultat d'une dynamique intégrée.

S'articulant au développement économique et au marché mondial (avec les subsides de l'État ou de Bruxelles...), ces entreprises sont condamnées tôt ou tard à disparaître ou à se fondre dans le système dominant estime Latouche (2006 : 199), qui est très critique sur les méfaits du développement. « Elles perdent alors littéralement leur âme et finissent par être «instrumentalisées» par les pouvoirs publics, par les usagers, par leurs permanents et même par leurs « militants» bénévoles (qui y cherchent une expérience ou une formation valorisante).

À défaut d'une décolonisation en profondeur de l'imaginaire, au lieu d'inventer un art de l'usage et de la bonne consommation de ‘’l'autre’’ elles retombent dans les ornières du monde de la marchandise, même lorsqu'elles sont en marge du marché » Latouche (2006 : 199).

Si le « local » émerge aujourd'hui, il est ainsi le plus souvent accolé au concept de «développement». Il s'agit là d'un système désignant au mieux un « localisme hétéro-dirigé », au pire le cache sexe d'un processus de désertification et de dégradation des territoires, car l'on peut dire que nous sommes face à des territoires sans pouvoir à la merci de pouvoirs sans territoire.

Surtout si l'économie locale est dépendante de l'implantation d'un établissement rattaché à une grande firme. « En facilitant une gestion à distance, écrit Jean-Pierre Garnier, à la fois décentralisée et unifiée, d'unités dispersées dans l'espace, les nouvelles technologies de la communication permettent aux grandes firmes de superposer un espace organisationnel hors sol dont la structure et le fonctionnement obéissent à des stratégies d'entreprise de plus en plus autonomes à l'égard des activités et des politiques autocentrées sur des territoires déterminés19. »

L’hétéronomie est un obstacle au développement localLe concept d’autonomie est cher à beaucoup. Il regroupe un ensemble

d’institutions, d’aspirations profondes du style : prise en charge de son devenir, diminution de ses dépendances avec les mécanismes économiques que nous ne

19 Jean-Pierre Garnier, Le Capitalisme high tech, Amis de Spartacus, Paris, 1988, p.55.

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maîtrisons plus directement, pas plus que nos représentants ou délégués directs, créativité personnelle par opposition à l’Etat.

Toutes les personnes qui profitent en abondance des marchandises seront des adversaires acharnés de toute reconquête d’espace d’autonomie. Elles ne voient pas, en effet, ce qu’elles perdent dans cette accumulation, ni quelle société elle prépare pour leurs enfants. Mais, avant de plonger dans le concept d’autonomie, il nous faut préciser davantage son contraire : l’hétéronomie20.

Toute, société a besoin pour sa stabilité de poser un lieu extérieur à elle-même qui lui assurera un but existentiel, un sens à sa vie. Du bouc émissaire des tribus primitives au sacré » de la société traditionnelle, le sacré extérieur est intériorisé, c’est l’Etat, mais aussi la science, la technique, explique Jacques Ellul21 à la suite de Girard.

Dès que des conflits apparaissent entre les individus au point de compromettre l’équilibre social, la liaison de chacun à la totalité se renforce, c’est le processus de la société hétéronome largement décrite par Y. Illich22. Car, face au danger, les citoyens, sentent qu’il est préférable de faire preuve de solidarité, de cohésion, sinon ils risquent d’être majoritairement perdants.

« Au-delà de cet aspect volontiers provocateur, Ivan Illich s’est attaché à développer une critique radicale de ce qu’il appelle-le ‘’mode de production industriel’’. De quoi s’agit-il ? Pour lui, les hommes ont deux façons de produire ce qu’ils estiment nécessaire ou important de produire. Ou bien ils s’y attellent eux-mêmes, en produisant directement les valeurs d’usage qu’ils souhaitent, à la façon du jardinier amateur ou du bricoleur artisan. Ou bien ils ont recours à des marchandises produites par d’autres. L’humanité a très longtemps utilisé essentiellement la première voie, celle qu’Illich appelle le « mode de production autonome». Mais, pour des raisons d’efficacité, la seconde voie – le ‘’mode de production hétéronome’’ – est devenue prépondérante depuis quelques siècles, et omniprésente depuis quelques décennies. En apparence au moins, la division du travail permet en effet de produire davantage, elle facilite la mise au point de technologies performantes et la création d’objets innovants »23. Or, cette voie est une impasse, parce qu’elle prive l’homme de sa capacité à être autonome, de « la capacité personnelle de l’individu d’agir et de fabriquer, qui résulte de l’escalade, constamment renouvelée, dans l’abondance des produits» (Le chômage

20 François PLASSARD, Autonomie au quotidien, Réponses à la crise ? Pratiques Sociales, Paris, 198421 ELLUL Jacques, L'empire du non-sens. L’art et la société technicienne, Paris, Presses Universitaires de France, collection La politique éclatée, 1980.22 ILLICH Yvan, La convivialité, in OEuvres complètes, Volume 1, Editions Fayard, 200323 CLERC Denis, « Ivan Illich et la critique radicale de la société industrielle », Alternatives économiques, mai 2001.

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créateur)24. Il est remarquable de constater que les deux grandes idéologies de nos sociétés modernes, le libéralisme et le marxisme qui ont toutes les deux voulues le dépérissement de l’Etat au profit de citoyens, sont arrivées au contraire de leur objectif : le renforcement de l’Etat et de la société hétéronome.

Il est probable que « la stabilité d’une société serait dépendante de sa capacité à maintenir l’équilibre entre la présence de deux forces contraires, l’autonomie et l’hétéronomie25.

Une action de développement économique locale exemplaire : le district de Parthenay La Gâtine est un - pays » dans le département des Deux Sèvres, structuré

autour de sa capitale Parthenay (13 000 habitants). Le district de Parthenay a engagé depuis près de dix ans une action économique résolument volontariste.

Dans un premier temps, les élus ont cherché à valoriser l'emploi par des apports extérieurs en utilisant l'éventail classique des interventions financières et immobilières. Les résultats sont positifs, une entreprise américaine, Macrodyne, société de construction aéronautique, a créé localement près de 200 emplois.

Dans un second temps, la collectivité a pris la mesure de la mutation d'un monde rural à un monde plus industriel qu'elle était en train de vivre. Il devenait nécessaire de mettre en relation les besoins des entreprises et les aspirations de la population. Dès 1978, se crée le Club des entreprises de Gâtine qui regroupe près de 200 entreprises.

A travers plusieurs rencontres, les entrepreneurs ont pris conscience de l'intérêt qu'ils auraient à mieux se connaître pour agir en commun, s'échangent des savoir-faire, mettent en commun des locaux et des matériels, partent ensemble à la conquête de nouveaux marchés. L’osmose est plus forte aujourd’hui puisqu’ils engagent des campagnes de promotion collective sans que la puissance publique intervienne pour les y inciter.

Parmi les autres initiatives, on notera l'implantation du centre de recherche et d’études pour les aides techniques et leur industrialisation (Créati 84). Ce centre rassemble des industriels, des foyers pour handicapés, la collectivité locale, l'université de Poitiers et le ministère de la Recherche. Son objet est de mettre au point des produits sophistiqués facilitant la vie et l'autonomie des personnes à mobilité réduite. Un tel projet crée une liaison entre le monde de l'entreprise, les secteurs de la recherche et les acteurs du social en même temps qu'il débouche sur une création industrielle. Ces réalisations s'inscrivent dans un projet d'animation et de partenariat global que Michel Hervé, maire de Parthenay, 24 ILLICH Yvan, Le Chômage créateur, Postface à la convivialité, Paris, Seuil, 1977.25 PLASSARD, Op. cit. p.87

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exprime ainsi : « Maintenant, ce qui nous intéresse est de créer des structures qui mettent ensemble des gens en provenance, de domaines très différents : par exemple, mélanger les structures culturelles, sportives et économiques.

En associant ces divers aspects (…) on peut dépasser le cadre économique traditionnel cloisonné, où les entreprises s'inscrivent dans un domaine, les associations culturelles dans un autre, les écoles, le sport dans d'autres domaines encore, etc. Notre objectif est de bien valoriser à la fois les besoins culturels et l'extension des marchés d'entreprises. Cette valorisation passe par un développement des échanges »26.

Les propositions du développement économique local selon l’écologie

socialeLa mise en oeuvre des alternatives concrètes pour sortir de l'impasse du

développement se produit d'abord localement. Il est nécessaire de revitaliser le terreau local, au Nord comme au Sud, d'abord parce que, même dans une planète virtuelle, jusqu'à preuve du contraire, on vit localement, mais surtout pour sortir du développement, de l'économie et lutter contre la mondialisation.

Un enjeu consiste à éviter que le « glocal », cette instrumentalisation du local par le global, ne serve d'alibi à la poursuite de la désertification du tissu social.

Relocaliser, c'est bien sûr produire localement pour l'essentiel les produits servant à la satisfaction des besoins de la population à partir d'entreprises locales financées par l'épargne collectée localement.

Face aux dérives d'un modèle urbain centralisé dévoreur d'espace, il importe de travailler à une «renaissance des lieux » et à une reterritorialisation27.

Le « principe de subsidiarité du travail et de la production » formulé par Yvonne et Michel Lefebvre, c'est-à-dire le principe de la priorité à l'échelon décentralisé. Toute production pouvant se faire à l'échelle locale pour des besoins locaux devrait être réalisée localement.

Un tel principe repose sur le bon sens et non sur la rationalité économique. "Qu'importe de gagner quelques francs sur un objet, précisent les auteurs, quand il faut contribuer de plusieurs milliers de francs, par des charges diverses, à la survie d'une fraction de la population qui ne peut plus, justement, participer à la production de l'objet"28. En effet, le chômage à un coût économique important.

26 PROJET n° 216, mars-avril 1989 et Entretien avec la Mairie de Parthenay.27 Alberto MAGNAGHI, dans son livre Le Projet local (Mardaga, Sprimont, 2003), aborde avec pertinence et compétence de vraies questions.28 Yvonne MIGNOT, LEFEBVRE et Michel LEFEBVRE, Le Patrimoines du futur: Les sociétés aux prises avec la mondialisation, L’Harmattan, Paris, 1995, p. 235.

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Pour les partisans de l’écologie sociale, si les idées doivent ignorer les frontières, les mouvements de marchandises et de capitaux doivent être réduits à l'indispensable.

Aujourd'hui, « les activités productives locales concernent avant tout le processus d'autoproduction : entretien urbain, services de base et de secours réciproque, potagers urbains et marchés locaux, entretien du milieu, activités culturelles et ludiques, activités d'autoconstruction, artisanat local. Ces activités de proximité favorisent les échanges non mercantiles, des relations de réciprocité et de confiance : en d'autres termes, elles permettent la création d'un espace public fondé sur la reconnaissance et la valorisation d'un patrimoine commun, et l'émergence de nouvelles relations évitant la clôture sur soi-même » affirme Alberto Magnaghi29.

Pour l’écologie sociale, il faut pour cela impulser une réalisation plus complète. C'est l'essentiel de l'activité économique et de la vie tout court qui doit être reterritorialisé. Comment y parvenir? En internalisant les coûts externes du transport (infrastructure, pollution, dont effet de serre et dérèglement climatique), on relocaliserait probablement un grand nombre d'activités. Avec un coût du kilomètre multiplié par dix, les entreprises productrices redécouvriraient les vertus des produits et des marchés de proximité.

La relocalisation suppose d'en revenir à l'autoproductîon. L’autoproduction énergétique est aussi un argument fort de la relocalisation. Les énergies renouvelables comme le solaire ou les éoliennes sont adaptées à des implantations et à des usages locaux. On évite les déperditions dues au transport et la soustraction du sol aux usages agricoles. Avec la fin du pétrole, produire et consommer son énergie au plus près va devenir une nécessité.

Il existe, bien sûr, toute une série d'autres moyens pour susciter la relocalisation qui sont à leur tour des instruments et des objectifs et qui, tous, se renforcent réciproquement. On peut songer à la réappropriation de la monnaie à travers l'usage de monnaies locales, de monnaies fondantes ou de monnaies non convertibles (comme les Tickets-Restaurant, les bons vacances, etc.)

Finalement, on ne peut qu'adhérer aux conclusions d'Alberto Magnaghi: "La reterritorialîsation commence lorsque le territoire se voit restituer sa dimension de sujet vivant hautement complexe. Elle suppose une phase complexe et longue (50 ou 100 ans?) « d’assainissement », au cours de laquelle il ne s'agira plus de créer de nouvelles zones cultivables et de construire de nouvelles voles de communication » au profit de la préservation de l’environnement.

29 Alberto MAGNAGHI, Le Projet local, Op. cit. p. 92.

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L’économie solidaire est une forme de développement local L’ambition de l’économie sociale et solidaire, c’est de créer des outils pour le

développement de l’activité de la communauté pour la communauté. Donc elle relève du développement local. Mais il y a toujours une articulation des deux stratégies, en ce sens que même dans un développement très autocentré, il faut une source de financement qui permet l’achat de produits de la « grande économie » mondialisée (des ordinateurs, des téléviseurs...). Cette source, c’est la redistribution nationale (administration, dépenses sociales) ou les exportations locales. Un projet de développement de pays intègrera par exemple le tourisme à la ferme, ou la production bio et fermière de qualité. L’ambition est double : celle du marché local mais aussi, via le tourisme et l’appréciation des productions, une volonté exportatrice.

A Lyon, des chercheurs de toute discipline se réunissent en association pour consacrer 5% de leur temps à des recherches appliquées multidisciplinaires au service d'associations, de collectivités ou de petites entreprises.

Dans plusieurs villes de France, sous l'impulsion de l'ALDEA (Agence de Liaison pour le Développement de l'Expérimentation Alternative) des clubs d'investissements originaux se mettent en place. Au lieu d'épargner pour placer leur argent dans des valeurs boursières, des groupes de quinze individus d'une même localité misent leur épargne collective pour aider au démarrage d'une expérience alternative qu'ils ont sélectionnée auparavant personnellement. Ces expériences se poursuivent actuellement avec des organismes du même types nommés NEF et CIGALES. Il y a aussi portent les "boutiques de gestion", qui sont des associations d'accueil, d'aide à la maturation de micro-projets, liées à un réseau bénévole de compétences professionnelles variées attachées à un animateur permanent salarié. Toutes ces boutiques de gestion sont des associations 1901 d'individus qui ont signé, le 5 décembre 1980 à Cognac, une charte commune: « Le désir grandissant de vivre d'autres relations au travail et à l'argent, et d'accéder à un emploi autonome, conduisent des personnes ou des groupes à la création ou au développement d'organisations de production de biens ou de services n'ayant pas exclusivement des objectifs économiques. Ces personnes ou ces groupes recherchent à la fois, l'autonomie financière, un mode de fonctionnement collectif, et/ou une activité ayant une utilité sociale. La gestion est un outil indispensable à ces organisations, un outil qu'elles doivent être capables à terme de maîtriser collectivement. Les boutiques de gestion s’engagent à soutenir techniquement les promoteurs et les gestionnaires des organisations

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décrites ci-dessus, dans une perspective d'entraide de formation à l'autonomie et dans le respect des personnes »30.

Le développement économique local autogéré en FranceL'important n'est pas forcément que ces expériences durent, mais qu'il se crée

plus de nouveaux îlots d'autonomie qu'il n'en disparaît. Notre but n'est pas d'en faire un inventaire. Nous citerons simplement de nouveaux exemples, dans la simple intention de montrer la gamme étendue d'expression possible de ces pratiques sociales qui ne sont pas le fait seulement d'un milieu militant déterminé et conscientisé.

Dans les années 70, on à observer une recrudescence d’activités économiques fondées sur un développement autogéré. A Grenoble et à Mulhouse des citadins se dotent d'un atelier de menuiserie en commun, à l'image des ateliers collectifs autogérés qui fonctionnent depuis de nombreuses années à Stockholm.

A Lyon, cent cinquante citadins achètent un fonds de commerce dans une banlieue morose et installent un bistrot librairie. Une commission sélectionne les livres les plus intéressants, fait écrire un livre par un groupe d'enfants le mercredi après-midi. Un groupe de bénévoles aidé d'un salarié assure la restauration et diverses animations rencontres.

A Toulouse, un ensemble d'étudiants investisse tout un immeuble et transforme spontanément un des appartements en appartement collectif, lieu de rencontre et d'accueil.

A Lyon, cent cinquante individus investissent un local d'accueil et de rencontres où les expériences de chacun sur la santé sont échangées. L'objectif est de passer de la situation de malade spectateur de sa maladie, d'ignorant soumis à la Science Médicale sacralisée, à la situation d'acteur critique face à l'objet de sa maladie mieux comprise.

A Langogne, petite ville en milieu rural, deux infirmières et cent vingt usagers montent, malgré l'hostilité des médecins et notables locaux, un centre de soins et d'aides ménagères à domicile. Seuls les matériaux sont achetés, les travaux représentant quelques milliers d'heures sont réalisés bénévolement.

Dans la Loire, des agriculteurs embauchent deux jeunes vétérinaires qui partagent leur temps en visites préventives et curatives et en activités de formation pour rendre les agriculteurs plus autonomes et plus aptes à intervenir eux-mêmes sur les animaux malades.

30 François PLASSARD, Autonomie au quotidien, Réponses à la crise ? Pratiques Sociales, Paris, 1984, p. 120.

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Aux portes de Lyon, treize agriculteurs et trois artisans montent une halle paysanne, sorte de petit supermarché, pour écouler en commun leur production agricole diversifiée... à quelques kilomètres d'une grande surface.

Dans une petite commune rurale de la Manche, les habitants font en commun l'inventaire de leurs dépenses en énergie et des disponibilités en combustible de la commune : bois détaillés, paille, fumier. Un digesteur à méthane est construit et la commune passe un contrat avec les agriculteurs de livraison de plaquettes de broussailles broyées pour le chauffage des locaux communaux.

A Chambéry, des habitants lancent sur une grande parcelle en friche une remise en valeur de jardins familiaux avec des équipements collectifs.

A Lyon, des mères de famille montent une coopérative d'approvisionnement, un magasin de vente seconde main d'habillement et une crêperie.

A Toulouse, des étudiants montent un garage mutuel pour réparer leur véhicule eux-mêmes. Un après-midi par semaine un garagiste professionnel est embauché pour donner des conseils. A Lyon, c'est la même démarche qui est effectuée par une société coopérative ouvrière de production intitulée : "Les ateliers du temps libre". Chaque nouveau coopérateur dispose d'outils de professionnels et de conseils pour réparer sa voiture.

Caractéristiques des entreprises autogérées concernant la motivation vers l’autonomie :

- L'expérience autogestionnaire reste le fait de groupes restreints où les rapports de convivialité sont possibles, où les communications entre les individus peuvent se faire par interpellation directe, sans passer par la délégation de pouvoir venant du haut (hiérarchie) on du bas (élections).

- La spécialisation de chacun clans les taches est moins poussée que dans l'entreprise classique, souvent même il y a alternance ou polyvalence dans le travail et les responsabilités.

- Les prises de décisions et les objectifs sont discutés et pris en commun alors que, dans le meilleur des cas, dans la société hétéronome, il y a délégation successive (le pouvoir sur plusieurs échelons hiérarchises.

- La dimension relativement restreinte du groupe autogéré, son mode de production et d'organisation, la plus grande proximité des bénéficiaires ou clients des produits ou services, sont plus favorables à la présence de la "Relation" ce niveau noble de l'information, que nous avons défini par son niveau de complexité élevé englobant de l'incertitude, du hasard, de la surprise. Dans la société hétéronome, seule l'information (ou presque) n'a lieu d'être qui peut être codifiée,

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traitée, télématisée, informatisée ; la relation à l’autre est canalisée et sans surprise.

Ainsi, ce que nous appellerons société autonome n'est rien d’autre que l'existence de micro-sociétés hétéronomes dont la dimension permet aux hommes de maîtriser leur lieu de vie ou de production. Parce que ce lieu de projection collective a une signification concrète, palpable (qualité de vie, valorisation d'un espace de vie…). La survie de la société au présent dépend d'un rapport de forces plus équilibrées entre autonomie et hétéronomie.

Les jardins de Cocagne, un exemple de développement localEn, 1977, à Genève, une quarantaine de personnes invente les jardins de

Cocagne. En 1982, 180 citadins coopérateurs organisés par quartiers regroupés en trois unités, embauchent deux jardiniers qui sont payés au moins pour cultiver des légumes. Ils louent deux hectares de terrain maraîcher à dix kilomètres de la ville. En contrepartie d'une cotisation annuelle par ménages de 460 frcs de l’époque, ces citadins reçoivent tous les mardis pendant neuf mois leur consommation de légumes pour la semaine.

Les deux jeunes jardiniers de l'association se déclarent enthousiasmés par la formule :

« Sur deux hectares nous, cultivons 24 légumes différents, suivant un planning de production décidé une fois par an avec tous les coopérateurs. Notre voisin agriculteur cultive cinq légumes sur quatre hectares, il est obligé d'utiliser beaucoup plus de produits de traitements. Ses légumes produits il n’est jamais sur de pouvoir les vendre à leur prix de revient, alors que nous n'avons pas cette inquiétude et nous avons le privilège de pouvoir prendre deux mois de vacances par an ».

Cette activité autogérée, de dimension relativement restreinte, permet une polyvalence. « Nous ne sommes pas uniquement des maraîchers professionnels, mais surtout les animateurs de l'association. Nous avons aménagé un demi-hectare de prairie et de jeux d'enfants ou les coopérateurs qui le désirent se retrouvent le dimanche ; nous élaborons des recettes de cuisine facile sur les légumes de saison que nous livrons, et la récolte de fraises et de framboises est effectuée par les coopérateurs eux-mêmes. Notre voisin agriculteur a environ 30% de déchets entre les invendus et les produits qui ne satisfont pas à la normalisation de gestion des marchés. Nous ne connaissons pas ce problème. Cette année si les coopérateurs avaient du acheter les légumes que nous leur avons apportés, leur cotisation n'aurait pas dû être 460 Frcs, mais de 520 Frcs,

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mais il se peut que les très mauvaises années climatiques ce rapport soit inversé ».

