Texte et photographies : Pascal Roman

Le colporteur est dessiné par Jérome PhalippouDessin de couverture : Hélène Charmot

Présentation : p 2-3Historique : p 4-5

Principes de fonctionnement : p 6 à 9Les supports musicaux : p 10 à 13

Les carillons d'églises : p 14La serinette : p 16-17

En Pays de Savoie : p 18-19Les colporteurs de musique : p 20-21

Les orgues de Barbarie : p 22-23Les orgues de manège : p 24-25

Les orgues de danse: p 26Les chansons de rue : p 27

Les orgues d'églises : p 28-29Les pianos mécaniques : p 30 à 33

Les orchestrions : p 34 à 36Les violons automatiques : p 37

L'Accordéo-Boy : p 38-39Les boîtes à musique : p 40-41

Les premiers automates : p 42-43Automates et jouets : p 44-45

Principaux fabricants : p 46 à 49Manufactures savoyardes : p 50 et 51

Orgue et caricature : p 52-53La musique mécanique dans les arts : p 54-55

Âge d’or et déclin : p 56-57Le renouveau : p 58-59

Les acteurs du renouveau : p 60-61Principaux musées : p 62-63

© Éditions de l'Astronome 2010F - 74550 Cervens - www.editions-astronome.com

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation strictement réservés pour tous pays.ISBN 978-2-916147-41-3

ISSN 1778-4581Dépôt légal juin 2010

Achevé d'imprimer en juin 2010 par Graphique Productions - F - 73290 La Motte Servolex

Moulin à musiqueproduisant 2 notes.

Début du 20ème siècle.(collection MMMG)

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LA MUSIQUE PRIMITIVEIl est impossible de dater la naissance dela musique. Les premiers instrumentsdécouverts (des flûtes) datent de la pré-histoire. Mais la musique devait existerbien avant, à partir du moment où un cris'est transformé en chant. Vieille commele monde, la musique est, à l'origine,produite par les battements de mains oude pieds, la percussion de deux pierresou de deux morceaux de bois, quiscandaient sans doute quelques phrasesinlassablement répétées. De cet artprimitif, subsistent de nos jours, chezcertaines peuplades d'Afrique et d'Amé-rique, des pratiques comme les chants detravail et les incantations.

LES PREMIÈRES GAMMESIl est difficile de déterminer dans quellepartie du globe la musique est née. Lesspécialistes la font apparaître au cours dela civilisation sumérienne, il y a environ3 000 ans avant Jésus-Christ, enMésopotamie qui correspond en grandepartie à l'Irak actuel. Mais il semble que lamusique se développait également à lamême époque en Chine, en Perse et enInde. De là, elle se serait propagée enGrèce et en Occident. Plus tard, ce sontles religions, notamment le Christianismeet l'Islam, qui ont répandu la musiquedans le monde entier.C'est en Chine que sont découvertes lespremières traces de théorie musicale.Une gamme de 5 notes, se succédant dequinte en quinte ascendante en partantdu fa, y aurait été inventée 1 000 ansavant Jésus-Christ. Bien après, estapparue une autre gamme de 7 notes,semblable à celle que nous utilisonsaujourd'hui.

LA REPRODUCTION DE LA MUSIQUEDepuis toujours l'homme a essayé dereproduire des sons harmonieux, par lechant tout d'abord, puis en inventant desinstruments de musique. Mais très vite, ila voulu profiter de cette musique encréant des instruments qui jouaient toutseuls.

Gravure de Arnouldvan Westerbout, montrant

un pélerin muni d’unorgue portable.

Début du 18ème siècle.

La musique existedepuis la nuitdes temps et

l’automatisationdes instruments

date de l'antiquité.

L’orgue de Barbarie des Chasseurs alpins.Détail d’un dessin de Meyer paru en

couverture du supplément illustré duPetit Journal n° 362 du 24 octobre 1897.

