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Classiques & Cie lycée Guide pédagogique de Thérèse Raquin © Éditions Hatier, 2011 1 THÉRÈSE RAQUIN, D’ÉMILE ZOLA GUIDE PÉDAGOGIQUE par Laurence Rauline POURQUOI ÉTUDIER THÉRÈSE RAQUIN ? 2 QUE PROPOSE CETTE ÉDITION ? 3 LE TABLEAU DE LA SÉQUENCE 6 LE GUIDE DES SÉANCES 7 Axe d’étude 1. Zola, le maître du naturalisme Séance 1. Zola ou « l’histoire naturelle et sociale » de la fin du XIX e siècle 7 Séance 2. Le bouleversement de l’esthétique romanesque : le naturalisme 9 Axe d’étude 2. Une tragédie moderne Séance 3. La violence fatale des passions 11 Séance 4. Thérèse Raquin, une tragédie à l’écran et sur la scène 12 Axe d’étude 3. Des « caractères » aux « tempéraments » Séance 5. Thérèse et Laurent, un couple meurtrier et « détraqué » 13 Séance 6. Camille et Mme Raquin, l’alliance pathologique de la mère et du fils 14 Séance 7. « L’âme est parfaitement absente » 14 Axe d’étude 4. Thérèse Raquin, une œuvre scientifique ? Séance 8. La modernité littéraire de Thérèse Raquin : l’écriture du réel 14 Séance 9. La folie ou le réel métamorphosé 16 Bilan d’étude Séance 10. Évaluation 17 LES CORRIGÉS DES SUJETS DE TYPE BAC 17 Sujet d’écrit 1. Descriptions de Paris Questions sur le corpus 17 Commentaire 18 Dissertation 19 Écriture d’invention 20 Sujet d’écrit 2. Les personnages féminins : femmes fatales ou victimes ? Questions sur le corpus 20 Commentaire 21 Dissertation 22 Écriture d’invention 23 Sujet d’oral 1. Le meurtre de Camille 23 Sujet d’oral 2. Le dénouement de Thérèse Raquin 24

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Classiques & Cie lycée Guide pédagogique de Thérèse Raquin

© Éditions Hatier, 2011 1

THÉRÈSE RAQUIN, D’ÉMILE ZOLA

GUIDE PÉDAGOGIQUE par Laurence Rauline

POURQUOI ÉTUDIER THÉRÈSE RAQUIN ? 2

QUE PROPOSE CETTE ÉDITION ? 3

LE TABLEAU DE LA SÉQUENCE 6

LE GUIDE DES SÉANCES 7

■ Axe d’étude 1. Zola, le maître du naturalisme Séance 1. Zola ou « l’histoire naturelle et sociale » de la fin du XIX

e siècle 7 Séance 2. Le bouleversement de l’esthétique romanesque : le naturalisme 9

■ Axe d’étude 2. Une tragédie moderne Séance 3. La violence fatale des passions 11 Séance 4. Thérèse Raquin, une tragédie à l’écran et sur la scène 12

■ Axe d’étude 3. Des « caractères » aux « tempéraments » Séance 5. Thérèse et Laurent, un couple meurtrier et « détraqué » 13 Séance 6. Camille et Mme Raquin, l’alliance pathologique de la mère et du fils 14 Séance 7. « L’âme est parfaitement absente » 14

■ Axe d’étude 4. Thérèse Raquin, une œuvre scientifique ? Séance 8. La modernité littéraire de Thérèse Raquin : l’écriture du réel 14 Séance 9. La folie ou le réel métamorphosé 16

■ Bilan d’étude Séance 10. Évaluation 17

LES CORRIGÉS DES SUJETS DE TYPE BAC 17

■ Sujet d’écrit 1. Descriptions de Paris Questions sur le corpus 17 Commentaire 18 Dissertation 19 Écriture d’invention 20

■ Sujet d’écrit 2. Les personnages féminins : femmes fatales ou victimes ? Questions sur le corpus 20 Commentaire 21 Dissertation 22 Écriture d’invention 23

■ Sujet d’oral 1. Le meurtre de Camille 23

■ Sujet d’oral 2. Le dénouement de Thérèse Raquin 24

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POURQUOI ÉTUDIER THÉRÈSE RAQUIN ? ■ Lire Thérèse Raquin au lycée

• Un roman naturaliste Thérèse Raquin est le premier grand succès de Zola, qui a vingt-sept ans lorsque l’œuvre paraît en 1867. Le roman s’inscrit fortement dans le contexte littéraire et culturel de mise en cause de l’esthétique romantique. Il rend compte également avec réalisme de la société du XIX

e siècle. Loin de toute forme d’idéalisme, l’ouvrage s’attache au corps et aux conséquences psychiques des désordres physiques liés au désir. Il a pour cette raison été l’objet de vives polémiques et considéré comme immoral. Zola, dans sa préface de la deuxième édition, doit défendre l’esthétique naturaliste qui définit ensuite le grand cycle des Rougon-Macquart. Avec les élèves, il est nécessaire d’appréhender l’écart entre les intentions de Zola, ses écrits théoriques et leur mise en œuvre. Le roman laisse en effet place à l’irrationnel et au fantasme, l’écriture est souvent éloignée de toute forme d’objectivité. Thérèse Raquin est une œuvre qui permet donc de saisir les caractéristiques et les limites d’un mouvement littéraire fondamental de la seconde partie du XIX

e siècle et d’accéder à un roman essentiel, autonome, dont la compréhension ne nécessite pas la référence à d’autres volumes. • Un destin de femme Dans le cadre de l’étude du personnage de roman en classe de première, Thérèse Raquin offre l’exemple intéressant d’un destin de femme. Mal mariée, elle ne s’épanouit pas avec Camille. Elle connaît le sort de beaucoup de femmes de son époque, contraintes d’accepter le mari qui leur a été attribué. L’adultère qu’elle commet est moralement condamnable, mais le lecteur contemporain peut considérer que son aspiration à davantage de liberté et de bonheur est légitime. Le regard que porte Laurent sur elle est souvent marqué par l’inquiétude, l’incompréhension, voire la désapprobation. L’amant craint que le désir de Thérèse ne l’entraîne sur une voie trop dangereuse. La femme est présentée comme une créature immorale, qui ferait de lui une victime, et non un coupable, malgré le meurtre. L’homme, face à la femme désirée, se déresponsabilise. Le discours sur le personnage féminin tend à révéler la difficulté pour la femme d’exprimer et de vivre son désir au XIX

e siècle, dans un monde dominé par le pouvoir masculin. Cette réflexion, qui s’appuie sur l’analyse du personnage de Thérèse, garde certainement, pour des jeunes gens d’aujourd’hui, toute son actualité. ■ Thérèse Raquin et les objets d’étude des programmes

Objet d’étude Aspects de l’œuvre

Le roman et la nouvelle au XIX

e siècle : réalisme et naturalisme (2nde)

• La structure du roman • Thérèse Raquin et l’affirmation de l’esthétique naturaliste

Le personnage de roman, du XVII

e siècle à nos jours (1re) • Thérèse Raquin, Laurent et Camille ou le désenchantement du héros romantique : la maladie, la folie, la mort • La vision du monde de Zola : la noirceur du réel, la fin de l’idéal

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QUE PROPOSE CETTE ÉDITION ?

Que contient le livre de l’élève ?

■ Un texte annoté

Le livre de l’élève comprend la Préface écrite par Zola pour la deuxième édition, le texte annoté de Thérèse Raquin, la nouvelle « Un mariage d’amour », écrite un an auparavant (1866) par Zola, puis un dossier. L’objectif général de ce dossier est de guider l’élève dans sa découverte du roman de Zola et de lui fournir différentes ressources, pour mettre en perspective l’œuvre étudiée et ainsi mieux préparer l’épreuve anticipée de français au baccalauréat. ■ Des repères clés

La première partie du dossier (p. 279-287) permet à l’élève de situer l’œuvre dans son contexte et de définir en particulier les éléments essentiels de l’esthétique naturaliste. Les élèves pourront également y trouver des repères biographiques qui leur permettront de comprendre l’importance majeure de Zola pour la littérature, voire pour l’Histoire. Ils seront en mesure de situer le roman par rapport aux autres œuvres de l’écrivain, et en particulier par rapport au cycle des Rougon-Macquart. ■ Des fiches de lecture

Cette partie du dossier propose une lecture critique de l’œuvre, qui se structure autour de trois axes : – Les personnages ou l’étude des tempéraments (p. 289-292) ; – Thérèse Raquin, une tragédie moderne (p. 293-296) ; – Du naturalisme au fantastique (p. 297-300). ■ Des documents complémentaires

La partie « Thèmes et documents » (p. 301-311) propose ensuite des documents complémentaires. Les instructions officielles imposent en effet d’inscrire l’étude de l’œuvre complète dans une perspective plus large à travers un ou deux groupements de textes. Les deux groupements de textes et documents iconographiques (2e et 3e de couverture) se fondent ici sur une base thématique. • Descriptions de Paris La description est un élément essentiel du réalisme, dans le roman de Zola. Elle permet d’appréhender la fécondité, mais aussi les limites de l’ambition d’évoquer le réel avec objectivité. Dans le roman du XIX

e siècle, Paris est une ville très souvent décrite. La description situe les faits dans un cadre spatial précis. Elle fait parfois aussi de Paris un véritable personnage du roman, fascinant et inquiétant, voire un véritable mythe. On peut inviter les élèves à s’interroger sur les modalités et les fonctions de la description, ainsi que sur la vision du monde qu’elle révèle. • Les personnages féminins : femmes fatales ou victimes ? Thérèse Raquin est un personnage représentatif de l’image des femmes dans le roman. C’est une femme fatale, qui prend au piège de sa séduction l’homme qu’elle rencontre pour l’entraîner vers la mort. Mais elle est elle-même victime de la passion. Elle n’échappe pas à la mort. Le topos de la femme fatale, qui réactualise et décline quelques figures féminines de la mythologie ou de la culture judéo-chrétienne (Circé, Médée, Salomé…) n’est pas dénué de préjugés misogynes. Il témoigne d’un regard

