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Journal de thérapie comportementale et cognitive (2011) 21, 84—89 ARTICLE ORIGINAL Thérapie comportementale cognitive des troubles émotionnels liés à l’anxiété de séparation Cognitive behavioral therapy for children suffering from separation anxiety Judith Blatter-Meunier a,, Silvia Schneider b a Universität Basel, Zentrum für Kinder- und Jugendpsychotherapie, SNF (Schweizerische National Fonds): Fonds National Suisse, Missionsstrasse 62, 4055 Basel, Suisse b Ruhr-Universität Bochum, Klinische Kinder- und Jugendpsychologie, Universitätsstraße 150, 44780 Bochum, Allemagne Rec ¸u le 25 mai 2011 ; rec ¸u sous la forme révisée 24 juin 2011 ; accepté le 28 juin 2011 Disponible sur Internet le 8 septembre 2011 MOTS CLÉS Anxiété de séparation ; Enfants ; Thérapie cognitivo- comportementale ; Familial Résumé Le trouble lié à l’anxiété de séparation est l’un des troubles mentaux les plus fré- quents chez les enfants. Le manuel de thérapie « programme familial contre l’anxiete de separation » (PFAS) est le seul manuel de thérapie cognitivo-comportementale existant des- tiné aux enfants souffrant d’anxiété de séparation. La première partie se compose de quatre séances hebdomadaires avec l’enfant et de quatre séances hebdomadaires avec les parents. Enfants et parents apprennent à comprendre ce qu’est l’anxiété, apprennent à reconnaître et recadrer leurs pensées irrationnelles dans des situations de séparation, développent des stra- tégies de gestion de la peur et sont préparés à des situations de confrontation de la peur. La deuxième partie du traitement comporte huit séances familiales hebdomadaires, suivies d’une brève séance finale avec les parents. Durant les séances familiales, des situations d’exposition in vivo sont planifiées et mises en pratique. La partie des séances familiales réservée exclu- sivement aux parents vise à recadrer leurs pensées irrationnelles concernant la séparation, à développer des stratégies parentales et à mettre en pratique le comportement parental dans des situations de confrontation. Une étude démontre l’efficacité du PFAS comparé à une liste d’attente. © 2011 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Separation anxiety; Children; Summary Separation Anxiety Disorder is one of the most frequent mental disorders in chil- dren. The separation anxiety family treatment program (SAFT) is the only known cognitive behavioral therapy program for children with separation anxiety and their families. The first part consists of four weekly sessions with the child and four weekly sessions with the parents. Children and parents receive psychoeducation about anxiety, learn to recognize and reframe Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (J. Blatter-Meunier). 1155-1704/$ – see front matter © 2011 Association franc ¸aise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jtcc.2011.07.011

Thérapie comportementale cognitive des troubles émotionnels liés à l’anxiété de séparation

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ournal de thérapie comportementale et cognitive (2011) 21, 84—89

RTICLE ORIGINAL

hérapie comportementale cognitive des troublesmotionnels liés à l’anxiété de séparationognitive behavioral therapy for childrenuffering from separation anxiety

udith Blatter-Meuniera,∗, Silvia Schneiderb

Universität Basel, Zentrum für Kinder- und Jugendpsychotherapie, SNF (Schweizerische National Fonds):onds National Suisse, Missionsstrasse 62, 4055 Basel, SuisseRuhr-Universität Bochum, Klinische Kinder- und Jugendpsychologie, Universitätsstraße 150, 44780 Bochum, Allemagne

ecu le 25 mai 2011 ; recu sous la forme révisée 24 juin 2011 ; accepté le 28 juin 2011isponible sur Internet le 8 septembre 2011

MOTS CLÉSAnxiété deséparation ;Enfants ;Thérapie cognitivo-comportementale ;Familial