Nous pouvons comparer ainsi la différence entre cet agriculteur chef d'entreprise et propriétaire de son capital, et le statut de ces deux jeunes salariés d'association. La comparaison est loin d'être aisée et met au défi toutes les luttes idéologiques partisanes quel que soit leur bord.

Dans ce cas précis les deux jeunes jardiniers n'envient pas l’agriculteur propriétaire de son capital et soumis aux aléas du marché, lequel marché prend de moins en moins en compte les prix de revient réel du produit. Nos deux jeunes jardiniers mettent en avant les qualités d'animateur qu'exige leur travail en plus de leur compétence professionnelle maraîchère. Cette double fonction les valorise humainement et les deux mois de vacances qu'ils prennent chaque aimée ne sont pas neutres quant au choix de vie qu'ils ont fait.

Mais le plus important dans cet exemple n'est-il pas encore que des personnes différentes, de milieux socio-professionnels variés se rencontrent spontanément alors qu'elles n'auraient jamais eu l'occasion de le faire, prisonnières de leur quotidien au sein de la société hétéronome.

Nous touchons ici le point central de notre plaidoyer sur l'autonomie : c'est à l'articulation entre l'hétéronomie et l'autonomie que de nouvelles pratiques sociales s'inventent parce que riches de relations. C'est à ce niveau que les individus cessent de subir pour devenir acteurs de quelque chose qui les concerne directement31.

31 François PLASSARD, Autonomie au quotidien, Réponses à la crise ? Pratiques Sociales, Paris, 1984

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3-LE DEVELOPPEMENT LOCAL AU PLAN POLITIQUELe développement local dépend des différentes formes de régulation

politiqueEn 2000 on constate, qu’il y a effectivement des cas de développement local

partout dans le monde. Par exemple au Pérou, en pleine guerre civile avec le Sentier Lumineux, dans un « barrio » très pauvre de Lima où s’est constitué un pôle de confection qui irradie maintenant dans le monde entier. Mais ce qui reste très majoritaire, ce sont les zones productives locales mises en place par les transnationales sur la base de la recherche de bas salaires ou de réglementations laxistes en matière d’environnement32.

Pour arriver à un bon développement économique local, Liepietz essaye de montrer qu’il faut arriver à un accord, aussi conflictuel soit-il mais aboutissant à des compromis négociés, entre quatre acteurs : les syndicats, le patronat, le système de formation professionnelle et les collectivités locales à différentes échelles33. L’exemple typique (et qui sera usé jusqu’à la corde) de la doctrine du développement local des années 80, c’est l’Émilie Romagne34: les travaux montrent un développement local basé sur une petite bourgeoisie paysanne qui accumule de l’argent dans la famille et dont les fils deviennent des ouvriers qualifiés puis de petits patrons. Mais l’Émilie Romagne est une région où le Parti Communiste organise tout, c’est-à-dire aussi les quatre acteurs précités du développement local : une très forte cohérence politique donc, fondée par la domination d’un parti. La même chose se retrouve plus au Nord, en Vénétie Julienne, où la Démocratie chrétienne joue exactement le même rôle.

Nous avons là deux exemples de régions assez petites, à l’intérieur de l’Italie. Mais la Corée du Sud, pour changer de continent et d’échelle, est l’exemple d’un développement centré sur un bloc social promu et organisé par la dictature militaire, qui joue exactement le même rôle et qui développe la Corée grâce à une mobilisation de toutes les ressources de l’État et de la Société. La Corée réalisera une transition qui, en trente ans, la hissera du niveau des Pays les Moins Avancés jusqu’à surclasser la Grande-Bretagne35.

Donc, la notion de "local" s’entend à diverses échelles : à l’échelle internationale, la Corée du Sud, c’est du local ; au niveau français, par exemple, le Choletais c’est local. Le local, c’est toujours un « lieu politique » où le développement se réalise grâce à un « prince moderne » (selon une expression

32 BENKO G., LIPIETZ A. (dir), 2000, La richesse des régions. La nouvelle géographie socio- économique, Paris, PUF33 BENKO, Ibid. 34 Emilie ROMAGNE : région italienne située dans le Nord de l’Italie le long de l’Adriatique, capitale Bologne.35 LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, Op. cit. 2002.

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de Gramsci commentant Machiavel), c’est à dire un groupe social catalyseur des potentialités locales. Ce prince peut s’incarner dans un groupe de journalistes ou d’enseignants, un parti politique local, l’Église, aussi parfois… Il y a un catalyseur politique qui permet cette négociation à quatre et donne à l’espace local une personnalité et une ambition.

Le développement local dépend largement de la forme de gouvernance. C’est pourquoi, des différences d’analyse doivent être apportées en fonction de la présence ou non de l’État : la Corée n’est pas Cholet. Par sa puissance législative et son "monopole de la violence légitime", l’État national a une capacité d’intervention d’un autre ordre et d’une puissance supérieure à ce qu’on appelle la gouvernance. Le mot est d’ailleurs venu de l’école de géographie humaine californienne. Une des définitions de la « gouvernance », est celle-ci : « c’est la capacité à forger des compromis sociaux sans utiliser nécessairement l’État central »36.

Le développement local suppose le développement d’une démocratie, d’un pouvoir local

La production locale se fonde également sur l’autonomie politique et économique, c'est-à-dire l’autoproduction. Chacun de ces choix doit être posé et débattu démocratiquement, sinon il s’agit d’une forme d’écofascisme en ce qui concerne les éléments de relocalisation à visée écologique. La relocalisation, peut contribuer à revivifier la démocratie locale.

Cette dernière « qui ne saurait être promu par des instances technocratiques, nécessite de nouvelles formes de démocratie, qui favorisent l'autogouvernement des communautés établies. La possibilité de réhabiliter et de ré-habiter les lieux ne se réalisera que lorsque les individus qui vivent dans ces lieux pourront à nouveau en prendre soin quotidiennement, secondés par une nouvelle sagesse environnementale, technique et gouvernementale »37.

C’est aux citoyens de prendre le pouvoir politique pour débattre et organiser cette production qui répondrait à leurs besoins, et... construire une société équitable socialement et soutenable écologiquement.

La renaissance politique et culturelle du local est à la fois un objectif en soi pour "réenchanter" la vie et un moyen pour la réalisation d'une relocalisation de l'économie, moins comprise comme aménagement économique du territoire que comme réenchâssement de l'économie dans la société locale. Dans la situation actuelle, selon Zygmunt Bauman, « exister localement dans un univers mondialisé 36 LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, Op. cit. 2002.37 Alberto MAGNAGHI, Le Projet local, Mardaga, Sprimont, 2003 p. 38.

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est un signe de dégradation et de dépossession sociales. Aux désagréments de l'existence locale s'ajoute le fait que les espaces publics se situent maintenant en dehors de la sphère locale : de sorte que les localités perdent peu à peu leur capacité à produire et à traiter de la signification »38. C'est-à-dire donner un sens par eux-mêmes, à leur propre production, à leur travail, à leur décision politique. Savoir ce qui les pousse à produire un type de légume, plutôt qu’un autre, une loi, plutôt qu’une autre.

C'est bien ce qui se passe, en effet, avec le "glocalisme". «Si nous, par exemple, à Varanasi, nous cessions de croire que nous sommes au centre du monde et que vous êtes périphériques, cela représenterait pour nous le suicide » affirme Raimon Panikkar39 . En effet, il souligne le besoin des individus de se sentir au centre du monde, pour pouvoir se développer. C’est finalement à la fois une faiblesse et une force. Il importe donc de renverser la vapeur. Et, partant, avant tout, de relocaliser le politique, par exemple d'inventer ou de réinventer une démocratie de proximité. La démocratie écologique se réalisera dans le "localisme".

Chez Takis Fotopoulos, qui a développé cette idée, le localisme se présente presque exclusivement sous cette dimension politique, tout en étant la solution des contradictions économiques.

La démocratie généralisée que préconise cet auteur suppose une "confédération de dèmoï", c'est à dire de petites unités homogènes de 30 000 habitants environ. Ce chiffre permet, selon lui, de satisfaire localement la plupart des besoins essentiels. Contrairement aux idées reçues, la taille ne serait pas un "déterminant exclusif ni même décisif de la viabilité économique"40. "Il faudra probablement, précise-t-il, morceler en plusieurs ‘’dèmoï’’ de nombreuses villes modernes étant donné leur gigantisme41

On obtiendrait en quelque sorte de petites républiques de quartier, en attendant ce réaménagement du territoire souhaité par Magnaghi. " La nouvelle organisation politique pourrait être, par exemple, une confédération de groupes autonomes (aux niveaux régional, continental et mondial) oeuvrant à la mutation démocratique de leurs communautés respectives »42.

Cette utopie démocratique locale rejoint les idées de la plupart des penseurs d'une démocratie écologique, comme l'anarchiste Murray Bookchin. " Il n'est pas

38 Zygmunt BAUMAN, Le Coût humain de la mondialisation, Hachette Littérature, 1999 p. 9.39 Raimon PANIKKAR, «Alternative à la culture moderne », Interculture (Montréal), n, 77, octobre-décembre 1982, p. 15.40 Takis FOTOPOULOS, Vers une démocratie générale, Une démocratie directe écologique et sociale, Seuil, Paris, 2002. p. 11541 Takis FOTOPOULOS, Op. cit. p. 215.42 Takis FOTOPOULOS, Op. cit.. p. 243

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totalement absurde, écrit ce dernier, de penser qu'une société écologique puisse être constituée d'une municipalité de petites municipalités, chacune desquelles serait formée par une "commune de communes" plus petites (...) en parfaite harmonie avec leur écosystème43. « Cela rejoint la vole tracée par le mouvement des " villes lentes " (Slow City), à la suite de celui des Slow Food. Il s'agit d'un réseau mondial de villes moyennes qui limitent volontairement leur croissance démographique à 60 000 habitants.

Au-delà, il deviendrait impossible de parler de " local " et de " lenteur ". On retrouve là encore l'idée du " village urbain " de l'urbaniste L. Lyon, visant à reterritorialiser la ville dans son espace environnant en repensant de fond en comble les logiques d'occupation des sols44.

Le même souci anime le réseau des communes nouvelles (Rete del Nuovo Municipio) en Italie, association qui propose des idées alternatives d'épanouissement local et de bonnes pratiques participatives, à la base, comme les budgets participatifs. Le réseau comprend des chercheurs, des mouvements sociaux et beaucoup de responsables locaux provenant de petites communes, mais aussi des entités plus importantes comme la province (département) de Milan et la région de Toscane. L'originalité du réseau consiste dans le choix d'une stratégie reposant sur le territoire, c'est-à-dire dans le fait de concevoir le local comme un champ d'interactions entre acteurs sociaux, environnement physique et patrimoines territoriaux.

Comme le dit la charte, « il s'agit d’un projet politique qui valorise les ressources et les spécificités locales, en encourageant des processus d'autonomie consciente et responsable et en refusant le pilotage extérieur (hétérodirection) de la main invisible du marché planétaire ». Dans la perspective offerte, le local n'est pas un microcosme fermé, mais un nœud dans un réseau de relations transversales vertueuses et solidaires, en vue d'expérimenter des pratiques de renforcement démocratique capables de résister à la domination libérale. Autrement dit, il s'agit de laboratoires d'analyse critique et d'autogouvernement pour la défense des biens communs explique Latouche45.

Plusieurs auteurs venus d'horizons divers se retrouvent ainsi autour de l'idée de "biorégions" ou de pays. Pour Paul Ariès, "cette relocalisation passera probablement par la montée en puissance de la notion de "pays" entendus comme des unités humaines, sociales et économiquement relativement proches, homogènes et solidaires". Il ajoute : " Nous ne devons pas seulement préserver la

43 Cité par Alberto MAGNAGHI, Le Projet local, Op. cit., p. 100.44 ?Clément HOMS, " Le localisme et la ville : l'exemple du village urbain " 2010.45 LATOUCHE Serge, Le pari de la décroissance. 2006, Fayard, p. 208.

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variété des semences paysannes mais aussi celle des diverses façons d'être au monde46. "

Ainsi comprise, la politique ne serait plus une technique pour détenir le pouvoir et l'exercer, mais redeviendrait l'autogestion de la société par ses membres47. L’agir local constitue même une voie de solution pour des impasses globales.

Utopie, dira-t-on ? Certes, pourtant, l'utopie locale est peut-être plus réaliste qu'on ne le pense, plus réaliste que, par exemple, la perspective d'une démocratie mondiale estime Latouche48.

Comme il est exclu de renverser frontalement la domination du capital et des puissances économiques, il ne reste que la possibilité d'entrer en dissidence. La reconquête ou la réinvention des commons (communaux, biens communs, espace communautaire) et l'auto-organisation de "biorégions" constituent une illustration possible de cette démarche'. C'est au niveau du vécu concret des citoyens, en effet, que se manifestent les attentes et les possibles.

« Se présenter aux élections locales, affirme Takis Fotopoulos, donne la possibilité de commencer à changer la société par en bas, ce qui est la seule stratégie démocratique, contrairement aux méthodes étatistes (qui se proposent de changer la société par en haut en s'emparant du pouvoir d'État) et aux approches dites de la "société civile" (qui ne visent pas du tout à changer le système). C'est parce que le dèmos (le peuple) est l'unité sociale et économique de base de la future société démocratique que nous devons partir du niveau local pour changer la Société »49. "

Dès aujourd'hui, conclut le député Verts Yves Cochet, nous devons « nous impliquer dans la vie municipale en participant aux élections, en assistant aux réunions du conseil, en devenant membre d'une association de Citoyens ayant pour objectif un aspect ou un autre de la sobriété : plus de place pour la marche à pied et les pistes cyclables, moins pour les voitures; plus de commerces de proximité variés, moins de grandes surfaces; plus de petits immeubles, moins de tours; plus de services proches, moins de zonage urbain, etc. »50

Dans ces conditions, selon Fotopoulos, "le grand problème d'une politique d'émancipation, c'est de trouver comment unir tous les groupes sociaux qui forment la base potentielle du nouveau sujet de la libération, comment les rassembler autour d'une vision du monde commune, d'un paradigme commun désignant clairement les structures actuelles qui ne cessent de concentrer le pouvoir à tous les niveaux, et les systèmes de valeur qui leur correspondent, 46 Paul ARIES, Décroissance ou barbarie, Golias, Villeurbanne, 2005, p. 111.47 Takis FOTOPOULOS, Vers une démocratie générale, Op. cit., p. 15.48 LATOUCHE Serge, Le pari de la décroissance. 2006, Fayard, p. 208.49 Takis FOTOPOULOS, Vers une démocratie générale, Op. cit., p. 24150 Yves COCHET, Pétrole Apocalypse, Fayard, 2005, p. 200.

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comme la cause ultime de la crise multidimensionnelle en cours". Il faut que "les diverses catégories qui constituent le nouveau sujet de la libération puissent devenir, ensemble, le catalyseur d'une nouvelle organisation sociale, qui réintégrera la société dans la politique, dans l'économie et dans la nature"51. La prise de conscience des contradictions globales suscite ainsi un agir local qui introduit le processus de changement. Voir dans la démocratie radicale et locale ou dans la démocratie participative la solution à tous les problèmes est sans doute excessif, mais la revitalisation de la démocratie locale constitue sûrement une dimension de la décroissance sereine.

La stratégie de la renaissance locale ne consiste donc pas à construire et à préserver une oasis dans le désert du marché mondial, mais à multiplier les expériences de reterritorialîsation et à étendre progressivement le réseau des " organismes " sains pour faire reculer le désert ou le féconder.

Latouche estime qu’il « s'agit de coordonner la protestation sociale avec la protestation écologique, avec la solidarité envers les exclus du Nord et du Sud, avec toutes les initiatives associatives qui vont dans le sens d'une revitalisation du local, pour articuler résistance et dissidence et pour déboucher, à terme, sur une société autonome participant à la ‘’décroissance conviviale’’»52.

Les pratiques politiques des élus : du national au localDepuis les années 80, quelle que soit l’orientation politique des

gouvernements, toutes les lois d’aménagement du territoire en France poursuivent une triple finalité : réconcilier le citoyen avec la politique, réduire les inégalités sociales et spatiales et améliorer l’efficacité des politiques publiques.

Ces lois ne peuvent être comprises qu’en abordant la mutation du contexte idéologique et en analysant les effets des « mots de l’aménagement » sur les pratiques individuelles et collectives. Depuis 1985, les lois de décentralisation, ont permis l’émergence de 5 figures de gouvernements locaux, selon les comportements et les pratiques des élus53:

a- Le local néo-jacobin avec un souverain local, dans une région, un département voire une communauté d’agglomération ou de communes, caractéristique du pouvoir d’un leader incontesté, disposant d’un pouvoir hiérarchique fort, centralisé, qui a renforcé son fief. Régulièrement les élus parlent de leur fief ; N. Sarkozy se félicitant d’être accueilli par son ami Jean-Pierre Raffarin «dans son fief» (9 novembre 2002, Futuroscope). Dans cet espace local,

51 Takis FOTOPOULOS, Une Démocratie Générale, Op. cit., p. 244. 52 LATOUCHE Serge, Le pari de la décroissance. 2006, Fayard, p. 208.53 Dans chaque région, l’État et la Région pourraient organiser une conférence annuelle de l’intercommunalité à fiscalité propre afin d’éviter le raisonnement en îlot des élus et pour faciliter le développement de politiques publiques transversales.

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le leader crée souvent un grand parc à thème, sur l’image, les volcans, la préhistoire…

b- Les baronnies locales ou la multiplication des féodalités, caractéristique souvent du développement du « quatrième pouvoir » ou de l’intercommunalité à fiscalité propre. Ce type d’espace voit les élus multiplier les « maisons », de la pêche, de la forêt, des loups, une ferme aux bisons, une forêt ou une vallée des singes, un château avec des aigles, une île aux serpents, un musée des modèles réduits, un labyrinthus… On assiste à un clonage et une concurrence des projets locaux, entre baronnies, mobilisant d’importants fonds publics sans aucune régulation par l’État.

Ainsi, dans les espaces ruraux et périurbains, le retour en force du conseiller général, avec l’explosion des communautés de communes sur une base cantonale illustre ce phénomène. Ce retour se traduit parfois par une mobilisation des acteurs et des atouts du canton mais, très souvent, l’on observe le développement d’un comportement de clientélisme, le renforcement d’un pouvoir personnel de type notabiliaire qui bloque les initiatives et nuit à la démocratie ;

c-Le local libéral, piloté et régulé par la demande des entrepreneurs ; dans ces espaces, les politiques publiques oublient les préoccupations sociales et culturelles ;

d-Le local technico-managérial, ou le pouvoir des techniciens est déterminant. Ce pouvoir est conforté par les réseaux techniques aux autres échelles décisionnelles, en particulier l’échelle régionale, ou la technostructure légitime la pratique des techniciens face à l’atonie des élus locaux. Ces derniers laissent faire, sans s’approprier la mise en oeuvre des politiques publiques. Ce sont des territoires qui multiplient les diagnostics, les projets, les procédures, les contrats et donc captent des subventions importantes, mais oublient le sens des politiques publiques.

e-Le local démocratique, ou les élus favorisent la concertation à tous les niveaux, décloisonnent les échanges, créent des espaces publics de débats, de participation, de co-élaboration des politiques publiques. Dans ces espaces, depuis plus de vingt ans, les initiatives individuelles et collectives, privées et publiques, associatives et entrepreneuriales… se sont multipliées, de façon très variable d’un territoire à l’autre favorisant un renouvellement inégal, dans l’espace

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et dans le temps, des sociétés locales : ce foisonnement d’initiatives a donné lieu au développement local 54.

Il ne suffit pas de transférer de nouvelles compétences aux régions, pour réconcilier le citoyen avec la politique, et disposer de politiques publiques plus efficaces. Le développement de l’intercommunalité en agglomération et communautés de communes a souvent favorisé l’enfermement des réflexions des élus en îlot, les facteurs endogènes de l’espace local étant pris en compte, sans analyser les dynamiques spatiales à d’autres échelles.

Ce processus intercommunal favorise aujourd’hui les espaces qui disposent des moyens intellectuels, humains, techniques et financiers de mise en oeuvre des compétences décentralisées, mais laisse de côté de nombreux espaces urbains ou ruraux.

Les intercommunalités qui réussissent sont caractérisées par l’édification des politiques locales par des réseaux larges, ouverts, complexes d’acteurs.

Les espaces locaux néojacobins, de baronnies, libéraux ou technico-gestionnaires confortent la république des féodalités et ne favorisent pas un développement territorial équitable. Cette mutation doit accompagner de nouvelles façons de faire des élus. Les élus développent trop souvent des comportements notabiliaires, ce qui réduit fortement l’efficacité sociale des actions.

Il semble nécessaire de légiférer pour limiter le nombre et le cumul des mandats. Les situations sont trop nombreuses où le député est maire, conseiller général, vice-président du Conseil Général, président de la communauté de communes, du syndicat de « pays », d’un important syndicat de travaux agricoles (qui réalise la collecte des ordures ménagères pour la communauté de communes), président d’une structure de gestion à l’échelle du département (eau, électricité…) la régie d’électricité du département.

La limitation du cumul des mandats, est une condition nécessaire mais non suffisante, elle doit s’accompagner de nouvelles façons d’être des élus, favorisée par une formation régulière. Ces derniers doivent élaborer, en amont, la réflexion avec les habitants, consulter, co-construire avec eux, afin que les décisions soient partagées et aient du sens pour ceux qui utilisent les réalisations communales ou intercommunales.

