Textes spirituels d’Ibn Taymiyya. Nouvelle série: VI. Musulman parmi les « mécréants »…

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  • 8/4/2019 Textes spirituels dIbn Taymiyya. Nouvelle srie: VI. Musulman parmi les mcrants

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    Textes spirituels dIbn Taymiyya. Nouvelle srie

    VI.Musulman parmi les mcrants Les gens de la Sunna suivent la vrit que le Messager leur a

    apporte de leur Seigneur et ils nanathmisent (kaffara) pas ceux quisopposent eux son sujet. Bien plutt, ils sont plus savants de lavrit et plus misricordieux envers les cratures. Telle est ainsi ladescription que Dieu a donne des Musulmans en disant : Vous tesla meilleure communaut qui ait t produite pour les hommes 1. Et

    Ab Hurayra de dire : Vous tes les meilleurs des hommes pour leshommes2. Les gens de la Sunna sont la fleur (naqwa) des Musul-mans et sont donc les meilleurs des hommes pour les hommes 3.

    peine levons-nous les yeux sur dautres que, souvent, nous leurcollons une tiquette de mcrant , d hypocrite , de non-pratiquant , etc. Le nouveau Musulman ne nous chappe pas non pluset demeure pour beaucoup dentre nous le juif, le chrtien ou lathequil nest plus. Drle de manire de se vouloir les meilleurs deshommes pour les hommes ! Dans ce deuxime cas, les choses sontpourtant simples : la conversion lIslam nullifie les appartenancesreligieuses ou paennes antrieures. Dans le premier, la ralit pourraiten revanche savrer particulirement complexe. Qui nous assure eneffet que tel ou tel non-pratiquant a la libert de safficher plusreligieux, que notre hypocrite nest pas contraint de jouer le rleque nous lui reprochons et que celui que nous traitons de mcrant

    nest pas un crypto-musulman ?Dans les deux textes traduits ci-dessous, Ibn Taymiyya nous invite plus de bienveillance et de circonspection dans le regard que nousposons sur nos semblables, quils soient Musulmans ou non. Il voquenotamment la figure du Ngus Aama4. Ce souverain chrtiendAbyssinie clbre pour avoir offert un refuge aux Musulmanspoursuivis par les Mecquois crut en Muammad. Il ne put cependantni afficher son Islam, ni le pratiquer ouvertement, ni rgner selon sesprescriptions. Il fit ce qui fut en son pouvoir et, crit Ibn Taymiyya, le Ngus et ses pareils sont heureux dans le Jardin. Inform de sondcs, le Prophte clbra pour lui une prire de funrailles inabsentia. Quand quelquun lui reprocha de prier pour un infidle mortau loin, Dieu Lui-mme assura la dfense de Son Messager enrvlant le verset l Imrn - III, 199 : Parmi les Gens du Livre, il enest qui croient en Dieu, en ce quon a fait descendre vers vous et en ce

    quon a fait descendre vers eux Parmi les mcrants au milieudesquels nous vivons, pour combien dautres crypto-musulmans quele Ngus avons-nous dj refus de prier ?

    Plusieurs sicles avant le Ngus mais aussi en Afrique, lentouragemcrant de Pharaon offrit dautres exemples de croyants contraints la clandestinit : le membre de la famille de Pharaon qui sopposa lexcution de Mose, sa femme mme, qui avait recueilli celui-ci toutpetit, et bien sr Joseph, le fils de Jacob, qui prfra tre emprisonnquobir une crature en dsobissant Dieu et finit par gouvernerlgypte. Pour Ibn Taymiyya, Joseph illustre la perfection un faittrop souvent oubli : selon les circonstances, il y a pour le croyantmaintes autres manires de se situer vis--vis des non-Musulmans quelejihd, notamment leur vouloir du bien et contribuer autant que fairese peut au rgne de la justice parmi eux, alors mme quon ne partagepas leur religion. Au cours des pires perscutions, mme tenir despropos de mcrant est autoris par Dieu. Dans des situations moinsgraves, le Trs-Haut ninterdit pas de dissimuler sa religion pourvuquon garde un cur croyant. Dans des contextes dintgration plus oumoins force et dmigration impossible, la souplesse simpose selonle shaykh damascne et la foi quon a dans le cur continue dexigerdagir avec les non-Musulmans dans la vracit, la probit et ledvouement , aujourdhui comme son poque.

