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Textes LA séquence I Dénoncer les injustices et la barbarie · PDF file1 Séquence 1 Dénoncer les injustices et la barbarie Objet d'étude : la question de l'homme dans les genres

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Séquence1DénoncerlesinjusticesetlabarbarieObjet d'étude : la question de l'homme dans les genres de l'argumentation, duXVIèmesiècleànosjoursTexte1Lectureanalytique1Montaigne"Delaconscience",Essais,II,5(1595)LesmajusculescorrespondentauxrédactionssuccessivesdesEssais:A(pour1580-1582);B(pour1588);C(pourlapériodeultérieure)

Delaconscience(A) C'estunedangereuseinventionquecelledesgéhennes1etilsemblequecesoitplutôtunessaidepatience2quedevérité.(C)Et3celuiquipeutlessouffrir4cachelavéritéetceluiquinelespeutsouffrir.(A)Carpourquoiladouleurmeferait-elleconfessercequienest,qu'ellenemeforceradedirecequin'estpas?Et,aurebours5,siceluiquin'apasfaitcedequoionl'accuse,s'ilestassezpatient6poursupportercestourments,pourquoineleseraceluiquil'afait,unsibeauguerdon7quedelavieluiétantproposé?Jepensequecefondementestappuyésurlaconsidérationdel'effort8delaconscience.Car,aucoupable,ilsemble qu'elle9aideàlatorturepourluifaireconfessersafaute,etqu'ellel'affaiblisse;et,del'autrepart,qu'elle10fortifie l'innocent contre la torture. Pour dire vrai, c'est un moyen plein d'incertitude et dedanger.(B) Quenedirait-on,queneferait-onpourfuirà11desigrièves12douleurs? (C)Etiaminnocentescogitmentiridolor13. D'oùiladvientqueceluiquelejugeagéhenné14pournelefairemouririnnocent,illefassemouriretinnocentetgéhenné.(B)Milleetmilleenontchargéleurtêtedefaussesconfessions.EntrelesquelsjelogePhilotas15,considérantlescirconstancesduprocèsqu'Alexandreluifitetleprogrèsdesagêne16.(A)Maistantya17quec'est,(C)dit-on,(A)lemoinsmalquel'humainefaiblesseaitpuinventer. (C) Bien inhumainement pourtant et bien inutilement, à mon avis ! Plusieurs nations, moinsbarbares en cela que la grecque et la romaine qui les18en appellent, estiment horrible et cruel detourmenter et desrompre19un homme de la faute duquel vous êtes encore en doute. En quoi est-ilresponsablede votre ignorance ?N'êtes-vouspas injustes, vousqui, pournepas le tuer sans cause, luifaitespirequeletuer?(...)Jenesaisd'oùjetienslerécitsuivant,maisilreprésenteexactementlaprobitéscrupuleuse20denotrejustice.Unefemmedevillageaccusaitdevantungénérald'armée,grandjusticier,un soldatd'avoir arraché à ses enfants encorepetits unpeudebouillie qui lui restait pour lesnourrir,cettearméeayantravagétouslesvillagesauxenvirons.Depreuve,iln'yenavaitpoint.Legénéral,aprèsavoir sommé la femmedebienpeser sesparolesqu'elle serait condamnéepour cetteaccusation si ellementait,etellepersistant,fitouvrirleventredusoldatpours'informerdelavéritédufait.Etlafemmesetrouvaavoirraison.Condamnationquisertd'instruction21auprocès.1Géhennes:tortures.2Unessaidepatience:uneépreuved'endurance.3Et...et:aussibien...que.4Souffrir:supporter.5Aurebours:àl'inverse.6Patient:endurant.7Guerdon:larécompense.8L'effort:laforce.9Qu'elle:laconsciencequelecoupableadesafaute.10Qu'elle:laconsciencequel'inculpéadesoninnocence.11À:devant.12Grièves:insupportables.13"Ladouleurforceàmentirmêmelesinnocents"(PubliusCyrus,Sentences).14Géhenné:torturé.15Philotas:généralmacédonienaccusédecomplotetlapidésurl'ordred'Alexandre(300av.J.-C.)16Sagêne:déroulementdesatorture.17Tantya:Toujoursest-il.18Les:quilestraitentencenom(barabres).19Desrompre:mettreenpieces.20Probité:honnêteté.21L'instructiondanslaprocédurejudiciaireestlaphaseoùl'onenquêtesurlaréalitédesfaits.

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Texte2Lectureanalytique2VoltaireArticle"Torture",Dictionnairephilosophique(1764)