(fonds MMMG)

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Gravure anglaise intitulée A band of Savoyards. On y voit ungroupe de musiciens ambulants (une famille ?), aux prises avec la

maréchaussée sous l'œil goguenard du clergé. 19ème siècle.(fonds Musée de la Musique Mécanique des Gets, Haute-Savoie)

LA VIELLE

Jadis, beaucoup demusiciens ambulants

utilisaient la vielle,instrument facilement

transportable.Pour jouer de la vielle,

comme de l'orgue deBarbarie, il faut

tourner une manivelle,c'est ce qui fait quel'on prend parfois la

vielle pour uninstrument de

musique mécanique.Or ce n'est pas le cas,

car elle ne comportepas de programmemusical incorporé.

Savez-vous que le motorgue est masculin, maisqu'il est féminin pluriellorsqu'il désigne un seulinstrument (par exemple :les grandes orgues deNotre-Dame) ?

Pratiquement tous les instruments de musique sontmécanisables. Telle cette cithare Triola actionnée par

des bandes de papier perforé. Le musicien doit tout demême jouer manuellement les basses et les accords.

Paul Riessner, Allemagne, 1919.(collection Musée de la Musique Mécanique des Gets, Haute-Savoie)

DÉFINITIONLes instruments de musique mécanique sont des appareilspouvant reproduire de la musique de manière autonome ouassistée, grâce à un mécanisme lisant un support sur lequel estinscrite une partition musicale. Les instruments mécanisés sontégalement appelés automatophones. La musique mécaniqueévoque d’emblée des instruments comme les orgues deBarbarie, les pianos mécaniques (surnommés bastringues) oumême les boîtes à musique. Mais tous les instruments demusique peuvent être mécanisés : carillons, accordéons,violons, saxophones, cithares, banjos, etc…

LES PREMIERS INSTRUMENTS MECANISÉSLes premiers véritables instruments de musique mécaniquesont les carillons automatiques des églises, apparus au MoyenÂge. Les premiers orgues automatiques avec cylindresapparaissent peu après. Comme les carillons, ils sont mis enmouvement par des poids. Quant aux serinettes, premiersinstruments mécaniques portables, elles sont créées à la fin du17ème siècle. Ces petits orgues à main sont actionnés par unemanivelle (voir p 18 et 19). Plus tard, le remplacement du poidset de la manivelle par un ressort, puis par un moteur, vapermettre de miniaturiser les instruments de musiquemécanique et de les perfectionner.

Vielle de Maurienne,tableau d’Estella Canziani

(20ème siècle).

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Depuis l'antiquité, etpeut-être même avant,

l'homme s’efforce demécaniser latechnique dujeu musical.

ANTIQUITÉDepuis des temps immémoriaux,l'homme a reproduit de la musique grâceà des mécanismes plus ou moinscompliqués. Les Grecs et les Romainsconstruisaient des fontaines musicalesimitant le chant des oiseaux. Des plansd'instruments de musique mécanique,principalement des orgues à eau avecautomates, nous sont parvenus, tels ceuxdécrits par Philon de Byzance (Traité desinstruments merveilleux, 300 ans avantJésus-Christ), Apollonius de Perga (200ans avant Jésus-Christ) et Hérond'Alexandrie (Traité des automates, 1er

siècle après Jésus-Christ).

HÉRON D'ALEXANDRIEConnu également sous le nom de Héronl'Ancien, Héron d'Alexandrie était unmathématicien, un ingénieur et unmécanicien grec vivant au 1er siècleaprès Jésus-Christ. Il a étudié lespropriétés de la vapeur et de l'aircomprimé et a créé des automatesactionnés par l'eau. Pour le plaisird'étonner ses contemporains, il a imaginédes mécaniques curieuses, comme undistributeur automatique d'eau pour leslibations. Dans son Traité des automates,il décrit également des mécanismes pourle théâtre fonctionnant avec des poids etmettant en mouvement de petitspersonnages.

Détail d’une planche décrivant un orgue mécanique avec des figurines animées.Musurgia Universalis, Athanasius Kircher, 1650. (fonds MMMG)

Kircher, jésuite allemand, ayant vécu au 17ème siècle, était un des scientifiques lesplus importants de son époque. Graphologue, mathématicien, astronome,

musicologue, on lui attribue l’invention de la lanterne magique.