    1. Coran, l Imrn - III, 110.2. Voir AL-BUKHR, a, Tafsr (Boulaq, t. VI, p. 37-38; voir la

    traduction fautive dO. HOUDAS, Traditions, t. III, p. 28).3. IBN TAYMIYYA,Minhj, d. SLIM, t. V, p. 158.4. Sur la figure du Ngus dans les sources islamiques, voir E. VAN

    DONZEL,EI2, art. al-Nadjsh.

    Pharaon et reine dgypte5

    TRADUCTION 6

    A. Des mcrants croyants

    Les mcrants, il en est qui lappel (dawa) du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! est parvenu dans lademeure de la mcrance, qui savent quil est le Messager deDieu, croient donc en lui, croient en ce qui a t descendu surlui et craignent Dieu autant quils le peuvent ainsi que le Nguset dautres le firent mais qui il nest possible ni dmigrer(hijra) vers la demeure de lIslam, [112] ni dobserver lensem-ble des prescriptions de lIslam vu quil leur est interdit dmi-grer et interdit dafficher leur religion, vu aussi que, chez eux, ilnest personne qui leur enseignerait lensemble des prescrip-tions de lIslam. Il sagit l de croyants dentre les gens duJardin. Ainsi en alla-t-il du croyant de la famille de Pharaonavec le peuple de Pharaon7. Ainsi en alla-t-il aussi de la femmede Pharaon8. Ainsi en alla-t-il mme de Joseph, le vridique sur lui la paix ! avec les habitants de lgypte, lesquels taientdes mcrants : il ne lui fut pas possible de mettre en uvre,avec eux, tout ce quil connaissait de la religion de lIslam ; illes invita proclamer lunicit de Dieu (tawd) et croiremais ils ne rpondirent pas son [appel]9.

    5. Mykrinos et Kha-merer-nebty, Guizeh, IVe dynastie, 2548-2530 (Boston, Museum of Fine Arts. Photo : Y. Michot, 2008).

    6. IBN TAYMIYYA,Minhj, t. V, p. 111-116 (A) ; VI, p. 423-425 (B).

    7. Voir Coran, Ghfir - XL, 28 : Et un homme croyant de lafamille de Pharaon qui cachait sa foi dit : Tuerez-vous un hommeparce quil a dit : Mon Seigneur est Dieu ? Il est pourtant venu vous avec les preuves videntes, de la part de votre Seigneur.

    8. Voir Coran, al-Qaa - XXVIII, 9 : En recueillant le petit Mose, la femme de Pharaon dit : Fracheur des yeux pour moi et pourtoi ! Ne le tuez pas Selon Ibn Kathr (Tafsr, 4 t., Beyrouth, Dr al-Jl, 1410/1990, t. III, p. 368), Pharaon rpondit sa femme : Pour toi,oui. Pour moi, non ! Il en fut ainsi et Dieu la guida pour cette raison,

    tandis quIl le fit prir des mains de [Mose] .9. Ainsi Joseph, le vridique, fut-il le reprsentant (nib) du

    Pharaon dgypte. Ce dernier et son peuple taient des associateurs.[Joseph] mit cependant en uvre la justice (adl) et le bien (khayr)quil fut capable [de mettre en uvre] et il les invita la foi autant que

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    Le Trs-Haut a dit, pour le croyant de la famille de Pharaon ; Certes Joseph est venu vous, auparavant, avec des preuvesvidentes mais vous navez pas cess dtre dans le doute sur cequil vous avait apport. Quand il prit, vous dtes ds lors : Dieu nenverra plus de Messager aprs lui1.