Résumé Le trouble lié à l’anxiété de séparation est l’un des troubles mentaux les plus fré-quents chez les enfants. Le manuel de thérapie « programme familial contre l’anxiete deseparation » (PFAS) est le seul manuel de thérapie cognitivo-comportementale existant des-tiné aux enfants souffrant d’anxiété de séparation. La première partie se compose de quatreséances hebdomadaires avec l’enfant et de quatre séances hebdomadaires avec les parents.Enfants et parents apprennent à comprendre ce qu’est l’anxiété, apprennent à reconnaître etrecadrer leurs pensées irrationnelles dans des situations de séparation, développent des stra-tégies de gestion de la peur et sont préparés à des situations de confrontation de la peur. Ladeuxième partie du traitement comporte huit séances familiales hebdomadaires, suivies d’unebrève séance finale avec les parents. Durant les séances familiales, des situations d’expositionin vivo sont planifiées et mises en pratique. La partie des séances familiales réservée exclu-sivement aux parents vise à recadrer leurs pensées irrationnelles concernant la séparation, àdévelopper des stratégies parentales et à mettre en pratique le comportement parental dansdes situations de confrontation. Une étude démontre l’efficacité du PFAS comparé à une listed’attente.© 2011 Association francaise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par ElsevierMasson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSSeparation anxiety;Children;

Summary Separation Anxiety Disorder is one of the most frequent mental disorders in chil-dren. The separation anxiety family treatment program (SAFT) is the only known cognitivebehavioral therapy program for children with separation anxiety and their families. The firstpart consists of four weekly sessions with the child and four weekly sessions with the parents.Children and parents receive psychoeducation about anxiety, learn to recognize and reframe

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (J. Blatter-Meunier).

155-1704/$ – see front matter © 2011 Association francaise de thérapie comportementale et cognitive. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.jtcc.2011.07.011

Thérapie comportementale cognitive des troubles émotionnels chez l’enfant 85

Cognitive behavioraltherapy;Family based

irrational beliefs about separation situations, expand their repertoire of coping strategies, andare introduced to the rationale for exposure. The second part of the treatment consists ofeight weekly family sessions followed by a short parent-only session. During the family sessions,in vivo exposure is planned and put into place. The parent-only portions of the family sessionsinvolve reframing parental irrational beliefs about separation, developing parenting strategies,and practicing parental behavior during exposure. An existing study shows the efficacy of thedisorder-specific family-based therapy in comparison to waitlist controls in young children withseparation anxiety disorder.© 2011 Association francaise de thérapie comportementale et cognitive. Published by Elsevier

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Contexte théorique concernant le trouble

Introduction

On entend par anxiété de séparation l’angoisse que res-sent l’enfant d’être séparé de sa figure d’attachement.Les angoisses de séparation dès le jeune âge font partiedu développement normal du jeune enfant et sont appe-lées « anxiété de séparation développementale ». Chez lesenfants plus âgés, elles révèlent toutefois un comportementinadapté et perturbant. C’est pour cela que l’on parle du« trouble anxiété de séparation ».

Le présent article traite de la symptômatologie, del’étiologie, de l’épidémiologie et du traitement psy-chologique du trouble anxiété de séparation selon lesconnaissances scientifiques actuelles. Il est nécessaired’évoquer le fait qu’il n’existe actuellement que très peude travaux de recherches qui se consacrent exclusivementau thème de l’anxiété de séparation. Beaucoup d’étudesétiologiques conduites jusqu’ici ne différencient pas lesdivers troubles anxieux chez l’enfant ou l’adolescent. À partquelques cas cliniques [1,2], il n’existe jusqu’ici que trèspeu d’études contrôlées randomisées qui se consacrent autraitement de l’anxiété de séparation. Par conséquent, iln’est souvent pas possible de s’exprimer sur les troubles liésspécifiquement à l’anxiété de séparation.

Caractéristiques du trouble

L’anxiété de séparation se caractérise principalement parune peur excessive d’être séparé de ses parents. Typi-quement l’enfant craint qu’un événement atroce viennesubitement le séparer de ceux qui lui sont chers : peur, parexemple, que ses parents meurent des suites d’un accidentou que lui-même se perde ou se fasse enlever. Les symp-tômes physiologiques (maux de têtes, crampes d’estomac,sensations d’évanouissement ou vomissements) sont fré-quents [3].

Les troubles liés à l’angoisse de séparation (CIM-10 :F93,0, DSM-IV : 309.21) sont évoqués pour la première foisdans le DSM 1980 et la CIM 1974. Les critères de diagnos-tic des deux systèmes de classification pour ce trouble sontpresque identiques.

Prévalence du trouble et évolution des symptômesselon l’âge

Le groupe de travail réuni autour de Kessler et al. [4] indi-quait dans un vaste sondage rétrospectif conduit auprès de

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a population américaine une prévalence à vie du troublenxiété de séparation de 5,2 %. Les estimations de préva-ence moyennes mentionnées dans le DSM IV-TR sont de 4 %5].

