1. Aujourd'hui nombre et de plus en plus de pratiques s'explicitent au regard d'une certaine pratique du numrique. Soit qu'elles aspirent le rendre plus accessible, s'efforcent de se le rapproprier etc. ; soit qu'au contraire elles essayent de s'inscrire en faux eu gard celui-ci, eu gard au numrique. Qu'est-ce dire sinon que le numrique s inscrit, trouve une place centrale et dcisif dans l'conomie de ceux qui se cherchent, se (re)trouvent dans de telles pratiques ? Bien souvent, il constitue mme une occasion, au sens fort du terme, par la mdiation duquel peuvent s'expliciter et tenter de s'articuler (sous diffrentes modalits) des perspectives, des aspirations, des visions du monde etc. Ce sont nos entretiens, en effet, qui nous enjoignent nous enqurir de cette dimension. Ils s'initiaient tous autant qu'ils taient par une question ouverte ( que recouvre pour vous le numrique ? ) - dont nous esprions qu'il laisserait place l'expression du sujet (que recouvre pour vous le numrique? ). Autrement dit, nous sommes d'abord partis en qute de ce que pouvait bien recouvrir le terme numrique - et pour cela nous avons cout les entretiens, esprant y dpister en quoi peut bien consister une existence numrique : on a mis sur le fait que l' existence numrique se rvlerait par le truchement du discours de nos interrogs, lesquels encore interrogs sur le numrique justement. Nos espoirs ce sont avr combls. En effet, de ce qui s'est dit dans les entretiens on n'a pu manquer de remarquer nombre de rptitions, amalgames (au sens purement descriptif), associations, cart entre discours et pratiques1 etc. apparaissant rtrospectivement l'coute ritre, attentive, sans prvenance et a fortiori suffisance des dits entretiens. Par exemple, au commencement de chaque entretien - ts deux d'entre eux (pour en tous une dizaine d'entretiens) ce n'est pas que l'on retrouve lquation numrique=ordinateur mais, plutt, disons que ordinateur ou tlphone portable etc. viennent de prime abord et le plus souvent l'esprit de nos interrogs pour matrialiser en un objet ce que peut tre le numrique. Cela n'a rien qui puisse nous tonner au reste ; cela traduit, reflte, bien entendu, les usages, les pratiques (pensons simplement notre expos lui-mme, ralis en tirant profit des potentialits de l'ordinateur). Et, en effet, lordinateur est un terminal, la fois trs utilis, et presque incontournable dans notre environnement. Il est un objet porte de la main (cf. le dictique lors de l'entretien avec Rachid : l, il y a un ordinateur ). Un autre exemple nous est donn par ceci qu'on pense de faon secondaire au tlphone alors que le tlphone est non moins que l'ordinateur, comme incontournable dans les usages du numrique. Tout sest passe comme si parfois les interrogs ne staient pas exposs. Leurs discours refltent par trop en partie leur ralit, leur usages. Et, comme nous le verrons, tout s'est pass comme si, l'inverse donc, les enjeux apparaissaient quand un je parlait. On peut stonner toutefois en effet, par exemple, que le tlphone, en effet, dans les faits certes tout autant utiliser que l'ordinateur, ne soit pas plus prsent 1 En ce sens notre question - Qu'est-ce que recouvre pour-vous le numrique? - doit s'entendre dans tous les sens du terme. 2. d'emble et le plus souvent dans notre corpus. Serait-ce que la dimension cranique l'emporte sur la dimension digitale (digitalis) ? Entre autres exemples mais titre reprsentatif, il n'est qu' penser ceci que l'enregistrement des entretiens, sans exceptions, se sont fait au moyen dun tlphone portable - mais que rare sont ceux qui on parlait des portables, et, ft-ce le cas, de manire secondaire ; le comble du comble est mme que Rachid, l'un de nos interrogs, qui n'aura au reste point voqu le tlphone portable, fut ininterrompu lors de lentretien par la sonnerie de... son tlphone portable (bnficiant trs vraisemblablement d'une connexion l'internet, entre autres choses). Il y a des choses qui ne se retrouve pas dans les discours. On se (re)trouve et on se cherche. Mais ce que l'on peut avancer en tous tat de cause c'est que l'ordinateur est ce qui matrialise au mieux ce qu'est que le numrique. Ainsi donc avons-nous t comme enjoint investir cette dimension le fait qu'aujourd'hui nombre et de plus en plus de pratiques s'explicitent au regard d'une certaine pratique du numrique mais, remarquons-le, par des moments ou elle commence poindre en quelque sorte, en ce qu'il s'avre tre. C'est--dire aussi ici dans le discours quotidien. En un mot, nos entretiens nous on amener-en-donnant--entendre ; comme nous le verrons, c'est autant leur sens, que, tout uniment, leurs portes et leurs limite - en un mot les enjeux du numrique - qui constituera le ressort de notre laboration concrte. Ainsi, bien que ces entretiens ne soient pas, certes, des explicitations thmatiques, ou, pour employer le jargon, thortiques, ils offre nanmoins la possibilit, au travers de leur analyse notamment, de dpister et dployer des enjeux, enjeux qu'on neut sans doute pas pu expliciter avec la suffisance qu'accompagne les prvenances d'une pense dogmatique . Sil en est ainsi, si, jusqu' dans le discours quotidien se peut tre dceler aprs-coup de vritables enjeux, c'est, nous semble-t-il, que le numrique s'avre de plus en plus vouloir et pouvoir prtendre un caractre disons gnrique (le fait qu'il investit nombre et de toujours plus toujours nombreuses dimensions de nos vies en particulier). Au reste, si les discours sur le numrique rvle l'existence numrique de celui qui en parle la question de la forme ne saurait suffire : la question du rapport est incontournable. Autant de considrations qu'il nous faut garder l'esprit pour mener bien notre laboration. Cela passe, et commence mme, par l'articulation explicite d'un questionnement prospectif sur fond des prcdentes considrations. Il nous a sembl pertinent de poser les choses dans les termes qui vont suivre et par lesquels va dsormais s'exprimer notre problmatique : Comment nos interrogs se rapportent-ils en effet leur existence numrique, - i.e. comment l'existence numrique se manifeste-t-elle dans leurs actes et se manifeste-t-elle dans leur dire ? 3. Quest-ce que rvle au reste le manire d'aborder l'existence numrique, celle qui se rvle dans les dits actes et discours, sur le numrique ? Pour rpondre de la manire la plus compendieuse cette question, la solution idoine nous a paru tre ici celle-ci qui encore fait partir le raisonnement de l'existence numrique telle qu'on peut la dceler, et en ce qu'elle s'exprime toujours-dj par le truchement du discours de nos interrogs : ainsi qu'on le verra du reste, les scories cites plus haut (rptitions, amalgames etc.) seront ainsi toutes autant qu'elles sont des jalons sur le chemin notre laboration concrte. C'est que ces rptitions, collusions etc. nous on rvl comme telles des enjeux : elles doivent nous servir de fil dAriane ce sera l'laboration concrte de notre premire partie. Dans son sillage, la seconde partie, elle, tchera de dcrire et de comprendre les manire de se rapporter au numrique . Notre ide ici sera que les volutions du capitalisme contemporain, et partant le concept de capitalisme bien compris et non ftichis peut constituer un focal, un horizon hermneutique pertinent pour essayer de dcrire et comprendre ce se-rapporter : les manires de se rapporter au numrique peuvent tre toutes autant qu'elles sont aborder comme des modalits de ngativit.