    Ainsi en alla-t-il aussi du Ngus. Alors mme quil tait le roides Nazarens, son peuple ne lui obit pas pour ce qui futdentrer dans lIslam ; bien plutt, un petit groupe seulement yentra avec lui. Voil pourquoi, quand il mourut, il ny eut l-baspersonne pour prier sur lui. Le Prophte Dieu prie sur lui etlui donne la paix ! pria donc sur lui Mdine : il sortit avecles Musulmans vers laire de prire (muall), les fit se mettreen rangs et pria sur lui. Il les avait informs de sa mort le jouro il tait mort et avait dit : Un frre vertueux vous est mort,dentre les gens dAbyssinie 2. [113]

    Le Ngus coutant les rfugis musulmans3Il navait pas adopt4 beaucoup des prescriptions de lIslam

    ou la plupart [mme] vu quil en avait t incapable : ilnavait ni migr, ni men lejihd, ni accompli le plerinage dela Maison5. Il a mme t rapport quil ne priait pas les cinqprires [journalires], ni ne jenait le mois de Raman, ni neversait laumne Lgale. Cela aurait en effet rendu [sa religion]

    visible pour son peuple et ils le lui auraient reproch alors quilne lui tait pas possible de sopposer eux. Nous, nous savonsaussi de manire certaine quil ne lui tait pas possible de juger(akama) entre eux selon le[s] jugement[s] du Coran.

    Mdine, quand les Gens du Livre vinrent chez lui, Dieuimposa Son Prophte de ne juger entre eux que selon ce quIlavait fait descendre vers lui [comme rvlations], et Il lui dit dese mfier quils tentent de le dtourner de certains des [com-mandements] que Dieu avait fait descendre vers lui par exem-ple, le jugement condamnant lhomme mari (muan) lapeine (add) de la lapidation en cas de fornication 6, celui

    possible (IBN TAYMIYYA, al-isba f l-islm - Trait sur laisba,publi et traduit par H. LAOUST, Paris, Geuthner, 1994, p. 8 ar.). Jeretraduis car Laoust (p. 30-31) ne suit pas le texte dassez prs.

    1. Coran, Ghfir - XL, 34.2. Voir AL-BUKHR, a,Manqib al-anr (Boulaq, t. V, p. 51;

    trad. HOUDAS, Traditions, t. III, p. 35).3. Image tire du film al-Risla de M. Akkad (1976), digitalement

    travaille.4. Littr.: Il ntait pas entr dans 5. Cest--dire la Kaba.6. La fornication est punie de lapidation selon les diverses coles de

    fiqh sunnites quand son auteur est adulte, libre et mari (ou a tmari). Plus svre que les cent coups de fouet prvus dans la sourate al-Nr (XXIV, 2) pour la mme faute, cette peine est fonde surdiverses traditions et, selon Umar b. al-Khab, cit dans lune

    imposant dtre juste (adl) propos du prix du sang et celuitablissant, propos du sang [vers], une galit entre lanoblesse et le vulgaire, me pour me, il pour il, etc.

    Au Ngus il ne fut pas possible de juger selon le[s] juge-ment[s] du Coran. Son peuple ne laurait en effet pas laiss lefaire. Combien souvent un homme est investi dune autoritparmi les Musulmans et les Tatars, comme cadi ou, mme,comme imm, et a en son me des affaires de justice quilvoudrait mettre en uvre ; il ne lui est cependant pas possiblede le faire ou, plutt mme, il y a l des gens qui len emp-chent ! une me, Dieu nimpose quune charge quelle estcapable de porter7 Umar b. Abd al-Azz8 fit lobjetdhostilit et de malveillance en raison de certaines mesures dejustice quil mit en application (iqma). On dit aussi quil futempoisonn pour cela. [114]

    Le Ngus et ses pareils sont heureux dans le Jardin, alorsmme que, sagissant des prescriptions de lIslam, ils nobser-vrent pas des choses quils ne furent pas capables dobser-ver mais, bien plutt, jugrent selon les jugements selonlesquels il leur fut possible de juger. Cest pour cela que Dieu aplac ces [personnes] parmi les Gens du Livre. Le Trs-Haut a

    dit : Parmi les Gens du Livre, il en est qui croient en Dieu, ence quon a fait descendre vers vous et en ce quon a faitdescendre vers eux. Ils sont humbles devant Dieu et ne vendentpas les versets de Dieu peu de prix. Ceux-l, eux leurrcompense, auprs de leur Seigneur. Dieu en effet est prompt faire le compte9.