Les premiers symptômes du trouble lié à l’anxiété deéparation chez l’enfant et l’adolescent surviennent aulus tôt vers l’âge de huit ans contrairement aux autresroubles anxieux. Bien souvent, l’anxiété de séparation faiton apparition avant l’âge de la puberté. Keller et al.6] ont rétrospectivement questionné des enfants souf-rant d’anxiété de séparation ou d’hyperanxiété. Chez 46 %es enfants, on constate un trouble sur une durée d’auoins huit ans. Environ un tiers des enfants faisaient étate plusieurs épisodes d’angoisse clinique. La répartitionlles—garcons chez les enfants concernés par l’anxiété deéparation varie selon l’âge. Chez l’enfant, le nombre delles et garcons est pratiquement semblable [7]. À partir de

’adolescence, soit environ 12 ans, on compte quatre fillesour un garcon.

Il est fréquent de constater que le trouble anxiété deéparation fasse souvent son apparition en parallèle avec’autres troubles psychiques. Environ 1/3 des enfants souf-rant de l’angoisse de séparation ressentent également desroubles dépressifs et 1/5 des enfants souffrent en plus d’unrouble de l’attention/d’hyperactivité ou d’un trouble lié àn trouble oppositionnel avec provocation. Environ 10 % sontoncernés par l’énurésie [8].

aractéristiques familiales

e nombreuses études indiquent que les enfants avecroubles anxieux ont ressenti au sein de leur famille unanque d’acceptance et d’autonomie, de goût du contact ete soutien et ont vécu dans des rapports plus conflictuels etmmêlés que les enfants sans troubles anxieux [9]. Fox et al.10] ont analysé les relations qu’entretiennent les enfantsngoissés par la séparation avec leurs frères et sœurs. Lesropos rapportés par écrit par les enfants eux-mêmes et lesbservations de comportement effectuées ont montré quees interactions d’enfants cliniquement anxieux avec leursrères et sœurs sont caractérisées par plus de conflits, unontrôle mutuel plus prononcé et un manque de chaleurmotionnelle par rapport aux enfants ne présentant pas deroubles psychiques. Des études étiologiques montrent quees comportements et cognitions des parents jouent un rôle

mportant dans le développement et le maintien de l’anxiétée séparation et que les propres pathologies parentales ontn lien direct avec l‘anxiété de l’enfant [11].

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odèles d’étiologie

ntretemps, il existe quelques études qui ont analysé lesacteurs de risque de l’apparition des maladies anxieuses,omme par exemple le style d’attachement ou le mode’éducation. Pour plus d’informations détaillées, se repor-er à Bögels et Brechman-Toussaint [9] ou Tonge [1].outefois, il n’existe pas encore d’approche étiologique durouble de l’anxiété de séparation. C’est la raison pouraquelle nous allons évoquer ci-dessous deux modèles étiolo-iques qui ne présentent qu’un caractère général : le modèlentégré Inhibition-Attachment [12] et le modèle cognitif deendal et Ronan [13].

e modèle intégré Behavioralnhibition-Attachment de Manassis et Bradley

e modèle intégré Behavioral Inhibition-Attachment’intéresse aux facteurs liés à l’apparition des troublesnxieux. Il établit un lien entre les hypothèses du concepte l’inhibition comportementale et celles du concept’attachement. Kagan et al. [14] entendent par inhibitionomportementale (Behavioral Inhibition) une carac-éristique de tempérament qui se caractérise par unomportement de renfermement et de timidité dans desituations nouvelles ou non familières. De récents travauxe recherche montrent que ce trait de caractère se retrouveouvent chez les enfants dont les parents souffrent d’unrouble anxieux [15,16]. De plus, les enfants qui présententne inhibition comportementale stable souffrent plusouvent d’un trouble anxieux.