Ce vaste chantier replace « l’acteur ordinaire » au centre du processus d’élaboration des politiques publiques et de l’action collective. Ce mouvement pourrait favoriser le développement d’une citoyenneté localisée qui repose sur l’empathie, la civilité et la pluralité de l’espace public. Cette nouvelle approche de

54 Yves JEAN, Du développement local au développement durable : la nécessaire mutation culturelle de l’état et des élus, p. 32-39, in CHAREF, 2005, Op. cit.

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la citoyenneté concerne la politique, c’est-à-dire la tension entre l’amélioration de l’efficacité des actions et l’équité pour les habitants et les territoires, soit le besoin d’équité sociospatiale.

Le développement de la citoyenneté localisée a été évoqué par de nombreux auteurs, une citoyenneté qui oblige à séparer l’appartenance sociale et l’appartenance citoyenne afin de privilégier l’individu, qui met l’accent sur l’empathie, c’est-à-dire, la capacité à se mettre à la place de l’autre pour le comprendre et qui s’appuie sur la civilité.

Cette multitude d’initiatives favorisant la citoyenneté active a souvent pour origine une réaction aux effets de la mondialisation des échanges. C’est un premier stade de reconstruction citoyenne qui intègre une vision globale au niveau local, en prenant en compte les interactions complexes entre l’économique, le social, le culturel, l’environnement.

Cela nécessite, d’une part, une plus grande circulation des informations pour que les politiques publiques soient débattues et appropriées par les citoyens, en particulier grâce à des espaces publics plus nombreux et, d’autre part, des politiques publiques ayant pour finalité de réduire les inégalités sociales et spatiales par une péréquation aux différentes échelles, du régional au national et à l’Union européenne55.

Quatre thèmes à approfondir pour analyser la démocratie locale1. les approches multiscalaires – du local au mondial – par l’observation, dans

le temps long et immédiat, des relations entre le local et l’extérieur afin de préciser les chaînes de réseaux avec l’extérieur. Plus ces chaînes sont longues et diversifiées, plus l’espace local est capable d’autonomie et d’innovation économique et sociale.

Plusieurs questionnements doivent être abordés : est-ce que les modes de développement à l’œuvre dans chaque espace observé permettent un développement de ces espaces reconductible sur le long terme, en particulier, est ce qu’il permet d’assurer le bien-être, pour les régions périphériques étudiées, et un bien-être accru pour les populations dans le futur ? Comment articuler le développement durable intra-régional, local avec un développement durable régional, national et mondial soit les questions liées aux articulations des échelles intra et inter-régionales ? Pour préciser cette idée, est-ce que la promotion d’un bien-être ou d’un mieux-être des populations régionales, reproductible à long terme, est-elle compatible avec un développement économe en ressources

55 Yves JEAN, Du développement local au développement durable : la nécessaire mutation culturelle de l’état et des élus, p. 33- 39, Op.cit.

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environnementales et un mieux-être au niveau global ? Ceci invite à insister sur l’importance des régulations à l’échelle des États, entre le local et le global.

2. La réflexion sur les notions de frottements, de tensions, de conflits ainsi que celle de l’apprivoisement du pouvoir pour devenir citoyen.

3. Une utilisation précise des termes, souvent polysémiques, tel que pouvoir, identité, communauté, culture, local, acteur, environnement, territoire. La question d’identité est très présente dans les discours des acteurs et il n’est pas certain que le rapport de l’individu à l’autre, à la famille, au groupe, à la «communauté», au temps et au territoire se pose de façon semblable dans l’ensemble des espaces étudiés.

Enfin S. Gruzunski qui nous invite à se méfier des termes de culture et d’identité. Ainsi : « La notion de culture entretient la croyance qu’il existerait un ensemble complexe, une totalité cohérente, stable, aux contours tangibles, capable de conditionner les comportements… mais cette démarche culturaliste conduit à imprimer à la réalité une obsession d’ordre, de découpage et de mise en forme qui est le propre de la modernité »56.

4. Le double processus de territorialisation des politiques publiques nous invite à observer et analyser les formes du retour au local, le développement d’une nouvelle forme de citoyenneté, localisée et articulée au global, aux enjeux mondiaux.

La problématique environnementale favorise souvent la mise en scène d’une citoyenneté localisée qui oblige à séparer l’appartenance sociale et l’appartenance citoyenne afin de privilégier l’individu, qui met l’accent sur l’empathie, c’est-à-dire, la capacité à se mettre à la place de l’autre pour le comprendre et qui s’appuie sur la civilité.

Articuler les coopérations a l’échelle d'un territoire57 : l’exemple de l’Ardecod58 et d’Avicom-ci59

Comment au sein d'une même région, d'un même territoire, articuler les différentes coopérations en présence ? Comment assurer un cadre de concertation et d'échanges et organiser les complémentarités entre les différents acteurs du développement local ? Quelles peuvent être les spécificités de la 56 GRUZUNSKI (S.), 1999, La pensée métisse, Fayard, 385 p.57 ALLOU Serge, DI LORETO Philippe, Coopération décentralisée au développement local urbain en Afrique, Pratiques et débat, Les éditions du Gret, juin, 1999. - Entretien de Philippe Lecomte, chargé de mission à l'Ardecod.- Assises régionales de la coopération et de la solidarité internationale, 26 avril 1999. - Programme de développement municipal et régional à Man en Côte divoire, Cuf.58 Ardecod: Association régionale pour le développement de la coopération décentralisée, regroupant 23 communes ainsi que le Parc naturel du Haut-jura.59 Avicom-CI: Association des villes et communes de l'Ouest montagneux, regroupant 25 communes.

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coopération décentralisée pour mener ces articulations ? Le cas de l’Ardecod de Franche Comté et de l'Avicom-Cl-' de Côte d'ivoire apporte un éclairage innovant.

a-Le contexte et les enjeuxDerrière ce projet, il y a une volonté d'élargir le champ des projets de

coopération décentralisée, de ne plus réfléchir uniquement au niveau du développement des villes mais également à l'échelle de la région. En 1986-87, le ministère de l’environnement de Côte d'ivoire cherchait un partenaire pour intervenir sur le Parc du Mont Sangbé. Cette demande a rencontré un écho favorable auprès de la Diren (Direction de l'Environnement) de Franche-Comté et du Parc naturel régional du Haut-Jura. En 1989, cette coopération est élargie par un jumelage entre deux régions et les villes et/ou communes qui les composent : celles de Franche-comté et celles de la région des montagnes de l'Ouest ivoirien. Cette coopération entraîne, en 1991, la création de deux associations : l'Ardecod en Franche-Comté et l'Avicom-CI en Côte d'ivoire.

À la suite d'une rencontre organisée à Man, qui regroupait plusieurs villes de Franche-Comté ainsi que des bailleurs de fonds, pour présenter le projet de coopération entre la ville de Man et de Besançon, les acteurs en présence ont décidé de réfléchir à la mise en place de projets de coopération décentralisée au niveau de la région. Les bailleurs de fonds (Union européenne, Coopération française) ont vivement encouragé les différentes villes françaises et ivoiriennes dans cette voie.

b-Les enjeux d'une réflexion et d'une action à l'échelle de la région sont divers :

- En Côte d'Ivoire, la région Ouest sert de « test » pour la régionalisation en cours. Un Haut Commissariat pour le développement' de la région a été constitué spécialement pour mener cette régionalisation;

-Le regroupement de plusieurs villes de tailles différentes permet à des petites villes aussi bien au Nord qu'au Sud de s'impliquer dans des actions de coopération décentralisée.

- La réflexion sur un programme de développement des villes menée à l'échelle d'une région permet de confronter des points de vue et d'articuler les actions avec d'autres coopérations qui interviennent souvent à une échelle nationale ou régionale (projets de l’Union européenne ou de la Coopération française).

La constitution d'instances régionales permet d’avoir accès à des projets et des financements plus importants. L'Ardecod et Avicom-CI gèrent ainsi un programme important de l'Union européenne d'amélioration de l'environnement urbain.

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c-Les modalités de mise en œuvreLes objectifs de l'Ardecod et de l'Avicom-CI sont de développer au Nord

comme au Sud :- La capacité de concertation des villes et des acteurs (élus, techniciens,

habitants)- La capacité opérationnelle intercommunale des villes.

Bien que constituées sur le même principe, les deux structures présentent cependant des particularités :

- Au niveau de l’Ardecod, le conseil est constitué d'élus des différentes villes et la structure est gérée par un permanent chargé d'assurer le suivi des projets. Les membres du conseil sont rarement les maires des villes qui préfèrent déléguer le suivi de ces dossiers à un adjoint. Des cadres techniques des villes participent souvent aux réunions du conseil où ils viennent rendre compte des missions effectuées dans le cadre de leur coopération. L’Ardecod n'a pas d'enjeux politiques, c'est un cadre de concertation et d'échanges.

Au niveau de l'Avicom-CI, les membres du conseil sont les maires des villes. Il n'y a pas de représentants des services municipaux. Si l’intercommunalité existe en Côte d'Ivoire, la structure reste le jeu de tensions pour le leadership de la région. La structure rencontre ainsi des problèmes de désaccords politiques et des problèmes liés à la recherche de leadership pour le contrôle de la région. En effet, pour certains élus, la structure constitue une « vitrine » pour légitimer leur pouvoir au niveau de la région.

Les deux structures sont associées dans la gestion des dossiers. Sur des projets qui génèrent des gros financements (cas du Fonds européen de développement), des frais de gestion sont affectés aux deux structures. La gestion des crédits d'investissement reste à la charge de l'Ardecod qui implique Avicom-CI dans l'utilisation de ces crédits (la structure ivoirienne anime le projet localement selon une méthodologie définie en commun avec l'Ardecod).

La gestion du programme européen a permis à l'Ardecod et à Avicom-CI d'expérimenter des méthodologies et des outils de travail :

- définition du cadre de sélection des quartiers à équiper (il faut en priorité toucher les personnes défavorisées, impliquer la municipalité, etc.);

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- mise en place d'outils pour réaliser des appels d'offres (définition des cahiers des charges) ;

- capitalisation au fur et à mesure de l'avancée du projet.

L’articulation du travail de tous les acteurs en charge du développement social urbain est une fonction essentielle des municipalités. Elles ont en effet, une réelle légitimité pour assurer cette concertation.

Sur ce programme européen, la priorité des deux structures a été d'impliquer un maximum d'acteurs:•

- État ivoirien : le comité de pilotage, constitué pour ce programme, est dirigé par le préfet de la région qui vérifie si les aménagements prévus sont en cohérence avec la politique ivoirienne.

- Les services d'État concernés : l'avis et l'intervention de la direction de 'Hydraulique sont sollicités pour réaliser les grosses infrastructures (service hydraulique urbain) et les réfections des pompes (service hydraulique villageoise).

- Les autres opérateurs : tous les intervenants dans le domaine de l'eau sur la région (bailleurs, autres coopérations, ONG, bureaux d'études, etc.) ont été rencontrés afin qu'une bonne coordination entre les différents projets ait lieu.

L’Ardecod et l'Avicom-CI ont toujours été à l'initiative de ces rencontres et demandeurs d'une collaboration avec les autres opérateurs, afin qu'il y ait une harmonisation des actions des uns et des autres. Ce rôle ne leur était pas demandé explicitement, mais dans la mesure où ils travaillent sur l'intercommunalité et sur une gestion de projets à l'échelle de la région, il leur a semblé évident et nécessaire d'établir ces concertations.

Cette logique d'intervention relève du rôle assigné à la commune et à la mairie en France. Pourtant, cette fonction de coordination des actions n'est pas toujours évidente à mener pour les maires de Côte d'Ivoire. En effet, ils sont confrontés à plusieurs problèmes :

- manque de légitimité : les maires sont souvent encore considérés par la population comme des représentants de l'État. Ils sont souvent vus comme «ceux qui vont mettre des bâtons dans les roues», qui vont bloquer l'avancement des projets, etc.

- préjugés de la plupart des acteurs de développement qui sont méfiants vis-à-vis des objectifs politiques des mairies et de leurs capacités à remplir leurs fonctions. Ainsi, ils tiennent systématiquement la mairie à l'écart des programmes.

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Les intervenants du développement (ONG, bureaux d'études, opérateurs locaux, etc.) tiennent souvent les mairies à l'écart en recherchant un contact direct avec un quartier ou une association. Quand ils informent les municipalités, ils ont néanmoins tendance à contourner, la municipalité dès les premières difficultés et à se méfier des structures politiques. Les projets des coopérations bilatérale et multilatérale sont négociés avec l'Etat et souvent des projets sont menés dans des communes sans que le maire soit informé et consulté. Ces projets contournent l'autorité locale en s'appuyant sur les institutions nationales.

Or, pour la coopération décentralisée, les municipalités du Sud sont les interlocuteurs directs dont il faut appuyer et renforcer le rôle et la légitimité. De plus, le développement communal est la pratique quotidienne des villes du Nord et constitue le cœur de l'expérience qu'elles ont à transmettre. Elles connaissent l'inertie des municipalités et savent que l'apprentissage de la gestion municipale est un long cheminement. Elles acceptent ce fait, car il est pour elles impensable de travailler autrement qu'en relation avec les communes.

d-Les intérêts et les impacts de ce type d'interventionLe travail développé dans le cadre de l'Ardecod et l'Avicom-CI présente

plusieurs avantages :- Ces structures ont permis à des petites villes du Nord comme du Sud

d'accéder à la coopération décentralisée et à des projets plus importants que ce qu'elles auraient pu mettre en oeuvre seules. Sans l'Ardecod, seules deux ou trois grosses communes franc-comtoises pourraient gérer une coopération décentralisée. Au niveau de l'Ardecod, les villes françaises cotisent à hauteur de ce qu'elles peuvent engager et profitent des mêmes services et échanges quelle que soit leur participation financière.

- Toutes les villes qui se sont impliquées dans l’Ardecod affirment en retirer énormément : plus grande ouverture, richesse des échanges, volonté de s'impliquer à un niveau plus large, etc.

- Les projets mis en oeuvre ont permis une amélioration de la démocratie locale et des services urbains au niveau des villes du Sud.

- Elles représentent également un atout fort pour coordonner des actions de coopération à l'échelle d'une région et inscrire les projets de développement social urbain dans une logique municipale. La municipalité devient le coordonnateur et l'opérateur central du développement de la ville.

e-Les limites et les contraintes de ce type d'intervention

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L’intercommunalité est un difficile aussi essentiel pour initier des opérations d'envergure à l’échelle d’une région. Cependant, l’intercommunalité ne fonctionne pas toujours bien en Côte d'Ivoire et la structure ivoirienne a tendance à être trop politisée. Ainsi, en période électorale, toutes les villes ivoiriennes sont paralysées et la structure ne fonctionne plus.

De plus, il est difficile de faire vivre la structure. Si les villes ivoiriennes reconnaissent un intérêt fort à la structure pour échanger au niveau de la région, elles ne lui donnent pas les moyens de fonctionner efficacement et de jouer son rôle de coordination (toutes les villes ne paient pas leur cotisation et il est difficile de salarier une personne compétente sans pouvoir lui assurer un minimum de budget de fonctionnement). Actuellement, le travail de coordination est assuré par un coopérant français du service national sur financement de la Coopération française, mais cette solution ne peut être que provisoire.

Pour les maires ivoiriens, l'Avicom-CI est beaucoup plus considérée comme une réponse à des problèmes logistiques au profit de chaque ville plutôt qu'un tout en étant un outil moteur du développement régional.

Enfin, l'intercommunalité est un outil au service des villes quand celles-ci rencontrent des problèmes de fonctionnement, mais il ne doit pas y avoir de substitution d'une structure intercommunale aux municipalités. Entre autres, cette structure ne doit pas dessaisir les villes de leurs compétences et agir à leur place. Elle doit rester un vecteur d'initiatives et un élément moteur. L’intercommunalité n'est également pas évidente en France. Elle demande une forte implication des élus pour peu de compensations électives directes.

f-Conclusion sur le projet de développement local de l’Ardecod et de l’Avicom

Les villes du Nord comme du Sud reconnaissent tirer de nombreux avantages de l'intercommunalité et beaucoup avouent que sans la mise en place de l’Ardecod et de l'Avicom-CI, elles ne feraient rien. Les villes échangent ainsi des points de vue, des pratiques, des savoir-faire et travaillent sur des méthodologies communes. Quand une ville ne sait pas comment mener un projet ou des actions, elle trouve un cadre de concertation.

Avicom-CI est devenue en quelque sorte un label en Côte d'Ivoire et d'autres régions commencent à mettre en place des structures équivalentes.

La coopération décentralisée a un rôle important à jouer dans l'animation de la coordination des actions au niveau d'un territoire donné. Un exemple de l'Ardecod

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et de l'Avicom-CI montre des axes de réflexions intéressants pour l'articulation des différentes coopérations.

La mise en place de structures intercommunales permet une collaboration entre les villes partie prenante de la coopération décentralisée et une structuration des acteurs, en mesure alors de s'affirmer comme des interlocuteurs auprès de bailleurs de fonds plus importants.

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4-LE DEVELOPPEMENT LOCAL AU PLAN AGRICOLELa production extensive et naturelle permet une forte productivité et

l’accès à l’autonomie. C’est ce que nous montre le film documentaire, « Herbe » sorti en 2008,

réalisé par Matthieu Levain et Olivier Porte. Il se déroule dans la Bretagne paysanne. Alors que des fermes se sont engagées depuis plusieurs années dans une agriculture autonome, durable et performante, la majorité de la profession refusent cette approche. Ce film illustre très bien, deux orientations opposées de la production agricole. D’un côté la production extensive et naturelle et de l’autre, la production agro-industrielle qui est intensive, productiviste, chimique, modifié génétiquement et fortement irriguée. Cette dernière approche est le résultat de l'industrie agro-alimentaire et du complexe pétro-chimique de transnationales, telle Monsanto. Elle a pour objectif de vendre plus d’engrais et de pesticides qui proviennent en large partie de la production de pétrole. Cette orientation qui s’est fortement accélérée durant ce que l’on a appelé la révolution verte au cours de la période 1944-1970. Mais cette dernière devrait plutôt être qualifiée de révolution industrielle de l’agriculture, dans la mesure ou il se s’agit que de la couleur verte des plantes et non pas du vert de l’écologique. Cette approche est encore renforcée par le fait que les faits que les ingénieurs agronomes sont formés dans cette optique. D’ailleurs les lobbies de l’industrie font pressions de diverses manières afin que les ingénieurs, soient formés ainsi.

Or, ce mode de production fondé sur le pétrole et la mécanisation va devenir de plus en plus coûteux du fait de la raréfaction du pétrole. Il a déjà un coût très important en terme même simplement financier, car les agriculteurs de ce type doivent emprunter aux banques privées. Ces prêts vont leur permettre d’acheter de gros tracteurs, de grands systèmes de traites automatisées, de fabriquer de très grosses exploitations agricoles, capables d’accueillir un gros troupeau de vaches laitières et de les nourrir, mais aussi de stocker du mais et du soja qu’ils produisent eux-mêmes. Ce modèle de production industrialisé, permet de produire beaucoup, avec très peu de personnel. Cependant cela à plusieurs inconvénients. Le premier c’est qu’il a un coût financier très important, ce qui oblige les agriculteurs à travailler de très longues journées à un faible salaire, afin de rembourser leurs emprunts aux banques. C’est par contre un mode de production très rentable pour le capitalisme bancaire et pétrochimique.

A l’inverse les paysans qui ont choisi de nourrir leur troupeau avec de l’herbe en laissant paître leur troupeau dans les prairies, n’ont pas eu besoin de faire de prêts si importants. Le mode de production naturel et extensif peut-être qualifiée de post-moderne, dans la mesure ou elle cherche à conjuguer certains avantages

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de l’agriculture moderne (un petit tracteur) et de l’agriculture traditionnelle (laisser les vaches brouter l’herbe qui pousse grâce aux seules force de la nature : la terre, la pluie et le soleil). Ainsi, dans ce film on constate, que les salaires mensuels de ce type de paysans sont relativement proche de ceux de l’agriculture industrialisés, mais par contre leur salaire horaire est considérablement plus élevés, car ils ne travaillent environ 30 à 50% de temps en moins !

André Pochon,  est un agriculteur breton qui fait la promotion d’une agriculture non productiviste. Il affirme qu’une « une prairie bien exploitée produit beaucoup d’énergie (jusqu’à 10000 à 12000 unités fourragères/ha), et pléthore de protéines (de 1800 à 2000 kg de matière azotée digestible). Qui donc prétend que le retour à la prairie est le retour à l’extensif? Avec de l’herbe vous allez doubler votre production en travaillant beaucoup moins… Le suivi des 27 exploitations par l’Inra, et, d’une manière très pointue, des 17 fermes laitières reconverties, montre que ces dernières ont amélioré leur revenu; le travail y est plus agréable, et la pollution azotée est diminuée de 2/3. Quant aux pesticides, il a été impossible d’en trouver trace à l’exutoire du mini bassin versant de Trémargat. Mais depuis cette étude qui s’étend de 1993 à 1998, le Cedapa a fait tache d’huile. En 2002 en Côtes d’Armor, ce sont plus de 400 éleveurs, dans le Grand-Ouest plus de 3000, qui se sont reconvertis. Pas un seul ne voudrait revenir à sa situation antérieure. A titre d’exemple, voici l’évolution du coût alimentaire d’un litre de lait de l’un d’entre eux, sur deux ans:

  AVANT APRÈSCoût des concentrés 0,25 F 0,124 FCoût des fourrages 0,22 F 0,102 FTotal 0,47 F 0,226 FEconomie par litre de lait 0,245 F (- 48%)

La production avec de l’herbe permet, donc de diminuer le coût de production de 48% ! (Pochon, 2003)60. De plus le temps de travail est lui aussi presque divisé par 30 à 50%. Cela offre donc rendement supérieur d’environ 70 à 100%. Dans certains cas, on estime qu’un agriculteur gagnerait 10 000 Euros de plus par an en nourrissant son troupeau de vache avec de l’herbe, plutôt qu’avec du soja et du mais61. Cette comparaison illustre à quel point la productivité de l’agriculture

60 POCHON André, L’almanach des vingt ans de l’agriculture durable, Edité par la Mission Agrobiosciences, 2003. Edité par la Mission Agrobiosciences, 2003.61 JARDINONS LA PLANETE, 2009, Vivre d’herbe et d’eau fraîche: un exemple concret de décroissance, http://jardinons.wordpress.com/2008/11/23/decroissance-herbagere-en-pays-de-caux/

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naturelle et extensive est la plus forte. C’est donc une véritable remise en cause du dogme industriel et techniciste.