Dessin extrait d’une traduction,datant de 1647, du livre de Héron

d’Alexandrie Traité des automates.(fonds MMMG)

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Planche expliquant le fonctionnement d’un carillon actionnépar des poids. Musurgia Universalis, Athanasius Kircher, 1650.(fonds MMMG)

Traduction du livre deHéron d’Alexandrie. Page detitre, 1647. (fonds MMMG)

Dessin extrait d’unetraduction du livre deHéron d’Alexandrie (1647).(fonds MMMG)

CTESIBIOS D'ALEXANDRIEAu 3ème siècle, Ctésibios d'Alexandrie a inventé l'hydraule (dugrec hydro qui veut dire eau et aulos qui signifie flûte) qui peutêtre considéré comme le premier orgue hydraulique del'histoire. C'est d'ailleurs de l'hydraule que vient le mothydraulique, qui désigne la science de l'écoulement de l'eau.Cet instrument, extrêmement puissant (il était utilisé pourcouvrir le vacarme des spectateurs dans les cirques romains), aconnu un grand succès puisque l'on organisait des concoursd'orgue dans toute la Grèce.

AU FIL DES SIÈCLESAu 9ème siècle, les savants arabes de la cour du calife deBagdad utilisaient un cylindre garni de picots pour faire jouerune flûte. Puis, au début du 14ème siècle, apparaissent lespremiers carillons d'église mécanisés. Des cylindres pointésactionnent en tournant des marteaux qui frappent sur lescloches (voir p 14). Ensuite, l'histoire de la musique mécaniquene sera plus qu'une suite d'inventions et d'améliorations, jusqu'àce que l'on parvienne à reproduire la voix humaine.

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TRANSCRIPTION DE LAMUSIQUEPour faire jouer un ins-trument de musique méca-nique, il faut avant touttranscrire une partition mu-sicale sur un support (uncylindre ou un carton, voirp 10 à 13). C'est la mise enmouvement de ce support, grâce à unemanivelle, un contrepoids, un ressort ouun moteur, qui va faire jouer l'instrumentcomme le ferait un musicien. Oncomprend que la transcription d’unepartition sur un cylindre (que l’on appellele garnissage) ou sur un carton (le notage)soient des opérations capitales pour lebon fonctionnement des instruments.

LE POINTAGELa tonotechnie, ou le pointage, est décriteavec précision dans l’ouvrage Tono-technie ou l’art de noter les cylindres écritpar le père Engramelle (1727 - 1805). Lepointage, également appelé picotage,consiste à enfoncer avec un marteaudans le cylindre en bois, à la bonnehauteur et à angle droit, des petites

pointes en acier. Cette opération esteffectuée à la main par un pointeur (ounoteur) en respectant un guide en papiertrès précis enroulé autour du cylindre ouun quadrillage directement dessiné surcelui-ci. Deux sortes de pointes sontutilisées : celles à tête ronde (appeléespicots) produisant une note courte, etcelles en forme de pont (appeléespontets), destinées à maintenir la noteplus longtemps. Plusieurs milliers depointes sont nécessaires pour noter unedizaine de mélodies sur un cylindre.

Portatifs ou non, lesinstruments de

musique mécanique,fonctionnent tous sur

le même principe.

Picotage d’un cylindre. Extrait du livre Tonotechnieécrit par le père Engramelle en 1775.

Procureur du couvent des Petits-Augustins à Pariset passionné de musique, Marie-Dominique-Joseph

Engramelle est considéré comme un desprécurseurs de l’enregistrement musical.

(fonds MMMG)

Atelier de pointagedes cylindres de la

manufacture Magnan Frères.Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loire).

(fonds MMMG)

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Les picots, les ponts et les balanciers.(photo PR)

FONCTIONNEMENT DES INSTRUMENTS À VENTSchématiquement, un instrument de musique mécanique àvent comporte un soufflet (voir photo ci-dessus), qui génère cequ'on appelle le vent, et un ensemble de mécanismes destinésà conduire ce vent jusqu'aux tuyaux. Comme pour l'orgued'église, les sons sont produits par le passage de l’air dans destuyaux correspondant chacun à une note. Dans le cas del’instrument mécanisé, ce ne sont pas les doigts du musicienqui agissent sur les touches, mais un système mécanique.Celui-ci est commandé par le support musical mobile (cylindre,disque, carton perforé) ou, aujourd'hui par un programmeinformatique, sur lequel est inscrit la mélodie à jouer. Unemanivelle actionnée par le "musicien", ou un moteur, met enmouvement à la fois le soufflet et le support. Parfois, desmécanismes annexes, toujours commandés par le mêmesupport, actionnent d'autres instruments (percussions, grelots,xylophones) ou des personnages animés. Le joueur d’orguepeut ne pas connaître la musique, mais doit posséder unebonne oreille car certains instruments sont pourvus dedifférents jeux de tuyaux nécessitant d’être actionnés aumoment opportun.