Le modèle de Manassis et Bradley [17] supposeu’à la fois l’inhibition comportementale, facteur pré-isposé, et un mode d’attachement incertain sont à’origine de l’apparition de troubles anxieux. La nature de’attachement peut renforcer ou réduire une prédispositionxistante à une angoisse maladive. Les suppositions éma-ant de ce modèle ont pu être vérifiées empiriquement dansivers travaux de recherche [18,19]. Les études au sujete l’interaction entre inhibition comportementale et mode’attachement doivent encore être intensifiées [20].

e modèle cognitif de Kendall et Ronan

e modèle cognitif de Kendall et Ronan [13] se concentre sures raisons du maintien des troubles anxieux. Les auteursupposent dans leur démarche que les enfants et adoles-ents souffrant de troubles anxieux présentent des déficitst distorsions cognitives. Les déficits cognitifs se traduisentar le manque de capacités cognitives adaptées ou leur utili-ation insuffisante. On entend par distorsions cognitives desrocessus d’analyses d’informations univoques ou erronés. Iln résulte des comportements dysfonctionnels ou mal adap-és. La signification des aspects cognitifs en vue d’expliqueres troubles anxieux a pu être vérifiée empiriquement dansivers travaux de recherche [20].

De plus, Kendall et Ronan partent du principe que leait de suractiver des réseaux d’informations ancrés dansa mémoire entraîne une focalisation chronique et inappro-riée sur des informations menacantes.

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J. Blatter-Meunier, S. Schneider

Il en résulte que les enfants avec des troubles anxieux :

interprètent le danger de manière plus forte ;sous-estiment leur capacité à gérer ou faire face à dessituations ;sous-estiment leurs possibilités de contrôle du danger ;rapportent plus de pensées focalisées sur une catastrophepossible ;ont plus souvent tendance à se parler à eux-mêmes d’unemanière négative.

Le maintien du trouble résulte, d’une part, du compor-ement d’évitement et, d’autre part, du renforcementu comportement anxieux par l’entourage. Pour plus’informations détaillées sur le maintien du trouble, le lec-eur est renvoyé à Mowrer [21].

iagnostic

a phase de diagnostic en cas d’indication de troubles’anxiété de séparation vise à établir un diagnostic diffé-entiel approfondi selon le DSM-IV ou la CIM-10. Pour cela,l est recommandé de combiner plusieurs méthodes. Il fautans un premier temps distinguer le diagnostic primaire duiagnostic secondaire. L’analyse qui en suit doit additionnel-ement se concentrer sur les conditions du déclenchementt du maintien du comportement problématique.

La phase de diagnostic comporte idéalement les aspectsuivants :

un premier entretien collectif avec les parents etl’enfant ;un diagnostic différentiel : à l’aide d’une interview struc-turée, une pour les parents et une pour l’enfant (parexemple, Kinder-DIPS [22]) ;un diagnostic différentiel médical dans le but d’excluretoute cause organique ;l’emploi de questionnaires et éventuellement d’un« journal du comportement ».

En début de phase de diagnostic, certains jeunes enfantsouffrant d’anxiété de séparation peuvent tout particu-ièrement rencontrer des difficultés lorsque les examensiagnostiques se font sans les parents. Il peut être conseilléans de tels cas de conduire les examens diagnostiques enrésence des parents, puis de réduire le temps de présencees parents petit à petit.

raitement — le programme familial contre’anxiété de séparation (PFAS ; allemand :rennungsAngstprogramm Für FamilienTAFF])

e programme PFAS est le seul programme thérapeu-ique comportemental du traitement de l’anxiété deéparation vérifié empiriquement. Il contient, d’une part,

es interventions de thérapies cognitivo-comportementaleslassiques vérifiées empiriquement, comme par exemple lasychoéducation ou la confrontation et, d’autre part, desléments spécifiques au trouble, comme par exemple le

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Thérapie comportementale cognitive des troubles émotionn

traitement des pensées dysfonctionnelles des parents dansdes situations de séparation ou l’introduction du conceptd’anxiété de séparation comme phase typique du dévelop-pement. Il a été mis au point à l’université de Bâle dansle cadre d’un projet de recherche sur l’anxiété de sépa-ration soutenu par le Fonds national suisse et s’adresseaux enfants âgés de cinq à 13 ans et leurs parents. Le pro-gramme PFAS comprend 16 séances. Quatre séances sontprévues avec l’enfant seul, quatre séances avec les parentsseuls et huit séances se déroulent en présence à la fois del’enfant et des parents. Le contenu des quatre premièresséances avec l’enfant et avec les parents est très semblable.Elles ont toutefois été développées séparément pour assu-rer la compréhension du contenu des séances par tous lesmembres de la famille, quel que soit leur âge. Pour ce faire,le matériel de thérapie a été mis au point de facon à ce qu’ilpuisse être utilisé par des enfants ne sachant pas lire.