Le mode de production industriel promu, notamment par la « révolution verte » se révèle aussi trop coûteux pour les paysans des PED. Un mode de production plus naturel, tel que l’utilisation de l’herbe et l’usage des technologies appropriées, comme la traction animale par exemple, semble plus soutenable. Pour la population paysanne, qui représente encore la majorité des actifs dans le monde, L’autre priorité consiste dans l’accès à la terre et donc au partage des terres. Or, la pression du capitalisme et de l’industrialisation pousse au contraire vers la concentration.

En Europe la progression de l’industrialisation dans les villes et le besoin de main d’œuvre ouvrière a conduit l’Etat à verser des subventions au départ pour les paysans. Ajouter à la mécanisation de la production agricole, cela a conduit à un fort exode rural. En France le secteur primaire représente une part très faible de la population active, par contre le nombre de chômeur, lui, augmente régulièrement depuis au moins un siècle. On peut donc constater que la prolétarisation, et la précarisation du monde rural ont été organisées au détriment de la classe paysanne, qui travaillaient de manière relativement autogestionnaire et qui représentait un pouvoir économique et politique fort en France, auparavant. Un document de prospective nommé World Urbanization Prospects publié par l’ONU en 2006, montre que la population rurale représentait encore plus de la moitié de l’humanité.

« L’agriculture, qui figure parmi les plus vieux métiers du monde, continue à être le premier employeur de la planète : 45% de la population active mondiale travaillaient encore dans l’agriculture. Selon la FAO, que l’on peut croire à ce sujet (plus que sur ses prospectives récentes concernant l’agriculture biologique) leur nombre est encore appelé à progresser dans les deux décennies qui viennent. Conservons toujours en mémoire que sur les 1350 millions d’agriculteurs de la planète, les 2/3 sont soit chinois, soit indiens » précise Landy (2006)62.

Dans les pays industrialisés, certaines communautés alternatives, tel « Lango Mai », font la promotion du retour à la terre, comme une solution simple, vers une plus grande autonomie professionnelle et économique, dans la ligne du socialisme autogestionnaire. Suivre cet exemple, dans certaines villes des PED, où il existe un haut niveau de chômage, offriraient aussi, aux plus pauvres et aux plus précaires des travailleurs, une plus une plus grande autonomie professionnelle et alimentaire et pour leur pays.

62 LANDY F. 2006, Un milliard à nourrir : grain, territoire et politiques en Inde, Belin.

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Culture Moderne(du capitalisme

occidental techno-industriel)

Culture traditionnelle (des peuples premiers)

Culture postmoderne

(de l’écosocialisme

autogestionnaire)

Mode d'échange (lien socio-

économique)

Recherche de l'intérêt individuel par le profit économique ou symbolique (prestige)

Echange monétaire international

Ouverture des marchés à la loi du

plus fort

Don et contre don matériel, symbolique et social

Troc

Monétaire (globale) et monnaie locale (SEL)

Economie de proximité (pour privilégier aussi la relation sociale)

Protectionnisme

Méthode de culture

ProductivisteIntensiveChimique,

génétique, enrichissant l'industrie agro-

alimentaire

ExtensiveFondée sur l'harmonie

avec les esprits des plantes, de la pluie…Cueillette, chasse

(Nomadisme), culture sur brûlis

BiologiqueCulture de proximitéRotation des cultures

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5-DÉVELOPPEMENT LOCAL AU PLAN GEOGRAPHIQUE : L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Histoire du développement local au plan géographiqueLa notion de développement local va être remplacée, à partir des années 1990,

par celle de territoire, qui deviendra hégémonique. Dans le langage commun, tout devient territoire, des politiques publiques qui ont le leur comme les minorités ethniques, les différentes espèces animales comme les tribus en Afrique ou à l’Assemblée nationale63, les universitaires comme les élus…

Ce retour du territoire, s’inscrit dans un contexte économique et idéologique caractérisé par un phénomène de mondialisation et une déterritorialisation/reterritorialisation accentuée de la production, des échanges, des concentrations industrielles et financières, de la circulation accélérée des idées, des capitaux, des marchandises, des hommes et par une volonté individuelle d’ancrage, d’identité, d’un « besoin de territoire, d’être de quelque part ». La notion de territoire traverse les sciences sociales. Pour les géographes, le territoire peut être défini comme un espace réel et rêvé, qui ne peut pas se réduire ou se résumer à la seule entité géographique ; Il est produit par les acteurs et sert de concrétisation à leurs comportements64.

Le territoire est également un espace géographique qui regroupe en un tout un système de production, des réseaux proches, (proximité géographique) ou qui ne sont pas présents physiquement sur l’espace local ; d’où l’importance de la proximité organisationnelle, favorisée par les Techniques d’Information et de Communication. Ces dernières peuvent développer des systèmes d’intenses interactions entre agents sur une base qui n’est pas seulement territoriale.

Enfin il est un ensemble de signes, de symboles, d’images inscrites dans le temps. Cette définition met l’accent, d’une part, sur l’importance de l’identité historique du territoire liée au culturel, au politique, au social qui deviennent des facteurs agissant sur les dynamiques spatiales de localisation des activités, et, d’autre part, sur l’existence de la logique d’acteurs dans le processus de structuration de l’espace.

Le territoire renvoie à une relation espace / société, et, en ce sens, il apparaît comme un espace identifié. C’est une construction sociale qui se traduit, soit par un contrôle territorial, soit par un aménagement ou une structuration de l’espace. Cette appropriation est symbolisée par l’identification, la dénomination qui participe à créer un sentiment d’appartenance.

63 Cf. ABÉLÈS (M.), 2001, Un ethnologue à l’Assemblée, O. Jacob, Paris.64 Yves JEAN, Du développement local au développement durable, p. 22-31, in CHAREF, 2005, Op. cit.

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Enfin, le territoire se spécifie par des pratiques et des représentations : c’est un rapport collectif à l’espace et il participe à l’élaboration de comportements spécifiques et d’images collectivement admises, qui renforcent la cohésion du groupe. Il y a une convergence des géographes pour admettre que le territoire est un construit social, consolidé par l’histoire, qui contribue à le fonder comme un espace identifié, caractérisé par des pratiques et des représentations.

Le développement local et la notion de proximitéPour les économistes, les instruments d’analyse conceptuels des dynamiques

spatiales reposent sur deux axes, selon la position théorique de la notion de proximité :

1- Il y a la théorie qui s’inscrit dans le paradigme de l’économie régulationniste : dans le contexte de mondialisation, la proximité géographique ne joue plus le rôle déterminant dans la structuration spatiale.

Elle privilégie la proximité organisationnelle soit un système d’intenses interactions entre les agents dont la base n’est pas nécessairement locale.

La notion de réseau, soit un ensemble de points géographiques interconnectés, est centrale dans l’analyse des économistes de la régulation. L’innovation est le fruit du comportement des agents qui entrent en interaction aussi bien dans des réseaux locaux et dans des réseaux non locaux.

2-L’autre théorie relève plus du fonctionnalisme. C’est un « retour des territoires » qui repose souvent sur une conception naturaliste, organique de l’espace ou les tensions, les luttes et les conflits seraient absents ! C'est-à-dire ou chaque acteur dispose d’une fonction, quasi-naturelle, donc le conflit, est alors pas considéré que comme un dysfonctionnement et non pas comme la résultante, d’une lutte des classes, à l’instar des marxistes. Ainsi, si des entreprises s’implantent dans une zone franche, autour d’une ville, les fonctionnalistes, considéreront que c’est avant tout pour des raisons d’espaces disponibles et parce-que les entreprises sont nécessaires au développement organique de la ville. Tandis que les marxistes estimeront que c’est surtout à cause du faible niveau des taxes et des cotisations sociales que les entreprises choisissent de s’y implanter.

Relocaliser pour refonder le localEntendons-nous à nouveau sur les termes : la relocalisation économique

désigne un changement d’implantation géographique de tout ou partie des activités d’une entreprise, qui a pour objectif de rapprocher les lieux de production de ceux de consommation.

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Elle peut aussi être définie comme le retour dans un pays développé d’une activité qui avait précédemment été délocalisée dans un pays en développement.

« La stratégie de la renaissance locale, écrit S. Latouche dans Le pari de la décroissance, ne consiste pas à construire et à préserver une oasis dans le désert du marché mondial », mais bien à créer une société autonome65.

La relocalisation servira à construire l’après-capitalisme selon Latouche. Précisons qu’elle ne concerne pas uniquement le terrain économique, mais surtout les terrains politiques et culturels. Relocaliser, c’est bien sûr produire, transformer, distribuer et consommer localement. Mais cela doit aller bien au-delà : c’est la vie tout court qui doit être reterritorialisée.

Il est nécessaire de prendre en compte la raréfaction à venir du pétrole, les coûts de transport, qui devraient devenir beaucoup plus importants, conduiront à des relocalisations.

Cette refondation du local n’est nullement synonyme de repli sur soi ou de repli identitaire . « L’écorégion favorise les échanges internes mais ne s’interdit pas les partenariats », écrit Nicolas Ridoux66. Qui en effet, pourrait croire qu’une région pourrait se suffire à elle-même, que chaque région du monde serait suffisamment dotée pour se passer de tout échange avec ses voisines ?

Ne proposer qu’un (re)développement local ne servirait à rien, si le territoire est à l’abandon, c’est-à-dire sans biens communs publics, et si ce territoire n’est plus qu’un espace à gérer au service des intérêts des entreprises capitalistes, « des territoires sans pouvoir à la merci de pouvoirs sans territoire », comme l’écrit S. Latouche.

Favoriser la production locale, c’est poser la question de son utilité réelle, une utilité autre que la rentabilité ;

Un vrai mouvement autour du développement local a vu le jour en France à partir de la naissance des pays du début des années 80. Il s’agit d’une démarche qui approfondit la notion de développement local en y intégrant des aspects culturels, identitaires, les savoir-faire locaux et surtout qui identifie l’habitant comme ressource.

Le mouvement des "pays" correspond en effet à la prise de conscience du déclin de la DATAR avec la crise du fordisme, dans les années 1970. Dès la fin des "pôles de développement" ou de la "décentralisation industrielle" (les usines de montage parachutées à coups de primes). On comprend alors que le local doit se développer en "comptant sur ses propres forces", en mobilisant ses propres ressources humaines. Mais, en France, il manque une ressource importante : un instrument de mobilisation et de gouvernance locale d’échelle suffisante, plus

65 S. LATOUCHE, Le pari de la décroissance, Op. cit.66 RIDOUX Nicolas. "La décroissance pour tous", Ed. PARANGON, 2006, 155 p.

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grand que les 36 000 communes héritées des paroisses. Le "pays" est une tentative de réforme tant au niveau symbolique (avec un "nom", une personnalité) qu’au niveau institutionnel (un lieu politique supra-municipal mais infra-régional, pour tisser des compromis autour d’un projet)67.

Les dynamiques de pays ont un poids croissant dans l’économie marchande globalisée (on le voit bien dans la floraison des publicités pour les sites touristiques ou les produits "de pays"). Mais surtout elles sont l’occasion du développement des services que les communautés locales se rendent à elles-mêmes, ce qui représente quand même la majeure partie de l’activité humaine68.On estime que 80% du travail d’autrui consommé par un individu est produit dans un rayon de 20km autour de lui.

Le développement géographique local face aux transportsLa croissance infinie des transports permet de vivre dans un mouvement

perpétuel favorable à l’oubli de soi et au capitalisme néolibéral. La décroissance des transports est une des clés du projet décroissant et écologiste. En particulier, parce que la pollution liée au transport est la première cause de réchauffement climatique. Comme l’a montré Ivan Illich au début des années 70, la voiture individuelle est le symbole de la civilisation occidentale. Ivan Illich calculé qu’un Américain moyen passait plus de mille six cents heures par an à sa voiture, que ce soit en roulant ou en travaillant pour la payer. Ce dernier permet d’éviter de passer sa vie à gagner de l’argent, pour s’acheter une voiture pour pouvoir aller travailler ! Une véritable histoire de shadoks … S’il exerce une activité professionnelle, l’Américain moyen dépensait ainsi 1600 heures chaque année pour parcourir 10000 kilomètres. Cela correspondait une vitesse moyenne d’environ 6 km/h, soit à peine plus que la vitesse moyenne d’un piéton (4 à 5 km/h) (Illich, 1973)69. La voiture a donc un rapport coût/efficacité largement plus faible que le vélo, un des anciens symboles de la république démocratique de Chine.

Dans le modèle capitaliste et plus largement le productivisme, le transport s’inscrit lui aussi, dans un projet de croissance mondiale infinie. L’axiome premier de son développement est le besoin du marché et non par la rationalité écologique et sociale. L’organisation mondiale du commerce (OMC) a pour mandat prioritaire, la levée des obstacles au commerce et notamment des obstacles techniques. Les dirigeants de l’OMC cherchent donc à faire disparaître, les normes sociales et environnementales qui sont des obstacles au commerce.. De plus cette dernière s’inscrit dans le cadre de l’économie néolibérale, qui met en avant l’avantage

67 LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, Op. cit. 2002.68 LIEPIETZ Alain, Op. cit. 2002.69 ILLICH Ivan, Energie et équité, Le Seuil, 1973.

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comparatif (Ricardo) et la division internationale du travail. Elle se fait donc l’apôtre d’un accroissement des échanges commerciaux, des délocalisations au détriment de la relocalisation ou du droit à certain protectionnisme permettant un développement autonome. Ce dernier est d’ailleurs la condition préalable à l’ouverture économique, sinon l’économie nationale risque d’être dominée les entreprises transnationales étrangères.

A l’inverse dans les cultures traditionnelles, les moyens de se déplacer étaient plus lents, souvent pédestre, fondés sur la traction animale ou l’usage de la voile. Ils respectaient l'environnement et leur vitesse était plus humaine, plus proche du rythme des pas du marcheur, qui d’une certaine façon est l’étalon premier de l’individu décroissant. Ce dernier cherche donc une décroissance des transports afin de réduire l’empreinte écologique individuelle, nationale et mondiale, notamment par une relocalisation de la production. La décroissance des transports suppose aussi de savoir retrouver le goût des vacances de proximité, du plaisir de simple promenade dans les campagnes environnantes, plutôt que l’exotisme systématique du bout du monde.

Les petites villes ou les gros villages sont l’avenir de l’urbanisation future. Dans les communautés traditionnelles, les relations sociales étaient facilitées par la taille relative des villages. Cependant, cela pouvait être aussi relativement étouffant ou sclérosant. Seul une autonomie quasi complète, sur le plan économique, sociale ou relationnelle permettrait d’éviter les déplacements en excès, ce qui semble assez difficilement envisageable à présent. En effet, sur le plan de l’empreinte écologique, l’excès de déplacement a un coût écologique important (pétrole, CO2, métaux du véhicule…). Il en est de même pour l’idée d’avoir chacun sa maison. Pour ces différentes raisons, notamment économique, l’humanité va progressivement chercher à minimiser le coût écologique de son habitat et de ses déplacements, en favorisant le développement de gros villages ou de petites villes. Pour les décroissants, la solitude individualiste, dans des mégalopoles, sera remplacée par plus de relations sociales, grâce à la création de réseaux sociaux situés dans de petites villes ou des villages. Mais créer une multitude de maisons et de villages dans les campagnes, n’est pas viable par ce que cela suppose d’importants déplacements entre les villages et/ou la ville la plus proche.

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Culture Moderne(du capitalisme

occidental techno-industriel)

Culture traditionnelle

(des peuples premiers)

Culture postmoderne

(de l’écosocialisme

autogestionnaire)

Modede transport

Croissance infinie et mondialisée

Régulée par les besoins du marché et non par la rationalité

écologique

Lent car pédestre, animal, voile, mais

respectueux de l'environnement

Décroissance des transports visant à réduire l’empreinte

écologique

Localisation de la

production

SpécialisationDomination du

centre sur la périphérieInégalité des

termes de l'échangeOuverture des marchés

Production localeEchanges limités

essentiellement aux nomades

Autonomie locale et nationale, avant

d’échangerRelocalisation

sélective de la production

La mise en concurrence des territoiresLa vérité du prétendu « glocalisme » est alors une mise en concurrence des

territoires qui sont invités à offrir des conditions toujours plus favorables aux entreprises transnationales : avantages fiscaux, flexibilité du travail et de la réglementation (ou plutôt de la déréglementation) environnementale. C'est le jeu du moins-disant fiscal, social et environnemental et du mieux-disant économique (en termes de subventions), un véritable encouragement à la perte de l’identité locale.

Les initiatives, la créativité locales évoquées ci-dessus sont dévoyées, récupérées, marginalisées dans la logique de l'économie et du développement. Les patrimoines subsistants sont mis en coupe réglée, par exemple par un «tourisme prédateur»70.

Latouche estime même que « le comble est sans doute atteint avec les zones franches urbaines (ZFU) créées en France en 1996 et qui concernent 84 périphéries de grandes villes à problèmes. Il s'agit de nouveaux paradis fiscaux dans lesquels les entreprises de moins de 50 salariés sont totalement exonérées de charges sociales, d'impôts sur les bénéfices, de taxes professionnelles et de taxes sur les propriétés bâties »71.

« Accolé à « développement », le « local » est tout juste, en effet, comme le social et le durable, ce qui permet au développement de survivre à sa propre mort. Le concept de «développement local» n'échappe pas plus que celui de ‘’développement durable’’ à la colonisation de l'imaginaire par l'économique » selon Latouche72.

70 Luisa BONCSIO, «Paysages et sens du lieu», in Eléments, n" 100, mars 2001 : « Une réponse à la mondialisation : le localisme ».71 LATOUCHE Serge, le Pari de la décroissance, Fayard, 2006, p. 200.72 LATOUCHE Serge, le Pari de la décroissance, Fayard, 2006, p. 200.

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Le développement a détruit et détruit le local en concentrant toujours plus les pouvoirs industriels et financiers. Ce qui s'est passé avec les banques est révélateur. Au XIXe siècle, il y avait une foule de petites banques locales et régionales, fortement enracinées dans l'économie de proximité. L’expansion des banques nationales les a fait disparaître pour les remplacer par des agences qui drainent l'épargne locale et financent la grande industrie nationale. Aujourd'hui, ce sont les banques transnationales qui à leur tour font disparaître les banques nationales au profit des firmes multinationales. Si l'argent est le nerf de l'économie, la disparition des banques locales a signifié la fin de l'économie locale. Comme l'écrivent les théoriciens de Time Dollars d'Ithaca, l'économie assure sa croissance « en se nourrissant de la chair et des muscles qui maintiennent soudée la société»73.

Le marché a de ce fait, progressivement marginalisé des aires importantes tant au Sud qu'au Nord. Dans de telles zones déprimées qui survivent grâce aux subsides, subventions, assistances, presque tout l'argent gagné sur place ou provenant de l'extérieur est accaparé par les supermarchés et drainé hors de la région. On débouche ainsi sur le cas limite des réserves indiennes nord-américaines où « il ne faut que 48 heures à 75 % des dollars alloués par le gouvernement fédéral pour s'écouler vers les villes limitrophes»74.

Pour l’écologie sociale, en France, le développement local est considéré comme un slogan de technocrates qui est né dans les régions rurales (et à leur propos), en particulier les zones d'agriculture de montagne, victimes du productivisme. Le discours du développement local faisait écran au « grand déménagement» du territoire et sa mise en oeuvre visait à faire passer en douceur cette destruction, à mettre du baume sur les blessures et à réutiliser au mieux les décombres... Dans les années 70, ne disait-on pas déjà que les routes construites à grands frais, sur les crédits départementaux de l'agriculture destinés au bien-être des paysans, sous le prétexte de désenclaver les zones rurales, servaient au dernier agriculteur à procéder à son déménagement vers la ville et au premier Parisien à installer sa maison de campagne dans la ferme ainsi libérée?

Supprimer une école de village, une gare ferroviaire secondaire, une antenne médicale de campagne ou un bureau de poste dans un bourg rural au nom du développement, de la modernisation ou de la rationalité, quelles que soient les critiques que l'on puisse - et que l'on doit - adresser par ailleurs au système

73 E. CANE et J. RAWE, Time Dollars, Rodale Press, Ernmaus (Pennsylvanie), 199174 Perry WALKER et Edward GOLDSMITH, « Une monnaie pour chaque communauté », Silence, n, 246-247, août 1999, p. 19.

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scolaire, au système de santé ou aux services publics, c'est contribuer à la mort du local et saboter les efforts de ceux qui résistent et luttent pour redonner sens aux lieux.

Utiliser la créativité populaire et locale et les ressources diverses du territoire pour tenter de le «redévelopper», comme le font certaines associations plus ou moins bien intentionnées, signifie d'une certaine façon aller contre l'histoire et se condamner à une impasse. « C'est bien plutôt dans le cadre d'un ‘’après-développement’’, ou d'un ‘’au-delà du développement’’, et dans la construction d'une société de décroissance que le local peut prendre tout son sens, celui d'une véritable et nécessaire renaissance » affirme Latouche75.