    Un groupe dAnciens a dit que ce verset tait descendu ausujet du Ngus. On relate ceci de Jbir10, dIbn Abbs etdAnas11. Il en est aussi parmi eux qui dirent [quil tait des-cendu] son sujet et celui de ses compagnons, ainsi que ledirent al-asan12 et Qatda1. Tel est le sens qui fut donn par

    delles, sur une rvlation non retenue dans la version finale du

    Coran ; voir R. PETERS

    ,EI2

    , art.Zin

    .7. Coran, al-Baqara - II, 286.8. Umar II, calife umayyade qui rgna de 99/717 jusqu sa mort en

    101/720 et reste rput pour sa pit ; voir P. M. COBB, EI2, art.Umar II.

    9. Coran, l Imrn - III, 199. Le Ngus et ses compagnons,dentre ceux qui saffichaient comme pratiquant beaucoup de ce queles Nazarens pratiquaient, leur affaire est ambige. Voil pourquoi les[savants] mentionnent [ceci] comme occasion de la descente de ceverset : quand le Ngus mourut, le Prophte Dieu prie sur lui et luidonne la paix ! pria sur lui ; quelquun dit : Tu pries sur cet infidle(ilj) nazaren qui a [vcu] dans son pays [lointain] ? et ce versetdescendit. Ceci est rapport daprs Jbir, Anas b. Mlik et IbnAbbs, qui furent dentre les Compagnons qui assistrent la priresur le Ngus. [Il en alla donc] diffremment de [ce qui se passa avec]

    Ibn Salm et Salmn le Persan : quand [le Prophte] pria sur lun deceux-ci, personne ne le lui reprocha. Ceci est de ce qui rend clair queparmi ceux qui affichent leur Islam, il y a des hypocrites sur qui on neprie pas ainsi que [la rvlation] descendit [lindiquer] au sujet dIbnUbayy et de ses semblables et il peut par ailleurs aussi y avoir, enterre de mcrance un croyant sur lequel on prie, linstar du Ngus (IBN TAYMIYYA,Minhj, t. V, p. 119).

    10. Jbir b. Abd Allh b. Amr, Compagnon (m. Mdine, 74/693?); voir IBN AL-ATHR, Usd al-Ghba, t. I, p. 256-258.

    11. Anas b. Mlik, Abamza (m. 91/709 ou 93/711), Compagnon ;voir A. J. WENSINCK - J. ROBSON,EI2, art.Anas b. Mlik.

    12. Ab Sad b. al-asan al-Bar (m. Bara, 110/728), clbreprdicateur et matre spirituel de la gnration des Suivants ; voirH. RITTER,EI2, art. al-asan al-Bar.

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    les Compagnons ; Lui est cependant Celui Qui est obir 2.Lnonc du verset est en effet un nonc au pluriel et, par lui,ce nest pas un unique [individu] qui est vis. [Il est par ailleursrapport] de A3 quil a dit : [Ce verset] est descendu ausujet de quarante des gens de Najrn, de trente des gensdAbyssinie et de huit des Byzantins (al-rm) qui taient de lareligion de Jsus et qui crurent en Muammad Dieu prie surlui et lui donne la paix ! [115]

    Ces [exgtes] nont pas mentionn ceux qui ont cru auProphte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! Mdine ;par exemple Abd Allh b. Salm4 et dautres parmi les gensqui taient juifs, et Salmn le Persan5 et dautres parmi les gensqui taient nazarens. Ceux-ci en effet devinrent dentre lescroyants ; il naurait donc pas t dit leur sujet : Parmi lesGens du Livre, il en est qui croient en Dieu, en ce quon a faitdescendre vers vous et en ce quon a fait descendre vers eux 6.