Torture LesRomainsn'infligèrentlatorturequ'auxesclaves,maislesesclavesn'étaientpascomptéspourdeshommes.Iln'yapasd'apparence22nonplusqu'unconseillerdelaTournelle23regardecommeundeses semblables un hommequ'on lui amène hâve, pâle, défait, les yeuxmornes, la barbe longue et sale,couvertdelaverminedontilaétérongédansuncachot.Ilsedonneleplaisirdel'appliqueràlagrandeetàlapetitetorture,enprésenced'unchirurgienquiluitâtelepouls,jusqu'àcequ'ilsoitendangerdemort,aprèsquoionrecommence;et,commedittrèsbienlacomédiedesPlaideurs:«Celafaittoujourspasseruneheureoudeux."24 Le gravemagistrat qui a achetépourquelque argent25le droit de faire ces expériences sur sonprochain, va conter à dîner à sa femme ce qui s'est passé lematin. La première foismadame en a étérévoltée, à la seconde elle y a pris goût, parce qu'après tout les femmes sont curieuses; et ensuite lapremièrechosequ'elleluiditlorsqu'ilrentreenrobechezlui:«Monpetitcœur,n'avez-vousfaitdonneraujourd'huilaquestion26àpersonne?" Les Français, qui passent, je ne sais pourquoi, pour un peuple fort humain, s'étonnent que lesAnglais, qui ont eu l'inhumanité de nous prendre tout le Canada, aient renoncé au plaisir de donner laquestion. Lorsque lechevalierdeLaBarre,petit-filsd'un lieutenantgénéraldesarmées, jeunehommedebeaucoupd'esprit etd'unegrandeespérance,mais ayant toute l'étourderied'une jeunesse effrénée, futconvaincu27d'avoir chanté des chansons impies, et même d'avoir passé devant une procession decapucins sans avoir ôté son chapeau, les juges d'Abbeville, gens comparables aux sénateurs romains,ordonnèrent, non seulement qu'on lui arrachât la langue, qu'on lui coupât lamain, et qu'on brûlât soncorpsàpetitfeu;maisilsl'appliquèrentencoreàlatorturepoursavoirprécisémentcombiendechansonsilavaitchantées,etcombiendeprocessionsilavaitvupasser,lechapeausurlatête. Cen'estpasdansleXIIIèmeoudansleXIVèmesièclequecetteaventureestarrivée,c'estdansleXVIIIème.LesnationsétrangèresjugentdelaFranceparlesspectacles,parlesromans,parlesjolisvers,par les fillesd'Opéra,quiont lesmœurs fortdouces,parnosdanseursd'Opéra,quiontde lagrâce,parMlleClairon28,quidéclamedesversà ravir.Ellesnesaventpasqu'iln'yapointau fonddenationpluscruellequelafrançaise. LesRussespassaientpourdesbarbaresen1700,nousnesommesqu'en1769;uneimpératrice29vientdedonneràcevasteÉtatdesloisquiauraientfaithonneuràMinos,àNuma,àSolon30,s'ilsavaienteu assez d'esprit pour les inventer. La plus remarquable est la tolérance universelle, la seconde estl'abolitiondelatorture.Lajusticeetl'humanitéontconduitsaplume;elleatoutréformé.Malheuràunenationqui,étantdepuislongtempscivilisée,estencoreconduitepard'anciensusagesatroces!«Pourquoichangerions-nousnotrejurisprudence?dit-elle:l'Europesesertdenoscuisiniers,denostailleurs,denosperruquiers;doncnosloissontbonnes».22Ilestpeuprobable.23CourdejusticeduParlementdeParis.24ComédiedeJeanRacine,écriteen1668.25Lachargedejugepouvaitêtreachetée.26Latorture.27Futaccuséde.28CélèbreactriceauXVIIIèmesiècleetamiedeVoltaire.29CatherineII,impératricedeRussie.30Législateurs.

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Texte3Lectureanalytique3VictorHugo"Discourssurlamisère"(extrait),1849

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Texte4Lectureanalytique4PrimoLevi,Sic’estunhomme,1947.Après un voyage de quatre jours dans un train demarchandises parti de la petite villeitaliennedeModène,sansnourritureetsanseau,danslefroidglacialdejanvier1944,650hommes,femmesetenfantsjuifsarriventsurlesquaisducampd’Auschwitz.Etbrusquement ce fut ledénouement.Laportière s’ouvrit avec fracas; l’obscuritéretentit d’ordres hurlés dans une langue étrangère, et de ces aboiements barbaresnaturels aux Allemands quand ils commandent, et qui semblent libérer une hargneséculaire.Nousdécouvrîmesunlargequaiéclairépardesprojecteurs.Unpeuplusloin,unefiledecamions.Puistoutsetutànouveau.Quelqu’untraduisitlesordres:ilfallaitdescendre avec les bagages et les déposer le long du train. En un instant, le quaifourmillaitd’ombres;maisnousavionspeurderomprelesilence,ettouss’affairaientautourdesbagages,secherchaient,s’interpellaient,maistimidement,àmi-voix.Une dizaine de SS, plantés sur leurs jambes écartées, se tenaient à distance, l’airindifférent. À un moment donné, ils s’approchèrent, et sans élever la voix, le visageimpassible, ils se mirent à interroger certains d’entre nous en les prenant à partrapidement:«Quel âge? En bonne santé oumalade?» et selon la réponse, ils nousindiquaientdeuxdirectionsdifférentes.Tout baignait dans un silence d’aquarium, de scène vue en rêve. Là où nous nousattendionsàquelquechosedeterrible,d’apocalyptique,noustrouvionsapparemmentdesimplesagentsdepolice.C’étaitàlafoisdéconcertantetdésarmant.Quelqu’unosas’inquiéterdesbagages:ilsluidirent«bagagesaprès»;unautrenevoulaitpasquittersafemme:ilsluidirent«après,denouveauensemble»;beaucoupdemèresrefusaientde se séparer de leurs enfants: ils leur dirent «bon, bon, rester avec enfants». Sansjamaissedépartirdelatranquilleassurancedequinefaitqu’accomplirsontravaildetouslesjours;maiscommeRenzos’attardaitunpeutropàdireadieuàFrancesca,safiancée, d’un seul coup en pleine figure ils l’envoyèrent rouler à terre: c’était leurtravaildetouslesjours.TraductiondeMartineSchruoffeneger,Julliard,1987.