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masculin porté sur la femme, objet de désir, toujours suspect de constituer une menace. ■ Des exercices préparant aux épreuves du baccalauréat

Le dossier se clôt sur une partie « Objectif bac » (p. 313-317) qui propose des sujets conformes aux exercices du baccalauréat : ils constituent des entraînements utiles dans l’optique de l’examen. 1. Les sujets d’écrit (p. 313-315) Les exercices proposés sont, pour chaque sujet : – des questions sur le corpus, qui invitent à présenter une analyse précise, comparée et organisée des documents ; – un commentaire composé portant sur un extrait de Thérèse Raquin avec, pour les séries technologiques, des axes de lecture ; – une dissertation, que l’élève peut traiter en s’appuyant sur le corpus et sur sa culture générale ; – une écriture d’invention, qui permet d’évaluer la compréhension de la problématique sur laquelle repose le corpus ainsi que la capacité à développer une réponse conforme au sujet et, si possible, bien écrite et originale. • Descriptions de Paris Il s’agit de permettre aux élèves de réfléchir sur les fonctions de la description, qui est un aspect fondamental de l’esthétique réaliste et du naturalisme. Les passages descriptifs ont souvent la réputation d’être ennuyeux, et la tentation est grande de ne pas les lire. Pourquoi lire les descriptions, qui semblent exiger de nous un effort de concentration et d’analyse plus important que les passages strictement narratifs ? Telle est la question sur laquelle ce sujet demande de réfléchir. • Les personnages féminins : femmes fatales ou victimes Le sujet propose de s’interroger sur la vision du monde, et peut-être sur les clichés ou les préjugés, qui sous-tendent la représentation des personnages féminins en littérature. Il s’agit d’inviter les élèves à considérer le personnage comme une création révélatrice du point de vue de l’auteur sur le réel, et non comme l’image d’une véritable personne. 2. Les sujets d’oral (p. 316-317) Les deux sujets d’oral complètent cette partie : ils posent une question précise sur un extrait de l’œuvre, puis donnent des exemples de questions susceptibles d’être posées dans l’entretien. Ces questions permettent de vérifier la compréhension plus large de la pièce, les connaissances relatives à l’objet d’étude et l’acquisition de quelques éléments de culture générale. • Le meurtre de Camille Il s’agit d’un moment déterminant dans le roman, qui précise les portraits de Thérèse et de Laurent et d’analyser le basculement du récit vers le tragique. • Le dénouement de Thérèse Raquin Le dénouement permet d’étudier le point d’aboutissement du glissement des personnages vers la folie. Thérèse et Laurent sont châtiés pour leur crime ; Zola montre ainsi que la morale, d’abord bafouée par les amants, triomphe finalement.

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Que contient le guide pédagogique ?

Le guide pédagogique constitue un prolongement de l’ouvrage destiné aux élèves. Il est destiné aux enseignants, pour faciliter l’étude de l’œuvre en classe. Il s’appuie sur une proposition de séquence pédagogique, présentée sous forme de tableau synthétique, et dont chaque séance est ensuite détaillée. Il contient également les corrigés des différents exercices et sujets proposés dans le livre de l’élève.

Bibliographie et sitographie

Zola, Œuvres complètes (15 vol.), Tchou, « Cercle du Livre précieux » (1966-1969). ■ Études critiques

DEZALAY Auguste, Lectures de Zola, Armand Colin, « U prisme », 1973. MITTERAND Henri, Zola et le naturalisme, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1986. ■ Quelques sites

http://emilezola.free.fr http://expositions.bnf.fr/zola/index.htm ■ Filmographie

Thérèse Raquin de Marcel Carné, 1953, avec Simone Signoret, Raf Vallone. Thérèse Raquin de David Leveaux, USA, 2001 ■ Théâtre

Thérèse Raquin, adaptation pour le théâtre par Philippe Faure, 2008.

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LE TABLEAU DE LA SÉQUENCE

Objectif général Support(s) d’étude

Travail proposé

Axe d’étude 1. Zola, le maître du naturalisme

Séance 1 Zola ou « l’histoire naturelle et sociale » de la fin du XIXe siècle

• Comprendre le contexte historique et biographique de l’œuvre : montrer la place déterminante de Zola dans l’histoire de la littérature • Inscrire Thérèse Raquin dans l’ensemble de l’œuvre de Zola • Évoquer la notion d’engagement

• Repère 2 • Lecture cursive : préface de La Fortune des Rougon

Séance 2 Le bouleversement de l’esthétique romanesque : le naturalisme

• Définir les caractéristiques essentielles d’un mouvement littéraire : le naturalisme

• Repères 1 et 2

• Analyse d’un document iconographique • Questionnaire de lecture

Axe d’étude 2. Une tragédie moderne

Séance 3 La violence fatale des passions

• Étudier la composition du roman et remarquer la succession implacable des événements

• Fiche 2 • Élaboration d’un tableau de synthèse des différentes étapes du récit • Analyse d’un document iconographique • Travail d’écriture : transposition d’une scène du roman en scène de théâtre

Séance 4 Thérèse Raquin, une tragédie à l’écran et sur la scène

• Envisager les adaptations du roman comme les fruits d’interprétations différentes • Comparer une adaptation pour le cinéma et une adaptation pour le théâtre

• Repère 3 • Présentation d’extraits du film de Marcel Carné et de la mise en scène de Philippe Faure

Axe d’étude 3. Des « caractères » aux « tempéraments »

Séance 5 Thérèse et Laurent, un couple meurtrier et « détraqué »

• Étudier les personnages et analyser la vision de l’homme et du monde qu’ils traduisent

• Fiche 1 • Lecture analytique : les amants face à la brutalité du désir (chap VI) • Établissement des « tempéraments » de Thérèse et de Laurent

Séance 6 Camille et Mme Raquin, l’alliance pathologique de la mère et du fils

• Envisager un autre couple de l’œuvre, qui fait obstacle à celui des amants

• Fiche 2 • Exposés • Lecture analytique : la description de Camille à la morgue (chap. XIII)

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Séance 7 « L’âme est parfaitement absente »

• Envisager la mise en œuvre dans le roman de l’ambition affirmée dans la préface : le refus de la psychologie et de la notion de remords, l’attention prêtée exclusivement au corps désirant et souffrant

• Fiche 2 • Lecture analytique : le meurtre de Camille (chap. XI)

Axe d’étude 4. Thérèse Raquin, une œuvre scientifique ?

Séance 8 La modernité littéraire de Thérèse Raquin : l’écriture du réel

• Étudier l’importance de la description. Repérer l’omniprésence de la saleté, de la grisaille, de la mort • Mesurer les écarts entre l’ambition de Zola (précision, objectivité) et la mise en œuvre littéraire de cette ambition • Évoquer les polémiques que l’esthétique naturaliste a fait naître et la difficile réception de l’œuvre

• Repère 1 • Fiche 3

• Lecture cursive : lettre de Sainte-Beuve (10 juin 1868)

Séance 9 La folie ou le réel métamorphosé

• Envisager le glissement de l’esthétique romanesque du réalisme au fantastique • Donner quelques éléments de définition du fantastique.

• Fiche 3 • Lecture analytique : le chat François (chap. XXX) • Lecture cursive du poème de Baudelaire « Le Chat »

Bilan d’étude

Séance 10 Évaluation

• Mettre en œuvre les connaissances et les savoir-faire acquis

• Corpus du sujet d’écrit 1

• Sujet d’écrit 1

LE GUIDE DES SÉANCES

Séance 1. Zola ou « l’histoire naturelle et sociale » de la fin du XIX

e siècle

Zola est un auteur majeur de la littérature française, que les élèves doivent connaître. En s’appuyant sur le repère 2 du dossier, on montrera l’importance de son œuvre romanesque. On insistera également sur la place de Zola dans son époque et sur son influence en tant qu’écrivain engagé. ■ Zola, l’historien d’une époque ?

• Thérèse Raquin est l’une des premières œuvres de Zola. Le roman donne une image de ce qui définit, quelques années plus tard, le cycle des Rougon-Macquart. Il se déroule à Paris, dans un milieu précis (commerçants, fonctionnaires), à la fin du XIX

e siècle. Mais l’influence du milieu sur les personnages y est faible. Les enjeux du roman sont intemporels et ne sont liés à aucune classe sociale : il y est question des conséquences désastreuses du désir. • Avec les Rougon-Macquart, l’inscription dans un milieu particulier prend davantage d’importance : Zola entend écrire « l’histoire naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire ». Il explore les différentes couches de la société, pour étudier les conséquences de l’appartenance à un milieu donné sur le destin des personnages. On

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définira avec les élèves ce qu’est un cycle romanesque, c’est-à-dire un ensemble de romans qui forment une unité, souvent caractérisé par le retour de mêmes personnages. • Pour mieux comprendre le projet de Zola, on pourra proposer aux élèves la lecture cursive de la préface du premier volume des Rougon-Macquart : La Fortune des Rougon (1871). Zola y explique qu’il veut raconter l’histoire d’une famille pour mettre en évidence, d’une manière qui se veut scientifique, le poids de l’hérédité. On insistera sur l’importance, pour Zola, « des tempéraments et des milieux ». Le tempérament, au contraire du caractère, ne suppose pas une analyse psychologique. Il peut être l’objet d’une étude quasiment scientifique. Les travers et les vices de la famille dont Zola envisage le destin doivent être considérés comme représentatifs de ceux du Second Empire, que l’auteur considère comme une « étrange époque de folie et de honte. »

Je veux expliquer comment une famille, un petit groupe d’êtres, se comporte, dans une

société, en s’épanouissant pour donner naissance à dix, à vingt individus, qui paraissent,

au premier coup d’œil, profondément dissemblables, mais que l’analyse montre

intimement liés les uns aux autres. L’hérédité a ses lois, comme la pesanteur.