L’exemple de la régulation foncière de la ville et de la communauté urbaine de Fribourg.

La ville allemande de Fribourg est un pôle culturel et universitaire du bassin rhénan. Elle est gérée depuis plus de 15 ans selon les principes du développement durable, ce qui correspond par ailleurs à une stratégie de développement d’un pôle des technologies vertes.

La mise en oeuvre est facilitée par le fait que toutes les communes périphériques ont été incorporées à la ville. En matière d’urbanisme, la ville a pour objectifs : la maîtrise de la croissance urbaine, le développement de la «ville-nature » autant que de la ville construite, la réduction du trafic automobile, la promotion prioritaire du développement des énergies renouvelables et le renforcement de l’écologie urbaine. La politique de la ville repose sur la planification du développement urbain en concertation avec les habitants. Le plan d’utilisation du sol (FNP 2020) traduit cette volonté. Cette politique foncière proactive vise à renforcer l’attractivité du centre-ville et des centres des quartiers. Le plan définit les endroits réservés aux implantations commerciales en veillant à ce que toute la population puisse bénéficier d’un accès sans voiture aux commerces et services qui répondent aux besoins d’approvisionnement quotidien.

Il s’agit d’une politique préférentielle en faveur des petits commerces de la ville-centre et des quartiers urbains. Elle consiste à restreindre le développement des grandes surfaces qui sont rejetées vers des parcs d’activité périphériques après en avoir extrait les «marchandises à effet d’entraînement central»; ces marchandises sont toutes celles qui sont nécessaires à l’approvisionnement quotidien des habitants (ce qui aboutit à n’autoriser les grandes surfaces que pour les commerces spécialisés : meubles, jardinerie, bricolage…) Le concept « centres et

75 LATOUCHE, 2002, Op. cit.

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marché » est fondé sur des diagnostics, établis au cas par cas. Il utilise des critères de référence comme la localisation et le type d’implantation proposé, la population couverte par l’implantation éventuelle et le degré d’approvisionnement du quartier. Il a fait l’objet d’une vaste consultation de la population et des acteurs locaux en septembre 2004 qui a abouti à jumeler ce qui relève de la régulation des implantations de grandes surfaces et le principe de la proximité d’approvisionnement quotidien de la population par les centres des quartiers et le centre-ville.

Cette intégration d’objectifs économiques au droit de l’urbanisme autorise une régulation stricte mais équilibrée des conflits d’intérêts. Elle renforce la fonction de centre supérieur d’aménagement du territoire de Fribourg tout en rendant les commerces accessibles en tous lieux par les transports en communs et les modes doux («ville des courtes distances»).

Pour garantir la mise en oeuvre coordonnée du plan de développement de la ville, la nature et la qualité des services attendus sont définies de manière opérationnelle pour chaque direction publique. Un petit groupe d’experts chapeauté par l’adjoint au maire effectue un suivi méthodique des actions mises en oeuvre par chaque département en fonction de normes de qualité prédéfinies. Il rédige un rapport d’évaluation des actions pour chaque service à l’intention du maire, du Chef des services, des élus des arrondissements et des organisations de la société civile. Deux fois par mois, l’ensemble des acteurs se réunit pour analyser le déroulement des projets et identifier les dysfonctionnements à l’aide du rapport d’évaluation. Ces réunions permettent de réagir rapidement et imposent un suivi rigoureux des décisions.

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6-MENER UN PROJET DE DÉVELOPPEMENT LOCALIntroductionLa préparation de la démarche constitue un préliminaire elle-même. En effet,

elle sert à :- formuler la demande, c'est-à-dire, principalement, vérifier l’existence d'une

demande clairement exprimée par un ou des acteur(s) économique(s) local (caux);- vérifier l'émergence d'une volonté de faire, c'est-à-dire constater l'ancrage

dans la réalité locale de la demande ;- mettre en place le phasage de la démarche, c'est-à dire dérouler la logistique

de l'opération.

Il existe 5 étapes majeures à suivre pour permettre le suivi la réalisation du plan de développement local (ou territorial) :

1-Diagnostique stratégique du territoire (évaluation des besoins et potentialités)2-Plan stratégique du projet de développement local 3-Du projet à l’action (repérage des acteurs concernés et des lieux)4--La mise en oeuvre des actions de développement5-Evaluation, suivi du plan stratégique général et de chaque action

1-L’ évaluation des besoins et potentialités1.1- La formulation de la demandea-Existence d'une demande d'intervention formulée par les acteurs

locauxIl est nécessaire dans cette phase d'interrogation sur la préparation de la

démarche, de vérifier que le projet envisagé émane d’une demande et d’un besoin réel.

On distingue ici l'expression de la demande d’une part et des porteurs projets d'autre part. En effet, les acteurs qui initient sont pas forcément ceux qui généreront.

Ainsi, en l'absence de ces relais, le projet de développement local risque de se limiter à l'application de procédures venues de l’extérieur.

En outre, l'existence d'une demande par les acteurs locaux permet d'assurer la mobilisation des principaux partenaires à associer et à impliquer dans la démarche.

a-1 - Les personnes à rencontrer forment trois groupes- Les « incontournables » :

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Il s'agit pour la plupart de représentants départementaux ou locaux institutionnels à rencontrer et informer de manière systématique.

- Les « utiles » :Personnes qui peuvent donner des informations précieuses, pas tant sur eux

ou sur leur organisme que sur l'environnement économique, social et culturel du territoire. Elles peuvent jouer un rôle-clé dans la mise en oeuvre de l'opération.

- Les « leaders reconnus » :

Personnalités économiques, sociales ou politiques, qui de par leur charisme, leur compétence, ou leurs actions exemplaires, sont des leaders reconnus par l'ensemble des partenaires.

b- Situer cette démarche dans le contexte du développement localOn peut retenir comme principe général qu'il n'y a pas de développement

économique s'il existe des tensions sociales, pas d'équilibre social.

c- Définir des enjeux pour le territoireMettre en oeuvre un projet global de développement local pour un territoire,

c'est anticiper l'avenir en esquissant les scénarii de ce que sera ce territoire dans quinze ou vingt ans. Ainsi, il convient de dégager la finalité du projet :

- en assurant les meilleurs choix stratégiques compte tenu du contexte local, - mettant sur pied les appuis institutionnels à partir desquels l’action va pouvoir

démarrer.

d-Parmi les facteurs de réussite internes au projet, on trouve :d-1 - La formulation des objectifs du projetUne démarche volontairement sélective, centrée sur un problème spécifique,

est un facteur déterminant de la cohérence du projet : restructuration d'une filière de production, réorganisation d'une branche d'activité, remise en activité d'une ressource ou d'un savoir-faire.

d-2 - Le dimensionnement du projetUn projet trop petit n'a pas d'effet d'entraînement sur ses acteurs. Un projet

trop important échappe à l'emprise locale, parce qu'il nécessite des études, des capitaux qui se négocient à un niveau sans concertation véritable avec le milieu local. Ainsi, il y a un décalage certain dans le volume et l'ambition de la plupart des projets.

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Dans un site comme celui du Vigan, on se trouve dans une situation de zone rurale à faible densité dans laquelle les ambitions tiennent plus à la conservation et la valorisation des potentiels existants plutôt qu'au développement diversifié.

d-3 - L'équilibre économique du projetIl s'agit en fait de vérifier l'existence d'un marché et d’une rentabilité qui

garantit la viabilité du projet.

d-4 - La création d'avantages psychologiquesLa dimension du projet n'est pas seulement économique ou technique. Sa réussite tient aussi aux avantages comparatifs que peuvent tirer ces

acteurs. Il doit améliorer ou renforcer l'image de la collectivité qui le prend en charge. Il doit être suffisamment fort pour que l'appartenance à la réalisation du projet soit le signe d'une reconnaissance positive par l'environnement ou l'occasion d'une valorisation personnelle.

1.2 Ancrage dans la réalité locale :a- La rencontre des leaders et décideurs locauxUn projet global de développement local implique pour réussir l’optimisation

d’un système complexe d’acteurs.La rencontre des leaders et décideurs locaux vise-t-elle à poser les fondements

mêmes de la construction du partenariat local,Nécessaire au projet de développement. Celle-ci peut prendre la forme de

lettre, conversation téléphonique, entretiens, réunions.En effet, l’information préalable est destinée à :- Enrichir le contenu de l’action- lever ou neutraliser les blocages- constituer de façon adapter le partenariat local.

Cette étape essentielle va permettre de vérifier l’existence d’une réelle volonté locale et le rôle que chaque acteur peut jouer dans le dispositif envisagé.

b-Dégager les spécifiés du territoireCette étape permet de faire « l’inventaire de l’existant ». Pour ce faire nous

distinguerons deux grands types de ressources locales :- Les ressources naturelles (Géologiques, psychologiques, agricoles…)- Les ressources industrielles mortes ou « friches »- Les ressources culturelles et patrimoniales (afin de le valoriser

éventuellement)

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- Les ressources liées au tissu économique

1.3 Phasage de la démarchea- Choisir un point d'appui localEn effet, l'espace local apparaît comme un élément dynamique de

développement. Ainsi, depuis une quinzaine des territoires organisent leur développement sur des bases

Dans le cas où l'action de développement n'a pas pour cadre géographique une zone d'emplois déjà circonscrite, il convient de délimiter une aire d'intervention.

Quels sont alors les points importants à prendre en considération ?

a-1 - Délimitation à partir des objectifs poursuivis :• Quels sont les objectifs ?• Les acteurs à mobiliser ?• Leur localisation ?• Leur champ de compétence et d'intervention ? Quels sont les moyens

disponibles localement ? Autres moyens pouvant être réunis champ d'intervention ?

Un secteur géographique sera retenu dès lors que le champ d'intervention de telle ou telle structure, ou de tel ou tel secteur, apparaîtra comme déterminant.

Les zones ainsi délimitées sont superposées dans un premier temps, afin qu'apparaisse une zone commune -dite d'action prioritaire, qui ne doit pas cependant se résumer au plus petit commun multiple.

a- 2- Prise compte de la géographie économique localeQuelques critères simples peuvent contribuer à appréhender cette dimension :- Le relief de la géographie physique et climatique- Les moyens de communication existant,- Le ou les pôles d'attraction avec leur évolution récente et future, évalués en

terme de :- trajet domicile-lieu de travail,- d'attraction commerciale (zone de chalandise),- de déplacements pour les loisirs, d'échanges et de relations commerciales

pour les entreprises, etc.- La prise en compte des habitudes locales (manifestations diverses),

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- L’appréhension des flux de la main-d’œuvre, et des échanges commerciaux avec les aires géographiques environnantes.

En confrontant la zone d'équilibre naturel ainsi délimitée aux aires des différents acteurs et à la zone d'action prioritaire, les éléments qui permettent de choisir la zone d'action sont rassemblés.

Ce pendant, l'espace est une réalité vivante, en mouvement, ses frontières peuvent évoluer, car il est simultanément :

- un espace perçu par les habitants : « le pays »,- Un territoire d'échanges : la zone d'activité et d'emploi,- et lieu d’intervention, celui des structures et des élus,

b- Définir les étapes de la démarcheNous proposons ici de retenir quatre phases successives indispensables à la

réalisation du projet développement local.b- 1-En premier lieu la phase de diagnostic. Il s'agit en fait de la conclusion de

la réflexion sur la faisabilité du projet qui vérifie l'ancrage du projet dans la réalité locale avec les moyens adéquats et une demande identifiée. Ce diagnostic est nécessairement étayé par une étude (ou plusieurs) concernant le site. Le diagnostic doit pouvoir être renouvelé périodiquement

Le diagnostic doit produire des conclusions qui mènent à la formulation d'un projet. Un tel projet doit être porté par une structure d'animation.

b-2-Cette seconde phase est une dynamique de mobilisation et de partenariat. Il s'agit de passer d'une idée portée par un ou quelques acteurs à un processus concret, porté par l'ensemble des acteurs concernés. Autrement dit, la phase d'animation doit permettre la mise en place d'une structure-pivot » qui va porter le projet et servir d'interface entre les différents acteurs.

Cependant, la création de cette « structure-pivot » ne doit pas être considérée comme un but en soi. Pour qu'il y ait dynamique de développement local, les acteurs concernés ne peuvent pas se contenter de déléguer une légitimité pour l'action à une structure.

b-3-Une troisième phase est nécessaire, c'est celle de la validation ou encore approbation/appropriation du projet par l'ensemble des acteurs. Les procédures de validation sont multiples (rédaction de livre blanc, enquêtes locales, travail en commission…). Cette 3e phase est beaucoup plus rarement existante. Elle est

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pourtant très importante dans l'esprit même du développement local, dans la mesure où cette phase illustre la démocratie locale, c'est à dire la capacité d'expression individuelle de chaque acteur vis-à-vis de projets à taille humaine, et qui le concernent directement. Cette phase doit se renouveler périodiquement pour lui apporter les infléchissements rendus nécessaires par l'évolution de l'économie locale.

b-4-Enfin, la mise en oeuvre et son suivi constituent la dernière phase de l'action d'engagement du projet. La mise en oeuvre n'est pas seulement le déclenchement des actions décidées dans le cadre du projet. Cette phase contient également l'exigence de suivi. C'est là où le Comité de pilotage (ou la structure-pivot) peut vérifier la cohérence des actions dans divers domaines (habitat, entreprise, aménagement, formation, etc.).

Le suivi consiste à s'assurer de l'exécution effective des actions décidées, de leur conformité au projet, mais aussi permet de proposer des rectifications éventuelles.

C- De la négociation à la contractualisationPrendre en compte le rapport de force politique et la condition la plus délicate à

évaluer. En effet, sur le principe, il n'est pas rare de voir des élus de sensibilités politiques différentes collaborer sur des projets de développement local. Cependant les rivalités politiques ou plus généralement de pouvoir, peuvent bloquer une situation. En outre, il n'existe pas de projets qui puissent se faire contre l'assentiment des principaux élus (communaux et départementaux).

La recherche du consensus est un processus de concertation entre les principales forces politiques et institutionnelles. Ainsi un projet peut pas non plus réussir contre un pouvoir institutionnel fort.

Des retards dans la réalisation des actions ont pu être constatés faute de consensus et d'accord politique dans la vallée, de l’Ondaine par exemple. La singularité d'Argenteuil dans le département du Val-d'Oise et dans la région est renforcée par l'isolement politique des communes communistes dans une assemblée départementale à majorité de droite. Ainsi s'explique qu'Argenteuil-Bezons ait fonctionné très tôt de façon relativement autonome, en constituant ses propres outils. Cette situation a conduit le pôle d’Argenteuil à se tourner vers Gennevilliers, qui, en 1982, représentait une des communes a ayant le plus d'échanges domicile-travail, et a fait alliance dans le cadre d'une charte avec les communes voisines des Yvelines, Houilles et Sartrouville, séparées par la simple frontière administrative du département.

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La capacité à ancrer le projet dans l'intercommunalité constitue une clé d'articulation entre le rôle du leader et la recherche du consensus. En effet, au-delà des coopérations « forcées » tels les travaux d'assainissement, les projets intercommunaux posent souvent des problèmes d'évaluation de la participation.

Chaque fois que des structures locales, mieux appropriées pour faci liter le dialogue, ont relayé les politiques nationales dans les domaines de l'emploi et du développement économique, on a constaté une optimisation sensible des moyens mis en oeuvre. En effet, la déconcentration des moyens et la maîtrise de leur ges-tion par des organismes partenariaux locaux permettent une sensibilisation et un réel investissement des partenaires socio-économiques, même si les orientations globales restent indispensables pour fixer le cadre des engagements de l'Etat. D'où la naissance et le développement des Comités de Bassin d’Emplois (CBE).

2-La pertinence et la connaissance du territoireLe diagnostic du territoire a pour objectifs :- de rassembler tous les éléments d'informations sur le bassin considéré,- d'évaluer les atouts et les handicaps du territoire, - de faire ressortir des pistes de recherches ou d'opportunités pour le futur

projet global de développement local, - de faire émerger des leaders qui seront en mesure d'animer les groupes

d'actions, appelés à travailler sur les pistes ou opportunités, - d'initier ou de développer un processus de partenariat impliquant l'ensemble

des acteurs économiques locaux.

2-1-Connaître le milieu locala- L'analyse socio-économiqueIl s'agit de réunir les données principalement sur :- l'emploi, la qualification, - le parc d'entreprises et son évolution, - l'épargne et la fiscalité, - les équipements communaux et départementaux, - les études économiques récentes.

Il s’agit aussi de distinguer l'analyse de base, qui permet de distinguer les tendances lourdes du bassin d'emploi, d'une analyse plus fine sous-tendue par l'objectif poursuivi : l'analyse finalisée.

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Quelle,,, que soient les sources d'informations disponibles, l'INSEE notamment, il est essentiel d'aborder l'analyse par un choix pertinent de questions76. Voici quelques exemples de questions, concernant un projet de développement économique local :

QUESTIONS INFORMATIONSNÉCESSAIRES

SOURCES

Quelle est la composition de la population

active ?

*Dernière structure connue de la population

active par sexe, âge, nationalité, chômeurs.

*Taux d'activité des femmes et des hommes

par âge.*Le rapport actifs/inactifs.

* Recensement de la population.* Eventuellement enquête

emploi local à mettre en oeuvre.* Données plus récentes

(annuelles) mais partielles(ASSEDIC).

Quelle est l'évolution de la

population active ?

Origines de l'évolution, notamment

diminution ou augmentation de

la population active dans la

zone ?

*Les informations ci-dessus une dizaine

d'années auparavant.*Evolution de la population locale, des naissances et

décès et du solde migratoire

depuis dix ans.*Origine et destination des migrants de la zone par

rap-port à l'extérieur avec indication de leur âge.* La part des femmes

dans l’accroissement de la population active.

* Les deux recensements dela population précèdent.

* Derniers recensements dela population. Statistiques naissances et décès. Indicateurs annuels d'évolution de la population totale (nombre d'abonnés domestiques à EDF /

nombre d'assujettis à la taxe d'habitation).

* Recensement de la population.

D’autres questions sont à envisager :- La répartition des emplois ?- La population active trouve-t-elle du travail sur place ?- La nature et l’importance des exploitations agricoles- Comment à évolué le tissu économique des derniers mois et depuis 10 ans ?- Quel est le poids du secteur public ?- Quel est la part des emplois de production dans l’industrie et le tertiaire ?- Quelle est l’importance des emplois saisonniers ou temporaires ?- Quelle est le devenir professionnel des jeunes qui trouvent un emploi dans la

zone ?

76 D'après le « guide de l'action économique locale : concept et méthodespour entreprendre », DATAR, Syros, 1987.

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En outre, télématique et services aux entreprises se développant un peu plus chaque jour, il nous paraît utile de compléter la connaissance d'un territoire en utilisant quelques services Internet et fiables. Nous avons retenu entre autres :

- EURIDILE : infos légales sur les entreprises immatriculées au RC.- FICPLUS - fichier d'entreprises classées par noms, produits, activités.- SIRENE : répertoire national des entreprises,- SOCRATE : chambre syndicale des sociétés d'études et de conseils.- INSEE.- Répertoire de sociétés, bilans de sociétés…

b- Situer le territoire dans son environnementPositionner le territoire dans son environnement consiste à restituer aux

acteurs locaux dans une note de synthèse les éléments de l'analyse socio-économique ci-avant.

Cette synthèse reprendra notamment les points marquants suivants :- situation géographique du territoire, - évolution et structure de la population, - agriculture,- industrie et services, - emploi et qualification, - revenus.

2-2- Identifier les potentialités économiques de développementa- Repérer les forces et faiblesses du territoirea-1-Le repérage de la nature des forces et des faiblesses du territoire est

permis par :- Le profil de développement qui émerge des données économiques recensées

antérieurement,- La connaissance qu'ont les divers acteurs de leur territoire. En effet, une

enquête d'intérêt général auprès des élus permet d'explorer les ressources locales.

Un questionnaire, mis au point par le Parc Naturel Régional du Haut-Languedoc, a eu pour objectif d'initier les élus des communes rurales, à prendre en compte le potentiel existant, et à mettre à la disposition des, techniciens une information rendant compte le plus finement possible du fonctionnement de l'économie locale, de son évolution et de ses potentialités.

a-2-Analyse générale de l'activité économique

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- Recensement des entreprises, avec pour chacune le nom Lie l'entreprise, ses principales caractéristiques (secteur d'activité, taille, âge et origine du chef d'entreprise, année de création et les opportunités éventuelles qu'elle pourrait offrir.

-Le recensement peut être fait en distinguant les entreprises en voie d'expansion, arrivant à succession dans les années à venir, connaissant des problèmes (en précisant les difficultés), nouvellement créées (en précisant les opportunités de création), ayant fermé récemment (en précisant les raisons de la cessation d'activités et leur durée de vie).

-Recensement des manques ou insuffisances d'activités en matière de services, commerces, artisanat, professions libérales, autres domaines.

-Personnes ressources pouvant apporter soit des informations, soit une assistance technique, soit des moyens financiers, soit de l'activité en sous traitance, soit une mise en relation avec débouchés.