    Personne ne dira dailleurs que le Juif et le Nazaren, aprsquils ont embrass lIslam, ont migr (hijra) et ont rejointlensemble des Musulmans migrs (muhjir) et menant lejihd, il sera [encore] dit deux quils sont dentre les Gens duLivre. Ainsi ne dira-t-on pas non plus, des Compagnons qui

    taient des associateurs : Parmi les associateurs, il en est quicroient en Dieu et Son Messager Aprs quils ont cru, ils nesont en effet pas rests appels associateurs . Ceci indiquedonc que ces [gens voqus dans le verset l Imrn - III, 199]sont un groupe des Gens du Livre cest--dire faisant partiede leur ensemble qui ont cru au Messager.

    Ainsi aussi le Trs-Haut a-t-Il dit propos de lindividu tupar erreur : Si [la victime] est dun peuple qui est votreennemi mais est croyante, eh bien, libration dune nuquecroyante7 ! [Cet individu] tait du ct de lennemi et crutmais il ne lui fut possible ni dmigrer, ni dafficher sa foi, niden observer les prescriptions. [Dieu] la pourtant nomm croyant parce que, de sa foi, il mit en uvre ce quil fut

    capable [de mettre en uvre].

    1. Exgte et traditionniste de Bara (60/680-117/735); voir Ch.PELLAT,EI2, art. atda b. Dima.

    2. Je ne suis pas certain de bien comprendre cette phrase : wa hdhmurd al-aba lakinna huwa al-mu.

    3. minent spcialiste ancien de fiqh (m. la Mecque, 114/732 ou115/733) ; voir J. SCHACHT,EI2, art. A b. AbRab.

    4. Compagnon juif des Ban Qaynuq de Mdine (m. 43/663-4) ;voir J. HOROVITZ, EI2, art. Abd Allh b. Salm. Ibn Salm devintmusulman dans les premiers temps de larrive du Prophte Mdine Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! Il dit : Quand je vis le visagede [Muammad], je sus que son visage ntait pas un visage menteur[118] Ibn Salm de mme que ses pareils est un [membre] du

    groupe des Compagnons et des croyants, et il est dentre les plusminents dentre eux. Ainsi en va-t-il aussi de Salmn le Persan : onne dira pas de lui quil est dentre les gens du Livre. Ces [Compa-gnons], eux des rcompenses semblables aux rcompenses du restedes croyants ; ou, bien plutt, leur rcompense leur sera donne deuxfois. Ils observaient lensemble des prescriptions de lIslam. Leurrcompense est donc trop importante pour quil soit dit deux : Ces[Compagnons], eux leur rcompense auprs de leur Seigneur (IBNTAYMIYYA,Minhj, t. V, p. 117-118).

    5. Compagnon chrtien dorigine perse, esclave dun juif mdinoisavant sa conversion (m. 35/655 ou 36/656) ; voir G. LEVI DELLA VIDA,EI2, art. Salmn al-Fris.

    6. Dbut du verset l Imrn - III, 199 cit plus haut.7. Coran, al-Nis - IV, 92.

    Ainsi encore y eut-il la Mecque un groupe de croyants quivcurent [116] leur foi lgrement, incapables quils taientdmigrer. Et le Trs-Haut de dire : Ceux que les anges aurontrecouvrs injustes envers eux-mmes, ils leur diront : O entiez-vous ? , et ceux-ci rpondront : Nous tions des oppri-ms sur la terre . [Les anges leur] diront alors : La terre deDieu ntait-elle pas assez vaste pour que vous y migriez ? Ceux-l, leur refuge sera la Ghenne, et quelle mauvaisedestination ! lexception des opprims hommes, femmes etenfants incapables daucun stratagme et qui ne trouventpoint de chemin : ceux-l, peut-tre Dieu les absoudra-t-Il.Dieu en effet est Celui Qui absout, et Trs-Pardonnant 8. Ilexcuse donc Lou est-Il ! lopprim incapable dmigrer. LeTrs-Haut a aussi dit : Quavez-vous ne pas combattre sur lechemin de Dieu et des opprims hommes, femmes etenfants qui disent : Notre Seigneur, fais-nous sortir de cettecit dont les habitants sont injustes, donne-nous de Ta part unami, donne-nous de Ta part quelquun qui nous aide vaincre9 ! Ceux-l taient incapables de mettre leur religionen application. Ils furent donc exempts (saqaa an) des[prescriptions] quils taient incapables de [mettre en uvre].