Je tâcherai de trouver et de suivre, en résolvant la double question des tempéraments et

des milieux, le fil qui conduit mathématiquement d’un homme à un autre homme. Et

quand je tiendrai tous les fils, quand j’aurai entre les mains tout un groupe social, je ferai

voir ce groupe à l’œuvre, comme acteur d’une époque historique, je le créerai agissant

dans la complexité de ses efforts, j’analyserai à la fois la somme de volonté de chacun de

ses membres et la poussée générale de l’ensemble.

Les Rougon-Macquart, le groupe, la famille que je me propose d’étudier a pour

caractéristique le débordement des appétits, le large soulèvement de notre âge, qui se rue

aux jouissances. Physiologiquement, ils sont la lente succession des accidents nerveux et

sanguins qui se déclarent dans une race, à la suite d’une première lésion organique, et qui

déterminent, selon les milieux, chez chacun des individus de cette race, les sentiments,

les désirs, les passions, toutes les manifestations humaines, naturelles et instinctives,

dont les produits prennent les noms convenus de vertus et de vices. Historiquement, ils

partent du peuple, ils s’irradient dans toute la société contemporaine, ils montent à toutes

les situations, par cette impulsion essentiellement moderne que reçoivent les basses

classes en marche à travers le corps social, et ils racontent ainsi le Second Empire, à

l’aide de leurs drames individuels, du guet-apens du coup d’État à la trahison de Sedan.

Depuis trois années, je rassemblais les documents de ce grand voyage, et le présent

volume était même écrit, lorsque la chute des Bonaparte, dont j’avais besoin comme

artiste, et que toujours je trouvais fatalement au bout du drame, sans oser l’espérer si

prochaine, est venue me donner le dénouement terrible et nécessaire de mon œuvre.

Celle-ci est, dès aujourd’hui, complète ; elle s’agite dans un cercle fini ; elle devient le

tableau d’un règne mort, d’une étrange époque de folie et de honte.

Cette œuvre, qui formera plusieurs épisodes, est donc, dans ma pensée, l’Histoire

naturelle et sociale d’une famille sous le Second Empire. Et le premier épisode : La

Fortune des Rougon, doit s’appeler de son titre scientifique : Les Origines.

Émile Zola.

Paris, le 1er

juillet 1871.

La Fortune des Rougon, Préface.

• On peut montrer rapidement aux élèves que Zola, dans son œuvre, rend compte avec précision du contexte économique, politique et social particulier à cette époque. Il mène du reste un important travail de documentation et de recherche, parfois sur le terrain. Le Second Empire est un temps d’urbanisation et de fort développement

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économique. Les villes se peuplent de petits artisans, commerçants et ouvriers, venus des campagnes. Paris change profondément et connaît une importante croissance démographique. La ville prend progressivement le visage de l’agglomération moderne qu’elle est aujourd’hui. Sous l’impulsion d’Haussmann, qui conduit de 1852 à 1870 une ambitieuse politique de rénovation, elle perd ses caractéristiques héritées du Moyen Âge : de larges boulevards sont créés pour répondre aux questions de circulation, d’assainissement et d’hygiène, mais aussi pour faciliter le contrôle policier sur d’éventuelles émeutes (cf. La Curée, 1872). Paris voit également se développer les grands magasins, ce dont Zola rend compte dans Au Bonheur des Dames (1883). Le chemin de fer est un autre symbole de la modernité (cf. La Bête humaine, 1890). Le Second Empire n’est toutefois pas seulement une période de prospérité. Il voit se développer la classe ouvrière, dont Zola met souvent en évidence la misère, parfois à l’origine de l’alcoolisme (cf. L’Assommoir, 1877) et les revendications (cf. Germinal, 1885). ■ Zola face à l’Histoire : le choix de l’engagement

• Zola prend position sur quelques-uns des débats essentiels de son époque, et en particulier dans l’affaire Dreyfus. Il l’exprime dans le très célèbre J’accuse, publié dans le journal L’Aurore du 13 janvier 1898. L’anaphore de « j’accuse » rythme l’article, dont voici la conclusion, sincère et humaniste :

Quant aux gens que j’accuse, je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n’ai contre

eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance

sociale. Et l’acte que j’accomplis ici n’est qu’un moyen révolutionnaire pour hâter

l’explosion de la vérité et de la justice.

Je n’ai qu’une passion, celle de la lumière, au nom de l’humanité qui a tant souffert et

qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n’est que le cri de mon âme. Qu’on

ose donc me traduire en cour d’assises et que l’enquête ait lieu au grand jour ! J’attends.

L’affaire Dreyfus marque la véritable naissance des « intellectuels » en France, l’intellectuel étant un homme d’esprit qui s’engage dans le débat public. Il faut toutefois noter que ce terme a été utilisé dans une perspective polémique par ceux qui ont critiqué l’engagement dreyfusard de Zola.

• Zola est un républicain, qui s’oppose fermement à l’Empire, dont il fait une description à charge dans l’ensemble de son œuvre : il met en évidence la corruption dominante, les faiblesses et l’immoralité du régime. Il dénonce également la misère ouvrière. Le peuple, souvent exclu de la littérature, trouve toute sa place dans son œuvre, c’est pourquoi on l’a souvent dit influencé par les idées socialistes. Il était certainement choqué par les inégalités excessives qui traversaient la société et sensible à la cause ouvrière, sans être forcément opposé au système capitaliste. Zola gagnait lui-même beaucoup d’argent et menait une existence qui le rapprochait davantage de la bourgeoisie que du peuple.

Séance 2. Le bouleversement de l’esthétique romanesque : le naturalisme

• On peut étudier plus précisément, dans un deuxième temps, le bouleversement de l’esthétique romanesque qu’a provoqué le naturalisme. C’est l’occasion de définir la notion de mouvement littéraire et de resituer le naturalisme dans son contexte historique, et plus précisément culturel. Il faut rappeler que ce mouvement, à la fin du XIX

e siècle, repose sur une contestation du romantisme, qui ne présenterait pas une image fidèle du réel. On peut s’appuyer sur le repère 1 pour définir les caractéristiques essentielles du naturalisme et préciser ce qui le différencie du réalisme.

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• Pour montrer aux élèves le bouleversement esthétique induit par ce mouvement, on peut analyser rapidement le document iconographique ci-dessous. On y voit Zola renverser, avec une grande audace, la statue de Victor Hugo, maître du romantisme et figure presque sacrée de la littérature. André Gil ne prend guère au sérieux Zola : il place à côté de lui un pot de chambre, qui lui sert d’encrier. Il s’agit d’une critique récurrente adressée au naturalisme de Zola, considéré comme vulgaire, voire scatologique. On peut se reporter à la préface de Thérèse Raquin, rédigée par l’auteur lui-même, et identifier les reproches auxquels ce dernier doit répondre : œuvre « nauséabonde », « tableaux obscènes », « flaque de boue et de sang, d’égout, d’immondice », « L’auteur de Thérèse Raquin est un misérable hystérique qui se plaît à étaler des pornographies »… Ces attaques très violentes mettent en cause la moralité du récit et la valeur esthétique du roman, qui n’inspirerait que du dégoût, du fait de la place exceptionnelle laissée au corps, dans ses souffrances et ses exigences les plus triviales.

André Gill, « Loisirs naturalistes » La Petite Lune, avril 1879

On peut se reporter à l’exposition virtuelle consacrée à Zola, sur le site de la BNF : http://expositions.bnf.fr/zola/index.htm

• Après avoir envisagé le contexte de l’écriture et avant d’entrer dans l’analyse précise de l’œuvre, on proposera aux élèves de répondre rapidement à quelques questions simples, pour faire le point sur leur connaissance de l’intrigue et des personnages. 1. Citez les lieux principaux du récit. 2. Quel lien de parenté unit Thérèse et Mme Raquin ? Dans quelles circonstances Mme Raquin accueille-t-elle Thérèse ? 3. Qui sont Michaud et Grivet ? Quel rôle jouent-ils dans le roman ? 4. Donnez quelques éléments essentiels du portrait physique de Laurent. Insistez sur l’effet de contraste produit par ce portrait par rapport à celui de Camille. 5. Laurent est-il un peintre de talent ? Justifiez votre réponse. 6. Quelle stratégie Laurent utilise-t-il pour dissimuler son meurtre ?