Séances avec l’enfant (4 séances)

PsychoéducationIl s’agit d’abord d’expliquer à l’enfant la différence entrel’anxiété « normale » et l’anxiété pathologique. Ensemble,le thérapeute et l’enfant recherchent les trois dimensionsqui composent la peur : dimension cognitive, corporelle,comportementale. C’est sur cette base que l’enfant pourraidentifier et nommer ses propres symptômes d’anxiété, sescraintes et désigner des stratégies pour les surmonter.

Stratégies contre la peurC’est dans le cadre d’une restructuration cognitive quel’enfant doit pouvoir identifier et modifier les pensées dys-fonctionnelles qui font croître sa peur dans les situations deséparation. Le but est de développer ou renforcer des pen-sées positives et réalistes permettant de gérer l’anxiété. Cesinstructions qui doivent l’aider à maîtriser les situations quidéclenchent la peur peuvent, par exemple, être notées surdes cartes afin de pouvoir les intégrer dans des exercices.Quelques exemples d’instructions : « Je suis courageux ! »,« Je peux réussir ! ». D’autres instruments de travail comme,par exemple, des personnages qui donnent du courage (FifiBrindacier) ou des objets (ex. : une pierre qui donne du cou-rage à l’enfant) peuvent être également utiles. Le but detoutes ces stratégies étant de convaincre l’enfant de sespropres capacités à gérer la peur.

Le rationnel de la confrontationLa préparation ultime pour la confrontation in vivo consiste àélaborer le rationnel de la confrontation à l’aide de courbesillustrant le tracé de la peur.

Première étape : explorer les expériences individuellesde l’habituation de l’enfantLa thérapeute demande à l’enfant de citer quelques expé-

riences pendant lesquelles sa peur a disparu après quelquestemps. Bien souvent, les enfants citent comme exemplesapprendre à faire du vélo ou du ski. On insiste alors sur lefait que « c’est en forgeant qu’on devient forgeron ».

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hez l’enfant 87

euxième étape : transférer les expériencesécues dans d’autres situations / savoir reconnaîtrees comportements d’évitement qui renforcent la peur

ce niveau, il s’agit d’analyser si les expériences évoquéesuparavant peuvent être transférées sur la peur ressentieans des situations de séparation. Il s’agit de démontrerl’enfant à l’aide d’exemples provenant des nombreuses

xpériences vécues que la peur devient plus forte quand onvite des situations angoissantes. Le but est de montrer que’on peut s’exercer à surmonter la peur.

roisième étape : regarder la peur droit dans les yeuxour la vaincre définitivementa préparation à la confrontation a montré que finalementl n’est possible de vaincre la peur que si on l’intègre danses exercices réguliers. C’est la seule manière pour l’enfante voir qu’il n’arrive rien de grave même dans des situationsngoissantes.

éances avec les parents (4 séances)

éparation comme étape du développementans un premier temps, les parents doivent se familiariservec le trouble, à savoir l’anxiété de séparation. Devenirndépendant représente une étape importante pour le bonéveloppement d’un enfant. On constate souvent dans cettetape d’acquisition de l’indépendance chez les enfants souf-rant de troubles anxieux un retard qu’ils sont toutefois enesure de gérer grâce à l’intervention d’un professionnel.

ouvoir surmonter ses anxiétés de séparation peut être unetape importante dans le développement de l’enfant qui luiermet de mieux grandir et accroître sa confiance en lui.

ensées dysfonctionnelles des parentsans cette phase de thérapie, il s’agit de se concentrer sur

es pensées dysfonctionnelles des parents dans des situationse séparation. Les propres suppositions ou craintes peuventmpêcher les parents d’aider l’enfant à se confronter aveca peur. Quelques exemples de telles pensées : « C’est de maaute si mon enfant est anxieux », « Mon enfant sera trauma-isé par sa forte anxiété et en souffrira pour toujours ».