    Si ceci vaut pour quiconque tait un associateur et a cru,quelle opinion aura-t-on, [a fortiori], au sujet de ceux qui sontdentre les Gens du Livre et croient ?

    Lmigr est celui qui fuit ce que Dieu lui a interdit10.

    B. Foi clandestine et volont du bien

    Le Dieu Trs-Haut a dit : si ce nest pour se prmunircontre eux11. Et Mujhid 12 de dire : si ce nest enagissant bien [ leur gard] (munaa). Me prmunir neconsiste pas ce que je mente et dise de ma langue quelquechose qui ne se trouve pas en mon cur ce serait en effet delhypocrisie mais ce que je fasse ce dont je suis capable.[424] Ainsi [est-il rapport] dans le a13, au sujet du Prophte Dieu prie sur lui et lui donne la paix ! quil a dit : Celui

    8. Coran, al-Nis - IV, 97-99.9. Coran, al-Nis - IV, 75.10. Calligraphie dun volet de fentre de la mosque Aydnolu

    Mehmet Bey de Birgi, Turquie, 712/1312-3 (Photo : Y. Michot, 2007).11. Coran, l Imrn - III, 28 : Que les croyants nadoptent pas les

    mcrants comme amis la place des croyants quiconque fait celanest de Dieu en rien , si ce nest pour se prmunir contre eux.Dieu vous met en garde contre Lui-mme, et vers Dieu mne laroute !

    12. Suivant (21/642 - c. 102/720, La Mecque), fameux exgte duCoran ; voir A. RIPPIN,EI2, art.Mudjhid b. Djabr al-Makk.

    13. Voir MUSLIM, a, mn (Const., t. I, p. 50 ; trad. SIDDIQI,a, t. I, p. 33, n 79) ; IBN ANBAL,Musnad(Boulaq, t. III, p. 20).

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    dentre vous qui voit quelque chose rprouver (munkar), quille change de sa main ! Sil ne le peut pas, [eh bien], de salangue ! Sil ne le peut pas, [eh bien], de son cur ! Cest leminimum de la foi.

    Quand le croyant se trouve parmi les mcrants et lesdpravs, il ne lui incombe pas de mener contre eux le jihddela main quand il en est incapable mais, si cela lui est possible,de sa langue et, si ce ne lest pas, de son cur ; cela tant, il nementira pas ni ne dira de sa langue quelque chose qui ne setrouve pas en son cur. Soit il affichera sa religion, soit il lacachera ; cela tant, il ne sera pas daccord avec eux proposde toute leur religion. Bien plutt, il en arrivera tout au plus tre comme le croyant de la famille de Pharaon et [comme] lafemme de Pharaon : il ne fut pas daccord avec eux propos delensemble de leur religion, ne mentit pas, ne dit pas de salangue quelque chose qui ne se trouvait pas en son cur mais,bien plutt, cacha sa foi.

    Intronisation de Joseph en gypte1Cacher sa religion est une chose et faire semblant de

    [pratiquer] une religion vaine en est une autre. Ceci, Dieu ne lajamais autoris, si ce nest quelquun subissant une contrainte(ukriha) et quIl a par consquent autoris prononcer desparoles de mcrance. Le Dieu Trs-Haut a fait une diffrenceentre lhypocrite et celui qui subit une contrainte. La situationdes Rfidites est du genre de celle des hypocrites, non pas dugenre de celle de quelquun qui subit une contrainte et estcontraint [de faire semblant] dtre un mcrant alors que son

    1. Dtail dun panneau en cramique iranien (Hamadhn ?, 1remoiti du XXe s. Coll. part.) ; voir H. S EIF, Persian Painted Tiles,Thran, Soroush Press, 1997, p. 115.

    cur a la srnit de la foi. Une telle contrainte ne serait point[425] gnrale en effet, [exerce] par la masse des fils dAdam.