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7. Quels sont les arguments qui décident Mme Raquin à accepter le mariage entre Thérèse et Laurent ? 8. Le mariage apporte-t-il le bonheur aux amants ? 9. Commentez brièvement la phrase suivante : « [Thérèse et Laurent] tombèrent l’un sur l’autre, foudroyés, trouvant enfin une consolation dans la mort. » (chap. XXXII) Pourquoi peut-on dire que la mort constitue pour Thérèse et Laurent une « consolation » ? 10. Ce dénouement est-il moral ? Justifiez votre réponse. Séance 3. La violence fatale des passions

• Pour entrer dans la lecture de l’œuvre elle-même, on peut s’intéresser à la composition de l’œuvre et envisager le poids du registre tragique dans le roman, en s’appuyant sur la fiche de lecture 2. On proposera aux élèves d’établir un tableau de synthèse, pour déterminer les différentes étapes du récit. Il s’agira de mettre en évidence le cheminement implacable qui mène de l’insatisfaction de Thérèse au début de la passion, pour aboutir à la catastrophe finale. On pourra établir un parallèle entre la structure du roman et les cinq actes d’une tragédie classique. • On étudiera dans un deuxième temps l’importance de l’espace et du temps dans la composition de l’œuvre. L’intrigue apparaît comme très resserrée. Elle s’organise autour d’un espace limité. On pourra donc envisager les différents lieux de l’action, pour remarquer que le roman est caractérisé par une relative unité de lieu (brisée uniquement lors de l’escapade à Saint-Ouen), qui contribue à rendre légitimes les rapprochements avec le théâtre classique. Le temps est également très resserré. Le récit s’organise en différents actes, qui sont autant de moments de crise, paroxystiques, facilement identifiables : première étreinte entre Thérèse et Laurent, scène du meurtre, nuit de noces qui rend manifeste la fin du désir entre les amants, révélation de la culpabilité du couple à Mme Raquin, double suicide final. Certaines scènes se font écho, renforçant l’efficacité dramatique du récit. La nuit de noces, par exemple, constitue la reprise angoissée et déceptive de l’étreinte initiale entre Thérèse et Laurent. À l’inverse, le lecteur peut comprendre a posteriori que le roman comporte certains effets d’annonce. Le motif de la noyade en particulier est présent bien avant le meurtre de Camille : le portrait que Laurent fait du mari est déjà celui d’un noyé. Zola donne ainsi l’impression au lecteur que les événements se déroulent avec une grande rapidité et s’enchaînent de manière implacable. Il ne s’intéresse guère au temps long, en particulier à celui de l’attente qui suit le crime. L’attention du lecteur est mobilisée par les soubresauts de la passion, qui précipite de manière inévitable les personnages vers le crime puis vers le suicide. La passion est toujours à l’origine de l’action. Elle offre une image de la fatalité qui préside au destin des personnages. • Pour terminer, on peut proposer aux élèves la lecture d’une image, qui présente une image distanciée, car excessive et caricaturale, de la violence des passions dans l’œuvre. Sur cette affiche, Thérèse apparaît comme une femme lascive, abandonnée au désir. Elle n’est pas sans rappeler, par sa posture, l’Olympia de Manet. Elle regarde horrifiée le spectre de Camille, noyé qui surgit de l’eau pour lui interdire d’assouvir sa passion pour Laurent.

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Horace Castelli, affiche de Thérèse Raquin pour l’édition Marpon et Flammarion (1883)

Voir : http://expositions.bnf.fr/zola/grand/z042.htm

• On peut proposer aux élèves, pour préparer la séance suivante et vérifier leur compréhension des rapprochements possibles entre le roman et le tragique, de réécrire un passage de l’œuvre sous la forme d’une scène de théâtre (par exemple, la scène de la première rencontre entre Thérèse et Laurent, chap. V). Séance 4. Thérèse Raquin, une tragédie à l’écran et sur la scène

• On pourra, dans cette séance, comparer deux adaptations de Thérèse Raquin, au cinéma et au théâtre. Fiches techniques succinctes

Le film • Adaptation : Marcel Carné et Charles Spaak • Dialogues : Charles Spaak • Interprètes principaux : Simone Signoret (Thérèse Raquin), Raf Vallone (Laurent), Sylvie (Mme Raquin mère), Jacques Duby (Camille Raquin), Roland Lesaffre (Riton, le marin) • Sortie : 1953 • Lion d’argent au Festival de Venise (1953)

La pièce • Adaptation et mise en scène : Philippe Faure, assisté d’Emmanuel Robin • Scénographie et costumes : Alain Batifoulier • Création lumière : David Debrinay • Musique originale : Raphaël Vuillard • Avec Claire Cathy, Anne Comte, Jean-Claude Martin, Gilles Olen, Marc Voisin et la voix de Jean-Marc Avocat • Création : 2008

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• L’objectif est de montrer qu’une adaptation est toujours le fruit d’une lecture personnelle d’une œuvre. • On peut présenter aux élèves un extrait du film et celui correspondant de la pièce : par exemple, la scène du meurtre. On voit que Marcel Carné transpose la scène du meurtre dans un train. La machine et son bruit évoque la « bête humaine » de Zola. Elle donne une image du déchaînement des passions, dans un cadre symbolique de la modernité, de la révolution industrielle. Le meurtre n’est pas prémédité. Il n’est pas même désiré par Laurent, qui cherche à l’éviter. C’est la mesquinerie de Camille, sa méchanceté, qui poussent Laurent à accomplir l’inévitable. Dans la mise en scène de Philippe Faure, la dimension tragique du récit est d’emblée évidente. Le spectacle commence par le meurtre. Le suspense est donc nul. Il s’agit simplement d’observer la fatalité à l’œuvre, dans l’enchaînement des événements. Philippe Faure traduit l’intensité et la concentration du récit en retenant les épisodes les plus déterminants. Une voix off assure les transitions entre les différents tableaux. La mise en scène insiste ainsi sur la brutalité des passions, sur le désir exacerbé de Thérèse et sur la force animale de Laurent, dont Thérèse nous répète qu’il a un « cou de bœuf ». La musique, omniprésente, et les lumières, qui créent d’inquiétants et esthétiques effets de clair-obscur, en particulier dans la scène de la morgue, accompagnent cette mise en scène de passions à la fois banales et monstrueuses. • On peut également montrer aux élèves un entretien dans lequel Philippe Faure évoque son adaptation du roman. Il y commente entre autres le jeu des acteurs, qui n’hésitent pas à faire de leurs personnages essentiellement des corps animés par la violence et par le désir. De cette histoire, Zola a exclu toute forme de psychologie. Pour Philippe Faure, Thérèse Raquin est une « chorégraphie infernale » : l’actrice s’y livre en effet à une danse troublante et diabolique. Voir : http://www.dailymotion.com/video/x9ka33_philippe-faure-et-therese-raquin_creation

Séance 5. Thérèse et Laurent : couple meurtrier et « détraqué »

• Lecture analytique « Le lendemain, lorsque Laurent […] silencieux et brutal. » (chap. VI, p. 50-51, l. 104-131)

À travers l’étude de cet extrait, on pourra montrer que le couple formé par Thérèse et Laurent se fonde sur l’expression « sauvage » du désir, et sur l’assassinat symbolique de Camille, à travers le tableau. On pourra se fonder sur les pistes de lecture suivantes : – analyser l’expression du désir entre Thérèse et Laurent et en particulier la violence de leur union adultère, qui nous est présentée comme l’assouvissement presque bestial de leur attirance physique ; – montrer le caractère fatal de cette passion, d’emblée liée à la mort. On s’intéressera au caractère prémonitoire du portrait, qui annonce le destin de Camille. • En s’appuyant sur la lecture de cet extrait et sur la fiche de lecture 1, consacrée aux personnages, on établira les portraits de Thérèse et de Laurent. On montrera que Zola fait d’eux des cas pathologiques. Il a voulu étudier à travers eux des « tempéraments » et non des « caractères ». Thérèse et Laurent ne sont pas définis par une psychologie. Leur comportement est déterminé par leurs besoins physiologiques, par leurs instincts, presque à la manière des animaux. Ils ne sont pas libres. Zola nous propose une vision sombre de l’homme, dominé par la violence, étranger à toute forme de morale.

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Séance 6. Camille et Mme Raquin, l’alliance pathologique de la mère et du fils

• Pour l’étude de Camille et de Mme Raquin, personnages moins complexes que Thérèse et Laurent, on peut s’appuyer sur des exposés des élèves. • Lecture analytique « Au bout d’une semaine […] ce corps en putréfaction. » (chap. XIII, p. 107-108, l. 161-206)

Camille est un personnage faible, qui prend paradoxalement davantage d’existence dans le roman au moment de sa mort. Pour compléter son portrait, on peut s’appuyer sur la lecture de la description de Camille à la morgue. On fera remarquer aux élèves la précision de cette description, qui n’épargne pas au lecteur l’évocation des chairs en décomposition, suite à la noyade. On peut relever le champ lexical de l’horreur et du dégoût qu’inspire le corps. Camille, mort, devient un personnage inquiétant, dont on comprend que l’image va obséder Laurent.