On cherchera à repérer les personnes, et ce qu'elles sont susceptibles d'apporter régulièrement, auprès des catégories suivantes :

- Personnes originaires de la commune ou ayant des attaches et exerçant des responsabilités importantes ou ayant beaucoup d'argent, personnes de la commune ayant un savoir-faire particulier (métier traditionnel ou activité nouvelle),

-Personnes de la commune ou originaires ayant des moyens financiers ou susceptibles de participer au capital d'une société, entrepreneurs à contacter ayant des idées et une bonne capacité de réalisation, centres de formation professionnelle, d'apprentissage, lycées techniques...

a-3-Matières premières, ressources et axes d'opportunités de valorisationUne identification des ressources et des opportunités de valorisation qui

peuvent s'envisager se fera par types de ressources : agricoles, bois, sous-produits, patrimoine, sites...

a-4-Idées d'activitésOn cherchera à faire exprimer très librement toutes les idées d'activites

possibles en distinguant, pour chacune, les potentialités locales sur lesquelles s'appuyer : savoir-faire locaux, besoins en services (les habitants et événements particuliers, patrimoines locaux : naturel, culturel, bâti, capacités immobilières, etc.

a-5-Infrastructures d'accueil

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Dresser un inventaire des infrastructures d'accueil en terrains, bâtiments, fonds de commerce et autres est un exercice souvent peut pratiqué et ouvre parfois des perspectives. On notera pour chaque infrastructure d'accueil inventorié :

-sa nature et son utilisation actuelle, - ses caractéristiques, - ses atouts et vocations, - son propriétaire et sa disponibilité.

a-5-Aides pouvant être apportées par la communeCe peut être des locaux, infrastructures, recherches d'opportunités, de

créateurs potentiels, de main-d'oeuvre, mises en relation, aides financières et fiscales, logements etc.

b- Apprécier les initiatives et réalisations existantesIl s’avère que le développement local ne doit produire systématiquement du

neuf, avant d'avoir tenté de concrétiser ou d’améliorer des projets existants.Ainsi, pour ce faire des fonds d'aide ou d'appuis aux initiatives locales existent.

Cependant, il s'agit essentiellement de fonds d'aides institués par l'Etat et gérés à l'échelon régional. Ils n'ont pas toujours la souplesse, la rapidité et la bonne perception du projet dans son environnement, qui s'imposent pour guider un projet.

En effet, il y a besoin de fonds d'aides d'études de faisabilité afin d'apprécier la pertinence des initiatives existantes sur un territoire donné. Ces fonds peuvent se constituer et se gérer à l'échelon local. Ils constituent ainsi des outils bien adaptés.

Une tentative de ce type avait été imaginée dans les vallées de Durance-Bléone durant les années 80; du reste, un programme existe au niveau de la Fédération des Parcs Naturels en France.

2-3-Les éléments de la stratégie d’actiona- La demande de construction stratégiqueLa pertinence d'une démarche de construction stratégique suppose de bien

identifier et d'apprécier :- la logique selon laquelle la stratégie sera progressivement élaborée, - la façon

dont les problèmes à résoudre ont été perçus et posés par ceux qui s'engagent dans l'opération,

- les sources et la fiabilité des informations collectées.

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Nous proposons ici, ce qu'on pourrait appeler une grille d'analyse stratégique, qui doit beaucoup à une note de travail que Yves janvier, ingénieur-conseil a rédigée pour le compte de la DATAR. Voici quelques éléments de diagnostic dominants sur :

- L'environnement local- L'identité de la zone- La notoriété de la zone- Les possibilités d'accueil

-Les possibilités commerciales- Quelles sont les ressources locales à valoriser ?Les perspectives de valorisation de la ressourceLes possibilités de définir un pré-diagnostic des ressources locale.

- Les compétences disponibles- Les partenaires- Les compétences à rassembler- Les candidats entrepreneurs- L'organisation à créer

- Les moyens financiers-Le budget prévisionnel localLes sources de financement mobilisables

- Les motivations des acteurs- Identification des partenaires prenant des initiatives et leurs motivations- Résultats attendus par les acteurs locaux.

b-Restitution/appropriation aux acteurs locaux des données du diagnostic

Dans la plupart des sites, on remarque que les phases de diagnostic, puis d'animation sont systématiquement présentes. Par contre la troisième phase de restitution/appropriation est beaucoup plus rarement existante. Elle est pourtant très importante dans l'esprit même du développement local dans la mesure où cette phase illustre la démocratie locale, c'est-à-dire la capacité d'expression individuelle de chaque acteur vis-à-vis de projets à taille humaine et qui le concerne concrètement. Cette phase doit se renouveler périodiquement pour

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apporter les infléchissements rendus nécessaires par l'évolution de l'économie locale.

Ainsi, la restitution des données du diagnostic aux acteurs locaux doit permettre de restituer le territoire dans une démarche positive et réaliste.

En effet, l'étape précédente aura, en principe, permis de dégager un certain nombre de pistes de recherches. Ainsi, dans cette dernière phase, l'objectif est de rassembler les forces vives du territoire : élus, techniciens, acteurs privés, etc. afin de constituer des groupes d'actions.

De la concertation doivent naître des points d'accords et les éléments de stratégie qui vont permettre l'élaboration du projet global de développement local.

3-Arrêter un plan d’actionsa- Mise en place d'un tableau de bord localAu-delà des différentes données de base recueillies lors de l'analyse

socio-économique d'un territoire, la démarche d'élaboration de projet de développement doit aboutir à la mise en service d'un tableau de bord des actions socio-économiques menées dans la zone.

En effet, l'analyse finalisée du tissu local permet de guider et d'orienter les actions, mais doit être complétée par un instrument de gestion, qui, s'inscrivant dans le temps, suit les évolutions et les effets des politiques et permet de les corriger le cas échéant.

Ce tableau de bord local étant, par définition, directement lié à l'objectif poursuivi, il conviendra de recourir à des systèmes simples de ratios peu nombreux, fiables et faciles à mettre à jour.

b- Élaborer un document de synthèseLa formulation du document final comprend la stratégie à moyen terme des

acteurs locaux. Ainsi, le plan d’action retenu comprend :- Une grille synthétique (les facteurs de développement du territoire que les

phases méthodologiques antérieures auront permis de mettre en exergue.- Le projet dans ses moyens et dans ses résultats escomptés (budget global,

budget par orientation stratégique, budget par action ; fiches de suivi issues du tableau de bord local,

- Le chronogramme (Calendrier détaillé des différentes phases de l'ensemble de la démarche du projet de développement local.

c-Diffuser le projet global de développement local aux différentes parties prenantes

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Assurer la communication du plan d'actions en direction de l'environnement et des différents partenaires constituent l'ultime étape de l'élaboration du projet global de développement local.

En effet, sachant que la mobilisation des acteurs et la recherche du consensus sont le gage d'un projet réussi, le coordonnateur de l'opération doit toujours veiller à une parfaite circulation de l'information, et se ménager ainsi les « feed-back » nécessaires à tout moment de la démarche.

4-La mise en oeuvre du projet global de développement localPar définition, cette phase ne peut se définir précisément ni dans son contenu,

ni dans sa durée. Des actions, au sens où nous l'avons défini, ont déjà pu être lancées. En revanche les programmes et les axes plus globaux démarrent à ce stade du projet.

4.1-mobiliser les moyens nécessaires à la réalisation de chaque actiona- Activer les moyens humains, techniques et financiersLe projet doit être assuré de disposer de moyens financiers suffisants. On

distingue les moyens de fonctionnement des structures qui portent le projet, des moyens en investissements à mettre en oeuvre sur le site. Les premiers sont relativement modestes, les seconds dépendent de la nature de l'action envisagée. Contrairement à une idée souvent répandue, le projet de développement local ne coûte généralement pas cher dans la mesure où il peut être une procédure de gestion et de contrôle d'investissements qui auraient été engagés de toute manière et parfois dans des conditions de contrôle et d'évaluation aléatoires.

La crédibilité d'un projet de développement local se mesure souvent à sa capacité à obtenir des subventions dont les sources sont multiples (locales ou européennes). Dans la plupart des cas, les structures d'animation du projet sont légères et peuvent se substituer à des fonctionnements plus lourds.

4.2-La conduite du projeta- Rester fidèle à la programmation prévisionnelle lors du lancement de

chaque actionTout au long de cette méthodologie nous avons insisté sur le caractère

qualitatif des projets discutés ici. En effet, les objectifs trop précis (notamment en termes d'emploi) paraissent dangereux car ils peuvent devenir des fins en eux-mêmes sans souci de pérennité et de globalité, c'est-à-dire sans maîtriser la durée. Il n'en demeure pas moins que l'évaluation d'un projet doit faire apparaître une part de résultats tangibles. Des consultants-experts ont sur le site de Limoux,

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par exemple distingué les actions, du projet. Ainsi, l'évaluation quantitative va porter sur les actions dont la somme constitue le projet. Le bilan des actions se fait au regard des objectifs suivant les critères classiques : nombre d'emplois créés, taux de remplissage d'un équipement, équilibre financier, etc.

On restera donc très prudent sur la validité de ce type d'évaluation action par action mais on conviendra de la nécessité de ces résultats partiels pour valider les actions ponctuelles, rester fidèle à la programmation initiale, et rendre plus crédible le projet aux yeux des bailleurs de fonds.

b- Existence d'un processus de suivi des opérations en coursLa solidité d'un projet et sa capacité à se reproduire se mesurent enfin à

l'existence d'un processus de suivi des opérations. La structure-pivot ne peut pas se contenter d'initier les actions, elle doit en évaluer l'exécution de façon permanente.

Trop souvent, on confond le lancement d'un projet avec le développement local lui-même. Le projet n'est que le support d'une dynamique d'acteurs. Très peu de projets parmi ceux qu'ont examiné des experts, se sont dotés explicitement d'un processus de suivi. Le suivi, ce n'est pas seulement le pilotage, c'est aussi la mémoire et la prospective du projet.

5-Evaluation des résultatsL'évaluation des actions locales de développement est confrontée aux

obstacles existants dans les autres domaines de l'action publique : faible engagement des décideurs et crainte des risques politiques, information et ressources insuffisantes, absence de tradition et manque d'évaluateurs qualifiés, opacité et multiplicité des objectifs et des méthodes77).

Pourtant, le processus d'évaluation est essentiel pour légitimer le projet global de développement local. Il convient cependant de distinguer la phase de l'évaluation, par rapport à celle du contrôle78. Le contrôle d'une action ou d'un ensemble d'actions, porte généralement sur la conformité à des règles ou à des normes, il est vécu par les acteurs comme une menace ou même comme un processus qui débouche naturellement sur des sanctions. De la part d'un financeur, il est légitime que ce type d'évaluation existe mais on en perçoit facilement les limites (risque de rétention d'information, utilisation politique, etc.).

Dès lors, on doit envisager l'évaluation sous un autre jour, comme un outil d'aide au pilotage des projets. Pour cela, deux exigences apparaissent en priorité :

77 P. PELLEGRIN, « L'insertion, une affaire maîtrise du développement », in Europe sociale, n°1, 1992.78 RAPPORT VIVERET, « L'évaluation des politiques et des actions publiques », La documentation Française, Paris, 1989.

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5-1-Bien savoir ce que l'on voulait faireL'évaluation repose sur l'efficacité et sur l'efficience. L'efficacité se mesure à la

conformité du projet aux objectifs que le projet s'est assigné, tandis que l'efficience confronte les résultats aux moyens mis en oeuvre.

a-L'efficacitéLe projet doit dégager à l'avance les principaux objectifs qu'il vise, par exemple

ceux-ci :1 - La baisse du chômage et la pérennisation des emplois.2 - Attirer des entreprises nouvelles.3 - Retenir les entreprises et leur permettre de s'agrandir.4 - L'innovation et la diversification de la production.5 - Le renouvellement du tissu industriel (apparition de nouveaux secteurs

dynamiques).

Ces objectifs doivent être discutés et hiérarchisés. Ils peuvent être aussi détaillés de façon plus précise.

Un projet de développement local ne retient pas nécessairement la totalité des cinq objectifs proposés ici. Il peut se cantonner à la réalisation de certains d'entre eux. Il peut aussi avoir une visée plus qualitative et se proposer des objectifs moins facilement quantifiables relatifs au mieux vivre et à l'équilibre social. La mesure de l'efficacité est directement une fonction du choix initial des objectifs.

b-L'efficienceLe projet peut aussi être évalué non pas à travers ce qu’il proposait de créer,

mais plutôt au regard des moyens mis en œuvre. Il s’agit alors de mettre en place une grille de lecture qui rapporte les résultats aux moyens engagés. Ainsi une meilleure organisation peut permettre d'obtenir les mêmes résultats pour un coût moindre et ainsi augmenter l'efficience.

L'évaluation rapportée aux objectifs et aux moyens doit également tenir compte de plusieurs facteurs. En particulier, elle doit prendre en considération les conséquences pour le projet de décisions prises par d'autres acteurs et qui modifient le contexte de l'action. Par exemple, le projet porté par une commune ou un groupement de communes doit intégrer les actions de ses voisins pour éviter les concurrences stériles.

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L'évaluation prend en compte les risques spécifiques juridiques et écologiques. En effet, si ces risques sont négligés mais que l'on est obligé de modifier le projet (non-conformité, action d'associations de riverains, etc.) le coût final sera beaucoup plus élevé que prévu.

L'évaluation permet enfin d'exercer un contrôle démocratique sur le déroulement du projet. Elle permet en particulier de vérifier si le projet n'a pas été confisqué.

5.2-Maîtriser le temps de l'évaluationOn retiendra trois moments qui doivent être pris en considération au cours de

la démarche 79:a- L'évaluation en amont de la démarche (ex-ante)Il s'agit de la phase préliminaire (voir plus haut la préparation de la démarche)

qui détermine la faisabilité du projet. A ce stade, il convient de formuler les grands choix, les finalités de long terme.

b-L'évaluation pendant le déroulement du projet (évaluation concomitante ou ex-tempore)

Elle se réalise pendant le déroulement du projet. Cette évaluation est permanente et vise à ajuster ait fur et à mesure les pratiques aux objectifs. Soit on ramène les pratiques sur les objectifs de départ, soit on modifie les objectifs suite aux enseignements qu’apportes les pratiques. Les changements de cap sont alors décidés et justifiés régulièrement.

c-L’évaluation en fin de projet (ex-post)Elle intervient lorsque le projet est arrivé à son terme. C’est donc un dispositif

complet qui doit être mis en place pour évaluer le projet. Les phases d'évaluation ex-ante et ex-post doivent se faire soit avec la

collaboration de tiers, soit, mieux encore, entièrement confiés à des tiers. Par contre l'évaluation ex-tempore constitue un outil de pilotage permanent qui relève de l'auto-évaluation. C'est le regard que les porteurs de projets portent sur leur propre action. Dans les faits, l'évaluation est rarement engagée car elle est exigeante, demande un certain temps, accroît le coût du projet et résulte d'une démarche commune à tous les acteurs du projet. Pour autant elle est indispensable à la crédibilité du projet et à l'efficacité de sa conduite.

79 RAPPORT VIVERET, « L'évaluation des politiques et des actions publiques », La documentation Française, Paris, 1989.

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Pour aller plus loin, on pourra se reporter à différents travaux de réflexion sur l'évaluation des politiques économiques locales telle cette approche métho-dologique menée par l'association RREPEL (Réseaux et Recherches pour l'Evaluation des Politiques Economiques Locales)80.

80 RREPEL, Actes du colloque de Lyon des 19 et 20 janvier 1989, Editions IRES, Lyon, 1989.

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7-LES CONFLITS THEORIQUES AUTOUR DU DEVELOPPEMENT LOCAL

L’approche systémiqueElle se développe à partir des travaux de Bertalanffy formulés en une théorie des

systèmes en 1968. L’approche systémique a d’autant plus d’audience qu’elle répond à une mise en cause des méthodologies analytiques et réductionnistes. L’approfondissement théorique et la multiplication des disciplines conduisent à un émiettement du savoir et à une difficulté grandissante à entreprendre les nécessaires synthèses. La démarche analytique, qui a permis de fonder la science moderne, en particulier en physique et en chimie, est loin de donner une explication suffisante.

La méthode analytique cartésienne, fondé sur l’analyse logique, tend à réduire l’intérêt d’une collectivité à la somme des intérêts des individus qui la composent ; à nier ses relations avec les environnements sociaux et naturels. Mais « le tout est plus important que la somme des parties ». L’intuition est bien que le système possède un degré de complexité plus grand que ses parties.

René Passet81 intègre l’approche systémique et le vivant dans une réflexion sur l’économique. Cette articulation de systèmes, en diverses fonctions, à divers niveaux, tel celui de la spécificité, puisque chaque niveau, chaque système est détenteur de fonctions qui ne sont ni l’optimisation, ni la réduction des systèmes inférieurs ou supérieurs. La fonction du quartier est spécifique, elle n’est pas une fraction de la fonction urbaine. Et réciproquement, la ville est plus que l’addition des quartiers, de même que l’interdépendance, et la rétroaction entre les niveaux locaux, nationaux et les différents espaces.

81 René PASSET, L'économique et le vivant, Petite bibliothèque Payot, Paris, 1983.

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Approches, analytiques et technocratiques

Approches systémiques et participatives

Priorité aux analyses et diagnostics portants sur les

stocks, parcs (population, logement..) et les procédures.

Priorité à la connaissance des mouvements, flux,

processus portés par des réseaux d’acteurs.

Définir des aménagements, équipements,

ordonnancer l’espace

Définir des projets d’action à partir d’acteurs.

Projets évolutifs, négociés et réalisés et réajustés en

permanence.

Evaluations souvent quantitatives

Evaluation par débat sur l’intérêt et la portée des

projets et stratégies

Raisonnements linéaires (cartésiens) Raisonnement en rétroaction (Cybernétique)

Attitude d’étude technocratique Attitude politique et d’adaptation au risque

Tandis que l’approche analytique (Descartes) et bureaucratique, est relativement simple, elle manque de souplesse par rapport au projet de développement local et a donc des difficultés à s’adapter. A l’inverse de l’approche systémique, qui n’est pas linéaire et qui prend en compte les limites du terrain et les attentes des acteurs du terrain tout au long du projet de développement local.

Le discours du Président Truman, sur l’état de l’Union, tenu le 20 janvier 1949 va lancer un nouveau paradigme du développement. Il est inspiré de l’évolutionnisme de Rostow, qui estime que toutes les sociétés passent par l’une des cinq phases suivantes : la société traditionnelle, les conditions préalables au démarrage, le démarrage, les progrès vers la maturité et l’ère de la consommation de masse82.

Mais de nombreux chercheurs historistes, structuralistes ou marxistes et écologistes, estiment que cette théorie s’inscrit en réalité dans une stratégie de domination, consistant à poser le modèle occidental (notamment Etats-Uniens), comme le modèle à suivre. Ainsi, les pays en développement seraient en retard sur les pays occidentaux, donc considérés comme inférieurs et devant en quelque sorte se soumettre au modèle de développement dominant.

Historisme et développementOr, les historistes, de même qu’Illich83, ou Latouche84, défendent l’idée de

relativisme culturel, estiment au contraire, que chaque nation, dispose de son génie

82 ROSTOW Walt, Les étapes de la Croissance économique, Paris, Le Seuil, 1963.83 ILLICH Ivan, Energie et équité, Le Seuil, 1973.84 LATOUCHE Serge, Faut-il refuser le développement ? Paris, PUF, 1986.

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propre et doit choisir son propre modèle de développement national et local, au plan économique, politique, sociale...

L’historisme, dénonce toute tentative d’histoire théorique qui prétendrait définir les lois générales de l’évolution du monde. Ce courant de pensée défend la thèse selon laquelle l’avenir étant très largement indéfini, il est vain de s’interroger sur l’existence de lois en histoire. L’historisme affirme donc le caractère singulier de chaque processus de développement. Il estime qu’il n’existe pas de point d’arrivée unique susceptible de produire un modèle et, par extension, incite à conclure que la réussite d’une politique de développement dépend avant tout de sa capacité à comprendre et à s’appuyer sur la spécificité de chaque espace. L’historisme s’inscrit ainsi dans un principe de contingence : chaque politique de développement est particulière ; il n’existe ni archétype, ni références universelles, mais seulement des principes communs qui consistent à ancrer la stratégie et l’action dans l’histoire. L’historisme suggère ainsi au moins deux transformations radicales dans le paradigme évolutionniste du développement. Il nie tout d’abord le principe d’unité et réfute l’existence d’un modèle universel. Il s’oppose à ce titre à la détermination a priori de quelques étapes que ce soit, inspirées ou non du courant libéral. Il redonne ensuite une épaisseur nouvelle à la culture et à l’espace ; un espace qui, du micro-local au national, n’est plus considéré en référence à une norme de développement unique, mais en termes de production de nouveaux modes et de logiques spécifiques de développement.

A bien des égards, l’historisme peut donc être considéré comme l’un des paradigmes fondateurs du développement dans la petite dimension. Ce courant Présente toutefois plusieurs limites importantes dont deux au moins, d’ailleurs complémentaires, font l’objet d’un large consensus. La première tient au danger d’enfermement inhérent à un concept de spécificité souvent considéré de manière réductrice. Il se traduit par ce que l’on pourrait nommer un syndrome localiste. La seconde porte sur les relations entre le « local » et le «global» et sur le risque d’occultation des décisions et des évolutions des systèmes économiques exogènes, qui, même si elles sont dénoncées, existent et sont souvent en grande partie déterminantes pour le local. Cette deuxième limite renvoie au registre de l’utopie du repliement autarcique. Dans l’optique des politiques de développement, le syndrome localiste et l’utopie autarcique constituent deux des travers parmi les plus souvent rappelés. Alain Touraine écrivait ainsi, que « le danger de l’historisme est d’enfermer chaque société dans sa particularité, c’est-à-dire de faire disparaître les sociétés derrière les États, les systèmes sociaux derrière les politiques, et plus simplement les pratiques derrière les discours »85.

85 TOURAINE Alain, Le retour de l’acteur, Fayard, 1984, p. 182.

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Abdel-Malek distingue une troisième limite qui est celui de la « dialectique entre des facteurs de maintenance avec les facteurs de transformation, finalement, reviennent à priver le « local » d’un arsenal important de leviers d’action par le refus, explicite ou implicite, du jeu de l’alliance et de l’ouverture. Le principe de spécificité, au cœur des thèses de l’historisme, s’inscrit donc dans une palette de registres contradictoires. D’un côté, il relativise la valeur des modèles de développement présentés comme universels et facilite ainsi la mise en convergence des stratégies individuelles et collectives. Dans cette optique, il remplit des fonctions d’intégration et de médiation. Mais d’un autre côté, il élève parfois aussi de nouveaux murs qui, finalement, pénalisent la « société locale ». L’historisme, est donc préoccupé par le refus de toute modélisation.