    [Il se pourrait] bien plutt quun Musulman soit captif ouisol dans les contres de la mcrance sans que personne lecontraigne [prononcer] des paroles de mcrance. Il nen diradonc pas ni ne dira de sa langue quelque chose qui ne se trouvepas en son cur. Sans doute aura-t-il besoin dtre souple(lna) vis--vis de certains des mcrants pour quils le pensenttre des leurs. Cela tant, il ne dira pas de sa langue quelquechose qui ne se trouve pas en son cur ; bien plutt, il cacherace qui se trouve en son cur. Il y a une diffrence entre mentiret cacher [quelque chose]. Cacher ce quil a en lme, lecroyant utilise [ce moyen] de manire ce que Dieu lexcusepour ce qui est dafficher [on non sa religion], linstar ducroyant de la famille de Pharaon. Quant celui qui tient despropos mcrants, Il ne lexcusera que lorsquil est contraint[de parler ainsi]. Lhypocrite archi-menteur, [enfin], ne seraexcus en aucune situation. Dans les propos vagues il y acependant une alternative au mensonge.

    [Il se pourrait] en outre que ce croyant qui cache sa foi setrouve parmi des mcrants ne connaissant pas sa religion. Cela

    tant, il est pour eux un croyant quils aiment et quilshonorent. La foi qui se trouve en son cur loblige en effet agir avec eux dans la vracit (idq), la probit (amna), ledvouement (na), et en leur voulant du bien quand bienmme il nest pas daccord avec eux propos de leur religion.Ainsi Joseph, le vridique, se comporta-t-il vis--vis deshabitants de lgypte, lesquels taient des mcrants2. Ainsiaussi le croyant de la famille de Pharaon cacha-t-il sa foi ; celatant, il rvra Mose et dit : Tuerez-vous un homme parcequil a dit : Mon Seigneur est Dieu3.

    Yahya M. MICHOT (Hartford, Rab I 1430 - Fvrier 2010)

    2. Joseph sur lui la prire et la paix ! tait un jeune hommeclibataire, captif dans un pays ennemi o il navait ni proches, ni amisdevant qui il aurait eu honte sil avait commis une tupitude. Ce qui eneffet empche beaucoup de gens de tomber dans les turpitudes, cest lahonte quils auraient devant quelquun qui les reconnatrait. Quand ilssont ltranger, ils font donc ce dont ils ont envie (I BN TAYMIYYA,MF, t. XV, p. 138).

    Mon Seigneur, Jaime mieux la prison que ce quoi elles min-vitent. Mais si Tu ncartes pas de moi leur ruse, je pencherai verselles et serai dentre les ignorants (Coran, Ysuf- XII, 33). Il y a deuxleons tirer de ces dires de Joseph. Lune, cest de choisir la prison etlaffliction (bal) plutt que les pchs et les dsobissances. Laseconde, cest dadresser des demandes Dieu et de linvoquer pourquil affermisse le cur dans Sa religion et le tourne vers Son obis-sance. Sinon, quand il naffermit pas le cur, celui-ci penche versceux qui commandent les pchs et devient dentre les ignorants. En

    ce [verset], il y a de la confiance en Dieu et un recours Son aide pourquil affermisse le cur dans la foi et lobissance ; il y a par ailleursde la patience dans lpreuve (mina), laffliction et le malheur quiadviennent quand le cur est affermi dans la foi et lobissance [] Ilfaut immanquablement craindre Dieu (taqw) en mettant en uvre cequi est command et en tant patient vis--vis de ce qui est [divine-ment] dtermin ainsi que Joseph le fit sur lui la paix ! Il craignitDieu en refusant chastement la turpitude et fut patient face au malquils lui firent en le sduisant et en lemprisonnant. Il demanda laidede Dieu et Linvoqua si bien quIl laffermit dans la chastet. Il Lui fitconfiance pour ce qui tait dcarter de lui leur ruse et prit sonemprisonnement avec patience (IBN TAYMIYYA, MF, t. XV, p. 130-131).

    3. Coran, Ghfir - XL, 28.