Les pensées dysfonctionnelles sont d’abord identifiées,uis systématiquement vérifiées sur leur part de réalitévant d’être modifiées. On cherche alors à élaborer d’autresensées plus réalistes (ex. : « affronter des situations deeur permettra à mon enfant d’avoir plus confiance en lui »).

réparation directe à la confrontationomme lors des séances avec l’enfant, la thérapeute utilise

es courbes du tracé de la peur pour expliquer le ration-el de la confrontation aux parents. Ils doivent pendant lesxercices appréhender la symptômatique d’anxiété de leurnfant avec compréhension et sensibilité. À l’aide de jeux

e rôles, les parents mettent en situation les précieusestratégies discutées auparavant ensemble pour soutenir leurnfant. Les parents ont comme instructions concrètes deenforcer les comportements courageux.

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éances en famille (8 séances)

iérarchie de l’anxiétévec le soutien de la thérapeute, parents et enfant choi-issent ensemble des situations d’anxiété pour les exercices’exposition. Puis on définit un ordre hiérarchique des situa-ions choisies selon l’intensité de la peur. La confrontationvec la peur et l’endurance de la peur seront honorées d’unegréable récompense individuelle à l’enfant, par exemplene demi-heure heure de football avec son père.

xercices d’expositiones exercices de confrontation doivent permettre non seule-ent à l’enfant mais aussi aux parents de faire eux-mêmes

’expérience que les situations de déclenchement de la peur’ont pas de conséquences désagréables. Les premiers exer-ices doivent en particulier être soigneusement planifiés etis en place puisqu’ils sont déterminants pour le dérou-

ement futur de la thérapie. Un exercice de confrontational préparé ou exécuté pourrait avoir comme conséquenceu’une famille, même motivée, décide d’interrompre lahérapie de confrontation. Le fait que ce soit le/la thé-apeute qui exécute les premiers exercices garantit que’enfant n’hésite pas trop longtemps avant d’aller dans laituation et d’aller à l’encontre de la peur. Comme il estmportant que les exercices soient répétés le plus vite pos-ible, l’enfant doit avoir la possibilité après sa premièreéance de confrontation de répéter chaque jour et plusieursois à la suite ses exercices. Il est donc nécessaire de pré-oir quotidiennement suffisamment de temps pour réaliseres exercices.

oaching des parentsurant les séances familiales, une partie du travail avec

es parents est consacrée à des jeux de rôle qui visentleur montrer comment ils peuvent soutenir leur enfant

ans des situations de peur et animer son autonomie. Aveca thérapeute, les parents analysent des messages impli-ites (ex. : des parents qui protègent leur enfant trop luionnent l’impression qu’ils n’ont pas confiance dans le faitu’il peut faire face tout seul aux situations difficiles) ouu comportement parental peu positif (ex : des parentsui réagissent avec panique au lieu de calmer l’enfantorsqu’il a des réactions d’anxiété fortes). On élabore doncnsemble, avec les parents, de nouveaux comportementsu’ils pourront reproduire grâce à des exercices dans leur vieuotidienne.

rophylaxie des rechutesla fin de la thérapie, enfant et parents racontent ce qu’ils

nt appris pendant la thérapie et quel principal message ilsn ont retenu. Pour éviter d’éventuelles rechutes, on met-ra en place un scénario worst case (le pire) pour s’assurerue les connaissances acquises lors de la thérapie peuventtre appliquées dans une telle situation. Les rechutes sont

articulièrement fréquentes suite à des vacances scolaires,es maladies ou des évènements accablants. Il faut alorses considérer comme un test qui permet d’appliquer deouveau les connaissances acquises lors de la thérapie.

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J. Blatter-Meunier, S. Schneider

érification empirique’efficacité du programme PFAS a été vérifiée dans une étudee thérapie. Dans cette étude les effets à court termeu programme ont pu être prouvés sur un échantillon de3 enfants âgés entre cinq et sept ans et leurs familles23]. Les résultats ont montré qu’après le traitement PFAS,6,19 % des enfants issus du groupe de traitement ne rem-lissaient plus les critères du DSM-IV d’anxiété de séparationontre 13,64 % des enfants qui étaient sur liste d’attente.ors des comparaisons pré- post des conditions de traite-ent, les tailles d’effet des interactions étaient grandes

d = 0,98—1,41).Ces résultats rejoignent ceux d’autres études qui

onfirment que les enfants souffrant de troubles anxieuxrofitent d’un traitement TTC. De plus, ils prouvent’efficacité du programme TAFF pour les jeunes enfants pouresquels il n’existait jusqu’ici peu de manuels validés.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

emerciements

es auteurs veulent remercier Karine Jonnard pour son aidel’édition francaise.

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