• Mme Raquin est un personnage de rentière, attaché aux valeurs bourgeoises (l’argent, le travail, la famille), au début du roman. On montrera qu’elle accède à une dimension tragique, avec sa paralysie. Elle incarne les valeurs morales que les amants ont bafouées et l’ordre que le dénouement rétablit. Séance 7. « L’âme est parfaitement absente »

• Zola, dans la préface de l’œuvre, affirme : « L’âme est parfaitement absente ». Pour terminer l’étude des personnages, on pourra montrer que Thérèse Raquin est un roman des corps malades, décomposés, déchirés par le désir. Camille est malade : il n’est maintenu en vie que grâce aux tisanes de sa mère. À la morgue, le lecteur, à travers le regard de Laurent, est placé face au spectacle de son corps décomposé. Lorsque Thérèse et Laurent souffrent, Zola affirme que ce n’est pas à cause du remords. Leurs corps sont agités par l’angoisse, les hallucinations. Leurs sens sont perturbés, et non leurs consciences. Ils affirment d’ailleurs qu’ils tueraient à nouveau, s’ils en avaient l’occasion. • Lecture analytique « Laurent serra plus fort […] un morceau de chair. » (chap. XI, p. 91, l. 306-332)

Pour mettre en évidence la violence des pulsions et l’oubli de toute morale, on peut analyser la scène du meurtre (voir sujet d’oral 1). Séance 8. La modernité littéraire de Thérèse Raquin : l’écriture du réel

• On pourra s’intéresser à la modernité littéraire de l’œuvre, dans laquelle Zola s’efforce de proposer une analyse scientifique des cas incarnés par Thérèse et Laurent. Il s’agit de décrire le réel de la manière la plus objective possible. Pour étudier l’esthétique naturaliste dans l’œuvre, on pourra s’appuyer sur le repère 1 et sur la première partie de la fiche de lecture 3. On insistera en particulier sur l’importance de la description, censée traduire une vision réaliste, et non idéalisée, du monde. La description et la narration sont intimement liées : le comportement des personnages est influencé par leur milieu (milieu social, lieux dans lesquels ils vivent). Dans une perspective scientifique, Zola insiste sur les différents déterminismes qui pèsent sur eux. • On pourra montrer que cette esthétique a inspiré diverses polémiques en étudiant rapidement la réception de l’œuvre. On évoquera, avec les élèves, le célèbre article de Ferragus sur la « littérature putride », paru dans Le Figaro du 23 janvier 1868. Pour le

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journaliste, le roman heurte la bienséance et le sens classique du beau. Ferragus propose cette conclusion : « Ce livre résume trop fidèlement toutes les putridités de la littérature contemporaine pour ne pas soulever un peu de colère. […] Forçons les romanciers à prouver leur talent autrement que par des emprunts aux tribunaux et à la voirie. » Le souci de peindre le réel dans son intégralité, sans en exclure la dimension sordide, choque certains contemporains de Zola, peu habitués à l’exigence de vérité dans l’art. • On proposera aux élèves la lecture d’un autre point de vue sur l’œuvre de Zola : celui de Sainte-Beuve (1804-1869), plus nuancé et beaucoup plus indulgent à l’égard du romancier que celui de Ferragus. On pourra demander aux élèves de relever à la fois les réserves énoncées par le critique à l’égard de l’œuvre et les éloges qu’il adresse à Zola. Sainte-Beuve reconnaît le génie de Zola : il considère même que son œuvre peut faire date dans l’histoire de la littérature. Mais il met en cause la conformité du roman avec le projet naturaliste. Pour lui, la description du lieu sort du strict réalisme. Il doute également de la vraisemblance psychologique du comportement des personnages. Il invite à réfléchir sur l’écart entre les ambitions de Zola et leur mise en œuvre. La description, si elle se veut réaliste, n’en devient pas moins parfois « fantastique ». Plus généralement, Sainte-Beuve reproche à Zola une forme d’excès dans la noirceur, dans la brutalité de la description. Il affirme attendre une œuvre nouvelle, qui cherche davantage à satisfaire le public, en proposant une vision du monde certes audacieuse, mais plus plaisante.

Cher Monsieur,

Je ne sais si je vous enverrai cette lettre, car je ne me sens aucun droit de critique privée

sur Thérèse Raquin, et il me faudra bien une troisième sommation pour que je vous

obéisse.

Votre œuvre est remarquable, consciencieuse, et, à certains égards même, elle peut faire

époque dans l’histoire du roman contemporain.

Selon moi, cependant, elle dépasse les limites, elle sort des conditions de l’art à quelque

point de vue qu’on l’envisage ; et, en réduisant l’art à n’être que la seule et simple vérité,

elle me paraît hors de cette vérité.

[…] Dès les premières pages, vous décrivez le passage du Pont-Neuf : je connais ce

passage autant que personne et par toutes les raisons qu’un jeune homme a pu avoir d’y

rôder. Eh bien ! ce n’est pas vrai, c’est fantastique de description : c’est comme la rue

Soli, de Balzac. Le passage est plat, banal, laid, surtout étroit, mais il n’a pas toute cette

noirceur profonde et ces teintes à la Rembrandt que vous lui prêtez. C’est là une manière

aussi d’être infidèle. […].

Vos personnages d’ailleurs, si vous les avez faits exprès plats et vulgaires (excepté la

jeune femme qui a quelque chose d’algérien), sont ressemblants, bien présentés, analysés

en conscience, copiés avec probité. À vrai dire, si peu idéaliste que je sois, je me

demande bien si le crayon ou la plume ont nécessairement pour objet de choisir des

sujets vulgaires, sans nul agrément (je me le suis même demandé déjà au sujet de

Germinie Lacerteux de mes amis les Goncourt) ; je me suis persuadé qu’un peu

d’agréable, un peu de touchant, n’est point entièrement inutile, ne fût-ce que sur un point

ou deux, dans un tableau même qu’on veut faire parfaitement triste et terne. Mais enfin

je passe. Il y a un endroit où je trouve particulièrement du talent, au sens de l’invention :

c’est dans la hardiesse des rendez-vous : la page sur le chat, sur ce qu’il pourrait dire, est

charmante et cela ne rentre plus dans la copie pure et simple.

Je trouve encore un grand talent d’analyse et de vraisemblance (le genre admis) dans les

scènes préparatoires de la noyade, et dans celles qui suivent immédiatement.

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Mais là je m’arrête, et le roman me semble faire fausse route. Je prétends qu’ici vous

manquez à l’observation ou à la divination. C’est fait de tête et non d’après nature. Et, en

effet, les passions sont féroces. Une fois déchaînées, tant qu’elles ne sont pas assouvies,

elles n’ont pas de cesse. […] Aussi je ne comprends rien à vos amants, à leurs remords et

à leur refroidissement subit, avant d’être arrivés à leurs fins. Ah ! plus tard, je ne dis pas.

Quand la passion principale est satisfaite, on réfléchit, on voit les inconvénients : le

chapitre des remords commence…

Vous voyez mes objections, cher Monsieur. Ce qui ne m’aveugle pas sur le mérite

technique et d’exécution de bien des pages. Je désirerais seulement que le mot de vautrer

se rencontrât moins souvent, et que cet autre mot brutal, qui reparaît sans cesse, ne vînt

pas accuser la note dominante, qui n’a nullement besoin de ce rappel pour ne pas se

laisser oublier.

Vous avez fait un acte hardi : vous avez bravé dans cette œuvre et le public et aussi la

critique. Ne vous étonnez pas de certaines colères ; le combat est engagé ; votre nom y

est signalé : de tels conflits se terminent, quand un auteur de talent le veut bien, par un

autre ouvrage, également hardi, mais un peu détendu, où le public et la critique croient

voir une concession à leur gré, et tout finit par un de ces traités de paix qui consacrent

une réputation de plus.

Tout à vous.

Sainte-Beuve, Lettre à Zola, 10 juin 1868.

Séance 9. La folie ou le réel métamorphosé

La lecture de la lettre de Sainte-Beuve permet d’assurer une transition entre l’analyse du naturalisme de Zola et celle des écarts que l’on peut constater entre le projet esthétique et sa mise en œuvre. Dans le roman, le « détraquement » des personnages donne lieu à des perturbations dans l’évocation du réel. Le roman s’éloigne beaucoup du procès-verbal, de l’objectivité scientifique que voudrait Zola. Il prend, suite au meurtre de Camille, une dimension fantastique. • Lecture analytique « [Laurent] ne sortait, le soir […] sous les fenêtres. » (chap. XXX, p. 246-248, l. 239-283)

L’étude de cet extrait donne une image de cette esthétique, qui laisse place à l’irrationnel, au cauchemar et aux hallucinations. Le chat, sous le regard de Laurent, devient une réincarnation de Camille et un double de Mme Raquin. On peut montrer que ce brouillage des limites entre l’animal et l’humain, fruit des angoisses du meurtrier, confère une dimension fantastique à l’extrait. On s’appuiera sur les pistes de lecture suivantes : – L’angoisse et la violence de Laurent, qui réédite, en s’attaquant au chat François, le geste meurtrier qu’il a commis sur Camille ; – La dimension fantastique du regard porté sur le chat, auquel sont prêtées de caractéristiques humaines. Il serait une réincarnation inquiétante, et insupportable pour Laurent, de Camille, ainsi qu’un double de Mme Raquin : il incarnerait, tout comme elle, la conscience morale du meurtrier. • On peut proposer aux élèves, à titre de conclusion et d’ouverture, la lecture de la seconde partie du poème de Baudelaire, « Le chat ». On montrera ainsi que l’humanisation du chat est un lieu commun de l’évocation littéraire et poétique de cet animal.

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Le Chat

[…]

De sa fourrure blonde et brune

Sort un parfum si doux, qu’un soir

J’en fus embaumé, pour l’avoir

Caressé une fois, rien qu’une.

C’est l’esprit familier du lieu ;

Il juge, il préside, il inspire

Toutes choses dans son empire ;

Peut-être est-il fée, est-il dieu ?

Quand mes yeux vers ce chat que j’aime

Tirés comme par un aimant,

Se retournent docilement

Et que je regarde en moi-même,

Je vois avec étonnement

Le feu de ses prunelles pâles,

Clairs fanaux, vivantes opales,

Qui me contemplent fixement.

Baudelaire, Les Fleurs du mal (1857)

Séance 10. Évaluation

Cette séance sera consacrée à l’évaluation des élèves. On pourra leur proposer le sujet d’écrit 1, consacré aux fonctions de la description.