Marxisme, structuralisme économique et dépendanceLe courant marxiste a pour l’essentiel concentré ses champs d’observation sur

les pays « en retard », sur la spécificité de leur situation et les effets de la colonisation, en terme de développement économique, constitue avant tout un ambitieux projet d’explication théorique des relations entre le capitalisme central et les sociétés périphériques.

Les travaux des courants marxistes s’appliquent essentiellement à l’analyse des contradictions des mécanismes d’évolution du capitalisme. Ils n’accordent ainsi que peu de poids au local. Le cas du structuralisme marxiste, constitue également l’un des exemples les plus souvent évoqués. Le structuralisme considère le développement comme un ensemble d’éléments interdépendants qui forment un système structuré. L’un des apports majeurs de ces théories tient au fait qu’elles conduisent à intégrer le local dans un ensemble plus vaste.

Dans les théories structuralistes, l’idée de reproduction est en effet première. La finalité du système consiste avant tout à assurer sa reproduction et à reproduire ses structures pour assurer cette reproduction. Dès lors, les marges de manœuvre des échelles et des organisations locales, se trouvent extrêmement réduites. Les travaux de l’école de la dépendance ou du structuralisme marxiste s’avèrent caractéristiques de ce type d’analyse. Ils ont développé une série de concepts, dont ceux de l’échange inégal et des analyses fondées sur le schéma centre-périphérie, les liens entre des formes de domination externes internes des entreprises capitalistes. L’école de la dépendance refuse de considérer le sous-développement comme «naturel» et attribue cette situation à des effets de domination du centre qui auraient bloqué ou empêché des formes endogènes d’évolution des périphéries.

Malgré leurs apports incontestables, les analyses structuralistes révèlent pourtant plusieurs limites de fond. Gilbert Rist (1996) en souligne deux principales.

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La première tient à l’usage immodéré du terme dépendance qui a souvent conduit à une simplification excessive de la théorie donnant à penser que le développement du centre était exclusivement dépendant du «sous-développement» de la périphérie.

La seconde provient de la difficulté à cerner avec précision à la fois le sens et le réel degré de dépendance d’un pays par rapport à un autre. Quelles sont en effet les nations qui, y compris dans le monde occidental, peuvent se suffire à elle-même ? Quelles sont les véritables conséquences de cette dépendance ?86

C’est ce qui fait écrire à Rist que « l’ethnocentrisme occidental est donc présent non seulement dans la théorie de la modernisation (notamment libérale), mais aussi dans certaines versions de celle de la dépendance qui, finalement, font assumer au centre l’entière responsabilité du processus de développement – sous-développement et transforment les périphéries en victimes passives de l’extension du système capitaliste»87

Dans ces conceptions dépendantistes, il existerait pour les zones périphériques une sorte de solution de rechange indépendante et qu’il suffirait de sortir de la logique de domination pour que cette solution émerge. L’exemple de l’école des dépendances s’avère par conséquent caractéristique de certaines des limites d’un structuralisme économique qui contribue, d’une part, à faire trop largement disparaître l’homme derrière le poids des structures (le déterminisme).

Premières expériences de développement local : l’approche humaniste et participative

Entre un évolutionnisme mécanique et universalisant, qui inspire les premières politiques de développement, un historisme fondé au contraire sur un principe de contingence mais guetté par des travers localistes et autarciques, un marxisme réfutant de fait au local toutes réelles marges de manoeuvres au nom de l’attente de l’autodestruction capitaliste, et un structuralisme incapable de dégager une véritable alternative, le développement local va émerger dans un contexte idéologique pour le moins marqué.

Les mouvements idéologiques de développement local ont connu un essor relativement important en France dans les années 1960 et 1970. Refusant la théorie évolutionniste et la pertinence des stades de développement, ces groupes préconisent des démarches humanistes inscrites dans la durée. Ils militent pour une approche non strictement marchande de l’économie fondée sur un ensemble de processus d’apprentissage collectif et sur la recherche de nouveaux rapports entre espace et pouvoir, plus participatif et égalitaire. Dans cette perspective, humaniste,

86 RIST Gilbert, Le développement, Histoire d’une croyance occidentale, Presses de Sciences Po., 1996, p. 193.87 RIST, Op. cit. 1996, p.191

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le psychologue Carl Rogers, souligne le fait que devenir une personne suppose « d’accéder à une manière plus congruente d’agir et d’être »88. C’est à dire de parler et d’agir de manière cohérente dans des actions de développement local. Par exemple de militer pour l’écologie et d’agir dans sa vie quotidienne, pour réduire sa propre consommation, sa pollution, empreinte écologique et carbone.

Le mouvement humaniste s’oppose souvent, à ce que l’on dénomme « l’écologie profonde », qui place la nature et les animaux au même niveau que l’être humain, dans les projets de développement local notamment. Pour « l’humanisme étroit », l’homme n’est pas l’égal de la nature. Cependant, pourquoi y aurait-il forcément un antagonisme, alors qu’il peut s’opérer une recherche d’harmonie possible entre des espèces relativement interdépendantes ? Cela consiste à respecter les droits de chaque espèce, les hommes comme les animaux et la nature, sans domination de l’un sur l’autre.

Le développement local face au développement durable et à l’écologie sociale radicale

a-Le développement local comme anti-développement Bernard Charlot, résume habilement cette situation en estimant que le

développement local tente de gérer à la périphérie les contradictions du « centre » que ce « centre » ne parvient plus à traiter. Le développement local apparaîtrait ainsi comme une tentative de gestion par les marges non seulement de leurs propres contradictions mais aussi de celles du « centre ». Serge Latouche complète cette analyse en rappelant que le concept de développement local apparaît historiquement comme l’une des tentatives de recherche de solutions à la crise du développement capitaliste, mais aussi du socialisme soviétique.

b-Le développement local endogène peut s’inscrire dans la culture postmoderne. A l’inverse le développement local exogène, dépendant de la mondialisation économique, tend à s’inscrire dans un besoin de croissance infinie, de la vitesse extérieure contre celle de la lenteur et de la simplicité intérieure. Les « occidentaux » sont poussés culturellement vers la suractivité, ce qui crée une civilisation de la croissance et de la vitesse infinie. Une des raisons de cette éternelle, course en avant et de l’hyperactivité des occidentaux en particulier, s’explique à nouveau par un besoin de compenser la peur du manque, du vide et finalement la peur de la mort. Dans la culture moderne, en particulier celle du capitalisme occidental techno-industriel, une des valeurs dominantes repose sur la recherche du rendement, de la productivité, de la croissance économique sans

88 ROGERS Carl, Le développement de la personne, Paris, Dunod, 1968.

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limite. Tandis que dans la culture postmoderne, la priorité est donnée au temps intérieur, à la quête de la lenteur, comme opportunité de la « simplicité heureuse ». Ceci, afin de développer aussi les qualités intérieures de l’être humain. Un peu dans la même veine, Paul Lafargue, le gendre Karl Marx, avait déjà écrit en 1881 « le droit à la paresse »89.

Dans une perspective productiviste capitaliste ou socialiste étatique, l’injonction consiste à « travailler plus », plus vite, plus efficacement, recherche de la productivité maximum, pour « gagner plus ». A l’inverse les peuples premiers, cherchent à travailler en cherchant à suivre le rythme des saisons, de la lumière du jour. Ils cessent généralement de produire, lorsque leurs besoins essentiels sont satisfaits. Dans le cadre de du mouvement de la décroissance, les personnes entendent partager le travail, pour que tous y aient droit. Ils tentent de travailler moins pour accroître le temps pour soi et pour autrui.

Les membres « de la décroissance  » proposent en particulier de débuter cette décroissance par les plus riches et de dépasser le capitalisme en proposant des solutions précises. Ainsi, le mouvement de la décroissance vise d’une part la croissance des plus pauvres, au moins jusqu’à hauteur d’une empreinte écologique soutenable pour tous. En 2005, elle était de 1,8 Ha/habitant, pour 6 milliards d’êtres humains90. D’autre part, elle ne s’oppose pas forcément à la croissance des secteurs qui ne détruisent pas la nature et les ressources non renouvelables, tels que le social et le culturel. Cette croissance sélective (qui peut aussi être qualifiée de décroissance sélective), pourra se développer, tant que ses externalités négatives (transports, communications…) du secteur socioculturel en particulier, ne dépassent pas le niveau de l’empreinte écologique mondiale soutenable et égale pour tous.

La culture capitaliste moderne pousse ainsi ses membres vers la quête du pouvoir, de la prédation de l’homme sur ses semblables et sur la nature (dont il est coupé). Tandis que certaines cultures traditionnelles, telles celle des indiens Kogis, tendent vers la recherche de l’harmonie entre l’être humain, la Nature et la Terre considérée comme une « mère symbolique »91. Ce qui implique alors naturellement pour eux, comme pour les tenants de l’écologie post-moderniste, le respect de la nature, afin de préserver sa propre santé et de partager des

89 LAFARGUE Paul, Le droit à la paresse, Altiplano, 2007.90 Pour William E. Rees (1999), un des pères de ce concept: « l'empreinte écologique est la surface correspondante de terre productive et d'écosystèmes aquatiques nécessaires pour la production des ressources utilisées et l'assimilation des déchets produits par une population définie à un niveau de vie spécifié, là où cette terre se trouve sur la planète ». En 2005, l’empreinte écologique d’un européen était de 4,8 ha/hab, (France 5,2 ha) tandis que les USA sont à 9,5. La moyenne pour un terrien était de 2,23 ha, or l’empreinte écologique mondiale disponible n’est que de 1,8 ha. Ce qui permet au plus riche de vivre à ce niveau, c’est notamment le fait que les PED sont en dessous  (Afrique, 1,1 ha, Asie/pacifique, Chine 2 ha, 1,2 ha, Kenya, 1,1 ha, Inde 0,9 ha) (WWF, 2005).91 JULIEN Eric, CRUZ Gentil, 2004, Kogis, le réveil d’une civilisation Précolombienne, Albin Michel.

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richesses économiques et naturelles, en particulier lorsqu’elles sont limitées et non renouvelables (pétrole, uranium, métaux…).

Pour y parvenir, les tenants de la décroissance, préconisent, une autolimitation qui soit fondée sur le principe de « la sobriété heureuse » telle que le formule Pierre Rabhi ou de la « simplicité volontaire »92 s’inscrivant dans le registre de l’autonomie. On peut ainsi qualifier cette démarche d’autolimitation, de « simplicité heureuse ». Elle vise aussi à développer les qualités psychologiques de l’être humain (se détacher du besoin de posséder, de consommer, du pouvoir, de s’oublier dans l’activisme…). Qualités qui sont nécessaires d’acquérir, afin de pouvoir réellement mettre en œuvre cette autolimitation, en vue d’un partage équitable des ressources entre tous les êtres vivants.

Culture Moderne(du capitalisme

occidentaltechno-industriel)

Culture traditionnelle(des peuples premiers)

Culture postmoderne(De l’écologie

autogestionnaire)

Rythmede vie

Recherche de la vitesse et de

l’accélération infinie

Priorité au temps intérieur Recherche de la

lenteur afin de développer aussi les

qualités intérieures de l’être humain

Quête de la lenteur, « éloge de la paresse »

comme opportunité de la« simplicité

heureuse »

Il ne s’agit donc pas, dans cette optique, d’un courant de pensée évolutionniste, il est plutôt possible de le qualifier de « régulationniste » à ambition réformatrice : il participe à la gestion des dysfonctionnements structurels majeurs du modèle dominant tout en tentant, à partir de cette gestion, d’inventer de nouveaux principes de développement.

c-Besoins essentiels, self reliance et identité culturelle sont les fondements d’un développement autonome

Les trois concepts de besoins essentiels, self reliance et d’identité culturelle, sont interdépendants et synergiques, dans le domaine du développement observe Roy Preiswerk93.

Un développement basé sur la « self reliance » signifie en quelque sorte un développement plus endogène ou autocentré. Il renforce l’identité culturelle en

92 BURCH Mark, 2003, La voie de la simplicité, Ecosciété, Montréal.93 PREISWERK Roy, in IUED: Il faut manger pour vivre...Controverses sur les besoins fondamentaux et le développement, PUF, 1980, p 132.

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centrant les efforts de développement sur les ressources (au travers la participation des populations notamment) et les connaissances propres du pays. En prenant appui sur la base et non pas sur les élites (souvent formées à l’étranger dans les PED), le développement peut prendre en compte les attentes des populations et ainsi répondre à leurs besoins essentiels.

La réappropriation par une population de son identité culturelle favorise la self reliance, car elle permet de trouver confiance dans son propre potentiel. Elle peut permettre aussi une meilleure réponse aux besoins des populations, car elle peut orienter l’attention du gouvernement sur les préoccupations essentielles des populations. Chaque peuple en développant ses qualités spécifiques, peut faire émerger ou retrouver dans sa culture, son identité, son « génie » propre. La technologie appropriée peut être un moyen de découvrir des techniques spécifiques ou d’adapter des technologies extérieures aux besoins du pays. L’’identité culturelle est notamment renforcée grâce à l’amélioration de l’éducation, l’usage de la langue maternelle dans les manuels scolaires et par les enseignants, l’appui sur les compétences humaines locales... Enfin la reconnaissance des traditions favorise l’unité du pays et c’est bénéfique pour la cohésion sociale.

En répondant aux besoins essentiels des populations, en stimulant par exemple la production des cultures vivrières, en permettant l’éducation de base, en répondant aux besoins locaux avant de suivre la demande internationale, le pays devient ainsi plus autonome et peut assurer sa croissance à long terme. La satisfaction des besoins essentiels remet les attentes des hommes et leur droits au centre du développement. L’identité culturelle est ainsi favorisée, car cela prend en considération les besoins essentiels des populations qui ne sont pas seulement matériels.

Nous venons de décrire brièvement le cercle vertueux formé par ces trois piliers du développement local et national. Mais poussé à l’excès le mécanisme peut devenir une spirale destructrice ou self reliance devient autarcie sclérosante, l’identité culturelle un nationalisme au passéisme exacerbé et la satisfaction des besoins essentiels devient à nouveau un moyen de conserver les privilèges des plus riches. La vigilance et le discernement restent néanmoins nécessaire, lorsque l’on s’appuie sur ces trois piliers du « développement ».

En réalité, ce modèle de développement dépend plus des obstacles à lever, pour le réaliser, que de solutions réellement nouvelles à découvrir. Roy Preiswerk précise que la définition de la stratégie dissociative (telle la self reliance) la plus appropriée à chaque cas particulier doit se faire selon les ressources disponibles, les conditions écologiques et la situation économique de la collectivité concernée. De plus ces suites d’hypothèses ne représentent qu’un archétype, puisque certains pays n’ayant

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pas suivis strictement ce modèle parviennent à ce développer correctement. « Les stratégies fondées sur la satisfaction des besoins essentiels existent en combinaison avec la self-reliance (Chine) aussi bien qu’indépendamment (Taiwan). Il y a des cas de dissociation sans satisfaction des besoins essentiels (Haïti) aussi bien que des cas d’association sans satisfaction des besoins essentiels (cas le plus fréquent) »94. En s’appuyant sur ce modèle de référence, chaque pays devrait trouver sa propre voie de développement, en choisissant de privilégier l’un des trois pôles, en fonction de sa situation propre.

d-Différencier les notions de développement local et de développement durable

Le modèle du développement durable s’appuie en large parti sur les principes du développement local. Les Nations Unies ont adopté à Rio en 1992, une définition du développement durable. Il s’agit selon eux, d’un développement « qui satisfait aux besoins de la génération présente, à commencer par ceux des plus démunis, sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs». Elle insiste donc, sur une double dimension : sociale et intergénérationnelle.

Or, précisément, les transnationales sont dans une logique de localisation guidée par la recherche des plus bas salaires possibles et des réglementations environnementales les plus laxistes possibles, c’est-à-dire le contraire du développement durable.

Puis le développement durable investit le territoire à partir de 1995… À partir du milieu des années 1990, la mise en scène de la mondialisation favorise également l’effacement de l’État et la territorialisation des politiques publiques créant une nouvelle scène locale ou le comportement des acteurs influence les dynamiques spatiales et sociales. La notion de territoire va systématiquement être lestée par celle de développement durable intégrant l’importance des enjeux environnementaux, dans l’esprit du rapport Bruntland.

Les lois d’aménagement du territoire et les acteurs locaux évoquent alors, le changement d’échelle des enjeux, l’ampleur sans précédent des menaces sur les ressources naturelles et le fait que l’environnement devienne un enjeu économique et diplomatique, une stratégie d’adaptation qui fait confiance à l’ingéniosité des générations futures pour trouver des solutions aux problèmes posés par les choix actuels de développement, soit une stratégie de croissance

94 PREISWERK Roy, in IUED: Il faut manger pour vivre...Controverses sur les besoins fondamentaux et le développement, PUF, 1980, p.180.

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soutenable qui inclut a priori, dans les décisions actuelles les conditions de reproduction à long terme des bases écologiques de la croissance future95.

Le développement durable englobe les notions liées au développement local ; c’est une notion programmatique qui élargit la problématique avec quatre dimensions centrales :

- des critères éthiques reposant sur la responsabilité, la précaution, l’ouverture et l’équité ;

- des critères environnementaux envisageant la protection et la valorisation des ressources naturelles et patrimoniales ;

- des critères économiques qui abordent la distribution des richesses, la diversification des ressources, la viabilité économique ;

- des critères sociaux qui concernent l’insertion, la qualification, l’emploi, le cadre de vie.

Le développement durable doit s’accompagner d’une répartition équitable des conditions de vie et de développement. L’équité sociale apparaît comme un aspect majeur, indissociable du développement de la citoyenneté. Notons que très souvent l’aspect environnemental l’emporte sur la notion d’équité sociale ; ainsi, les politiques publiques privilégient souvent les aspects paysagers au détriment des politiques sociales de réductions des inégalités.

Cet objectif de développement durable est affirmé à différentes échelles, nationales, européenne, de l’OCDE et même mondiale par les grandes organisations internationales qui légitiment cette notion. Plusieurs pays l’ont inscrit comme objectif de leurs politiques environnementales et même de leur politique économique : l’article 2 du traité de Maastricht impose aux États membres « la tâche de promouvoir une croissance durable et non inflationniste respectant l’environnement ; de même, l’OCDE affiche la nécessité d’intégrer l’environnement dans les politiques sectorielles comme garant d’un développement durable et l’Assemblée des Nations Unies en a fait un thème fort de son action avec la « déclaration de Rio sur l’environnement et le développement » et l’adoption de l’Agenda 21 ».

e-La diversité de conceptions du développement durable. Ce concept renvoie tout d’abord à la notion de « développement », qui se

distingue, comme le rappellent certains auteurs, de la notion de croissance, en ce

95 Yves JEAN, Du développement local au développement durable, p. 22-31, in CHAREF, 2005, Op. cit.

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sens qu’elle doit assurer la croissance économique mais également le bien-être social et plus largement humain.

La définition du rapport Brundtland fait l’objet de conceptions différentes du développement durable. Turner avait différencié en 1992, les approches en durabilité forte ou faible96.

1-1-La durabilité forte est issue de l’économie des ressources renouvelables et considère que la soutenabilité, y compris entre les générations dépend d’un équilibre entre le taux de prélèvement et le rythme de croissance, qui assure au minimum le renouvellement de la ressource afin de maintenir dans le temps un stock constant de capital naturel.

1-2-La durabilité faible est centrée sur la satisfaction des besoins humains et sur la viabilité inter-générationnelle de cette satisfaction. Ainsi, les objectifs portent sur la non-décroissance du revenu par tête et du stock de capital total (naturel et artificiel) de génération en génération.

Plus généralement, ces différentes visions révèlent des valeurs différentes attribuées au processus de développement et des divergences concernant la place de l’homme dans la nature.

2-1-Pour les uns, la conception est objective et biocentrique, l’environnement est assimilé à la nature dont il s’agit d’assurer la conservation ou la reproduction.

2-2-Pour les autres, la conception est subjective et anthropocentrique, l’environnement est assimilé à un ensemble de relations entre l’homme et le milieu naturel construit, dans lequel il vit. Cette conception a le mérite de prendre en compte l’environnement dans toutes ses dimensions. Ces deux conceptions, antagoniques, alimentent les conflits entre écologistes, pour qui la préservation de la nature est un objectif en soi, et les tenants du développement, pour lesquels l’objectif est de maximiser le bien-être humain97.

2-3-Une troisième conception que J. Theys intitule «technocentrique ou clinique» est fondée sur les interrelations entre l’homme et la nature : il s’agit de déterminer ce qui est acceptable par l’homme dans la nature et ce qui, dans les activités humaines, est acceptable pour la nature. Il s’agit d’une conception, médiane, qui tente d’établir un compromis entre les deux précédentes.

Le développement local est fondé sur la mobilisation de tous les acteurs, y compris les salariés (qui ne sont pas forcément les plus démunis), c’est-à-dire de gens qui sont censés rester là de génération en génération, car le développement local est fondé sur une accumulation collective de capital humain. Ces gens ont

96 TURNER, 1992, Speculations on Weak and Strong Sustainibility, CSERGE, University of EastAnglia and University College London, GEC, p. 92-26.97 Yves JEAN, Du développement local au développement durable, p. 22-31, in CHAREF, 2005, Op. cit.

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généralement intérêt à préserver leur propre territoire et ils ont la conscience d’un avenir partagé. Tout développement soutenable doit donc s’appuyer sur une idéologie de développement local.