Lecture d'une bandede carton perforé.Le mécanisme quiproduit les sonsest sensiblement lemême que pour lecylindre pointé.

Intérieur d’uneserinette avec soncylindre pointé (1) etson soufflet (2).(photo PR - collection MMMG)

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Cylindre en bois d’unorgue de salon, hérissé depicots (pointes et pontets).(photo PR - collection MMMG)

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DESCRIPTION DU MÉCANISMEPour comprendre le fonctionnement d’unorgue de Barbarie, ouvrons une serinette(voir p 16 et 17), instrument qui fonc-tionne sur le même principe. Celle-cicomprend : le cylindre (1) sur lequel sontnotées les mélodies à jouer ; un soufflet(2) alimentant en air le sommier (dispositifqui distribue l'air sous pression) ; lestuyaux (3) ; une vis sans fin (4) reliée àune manivelle (5) ; et les pilotes (6), c'est-à-dire un ensemble de leviers et detringles mobiles (les vergettes) com-mandant l'ouverture d'une soupape etainsi la production d'un son.

LECTURE D’UN CYLINDRE POINTÉLorsque l'utilisateur actionne la manivelle(5), il fait tourner la vis sans fin (4) qui met

en mouvement, d'une part le soufflet (2)et d'autre part le cylindre pointé (1). Lesoufflet envoie de l'air qui est mis souspression dans le sommier. Le cylindretourne sur lui même et lorsque l'un de sespicots rencontre le balancier (voir photop 7, au milieu), celui-ci pivote et ouvreune soupape qui libère un orifice parlequel l'air s'échappe et fait chanter letuyau correspondant (voir ci-dessous, àgauche). Le son est provoqué par lesvibrations de l’air au passage de labouche du tuyau (comme dans le casd’une flûte). À chaque note correspondun tuyau et chaque tuyau doit êtrecommandé par un mécanisme indé-pendant. Une serinette en possède dix,un orgue de Barbarie plusieurs dizaines.

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Dessin d’une serinette extrait deL’Art du facteur d’orgues, par DomFrançois Bedos de Celles, 1766.(fonds MMMG)

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3balancier

Dessin d’uneserinette extrait de

L’Art du facteurd’orgues, par DomFrançois Bedos de

Celles, 1766.(fonds MMMG)

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Détail d’une gravurereprésentant unmontreur d’ours etd’animaux exotiques,accompagné par unjoueur d’orgue debarbarie. Le tourneur demanivelle pouvait fairepartie de la troupe oubien être engagé letemps de l’exhibition.Fin du 19ème siècle.(fonds MMMG)

LES ÉVOLUTIONSLe 19ème siècle a été fertile enprogrès techniques. L'utilisation ducarton perforé (voir p 10 à 13) aouvert le répertoire à descompositions plus longues.Autre invention capitale : celle del'anche qui a rendu possible lafabrication d'instruments plus petits.L'anche est une lamelle de métal(le plus souvent en laiton) vibrantau passage de l'air et produisantainsi un son comme dansl'harmonica, l'accordéon etl'harmonium. Auparavant, le son étaitproduit par le passage du vent au travers dusystème à flûte des tuyaux. Du coup, les fabricantsont produit une variété extraordinaire d’instruments,tels l'Ariston, l'Hérophon, l'Amorette, l'Intona, le Kallyston...Ces inventions, en permettant une production en série, ontfacilité la démocratisation de la musique mécanique. Lamusique n'était plus réservée à une élite. Un modèle commel'Ariston avec ses disques en carton perforé, fabriqué enAllemagne, s'est vendu à plus d'un million d'exemplaires !

Ariston, instrument àanches, créé en 1876 par

Paul Ehrlich.(photo PR - collection MMMG)