LES CORRIGÉS DES SUJETS DE TYPE BAC

Sujet d’écrit 1 : Descriptions de Paris (p. 313)

■ Questions sur le corpus

Le corpus présente diverses descriptions de Paris. Toutes témoignent d’une certaine fascination pour la vie débordante de la capitale, qui apparaît toutefois comme un lieu de contrastes importants entre l’ambition, la richesse des uns et la pauvreté des autres. Les descriptions confèrent une valeur poétique à la ville. Elles ont également pour fonction de nous éclairer sur le destin des personnages. 1. Paris est présentée comme une ville très peuplée et animée, que l’on peut éventuellement fuir au cours d’une promenade en bateau, comme le font Thérèse, Laurent et Camille à Saint-Ouen, lors de leur dramatique partie de campagne (cf. Thérèse Raquin, chap. XI et document 5). Dans le texte de Balzac, elle est qualifiée de « ruche bourdonnante ». Hugo insiste également sur l’activité des habitants de « l’énorme ville ». Le gamin de Paris ne s’arrête jamais, comme le montre la longue énumération des verbes d’action. Le passage du Pont-Neuf (cf. document 3) est bien représentatif de la capitale. Divers artisans et commerçants s’y côtoient. Les passants y défilent et constituent autant de « formes bizarres », anonymes, presque

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fantomatiques. Cette activité des habitants de la ville fascine Frédéric Moreau (cf. document 4), qui l’observe avec distance, du haut de son balcon, sans y prendre part. Il note toutefois le calme du quartier latin, privé de ses étudiants. Jacques Réda (cf. document 5), dans sa rêverie sur Paris, compare la circulation et les embouteillages à « d’entières forêts qui transhument » : le paysage urbain est rapproché de la nature. Paradoxalement, c’est une impression de « solitude » – dernier mot du texte de Réda – et d’anonymat que crée l’insistance sur l’agitation de la ville. • Les textes révèlent toutefois des visions très différentes de la ville. Pour Balzac, à travers le personnage de Rastignac, elle est le lieu de la richesse et de la réussite sociale. Frédéric Moreau rêve d’accéder à cette réussite, sans y parvenir. Pour Hugo, au contraire, elle abrite un monde « joyeux », populaire et parfois ignorant de la loi, qui peut paraître inquiétant. Zola nous en propose une image plus médiocre, grise. Réda ne s’intéresse guère aux habitants de Paris, qui apparaissent et disparaissent avec la magie de la « licorne », animal mythique. Il s’en tient à la poésie des lieux et des monuments de la ville. 2. Pour Rastignac, Paris, dont est évoqué un quartier riche, symbole de réussite, est un espace de conquête. Il lui lance ce célèbre défi : « À nous deux maintenant ! » Du résultat de sa confrontation avec Paris va dépendre son destin. Hugo décrit une figure mythique de la capitale : le gamin de Paris, que va incarner Gavroche. Cette description montre le goût de l’enfant pour la liberté. Elle annonce également sa fragilité. Dans l’extrait de Zola, la description fait du passage un lieu de mort. Le lecteur comprend qu’une tragédie va s’y jouer. Frédéric Moreau reste étranger à Paris. Le personnage est caractérisé par l’ennui, l’attente. Dans Les Ruines de Paris, Jacques Réda nous rend compte de sa propre rêverie sur Paris. Il témoigne du regard poétique qu’il porte sur la capitale, de sa capacité à dépasser les limites étroites du paysage urbain pour imaginer des espaces maritimes ou forestiers. ■ Commentaire

L’extrait est l’incipit du roman. Il a une fonction descriptive : il précise le cadre du récit. Thérèse Raquin, roman qui permet à Zola d’affirmer son esthétique naturaliste, accorde une grande importance à la description. Celle-ci se révèle-t-elle précise et réaliste, comme le voudrait Zola ? Les images ne confèrent-elles pas à l’évocation du lieu une dimension subjective, voire poétique ? I. Un incipit : la description précise du cadre du récit 1. La grisaille du lieu Le passage du Pont-Neuf est un lieu marqué par des lumières sombres. Zola donne une dimension très picturale à sa description. Il insiste sur l’obscurité, les couleurs sales (« jaunâtres », « blanchâtre », « verdâtres » : le suffixe -âtre a une connotation péjorative) qui caractérisent l’espace. Il nous fait également ressentir la vie du lieu, en évoquant les odeurs, l’humidité « âcre ». Tout est gris et laid dans ce passage étroit, précisément situé dans l’espace parisien : entre la rue Mazarine et la rue de Seine. 2. La misère des hommes Ceux qui habitent le passage s’inscrivent parfaitement dans ce paysage sombre et sale. Ce sont « des bouquinistes, des marchands de jouets d’enfant, des cartonniers ». Il s’agit d’un petit peuple hétéroclite d’artisans, de commerçants. Aucun d’entre eux ne reçoit d’identité. Zola attire simplement notre attention sur une « marchande de bijoux faux ». Elle incarne la pauvreté des habitants et des passants, ainsi que la médiocrité de la vie qui anime le passage.

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II. La dimension subjective de la description 1. Un lieu angoissant Le passage est étroit. Il n’inspire que de la crainte et du dégoût. Il est habité par la souffrance et par la maladie. La muraille est « comme couverte d’une lèpre et toute couturée de cicatrices ». Cet espace est vu comme un corps déformé par la misère. 2. L’omniprésence de la mort Les images font du lieu un tombeau. Les boutiques laissent « échapper des souffles froids de caveau ». Elles sont « autant de trous lugubres dans lesquels s’agitent des formes bizarres ». La description présente le cadre du récit. Elle annonce aussi la tragédie que vont vivre les personnages. Elle s’articule étroitement avec la narration. ■ Dissertation La description apparaît souvent comme un passage étranger au récit, voire ennuyeux, que le lecteur pourrait ne pas lire. N’a-t-elle qu’une valeur ornementale ? Dans quelle mesure éclaire-t-elle le récit ? I. La description : une pause narrative 1. Informer le lecteur La description permet d’informer le lecteur, en particulier dans un incipit. Elle présente le cadre du récit. Elle propose également le portrait des personnages. Elle définit ainsi les conditions de la compréhension de l’intrigue. C’est le cas de cet extrait de Thérèse Raquin. 2. Séduire La description peut avoir une fonction purement ornementale et mettre en évidence la beauté d’un lieu, d’un personnage ou d’un objet. Les images (comparaisons, métaphores) jouent alors un rôle fondamental. Dans le texte de Jacques Réda, elles rapprochent la place de la Concorde d’un espace « maritime ». II. La description : la narration continuée par d’autres moyens 1. Les lieux : des personnages ? Les lieux évoqués peuvent devenir de vrais personnages du récit et avoir une fonction dans la narration. Pour Zola, dans Germinal par exemple, la mine a une véritable existence. Elle est l’un des personnages du roman. Elle donne aux hommes les moyens de leur subsistance, en même temps qu’elle brise leurs vies. Les personnages mènent contre elle un combat héroïque, épique. Cette dimension de la description, qui s’éloigne du strict réalisme, se retrouve fréquemment dans les œuvres de Zola. La locomotive, dans La Bête humaine, peut également être considérée comme l’un des personnages du récit. 2. La révélation du destin des personnages Les descriptions, qu’elles portent sur des lieux ou des individus, révèlent parfois indirectement le destin des personnages. Elles ont une valeur symbolique. C’est le cas dans l’extrait de Thérèse Raquin : le passage du Pont-Neuf est un espace marqué par la mort, dans lequel les personnages ne pourront connaître qu’un destin tragique. Dans l’extrait de Flaubert également, la description de Paris révèle la fragilité du personnage de Frédéric : L’Éducation sentimentale est un roman de l’échec, dans lequel Frédéric ne parvient pas à devenir acteur ni de son histoire, ni de l’Histoire.

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■ Écriture d’invention On veillera à ce que l’élève respecte les exigences formelles de l’écriture d’une lettre. Le devoir doit également avoir une dimension argumentative et développer les fonctions de la description. Il pourra être écrit sur un ton polémique, car il s’agit de la réponse à une critique. Il devra mentionner des exemples précis, tirés du corpus et, si possible, de la culture personnelle de l’élève.

Sujet d’écrit 2 : Les personnages féminins : femmes fatales ou victimes ? (p. 314)