Mais, la première limite, c’est que le local ne se préoccupe pas forcément des plus démunis, au contraire. Au Japon et en Corée, qui sont des cas de développement local national contre les puissances dominantes, il s’agit de modèles de « close shop», dans lesquels on trace une frontière entre ceux qui participent aux bons côtés du modèle, et les « derniers arrivants » qu’on exclut.

L’esprit de solidarité qui caractérise le développement local peut donc déboucher sur l’esprit de clocher, voire la xénophobie. Ce sont bien les régions du Nord et Nord-est de l’Italie, ce qu’on appelle la 3e Italie, régions typiques du développement local fondé sur le dialogue entre les quatre acteurs, qui ont accouché politiquement de la Ligue du Nord. Mais elles ne sont pas les seules. Tous les modèles corporatistes qui ont su construire un assez bon compromis social engendrent des réactions populistes face aux nouveaux venus (voir l’Autriche et les Pays-Bas).

Il y a une seconde limite au développement local, la conscience du caractère environnementalement dangereux, à terme, d’une sur-spécialisation productive industrielle n’apparaît pas tout de suite. Les exemples abondent : Silicon Valley, tanneries de Fès, etc98.

f-Le passage vers un développement économique local décroissant ou

durableLe capitalisme libéral mondialisé est fondé en particulier sur l’avantage

comparatif et la division internationale du travail, en particulier l’échange de produits primaires en provenance des pays en voie de développement contre des produits manufacturés exportés par les pays développés, comme l’analyse Ricardo99. Il s’appuie aussi sur la domination du centre sur la périphérie, l’inégalité des termes de l’échange100 renforcé par une ouverture « forcée » des marchés nationaux au nom du néolibéralisme, en particulier par l’OMC, appuyé par les institutions de Bretton-Woods. A l’inverse le mouvement écologiste, cherche à développer l’autonomie locale et nationale, avant d’échanger et donc à exercer une « relocalisation sélective » de la production favorable à la fois à la baisse de la pollution liée aux transports, mais surtout une autonomie économique, alimentaire, technologique, conditions d’un développement souverain, donc autogéré.

98 LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, Op. cit. 2002.99 RICARDO David, Principes de l’économie politique et de l’impôt, 1817100 EMMANUEL Arrighi, L'échange inegal. Essai sur les antagonismes dans les rapports économiques internationaux (Maspero, 1969)

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Le développement local peut-il devenir une alternative au modèle de développement libéral dominant au plan mondial ? Les principes du développement local, ont été mis en pratique avec succès de la micro région au plan national, dans certaines régions et pays du monde. De façon relativement peu prévisible, un « prince moderne local » réalise la mobilisation d’acteurs locaux, l’épargne locale servant à financer le capital local mis au service de savoirs faire locaux ». Est-ce alternatif ? pas forcément. Oui, si l’on considère que ce n’est pas initié ou directement contrôlé par les transnationales et les dominants. Non, car on dira en général que le développement local a réussi quand il réussit à s’insérer dans l’économie mondiale. Et à la première crise, les transnationales essayent de racheter les entreprises locales (on l’a vu en Corée, comme dans le Choletais). Bref, ce n’est pas très alternatif, car il ne s’agit la finalement que du politique de nature capitaliste, ou les plus faibles, en particulier les femmes, y sont souvent exploitées. Tout développement local n’est donc pas alternatif. Mais toute démarche alternative est obligée de s’appuyer sur des démarches de développement local. Les acteurs porteurs des ambitions locales de développement ont au moins intégré qu’il ne faut pas tout attendre des transnationales ou de l’État national. Deux stratégies existent alors : la première c’est le développement du travail de la communauté pour la communauté ; dans la seconde, la communauté construit une « base exportatrice » vers les marchés extérieurs. Tout modèle de développement local est une combinaison des deux, les écologistes et les alternatifs en général, insistant sur le premier terme, plus que sur le second101.

L’écologie sociale préfère le pacifisme à l’action directe « violente ». Il faut entendre « radical » avec son origine latine, c’est-à-dire « qui cherche à remonter à la racine des problèmes observés ». L’idée principale est de ralentir la vitesse du train pour, sinon éviter le mur, minimiser la violence du choc, et donc les catastrophes humanitaires. Ramenée aux théories économiques et sociales, cette solution relève d’un développement local et d’un partage raisonnable et économe des ressources naturelles. Cette solution réclame un changement de comportement individuel et collectif profond, un idéal de vie distancié du progrès matériel, un plus grand partage des ressources existantes ainsi qu’une plus grande humilité par rapport à la place de l’humain sur la Terre. Elle propose de repenser la vie en société de façon radicale. En fait, pour certains, freiner le train

101 LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, Op. cit. 2002.

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ne suffit même pas car, en définitive, il faudrait descendre du train pour éventuellement en prendre un autre102.

Serge Latouche et Edgar Morin, notamment critiquent le concept même de «développement», donc de développement durable. Certains auteurs tels Latouche contestent d’ailleurs le terme, qu’ils considèrent comme un oxymore, c’est-à-dire la juxtaposition de deux notions opposées). Ils considèrent qu’il mène la civilisation à sa perte, car il est fondé sur une conception occidentale d’un modèle productiviste qui épuise la planète et qui n’est pas extensible à l’ensemble des peuples.

Les approches fondées sur l’autogestion, mettent en cause l’approche marxiste de même que l’approche capitaliste, consistant placer l’accumulation du capital comme instrument nécessaire au développement des forces productives. Car il y a contre-productivité lorsque apparaissent des dégâts sociaux et écologiques.

On opposait auparavant la notion de « croissance », quantitative et le « développement », qualitatif visant l’harmonie. Mais avec Serge Latouche, ou Paul Ariès et les décroissants, cette distinction relativement simple a été quelque peu bousculée. L’idée de décroissance soutenable, est fondé sur l’harmonie et intergénérationnel. « Cela implique une décroissance de certains facteurs, par exemple les taux d’utilisation de l’énergie et des matières premières. Mais on tombe dans une discussion sémantique sur le mot développement : dans toutes les langues indo-européennes, ce mot inclut la racine « vol » (boucle). Le développement est une boucle où la cause et l’effet sont repris de période en période. L’expression ‘’développement soutenable’’ me paraît donc juste » estime Liepietz103,

Cependant, le géographe Yves Gilbert, spécialiste du développement local explique que “la notion de développement ne peut exprimer l’idée de croissance au sens où l’entendent les économistes (lisible au travers d’accroissement de taux de redressements tendanciels de courbes) mais celle d’approfondissement entendue comme consolidation de l’épaisseur sociale : “approfondissement des rapports d’intelligence entre une société et ses territoires”104.

La géographie et le territoire, comme outil d’analyse et de production du développement local

L’un des outils de base du développement local est, dès l’origine, éminemment géographique, c’est l’échelle du local ou, plus exactement, c’est la

102 La société de consommation: une société qui fonce dans le mur, Objecteur de croissance Vol-1 , Nicolas

Ottenheimer103 LIEPIETZ Alain, « Du développement local au développement durable, Op. cit. 2002.104 RIST Gilbert, “La recomplexification du territoire”, 2003.

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territorialisation de l’action. Cet ancrage territorial est en effet pensé comme le moyen, d’une part, de privilégier une approche « globale » ou de favoriser l’organisation de processus de participation, d’autre part, de trouver de nouvelles marges de manœuvre, voire une relative autonomie. «Les pratiques du développement local supposent l’identification a un espace et l’appropriation de celui-ci ; elles sont donc profondément ancrées dans un territoire, c’est-à-dire qu’elles sont intimement liées à l’environnement dans lequel elles ont cours » souligne Vachon105.

L’un des traits caractéristiques de ce mouvement porte sur la recherche d’un pouvoir à la fois plus proche et moins vertical. Cette proximité est présentée, comme un moyen de favoriser l’émergence de nouveaux instruments d’action, de s’affranchir partiellement des processus de décision exogènes. « Ce n’est qu’en accédant à une certaine autonomie qu’une collectivité sera en mesure d’établir ses conditions d’existence et le niveau de qualité de vie qu’elle souhaite atteindre... Ainsi cessera la soumission à une logique de croissance et de développement venant uniquement de l’extérieur» poursuit Vachon106.

Développement et théories actionnistesLes théories de l’action seraient désormais devenues dominantes dans les

sciences de l’homme, on prête davantage attention, d’une part, aux individus, d’autre aux interactions et aux relations dans lesquelles les individus se construisent eux-mêmes, construisent l’identité d’autrui et participent à la construction du social. Ce serait en quelque sorte, « la fin des sujets collectifs ». Un consensus semble tour d’abord se faire pour accorder désormais une relative liberté à l’individu. Elles se fondent ensuite sur un schéma utilitariste : elles présentent l’intérêt comme mobile d’action commun à tous les hommes. Pour ces théories, l’acteur serait par conséquent intentionnel et cette intention se fonde sur la raison, la rationalité. Par conséquent, dans cette perspective, le développement local, dépend des individus, de leur volonté, de leur initiative, plus que du déterminisme des structures économiques et sociales.

L’un des postulats fondamentaux des théories du développement local est le vecteur «proximité », pour engager un ensemble de processus individuels et collectifs. En ce sens, le local, longtemps assimilé à l’espace de proximité, constitue potentiellement l’un des facteurs qui participent de la construction de la décision et de l’action.

Les limites des théories actionnistes et l’approche de Bourdieu105 Vachon B., Le développement local, Théorie et pratique, Québec, G. Morin Editeur, 1993, p. 93.106 Vachon, Op.Cit., 1993, pp. 96-97.

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P. Bourdieu ne s’inscrit pourtant à proprement parler dans aucun des deux grands paradigmes sociologiques précédemment rappelés. Il développe une sociologie centrée sur les pratiques sociales dont l’ambition est justement de dépasser les approches structurelles et actionnistes. Pour lui en effet, toute pratique sociale ne serait ni l’expression d’une structure, ni la manifestation d’une volonté consciente, mais le produit d’un « sens pratique » acquis par les individus et qui leur permet de s’orienter dans la vie sociale.

Pierre Bourdieu n’exclut pas la liberté de l’individu ou de l’agent ; en ce sens il ne s’oppose pas fondamentalement aux courants de pensée centrés sur l’acteur. Il borne toutefois cette liberté au sein d’un répertoire d’actions possibles partiellement prédéterminé par l’habitus (les conduites liées à une classe sociale). En ce sens, Bourdieu estime que les agents (aussi bien les élus, leurs citoyens, que les entrepreneurs et les experts) sont autant conditionnés, qu’ils n’agissent, autant libre que déterminé, dans un projet de développement local107.

Le territoire est une clé du développement local géographique de la complexité

Le territoire, est un concept ambigu sur lequel les différentes disciplines qui interviennent dans le développement local adoptent pour le moins des définitions hétérogènes. La question clé du développement local réside dans la manière jouer des moteurs du local ou plus largement des relations qui lient l’homme à l’espace pour créer de la capacité à agir. Le « territoire » du local agit sur l’acteur de la même manière que l’acteur agit sur lui. Tout le problème consiste à comprendre, d’une part, de quelles manières se construit cette « influence territoriale » sans tomber dans les pièges du déterminisme et, d’autre part, de cerner quelles sont les finalités, les stratégies et les tactiques de ceux qui détiennent, partiellement, les « clefs de démarrage ». On pourrait schématiser ce questionnement dans une formule dichotomique, et donc réductrice, qui fixe pourtant assez correctement deux extrêmes :

- soit « on » agit, à travers le territoire, pour produire de l’action ou de la capacité à agir, et le territoire devient alors moteur (l’actionnisme) ;

- soit « on » tente plutôt, en s’efforçant par exemple de réduire au minimum toutes réelles velléités d’implication, de s’approprier l’espace pour en faire un instrument de pouvoir personnel et le territoire, au lieu d’être un instrument de mobilisation, devient un strict outil de domination personnelle (le déterminisme). Dans cette analyse, le champ du développement local (territorial) est considéré

107 Pierre BOURDIEU, Le sens pratique, Paris, Éditions de Minuit, 1980.

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comme secondaire les inégalités sociales perdurent sans changement global (holiste).

Le premier des facteurs caractéristiques des démarches de développement local tient sans conteste à leur ancrage géographique. L’entrée territoriale constitue un préalable incontournable, la convergence entre toutes les « théories » du développement local.

Le second facteur caractéristique des démarches de développement local est à la fois l’un des plus importants et l’un des plus mystérieux, il se décline d’ailleurs sous une sémantique plurielle : mobilisation, implication, collaboration, citoyenneté, voire responsabilisation.

A travers cette diversité émerge un objectif, que l’on peut nommer l’intégration qui participe de l’essence même des démarches fondées sur le territoire. Il s’agit d’une intégration qui renvoie en parti à la place et au statut du sujet individuel au sein de la société. Il désigne le processus fondé sur une interaction entre individus et entre l’individu et la société. La problématique du développement de l’individu et de son intégration s’avère, directement ou indirectement, au centre de quasiment toutes les démarches locales.

Le troisième facteur distinctif du développement local, relève de dimensions que l’on peut qualifier de «culturelles». Les dimensions culturelles du développement, après avoir été longtemps occultées, sont aujourd’hui à nouveau largement reconnues.

Dans le développement local, la théorie dominante a souvent été l’historisme, elles ont toujours figuré comme l’un des principes fondateurs. La culture y était donc bien présente, car chaque culture est spécifique et localiste.

Le quatrième et dernier facteur fondateur renvoie au thème de la théorie de la complexité, notamment aux travaux d’E. Morin sur la Méthode et à l’un des problèmes fondamentaux qu’il soulève dans La Nature de la Nature108 : le problème crucial, écrit-il « est celui du principe organisateur de la connaissance, ( ... ) ce qui est vital aujourd’hui, ce n’est pas seulement d’apprendre, pas seulement de réapprendre, mais de réorganiser notre système mental pour réapprendre à apprendre... Ce qui apprend à apprendre, c’est cela la méthode ».

Ce principe méthodologique renvoie également au triple jeu de l’ordre, du désordre et de l’organisation, aux processus de destructions créatrices de Schumpeter, ou encore, parmi de nombreux autres, aux démonstrations de Kuhn selon lesquelles la science n’évoluerait pas seulement par accumulation, mais aussi grâce à la transformation et à la perpétuelle réinvention des principes organisateurs

108 MORIN Edgar, La Nature de la Nature, 1977.

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de cette connaissance. Cette reconstruction des modes d’apprentissage est implicitement au centre des démarches de développement local. Cela signifie donc, que pour réussir le développement local, il faut développer une méthode adaptée, mais aussi que les acteurs du développement local soient formés à cette méthode et y participent .

Tous ces phénomènes confirme l’intensité des efforts de convergence, entre les théories. En cette fin de siècle, tous les grands paradigmes du développement, rappelés dans le premier chapitre, ont clairement montré leurs limites. La plupart des théoriciens de la dépendance comme la majorité des prophètes annonciateurs d’une rationalité universelle fondée sur un modèle unique admettent désormais en partie leurs limites. La complexité est le nouveau défi auquel l’humanité est confrontée et le développement local constitue sans doute l’un des domaines de réflexion et d’action.

L’entrée territoriale, l’intégration et place de l’individu au sein de la communauté, prise en compte des dimensions culturelles, l’adoption d’un mode de pensée complexe, tels sont quatre des principaux traits au cœur des principes fondateurs du développement local.

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CONCLUSION GENERALEa-Lors des années 1980, le développement local domine… Au début des années 1980, l’ampleur de la crise économique et la crise

d’efficacité et de légitimité de l’action publique centralisée suscitent les premières lois de décentralisation. Tous les États des pays de l’OCDE connaissent la même crise qui les conduit à déléguer de nouvelles compétences aux échelons infra-nationaux.

Ce désengagement contraint de l’État, va être érigé en vertu, à partir de 1984, sous l’effet convergent d’une part de l’idéologie libérale qui valorise l’entreprise et l’entrepreneur ainsi que le maire chef d’entreprise ; l’individu autonome, créatif, devient central, c’est le retour du sujet-acteur et de nouveaux mots gourous tels que le « projet », de ville, de territoire, éducatif local, d’établissement…

À partir de 1986, toutes les initiatives doivent être inscrites dans un projet. Cette « dictature du projet », favorise une banalisation du contenu des politiques publiques locales qui perdent de leur sens, au profit des procédures et d’une démarche technico-gestionnaire.

Les territoires, comme les individus, doivent être « motivés », « réactifs », «autonomes», « responsables ». D’autre part, les valeurs du développement local prônent la synergie des acteurs – privés et publics, le monde syndical et le patronat –, l’élaboration de projets globaux qui articulent l’économique avec le social et le culturel grâce au partenariat et à la démocratie participative, selon un esprit de solidarité.

Par ailleurs, ce désengagement de l’État est conforté par la découverte empirique et théorique du pouvoir créateur des réseaux de communication, informels, institutionnels entre acteurs. Lors des années 1980, la notion de développement local domine les représentations et explique la territorialisation des politiques publiques.

Le bilan des expériences conduites dans des espaces qui ont favorisé une démarche de développement local depuis la fin des années 1970, en France, au Québec ou sur le pourtour méditerranéen, nous pouvons souligner cinq caractéristiques communes :

- la diversité des situations géographiques, sociales, économiques, identitaires conduit vers des manières de réaliser le développement qui sont plurielles, multiples. Il n’existe pas de modèle unique de développement : chaque expérience dépend des initiatives des acteurs et par définition ces initiatives sont imprévisibles et non transférables ;

- le développement comporte une dimension territoriale : les projets s’inscrivent dans un espace avec une histoire singulière, une culture propre et où existe un

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sentiment d’appartenance permettant de développer une capacité de maîtrise collective du territoire ;

- l’existence d’une force endogène, qui oblige à mettre l’accent sur l’importance de l’action individuelle et sociale comme élément d’évolution des territoires ;

- une volonté de concertation et la mise en place d’un partenariat autour de projets. Toutes les expériences ont entraîné l’établissement de réseaux d’échanges et de réciprocité et le décloisonnement des institutions ;

- ces expériences mettent en jeu une mutation culturelle par une réactualisation des valeurs démocratiques comme la participation et la responsabilisation des citoyens quant à l’aménagement et l’avenir du territoire où ils vivent.

b-Les articulations du développement localLe développement local est fait d'articulations, de relations dialectiques entre :- une dynamique ascendante exprimant les besoins, les demandes, les

initiatives des groupes locaux, enracinée dans un territoire, une histoire, des valeurs partagées. Elle suscite des actions plutôt globales et transversales, une logique de mobilisation des acteurs et de leurs potentialités autour d'un projet, de rapports négociés avec l'ensemble des partenaires;

- une démarche descendante émanant de l'État et des pouvoirs institués, faite d'orientations, de procédures, d'incitations administratives et financières, de transfert de savoirs et de moyens. Elle privilégie les opérations sectorielles ou thématiques précises, les équipements et les programmes structurants, une logique de gestion et de répartition, la relation entre les relais administratifs et les représentants reconnus de la population.

Initiatives ascendantes et mesures descendantes doivent sans cesse se croiser: les premières doivent composer avec les dispositifs institués pour se faire reconnaître, démontrer leur efficacité, traduire leur projet en programmes précis et éligibles; les secondes ont besoin des forces et des initiatives ascendantes pour atteindre leurs objectifs, s'adapter à la mouvance et à la diversité des situations109.

c-Récapitulatif des traits les plus saillants du motif et du mobile pour plus d'autonomie

En l'espace d'environ deux siècles, un système historique : "le système d'accumulation le capital", s'est imposé à l'échelle de la planète, aidé par les États pour ensuite les dominer. L'organisation hétéronome nécessaire à la cohésion sociale de toute société humaine a dépassé les seuils critiques au-delà desquels

109 HOUE, Op. cit. p. 109

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les hommes peuvent rester maîtres de leur histoire (la violence du Sacré de Girard).

L'idéologie libérale comme certains aspects de l'idéologie socialiste n'ont, contrairement à leur intention première, jusqu'à présent fait que renforcer la société hétéronome. Ce processus est inhérent à toute idéologie qui projette au-delà d'elle-même l'image d'une société idéale.

En privilégiant presque exclusivement les rapports de coopération de type vertical (facilité, moins de conflits immédiats, rapports de forces) au détriment des coopérations de type horizontal, l'échange s'est trouvé très souvent dénaturé en exploitation.

C'est sur ce point que la critique des partenaires de l'autonomie, du développement local endogène et de l’écologie sociale, est la plus vive. Car ils introduisent dans la notion de coopération horizontale la notion de valorisation des ressources locales (physiques et humaines), de développement local et de relocalisation.  Cette articulation horizontale-verticale est nécessaire et suppose « une progressivité dans les échanges et des conditions précises que ne respectent plus les règles du jeu de l'économie de marché actuel »110.

e-Les composantes du développement localIl faut retenir que le développement local est avant tout une démarche à la fois

stratégique et pédagogique :- globale et transversale, prenant en compte dans leurs interactions les

différents aspects de la vie collective, à côté des logiques sectorielles, thématiques habituellement pratiquées;

- territoriale, fondée sur des ancrages locaux vivants aux délimitations variables selon les problèmes à traiter et les actions à conduire, à la fois assez vastes et cohérentes pour peser sur les évolutions et les décisions les concernant, assez rapprochés pour faire jouer les ressorts des appartenances et des solidarités vécues;

- partenariale, en associant des acteurs, des réseaux aux positions et aux fonctions différentes mais complémentaires, en conjuguant les orientations et les équilibres définis par les instances supérieures, les aspirations et les demandes des groupes locaux, par la conduite d'un processus allant du diagnostic au contrat et à l'évaluation;

- prospective avant tout, car fédérée par un projet élaboré en concertation, qui donne sens et cohérence à l'ensemble, qui anime une démarche alliant le souhaitable, le possible et le prioritaire.

110 PLASSARD, Op. cit. p.148

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