■ Questions sur le corpus

Une femme fatale est une séductrice, qui prend l’homme au piège de ses charmes, parfois pour le précipiter vers la mort. Il s’agit d’un lieu commun de la littérature et de l’art : ce personnage est un type récurrent, que l’on retrouve dans les romans de l’Antiquité à l’époque contemporaine. Comment se définit la femme fatale ? Ne peut-elle pas être considérée comme le fruit d’un regard masculin sur la femme, considérée comme une créature inquiétante, voire perverse ? 1. Manon, Circé, Dalila, Thérèse Raquin et Ariane sont des femmes qui entraînent les hommes dans une passion dévorante, qui cause leur perte. Circé est une femme qui prend les compagnons d’Ulysse au piège. Elle les transforme en pourceaux, en utilisant ses pouvoirs de magiciennes. Elle avilit l’homme, le prive de sa liberté et de sa dignité. Pour parvenir à ses fins, elle n’use pas de méthodes loyales. C’est par la ruse et par des moyens surnaturels, face auxquels les hommes sont impuissants, qu’elle affirme sa toute-puissance. Dalila ne fait pas davantage preuve de loyauté à l’égard de Samson. Vigny évoque avec amertume la « ruse » de la femme, qui profite du besoin d’amour de l’homme, et donc de sa fragilité. • Manon, Thérèse Raquin et Ariane sont des séductrices dont les pouvoirs n’ont pas de lien avec la magie ou avec la ruse, mais se révèlent tout aussi puissants. Ariane, dans l’extrait, se prépare pour recevoir celui qu’elle aime. À ce moment, la passion est encore heureuse. Mais la femme envisage des stratégies pour mieux séduire l’homme. Pour cela, elle renonce à toute forme de naturel et de spontanéité. La passion de Des Grieux pour Manon, dans l’extrait, qui en propose le dénouement, se révèle plus tragique. Manon a entraîné Des Grieux avec elle en Amérique, puis dans le désert, alors que le jeune homme avait devant lui un brillant avenir. Le récit qu’il fait de sa mort est marqué par le registre pathétique. Des Grieux exprime ainsi sa souffrance : « Pardonnez, si j’achève en peu de mots un récit qui me tue. » La violence du désir que Thérèse impose à Laurent est également « fatale ». Elle précipite l’homme à sa perte. Thérèse est vue comme une créature quasiment diabolique, qui ferait connaître à Laurent l’enfer : « On eût dit que […] des flammes s’échappaient de sa chair. » 2. Ces femmes que l’on dit fatales sont essentiellement coupables d’exprimer leur désir. Ce désir, pour l’homme, se révèle inquiétant, bien qu’il traduise simplement une forme de liberté de la femme et d’aspiration au bonheur. Circé demande à Ulysse de s’unir à elle. Thérèse veut également s’unir avec Laurent : elle a des « sourires passionnés » et elle n’hésite pas à se précipiter dans les bras de celui qu’elle aime. Ariane attend également Solal avec angoisse. Elle veut lui plaire. • Dans l’extrait des Destinées, Vigny développe un discours très explicitement misogyne. Pour lui, Dalila, la traîtresse, incarne un éternel féminin, toujours trompeur. La promesse de l’amour est fausse. C’est un piège, dans lequel l’homme ne peut

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malheureusement éviter de tomber. L’homme, dans le poème, apparaît comme une simple victime de la femme, définie par sa perversité. • La femme paie parfois de sa propre vie sa volonté de satisfaire son désir et d’être libre. C’est surtout pour elle-même qu’elle est fatale, avant de l’être pour les hommes. C’est ce que montre le destin de Manon, dont Des Grieux nous relate la mort tragique. ■ Commentaire

L’extrait décrit les débuts de la passion entre Thérèse et Laurent. Ces premiers temps sont fiévreux et témoignent de la violence de leur désir. Le lecteur n’est-il pas toutefois aussi conduit à envisager que cette passion va s’avérer « fatale » ? I. La passion naissante entre Thérèse et Laurent 1. L’expression du désir Le désir entre les amants apparaît comme une évidence. Thérèse et Laurent ne se posent aucune question. Ils ne parlent pas. Ils sont ensemble comme s’ils avaient été faits physiquement pour être l’un avec l’autre. L’attirance qu’ils ressentent est presque animale : elle se fonde sur le corps, sur les odeurs qu’il dégage. La virilité de Laurent, « un homme qui a de gros poings », nous est rappelée. Pour lui, Thérèse est « belle », « transfigurée » par le désir. Elle apparaît à Laurent avec tous les attributs de la séduction. 2. Les mensonges de l’adultère Thérèse et Laurent ne sont pas un couple légitime. Ils sont donc obligés de mentir et d’inventer des stratégies pour se rencontrer. Ils veulent se rencontrer « dans la chambre des époux ». Le plaisir de leur rencontre sera aussi celui de la transgression. Pour Thérèse, il s’agit de déjouer l’attention de Camille et de Mme Raquin. Pour Laurent il s’agit d’inventer des prétextes pour obtenir de son chef l’autorisation de s’absenter. Le seul témoin véritable de leurs rencontres pourrait être la marchande de bijoux, dont Laurent doit attendre qu’elle soit occupée avant de rejoindre son amante. II. Une passion inquiétante et « fatale » 1. L’inconscience des amants Les amants semblent avoir totalement oublié Camille. Ils ressentent « une tranquillité et une impudence parfaites. » Ils n’ont aucune conscience de commettre une faute. Ils sont libres et incroyablement audacieux, peu soucieux du regard d’autrui. Ils sont prêts à tout sacrifier pour satisfaire leur désir. 2. La souffrance du désir Pour Laurent, le désir est si violent qu’il en devient même une souffrance. Il éprouve des « voluptés cuisantes » ; « au bruit de chaque heurt, il sentait une brûlure qui lui traversait la poitrine ». Ces rencontres ne sont pas vraiment un plaisir. Laurent est attiré par Thérèse, irrésistiblement. 3. Une liaison « fatale » Ce qualificatif, employé dans la première phrase de l’extrait, suggère non seulement que l’union entre les amants était inévitable, mais aussi qu’elle va les conduire à la mort. Leur passion est évoquée avec des images récurrentes liées au feu, à la brûlure. Thérèse est vue comme un personnage presque diabolique, habité par une force irrationnelle. Elle est également décrite comme « tordue et ondoyante ». À l’image du serpent, elle précipite l’homme vers la faute et vers sa perte. Laurent, inconscient, ne trouve pas la force de résister à la tentation. Tous deux le paieront de leur vie.

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■ Dissertation Le projet de Balzac, dans le grand cycle que constitue La Comédie humaine, est réaliste. Il veut présenter des personnages que le lecteur pourrait rencontrer, qui sont des images des hommes tels qu’ils existent. Il affirme même vouloir « faire concurrence à l’état-civil ». Les personnages de roman ne doivent-ils pas plutôt être considérés comme des êtres de fiction, des créatures de papier ? I. Le personnage face à l’ambition réaliste 1. Une identité précise Les romanciers nous permettent de bien connaître les personnages qu’ils nous présentent. Ces derniers reçoivent un nom. Ils sont décrits avec précision, physiquement et moralement. Leur histoire est également présentée. Zola, par exemple, nous fait connaître très rapidement Thérèse Raquin. Il accorde aussi une grande importance au milieu auquel les personnages appartiennent et qui constitue un déterminisme essentiel pesant sur leur comportement. 2. L’identification du lecteur au personnage La précision de la description entretient l’illusion référentielle pour le lecteur, qui croit lire l’histoire d’un homme véritable, et non une fiction. Il est plus facile de s’identifier à un personnage que l’on connaît bien et dont les caractéristiques sont proches de celles des hommes ordinaires. Les personnages du roman réaliste ne sont pas des héros qui accomplissent des exploits extraordinaires. Ils sont décrits avec leurs faiblesses, leurs vices. Maupassant, lorsqu’il écrit Une Vie, entend évoquer une vie de femme parmi d’autres, un destin à la fois banal et exemplaire. Pour le lecteur, le plaisir de lire est parfois d’envisager le monde du roman comme un reflet du monde réel. II. Le personnage : une recréation littéraire de l’individu 1. Les limites du réalisme Le personnage est toujours l’objet d’un choix, d’une sélection arbitraire que le romancier opère dans le réel, en fonction de son point de vue, de sa propre histoire et de ses émotions. Mauriac affirme, dans Le Romancier et ses personnages : « Les héros de romans naissent du mariage que le romancier contracte avec la réalité. » 2. Un personnage complexe et inconnaissable Les sciences humaines, et en particulier la psychanalyse, imposent au romancier une vision de l’homme plus instable, moins univoque que celle développée à l’âge classique. Cette vision de l’homme a des conséquences sur la construction du personnage romanesque. Ce dernier n’est plus, dans le roman contemporain, l’objet de descriptions précises, qui définissent son statut social, son histoire. C’est essentiellement un être de fiction, un être de langage. Les personnages de Proust, dans À la Recherche du temps perdu, par exemple, sont des créations littéraires. Ils naissent de la vision du narrateur et sont les fruits d’une construction de l’écrivain. 3. La mort du personnage ? Dans le roman contemporain, au XX

e siècle, le personnage est déconstruit et sa mort est même prononcée par certains romanciers. Il ne reçoit pas toujours d’identité : le personnage principal du Procès de Kafka s’appelle K. Dans L’Étranger, Camus ne nous donne pas vraiment non plus l’occasion de connaître le personnage de son roman. Sa psychologie reste impénétrable.

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Le roman contemporain ne renonce toutefois généralement pas au personnage, qui reste un support essentiel d’entrée dans la fiction, pour le lecteur. Il nous présente simplement des personnages dont l’identité est problématique, en cours de construction ou en recherche d’elle-même, dont nous sont transcrits les soubresauts de la conscience, sous la forme fréquente du monologue intérieur. Le personnage contemporain est caractérisé par un questionnement parfois sans réponse. Il est insaisissable, toujours en mouvement. Il n’est plus, comme l’était le personnage classique, une unité cohérente et rationnelle, facilement identifiable et explicable. ■ Écriture d’invention Dans l’extrait, Zola nous présente le point de vue de Laurent sur Thérèse. On peut envisager ce que serait le regard de la femme sur l’homme : elle est peut-être fascinée par Laurent, peut-être inquiète également. Elle voit certainement en lui l’occasion d’être plus heureuse et moins frustrée qu’elle ne l’est avec Camille, son mari, qui ne lui offre qu’une existence insipide et médiocre. On s’efforcera donc de s’interdire les préjugés misogynes que révèlent fréquemment le regard de l’homme sur la femme, pour laisser parler le désir au féminin. On vérifiera que cet exercice d’écriture respecte les contraintes formelles du monologue intérieur.

Sujet d’oral 1 : le meurtre de Camille (p. 316)

■ Question

• Une analyse clinique des étapes du meurtre Zola, avec la rigueur de celui qui entend livrer une analyse scientifique des événements, nous présente les différentes étapes du meurtre : – la violence de Laurent ; – la résistance de Camille, qui tente de trouver en Thérèse une alliée, la réaction à la fois terrifiée et passive de Thérèse ; – la persistance de Laurent dans son intention meurtrière ; – la dernière tentative, désespérée, de Camille, pour sauver sa vie ; – la fin de Camille, jeté à l’eau par Laurent. Cette scène s’organise en différents actes d’une tragédie, dont le mécanisme implacable occasionne la fin de Camille. Cette fin est inévitable. La lutte est trop inégale. Camille mène un combat perdu d’avance contre la force brute de Laurent. • Le couple meurtrier – La froide brutalité de Laurent Laurent n’hésite à aucun moment. Sa figure est « convulsionnée ». Il se transforme en bête effrayante, animée par l’instinct meurtrier. C’est lui qui commet les gestes décisifs. Il est le seul à être actif dans la scène. Il commet le meurtre parfait, en l’absence de témoins susceptibles de le dénoncer. Il garde une maîtrise terrifiante de ses gestes. – L’effroi de Thérèse Thérèse, au contraire de son amant, est passive. Elle reste spectatrice de la tragédie, les yeux « fixés sur le spectacle horrible de la lutte ». Elle ne témoigne d’aucune compassion à l’égard de Camille. À aucun moment, elle ne cherche à éviter sa mort. – Thérèse et Laurent : un couple uni ? Thérèse laisse faire Laurent. Mais sa réaction extrême face à la mort de Camille, qui est le fruit de son tempérament nerveux, laisse présager les difficultés qu’elle connaît après le meurtre. Zola nous décrit ainsi ses symptômes : elle « resta pliée, pâmée, morte. » Cette conclusion nous montre qu’elle rejoint symboliquement son mari dans cette scène, plus que son amant, pour lequel elle n’a pas même un regard.

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• La malédiction du meurtre de Camille Ce meurtre fait peser sur le couple des amants une malédiction dont ils ne parviennent pas à se libérer. La morsure de Camille ne leur permet pas d’oublier leur faute. Camille a inscrit sa marque dans le corps de Laurent, de manière indélébile. Il a emporté une partie de la chair de son cou. Ce cou avait retenu l’attention de Thérèse, lors de sa première rencontre avec Laurent : « ce cou était large et court, gras et puissant » (chap. V, p. 41). Thérèse en avait fait une image de la virilité de son amant, opposée à la fragilité de Camille. Laurent a emporté avec lui un morceau de chair : il interdit ainsi aux amants de se retrouver et met irrémédiablement fin à leur désir. ■ Comme à l’entretien

1. Le personnage de Laurent est une brute, un cas pathologique, caractérisé par ses excès, qui acquiert toutefois une forme de fragilité sous l’effet de la déraison qui le gagne, après le meurtre. Il finit par inspirer autant de pitié que de terreur. Il n’est pas vraiment un « monstre ». Ignorant de la morale et exclusivement soucieux de son propre intérêt, il se laisse entraîner par la passion sur la voie dangereuse du crime, qu’il n’aurait pas choisie s’il n’avait pas été rendu fou par le désir. 2. Thérèse n’est pas une femme fragile. Elle nous est présentée comme manipulatrice. Elle n’hésite pas à mentir pour parvenir à ses fins. C’est elle qui donne à Laurent l’idée de sacrifier Camille, pour qu’ils puissent vivre leur passion. 3. Le geste que Laurent commet et que Thérèse laisse faire inspire au lecteur de l’horreur. Mais, dans le roman, les personnages ne nous sont pas présentés comme libres. Ils sont coupables, mais surtout victimes de leur passion et de leur tempérament, qui détermine leur comportement. Leur souffrance fait naître la pitié du lecteur, d’autant plus qu’elle les précipite vers le suicide. 4. Dans l’adaptation cinématographique du roman, Laurent ne commet pas le meurtre parfait : un homme est le témoin de son geste. Dans le roman, la force de Laurent, sa rapidité et son efficacité dans le mensonge, lui assurent l’impunité. Mais il profite aussi de l’aveuglement de Michaud et Grivet, caractérisés par leur bêtise. Personne ne se pose aucune question sur cet accident, malgré l’étrangeté du comportement des amants. 5 L’effet de suspense dans le roman ne repose pas, comme c’est généralement le cas dans le roman policier, sur la découverte de l’identité des coupables. Il s’agit plutôt de comprendre leur réaction après le meurtre et de connaître la nature du châtiment qu’ils vont recevoir. Zola se concentre sur la tragédie de Thérèse et de Laurent, sur leur souffrance, et non sur la résolution de l’énigme d’un meurtre.

Sujet d’oral 2 : Le dénouement de Thérèse Raquin

■ Question

Cette scène de double suicide apparaît comme le dénouement inévitable, fatal, de la tragédie. Elle constitue le châtiment des coupables. Ce dénouement est-il toutefois tragique ? Ne constitue-t-il pas, pour les personnages, un soulagement, par rapport à une vie devenue insupportable ?

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• Le point d’aboutissement de la tragédie Les meurtriers arrivent au bout de leur capacité à supporter la souffrance. La seule issue pour eux est la mort. Ils nous sont présentés « comme des enfants », fragiles et dignes de pitié. La scène évoque leur double suicide avec sobriété, rapidité, en évitant toute forme de pathos. La rapidité est signalée par ces expressions qui font de leur mort la conséquence de l’orage des passions : ils tombèrent « foudroyés », « Ce fut un éclair ». Les amants semblent paradoxalement davantage unis dans ce geste ultime qu’ils ne l’ont été dans leur existence. Ils partagent en effet le verre de poison qui met un terme à leur vie. • Un dénouement moral La présence de Mme Raquin, qui survit aux amants meurtriers, montre que la morale est rétablie par le châtiment de Thérèse et de Laurent. La vieille femme a obtenu la vengeance qu’elle désirait. Le pouvoir de Camille est également réaffirmé. La bouche de Thérèse heurte « la cicatrice qu’avaient laissée les dents de Camille ». Thérèse est ainsi contrainte, dans la mort, à embrasser cette cicatrice qui renvoie symboliquement à son mari. Le suicide signale les désastres occasionnés par le désir et Zola rappelle la primauté du couple légitime sur celui formé par l’adultère et le meurtre. • Une libération ? Pour les amants, prisonniers d’une « vie de boue », la mort est un choix courageux, alors que vivre est présenté au lecteur comme le choix de la lâcheté. Leur espoir est de trouver « une consolation dans la mort ». Il ne semble pas toutefois qu’ils choisissent le suicide. C’est un geste qui répond à leur « besoin immense de repos, de néant ». Comme pour les autres moments essentiels de leur vie, ils ne nous sont pas présentés comme libres. Ils n’ont pas d’autre choix que de mettre un terme à une existence qu’ils ne peuvent plus supporter. Leurs cadavres nous sont décrits comme « tordus, vautrés ». Zola insiste sur la matérialité de la mort, sur les corps. La mort met un terme à leur existence. Elle ne leur ouvre en aucun cas la voie de la liberté. Elle les précipite simplement, et désespérément, dans le néant. ■ Comme à l’entretien

1. L’esthétique naturaliste refuse toute forme d’idéalisation du réel. La scène finale du roman est très sombre. Elle ne donne à la mort des amants aucune dimension héroïque. C’est le point d’aboutissement d’une « vie de boue ». Zola présente également au lecteur leurs cadavres. La salle à manger est un espace qui rappelle la morgue, visitée par Laurent. 2. Le roman se déroule dans une lumière grise, sombre, sale, qui renvoie à la misère et à la médiocrité de l’existence. Les « lueurs jaunâtres » qui éclairent finalement la salle à manger rappellent les « dalles jaunâtres » du passage du Pont-Neuf, évoquées dans l’incipit. Cette grisaille contribue à l’atmosphère pesante, inquiétante, que Zola crée dans son œuvre. Les effets de clair-obscur favorisent également les hallucinations des amants. Lors de la nuit de noces, par exemple, Laurent montre à Thérèse « le coin d’ombre dans lequel il apercevait le visage sinistre de Camille ». Le retour du jour, « sale et blanchâtre » soulage à peine leurs angoisses (chap. XXI). 3. Le regard de Mme Raquin montre que la morale est rétablie par le dénouement. Camille est vengé, les meurtriers sont châtiés. Zola ne pouvait laisser le crime impuni. Son œuvre a choqué. Elle a été considérée comme obscène, immorale. S’il n’avait pas

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conduit leurs personnages vers la mort, il est probable que la polémique aurait été bien plus grande encore. 4. Pour les contemporains de Zola, le suicide est encore un tabou. Il est condamné par la religion. Il ne saurait donc véritablement être glorifié. Il est probable que, pour Zola, il ne conduise les amants qu’au néant. Thérèse et Laurent, dont il nous dit qu’ils ne sont pas inspirés par le remords, ne sauraient prétendre à la rédemption, qui suppose au minimum que le coupable ait conscience de ses fautes. Zola les laisse étrangers à toute morale et à toute considération relative à la religion ou au sacré. 5. Les femmes amoureuses sont souvent victimes de la passion. C’est le cas de Manon Lescaut, héroïne de l’abbé Prévost, de Mme Bovary de Flaubert, d’Albertine, femme aimée du narrateur de l’œuvre de Proust, entre autres. La passion, violente, dévorante, ne se vit jamais dans la durée. Elle constitue un moment de crise dans l’existence des individus, qu’elle détourne de leur quotidien ennuyeux, fait de l’éternel retour des mêmes événements insignifiants. Conformément à ce que suggère l’étymologie du mot, elle est indissociable de la souffrance. Elle est « fatale », aussi inévitable, par le charme puissant qu’elle revêt, que mortelle.